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Titre : Dictionnaire historique et archéologique du Pas-de-Calais. tome 3 / publié par la commission départementale des monuments historiques

Auteur : Haigneré, Daniel (1824-1893). Auteur du texte

Éditeur : Sueur-Charrey (Arras)

Date d'édition : 1873-1883

Contributeur : Van Drival, Eugène (1815-1887). Préfacier

Contributeur : Pas-de-Calais. Commission départementale des monuments historiques. Éditeur scientifique

Sujet : Pas-de-Calais (France) -- Histoire

Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb341071002

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 15 vol. ; in-8

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Description : Collection numérique : Fonds régional : Nord-Pas-de-Calais

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k361249

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 23/09/2008

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DICTIONNAIRE

DU

PAS-DE-CALAIS


DICTIONNAIRE \L.J^KZJ

HISTORIQUE ET ARCHÉOLOGIQUE

DU

DÉPARTEMENT DU PAS-DE-CALAIS

PUBLIÉ PAR LA

COMMISSION DÉPARTEMENTALE DES MONUMENTS HISTORIQUES

Arrondissement de Boulogne

"W-»-Wœ

TOME III

~~9~5

SUEUR-CHARRUEY, IMPRIMEUR-LIBRAIRE-ÉDITEUR 20 ET 22 PETITE-PLACE

1882


PRÉFACE

En se chargeant de tout l'arrondissement de Boulogne pour le Dictionnaire historique et archéologique du Pas-de-Calais, M. D. Haigneré entreprenait un rudetravail; mais nous savions que cette entreprise n'était pas une témérité, M. le Secrétaire perpétuel de la Société Académique de Boulogne ayant fait ses preuves il y a longtemps.

Aujourd'hui, nous pouvons regarder cette œuvre comme accomplie.

En effet, dans les vingt chapitres qui composent un premier volume, M. Haigneré a traité d'une manière complète de toute l'histoire de la ville de Boulogne, considérée sous ses divers points de vue. La conquête, les dominations successives, la religion, le commerce, les arts, l'industrie, la biographie, tout y a sa place, tout y est étudié avec soin.

Ce premier volume est une histoire de Boulogne, non pas faite de seconde main et sur pièces connues, mais souvent composée sur documents originaux et inédits, et toujours appuyée de la citation exacte des sources et éclairée par la critique. Cette his toire de Boulogne constitue une œuvre remarquable, jugée telle par les hommes compétents o'est un travail consciencieux, et qui restera.

Dans le second volume, outre les notices sur les cantons, puis.


que Boulogne-Ville a seul été l'objet du premier, on trouvera une autre histoire non moins difficile et non moins importante, celle de la Ville de Calais. Là aussi on pourra constater la sûreté des documents, la justesse des appréciations. L'histoire de Calais est, à certains égards, plus émouvante encore que celle de Boulogne on verra que l'auteur n'a pas été inférieur à la tâche qu'il a entreprise, et que nous avons aussi une nouvelle et bonne histoire de Calais.

Il y a dans ce volume un grand nombre de notices, toutes riches autant qu'il est possible de le faire avec les documents qui nous restent des siècles passés; il y a surtout l'histoire de Desvres qui attirera particulièrement l'attention.

Le troisième volume, qui paraît en ce moment, avril 1882, traite des cantons de Guînes, de Marquise et de Samer. La Maison de Guînes possède, à elle seule, toute une histoire, et ce pays tout entier est fertile en données archéologiques et surtout historiques, soit dans les temps anciens, soit surtout lors des luttes de la France et de l'Angleterre.

En somme, dans ces trois volumes si pleins de choses, M. Haigneré donne au département des notices sur une quantité de communes et de hameaux il fait l'histoire complète de plusieurs villes, dont deux importantes. Assurément, par ce travail exceptionnel l'érudit et laborieux auteur a, une fois de plus, bien mérité du Département et de la Commission des Monuments, qui a eu la bonne pensée de le lui demander et l'insistance qui a réussi à l'obtenir.

Arras, le 20 avril 1882.

Chanoine E. VAN DRIVAL,

Président de la Commission.


I. LES ORIGINES.-En remontant,au sortir du canton de Calais, la plaine marécageuse située entre le canal de St-Omer et la déclivité du plateau qui sépare le Boulonnais du Calaisis, on rencontre la ville de Guînes, autrefois capitale d'un comté qui n'a pas été sans renom dans l'histoire. C'est aujourd'hui le cheflieu d'un canton, composé de seize communes, formant un groupe dont elle occupe la lisière extrême, au nord-est. Sa superficie territoriale est de 2.608 hectares, avec 4.247 habitants. Les origines de la ville de Guînes se perdent dans la nuit du moyen âge. Suivant la légende, elle fut, sous la dynastie mérovingienne, l'apanage d'Hagneric, maire du palais de Théodebert II, roi de Bourgogne, à la fin du VIe siècle (1). Ses enfants, saint Walbert, abbé de Luxeuil, saint Faron, évêque de Meaux, sainte Fare, abbesse de Faremoutier, auraient commencé dans notre pays l'exercice de leur vocation religieuse. Le premier, saint Walbert, ne serait autre que le généreux seigneur de qui saint Bertin reçut le comté d'Arques, avec beaucoup d'autres domaines parmi lesquels Ipérius croit que se trouvaient Guînes Escalles et la plus grande partie du Calaisis. Les deux autres, saint Faron et sainte Fare, auraient fondé à Estrouannes et à (1) Quidam vir nobilis Hagnericus, Theodeberti conviva, vir sapiens et consiliis regis gratus (Vit. S. Cvlumban., ap. Bouquet, Ill, p. 481J.

DE GUINES

CANTON

VILLE DE GUINES


Sombres, près de la ville de Wissant, deux monastères que les Normands de Gormund et Isembart auraient détruits dans leurs excursions (1).

Mais, ni ces détails, ni ces données généalogiques, ne paraissent s'accorder avec les documents historiques les plus certains; car, saint Walbert de Luxeuil siégeait plus de quarante ans avant que saint Bertin vînt dans laMorinie; et les plus anciennes vies qui existent de saint Faron et de sainte Fare ne donnent à ces pieux cénobites aucun frère du nom de Walbert (2). La première mention que l'on trouve de l'existence de la ville de Guînes est de l'an 807, sous le nom de Gisna. Une dame qu'on appelait Lebtrude, et qui était restée veuve avec trois filles nommées IIildeberte, Nidlebus et Erpswid, y avait des propriétés dont elle fit donation à Nanthaire II, abbé de St-Bertin. L'acte en fut passé le 11 octobre, avec intervention des officiers publics factum Gisna villa publiee), en présence et sous la signature de cinq témoins, parmi lesquels on en remarque un qui prend la qualité de centenier (3), c'est à-dire de juge, ou de magistrat exerçant sous l'autorité du comte.

Il ressort de là que Guinestétait alors autre chose qu'une simple cilla, plus môme qu'un village ordinaire, probablement ce qu'on appelle généralement une ville, puisqu'il y avait des officiers de magistrature capables de donner un caractère officiel aux transactions particulières.

La donation de Lebtrude constituait un domaine assez important. Elle comprenait, en effet,des manses ou maisons ouvrières, avec une casa, ou maison de maître, des bâtiments divers ('casticiis, edificiis), probablement à usage de granges et d'étables, des prés, des pâtures, des terres labourables avec leurs chemins d'accès (permis) et leurs fossés d'écoulement (wadriscapis), en un mot avec tous leurs droits utiles. En retour, pour sa subsistance et celle de ses filles, Lebtrude stipulait que l'abbé de St-Bcrtin (1) Lamb. Ard., Cap. III-VI. Ipériug, chron. S. B., 1. X.

(2) Voit' les notes 19 à 25 de l'édition de Lambert par M. de Godefroy. (3) Cart. de Folquin, pp. 70, 71.


voudrait bien lui concéder en bénéfice, à titre viager d'usufruit et sous la redevance annuelle de deux pains de fromage, deux bonmers de terre que l'abbaye possédait à Eclémy (1). Une c'ause de l'acte indique jusqu'à un certain point la valeur du domaine dont Lebtrude se dessaisissait je veux parler de celle par laquelle, en cas de répétition de la part de ses héritiers, elle édicte contre eux une amende de six onces d'or (2) et de plusieurs livres d'argent, outre l'excommunication solennelle dont elle appelle les foudres sur leur tête.

Tous les biens que la noble veuve donnait ainsi à l'abbaye de St-Bertin se trouvaient situés, dit l'acte, au lieu nommé Gisna ou Totingetun, dans le Pagus Bononensis, sur la rivière Wasconingawala. On a beaucoup disserté sur ce texte, dans lequel on a voulu chercher renonciation de deux localités distinctes et très éloignées l'une de l'autre (3). A mes yeux, l'interprétation la plus simple est celle qui consiste à voir dans Totingeiun un hameau de Guines, disparu de la carte, et situé sur le cours du Gisnervlet rivière dont l'appellation mérovingienne Wasconingawala, est restée dans le nom de la Walle ou VOuèle, et peut-être aussi dans la Wotine, Wastinia ou Solitudo de Gisnes des chartes d'Andres (4).

Quoi qu'il en soit de ce dernier point,la donation de Lebtrude, quelque considérable qu'on la suppose, ne semble pas de nature à rendre compte de tout ce que l'abbaye de St-Bertin possédait à Guînes avant l'arrivée des Normands. En effet, un état des propriétés de cette maison religieuse, dressé vers le milieu du IXe siècle, nous montre que le domaine rural de Guînes comprenait 80 bonniers (5) de prairies, 148 bonniers de ter(1) Eeloum, in ipso pago Bononensi.

(2) L'once d'or, au titre légal de 900™, pesant 30 gr. 59, six onces équivalent aujourd'hui à une somme de 569 fr. 03 c., valeur monétaire. (3) Il existe un hameau de Todincthun sur Audinghen.

(4) Partem meam Wastiniœ quae jacet juxta boscum Lantershont, scilicet in parte oricntali (Spicil. II, col. 788, 2. E. C. ibid. 795, 1 A). (5) Le bonnier, d'après M. II. de Laplane. équivalait à environ trois mesures de St-Omer, ou un hectare, 6 ares, 38 centiares (Les abbé8 de S.-B, t. I, p- 4*.)


res à labour, 30 bonniers de bois de haute futaie, 40 bonniers de bois taillis, et un droit de vaine pâture égal à l'importance du reste, (de pastura communi siifficieriter). On n'y comptait pas moins de seize manses, dans lesquelles résidaient les ouvriers de la colonie, hommes et femmes, les uns libres (ingenui), les autres serfs (servi), plusieurs à l'état d'esclaves (mancipia). Les hommes libres faisaient deux jours de corvée par semaine, les serfs, trois jours. Les femmes serves étaient assujetties à confectionner chaque semaine un ouvrage de laine ou de lin qu'on appelait Iddmon et dont les lexicographes ne donnent pas la traduction précise (1) les femmes libres n'en devaient faire que la moitié d'un. Outre ces seize manses, il y en avait une autre, mansum dominicum, qui servait de demeure à un maire (major), probablement contre-maître de l'exploitation, ayant sous ses ordres un dizainier (decanus). Tous deux ont leur lot déterminé dans le partage des terres. Le document constate de plus l'existence de trois résidences seigneuriales, appelées casa dominica, dans lesquelles habitaient des individus investis des fonctions de régisseurs. Parmi ceux qui sont désignés par leur profession, je remarque deux intendants de bergeries (berbicarius) et trois hommes de cheval (caballarius). Ces derniers, d'après M. Courtois, étaient chargés d'acquitter, au profit du monastère, le service militaire dont il était tenu envers le roi, à raison de ses possessions (2). D'autres censitaires devaient aussi avoir des chevaux, car, au nombre des redevances qui leur incombent, on trouve celle de faire divers charrois, pour l'armée (adhost),pour les vignes, ou pour le monastère. Quant aux esclaves, ils sont en.sous-ordre et comptent pour des choses que l'on se contente de dénombrer.

Tout ce monde là porte des noms saxons. Ce sont Megentio, Harduin, Thiodrad, Stitwin, Roolf, Godobert, Adda. Ils sont cultivateurs, ils doivent labourer, faire la moisson, préparer (1) A propos des redevances dues sur le domaine de Poperinghe (p. 102 on les appelle eamsiles, peut-être des chemises.

(2J Aperçu histor., dans le livre des Anciens usaiges de la Conté de Guysnes, p. XLV.


chacun dix boisseaux de malt, six boisseaux de farine, livrer vingt œufs, trois poulets, ou payer des rentes en argent. Certaines terres sont assignées pour fournir du poisson., le plus qu'il sera possible (quanti possunt) sans en déterminer la quantité; d'autres paieront soixante pains de fromage, ou livreront six mesures (scxtarii) de miel. Enfin, dans la haute futaie, avec la glandée, on engraissera vingt porcs.

Tous ces détails de culture sont précieux pour l'histoire; car ils se rapportent aux environs de l'an 850!

Ajoutons que les interêts spirituels de la colonie (colonia, le mot y est) n'ont pas été négligés car, il y a la une église, In Gisna habet Ecclesiam, dotée de douze bonniers et de trois esclaves (1).

Il est difficile de croire que tout cela vienne da la donation de Lebtrude; et l'on doit penser que d'autres seigneurs, avant elle, y avaient contribué par des libéralités dont le souvenir s'est perdu. Après tout, pour n'avoir eu rien de commun avec saint Walbert de Luxeuil, ni même avec Walbert de Ponthieu, Walbert d'Arques n'en a pas moins existé. Nous n'avons plus la charte par laquelle il a remis entre les mains de saint Bertin ses nombreuses possessions, villam Arkas et rnulta alia prœdia (2). Rien n'empêche qu'on lui attribue, si l'on veut, la part la plus importaute dans la constitution de ce domaine rural. Je dis domaine rural, et non pas seigneurie; car il n'y a dans les anciennes chartes de Saint-Bertin aucun indice qui nous donne à penser que le haut domaine de la terre de Guînes ait jamais été l'apanage de cet établissement religieux. Lambert d'Ardres, à la fin du XIIe siècle, ne le croyait pas encore, et il a fallu la chronique d'Ipérius pour en. vulgariser l'opinion à une époque déjà très-éloignée des événements. Du Chesne s'y est laissé tromper (3) en interprétant d'une manière trop large la charte de Charles le Chauve, du 20 juin 877, dans laquelle ce (1) fart do Folquin, lib. II. xxxii. p. 105.

(2) Ibid. lib. I. vii, p. 27.

(3) Maison de Guines, p..7.


prince énumère les villas qui faisaient partie des propriétés du monastère de Sithiu (1). On y lit que ces villas étaient Wisernes, Thérouanne, Coyecque, Heuchin, Audrehem, Guînes, Escalle, Tubersent, Poperinghe etc.; mais oserait-on en conclure que l'abbaye de Sfint-Bertin avait la seignerie de toutes ces localités, de Thérouanne, par exemple ? On entendait par villas, dit avec raison M. Rapsaet, « une circonscription de propriétés rurales, jointes ou éparses, faisant corps et parties intégrantes, ou « indépendantes, du manoir du possesseur de toutes ces propriétés (2); et M. H. de Laplane, quelque porté qu'il soit d'ordinaire à prendre au sérieux les légendes féodales du moyen âge, n'hésite pas à traiter de fable et d'anachronisme l'idée accréditée par les moines, que le comté de Guînes aurait appartenu primitivement à l'abbaye (3).

Nous avons vu plus haut, à propos de la donation de Lebtrude, que Guînes faisait partie, en 807, du Pagus Bononensis, ou du Boulonnais. C'est direqu'il suivaitalors la condition de ce pays, et qu'il était soumis, comme tout le territoire de la cité de Boulogne, à la domination des marquis de Flandre et c'est à ce titre, aussi bien qu'en qualité de domaine rural de Saint-Bertin, qu'après la mort de Baudouin le Chauve, il passa aux mains d'Adalolphe, son héritier.

II. LES PREMIERS COMTES DE GUINES. Nous ignorons quelles vicissitudes eut à subir la terre de Guînes pendant la cruelle période des invasions normandes et je suis sans autorité pour contrôler d'une manière quelconque l'opinion de Lefehvre, historien de Calai qui nous apprend que ces barbares y ont détruit un monastère de filles, érigé sous révoque Atalphe, en l'honneur de sainte Rotrude.

C'est ce que l'on sait, qu'à la suite de ces invasions, cette partie de l'ancien Boulonnais commença à devenir un fief indépendant. De même que Charles le Simple, lasde lutter contre (1) Cart. de Folquin, lib. Il. lvi, p. 124.

(2) Cité dans les abbés de J. B. t. 1. p. 11 note.

(3) Ibid, t. II. p. 528 note 30.


les forces sanscesse renaissantes que les terribles enfants du nord lançaient périodiquement sur les côtes de France pourles ravager et les piller,permit enfin à Rollon de s'etablir dans la N eus trie comme vassal dela couronne, ainsi les marquis de Flandre, non moinsimpuissantsàprotéger leurs vastes domaines contredes ennemis trop souvent victorieux,permirent àSifrid le Danois de se fixer dans la ville de Guînes.Là,aussi, suivant l'expression d'un de nos meilleurs historiens, « Le mélange d'un peuple nouveau « fier et intrépide, régénéra en quelque sorte la nation française « et contribua à lui rendre son ancien courage. Ces hôtes danois « renoncèrent d'ailleurs à leur langageet à leurs anciennes cou« tumes, pour adopter le dialecte des vaincus et l'organisation « féodale (1). »

On n'est point d'accord sur la véritable nationalité de Sifrid, malgré la parenté qu'on reconnaît avoir existé entre lui et Knut Ier, l'un des princes souverains du Danemark. Lambert d'Ardres en fait un descendant de Walbert, comte de Ponthieu, et il cherche à le rattacher par là à la famille d'Hagneric, dont il aurait revendiqué les anciens domaines.mais cela nous reporte en plein dans la légende, tant est invétérée l'habitude des nouvelles dynasties, de se forger ainsi des origines lointaines! Pour ce qui est de Sifrid, aussitôt qu'il se fut établi dans la ville de Cïuînes., bourgade alors sans défense, il y fit élever une motte qu'il entoura de haies vives et qu'il ceignit d'un double fossé, pour s'y mettre à l'abri de toute attaque; puis il se rendit auprès du comte Arnoul le Vieux, à qui il prêta foi et hommage, dans l'abbaye de Saint-Bertin.Ceci se passait,suivant les calculs dc Lambert d'Ardres; aux environs de l'an 928; mais, comme en tout ceci il n'est fait aucune mention d'Adalolphe, peut-être faudrait-il penser que l'événement n'eut lieu qu'après la mort de ce dernier, supposer l'altération d'un chiffre,et lire 938. Une chose remarquable, c'est que le cartulaire de Folquin, écrit, comme l'on sait, en 961, ne dit pas un mot de cet acte d'usurpation, qui excite au plus haut point l'indignation d'Ipé(1) Am. Gabourd, Hist. de Fr. t. IV, p. 234.


rius Nouvelle preuve de l'inanité des allégations tardives que l'abbaye Audomaroise émit dans la suite, au sujet de sa prétendue possession du comté de Guines antérieurement au règne d'Arnoul le Vieux.

Je ne suivrai pas Lambert d'Ardres dans le détail des alliances et de la filiation des premiers comtes de Guînes. Comme généalogie, tout cela est fort incertain. Sifrid est mort, dit-il., en 961, laissant de sa femme Elstrude de Flandre, un fils nommé Ardolf, qui épousa Mahaut de L oulogne. De ce mariage naquit Raoul., prince prodigue et pillard,qui opprima ses sujets, fut dur au pauvre peuple, et finalement périt dans un tournoi où les siens le trahirent et le précipitèrent dans la Seine. Des bergers qu'il rencontra sur la route lui avaient prédit ce malheur, comme châtiment de ses crimes. C'était à Surques, dans les rapois, ou pâturages communaux, qui s'étendaient autour de la vieille motte de Mouflon, toujours subsistante, et au sujet de laquelle il existe un intéressant mémoire de MM. A. Courtois et Delmotte, dansles publications de la Société des Antiquaires de la Morinie (1).

Raoul s'était marié à Roselle de Saint-Pol, dont il laissa un fils, Eustache, qui lui succéda et qui assistait en 1052, suivant le récit d'Ipérius, à l'élévation du corps de saint Bertin. Bien différent de son père, il s'acquit un grand renom de justice et de bonté, ce qui lui valut, au témoignage de Lambert, une vie longue et heureuse, dans la compagnie de Suzanne de Gramines, son épouse.

Baudouin ier, fils d'Eustache, lui succéda, environ l'an 1060. Nous le trouvons en 1065 à Corbie parmi les témoins qui signent la charte du roi de France Philippe 1er en faveur de l'abbaye de Saint-Pierre d'Hasnon (2). C'est à l'initiative pieuse de Baudouin 1er qu'est due la fondation de l'abbaye d'Andres, dont les chartes nombreuses jettent une vive lumière sar l'histoire de toute la contrée, ainsi qu'on le verra en son lieu.

(1) Mém., t. vin. pp. 537-581.

(2) Du Chesne, preuves, p. 21


La terre de Guines se montre alors aux regards de l'historien comme une contrée fertile surtout en pâturages, soit dans les côteaux boisés qui bordent les hautes terres du côté du Boulonnais, soit dans les plaines basses et marécageuses où le flot des hautes mers venait de temps en temps lutter contre les eaux du Gisncrvlct. Dans ces marais, où nul habitant n'osait encore fixer sa demeure et qu'on appelait la Watine, ou le désert, Solitudo de Gisnes, les pâtres conduisaient en été leurs bestiaux, pour en brouter l'herbe aussi abondante que recherchée, moins que les faneurs ne préférassent en récolter le foin. On y exploitait aussi déjà la tourbe, dont l'usage était général et qui servait même à chauffer les appartements des plus nobles seigneurs. L'eau des rivières, utilisé comme force motrice, servait à faire tourner des moulins; et le Comte Baudouin en donna un avec son vivier, ou bassin de retenue sur, le territoire de Guînes, à l'abbaye d'Andres (1). Il y avait aussi en ce temps -là, comme aujourd'hui, d'excellents jardins maraîchers, hortos apud Gisnes, dont quelques-uns sont attribués, avec leurs colons, au nouvel établissement religieux par divers seigneurs de la cour de Baudoin 1er. L'agriculture n'y était pas moins en progrès. Partout nous voyons des terres à charrue, produisant du blé pour la nourriture de l'homme, et de l'avoine pour l'engraissement des troupeaux. On connaissait même déjà l'usage de marner les terres, pour en améliorer la production (2).

La population qui habite la terre de Guines paraît nombreuse et riche. Le chiffre des seigneurs qui forment la classe noble est très-considérable. Il y en a dans les moindres hameaux. Tous, à l'exemple de leur suzerain, rivalisent de générosité envers les églises. C'est à qui leur donnera des terres, des bois, des prés, des dîmes, des rentes censuelles; mais à la plus grande partie de ces libéralités, il faut l'assentiment du Comte, en sa qualité de souverain du pays.

Du reste, il y avait pondération dans l'exercice de la puis(1) Sedem molendini cum stagno apud Gisnes (ehroii. And., p. 783 G). (2) Ipsam terram marlaro fecit (Chron. Andr).


sance dont ce dernier était investi. En matière d'administration, dit M. Courtois (1), le comte n'était que le pair et le collègue de ses barons, et il ne pouvait engager les intérêts du comté sans prendre leur avis.

A cet effet, continue le même auteur, le Comte convoque autour de lui deux sortes d'assemblées, les Cours plénières et les Plaids généraux. L'une et l'autre se tiennent d'ordinaire trois fois l'an, aux trois Nataux, c'est-à-dire à Noël, à Pâques et à la Pentecôte (2).

« La Cour plénière se compose non-seulement des barons et des pairs, mais encore des membres de la famille du comte et des principaux seigneurs. C'est dans ces réunions, qui sont toujours des occasions de fêtes et de plaisirs, que le comte chausse lui-même l'éperon de chevalier à ceux de sa famille ou de ses vassaux qui méritent cette faveur c'est là qu'il approuve ou annule les aliénations de fiefs, que se vident les combats judiciaires des barons entr'eux, et que se traitent toutes les affaires qui intéressent le comté.

» La cour plénière était une assemblée purement aristocratique le plaicl général, au contraire, était une assemblée tout à la fois aristocratique et populaire, se réunissaient les chevaliers et les plébéiens, milites et laid, c'est-à-dire les hommes féodaux et les hommes cottiers ou tenants, les propriétaires de francs alleux nobles, et ceux des francs alleux roturiers en un mot tous les libres possesseurs du comté, quelle que fût la nature de leur possession.

» Ces grandes assemblées avaient principalement pour objet la déclaration et l'enregistrement des contrats de vente ou de donations immobilières; la déclaration et l'acquittement des droits de mutation de fiefs, héritages, ou francs alleux, tenus directement du comte, et enfin la fixation des droits de gîte ou (1) Aperçu hist sur le comté de G. et ses institutions (dans les Usaiges et anciennes coustumes de la conté de Guysnes, p. xxvii). (2) Ibid., p. xxviii et suiv.


de chevauchée, espèce de don gratuit, qui paraît avoir toujours été consenti au profit du comte.

» C'est le seul droit, ayant caractère d'impôt, que les habitants du comté de Guînes, qui ont toujours été exempts de tailles, de gabelles, d'aides et autres contributions, sauf en ce qui concernait les travaux d'utilité publique et locale, aient jamais consenti volontairement à'payer,mème après leur réunion à la couronne de France, et jusqu'à la Révolution.

» Pour en revenir aux plaids généraux, c'est dans une de ses assemblées, tenue en 1084, que les comtes de Guines, Baudouin Ier et Manassès son fils, enregistrèrent, pour servir de titre à l'abbaye d'Andres, les nombreuses donations faites à ce monastère par leurs vassaux. A cette assemblée étaient présents les chevaliers et les laïques de la région de Guînes hoc autan totum factum est in generalibus placitis apud Gisnes, prœsentibus militibus et laicis regionis Gisnensis (1). Cet enregistrement, où les donateurs se servaient de témoins les uns aux autres, était alors le seul moyen de se procurer un titre. Car, ainsi que le fait remarquer Guillaume d'Andres, non seulement les donateurs ne savaient pas écrire (2), mais ils n'avaient même pas de sceaux. Il n'y avait que les principaux seigneurs, terreni principes, qui en eussent un. »

On a vu plus haut que, parmi les seigneurs dent la cour de Guines recevait l'hommage féodal, il y en avait qui portaient le titre de pairs et de barons. Je ne saurais'dire à quelle époque il est permis de faire remonter l'établissement de cette hiérachie féodale. Les comtes de Flandre et ceux de Boulogne, les. seigneurs d'Ardres, la cour épiscopale de Thérouanne, avaient des pairs ou des barons dès le milieu du XIe siècle (3).Ceux de Guînes, dont il est parlé pour la première fois en 1084, ne paraissent pas avoir été de prime abord institués à titre héréditaire. Ils le devinrent sans doute par la suite, et nous voyons stipuler (1) Du Chesne, preuves, p. 27.

(2) C» premier membre de phrase n'pst. pas dans le texte de Guillaume d'Andres.

(3) Lamb. Ard., cap. XCXIX, et note 169.


pour eux en général, comme pares castelli, le privilége d'être ensevelis dans l'abbaye d'Andres avec leurs seigneurs et maîtres les membres de la famille comtale (1).

Bien que cela m'éloigne un peu de l'époque où je suis arrivé dans ces récits et dans ces considérations historiques, je ne veux pas remettre à plus tard de dire que les pairies du comté de Guînes,eutantquJonpeuten deviner les noms dans des listes que les greffiers du XVIe siècle ont fort mal transcrites (1), étaient 1° BouvelinghemArquingoud (ham. de Leulinghem-lez-Etréhem)SurquesEsclémy (ham. de Sanghem) 5° Fouquesolle (ham. d'Audrehcm) ou peut-être plutôt Fouquehove (ham. de Pernes); 6° Cousebronne, ou le Poirier, (on a écrit le Prieuré ham. d'Audrehem); 7° Recques; 8° Lostebarne (ham.de Louches); 9° Autingues 10° Nielles-lez-Ardres; 11° Campagne 12° Auderbrouck (inconnu). Les baronnies étaient 1° Andres; Balinghem 3° Fiennes 4° Licqucs 5° Val en Surques 6° Crézecque (ham. de Louches) 7° Courtebourne (ham. de Licques); 8° Hames 9° Ilermel'wghen 10" Zeltun (ham. de Polincove) 11° La Motte d'Ardres'; 12° Alembon. Quant à la liste qui en est donnée par le comte Arnoul Ilf, dans sa charte du mois de mai 1273, faisant le 3058 article des Anciens usaiges de la comté de Guysnes (p. 141), je ne la regarde pas comme un catalogue officiel des barons titulaires, mais plutôt comme une liste de témoins, appelés pour la circonstance et faisant office de barons, à défaut des absents sans quoi, il n'y a plus moyen de s'y reconnaître. Baudouin de Guînes mourut en 1091,laissant de Chrétienne.sa femme, autrement appelée Adèle, six enfants Manassès, qui lui succéda Foulques, qui fut à la grande Croisade et devint comte de Beirouth, Guy, que Lambert d'Ardres dit avoir été comte de Forois, Hugues, archidiacre de Thérouanne, Adèle, femme de Geoffroy de Semur, et Gisles, mariée à Wenemar, châtelain de Gand. Baudouin Ier, au témoignage de Lambert d'Ardres, était « un prince très-vaillant, si» gnalé en probité de mœurs, doué d'une prudence et modestie (1) Privil. d'inoc. III. de 1208 (chron. And.).


» singulière, sçavant aux lettres saintes, et grandement addon» né à la piété et dévotion (1). »

A Baudouin Ier succéda son fils aîné Manassès, que quelquesuns ont appelé Robert, du nom de Robert le Frison, comte de Flandre, son parrain. Lambert d'Ardres parle de lui avec un véritable enthousiasme. « C'était, dit-il, un prince très-renommé « et très-connu dans tout l'univers pour sa magnificence et sa gloire. Connu en France, connu en Normandie, très-connu « en Angleterre, il faisait de longs séjours à la cour du roi « Guillaume, il épousa Emma, fille du chambellan Robert de « Tancarville et veuve d'Eudes de Folkestone (2). » L'un des premiers actes des deux nouveaux époux fut d'abolir le servage, qui existait encore dans la contrée. En effet, à côté des hommes de fief et des hommes libres qui formaient la masse de la population (3) il y avait toujours une classe inférieure, peu nombreuse, il est vrai, mais dont les membres ne jouissaient pas du bénéfice de la liberté individuelle. On les appelait Coloekerli, ou hommes de triques, parce qu'ils n'avaient pas le droit de porter d'autres armes que des massues, ou des triques, en bois. Ils devaient, en outre, comme marque de leur assujétissement, payer aux seigneurs de Hames, à qui ce droit avait été inféodé par le comte Raoul, un impôt de deux deniers à leur naissance et de quatre deniers à l'occasion de leur mariage ou de leur décès. Lambert d'Ardres n'hésite pas à dire et ce langage est très-remarquable chez un homme du XIIa siècle que le maintien d'une semblable institution était un opprobre et une honte pour le comté de Guînes. Aussi, loue-t-il le comte Manassès d'en avoir prononcé l'abolition, à la prière de la comtesse Emma; en donnant pour compensation aux sires de Hames cinq charruées de terre en divers endroits (4).

Les églises et les monastères étant à peu près les seuls éta(1) Du Chesne, p. 22. Lambert d'Ardres, cap. XXIV.

(2^ Cap. xxxv

(3) Courtois, Aperçu déjà cit., p. xxxvn.

(4) Cap. xxxvi.


blissements qui aient conservé des archives, il n'est pas étonnant qu'on ne connaisse guère les princes du moyen âge que par leurs actes de piété et de religion. C'est pourquoi nous n'avons à citer particulièrement du comte Manassès que la confirmation solennelle qu'il accorda en 1097 à l'abbaye d'Andres, pour tous les biens dont elle jouissait dans son comté, et les chartes diverses par lesquelles, de concert avec la comtesse Emma, il pourvut à la fondation et à la dotation de l'abbaye de SaintLéonard de Guines, en 1117 et dans les années suivantes, jusqu'à sa mort, qui eut lieu en 1137. On y doit noter le titre qu'il prend de comte de Guînes par la grâce de Dieu à l'exemple des plus puissants feudataires de son époque.

ETABLISSEMENTS RELIGIEUX. -Nous avons vu plus haut que les moines de Saint-Bertin possédaient, au milieu du IXe siècle, avant les invasions Normandes, une église à Guînes. C'est probablement celle qui était dédiée au saint abbé de Sithiu, et dont il est question dans le privilége du pape Urbain II, de l'an 1193, sous le nom d'Ecclesia de Gisnes. Elle était dans le patronage de l'abbaye, et elle fut cédée au chapitre de Thérouanne, en compensation d'autres priviléges, par l'abbé Lambert, dit le Bienheureux. C'est ce que constate un diplôme de Gérard, évêque de Thérouanne, du 18 octobre 1097 (1).

Je l'ai déjà dit ailleurs, ce droit de patronage n'était pas, comme il le devint par la suite, une simple prérogative honorifique. Au XIIe siècle, c'était surtout un revenu, qui, dans les villes, ne manquait pas d'importance. Aussi, la comtesse Emma qui prit, comme nous le verrons tout à l'heure, la plus grande part à l'établissement de l'abbaye de Saint-Léonard, chercha-telle à obtenir pour les religieuses la possession de l'autel de Guînes, en en demandant la concession aux chanoines de la ville cpiseopale mais elle ne put y réussir qu'à des conditions très-onéreuses. Nous avons encore l'acte, daté de 1124, par lequel le chapitre voulut bien se dessaisir de cette propriété en faveur de l'abbaye de Saint-Léonard, et il y est stipulé que, outre(1) Cart. de Folq., pp. 215 et 243.


les droits de gite et de past (somatam et obsonium) dus aux évê ques et aux archidiacres, à l'occasion de leurs visites, les religieuses devaient payer chaque année au chapitre sept marcs d'argent, c'est-à-dire une somme relativement fort importante (1). Quels profits ne devait donc pas rapporter cet autel, pour qu'il restât quelque chose au couvent, après qu'on aurait prélevé là dessus les deniers nécessaires à la rétribution du prêtre, et la rente exigée par les chanoines

L'église de Saint-Bertin de Guînes était probablement la plus importante et, à ce titre, elle devait être l'église décanale. On ne sait à quelle époque remonte l'institution des doyennés dans le diocèse de Thérouanne.Malbrancq, qui s'appuie sur l'autorité à'unChronicon Morinense aujourd'hui perdu, la fait remonter jusqu'aux premières années du règne de Charlemagne, sous l'épiscopat de l'évêque Radwald; mais Guines ne figure pas dans les vingt-cinq doyennés dont il donne la liste pour cette époque. Ce qu'il y a de certain c'est que jusqu'ici on ne connaît pas de doyen de Guînes antérieur à l'an 1137 (2). Plusieurs titulaires de cette dignité ecclésiastique sont mentionnés dans différents aiplômes Guillaume, en 1164, Simon, en 1190 et années suivantes, Lambert, en 120G., un autre, Simon en 1210 et 1221. Outre l'église de Saint Bertin, il y avait à Guînes deux autres églises paroissiales, au XIIe siècle. C'étaient celle de Saint-Médard et celle de Saint-Pierre, citées dans une charte de SaintLéonard publiée par André Du Chesne (3). Leurs titulaires ne sont pas désignés nominativement; mais on trouve des curés de Guînes, p-esbyteri ou sacerdotes de Gisnes, mentionnés concurremment avec les decani, notamment Gérard, qui paraît dans (1) Le poids de marc, étant l'équivalent d'une demi-livre, serait aujourd'hui représenté par 10 pièces de 5 francs. Sept marcs feraient donc un poids d'environ 1 kilogramme 750 grammes de métal, avec une valeur spécifique de 350 francs. La valeur commutative de ce poids métallique est difficile à apprécier pour l'époque dont il est question; mais elle s'élevait beaucoup plus haut.

(2) Extr. du cari, de l'abb. de Watten, par M. de Coussemaker, Ann. du Corn. fi. de l<'r. v, p. 339.

(3) Preuves, p. 100.


deux chartes d'Andres dont la seconde est de l'an 1132 L'église de Saint-Pierre a seule subsisté par la suite. On la trouve nommée en 1306 dans les chartes d'Artois (1), pour sa Table des pauvres, qui paya, cette année-là, une redevance à la comtesse Mahaut, à l'occasion de nouveaux acquêts dont elle s'était enrichie.

Hors de la ville, et sur la partie rurale de son territoire, Guînes avait encore deux autres églises, celles de Spelleke et de Melleke. La première, dont nous ne connaissons point l'origine, existait probablement déjà en 1084; car le comte Baudouin le" en attribua la dîme, pour les deux tiers, à l'abbaye d'Andres, lors de sa première fondation. Elle est qualifiée du titre de paroisse dans le diplôme de Charles le Bon, comte de Flandre, de l'an 1127,portant confirmation des biens de ce monastère (2) et l'un ses prêtres, ou curés,Gwfridussaeerdo$de Spelec,oude Spellecke, est cité dans deux chartes inédites, l'une de l'abbaye de la Capelle (1194), l'autre de Saint-Léonard de Guînes (1208). –L'église de Melleke, appelée autrement Melleche, et dont Lambert d'Ardres ne prononce même pas le nom, est mentionnée dans la chronique d'Andres, pour le fief du lieu où elle était assise, appartenant en 1116à Sigemar de Milleca, et pour l'un de ses plus anciens cur 'S, Rotbertus presbyter de Midleca, cité dans un acte subséquent (3). On trouve plus tard les noms d'un de ses successeurs, Thomas, presbyter de Melleka, dans une charte de La Capelle de l'an 1206 publiée par M. A. Desplanque (4) et dans deux chartes de Saint-Léonard. C'est aujourd'hui le hameau, ou lieu-dit, de Saint-Biaise, suivant le témoignage du terrier anglais de 1556, qui l'appelle The parish of Mellack, alias St-Blase. On y a trouvé, de nos jours, près du vivier de M. de Filley, sur la route de Hames-Boucres, un ancien cimetière, qui paraît avoir été voisin de l'emplacement de cette église.

fl)A2l2.

(2) Chron, Andr., spicil. in-fa II, p. 803.

(3,)Ibid.,pp. 796 et 799.

(4) Aiinales du comité flamand, t. ix.


Quant à Spelleke, ce fut plus qu'une paroisse; car il y exista, en outre, une léproserie fondée par le comte Arnoul Ier, vers le milieu du XIIe siècle, à l'instar de celle qu'Arnoul de Colvôde avait instituée à Lostebarne. Le comte Baudouin II augmenta considérablement cette pieuse fondation. Il fit enclore de murs tout le manoir de l'établissement charitable, y construisit une chapelle, y donna des dimes et des rentes, et ce qui vaut mieux encore, dit Lambert d'Ardres, il l'honora de ses fréquentes visites et de ses abondantes aumônes (1). Cette maison fut destinée à recevoir les hommes atteints de lèpre, tandis que celle de Lostebarne était spécialement affectée aux femmes. On la trouve citée plusieurs fois dans des documents de date postérieure, notamment dans le terrier de Thérouanne, vers 1400 mais son nom a disparu du sol, avec celui de la paroisse, que le terrier anglais de 1556 dit avoir été sous l'invocation de Saint Quentin Parish of Saint Quintynes, ealled Spellacke. Au moment où j'écris ce-^ lignes, les travaux du chemin de fer de la ligne d'Anvin à Calais viennent de mettre au jour, dans le hameau de Tournepuits(le Tunrepit des chartes d'Andres),un certain nombre Je sépultures fort antiques, dont la découverte peut donner crédit à l'opinion qui place dans ces parages l'emplacement de la paroisse et de la maladerie de Spelleke. Le château des comtes formait une paroisse particulière, dont la Chapelle de Noire-Dame était le siège. Baudouin Ier l'avait mise sous la dépendance de l'abbaye d'Andres, en 1084, et tous les actes postérieurs insérés dans la chronique en font une spéciale mention (2). Nous connaissons les deux premiers titulaires qui la desservirent, Alold,homme vénérable, puis Gusfrid, homme de Dieu, vir Dei, à qui S. Thomas de Cantorbéry voulut faire sa confession générale, en réclamant ses conseils et en se recommandant à ses prières, avant de rentrer en Angleterre pour y subir son glorieux martyre. Guillaume d'Andres nous (1) Cap. lxix

(2) Capellaili B. Mari» iu Castro Gianeusi sitaui (_cart. fundat.j in chron. And., p. 783, 2).


apprend que Gusfrid était originaire du Boulonnais, qu'il s'occupa de copier des livres anciens, et qu'il orna cette chapelle de manuscrits splendidement décorés, libris sumptuosis adornavit (1).

L'ABBAYE DE Saint-Léonard.– Le comte Manassès et sa noble épouse Emma de Tancarville fondèrent dans le faubourg de la ville de Guînes une abbaye de femmes de l'Ordre de St-Benoît, à laquelle ils firent plusieurs donations importantes. Lambert d'Ardres, et Ipérius à sa suite, se sont trompés sur l'origine de cet établissement religieux, lorsqu'ils affirment que ce fut la comtesse Emma qui le fit construire après la mort de son époux. André Du Chesne en indique la date positive,qui est l'an 1117, d'après la charte de fondation (2). Il existe, en outre, un acte de l'an 1120 dans lequel il est dit que la construction en avait été faite par les deux époux, dans un alleu dépendant de leur domaine (3). Ils le dotèrent principalement de biens situés en Angleterre, lui donnant toutes les dîmes de fromages, de cidre (sicerœ), de pommes, de laine et de troupéaux qu'ils possédaient dans ce pays, et lui attribuant le patronage ainsi que les revenus casuels de l'église de Newington, avec les dîmes, les terres et les bois qui en dépendaient, les églises, ou chapelles d'Alschot, de Celpham, et les dîmes de Herst et de Bliseinghes, dans le comté de Kent, sous l'approbation de Guillaume, archevêque de Cantorbéry, et de Henri, son archidiacre (4). En la même année 1120, le comte Manassès approuvait une donation faite à ce monastère par Amaury de Bredenarde et par un acte ̃ sans date, mais évidemment de la même époque, il attribuait aux religieuses la possession de 24 mesures (Jirtcllas) de froment à prendre sur son moulin, dans le faubourg de Guines, près de la ville (5). Quelques années après (1136), le même Ma(1) Chron. And., pp. 806et 812.

(2) Preuves, p. 38.

(Ii) Monasterio S.Leonardi quod in proprio allodio nostro apud Ghisnes construximus (Ibid., p. 39).

(4) Ibid., p. 40.

(5) De molendino ante portam ibi proximo Ibid.)


nassès donnait son assentiment à la vente qu'Arnoul, son neveu, avait faite aux religieuses d'une terre, d'nne aulnaie.et d'un marais, situés dans le voisinage dudit moulin, moyennant neuf marcs d'argent et un cheval (1). Tout cela prouve, à l'évidence, qu'il ne faut accorder aucun crédit aux assertions de Lambert d'Ardres, relativement à cet objet.

Les religieuses de Saint-Léonard, qui traitèrent avec le chapitre de Thérouanne à propos de la concession de l'autel de Guines en 1124, comme nous l'avons vu plus haut, avaient été tirées de l'abbaye d'Etrun, et leur première abbesse, parente de la comtesse Chrétienne, s'appelait Sibylle (2). Elle fut remplacée par Mathilde de Campagne, puis par Adèle de Mardick, ensuite par Euphémie et Luthgarde de Guines, toutes deux filles du Comte Arnoul Ier. Nous avons d'Euphémie une charte inédite, donnée en 1194 en faveur de l'abbaye de la Capelle et Luthgarde est connue pour les démarches qu'elle fitenl210dansle but du procurer les honneurs de la sépulture ecclésiastique à Guillaume de Guînes, fils d'Olivier, que l'abbé de St-Bertin ava.it excommunié comme ayant usurpé la dîme de Melleke (3). Nous la trouvons, en outre, citée dans une charte .d'Arnoul II, du mois de mars 1212, confirmant l'acquisition qu'elle avait faite de deux mesures de marais, le long de la rivière qui descend de SaintTricat à Nielles (4).

Je ne parlerai pas ici de plusieurs autres chartes, du XIIIe siècle, relatives à l'abbaye de Saint-Léonard de Guînes, qui se trouvent dans Du Chesne et dans les papiers inéditsde Dom Grenier leur analyse ne présente d'intérêt que pour une monographie complète de ce monastère. J'ai hâte de revenir à l'histoire des comtes.

LES COMTES DE Guînes, DE LA maison DE GAND. Mariasses (t) Ibid, p. 91.

(2) Je ne vois pas comment Lambert fixe l'année 1102 pour son intronisation (Cap. LI).

(3) Diplom. Bert., ms Bibl. Boul., n° 41, acte 118,

(4) Du Chesne, preuves, p. 266,


étant mort, comme je l'ai dit, en 1137, sa veuve se retira au monastère de St-Léonard, où elle se fit religieuse et où elle mourut pieusement quelques années après.

Leur fille unique, Sibylle, autrement appelée Rose, avait épousé Henri, chatelain de Bourbourg; mais elle était morte de leur vivant, en donnant le jour à une enfant, nommée Béatrix, qu'ils marièrent à un seigneur Anglais, décoré du nom assez bizarre d'Albert le Sanglier. Ce fut ce personnage qui hérita du comté de Guînes; mais il ne vint pas y résider (1), y laissant sa femme, personne infirme et chétive, dont il ne s'inquiéta guères et dont il consentit bientôt à ce que le mariage, non encore consommé, fût cassé par l'autorité ecclésiastique (2).

Pendant ce temps-là, Arnoul de Gand, qui,par sa mère Gisèle, fille de Baudouin I8r, était neveu de Manassès, profita de l'absence d'Albert le Sanglier pour se saisir de la forteresse de Guînes, grâce à la trahison des barons qui la défendaient; mais il ne put se mettre en possession de tout le domaine, malgré l'assistance du châtelain de Saint-Omer, Guillaume If, dont il avait épousé la fille. Henri de Bourbourg, tuteur de Béatrix, et Baudouin d'Ardres, à qui on la remaria, lui résistèrent les armes à la main, avec diverses alternatives de succès et de revers mais bientôt, Béatrix étant morte (3),Arnoul de Gand fut reconnu paisible possesseur du comté (1141), à l'exclusion de son cousin Geoffroi de Semur, parce que la mère de celui-ci, Alix de Guînes, était morte, tandis que celle d'Arnoul, Gisèle, vivait encore.

Le nouveau seigneur de la terre de Guînes se montra plein de bienveillance envers ses vassaux dont il avait à cœur de gagner l'amitié. Il se montra aussi très libéral envers les divers monastères du pays, auxquels il accorda diverses exemptions. Les religieux de Saint-Bertin, ceux de Clairmarais et de SaintPierre de Gand, obtinrent ainsi de lui que toutes les fois qu'ils (1) Raro in hac patria, frequenter in Anglia degens (chron. And.). (2) Lamb. d'Ardr., cap. 1 et lv.

(3) Détail de mœurs locales: Béatrix mourut d'une indigestion, après s'être fait servir du lait caillé pour son souper (Lamb. Ard., cap. lxi.


enverraient des agents en Angleterre pour le soin de leur affaires, ces agents ne paieraient aucun tribut ni péage, en passant à travers la terre de Guînes (1).

C'était, dit Lambert d'Ardres, le plus vaillant chevalier de son siècle, militum inter milites strenuissimo (2) mais c'était aussi un ami et un bienfaiteur des pauvres, qui voulut être enseveli dans l'hôpital de Saint-Inglevert, auquel il légua en mourant ses armes, son cheval de guerre, ses chiens, ses oiseaux de chasse et tout ce qu'il avait de meubles servant aux jeux et aux autres amusements de son état (3). Il mourut à Newington, en Angleterre, dans un manoir qui lui provenait de la succession d'Emma de Tancarville, en 1169.

Son fils aîné, Baudouin II, qui avait eu pour parrain le comte Manassès, lui succéda dans le gouvernement du comté de Guînes. Par son mariage avec Chrétienne, fille unique d'Arnoul de Markene, seigneur d'Ardres, il était devenu l'héritier présomptif de cette baronnie qu'il allait joindre à son domaine, déjà augmenté de la terre de Bredenarde et de la châtellenie de Tournehem. Aussi, le règne de ce prince marque-t-il l'apogée de l'éclat et de la puissance de sa maison.

Les débuts en sont illustrés par la réception qu'il fit dans le château de Guînes à saint Thomas de Cantorbéry, dans le cours de l'an 1170. Il était, en quelque sorte, le diocésain de ce prélat, pour ses domaines d'Angleterre, et c'était de lui qu'il avait reçu les éperons de chevalier, quelques années auparavant; mais cela ne suffit pas à expliquer les marques extraordinaires de déférence avec lesquelles le prélat anglais fut traité en cette occasion. Lambert d'Ardres en parle, en effet, avec un enthousiasme auquel il n'y a rien de comparable(4).Baudouin IIenvoyaPierre, abbé d'Andres, chercher le noble exilé à Saint-Bertin, et il le reçut à Guines avec la plus grande magnificence et le plus pro(i) Du Chesne, preuves, p. 93, 94, 98.

(2)Lamb. Ard., cap. xlv.

(3) Ibid., cap. lxxiii.

(4) Cap. LXXXVII.


fond respect (1). Quand le cortége passa sur la Leulène, à peu de distance de son monastère, le pieux abbé aurait bien voulu qu'il fût possible au saint pontife de s'y arrêter un moment; mais l'heure pressait, et l'archevêque se contenta de lever la main pour bénir; ce qui fait, dit le narrateur qu'à partir de ce jour là Dieu y a répandu l'abondance de ses grâces les plus privilégiées. C'était le sentiment général (2). Partout où le généreux athlète de la liberté ecclésiastique portait ses pas, le clergé, les princes et le peuple se prosternaient devant lui comme devant Notre-Seigneur lui-même en personne et, pour tout dire, je ne connais dans l'histoire ecclésiastique aucune popularité, autre que celle peut-être de Pie IX, qui puisse être comparée à celle de saint Thomas Becket.

On s'attendait, du reste, à son martyre, et partout on conservait pieusement comme des reliques les objets sacrés dont il s'était servi. Aussi, quand les sicaires du roi Henri II l'eurent traîtreusement assassiné lo 29 décembre suivant, l'explosion de la piété publique devança-t-elle sa canonisation. Baudouin II ne fut pas le dernier à honorer d'un culte pieux celui qui avait été son ami et son protecteur; et nous voyons qu'après avoir érigé dans son château de la Montoire, sur la paroisse de Zutkerque, une chapelle en l'honneur de sainte Catherme, il y déposa des reliques de saint Thomas de Cantorbéry, et en confia ladesserte à un ancien Magister d'Ardres, Michel de Louches, homme profondément versé dans les lettres, qui avait reçu l'ordre de prêtrise des mains du Saint archevêque (3)

Shiis nous arrêter davantage à cet épisode du règne de Baudouin II, disons que ce prince fut un des plus magnifiques seigneurs de son siècle. Il aimait àbâtir et on lui dut la reconstruction du château deTournehem, qu'il fortifia de tours, de boulevards et de fossés l'organisation de la ville d'Audruicq, qu'il (1) In suuima gloria, debito honore et revorentia(Chron. Andr.. p. 812). (2) Sur le passage de saint Thomas dans la Morinie, voyez Piers, Histoire des flamands du Haut-Pont, 1836, p. 185.

(3) Lamb. Ard. cap. LXXV.


dota d'un marché hebdomadaire et qu'il ceignit d'une double circonvallation, enfin l'établissement à Sangatte d'une place de guerre solidement fortifiée, dont la tour d'armes, ou le donjon central, touchait au ciel, suivant l'hyperbolique expression du chroniqueur (1).

Mais ce qu'il convient de noter avec plus de soin, dans ce chapitre, ce sont les travaux que Baudouin II fit exécuter à Guînes même, dans la capitale de ses états. En effet, sur le vieux donjon de Sifrid il construisit en pierres de taille un palais de forme circulaire, auquel il donna une très grande élévation. Cet édifice, autant que nous pouvons comprendre les phrases ambiguës et contournées de Lambert d'Ardres, se terminait en terrasse, avec une toiture de plomb posée sur le plancher qui couronnait l'^tage supérieur. Au dedans, ce r/était que chambres et cabinets, salles, couloirs et corridors, formant un véritable labyrinthe (2). Au dehors, près de la porte, se trouvait une chapelle, construite en pierres et en bois, d'une façon merveilleuse, qu'on eût dit avo;r été faite avec la somptuosité d'un Salomon.

En outre, Bauduin II fit clore la ville de Guines d'un mur de pierres, avec des tours de défense à chaque porte, munies d'appareils et de machines de guerre.

Non content d'avoir ainsi fortifié et embelli sa résidence, il voulut, à l'exemple de Charlemagne, transformer sa cour en une sorte d'académie où, chaque jour, il s'entretenait de matières littéraires scientifiques et religieuses avec les clercs les plus savants de son époque. Il prenait un singulier plaisir à disputer avec eux sur la philosophie et la Sainte-Ecriture, leur posant les questions les plus embarrassantes, avec toutes les ressources d'un esprit subtil et délicat. Lambert d'Ardres nous a conservé les noms des hommes les plus habiles qui ont pris part à ces controverses et qui ont contribué par (1) Armiferam turrim et cœlo contiguam ibid. LXXXIII. (2) Cauieraô,habitacula. diversoria et divèriicula.ita ut a labyrinthe» parum discrepare vjderetur (Lamb., Cap. LXXVI).


leur érudition à seconder les goûts littéraires de leur maître. Comme il ne savait pas le latin, ils lui traduisirent en langue romane, c'est-à-dire dans le français vulgaire du temps, divers ouvrages dont il était curieux d'avoir l'explication. C'est ce que fit Lambert de Welles (1), pour le Cantique des Cantiques; un moine nommé Alfrid, pour les évangiles des dimanches avec les homélies correspondantes, et la vie de St Antoine ermite maître Godefroi, pour la plus grande'partie de la physique d'Aristote maître Simon de Boulogne (2), pour le livre de Solinus Polyhistor, curieuse compilation de remarques historiques et géographiques sur les choses les plus mémorables de divers pays, qui a fait donner à son auteur le surnom de Singe de Pline.

De tous ces livres et de beaucoup d'autres, Baudouin II forma a dans son château de Guînes une bibliothèque, dont la garde fut confiée à un laïque nommé Hasard d'Audrehem. Pour la théologie, dit Lambert d'Ardres, avec une emphase certainement hyperbolique, on eut comparé ce comte à saint Augustin, pour la philosophie à saint Denis l'aréopagite, pour les fables et les facéties à Thalès (il veut dire Aristide) de Milet. Il était également curieux de chansons de gestes, et d'aventures de chevalerie (3), sans parler des compositions théâtrales représentées par les jongleurs (joculatores), qui promenaient de place en place leurs « échaffaulx portatifs. ».

Le mouvement littéraire que ces goûts du noble comte éveillèrent dans la contrée ne se borna pas à faire produire des traductions. Il en naquit un ouvrage, spécialement composé pour lui être offert, et dont nous n'avons que le titre. C'était un traité, ou plutôt un roma«,intituléte5(fenceetcomposépar maître Gauthier d'Ardres, qui en a pris le surnom de Gauthier le (ljDe Wallanio, et non de Walbanio comme l'imprime à tort M. de Godefroy. WHles, Walainœ ou Walhanium, est un ancien village. aujourd'hui simj Ij ferme, de la commune de Nordausque.

(2) Voir la note 136 (p. 43t) du Lamb. d'Ard. de M. de Godefroy. (3) In cantilenis gestoriis, sive in eventuris nobilium (Lamb. d'Ard., », cap. LXXXI).


Silencieux, Waltcrus Silens, ou Silenticus. Ajoutons que la postérité n'a pas besoin de cette composition pour apprécier le genre de littérature qui régnait alors à la cour de Guînes. Il nous reste, en effet, de cette époque, un ouvrage qui est né dans ce milieu, je veux parler de la chronique de Lambert d'Ardres, « homme instruit pour son temps, connaissant l'an« tiquité, nourri des bons auteurs latins,notammemt des poètes, « que volontiers il cite, imite, découpe en centons. On peut con« dure de son livre, dit M. de Godefroy (1), que la petite cour de Guines était assez lettrée, un peu pédantesque, mieux au courant de l'histoire ancienne que de la moderne. Souvent t prétentieux et entortillé, il prodigue les vers, les allusions érudites et recherchées, les jeux de mots, les répétitions de « consonnances il a des périodes interminables il aime la « périphrase et l'hyperbole. Malgré ces défauts de style,on le lit avec attrait car il narre bien, peint chaudement, donne la vie à ses personnages, apprend beaucoup de choses, et est « exempt de la sécheresse de la plupart des chroniqueurs cou« temporains. »

Pour en revenir à Baudouin II, les beaux arts n'exercaient pas sur lui moins d'attrait que les belles lettres. Il fit peindre de beaux manuscrits pour le service de ses chapelles et, chose rare pour son temps, il fit placer un orgue dans l'église des religieuses de Saint-Léonard, afin d'y rehausser l'exercice du culte divin par la majesté et le charme de l'harmonie musicale (2). Ces soins furent l'occupation de toute sa vie; car nous voyons qu'il s'y livrait déjà lorsqu'il n'était encore que seigneur d'Ardres. Mais il dut s'y adonner avec plus d'ardeur lorsqu'il eut perdu sa femme, la comtesse Chrétienne, morte le 2 juillet 1177. La douleur que lui causa cet événement lui fit chercher des distractions dans l'étude et des consolations dans les bonnes œuvres. Lambert d'Ardres nous apprend qu'à partir de ce moment(1) Introduction, pp. VIII. IX.

(2) Ad divini cultus excitationem et delectationem (Lamb. d'Ard., Cap. LXXXI).


là il se fit l'avocat et le consolateur des orphelins, le protecteur des veuves et la providence des pauvres. Son palais était comme une hôtellerie, où tout le monde avait accès. Rois, ducs et comtes, aussi bien que chevaliers et simples bourgeois, dit le chro niqueur, archevêques, évêques^archidiacreSjabbés, chanoines et clercs, tous ceux qui passaient par Guines ou par Ardres,étaient reçus par lui avec libéralité, largesse d bonne humeur. Rien n'était épargné pour les traiter avec magnificence, témoin la chère liesse qui fut faite à Guillaume de Champagne, archevêque de Reims, en 1178. Ce prélat, qui deux ans plus tard fut décoré de la pourpre romaine dans la dernière promotion du pape Alexandre III, revenait de faire un pèlerinage au tombeau de S. Thomas de Cantorbéry. Le comte Baudouin II, voulant lui donner l'hospitalité àson passage,fitpréparer en son honneur un festin sans pareil, ofi furent servis des mets innombrables, avec des vins de Chypre et de Nysa, épicés et dulcifiés suivant le goût du temps. L'archevêque et les gens de sa suite, qui, en leur qualité de Français, suivant la remarque du chroniqueur, ne pouvaient tenir tête aux Flamands du comté de Guines, ayant demandé de l'eau pour tempérer l'ardeur de ces boissons enivrantes, les échansons du comte, loin d'obtempérer à leur désir, leur versèrent, à la place, du vin d'Auxerre, probablement du Châblis, qu'on estimait alors pour très précieux et le comte lui-même, simulant un état de fiévreuse ébriété,se leva de table pour aller briser sous ses pieds, en présence des laquais et des pages, tous les vases d'eau qu'il put trouver dans l'office. Telle était la manière dont Baudouin II traitait ses hôtes, en les recevant d'un cœur généreux et en les contraignant quelquefois de demeurer plusieurs jours auprès de lui.

C'était, comme beaucoup de ses contemporains, un joyeux viveur, à qui les mauvaises langues reprochaient d'être plus enclin à ouïr au matin la trompe du veneur que la cloche du prêtre, plus avide d'entendre la voix de son lévrier que celle de son chapelain, plus attentif au vol de son épervier ou de ses faucons qu'au sermon de son curé. Enfin on ajoutait (chose plus


grave) qu'il s'égara toute sa vie, d'une manière désordonnée, dans les passions qui, comme dit Bossuet, ont perdu Salomon et tant d'autres rois, au point qu'à ses funérailles, en 1206, on vit assister trente-trois de ses enfants, légitimes ou illégitimes (1). Parmi les premiers, Lambert cite Arnoul de Guînes qui succéda à son père,. Manassès, seigneur de Roricove, Baudouin, qui fut chanoine de Thérouanne et qui posséda plusieurs titres de bénéfices eu France et en Angleterre, Gilles, qui épousa Chrétienne de Montgardin, Siger, qui se maria avec Adélide de Zeltun, Adeline, femme de Baudouin d'Engoudesent, dit de Marquise, ou de Caïeu, etc. Quant aux autres, il constate en général que leur père s'occupa de les établir dans diverses positions Les uns, dit-il, se préparent à suivre la carrière militaire, d'autres ne songent encore qu'à leurs jeux, vu la faiblesse de i leur âge, d'autres sont confiés à des précepteurs chargés de » leur éducation, d'autres suivent les'classes des maîtres d'école, d'autres enfin çà et là sont laissés aux soins de leurs » nourrices ou même de leurs mères; » (2) et tout ce détail prouve qu'à cette époque reculée,en plein règne de Philippe Auguste et au cœur du moyen âge, l'instruction de la jeunesse était l'objet de la sollicitude de ceux qu'Homère appelle si justement les 'Pasteurs des peuples. Les vices et l'ignorance ont existé de tout temps, parce qu'ils sont le fond même de notre nature déchue; mais ce n'est pas d'hier que la science et la vertu sont venues les combattre et leur faire contrepoids. On trouve de même dans les récits du temps quelques notions sur l'état agricole de la contrée Guînoise. Lambert d'Ardres parle, en effet, des vergers plantés d'arbres à fruits, des courtillages aux légumes, curtilos cum oleribus, des champs de lin, des moissons diverses dont le sol était couvert. J'ai déjà dit, d'après la chronique d'Andres, qu'on employait la marne pour féconder les labours. Lambert m'en donne une autre preuve, ainsi que du soin qu'on avait d'y charrier d'autres engrais, lors(1) Lamb. d'Ard., cap., Lxxxviij et Lxxxix. Chron. Andr., in annô. (2) Cap. lxxxix-


qu'il nous représente les paysans des environs d'Ardres venant travailler aux fortifications de cette ville avec leurs bléneaux à marne et leurs chars à fumier (1). Aussi, quand les saisons n'étaient pas trop inclémentes, et quand la guerre ns venait point saccager les moissons et brûler les fermes, on faisait de riches récoltes de céréales, comme nous l'apprend Guillaume d'Andres, pour les dernières années du XII* siècle et les premières années du XIII°, lorsqu'il nous dit qu'Itérius, abbé de ce monastère (1194-1207), ne vendit jamais son blé moins de dix sous le poquin, mais plus souvent vingt, trente, quarante sous même, et plus; ce qui amena l'abondance dans le trésor de l'abbaye, alors que les contrées voisines souffraient de la disette (2). Mais aussi,le comte Baudouin de Guinesfavorisait l'agriculture, ainsi que nous le pouvons conclure d'un passage de Lambert d'Ardres où il est rapporté qu'il s'occupa de dessécher les marais d'Audruick, en triomphant de l'hydre à plusieurs têtes avec: l'habileté vigoureuse d'un Hercule (3).

A ces travaux de la paix,Baudouin II joignit les exploits de la valeur guerrière.. Fort bien vu à la cour de France, ainsi que chez le roi d'Angleterre, il fut choisi avec le comte de Flandre, Philippe d'Alsace, pour accompagner le roi Louis VII dans le pèlerinage que ce monarque fit en 1179 au tombeau de S. Thomas de Cantorbéry (4). Plus tard, il fut l'adversaire du remuant comte de Boulogne,Renàudde Dammartin,à qui son fils Arnoul avait disputé sans succès la main de la comtesse Ide. La terre de Guines, qui s'enfonçait comme un coin au milieu des possessions de Renaud, et qui barrait à ce prince le chemin de Wissant à Calais, eut beaucoup à souffrir de ces rivalités (5). D'un autre côté, le comte de Flandre, Baudouin de Constantinoples'étant mis en guerrecontre le roi deFrance Baudouin de Guines se trouva naturellement entraîné à suivre le parti de celui (1) Cum bigis marlatoriis et carris fimariis (Cap. clij).

(2) Chron. Andr. sub ann. 1207.

(3) Cap. LXXVIII.

(4) Roger de Hoveden, in anno.

(5) Lamb. cap. CLI et suiv.


qui était son suzerain immédiat et, après diverses péripéties dont le détail est assez confus, Philippe Auguste,pour l'en punir, le retint quelque temps enfermé dans une prison.

C'est ce qu'affirme Guillaume d'Andres, qui nous dit que le noble comte y contracta des infirmités, lesquelles, jointes à son grand âge, le conduisirent rapidement au tombeau (1) mais nous ne savons pas au juste quelle fut l'époque de cet événement, non plus que l'occasion précise ni la durée de cette captivité. Toujours est-il que Bauduin II, ayant langui tout l'hiver, mourut dans son château de Guînes le 2 janvier 1206, après avoir dévotement reçu les consolations de l'Eglise. On l'inhuma le lendemain devant le maître autel de la basilique abbatiale d'Andres, au milieu du concours empressé d'une immense multitude, accourue de toutes parts pour assister à ses obsèques (2). Arnoul son fils aine, connu jusque-là sous le nom d'Arnoul d'Ardres, lui succéda. Il avait au moins quarante-cinq ans, et il s'était déjà fait remarquer par de brillants exploits. Au sortir de l'enfance, Baudouin II l'avait envoyé à la cour de Flandre, pour y apprendre les bonnes manières et s'y former au métier des armes. Le jeune homme y avait contracté un amour passionné des aventures guerrières, courant les béhourdis et les tournois, ne reculant jamais devant un coup d'épée, ne connaissant pas le prix de l'argent, vrai boute-en-train de toutes les parties de plaisir, gai, serviable, populaire, et avec cela le plus beau garçon de son époque. Tel le dépeint son ami, le chroniqueur Lambert, qui, en qualité de curé d'Ardres, avait béni son mariage avec la châtelaine Béatrix, héritière du domaine de Bourbourg et de plusieurs autres fiefs de Flandre qu'elle lui apporta en dot (3). Les historiens sont d'accord pour célébrer la valeur dont il tit preuve en 1198, pendant le siège de SaintOmer, où il attaqua avec succès la porte Boulenisiennne. Mais (1) Senio gravatus, et in captione regis Francorum debilitatus, cœpi languescere.

(2) Chron. And., in anno.

(3) Lamb. Ard., cap. cxlix.


malgré tout l'éclat de sa vie chevaleresque, son règne fut désastreux pour la terre de Guînes.

Il y avait alors une violente inimitié entre les Français et les Flamands. Plusieurs fois déjà, provocateur ou provoqué, Philippe Auguste avait tiré l'épée sur nos frontières du Nord, où deux rivaux, que leurs domaines plaçaient naturellement aux avant-postes, Arnoul de Guînes et Renaud de Boulogne, brûlaient d'en venir aux mains. Aussi, en 1209, à la prière de ce dernier, suivant le récit d'un contemporain (1), le roi de France, envahit-il le comté de Guînes accompagné d'une suite nombreuse de comtes, de chevaliers et de sergents d'armes, avec lesquels il détruisit le château fort de Bonham (2); puis, ayant laissé des garnisons de chevaliers et de sergents dans les forts de Colwide, de Sangatte et de Roricove, il rentra dans ses états. Cet événement, qui présente l'apparence d'une saisie féodale, peut-être à fe.ute d'hommage, malgré les stipulations du traité de Péronne (3), revêtit par ses suites un caractère de vexation plus sérieuse. Les garnisons françaises, laiss 'es par le roi dans les forteresses guinoises, se mirent en guerre ouverte avec la population du pays, arrêtant les hommes pour les emprisonner, leur extorquant de grandes sommes d'argent, tuant pour les manger leurs bœufs et leurs moutons, ne s'abstenant même pas de faire violence aux femmes, et disant hautement qu'ils n avaient pas été mis là pour bien faire, mais, au contraire, pour nuire et persécuter.

Arnoul de Guînes, impuissant à se défendre, conclut l'année suivante un traité dont le prince Louis, tils du roi de France, fut l'intermédiaire. Le prix de cet accord fut la démolition du château de Roricove que son frère Manassès, je crois, avait fait bâtir et que depuis dix-sept ans il s'efforçait d'embellir pour en faire une résidence agréable, en même temps qu'une redoutable forteresse. Situé dans les marais de Guînes, du côté du (1) Ad petitionem Reinaldi comitis Boloniee (chron. Andr. in anno). (2) Commune de Sainte-Marie-Kerque, dans le pays de Langle. (3) Le feodum comitis Ghisnarum y est nommément désigné comme appartenant au comte de Flandre (Martene, Thés. Anecd. 1, 1821).


village d'Andres, ce château était orné de jardins plantés de vignes et d'arbres fruitiers, avec des pelouses semées d'un fin gazon. Une triple circonvallation de fossés remplis d'eau l'entourait de toutes parts, et l'on y voyait une grande quantité de poissons. Tout fut rasé jusqu'au sol, les fossés furent comblés, les poissons enlevés, les vignes et les arbustes arrachés, à la grande douleur de Guillaume d'Andres qui se lamente sur cette destruction (1) et le comte de Guînes dut signer l'engagement de ne jamais permettre qu'aucune maison forte fût rebâtie à l'avenir sur cet emplacement (2).

A cette condition, et en prêtant foi et hommage au roi Philippe Auguste, Arnoul de Guînes obtint la paix. Mais ce fut pour tomber dans une situation pire que la précédente car le comte de Flandre, Ferrand de Portugal, vengea sur la malheureuse terre de Guînes, dans le printemps de l'an 1214, la défection de son ancien vassal. Renaud de Dommartin, comte de Boulogne, qui avait changé d'allié et qui était entré dans la ligue anglo-flamande avec le comte Ferrand, n'avait pas changé de sentiments à l'égard de son voisin de Guînes, et ce fut avec une joie féroce qu'il profita de l'occasion pour donner carrière à ses rancunes contre celui qui avait osé lui disputer la main de la comtesse Ide. Aussi, la dévastation de ce pays fut-elle complète. Les châteaux de Sangatte et de Colwide," la ville même de Guînes avec le palais de ses comtes, tout fut pillé, ruiné, brûlé, mis à sac (3). Et, comme si ce n'eut pas été assez de ce désastre, le malheureux comté eut à subir, deux ans après, de la part de Jean Sans-Terre une nouvelle invasion, qui porta une seconde fois le feu dans ses campagnes (4). Désormais attaché à la fortune de Louis de France, Arnoul II (1) Chron. Andr. p. 847, I.

(2) Cet acte existe encore aux archives du Pas-de -Calais (A 5) et il a été publié par M. Tailliar dans son Recueil d'actes en langue romane du nord de la France, p. 31.

(3)Chron. Andr. p. 854. 1.

(4) Math. Paris, ap. Du Chesne, preuves, p. 269.


prit part à toutes les entreprises qui signalèrent les derniers temps du règne de Philippe Auguste. En 1216, il fut de l'expédition d'Angleterre, lui quinzième de chevaliers. Au mois de mai 1219, après avoir obtenu l'agrément de ses amis et de ses pairs, il partit pour la croisade organisée contre les Albigeois (1), et il assista au siège de Marmande, avec le duc de Bretagne et le sire de Saint-Pol.

Mais toutes ces péripéties brisèrent sa santé, et il mourut l'année suivante (1220), laissant veuve sa femme, Béatrix de Bourbourg, dont il avait eu neuf enfants.

Baudouin III, son fils aîné, hérita de ses domaines qu'il gouverna avec sagesse, ayant été suivant un ancien écrit, « amateur de la paix, miroir de conseil et administrateur plein de probité (2). »̃

Il avait épousé Mahaut de Fiennes, fille de Guillaume, seigneur de Tingry, et d'Agnès de Dommartin, sœur du comte Renaud. C'était une alliance princière.

La mémoire de Baudouin III reste attachée a divers actes auxquels ilprit part et que rapporte André Du Chesne, dans son histoire de la maison Guines. Je mentionne seulement une expédition guerrière qu'il fit contre les habitants d'Embry, pour venger la mort de son oncle, Baudouin le Chanoine, qui y avait été tué en 1229 (3). On montre encore dans le pays les ruines des forteresses qui furent détruites à cette occasion.

Nous avons de Baudouin III un testament, daté du 9 janvier 1245,dans lequel il fit un grand nombre de libéralités envers ses parents, ses amis et ses serviteurs, sans oublier les établissements religieux qui se trouvaient dans ses domaines (4).Aux uns il lègue sa maison de Balinghem, des bois, des terres, provenant de ses acquêts personnels; aux autres ses chevaux, savoir, (1) Chron. Andr. p. 859, 2.

(2) Vers à la louange des comtes de Guines, dans la chron. d'Andres. Voyez Duchesne preuves, p. 285.

(3) Chron. Andr. p. 868, 2.

(4) Du Chesne, preuves, p. 283. M. Tailliar (Recueil d'actes) l'a reproduit avec d'incroyables négligences, pp. 115 et suiv.


-1

BOULOGNE ni v t

un cheval bai, un cheval noir, un cheval ferrant et un cheval vairon, trois palefrois, parmi lesquels un petit palefroi bai, et son grand palefroi avec une couverture de fer, son haubert et ses cauches de toclenet. Un chevalier reçoit deux cents livres parisis, pour faire un pèlerinage d'outremer, à son intention. Ses serviteurs sont nombreux. Quelques-uns sont qualifiés par le titre de leur office il y a Rawelet le camberleng, Ustace le fauconier, Jean le menestreu, Wautier le veneur, Jehanet l'uissier, Stacek de Ghisnes forestier de Tournehem, Homekin de le cuisine, Huon le portier, Hamekin de Hem le careton, Huon l'Englois carpentier, Simon de Nortkerke le mire, c'est-à-dire le médecin, etc. A voir cet acte, on dirait du testament d'un fermier cultivateur, quand on y lit « Si ai donei a me filles tottes « mes carettes à tot les kevaux e à tot le harnais,e tos mes pors, « e totes mes vakes, e totte me bestaille, e trestos mes bleis de « mes granges, e mes hauberjons, e mon autre menu harnais. » Il a choisi sa sépulture à l'abbaye d'Andres, et il veut que l'on porte son cœur et ses entrailles à l'abbaye de Licques, qui reçoivent chacune dix livréies de terre pour célébrer solennellement son anniversaire.

On ne sait pas au juste quelle fut l'année de sa mort. Ce qu'il y a de certain, c'est que son fils, Arnoul III, ne servit qu'en 1248 l'hommage qu'il devait à Robert d'Artois, frère du roi SaintLouis, pour son comté de Guînes, sa baronnie d'Ardres, sa châtellenie de Langle, et les biens qu'il possédait dans la ville de Saint-Omer. L'acte est daté du mois de mai et conservé dans le trésor des chartes d'Artois (1).

Arnoul III avait épousé Alix de Coucy, dont l'aïeule paternelle Alix de Dreux était cousine germaine du roi Philippe Auguste. Il prit part en 1253 à l'expédition que le comte de Flandre, Gui de Dampierre, fit en Zélande contre Guillaume, comte de Hollande, élu roi des Romains; mais cette entreprise ayant mal réussi, il y fut fait prisonnier, ce qui le mit très mal dans ses affaires. Nous voyons, en effet, qu'à cette occasion il fut con(1) Liasse A 11. Cf. Duchesne, preuves, p. 287.


traint d'emprunter à ses sujets une somme énorme pour se racheter. On conserve dans le trésor des chartes d'Artois l'acte qu'il souscrivit en faveur des échevins des quatre bans de sa terre de Guynes, ch'est assavoir de Ghines, d'Arde, d'Auder« wic et de Bredenarde, » qui lui avaient prêté une somme de 8,700 livres pour sa rançon. Il promet de la leur rendre, à leur volonté; mais, dit-il, « s'il avenoit cose ke li éi-kevin de mes « quatre viles devant dites ne fussent paiiet à leur semonse, « il porroient vendre rentes à vie sour mi et sour le mien, et « seroie tenus de paiier ches rentes devant dites tant comme il en vanderoient (1). »

Ce n'était pas une précaution inutile, car il ne fut jamais en état de rembourser cette avance. Près de trente ans plus tard, il reconnaît toujours qu'il est chargé d'une dette immense, debitofum immensitatem, envers les hommes de ses communautés des quatre bans de la terre de Guînes. Il était tombé, disait-il dans la plus grande détresse, et les revenus de ses domaines évalués à 1,300 livres parisis, suffisaient à peine à en acquitter les charges, de sorte qu'il ne lui restait rien pour sa subsistance et pour celle de sa femme et de sa famille. Dans cette situation, il commença par vendre au comte d'Artois, moyennant 8,000 livres, son château de la Montoire, avec le parc, le vivier et d'autres dépendances, (2) « pour cause de pauvreté jurée ( mai 1281) puis il vendit au roi Philippe le Hardi, par acte signé en février 1283, son comté de Guines, avec ses terres de la Montoire et de Tournehem, ses châteaux et ses forteresses, ses manoirs et ses maisons, les forêts,les prés, les terres,les viviers, les eaux, les rentes, les revenus, les droits, les fiefs et arrièrefiefs, les justices, les services et les redevances qui composaient son avoir, moyennant la somme de 3,000 livres, payables en différents termes, avec l'obligation d'acquitter ce dont il était redevable envers les hommes de ses communautés. Outre cela, il se résen ait pour lui et sa femme une pension viagère de mille (1) Inventaire de M. J. M. Richard, t. 1er p. 23. C'est par erreur que Duchesne porte la somme prêtée à 20,700 liv, (preuves de G., p, 289). (2; Ch. d'Artois, A. 27.


livres tournois, et la jouissance d'un manoir quelconque, où il pût demeurer sa vie durant (1).

C'était la fin du comté de Guines. Aussi, M. Courtois a-t-il pu dire, à ce propos:

Guines vit s'évanouir avec les comtes, son importance et sa prospérité. Adieu pour elle ces assemblées, ces nombreuses réunions, qui alimentaient son commerce, lui donnaient de l'activité, de la vie Adieu ces cours plénières, ces plaids généraux, ces tournois et ces fêtes auxquelles venaient prendre pc<rt les barons, les pairs, toute la noblesse du comté et des alentours, et amenaient quelquefois les hôtes les plus illustres dans ses murs Cette cour si riante, si chevaleresque se réduit désormais du prétoire d'un formaliste bailli (2). »

En vain Baudouin IV, fils et successeur d'Arnoul III, essayat-il de revenir sur l'aliénation que son père avait faite de son domaine. Il ne put y réussir, et l'histoire ne le connaît plus que comme seigneur de Sangatte (3). Sine terra vixit, il vécut sans terre, dit le versificateur de sa généalogie dans la chronique d'Andres (4).

Sa fille, Jeanne de Guines, fut plus heureuse. Philippe le Bel, en effet, lui rendit en 1295 une partie de l'héritage de son aïeul. Elle avait épousé Jean de Brienne, comte d'Eu, qui porta dès lors le titre de comte de Guînes, mais qui ne résida point dans le pays. Jeanne n'y habitait pas davantage car elle mourut en 1331 au château de Guerville en Normandie et reçut la sépulture dans l'abbaye de Foucarmont. Jean de Brienne était mort en 1302 sur le champ de bataille de Courtrai et son petit-fils, l'infortuné Raoul, aussi dénommé comte de Guînes, périt d'une mort infamante, ayant été décapité à Paris en 1350 comme coupable de haute trahison.

C'en était fait je le répète, de ce comté. Les Anglais, maîtres (1) Duchesne, preuves, p. 290.

(2) Aperçu historique cité p. xix.

(S) liauduitis de dignes ctieoaUers stres de Sanghette, lisous-uous dans l'intitulé d'une de ses chartes (preuves de Gaines, p.296). (4) Ibid., p. 285.


de Calais, allaient occuper la ville où s'élevait encore la motte de Sifrid le Danois. « Démembré, déchiré, pendant plus de deux siècles par trois puissances rivales et ennrnies, les Français, les Bourguignons et les Anglais, qui se disputent ses lambeaux sanglants, ses campagnes désolées, dépeuplées et toujours fumantes sous la torche incendiaire, jamais il ne recouvrera plus son ancienne unité Ce qu'on appellera encore le comté de Guines, ce sera, si vous voulez, le domaine d'Ardres, de Tournehem, de la Montoire, ce ne sera plus le territoire dont Guines est le chef-lieu ce titre, que la couronne de France tiendra longtemps encore à conserver, à cause de l'ancienne illustration qu'il a reçue, ne sera plus qu'une distinction honorifique, une tradition, un souvenir (1). »

INSTITUTIONS COMMUNALES. La ville de Guines était administrée d'ancienne date par un échevinage, dit des quatre bancs, composé de quatorze échevins. Je n'en connais pas l'origine. Le premier acte qui m'en révèle l'existence est de l'an 1254. C'est celui par lequel, de concert avec leurs collègues d'Ardres, d'Audruick et de Bredenarde,ils fournirent au Comte Arnoul III la somme de 8,700 livres, nécessaire pour le racheter de sa prison de Hollande. J'en ai parlé plus haut, et j'ajoute que pour réaliser cet argent, ils durent eux-mêmes s'obliger envers plusieurs bourgeois d'Arras, « à son très grand besoin (2). » Il est assez singulier qu'on ne trouve aucune mention antérieure de cet échevinage, dans la chronique d'Andres non plus que dans l'histoire de Lambert. Les échevins de Bredenarde, avec leur bailli, Ewervinus, minister Dredenardœ et septem j'udices, sont cités dans un acte de 1116 et paraissent même être déjà désignés en 1084 (3). Ceux d'Ardres ont été institués dès la fondation même de cette ville par Arnould de Selnesse, vers l'an 1069 (4). Est-il possible, est-il supposable à aucun degré que la ville de Guines, chef-lieu du comté, n'ait pas été aussi, (1) Courtois, Ap. hist. p. xix.

(2)Duchesne, pr. p. 289.

,'3) Chro. And., p. 796. Voyez Courtois. Aperçu hist, p. xxxvii. (i) Scabinod eidem loeo orainaoit (Lamb., C. CXI).


à la même époque, dotée de cette institution populaire qui constituait l'essence d'une ville libre, suivant le langage du même chroniqueur Lambert ? `~

Ce serait une erreur de penser que les échevins de Guînes, parce qu'il nous apparaissent ainsi en 1254 associés avec ceux d'Ardres et de Bredenarde, ne jouissaient pas d'une existence indépendante. Trois ans après (décembre 1257), uous trouvons dans les archives de Licques un document qui nous les montre agissant de leur propre initiative, et jouissant du droit qu'avaient alors ordinairement les communes, d'administrer le revenu des hôpitaux. Ils signent, en effet, en qualité d'avoués de la léproserie de Spelleke, un acte de vente, fait en faveur de cette communauté par Chrétienne, fille d'Henri d'Hogtinghem, de trois mesures et demi terre sur laquelle une rente de sept buteaux de froment était due à Huon Bollart (1)

Mais, s'ils avaient le pouvoir d'agir ainsi séparément, ils n'en étaient pas moins unis les uns aux autres par un lien quelconque de fédération car en 1282 nous les rencontrons encore une fois associés dans un but de finances, pour offrir ensemble un subside au comte d'Artois, leur suzerain (2), qui, disaient-ils,les avait maintes fois aidés et protégés à grands périls et à grands frais. C'était au moment où ce prince se disposait à partir pour la Sicile, où, dit l'acte, il se rendait pour l'exaltation de l'Eglise romaine et de la foi chrétienne (3).

Nous n'avons point la loi de Guines pour cette époque mais le livre des Vsaiges et anchiennes coutumes de ce comté nous apprend ce qu'elle était au XVe siècle (4), et en considérant l'immutabilité qui régissait au moyen âge ces sortes d'institutions, nous pouvons être certains de ne pas nous tromper en la supposant déjà en vigueur durant le XIIIe.

Il y avait à Guînes deux échevinages distincts, celui de la (1) D'après M. Cocheris, Notices et extraits fies doc. relatifs à l. H. de Picardie (t. II, p. 4G6) une expédition de cet acte se trouve à Paris dans le cabinet des chartes, ce, 195.

(2) Le comté de Guines avait été détaché de la Flandre et mis dans la mouvance d'Artois, en 1237.

(3) J. M. Richard, inventaire des ch. d'Art., p. &<t.

(4) Publication de la Soc. des Ant. de la Mor., 1856, iu-8.


ville et celui de la banlieue, ou du comté. Tous les deux se composaient de quatorze échevins, qui se renouvelaient tous les ans par moitié, le jour de la chandeleur (1). Ils s'assemblaient en halle, ou en plein air,et siégeaient sur quatre bancs disposés en carré, formant l'enceinte de leur tribunal. Le bailli du comte, non point le bailli souverain qui exerçait la lieutenance de justice en l'absence du maître, mais un bailli spécial,chef de l'échevinage, occupait le bout du premier banc, ayant derrière lui, en signe d'autorité, l'aman, ou l'huissier, debout, la verge à la main. A côté de lui pouvaient s'assoir le curé de la ville, le procureur du seigneur, le receveur et le contrôleur, même d'autres « nobles et notables gens, à la discrétion du bailly (2). Sur le banc de droite siégeaient les sept échevins de nouvelle élection, ayant au milieu d'eux celui qui était leur aîné. Le banc de gauche était réservé aux sept échevins anciens; et le quatrième banc, je le suppose, car la coutume ne le dit pas, servait aux clercs et auxgreffiers, peut-être aussi aux avocats (3). On appelait cela la Vierscare (4), ou le tribunal des quatre bancs, Scabint de quatuor scamnis.

Les audiences devaient se tenir toutes les quinzaines, et s'ouvrir avant midi. L'aman en annonçait l'ouverture, au nom du bailly, après que les échevins en avaient délibéré puis il en proclamait la police en ces termes « Que nul ne destourbe le » Vierscare sur 60 souls parisis d'amende et que nul ne parle dedans le banc, mais par le dehors, sur l'amende de 3 souls » parisis et s'il y a aucun qui ait à faire, il y viengne, et on luy fera droit et raison, comme à ladite Vierscare appartient; » et nul n'y peut parler sans congié du bailly et lesdits 3 souls. » parisis appartiennent seulement au bailly. Item, à la dite » Vierscare nul ne peut parler sans conseil et y a deux advo» catz qui doyvent conseillier les bonnes gens, et chacun advo(1) Art. 37.

(2) Art. 237, 238.

(3) Art. 233.

(4) Du flamand vier, quatre, et scare, anciennement searne, métathèse du motscranne banc. (E. de Coussemaker, Keure de Bergues, note 16 p. 41).


» cat a de sa partie, chascun jour qu'il parle pour lui, 12 deniers » parisis. Item, le clerc a pour enregistrer les demandes et def•» fenses des parties, de chescune partie 6 deniers parisis (1). » Les affaires que la Vierscare avait à juger étaient nombreuses; car, au criminel, les échevins avaient justice haulte, moyenne et basse, pour congnoistre de tous cas (2); » et au civil leur compétence s'étendait à presque toutes les causes qui pouvaient s'élever entre les citoyens. Ils avaient de plus la police des rues et places, la surveillance des poids et des mesures, la surintentendance des foires et des marchés (3). Ils devaient veiller à la salubrité, empêcher que nul ne jetât « des fyens » sur la voie publique,et ne mit « ordure, ne charoingne dans ies fontaines.» Dans la crainte des incendies, il était interdit à qui ce fût de déposer des cendres dans les rues, à moins qu'elles n'eussent été « bien mouyllées. j Les échevins devaient empêcher que les bourgeois ne jouassent « aux detz, ou à autres geux deffendus.» Ils devaient veiller à ce que « ribauldes ne demeurassent dedans l'échevinage après le soleil couchant, et aussi qii'elles n'y entrassent devant le soleil levant, sur paine d'estres mises au pillory » prendre garde que nul marchand forain n'a» cheptât œufs, beurre, fromaiges, ne oyseaulx, au jour de marché, devant que la haulte messe ne fût sonnée. La police des champs et des pâturages ne leur inspirait pas une moindre sollicitude. Il y avait tant de manières de transgresser la loi, sous ce rapport, en déplaçant les bornes des héritages, en rompant les haies et les clôtures, en fauchant l'herbe des prés d'autrui, en tirant de la tourbe à moins de quarante pieds du bord de la rivière, en mettant plus de deux bêtes par maison dans les pâturages communaux, etc. etc. Pour toutes ces transgessions, la loi édiçte des amendes que les juges devaient infliger aux contrevenants (4).

Dans ce code de simple police, l'observateur trouve quelque(1) Art. 242 et suiv.

(2) Art. 216.

(3) Le marché de Guines se tenait le dimanche. Un acte daté d'oeiobre 1343 le fixa au mercredi (Cocheris).

(4) Art. 58 et suiv.


fois matière à sourire, au spectacle toujours si français de l'antique gaîté gauloise. Quand les femmes se laissaient aller à des disputes et à des querelles bruyantes contre quelqu'une de leurs voisines, l'échevinage Guînois les condamnait « à porter le ra» mon, c'est-à-dire le balai, à travers toute la ville, de l'une porte jusques à l'autre (1). N'est-ce pas que cette sorte de punition était plus sérieuse qu'une amende ? `?

Pour soulager les échevins dans leurs pénibles et multiples fonctions, la loi de Guines nous fait connaître l'existence d'une autre institution, celle des CoratierSjOu esgards,chargés del'inspection des arts et métiers, des marchandises et des subsistances. Il semble qu'il y ait là quelque vestige d'uneancienne Keure qui aurait existé dans le principe, coneurremcnt avec l'Echevinage, comme nous l'avons vu pour la ville de Calais. Mais les Coratiers de Guînes n'avaient pas l'existence légale et indépendante des Coremans de Calais. Ils étaient nommés chaque année par le bailly et les échevins, avant le renouvellement partiel de l'échevinage, le jour de l'Epiphanie. Leur situation était donc celle de fonctionnaires en sous-ordre, recevant directement leurs pouvoirs des représentants de la communauté, sans que les corps d'état eussent été appelés à prendre aucune part à leur élection (2).

Le livre des Vsaiges et anchiennes coustumes en compte vingtsix mais il n'yen a que huit dont les statuts soient enregistrés. Les quatres premières concernent les subsistances.C'est d'abord la Coraterie du pain, portant réglementation de la boulangerie. On faisait alors du pain blanc d'une livre, du pain bis de blé riveté, ou bluté, d'une livre et demie, et enfin du pain à tout, de deux livres, avec la mouture venant tout droit du moulin, et le prix de chacune de ces qualités était indifféremment de deux deniers parisis, quand la rasière de blé valait dix-huit sous. La Coraterie du vin contient le devoir des taverniers, à qui on recommande surtout de tenir loyale mesure et de ne point dire (1) Art. 141, dans le Ban d'aot des barons du comté de 134t. (2) Art. 49 et suiv.


villenye aux priseurs; car eux aussi, comme les boulangers, et lient soumis à la taxe. La Coraterte de la char regarde les bouchers, qui ne peuvent tuer aucune bête,ni la mettre en vente, à moins qu'elle n'ait été soigneusement inspectée (1). La viande de porc est l'objet d'une surveillance plus rigoureuse que celle, du mouton, des vaches ou des bœufs. « Que nul ne tue aucun » pourceaulx foursenez; que nul boucher n'attache truye » pour vendre, ne pour tuer, que nulz ne tiengnent char » fresche à vendre, entre Pasques et la Saint-Michel, plus que trois ventes; que nul ne vende char mal sallée etc. » On y remarque renonciation d'une coutume originale et d'un caractère tout primitif, qui consistait à < faire fournaise dans les rues, pour cuire de la viande. Le statut défend cette pratique pour les dimanches et les jours de marché. Un autre article qui n'est pas. à mépriser est celui qui recommande la propreté dans toutes ces opérations culinaires. Que chacun fasse nectement » son métier, sur l'admende de 10 sols parisis. « Vient ensuite la Coraterie de poisson, dont les statuts en dix articles ont principalement pour but d'assurer le « bon et loyal état de la marchandise. au point de vue de la santé publique et de la salubrité. J'y remarque cet article: Que nul ne salle merlent, se ce n'est en corbeilles et sel assez et cet autre, assez peu pratiqué de nos jours Que nul ne tiengnc, entre Pasques et la » Saint-Michel, poisson fraiz, plus que deux ventes. Il y a quatre Corateries des arts et métiers. C'est premièrement celle des cuirs « Que nul ne vende cuyrs,ne soliers, qu'ilz » ne soient bien tannez le cuyr trop plein de chaulx doit » estre ars; que nul cordoennier ne mecte à soliers de vache » aucune chose de veel ou de brebis ou mouton, fors la lan»guette, contrefors et oreilles que nul ne mecte à soliers de » cordoan semelle qui ne soit engressée et tannée dehors et dedens, etc. Il n'y a rien que d'ordinaire dans les statuts de la seconde coraterie industrielle, celle du mesurage des blés; mais la troisième, celle des potiers de terre, concerne une indus(1) Ils peuvent étaler leur viande sur un banc, hors de leur boucherie, en la signalant au moyen d'une bannière rouge.


trie qui paraît avoir été florissante, à l'époque où les statuts ont été rédigés. Par le détail des édictions qui y sont contenues, on voit que les potiers de terre formaient une corporation, ayant sa Charité et sa chandelle. On y distinguait des maîtres, des varlets et des apprentis, pour chacun desquels il y a des lois spéciales. La grande préoccupation du rédacteur paraît avoir été de sauvegarder l'observation du repos dominical, relativement à la mise au four des objets fabriqués: Nul ne peut » ouvrer sur jour de feste, ne par nuit à !a chandelle; nul » ne doit ouvrer le samedi après nonne; mais on peut bien « mectre les potz au four pour cuyre à la nuyt d'une feste devant » nonne, et laissier lesdis potz au four pour cuyre jusqu'au jour » ouvrable, etc. Une singularité particulière de ce règlement c'est son premier article, dans lequel il est dit que « Nul pottier de terre ne doit tourner entre Noël et la Chandeleur.. » Après la poterie, l'industrie la plus considérable qui existait alors à Guînes était celle qui fait l'objet de ladernière coraterie, c'est-à-dire celle des drapiers. Elle semble avoir occupé un grand nombre d'ouvriers, tant dans la ville même que dans tout le ressort de la châtellenie. Nous y voyons mentionnés les « pigneresses, carderesses, bourresses et filleresses qui travaillaient à préparer la matière, et à qui on recommande de ne pas mêler les laynnes de Pontieu avecques les laynes d'Angle» terre, ni les laynes de peaulx avec autres laynes. Puis c'étaient les tisserands, les foulons,les tondeurs, et enfin les teinturiers avec leurs varlets et chamberières. Tout ce monde-là coopérait pour sa part à l'œuvre commune, en se maintenant chacun dans sa spécialité. Le travail ne manquait pas. 11 y a un article qui porte que toutes manières de drappiers ou ouvriers » qui sont sansmaistre doivent venir en la place sur le marchié pour eulx louer, chascun dimanche à heurede vespres sonans, » et semblablement à chacun jour, quand ilz seront sans » ouvrage. » Pour éviter l'éparpillement de cette industrie dans les villages environnants, il est statué que nulz tysserans, » foulons, ne tondeurs ne pourront porter, ne faire porter leur i. mestier hors de l'eschevinage; que lesouvriersde laynes n'ail-


» lent point ouvrer hors la ville de Guysnes, pour tant qu'ils » puissent avoir euvre pour besongnier en ladite ville. » C'était obliger l'artisan à une stabilité salutaire, en le prémunissant contre la désastreuse manie de l'émigration, cette plaie de l'industrie moderne! Un autre avantage de cette concentration était d'assurer du travail aux habitants de la localité, préférablement à tous autres, puis de permettre plus facilement aux coratiers l'inspection des produits de la manufacture, dont aucun ne pouvait être mis en vente, ni livré aucommerce, à moins d'avoir été marqué du sceau de la ville, comme ayant les dimensions et les qualités voulues, sous le double rapport de la confection et de la teinture.

Je n'ai cité jusqu'ici que des règlements de police, ayant un caractère purement municipal. Il y en a d'autres, qui visent les faits, qualifiés crimes, ressortissant, comme les autres, à la justice échevinale (1). Si quelqu'un, « par maltalent et par mauvaise voulenté, tyre contre une personne un coutel à pointe, » il sera passible d'une amende de soixante livres parisis. S'il en résulte une blessure à plaie ouverte, le coupable aura le poing coupé. Si aucun homme en tue un autre, il sera pendu. Quiconque aura frappé quelqu'un d'un bâton ferré, il encourra soixante livres d'amende; si le bâton n'a pas de fer, l'amende ne sera que de dix livres.Cette dernière peine est encore prononcée contre celui qui « par despis aurait jeté du vin au visage d'un homme, ou qui l'aurait frappé d'un coup de poing avec une pierre à la main. Tout individu assez [mal avisé pour porter la main sur le bailly, ou le sergent de la loi, ou un échevin, devait avoir le poing coupé.

La loi qui protégeait ainsi les personnes n'était pas moins sévère contre les attentats commis contre la propriété, principalement en ce qui regardait les marchands. « Qui robberait mar» chans ou autre, en ladite comté de Guysnes,par terre ou par » eaue, c'est assavoir, se la robberie fust faite par nuyt, celluy » qui le cryme et délict a fait, commis et perpétré, seroit (l)Art. 177etsuiv.


» trayné et pendu par la gorge, se on le povoit prendre et ap» préhender et se la robberie avoit esté faicte par jour, celluy qui ce auroit fait seroit pendu. C'est comme à Calais « se » aucun embloit des biens, soit de jour ou de nuyt, jusques à la valeur de cinq soûls parisis, il seroit pendus (1). » On avait le plus grand intérêt à assurer ainsi la sécurité du commerce, sans quoi les trafiquants n'auraient pas osé circuler sur les routes avec leurs marchandises. De là aussi l'importance attachée au maintien de la paix et du bon ordre dans les franches festes (2). »

On en tenait une à Guînes, qui est citée dès le XILe siècle, le jour de Saint-Pierre-ès-liens, 1er du mois d'août,et l'usage s'en est conservé jusqu'aujourd'hui. Il était défendu à qui ce soit d'y porter armures dcfensables. Quiconque y aurait causé du trouble ou s'y serait battu, devait être condamné à une amende de soixante livres, tant l'échevinage apportait de sollicitude pour que la feste fut « franche et en paix à toutes gens alans et » venans, de toutes querelles, fors que de lait fait, » c'est-àdire de violences et de sévices. Le statut veille à ce que « toutes » balances et tous poys soyent bons et loyaulx » à ce que l'on pèse « droicturièrement; à ce que « toutes aulnes soyent boni nes et loyalles,pour aulner justement draps de layne.et de lyn» ge; à ce que l'on ait « bonnes et droites mesures de toutes liqueurs, pour mesurer « à plaine mesure le vin, la bière, la cervoyse et le myel » on recommande aux hôteliers de ne point mêler le vin;en un mot,on prend toutes les précautions imaginables pour assurer la loyauté des transactions. L'autorité locale a l'œil ouvert sur toutes les fraudes; elle va jusqu'à surveiller les paiements, lesquels ne doivent pas être faits dans le secret des maisons, mais « en appert, c'est-à-dire publiquement, en plein marché, sous peine d'une double amende de soixante sous, frappant l'acheteur et le vendeur. On voulait éviter par là toute espèce de vente à prix fictifs. (t) Art. 150 et suiv.

(2) Art. 184 et 186.


Je n'en tinirais pas, si je voulais énumérer tout ce qu'il y d'intéressantjau point de vue moderne,dans les Vsaiges et anchiennes coustumes de la Conté de Guysnes, qui se composent de 445 articles. On y trouve les notions les plus étendues sur la constitution et le fonctionnement de la justice féodale, représentée par quatre juridictions différentes, la cour supérieure des barons, la cour des pairs du château, la cour de la chatellenie,tenue par le bailly et desservie par des francs hommes, enfin les cours particulières des barons, desservies par leurs hommes de fief (1). Les deux échevinages constituaient, en regard de ces juridictions seigneuriales, l'organisation et la garantie d'une certaine somme de libertés populaires, qui faisaient contrepoids à ce que le pouvoir des classes supérieures pouvait avoir d'exorbitant. C'est ainsi, par exemple, que des règles tutélaires sont établies pour consacrer le droit des citoyens en cas de légitime défense, pour prévenir les arrestations arbitraires, pour régler jusqu'où va le droit du seigneur, aussi bien que celui des particuliers, en ce qui concerne les testaments et les héritages. Un chapitre entier traite de la franchise de sainte Eglise » et détermine les conditions du droit d'asile. Suivant l'usage du temps, tout homme, même coupable de meurtre ou de brigandage, pouvait y demeurer quarante jours, sans que la justice put faire aucune entreprise contre lui mais il n'en était pas de même d'un traître. Ce dernier n'y était point franc « et fust assis sur l'autel où ce on diroit messe, la justice le pourroit prendre « sans meffait. » Enfin, un certain nombre de dispositions sont édictées concernant le droit civil, le droit pénal, les formalités de la procédure, toutes choses qui offrent une ample matière à l'étude comparée du droit coutumier de nos contrées du nord, et dont il ne m'est pas possible de parler ici, sans m'éloigner beaucoup trop de mon sujet.

GUINES sous LA domination anglaise. Au moment où le comté de Guînes, concsqué par le roi de France, à cause de la forfaiture de Raoul II, se voyait annexé au domaine de la cou(l)Art. 1 à 9.


ronne, les Anglais étaient maîtres de Calais et de tout le territoire environnant. Depuis trois ans déjà,cette riche et populeuse contrée était devenue un champ de bataille que piétinaient sans cesse les armées des deux pays.Guînes, avec son château fort, à deux lieues de Calais, ne pouvait espérer de résister longtemps aux convoitises des capitaines d'Edouard III. Ceux-ci pourtant n'en triomphèrent point par la force, mais par la ruse, au moyen, dit-on, de la trahison de Guillaume de Beaucorroy, son gouverneur. Froissart dit positivement que, « aussitôt « après la mort du comte de Guînes, dont toutes manières de « gens furent courroucés, fut pris et enlevé le fort et beau « château de Guines, qui est un des plus beaux châteaux du « monde et fut acaté à bons deniers par monseigneur Jean de « Beauchamp, capitaine de Calais, et délivré de ceux qui le c vendirent aux Anglois qui en prirent possession et ne l'eussent « rendu pour nul avoir. Mais, suivant d'autres chroniques anglaises, notamment celles de Stow et d'Awesbury, le fait eut lieu par surprise, au moyen de trente hommes d'armes, qui, renseignés par un espion, pénétrèrent la nuit dans le château et en massacrèrent la garnison (1). D'après Robert d'Awesbury le fait eut lieu vers la fête de Saint-Vincent,c'est à-dire aux environs du 22 janvier de l'an 1352.

Le château de Guines, dont il ne reste aujourd'hui que de très faibles vestiges, occupait les trois quarts de l'emplacement de la ville actuelle.Il était environné de fortes murailles, toutes flanquées de tours crénelées, dont un fossé profond, toujours rempli d'eau, défendait i'approche. Quant à la ville proprement dite, elle n'avait d'autre fortification qu'un retranchement terrassé, dont le fossé de circonvallation pouvait s'inonder à volonté. Pour l'époque, c'était une place de guerre de grande importance et maintes fois, si l'on put incendier la ville et ses faubourgs, on dut renoncer à s'emparer du château. Dans les circonstances douloureuses où se trouvait le royaume de France après la bataille de Poitiers, le roi Jean crut bien (1) Voir une notice signée Auguste Legros, dans le Puits Artésien de 1838, p. 49.


faire de consentir un grand sacrifice, et le 8 mai 1360, le régent son fils signait le traité de Brétigny, par lequel, entre autres clauses lamentables, fut cédé aux Anglais le chastel et la » ville et tout entièrement le conté de Guignes, avec toutes les » terres, villes, chasteaux, forteresses, lieux, hommes, hom» maiges, seigneuries, bois, forêts, droitures d'icelles, aussi » entièrement comme le comte de Guignes dernièrement mort » les tint au temps de sa mort (1). » Dès ce moment, la ville de Guînes avec le reste du comté était placée légalement sous le sceptre du roi d'Angleterre. Aussi, le 18 novembre suivant, pour se conformer au mandement royal délivré par Jean le Bon le 3 du même mois, vit-on arriver à Calais les barons, les pairs, les francs hommes du comté, avec les échevins d'Ardres, d'Audruicq et du Pays de Bredenarde, pour faire leur soumission entre les mains descommissaires d'Edouard^III, de qui ils reçurent la confirmation de leurs chartes municipales et de leurs s privilèges (2).

La.châtellenie de Tournehem, qu'Arnoul III avait vendue au comte d'Artois avec le château de la Montoire, échappa aux con.séquences du traité de Brétigny, comme n'étant pas en la main du roi de France. Plusieurs seigneurs ausssi, notamment ceux de Fiennes, de Licques et de Colembert, eurent le patriotisme de désobéir aux ordres de leur souverain, et refusèrent de se soumettre à une domination étrangère. C'était un lambeau *de l'ancien comté de Guînes, qui restait ainsi toujours attaché à la France, et on ne tarda pas à l'augmenter. Profitant d'une occasion favorable, le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, investit un beau jour le château d'Ardres, et le reprit aux Anglais(1377), avec dix-neuf paroisses des environs.

Ce fut l'occasion de créer un nouveau comté de Guînes, des débris de l'ancien (3). On appela cela le Pays conquis, ou le gouvernement d'Ardres, à la tête duquel on mit un bailli qui porta, comme les anciens baillis de Guînes, le titrede bailli souverain, (1) Texte du traita dans Lefebvre, Hist. de Calais, t. II, p. 32. (2) Courtois, Ap erçu hist., p. lii.

(3) Voir l'article Ardres, au tome 1er de l'Arrond. de saint-Omer,


et dont les appels ressortissaient au bailliage de Montreuil. Mais la ville de Guînes, avec les villages d'Andres, Hames, Boucres, Saint-Tricat, Nielles-lez-Calais, Fréthun et Pihen, resta sous le gouvernement du roi d'Angleterre, en continuant cependant d'être régie, au point de vue judiciaire, par ses vieux usages et ses anchiennes coustum.es, auxquelles il ne paraît pas que l'administration anglaise ait dérogé. En effet, la copie qui en a été faite au XV siècle et qui repose maintenant à la Bibliothèque nationale, renferme des documents émanés de l'autorité des rois d'Angleterre, notamment une charte d'Edouard III, donnée à Westminster le 29 novembre 1369 pour accorder aux bourgeois de Guînes la concession d'une seconde foire annuelle qui se devait tenir dans la quinzaine de Pâques, et durer six jours (2). C'est sans doute l'origine de la foire qui existe encore aujourd'hui et qui est fixée au troisième lundiaprôs Pâques; mais elle ne dure, pi us qu'un jour.

Je n'ai pas les documents nécessaires pour essayer de retracer l'histoire de Guines sous la domination anglaise. Peut-être, ce travail tentera-t-il, quelque jour, la courageuse patience d'un moderne bénédictin. Tout ce que je puis dire, c'est que ce ne sera pas un tabteau paré des couleurs les plus riantes. Il y faudra voir à chaque page la guerre et le massacre,-le sang et la mort, le pillage et l'incendie.

En 1352, Geoffroy de Charny fait le siège de Guines et en brûle les faubourgs. En 1412, Walerand de Luxembourg s'empare de la ville,qu'il fait piller et brûler par ses soldats.En 1436, le sire de Croy renouvelle les mêmes horreurs, en essayant d'enlever le château, ce à quoi il ne peut réussir. En 1479 enfin, Louis XI ravage le comté de Guines et y brûle dix-sept châteaux. Tout cela n'etait rien, en comparaison de ce que la garnison de Guines faisait souffrir aux malheureux habitants des campagnes boulonnaises. Toujours en activité durant les nombreuses années de guerre qui signalèrent la funeste période de l'occupation anglaise, ces soldats maraudeurs, ou plutôt (2) Vsaiges et anciennes coutumes, art. 210.


comme les appelle M. Courtois, ces bandits et ces brigands soudoyés (1) ne tenaient pas en place dans le repaire de leur forteresse, et ils couraient le pays pour piller sans cesse et pour tuer. Rien n'échappait à leur fureur, non plus les lieux sacrés, les églises et les abbayes, que les fermes et les châteaux. Il y en a des récits lamentables, que le décousu d'un dictionnaire ne me permet pas de grouper ici. On en trouvera le détail ailleurs. A côté de ces dévastations sanglantes, il se trouve dans l'histoire de Guînes quelques épisodes qui reposent l'esprit par de plus agréables couleurs. En 1396, le roi d'Angleterre Richard II vient y loger avec le duc de Lancastre, pour recevoir solennellement la jeune princesse Isabelle sa fiancée, fille du roi Charles VI. En 1520, Henri VIII se rendit à Guînes,, il se fit construire, aux portes de la ville, un superbe palais de charpente, fermé de châssis vitrés, dont les matériaux avaient été amenés de Londres. C'est là qu'il se logea et qu'il reçut le roi François Ier, pendant la durée de l'entrevue dont le souvenir est resté attaché au célèbre Camp du drap d'or. Rien ne surpassa jamais la magnincence des fêtes qui furent données à cette occasion. On en peut voir le récit abrégé dans l'article consacré à la ville d'Ardres, où le roi de France avait fixé son séjour (Saint-Omer, t. I, p. 230) et si l'on est curieux de détails plus circonstanciés, on les pourra trouver dans l'Histoire deCalais de Le Febvre(2). Malgré toutes ces démonstrations d'amitié plus bruyantes que sincères, la guerre se ralluma entre la France et l'Angleterre. On se battit de part et d'autre, sur le territoire du Boulonnais, avec des explosions de fureur et des raffinements ds cruauté, dont la garnison de Guînes donna trop souvent l'exemple, jusqu'à ce que la bonne fortune de la France eut amené le duc de Guise à s'emparer de Calais.

Guines devait suivre. Cinq jours après la prise de Calais, le 13 janvier 1558, l'armée française se présenta devant cette forteresse, qui fut investie le 17.

(1) Aperçu hist., p. xxi

(2) T. II, pp. 219 et suiv.


Lord William Grey de Wilton y commandait avec une garnison de 1.400 hommes, dont une partie appartenait aux troupes espagnoles. C'était un officier brave et expérimenté, qui avait été mis d'abord à la tête de la garnison de Hames (29 juin 1530) puis nommé capitaine des bandes (the crews) chargées de ravager le pays en 1544.En récompense de ses services, Edouard VI lui avait confié la charge de gouverneur de Guînes le 31 octobre 1552; et par une patente du 31 juillet de l'année suivante, la reine Marie lui avait donné commission de lever pour les besoins de sa garnison une troupe de 350 fantassins et de 50 cavaliers dans les comtés de Middlesex et de Kent, et même dans la ville de Lordres (1).

Lord Grey, voyant que la ville proprement dite était incapable de résister, par suite de la faiblesse de ses fortifications et de l'impossibilité où il se trouvait d'y mettre le nombre d'hommes nécessaires à sa défense, commença par l'incendier (2) puis il se retira dans le château,, dont l'assiette, comme je l'ai dit plus haut, passait pour formidable.

Le duc de Guise ouvrit le feu de ses batteries, le 17 janvier avec tant de succès que le 20 au soir l'ennemi se trouvait dans la position la plus désespérée. Plus d'un tiers de la garnison anglo-espagnole avait mordu la poussière, et le reste découragé pressait le gouverneur d'avoir pitié d'eux et de faire cesser une boucherie désormais inutile. C'est ce qu'affirme le narrateur Anglais, suivi par Holinshed. Ils allèrent même jusqu'à déclarer dans leur mutinerie, qu'ils ne tireraient plus un coup de fusil pour se défendre (3).

Dans cette situation, le gouverneur Anglais capitula. Il restait prisonnier avec les officiers supérieurs. La garnison, elle, (1) A commentary of the services and charges of William lord Gr?y of Wilton. K. G., publication de la Camden Society, Londres, in-4° 1847. (2) Les historiens français font de cet incendie un épisode du siége. L'ecrivain anglais contemporain, qui n'est autre que le fils de lord Grey lui-même, et qui était présent au siège, dit que ce fut une opération préalable.

(3) That hys lordship was not too expect, any one blowe more of theyr hands.


pouvait s'en aller avec armes et bagages (1), mais sans enseignes, tambours, ni trompettes. Quant au château, on le rendait aux Français avec tout le mobilier, les vivres, la grosse artillerie, la poudre et les autres munitions de guerre. Le biographe de lord Grey nous apprend que l'ex-gouverneur anglais fut donné d'abord au maréchal Strozzi, puis vendu par ce dernier à « Monsieur Randall, » (Monsieur de Rindon), puis au comte de La Rochefoucauld, des mains de qui il se racheta moyennant le prix de 24,000 couronnes. Il mourut au château de Cheston dans le Hertfordshire, le 25 décembre 1562.

Pour en revenir à la ville de Guines, elle arborait les couleurs françaises le 21 janvier, anniversaire du jour où, deux cent-six ans auparavant, les Anglais lui avaient imposé par force le pavillon britannique

GUINES SOUS L'ADMINISTRATION française, DE 1558 A 1789. Je ne sais rien de précis sur le sort qui fut fait aux habitants de ce bourg, tant de fois dévasté par le feu et l'épée. Ils étaient Anglais, pour la plupart, et ils durent abandonner leurs foyers, pour aller chercher dans les domaines de leur souverain un asile et une patrie. Tout ce que j'ai pu trouver à ce sujet se borne aux lignes suivantes, insérées dans le journal Y Indicateur de Calais du 23 janvier 1831: La reine Marie donna aux exilés de Guînes et de Hames un terrain dans le faubourg de Sainte-Catherine à Londres, pour y fixer leurs demeures; ce quartier prit le nom de Hames and Guînes gains, qui se changea dans la suite, par une étrange corruption, en celui de Hangman's gangs (les bandes du pendu). Le dock de Sainte-Catherine a été établi il y a quelques années sur cet emplacement. » Je ne sais pas davantage comment Guînes se repeupla, si ce n'est que ce repeuplement fut un faitgéneral qui se confond avec celui du Calaisis. Guines fut incorporé à cette nouvelle province,avec le titre de bourg,mais sans institutions municipales proprement dites. L'administration de la ville était confiée, comme (1) Chaque soldat pouvait emporter une couronne, (un écu) dans sa poche.


celle des plas simples villages, à un marguillier, ou syndic, • qui n'exerçait ni la police ni aucune autre espèce de pouvoir ou de magistrature directe, mais qui relevait des ofticiers municipaux de Calais. Ce syndic percevait toutes les impositions de la paroisse, et en comptait au receveur général des finances à Calais, à la retenue de 4 deniers par livres de sa recette. Les octrois de Guînes se percevaient également au profit de la ville de Calais, qui les attribuait au service du roi et de la garnison, au curement des canaux, à l'entretien des casernes, des écuries et des édifices d'une utilité générale et applicable à tout le gouvernement du Pays reconquis (1). »

Dans cette situation, si différente de celle qu'elle avait occupée pendant le moyen âge, Guînes n'eut pas même la consolation de voir relever, ne fût-ce qu'à titre de souvenir, le nom de son ancien comté, ce magni nominis umbra, désormais éteint et supprimé. Bien mieux, ses baronnies et ses pairies, transférées à Ardres durant l'occupation anglaise, y restèrent comme apanage honorifique de sa rivale. Ses fortifications non plus, ni son château, renfermant toujours dans son enceinte l'antique motte du donjon de Sifrid, ne lui furent conservés autrement qu'ensevelis sous l'herbe, au milieu de décombres et de ruines dans lesquelles apparaissaient çà et là des fragments d'armures et des débris rongés par le temps. On lit encore, il est vrai, que sa bannière, consistant en une cornette de satin jaune, chargée des armes de l'ancien comté, vairé, contrevairé d'or et d'azur de sept pièces, attachée à une lance peinte en jaune, fut portée aux obsèques du roi Henri IV, le 29 juin 1610; mais c'était le bailli d'Ardres qui la tenait, en sa qualité de premier officier de la justice royale de ce qu'on appelait encore le comté de Guînes, sans que Guînes en eût l'honneur!

Elle n'avait plus sa pieuse abbaye de Saint-Léonard, qui avait encore subsisté quelque tem ps après la conquète. C'était en vain que Richard II lui avait rendu en 1394 les biens dont elle avait été dotée en Angleterre, ainsi que ceux qui lui appartenaient (1) Alra. de Calais, 1852, pp. 29, 30


dans l'ancien comté (1). Située dans le faubourg de la ville, elle avait dû succomber dans quelqu'un des sièges que cette dernière avait eu à subir. Etiam periere ruines On dispute aujourd'hui sur son emplacement, que M. le Dr Cuisinier croit avoir retrouvé dans le lieu dit le Boulevard des Quatre vents, ou le Couvent, en face de la voyette des Billettes (2). Il en reste comme souvenir, à la bibliothèque de Saint-Omer, deux manuscrits que M. H. Piers a décrits dans le Puits Artésien de 1838 (3). L'un, sous le n° 112,'est un Martyrologium Ghinense, écrit au XIIP sur vélin, avec initiales en couleurs. On y trouvé des notes précieuses à recueillir sur diverses notabilités du pays. L'autre (n° 101)est un Antiphonaire, écrit en caractères du XIV° siècle, intéressant pour l'histoire liturgique de cet ancien monastère (4). Disons tout de suite, pour n'avoir pas besoin d'y revenir, que les religieuses de Saint-Léonard, avaient trouvé un asile dans la maison des chanoinesses de Bourbourg, où leurs archives existaient encore en partie lors de l'inventaire qui fut fait des papiers de cet établissement, en 1790 (5). Je ne sais àquelle époque eut lieu cette réunion, dont M. E. de Coussemaker place la date un peu trop haut en la faisant rapporter à la fin du XIIIe siècle (6). Plus tard, par lettres patentes de Louis XIII du 22 juin 1627, une partie des revenus de l'ancienne abbaye Guinoise fut attribuée aux Bénédictines d'Ardres (5) et il y eut même. je ne sais comment, des abbesses nommées en titre, dont deux seulement me sont connues, savoir, Marie Froment, maintenue en possession contre l'opposition de l'abbesse de Bourbourg par arrêt du Parlement, en 1635 (8), et Anne-Louise de Chabanne(1) Lefebvre, hist. de Cal., t. II, p. 80.

(2) Ephâm. de Calais, du 26janv. 1880.

(3) P. 19 et suiv.

(t) Voir aussi, du mimiM. Piers, le Cat. des rnss de la Bib. de St-O. Lille 1840, in p. 42.

(5) Vo ,ez la notiie publiée par M. E. de Coussemaker sur les archives de l'abbaya de Bourbourg, Dunkerque 1859, in 8°, p. 26, art. 139. (6) Ibid., p. 3.

(7) PetiuPouillé du dioc. de B.

(8) Gall. christ., t. X.


Labarre,morte en 1635(1).Le chartrier de cette abbaye a fourni à Dom Grenier un certain nombre de titres anciens, fort utiles à l'histoire du Calaisis.

Les évèques de Boulogne les admirent fort tardivement et seulement en 1711 à exercer le droit de patronage, ou de présentation, la cure de Guînes, dont elles jouissaient avant laconquête,et auquel elles renoncèrent par un acte du 10 janvier 1760. Il n'y avait plus qu'une église à Guînes, celle de Saint-Pierre, où les vicaires généraux de Thérouanne, le siège vacant, nommèrent un curé en 1561. Depuis le départ des Anglais la paroisse n'était plus desservie que par des prêtres sans titre, qui subsistaient des libéralités des particuliers (2). Les vicaires généraux y remirent aussi le chef-lieu doyenné, qui avait été transféré à Ardres; et nous trouvons sous la date du 25 février 1558 la signature du premier ceclésiastique par qui recommence, pour se continuer jusqu'à nos jours, la série des doyens de Guînes. Il s'appelait Vinier; mais l'acte ne dit pas quel était son titre curial (3). J'ai donné dans le volume précédent la nomenclature des paroisses qui composaient à cette époque le doyenné de de Guînes (4). Le nouveau doyenné, érigé en 1628, comprit les paroisses d'Alembon, Andres, Boucres, Bouquehault, Campa- gne, Fiennes, Guines, Hames, Hardinghen, Nielles-lez-Calais, Pihen, Saint-Tricat, avec leurs secours respectifs de l'arrondissement de Boulogne, et celles d'Ardres, Balinghem, Brèmes, Louches, Nielles-lez-Ardres et Rodelinghem de l'arrondissement de St-Omer.

Au point de vue religieux, il faut noter que, dans ce pays où l'occupation Anglaise avait introduit des croyances et des pratiques en opposition aveclesdogmes de l'Eglise Romaine.les idées de la Réforme se trouvaient en quelque sorte acclimatées. Il ne faut pas oublier non plus que la population nouvelle, formée d'éléments divers et comptant nécessairement beaucoup d'aven(liPirrs, Noice hist. sur Guines (alm. de Calais, 1846), p. 60. (2) Le Febvre, t. II p. 346.

(3) Reg. G. I, des archives eccl. de B. sous la date du 25 février 1558. (4) Boulogne, t. l' p. 5, note.


turiers, de malheureux même et de déclassés, était un milieu extrêmement favorable au développement de l'esprit frondeur et chagrin qui est le propre du calvinisme. Aussi, quand le traité de Ncrac (28 février 1579 ) eut assuré aux protestants le libre exercice de leur culte, ils s'empressèrent de faire construire un temple à Guines (1), bien qu'ils en eussent déjà un à Marck. Ils y établirent en même temps un Consistoire, où ils se réunissaient pour délibérer sur les intérêts temporels et politiques de leur communauté. C'est un grand bâtiment sombre «qui subsiste encore dans la rue dite du Temple et que la tradition du pays désigne à tort comme étant le temple lui-même. Ce dernier, dont l'existence fut officiellement reconnue par les dispositions de l'édit de Nantes, en 1598, a été démoli après la révocation de cet édit, en 1685; et suivant ce que nous apprend l'annaliste de Calais, Pierre Bernard, « les matériaux en furent employés pour les réparations et l'augmentation de la parois se, «c'est-à-dire de l'église de Saint- Pierre(2).Le même auteur ajoute que cet édifice «n'estoit point d'une construction magnifique et » apparente, et n'estoit pas fort spacieux,mais d'une structure si » bien prise qu'il pouvoit contenir aux environs de trois mil per» sonnes(3).» Je dois une mention spéciale à l'un de ses pasteurs Ezéchiel Daunois, qui résidait à Boulogne, dont les registres d'état-civil subsistent encore et dont le nom est systématiquement estropié par plusieurs de nos historiens locaux. La paroisse protestante qu'il desservait à Guînes avait son cimetière particulier situé près de la ville, au lieu dit le Parcage, où s'élève aujourd'hui le pensionnat d'élèves anglais dirigé par M. Popieul (4).On y a trouvé en 1859 une grande quantité d'ossemen ts. J'ajoute, à propos de ce cimetière, que c'est l'endroit où parait avoir été établi en 1520 le fameux palais vitré d'Henri VIII, et (1) M. Piers dans sa Notice (p. 60) dit que l'établissement du Temple de Guines n'eut lieu qu'en 1611.

(2). P. 536

m P. 444. Voyez Le Febvre, t. Il, p. 387

(4) M. la Dr Cuisinier a publié sur m s" jfit dans ls Patrt,'ote de SaintPierre, un article intitulé Vieissitudes archéologiques d'une pièce de terre à Guînes fl9déc. 1880).


que peut-être il s'y rattache des souvenirs beaucoup plus anciens car Bernard nous raconte qu'on en avait extrait jadis « un grand tombeau de pierre, qui avait été posé à l'entrée de l'église et oîi l'on ne pouvait plus, dit-il, reconnaître aucun caractère (1).

Pour en revenir aux protestants du Calaisis, je suis heureux de trouver dans les Annales de Bernard la remarque suivante qui est toute à leur honneur. Les familles qui composaient la communauté réformée de Calais « y estoient, dit-il, au nombre de soixante-dix, et il faut leur rendre cette justice que de no« tre tcms nous n'avons rien remarqué dans leur conduite de « contraire pour le service du Roy et de la Patrie. Ceux de la « campagne, dispersés dans tous les vi-llages et surtout daas le « bas pays, étoient en assez bon nombre, dont la plus grande « partie tiroit son origine de Flandre, et paroissoit avoir le plus « d'attachement pour ses erreurs. Quelques-uns, tant de la ville « que des villages voisins, se sont retirés dans les pays estran« gers; les autres, plus raisonnables, ont reconnu leurs erreurs « et se sont remis au giron de l'Église etc. (2). Une partie de cet heureux résultat est dû, sans aucun doute, aux prédications que Mgr Le Tonnelier de Breteuil évêque de Boulogne, fit par lui-même, avec le concours de plusieurs missionnaires,dans les années qui précédèrent immédiatement la révocation de l'édit de Nantes, c'est-à-dire particulièrement en 1683 (3). Ce prélat était ur homme d'une grande douceur et de beaucoup de vertu, suivant le témoignage de ses contemporains;et l'on ne saurait l'accuser ici de s'être fait, en cette circonstance, l'auxiliaire des sévérités de Louis XIV à rencontra des religiohnaires. On conserve au musée de St-Omer un Décalogue, gravé sur bois et écrit en vieux français, qui provient de l'oratoire de Guînes (4). Que dirai-je de l'histoire civile de ce bourg, durant les trois (1)P. 98 et 534.

(2) P. AU.

(3) Mandement de Mgr l'évôqve de Bovlogne au sviet de la conversion des hérétiqvoss de son diocèze, 18 mai 1B83 (Bibl. de Saint-Omer, in-4- de 7 PPJ.

(4) Piers, notice cit., p. -60. Harbaville, t. Il, p. 55.


derniers siècles ? Guînes n'a pas d'archives, et les événements qui la concernent sont à glaner dans les annales des contrées voisines. Le 10 mai 1596, l'armée espagnole qui venait de s'emparer de Calais occupa Guines sans coup férir mais deux ans après, le traité de Vervins la rendit à la France. En 1640, pendant les funestes épisodes de la guerre de trente ans, l'armée française campa dans la ville de Guînes; et, sous prétexte d'ôter aux Espagnols le moyen de subsister dans ce pays, elle le dévasta plus cruellement que n'aurait pu faire une armée ennemie. L'historien de Calais; Le Febvre, dit que le dommage qui en résulta pour le Calaisis fut estimé à plus de deux cent mille écas (1). En 1674, deux mille hommes détachés de la garnison espagnole de St-Omer et des forts voisins, traversèrent le territoire d'Ardres et vinrent mettre le feu au bourg de Guînes pendant la nuit. Comme il n'y avait point de défense, deux cents maisons furent consumées et les autres pillées; quelques habitants eurent le temps de se réfugier dans le château, nommé vulgairement la Cuve, mais il étoit ouvert de toutes parts, ses fortifications jugées inutiles avoient été ruinées en partie, aussi ne put-il préserver ceux qui s'y étoient réfugiés; trois d'entre eux s'y firent tuer vaillamment, et vingt autres, après quelques efforts, furent faits prisonniers et emmenés à St-Omer(2). «Heureusement, le traité de Nimègue et, peu d'années après, celui d'Utrccht vinrent rendre la paix et la sécurité aux malheureuses populations de nos frontières septentrionales.

Malgré ces désastres successif l'historien Bernard constate que de son temps, c'est à-dire à la fin du XVIIe siècle, Guînes était encore l'endroit le plus considérable du pays et comptait 404 maisons. Sa population, en 1698, d'après le rapport de l'intendant" Bignon, était de 1687 habitants; en l'an XIII,elle était de 3.010.

C'est qu'au moyen de la paix, Guînes avait pu durant tout le XVIIIe siècle développer son commerce et.donner du travail à (1)T. U, p. 546.

(2) Le Febvre, t. Il, p. 465, d'après Bernard, p. 348.


l'industrie. Elle avait pour cela son canal, embranché sur celui de Calais à StOmer, par lequel elle communiquait non seulement avec la mer, mais encore avec l'Artois, la Flandre et le Hainaut. A proximité des mines de charbon, récemment exploitées à Hardinghen et à Réty, elle servait de débouché au transport de ce combustible, en même temps qu'au voiturage des pierres de Ferques et des marbres d'Elinghen. On exportait par le même moyen une grande quantité de tourbes, dont l'extraction s'opérait dans les nombreux marécages de son territoire, et qui servaient alors presque exclusivement de chauffage aux artisans et aux campagnards. C'était aussi par ce canal, que les bois des forêts de Guînes et de Licques descendaient par bateaux vers Calais, Gravelines, Bergues et Dunkerque, ou bien. remontaient doucement vers St-Omer. Quant à l'industrie locale, elle s'efforçait de profiter aussi de ces avantages. Il y avait à Guînes en 1769, d'après l'Almanach de Picardie, une manufacture destinée au blanchiment de la cire, fondée quatre ans auparavant par M. Rébier; et le même recueil nous apprend qu'il se faisait en outre, dans cette ville, de la poterie, des tuiles et des pannes « aussi belles que celles de Hollande. »

11 ne faut pas négliger de tenir compte aussi des produits de l'agriculture.Les deux foires annuelles et les deux marchés qui se tenaient alors à Guînes, les mardis et les vendredis, étaient « considérables par la grande quantitédegrains de toute espèce, « de bestiaux, de volailles et de gibier qui s'y vendaient. C'était un centre, quoique ce ne fût plus une ville; et on l'avait bien compris au lendemain de la conquête, lorsqu'on y créa deux offices de notaires royaux (sept. 1581). Je ne saurais oublier de signaler ici l'établissement d'un franc marché,autorisé pour les derniers vendredis de chaque mois par lettres patentes de juin 1775 (1); la date témoigne aussi du mouvement de prospérité dont je parle.

Guînes avait en 1725 un instituteur marié, qui, sous le titre de clerc d'école, faisait la classe aux garçons, tandis que sa (1) Cocheris, Notices et extraits, t. II, p. 470.


femme tenait l'école des filles (1). Cette combinaison, trop difficile à rencontrer pour être une ressource permanente, offrait sans doute en ce temps-là le moyen de remplacer les sœurs de la Providence de Rouen, de l'institutdu P. Barré,que LouisGensse y avait établies en 1714, et qui s'étaient retirées pour ne point subir la loi des jansénistes. On les rappela en 1727, ainsi qu'en fait foi un document conservé dans les papiers de l'intendance (2). Ces religieuses, qui étaient chargées de « l'instruction gratuite des pauvres jeunes filles, restèrent à Guînes jusqu'à la Révolution française. D'après un rôle de 1787, la ville leur payait une somme annuelle de 100 livres mais je pense qu'elles avaient encorequelque chose à recevoir sur les finances de Calais, par suite de la fondation de Louis Gensse. Le maître d'école, lui, touchait un traitement de 150 livres (3). L'almanach de Picardic nous fait connaître que Guînes était la résidence d'un Receveur et d'un contrôleur des traites, d'un contrôleur des Actes, d'un Receveur des Aides et papier timbré, d'un Receveur sédentaire et d'un Receveur ambulant des droits sur les cuirs.

On y trouvait un huissier et deux chirurgiens apothicaires. Une chose manquait c'était une municipalité indépendante et autonome. J'ai dit que Guînes était considérée comme banlieue de Calais, n'ayant pour administrateur sous le titre de maire, qu'un marguillier syndic, renouvelé tous les ans le premier janvier dans l'assemblée des notables. Les occupations de ce fonctionnaire étaient fort multiples. Chargé du recouvrement des sommes imposées par Sa Majesté, il l'était encore de l'entretien de l'église et de la perception du peu de revenus qu'elle pouvait avoir. C'était lui qui était obligé de faire le logement des gens de guerre, lorsqu'il en venait en quartier dans la ville ce dont on ne se faisait pas faute, pour tenirle peuple en haleine. On devait le trouver partout, à toute heure, par exemple à la tête des habitants, commandés pour la conduite des chariots et (1 Rapport de Barthélémy liattut, cure.

(2) Archives dép., C. 119.

(3) Ibid., liasse C. 123.


des chevaux de selle, lorsque les troupes changeaient de garnison, ou bien encore chaque jour sur les grands chemins, aux corvées, pour contenir ses habitants et faire la vérification des personnes commandées. En outre, sans avoir à sa disposition aucun sérieux moyen de répression, ni aucun pouvoir judiciaire, il était néanmoins responsable du maintien du bon ordre et de la policè, ce qui, dit un mémoire du temps, était bien difficile eu égar.i au grand nombre de petit peuple qui existe dans cette ville et comté. Le dit marguillier, ajoutait-on, avait au surplus de ce détail,ses affaires personnelles à conduire, et l'on en concluait que le fardeau était trop lourd pour les épaules d'un seul homme (1).

Aussi, l'édit de Marly étant venu offrir une administration municipale à toutes les villes dont la population atteindrait le chiffre de 2,000 âmes, Guines, qui en avait alors 1934, se pourvut devant l'Intendant de Picardie à l'effet'd'obtenir l'autorisation de se constituer en commune indépendante. Le gouvernement ne demandait pis mieux, car tout le tripotage qui se faisait alors d'offices municipaux n'avait qu'un but, celui de lever sur la population des villes le plus inique et le plus immoral des impôts, en trafiquant honteusement des libertés publiques.

Sur la réponse favorable de l'intendant, les habitants de Guînes réunis en assemblée générale élurent le 1er a^ ril 1766 douze députés chargés de nommer six notables ceux-ci, ayant choisi deux échevins qui furent messire Pierre-Charles-\rmand de Cancer de Pignan, commandant militaire du bourg, et M. de la Balle, négociant, se réunirent à eux pour nommer trois conseillers de ville, qui avec un syndic receveur et un greffier formèrent la municipalité nouvelle. Mais ce n'était pas tout. Les officiers municipaux avaient bien l'administration de la ville et le droit d'accomplir la répartition des impôts. L'essentiel, qui était l'exercice du pouvoir judiciaire, ou comme on disait alors, la police, leur échappait. Calais éle(1J Supplique adressée à l'intendant par les habitants de Guines, le 1er février 1766 (arch. dép., C. 121).


vait des objections. La police lui appartenait en vertu des articles 1 et 2 des usances particulière?; de plus, elle en avait fait l'acquisition en 1742, l'ayant rachetée alors des mains du président Jacques-François de Thosse, moyennant la somme de 14,000 livres (1). En vain les habitants de Guines préiendaientils rattacher leur municipalité de si fraîche date à l'ancien échevinage qu'ils avaient possédé, disaient-ils, dès l'an 1212, voire même dès l'an 980 (2), les Calaisiens leur répondaient fort durement qu'ils n'étaient qu'une poignée d'hommes « sans qua..lités et sans titres, » un simple village de 382 feux (3), indigne même de porter le nom de bourg!

L'affaire traîna en longueur. Comme la ville ne s'empressait pas de verser la «finance»que le gouvernement de Louis XV attendait en retour de ses concessions, le Roi prit le parti d'imposer à la ville une municipalité directement nommée parle pouvoir. Le 14 novembre 1772, il expédia des lettres patentes instituant un maire, un lieutenant de maire, deux échevins, deux assesseurs, un procureur du Roi et un secrétaire greffier. On pouvait racheter ces offices, moyennant le versement d'une somme de 5,000 livres. et en cecas, la police ferait partie des attributions des nouveaux magistrats. L'empressement de la cour à recevoir de l'argent fit réduire plus tard (1784) ces exigences au chiffre de 4, 800, livres, mais la population n'était pas unanime dans ses résolutions. Une opposition se forma, qui paralysa les efforts des partisans de l'indépendance, et finalement 1789 arriva sans que Guînes eût obtenu son émancipation.

Ici doit s'arrêter ma notice. L'espace qui m'est mesuré ne me permet pas de m'occuper de l'histoire de Guines pendant la période révolutionnaire. À peine ai-je le moyen de dire encore que son curé, le deuxième qui à ma connaissance ait été honoré du (1) Le Febvre, t. II, p. 696 et 745,

(2) Alm. de Calais de 1852,p. 30. Alm. de Picardie, de 1760, p. 119. (3) Ce chiffre ne doits'euteritire, je crois, que de lapopulation agglomérée,


titre de doyen (1), Charles-François-Gabriel Godde, a prêté le serment constitutionnel (2).

Il n'y a pas eu, du reste, d'événement marquant qui se soit produit dans cette petite ville. Soumise au District de Calais, elle fut le chef-lieu d'un canton qui se composa de cinq communes,, Andres. Boucres, Campagne, Guînes et Hames, et qui fut remanié pour devenir la circonscription actuelle en 1801. Grâce au zèle éclairé de ses maires et de sa représentation municipale, son hôtel de ville a été rebâti en 1810, son église de St-Pierre en 1822. Le Concordat en avait fait une cure de seconde classe, qui fit d'abord partie du doyenné de Boulogne et qui fut rattachée vers 1812 au doyenné de Calais. Son premier curé fut M. Tourtois, Jean-Etienne, ancien cordelier, l'un des vicaires généraux que Mgr de la Tour d'Auvergne a employés à l'organisation de son diocèse en 1802, mort le 29 janvier 1834. Son premier doyen, M. Isidore Monteuuis, poète aimable, prédicateur renommé, succéda le 31 mars 1834 à M. Tourtois, et fut investi de la charge de doyen le 24 juin 1844. L'église de Guînes lui est redevable de nombreux embellissements, et la population qu'il a évangélisée jusqu'au 13 mai 1876 garde précieusement son souvenir.

La Forêt de Guînes. Quelque restreint que je sois par les bornes étroites qui me sont assignées, je ne puis me dispenser de dire un mot de la forêt de Guînes, assise sur le territoire de cette commune, dont elle occupe 784 hectares. On la trouve mentionnée, comme on l'a vu, dès le IXe siècle, pour les usages dont y jouissait l'abbaye de St-Bertin. Elle s'étendait au moyen âge, plus loin qu'aujourd'hui; car, d'après une charte de SaintBertin de l'an 1200, publiée en partie par André Duchesne (3), elle confinait alors aux villages d'Audenfort et de Clerqucs, ce qui donne à supposer qu'elle ne faisait qu'un avec la forêt de (1) Le premier fut Louis Raoult curé de 1660 à 1710.

(2) Mgr Assehne qui ne pouvaitjlui retirer son titre du curé, le révoqua de ses fonctions de doyen par ordonnance du 18 avril 1791. (3) Preuves de G., p. 131. Dipl. Bert, B. B., n- 112.


Licques. L'abbaye audomaroise en possédait alors 103 mesurés, dont une partie qu'on appelait les Wastines (Wastine) était fort mal entretenue et ne rapportait aucun produit. Les comtes de Guines, comme l'abbé de saint-Bertin, y entretenaient des forestiers (forestarii) chargés de réprimer les délits qu'on y pouvait commettre.

C'est dans une clairière de cette forêt, à peu de distance de la ville de Guînes, que l'aéronaute Blanchard, accompagné d'un Anglais nommé Jefferyes, vint atterrir le 7 janvier 1785, après avoir traversé le détroit du Pas-de-Calais dans une montgolfière. La'municipalité de Guînesy a fait ériger un monument com.mémoratif, consistant en une colonne de pierre qui fut solennellement inaugurée l'année suivante; mais on n'a pas encore eu le temps d'y graver l'inscription en latin et en français que l'Académie des Inscriptions et Belles Lettres avait rédigée pour consacrer la mémoire de cet événement.

AUEMBON

La commune d'Alembon, du canton de Guînes, 916 hectares, 566 habitants, est située dans une petite vallée, sur le plateau des hautes terres entre la plaine de Guînes et le bassin de la Fosse Boulonnaise. Son point le plus élevé le Ventu, est à 160 mètres d'altitude.

Ce village est connu depuis l'an 1084 pour un de ses seigneurs, Wido, ou Gui; de Elembom, qui, en présence du comte Baudouin de Guînes dont il était l'un des barons, voulut contribuer à la fondation de l'abbaye d'Andres, par la donation d'un fief que Girard de Sanghen tenait de lui au relief de trois fertings d'argent et d'une coupe de masdre (1).

(1,'Chron. And. p. 265.


Ce seigneur d'Alembon n'était pas le premier de sa race. Lambert d'Ardres en fait remonter la souche à Robert, dit Pute Peliche, qui avait épousé Adeline d'Ardres, fille d'Herrède de Furnes, vers le commencement du XIe siècle (1). Robert fut l'aïeul d'une succession de chevaliers qui résidaient à Alembon (2) et qui portèrent tous le nom de Gui, savoir Gui Ier son fils, tué devant Guînes dans une expédition militaire qu'il faisait contre cette ville en la compagnie de ceux d'Ardres; Gui II, dont il vient d'être parlé, à qui le comte Manassès fit subir,nous ne savons pourquoi, la peine capitale; Gui III, qui eut deux fils, appelés Gui IV, ou l'aîné, et Gui V, ou le cadet, Wido junior de Elembon, de qui émane une charte conservée dans la chronique d'Andres et datée du mois de septembre 1225. C'est un acte par lequel, de concert avec son frèreEustache et avec sesvacasseurs, ou hommes de plaids, Hugues de Sanghen, Jakemin et Druon de Wolfus, Gilles Benel, Jean de Mauquembergue et Gautier du Plouy, il approuve une donation faite à l'abbaye d'Andres par Gilles de l'Eau, de Zouafques (3).

On les trouve à chaque page de l'histoire du XIIe siècle comparaissant comme témoins dans une infinité d'actes qu'il serait fastidieux d'énumérer, pour les abbayes d'Andres, de Clairmarais, de Licques, de Saint-Léonard, de Saint-Bertin et autres et tout fait voir qu'ils occupaient une haute position parmi les plus nobles chevaliers du comté de Guînes.

Un des seigneurs d'Alembon, du nom de Gui, je ne sais lequel (peut-être est-ce Gui IV), qui avait épousé une femme nommée Adewide (Hadewidis ou Aduvidis) donna à l'abbaye de Licques une terre et des bois qu'on appelait la forèt de Filerei. Ils avaient eu un fils nommé Henri. Ces donations ont été confirmées par la bulle d'Alexandre III de l'année 1164 et par la charte de l'évèque Didier de Thérouanne de 1170 (4). C'est probablement le même personnage qui, avec Gui et Henri ses fils, (1) Cap. cii. La chronologie de ces temps reculés est fort incertaine. (2) In presentiam meam apud Elembom venientes (chr. And., p. 833). (3) Ibid., pp. 865, 866-

(4) Cartularium Liskense n<" V et IV.


BOULOGNE III 5

approuva en 1096 la vente de la dime de Boursin à l'abbaye d'Andres par Robert Vilain. Nous le trouvons, à cette date, dans sa résidence d'Alembon, où il se fait assister de plusieurs témoins parmi lesquels so.nt nommés Jean, son frère, Simon, curé du lieu, Hugues, son clerc ou maître d'école, Hugues d'Ecambre, Baudouin Bourgois, Eustache Hotibolle, Baudouin de Lainques etc. (1).

Rénier Caval, cité dans la chronique d'Andres sous l'an 1084, est mentionné dans les chartres de Samer de 1173 et de 1199, comme posseseur d'alleux situés à Hellenboun, qui étaient dans le domaine de cette maison religieuse (2).

L'église d'Alembon partage la célébrité de ses seigneurs. Elle appartenait d'ancienne date au chapitre de Thérouanne, à qui elle fut confirmée en 1119 parle pape Calixte II. Dans la répartition que les chanoines firent entre eux de leurs divers patronages en 1252, celui de l'église d'Alembon (Elenbon), échut à la30a prébende, qui devint la 15e de France, 1559. Le chapitre de Boulogne garda ce privilège jusqu'à la Révolution. Un acte de l'évêque Jean II de Thérouanne, daté de l'an 1212, prononça la division du personat et du cantuaire de l'église d'Alembon, c'est-à-dire la détermination des produits de la cure qui appartiendraient au chapitre et ceux qui seraient laissés au curé desservant pourra subsistance. Le personat en devait avoir les deux tiers. L'autre tiers était laissé au curé, avec les deniers des confessions et des visites, qui, unis au denier de l'oblation, devaient lui appartenir en propre, sans que le personat eût rien à y prétendre (3). C'est sans doute là l'origine du droit que les curés d'Alembon possédaient encore, dans le siècle dernier, de lever le tiers de la dîme, à l'encontre du chapitre et d'un seigneur laïque (en 1756 Mme de Spinefort) qui jouissaient des deux autres tiers.

Le village d'Alembon, qui faisait partie du comté de Guînes, fut occupé par les Anglais peu de temps après la prise de cette (\) Chron. Andr., p. 833.

(2j Mém. delà. Soo. Acad. de B., t. XII, p. 170.

fi) Cart. deN-D. de Thérouanne, d'après les mss de l'évôché de Bruges, D~"T


ville mais il rentra sous la domination française avec Ardres en 1377 et fit partie du bailliage souverain de cette ville. A différentes époques, les Anglais le ravagèrent durant leur séjour en France, et quand ils furent chassés du territoire, ce fut le tour des Espagnols.

Le château d'Alembon, où il y avait en 1372 une garnison de trois arbalétriers sous le commandement du capitaine Gilles de La Broyé, fut le théâtre de maints faits d'armes (1). Le 5 m.'irs 1597, une compagnie espagnole sous les .ordres du capitaine Martin s'en empara et y tint garnison, pour fourrager aux alentours, ce qui amena un curieux épisode que le chroniqueur Hendricq raconte ainsi qu'il suit

« Le 8 may (1597) quelque 60 soldats du capitaine Martin de » la garnison d'Alembon amenèrent en notre ville (de St-Omer) » la cloce dudit fort (il veut dire la cloche de l'église) laquelle » ils avoient trouvez enfouie en une pièches de. terre semée » d'avaine mais comme il avoit plus, la terre s'estant faite jen » concavité ronde de la grandeur d'icelle cloce, donna à soub» sonner à iceux soldats ce qu'il y avoit, de. sorte que, foui» sant quelque profond, trouvèrent ce qu'ils cherchoient, à » sçavoir icelle cloce, que les Franchois, dès la première guer» re avoient enterrez, laquelle étant amerée en notre ville fut » vendue quelque 18 livres le cent, etpoisoit environ 1,600 li» vres, faisant 268 livres depuis monsieur de Blandecque, lors » maïeur, le reprint de celui qui l'avoit acheté pour le même prix, l'envoyant à Coitipe (2) près Bergues, là où elle est en» coire pendue (3). »

La seigneurie d'Alembon, baronnie du comté de Guînes, fut érigée en marquisat par Louis XIV, au mois d'août 1650, en faveur de Charles de Roussé, gentilhomme de la chambre du roi. Claude-Jean-Baptiste de Roussé, son petit-fils, est mort commandant de la ville de Dunkerque le 21 avril 1743 et le (1) Compte de Jean Le Mercier, trésorier des guerres, dans les mss de Dom Grenier, t. CCXXX.

(2) Quaëdypre (Nord).

(3) Recueil historique, mss de la Bib. de St-Omer, n- 808, t. I, p. 209.


musée de Boulogne possède l'épitaphe gravée sur marbre blanc qui ornait son tombeau dans l'église de Saint-Eloi. Il avait été en 1732 parrain de la cloche que possède aujourd'hui la paroisse d'Alembon.

Parmi les curés d'Alembon, il convient de citer Anselme Regniaulme, qui occupait ce poste en 1557, et Hugues.François Meignot, de Boulogne, qui fut honoré du titre de doyen du district de Guînes, depuis le 8 juin 1719 jusqu'au 28 décembre 1724. Il est mort curé de Campagne en 1731.

Il y avait en 1725 une école mixte de garçons et de filles, que dirigeait un magister, ou clerc laïque, approuvé par un vicaire général de l'évêché.

Le village d'Alembon, qui a fait partie du canton de Licques, de 1790 à 1801, se divise en deux sections nommés la Hauterue et la Basse-rue. Ses hameaux sont Haut-mont et Bas-Hautmont, la rue de Paradis et le Ventu. Ce dernier nom, qu'on écrivait au dernier siècle Winthu ou Winthus, paraît dérivé du flamand Wint-huis, qui voudrait dire Maison du vent, dénomination que justifierait pleinement la situation de ce lieu-dit sur un sommet fort élevé.

Une ferme, qu'on appelle encore le château, rappelle le souvenir du manoir habité par les anciens seigneurs d'Alembon; et un endroit nommé le Riets de justice, où i! y a une motte, passe dans la tradition du pays pour avoir été jadis le théâtre d'une exécution capitale (1).

L'église d'Alembon, sous le vocable de Saint-Pierre, est une construction du XVIe siècle qui n'offre rien de remarquable. (1) Renseignements communiqués à la S. d'Agr. de B. en 1859, par M. Banquart, maire d'Alembon.


V MHS F S

Andernes, ou Andrenes, latinisé sous la forme Andria, est le nom du lieu où fut établie en 1084 l'abbaye de Bénédictins que les Anglais ruinèrent après la prise de Guînes en 1352. Le vil-' lage proprement dit paraît s'être appelé Hottinghern, dénomination qu'on retrouve à chaque page dans la chronique, mais qui s'est effacée devant la célébrité de l'abbaye.

La commune d'Andres (715 hectares, 803 habitants) est située à l'est de la commune de Guînes, entre le territoire rural de cette ville et celui de Balinghem du canton d'Ardres, dans une plaine charmante, adossée au nord à des marais tourbeux. La superficie du sol de ces marais semble avoir été jadis couverte par les eaux de la mer et l'on y trouve à une certaine profondeur, suivant le témoignago de Collet (1)« des chênes plus ou » moins pétrifiés, des noisettes et quelquefois même des bois de » cerfs, vestiges d'anciennes forêts submergées par quelque » cataclysme (2).

L'abbaye d'Andres étant l'établissement le plus ancien et le plus important qui ait existé dans cette commune, il convient d'en esquisser l'histoire. Comme beaucoup de lieux sacrés du même genre, les origines de cette abbaye commencent par une légende.

C'était sous le règne de Baudouin Ier, comte de Guines, vers l'an 1080. Des bergers, dit-ony avaient aperçu à la tombée du jour et pendant la nuit des lumières apparaître au pied d'un buisson d'épines. Bientôt, il s'était fait vers cet endroit un concours de malades, qui, avertis par des songes et des visions, y (1) Notice hist. sur l'état ancien et moderne du Calaisis, etc., p. 105. V. aussi l'Annuaire départemental de 1814, p. 216.

(2) L'Almanach de Calais de 1846 contient une notice sur la commune d'Andres, écrite surtout au point dis vue agricole et statistique (p. 62 et suiv.).


venaient chercher la guérison de leurs souffrances. Baudouin Iar en ayant été informé, fit faire des fouilles qui amenèrent la découverte d'un corps saint, cousu dans une peau de cerf, avec un écrit où il était dit que c'étaient les ossements d'une vierge nommée Sainte Rotrude. Qu'était-ce que Sainte Rotrude, d'où venait-elle, et quand avait-elle vécu ? L'histoire ne le peut dire On avait enfoui tant de corps, saints dans la terre pendant les invasions normandes (1) 1

Guillaume d'Andres, auteur de la chronique du monastère, cherche à établir que les reliques dont il est question étaient celles de Sainte Rictrude de Marchiennes, qu'un Anglais avait volées pour les transporter dans son pays, à l'époque où ces sortes de larcins étaient très fréquents. L'Anglais était mort en route, après avoir caché au pied du buisson d'épines son précieux fardeau. C'est ce qu'il est bien difficile d'admettre: car les religieux de Marchiennes continuaient toujours d'honorer dans leur église les ossements de leur sainte fondatrice, qui d'ailleurs, n'avait pas droit au titre de vierge, puisqu'elle avait été mariée au duc Adalbaud, dont elle avait eu plusieurs enfants. Quoi qu'il en soit, les reliques de Sainte Rotrude ayant été mises dans un chariot neuf, attelé de deux bœufs qui portaient le joug pour la première fois, furent transportées par ces animaux vers une chapelb de Saint Médard, bâtie sur la colline peu élevée où l'on construisit peu de temps après l'abbaye d'Andres.

Sur ces entrefaites Baudouin Ier fit un pélerinage à Saint-Jacques en Galice dans la compagnie d'Enguerrand de Lillers. Durant cette pieuse expédition, ces deux nobles seigneurs s'arrêtèrent dans le monastère bénédictin de Charroux, non loin de Poitiers, et ils furent si édifiés de la vie sainte et régulière des (1) Voir Destombes. Vies des SS. des dioc. de Cambrai et d'Arras 18F>2, t. III, p. 167. -Bernard, dans ses Annales de C liais, en fait une nièce de Charlemagne, qui aurait fondé un' monastère à Guintw fp. 61). Il est regretiablo que l'opuscule composé en l'honnsur de la Sainte par l'abbé d'Andres Pierre Il, et qu'on lisait tous les ans au rafectoira le jour de sa fête, no soit point parvenu jusqu'à nous.


moines de ce lieu, qu'ils en demandèrent chacun une colonie pour l'établir dans leurs domaines, Enguerrand à Ham, dans le canton de Norrent-Fontes, Baudouin àAndres,dans le voisinage de sa capitale.

Ce ne fut d'abord qu'un prieuré, composé de trois religieux, dont Gislebert de Villers-Bretonneux fut nommé le supérieur (1). Les commencements en furent difficiles. Baudouin Bozzard, ou Boïard, seigneur du village (Andrensispagi dominusj, voyait avec déplaisance un pareil établissement se former sur ses terres. Il déclara la guerre à Sainte Rotrude, détruisit le livret qui contenait l'histoire de sa vie et obtint même du comte Baudouin que les reliques de la sainte fussent soumises à l'épreuve du feu, mais toutes ces démarches tournèrent à sa confusion, et il dut revenir à de meilleurs sentiments.

Cependant Baudouin Ier, secondé par sa pieuse épouse Athala, ne tarda pas à constituer définitivement la fondation qu'il avait entreprise, et qui fut placée sous l'invocation de Saint Sauveur et de Sainte-Rotrude. Il confia aux religieux la desserte de sa propre chapelle, et leur donna de nombreux domaines, parmi lesquels on remarque deux maisons à Guines, le bois d'Hottinghem, des marais à usage de pâtures au même lieu, des terres à La Beussingue, à Etrouannes, à Autingues, à Moringhem, à Zouafques, et il encouragea ses barons à leur faire d'autres libéralités dont l'énumération serait ici trop longue (2). On en trouvera, du reste, le détail dans la notice consacrée aux villages où ces biens étaient situés.

Gérard, évèque de Thérouanne, à la sollicitation du comte Baudouin, accorda suivant l'usage, à la nouvelle maison religieuse l'autel du lieu où elle était établie (altare villœ quœ vulgo Andernes dieitw), et il y joignit celui de Saint-Martin de Nortkerque.

Ces deux actes ont été expédiés en 1084, en présence de Godefroi, évêque de Paris, et de Sainte Ide, comtesse de Boulogne, (1) La chronique dit de Uberio juxta. Corbeiam. Il faut lire Vilerio. (2) Voir la charte de fondation dans la chronique d'Audres (pp. 783-785) et dans Duchesne, preuves, pp. 25-28.


sa belle sœur, venus sans-doute pour assister à la cérémonie d'inauguration et d'investiture qui en dut être la conséquence(l). Le peu d'espace dont je dispose dans cette publication ne me permet pas de m'étendre sur le développement que prit insensiblement l'abbaye d'Andres. Contentons-nous d'en relater les faits les plus intéressants et les plus caractéristiques. En première ligne il faut noter la pieuse humanité du prieur Gislebert, qui avant tout s'occupa d'établir et de doter dans les dépendances de son monastère une Maison aumônière, sorte d'hospice destiné à recevoir les pauvres voyageurs qui allaient d'un royaume dans un autre et qui pérégrinaient de pays en pays, en suivant la voie romaine de Thérouanne à Sangatte, nommée la Leulene, que fréquentait alors une populeuse multitude de passantssuivant le témoignage de Lambert d'Ardres(2). Un moine était placé à la tête ie cette hôtellerie (Ostellaria) avec le titre d'aumônier; et la chronique énumère complaisamment les donations qui servirent à alimenter cette louable annexe de la maison religieuse.

On aurait tort de se figurer que cette dernière était uniquement vouée à la vie contemplative. En effet les moines d'Andres, en même temps qu'ils vaquaient au service divin par le chant des heures canoniales, s'appliquaient aux travaux agricoles (3). Ils nourrissaient des vaches et des porcs dans les abondants pâturages qu'on appelait les marais d'Hottinghem. Ils entretenaient dans les belles pièces d'eau voisines du monastère, une grande quantité de poissons destinée à garnir leur table dans les jours d'abstinence. Bien plus ils utilisaient leurs marais pour en extraire de la tourbe (glebas,cœspites)j soit pour leur propre chauffage, soit pour en tirer parti de quelque autre manière.

Grâce à la ferveur religieuse qui s'empara des esprits à la fin du XI- siècle, le prieuré d'Andres s'accrut tellement qu'il fut érigé en abbaye, sous l'autorité de l'évèque diocésain, ce qui eut lieu probablement en 1093. Gislebert, qui en avait été le (l)lbid., p.783, 2.

(2) Cap. lxviii.

(3; "oir la charte de l'abbé Gislebert (Chron. And. p. 789).


premier prieur, en devint le premier abbé et, quand il mourut, dans le courant de l'année U08, comme je crois (1), on l'ensevelit dans l'église qu'il avait fait bâtir, reposaient déjà le comte Baudouin I8r et son épouse Athala.

On fut quatre ans .sans lui donner de successeur, par suite du dissentiment qui éclata dans la communauté, entre les Poitevins et les Flamands, chacun voulant élire un abbé de sa nation. On s'accorda enfin, vers l'an 1112, pour donner la crosse à un moine de Charroux, nomm: Renaud (Raynaldus), qui fut bénit par le bienheureux Jean de Commines, évêque de Thcrouanne(2). Le nouvel élu travailla immédiatement à obtenir pour son monastère les plus sérieuses confirmations. Et d'abord, il se fit donner par le pieux évêque une. charte de reconnaissance dans laquelle sont énumérées toutes les possessions de l'abbaye (3). Elles devenaient de plus en plus considérables, non seulement au point de vue du domaine civil, mais aussi sous le rapport des priviléges ecclésiastiques; car, au lieu de deux autels que les religieux possédaient en 1084, ils en avaient maintenant cinq, par l'adjonction de ceux de Leulinghen, de Ferques et d'Elinghem.

Mais la pièce la plus importante qui témoignede la sollicitude de l'abbé Renaudpourson monastère estla charte de confirmation que lui donna, vers la même époque, le bienheureux comte de Flandres, Charles le Bon (4). On y trouve l'énumération des biens de l'abbaye dans un ordre géographique parfaitement clair, qu; permet de suivre pas à pas le collecteur de ses revenus dans (1) La chronique reproduit un acte de lui qui est une transaction conclue avec l'abbé Lambert, de Saint-Bertin, au sujet d'une terre situé») à Campagne, et cet acte porte la date de 1112. Je prie le lecteur de remarquer que cette date n'est pas celle de l'acte proprement dit, mais une confirmation. Du reste la chronique dit positivement que Gislebert fut neuf ans prieur et quinze ans abbé.

(2) Le synchronisme de la narration se rapporte parfaitement à l'an 1112, par le récit de la répression de la communb de Laon.

(3) Je ne m'explique pas comment la chronique dit que ce privilège fut obtenu par ltenaud in sua novitate, au début de son régne. La charte de l'évêque est de 1122, et je ne vois rien dans les synchronismes de cette pièce qui permette d'en critiquer la date.

(4) Chron. Andr., p. 803,2.


la tournée annuelle qu'il faisait pour recueillir les cens et les dîmes. Partant, en effet, de Guînes dont on visitait les trois paroisses, on se rendait successivement à Andres, à Campagne et à Bouquehault, à Rodelinghem et à Brèmes, à Landrethunlez-Ardres et à Autingues, à Zouafques et à Nordausque; de là, on entrait dans la terre de Bredenarde, pour parcourir successivement les paroisses de Nortkerque, Zutkerque, Audruick et Polincove (1); puis en revenant sur ses pas on atteignait Bayenghem-lez-Eperleoques, Nortleulinghem, Tournehem et Bonningues-lez-Ardres, Audre em, Surques, Rebergues, Alquines, Licques et Boursin, Boucles et Fontaines, Nielles-lez-Calais et Fréthun, Budreke et Peuplingues, Solives et Pihen, Hervelinghen et Tardinghen, Audinghen et Bazinghen. Seulement, comme il faut toujours une ombre au tableau, on s'apercevait un peu tard qu'on avait oublié Volkerinckhove et Millam,et, chose plus grave, Marck et Offekerque, dont les domaines n'étaient pourtant pas à négliger.

Telle est la géographie des propriétés de l'abbaye d'Andres, quarante ans après sa fondation; et certes on y voit la preuve d'un état florissant

Cependant l'abbé Renaud, se donnait mille peines pour les affaires de son église. Il fit deux fois le voyage de Rome, d'abord sous le pontificat du pape Pascal II, puis en 1123, sous le règne de Calixte II, et il en rapporta des bulles privilèges dans lesquelles les possessions du monastère étaient mises sous la protection de l'apôtre Saint-Pierre et de ses successeurs. Le second de ces documents existait encore, au siècle dernier, dans les archives de l'abbaye (2). On ne voyageait pas de Guînes à Rome, en ce temps là, avec les facilités d'aujourd'hui. Le chroniqueur rapporte que Renaud en revint exténué, ayant fait la route à pied, vêtu d'une esclavine, comme un pauvre pèlerin. Il (\) L'acte ajoute'à ces quatre villages 'de Bredenarde une cinquième paroisse nommée Furfres, dont M. Courtois ne dit rien, et que je ne connais pa«.

(2) Dom Grenier, t. ccxxxiv, f° 204. Il est daté d'Albano, le 13 octobre 1123.


était âgé d'ailleurs, et il ne survécut pas longtemps aux fatigues qu'il avait éprouvées à cette occasion. Aussi mourut-il peu de temps après, vers le commencement de l'an 1126, après avoir gouverné la maison pendant environ quatorze ans. Le siège abbatial resta encore une fois vacant durant l'espace de près de quatre ans; et ce fut encore un Poitevin qui reçut la crosse, en 1129 (1). Il se nommait Pierre Charbonnel, homme d'une belle prestance et de noble extraction.

Son règne marque une grave épreuve infligée au monastère. Frappés de la foudre, la plupart des bâtiments qui le composaient furent incendiés. Ils étaient en bois suivant l'usage, notamment l'infirmerie, qui avait été élevée au moyen des libéralités d'un ami du comte Manassès, nommé Raoul de Douere. Les moines y virent une intervention du malin esprit, qui,.sous la forme d'un ours, courait sur les toits projetant partout les bardeaux enflammés dont la tour était couverte.

Tout le monde, dans le comté de Guines, s empressa de venir au secours de cette maison désolée. On répara le dommage, on reconstruisit et on restaura les bâtiments claustraux. Pour remplacer le vestiaire, consumé par les flammes, les moines de Cantorbéry envoyèrent vingt-quatre paires de pelisses, de frocs et de coules. Ces vêtements avaient déjà servi, mais les pauvres incendiés les reçurent avec reconnaissance. Parmi ceux qui leurvinrent en aide, citons aussi l'évêque Jean de Commines,qui leurdonna,a cette occasion ,1'église de Boucres. Milon Iar, son successeur ne leur fut pas moins dévoué. Après son élection qui eut lieu le 15 février 1131, il profita de sa première visite pastorale pour venir à Andres dans la compagnie de l'illustre abbé de Clairvaux, Saint-Bernard; et là, assisté des abbés d'Ourscamps et du Mont-Sain t-Eloi, il signa en faveur du monastère une charte de confirmation relative aux droits dont les religieux jouissaient sur les eaux de leur moulin, sur (1) Le synchronisme de la chronique coïncide avec cette date par l'élection du pape Innocent Il mais l'incendie du monastère, qui eut lieu sous l'abbé Pierre, avant la mort de l'évêque Jean de Commines (29 janvier 1130), nous reporte un peu plus haut.


les herbages de leurs marais et sur les vastes étangs qui leur servaient à l'élevage des cygnes et des canards, ou à la capture des oiseaux de passage. L'acte dont il est question est daté de l'an 1132 (1).

Nous ne savons pas au juste à quelle époque mourut Pierre Charbonnel. La chronique nous apprend qu'il gouverna son monastère durant l'espace de plus de treize ans. Il succomba aux suites d'une chute de cheval qu'il fit après l'an 1137 et nous avons lieu de croire qu'il vécut jusqu'à l'an 1141,ou 1142 (2). Les religieux flamands de l'abbaye d'Andres supportaient impatiemment le joug des Poitevins (3). Pour y échapper, ils avaient envoyé à Charroux, dès la première année du règne de l'abbé Pierre, un petit-fils du comte Manassès, nommé Grégoire, issu du mariage d'Eustache de Balinghem avec;Adelis de Guines. Ils espéraient que ce jeune frère, formé à la vie monastique par le soin des moines de Charroux, pourrait un jour devenir leur abbé. Il parlait le flamand, qui était alors la langue du comté de Guînes, et par conséquent, quoique profès de l'abbaye Poitevine, il ne serait pas un étranger pour eux.

Après la mort de Pierre Charbonnel, on songea à l'élection de Grégoire pour lui succéder; mais l'évëque de Thérouanne y ayant fait opposition, on donna la crosse à un moine de Charroux, nommé Gusfride, ou Bertram, qui, fut installé au plus tard en 1144 (4), sans que l'interrègne ait duré quatre ans, comme le dit la chronique.

Gusfride fut un prélat qui s'occupa surtout de faire observer rigoureusement la règle bénédictine à l'intérieur du monastère. Guillaume d'Andres nous le représente comme un ami des pauvres, un consolateur des veuves et des orphelins, joyeux d'exercer la plus large hospitalité possible envers les voyageurs (1) Chro. Andr. p. 804. 2.

(2) Le synchronisme de la chronique y concorde, par la 5° année du règne de Louis VII.

(3) Propter linguarum dissonantiam (Ibid.. p. 805).

(4) 11 signe en sa qualité la chartn de Raudouin d Ardres par laquelle la collégiale de ce nom fut réunie à l'abbaye de La Capelle (Lamb. Ard.,cap. cxxxvii).


et les pèlerins, tout occupé de faire fleurir le bien et d'extirper le vice, en un mot, un homme de bon conseil, d'une serviabilité sans égale. Malheureusement, il n'apporta pas la même sollicitude à conserver et à développer les biens temporels de la maison et à cause de cela les moines le prirent tellement en aversion qu'il dut se retirer, après quatorze ans de prélature, pour se réfugier à Saint-Bertin, où l'abbé Léon lui confia pendant six ans la charge de prieur, puis enfin à Charroux, où il mourut pieusement.

La retraite de Gusfride amena immédiatement l'élection de Grégoire, en 1158,suivant toutes les apparences(l).Mais le remède fut pire que le mal. Grégoire, plus noble que lettré, aimait le luxe et le faste. Il se plaisait à réunir autour de lui les membres de sa famille; et l'abbaye ressemblait certains jours à une place d'armes, toute remplie d'hommes de guerre (2). Ses goûts ne le portaient point à s'occuper des progrès spirituels de ses religieux. Il passait son temps àr forger les métaux, à travailler l'or, l'argent et l'airain. On lui en fit un crime, malgré l'exemple de S. Eloi. Bien plus, on lui reprocha d'avoir manqué à la gravité monastique, en étant allé un jour d'hiver, après le diner conventuel, s'amuser sur la glace, comme les laïques, dans la compagn;e de ses religieux. Tout cela fit que l'évêque Milon différa d'abord, puis refusa ensuite de le bénir, de sorte qu'il lui fallut résigner l'honneur dont on le jugeait indigne. Pierre Minuet (3), ou le Petit, moine de Charroux, fut élu pour lui succéder, en 1161 ou 1163. C'était un homme très instruit, qu: avait beaucoup voyagé. La chronique prétend même qu'il avait été quelque temps archidiacre d'Avila, dans la VieilleCastille. Arrivé dans la Morinie, il se fit bénir à Thérouanne par l'évêque Milon II, et se rendit immédiatement à Andres, où (1) Gusfride comparait pour la dernière fois dans une charte de Beaulieu de 1157.

(2) Fratrum carnalium caterva et militari prloriastipatuiii (Chron. And.) (3) Petrus eognomento Minuet, idest pareua. Le texte de la chronique dit Mirmet parun mauvais assemblage des éléments graphiques qui constituent les m, les n, les i, et les r; chose très fréquente chez les paléographes. Mirmet ne signifie rien.


il fit son entrée le jour de St-Thomas, 21 décembre. Le spectacle qui l'y attendait n'était pas fait pour le réjouir. Il y trouvait, dit la chronique, un troupeau d'une apparence peu flatteuse, dans lequel on remarquait des boiteux, des pieds bots, des borgnes, des louches, des aveugles et des manchots, presque tous appartenant à la noblesse du pays. C'était l'indice d'une réforme à faire; et pendant les trente-deux ans qu'il fut à la tête du monastère, il ne se permit jamais d'admettre à la profession aucun postulant qui eùt la moindre difformité corporelle. Il s'occupa tout d'abord de réformer la psalmodie, et de rétablir dans le chant de l'office divin la gravité sérieuse qui en est le plus bel ornement.

Plein de zèle et d'activité, le nouveau prélat se mit ensuite à l'oeuvre pour améliorer les conditions matérielles de la maison dont il avait reçu le gouvernement. Le clos de l'abbaye n'ayant été jusque-là fermé que de haies, il y fit construire' un mur de pierres, comprenant dans son enceinte le cimetière et le verger. Lui-même présidait à ces ouvrages, mesurant les pierres avec la toise, et les chargeant sur les civières (chiveria) que les moines portaient avec les dames du comté de Guînes, par suite de la défense que le seigneur du lieu, Baudouin de Hammes, ou de Campagne, avait faite aux hommes d'y travailler.

Pierre Minuet fut un abbé bâtisseur. L'église de l'abbaye, élevée en 1084, d'une manière hâtive et provisoire, avec des matériaux tirés des carrières du Mont-de Fiennes, menaçait ruine. Il en entreprit la reconstruction. Pour cela, dit la chronique, il amassa une immense quantité de chaux,de sable et de pierres; il fit ouvrirune carrière nouvelle, dans une situation plus rapprochée,sur le territoire de Campagne; il fitvenir à grands frais du comté de Boulogne,c'est-à-dire très certainement des carrières de Réty ou de Marquise,des pierres dures destinées àêtre employées pourles bases,lescolonnes et les chapiteaux; bref,après huit années de labeur,le nouvel édifice se terminasans qu'il eut été besoin d'envoyer aucun prédicateur courir le monde afin d'y faire des quêtes (1). L'édifice était bâti en funiie de oruix, avec une (1) Nunquam prœdicatorem hinc emisit pro pecunia quœstuose acquirenda (Chron. And.).


tour au milieu. La partie supérieure, c'est à dire le chœur et les transsepts, était à l'usage des religieux; mais on réservait la nef aux fidèles. C'était spécialement pour eux que cette dernière partie avait été construite et les paroissiens avaient dû y contribuer (1). La chronique rapporte que, dans l'enthousiasme du premier moment, ils s'étaient engagés à verser pour cet effet une somme de cent marcs qu'on ne put réaliser, malgré la saisie qui fut faite des pots-au-feu et des marmites d'airain, des chaudrons et des trépieds de fer, qui formaient la partie la plus importante du mobilier des souscripteurs (2).

La solennelle dédicace de la nouvelle basilique fut faite par l'évêque Didier de Thérouanne, au mois de juin de l'an 1179, en présence d'un clergé nombreux et d'un peuple immense. Nul doute que l'ornementation intérieure et l'ameublement de l'édifice ne répondissent à la magnificence de l'architecture; car nous savons que l'abbé Pierre n'épargnait rien pour rehausser l'éclat du culte divin, témoin cette châsse nouvelle qu'il fit faire avec des métaux précieux, pour y renfermer le corps de Sainte Rotrude, dès les premières années de son règne.

Là ne se bornait pas la sollicitude du pieux abbé. En bon père de famille il veillait assidûment aux progrès temporels de sa maison, à laquelle il procura un grand nombre de donations. llest demodeaujourd'hui de déclamer contrecetteambitionqu'avaient les iroines d'accaparer ainsi les biens de la terre Pierre Minuet, lui du moins, ne sera pas blâmé pour l'usage qu'il en fit d'ouvrir des routes de belles routes, ma foi, de trente pieds de largeur, et bordées de fossés d'assèchement de bâtir des ponts, notamment celui de Nordausque, sur la rivière de Tournehem, qu'il fit construire en pierres dures, sur un modèle élégant, par maître Aimon et les habiles ouvriers maçons qu'il avait employés aux travaux de son église (3).

(l)Navem ad opus&uum ad abbate perfici petierunt (Ibid.). (2) Lebetes, olias oeneas, caldarias et trepetes ferreas. On trouve encore quelquefois dans la terre des objets de ce genre, qui y ont été enfouis durant les guerres du moyen âge.

(3) C'est une intéressante et curieuse histoire que celle de ce pont. V. Chron. And., p. 826 2.


Les derniers jours de l'abbé Pierre, quand, suivant la remarque de la chronique, il eut fini de bâtir et d'acquérir des revenus, furent employés à la pratique des œuvres de miséricorde. Dans la Maison aumônière qu'il avait aussi fait rebâtir à neuf, il se plaisait à vêtir ceux qui étaient nus, à nourrir les affamés et les indigents, à visiter les malades, à distribuer lui-même de sa main, au moins tous les vendredis, des aumônes aux pauvres et aux veuves, sous le portique de son église.

C'est là que par humilité il avait choisi sa sépulture, pour être foulé aux pieds par les passants; mais ses religieux ne voulurent pas y consentir, et sur le conseil de l'abbé de SaintBertin, Jean III, son confesseur, ils l'inhumèrent devant le maître autel de la basilique où il avait tant de fois célébré le saint sacrifice (mars 1193).

Le successeur de Pierre II, en 1194 (1) fut encore un moine de Charroux, nommé Itier (Iterius), originaire du diocèse de Périgueux, frère germain de Bernard, abbé de Ham. Il fut installé le jeudi de la Pentecôte, 2 juin, après avoir été reçu par Lambert II, évêque de Thérouanne. Le nouvel abbé, à la sollicitation de ses moines et avec l'argent que son prédécesseur avait laissé dans le trésor, fit reconstruire l'infirmerie du monastère, à l'orient du dortoir, avec un cloître de communication. Ce fut un travail somptueux, auquel on employa non plus la pierre de Marquise, mais des marbres de Tournai, qu'on fit venir par terre et par eau. La main d'œuvre ne fut pas coûteuse; car la famine régnait dans le pays et beaucoup d'ouvriers furent trop heureux d'offrir leur travail contre la simple rétribution d'un morceau de pain et d'un verre de bière, très joyeux quand on y ajoutait quelque supplément.

Après que cet ouvrage eut été terminé, on fit faire des stalles pour le chœur, par un vieil artiste flamand nommé Wiger. A cet effet, les religieux se rendirent acquéreurs d'un lot de bois dans la forêt de Nieppe, que le comte de Flandre avait mise en (1) I.a chrnnifpfi Hit 1195; mai» Iterius. qui régna 13 ans et qui sortit d'Andres au mois de septembre 1207, doit avoir été iuslallé en Iiy4, date de la charte de Renaud qui suit.


vente pour les besoins de son expédition dans la Terre Sainte. Wiger y ayant fait abattre et débiter un grand nombre de vieux chênes, les fit transporter à Andres, où avec l'aide de son fils Robert, il exécuta l'entreprise dans l'espace d'un an. Je ne puis donner ici le détail des acquisitions qui furent faites par l'abbaye sous la prélature d'Itier. Le peu d'espace dont je dispose me commande de me hâter; mais il faut bien que je dise un mot des funérailles solennelles qui furent faites le 3 janvier 1206 au comte de Guines Baudouin le magnifique. L'abbaye d'Andres était le Saint-Denis des seigneurs de la contrée. C'est là aussi que reposaient la plupart des pairs et des barons de la châtellenie, auxquels le privilége de cette royale sépulture avait été confirmé par la bulle du pape Pascal II.

Lorsque le comté Baudouin II eut payé le tribut a la nature, les moines s'empressèrent d'aller chercher son corps, pour l'apporter dans leur église, où furent célébrées de solennelles vigiles pour le repos de son âme. Une immense multitude assistait à ce convoi et comme chacun voulait être au service qui serait chanté le lendemain, le monastère servit d'hôtellerie â tout ce monde. Les chevaliers et les nobles dames, les bourgeois et les autres personnes qui s'y trouvaient passèrent la nuit à boire et à manger aux dépens de l'abbaye. Ce fut l'occa ion d'une dépense énorme pour celle-ci, qui, en somme, en fut peu récompensée. Mais c'était un honneur et un privilège dont elle se montrait jalouse, et qui lui appartenait par tradition. L'abbé d'Andres, Itier, fut transféré au siège abbatial de Ham, en 1207. Il laissait à sa première église un texte des Évangiles en lettres d or et d'argent, précieux manuscrit carolin qu'il avait acheté à Tours, dans un voyage qu'il fit à Charroux en 1197, deux plateaux d'argent d'un grand poids, un Psalterium glossatum, un livre de gloses sur les épitres de Saint-Paul, les œuvres de Pierre Lombard, surnommé le maître des sentences, le décret de Gratien et d'autres ouvrages qu'il avait fait écrire, ou qu'il avait acquis à prix d'argent.

Son départ fut l'occasion d'une longue querelle entre les religieux d'Andres et ceux de Charroux, touchant l'élection de


son successeur. La politique s'en mêla. Arnoul de Guînes, cherchant l'occasion de se reconcilier avec Renaud de Dammartin, exerça une pression sur les moines pour leur faire accepter comme abbé le prieur du Wast, Simon, qui était bailli et conseiller du comte de Boulogne mais cette élection ne tint pas. Les députés de l'abbaye s'étaient pourvus à Rome vers le pape Innocent III, près de qui ils gagnèrent leur cause après diverses péripéties. En effet, par une bulle du 23 mars 1211, ce pontife accorda aux religieux d'Andres la liberté qu'ils demandaient de choisir leur supérieur suivant l'inspiration de leur désir, aussi bien dans le sein de leur monastère, que parmi les profès de Charroux, à la seule condition que l'élu fût présenté à l'abbé de ce lieu, pour être agréé par lui.

En conséquence, le moine Guillaume,qui déjà avait été élu en 1208, et qui avait pris la plus grande part à la lutte, fut élu de nouveau en 1211, et bénit solennellement dans la cathédrale de Thérouanne par l'évêque Jean II, le 15 août.

Son règne ne fut pas exempt d'épreuves et de chagrins de toute sorte. Le procès qu'on venait de gagner avait coûté fort cher. L'abbaye s'en trouva endettée pour la somme, énorme en ce temps-là, de 1040 livres parisis. On dut faire des emprunts. Peu de temps après, ce fut la guerre. En 1214, Ferrand de Flandre ayant fait une invasion dans la terre de Guînes causa aux pauvres religieux des dommages infinis. Leur ferme de Zouafques, pleine de récoltes engrangées, fut dévorée par le feu. L'armée ennemie n'épargna point le monastère. Un corps de troupes s'y logea la veille du dimanche des Rameaux (22 mars) et consomma toutes les provisions qui s'y trouvaient, au point, dit la chronique, qu'il fallut pourvoir à la nourriture de 563 chevaux Cependant, le plus grand chagrin des moines fut que tous ces gens là partirent le dimanche matin, de bonne heure, sans prendre le souci d'allèr à la messe, pour y porter des palmes en l'honneur de Dieu. C'eut été certainement la plus belle procession que jamais on eût pu voir dans la basilique d'Andres, si tous les chefs de l'armée y avaient assisté. On y aurait remarqué


au premier rang, après le comte de Flandre, le fameux comte de Boulogne Renaud, suivi de son frère Simon, comte de Ponthieu, Guillaume de Salisbury, Gauthier de Saint-Omer, et le 'rop célèbre Hugues de Boves, ce traître, à qui la providence réservait le châtiment de périr bientôt sur les bas-fonds des Godwin-sands avec le trésor du roi d'Angleterre (1). Un mois après, ia guerre recommença. L'abbaye fut de nouveau visitée par les soldats flamands qui dévorèrent, comme les sauterelles du désert, tout ce qui pouvait servir de provisions de bouche (2). Rien ne resta aux hôtes du monastère. L'avoine et l'orge qui s'y trouvaient conservés pour l'approvisionnement de l'année et pour les semailles disparurent comme par enchantement et ce ne furent pas seulement les moines qui en souffrirent. Leurs tenanciers furent pillés de même on estima le désastre à deux cents marcs sterling et le nombre des maisons brûlées, à cent dix-sept.

C'est Guillaume lui-même qui nous rapporte tous ces détails dans l'ouvrage qu'il a composé sur l'histoire de son monastère. C'est une chronique, ou plutôt un Cartulaire, dans lequel il a inséré textuellement près de cent quarante diplômes, depuis les lettres d'approbation données par l'évoque Gérard en 1084 jusqu'à la fondation faite par Adelis de Balinghem en 1228. Pour donner, suivant lui, plus de valeur à cet ouvrage d'un intérêt tout local, il y a intersemé un bref résumé chronologique de l'histoire générale, emprunté pour les premiers temps à André de Marchiennes, mais continué par lui-même jusqu'à l'an 1234 par le récit de la consécration épiscopale d'Edmond de Cantorbéry. Après la chronique de Lambert d'Ardres, il n'est pas de livre plus précieux pour l'histoire des comtés de Guînes et de Boulogne.

Guillaume était né dans le pays; il avait fait de bonnes études de grammaire sous la conduite d'un maître nommé Manassès de (1) Extra portum de Sandwico, super sabulum de Cnebingsesand (chron. And., p. 854).

(2) Omnibus quœ poterant comedi.


Guînes, qui entra comme lui en religion et mourut en 1197. Il était jeune encore et il n'avait guères que trente ans lorsqu'il fut envoyéen 1208 àCharrouxpour y plaider la cause de la liberté des élections. Devenu abbé de son monastère, il s'y attacha de cœur, et refusa de répondre aux vœux 'des religieux de Ham qui, en 1220, à la suggestion de l'évèque Adam de Thérouanne, voulaient l'avoir pour succéder à Itier. On ignore l'époque de sa mort et la durée de sa prélature. Quand on a fermé sa chronique, c'est le flambeau éteint: la nuit se fait.

Mais que de lumières on en a tiré Toute l'histoire du XIP siècle en est éclairée d'une manière merveilleuse. On y voit naître, agir, vivre et mourir toute cette valeureuse génération de nobles, de bourgeois et de plébéiens, qui a fait les croisades, la chevalerie, les communes. Tout ce monde-là s'y montre avec ses qualités et ses passions, avec ses vertus et ses vices, avec ses douceurs d'agneau docile ou ses fureurs de lion sauvage. Tantôt ils sont soumis à l'Eglise et s'inclinent devant la crosse; tantôt ils se révoltent et ne craignent pas de lever leur massue sur la tête d'un prélat, comme sur celle d'un simple paysan. Peuple enfant, pourrait-on dire, qui aime à donner, à se dépouiller presque,en faveur des établissements religieux, et qui d'autre part est toujours prêt à contester la donation, à la rogner ou à la reprendre. De là toutes ces confirmations successives, ces privilèges, ces chartes, sans cesse renouvelées par les donateurs et leurs enfants, par les seigneurs féodaux et leurs héritiers, par les princes souverains, par les évêques et par les papes, vastes répertoires où lesorigines^ les titres et la désignation de chaque propriété sont incessamment reproduits. Que de lumières aussi, sur les institutions, les us ages et les mœars de ces vieux temps. C'est avec une vive curiosité que l'on voit apparaître ça et là tous ces caractères originaux de moines et d'abbés, de vassaux et de seigneurs, qui défilent sous vos yeux. C'est Gusfride, le copiste de manuscrits antiques c'est son émule Godemare, qui n'avait qu'une main et qui néanmoins transcrivit une grande quantité d'ouvrages pour la bibliothèque, en même temps que, pour se récréer, il plantait dans le


jardin le grand bosquet de buis touffus qui faisait l'admiration des promeneurs (1). C'est Manassès de Guînes, faisant une donation pour les hosties de la messe, et pour le charbon de bois destiné, soit à l'ensensoir, soit à réchauffer pendant l'hiver les doigts du prêtre à l'autel. C'est Eustache d'Oye, offrant pour son anniversaire une rente annuelle de quatre rasières de sel sur les salines de son domaine.C'est enfin,pour n'en pas dire davantage, Jacques de Nielles, un vassal de l'abbaye, reconnaissant t qu'il est obligé de venir trois fois par an assister aux plaids de la cour abbatiale que les gens de sa maison doivent coudre et laver le linge de l'église et que, si l'abbé va quelque part à cheval en voyage, il lui doit fournir une paire de draps et un oreiller pour sa couche (2).

Nous reviendrons tout-à l'heure aux abbés d'Andres, pour en donner la succession jusqu'au dernier jour; mais, en attendant il convient d'épuiser la chronique. Disons donc qu'elle cite un certain nombre de personnages auxquels le nom de ce village servit de surnom. C'est Waltert de Andernes en 1084; puis une pleine famille de frères ou de cousins, Wizo, Walter, Uberner et Egbert de Andernes, tous comparaissant comme témoins d'un acte passé vers l'an 1130; et enfin Raoul de Andernes, ou de Andrens, pair d'Eustache de Campagne, en 1197 et 1210 (3). Il y avait encore, pour un canton du territoire, une appellation particulière, West- Andernes, on Andres occidental, qui a servi à dénommer, vers l'an 1136,un seigneur du prénom de Walter (4). La chronique n'a garde d'oublier les curés, Lambert, cité en 1118 et 1132 (5), Arnoul, en 1160 (6), Pierre, en 1193 et en 1210 (7). Je crois qu'ils exercèrent d'abord leur ministère dans la nef de l'église abbatiale, comme cela avait lieu dans l'abbaye de La Capelle, pour les premiers temps. C'est ce qui ressort, à mon avis, de la participation des paroissiens à la construction (1) Buxeti nostri qu.od magnum vidimus et condensum (chron. And., p. 806).

(2) Duo linteamina cum auriculari ad ejus lectum (Ibid., p. 854). (3) Ibid., pp. 784, 799, 827, 834, 848.

(4; Ibid., p. 798, 799,

(5) Presbyter Andernensis, pp. 790, 804.

(6) P. 810.

G) P.810.

(7) P. 823,848.


de cette partie de l'édifice. L'église abbatiale, du reste, succédait à une chapelle de Saint-Médard, qui m'a tout l'air d'avoir été paroissiale, et dont le titre fut ensuite transféré à Guines. Pour ce qui est d'Andres, on transféra aussi l'église paroissiale, plus tard, au lieu où elle, est aujourd'hui, et où le vicomte des Androuins l'a fait reconstruire en 1754. Elle est sous le patronage de Saint-Jean-Baptiste, et n'offre rien de remarquable comme monument d'architecture (1).

La seigneurie d'Andres, qui, au XII0 siècle., était dans la maison des seigneurs de Campagne et de Hames, fut abolie sous la domination anglaise. Après la reprise de Guînes en 1558 elle fit retour à la couronne. Cependant, !es seigneurs de Renty, barons d'Embry, en avaient conservé le titre qui passa en 1586 à la maison Espagnole de Spinola et le 17 août 1661, le roi Louis XIV donna des lettres patentes portant-main -levée de la saisie féodale qui en avait été faite, avec confirmation du titre en faveur de Philippe-Charles-Hippolyte de Spinola, comte de Brouay, gouverneur de Lille pour le roi d'Espagne, à la charge qu'elle serait et demeurerait mouvante du comté de Guînes (2). Après la mort du dernier comte de Brouay-Spinola, en 1712, la baronnie d'Andres passa aux d'Aremberg,puis enfin au vicomte des Androuins, propriétaire de la verrerie et des fosses à charbons d'Hardinghen, qui la garda jusqu'à la Révolution française. Il fut député pour la noblesse des bailliages de Calais et d'Ardres à l'Assemblée nationale de 1789, et l'on possède son portrait gravé. On ne connaît plus aujourd'hui l'emplacement de la Motte d'Andres, chef-lieu féodal de la baronnie. Quant aux abbés d'Andres,seigneurs aussi,du moins en partie, de ce village, après ceux dont nous avons parlé plus haut, l'histoire mentionne 1" Thomas, qui, suivant les auteurs du Gallia Christiana (3), était prieur de l'abbaye et succéda à Guillaume en 1234; 2° Mark, ou Marc, qui assista en 1273, comme baron du comté, à un acte d'Arnoul III (4); 3° B., peut-être (1)Renseignements transmis à l'Evëché en 1839.par M.Ansel desservant. (2) Mém. du P. Ignace, t. V, pp. 7P7, 789.

(3) T. X. col. 16' 6.

(̃ij Usaiges et anciennes coutumes, n° itUô, p. 141.– M. Tailliar, wnivent original en ses façons d'agir, écrit Maris par la souffrance de Dieu abbé d'Anderne c'est évidemment Mark.


Baudouin, dont il existe un acte, daté du 8 mars 1294, (1); Nicole, cité en 1329 dans les comptes de Thierry d'Hireçon (2), le même sans doute qui est appelé Nicolas de Blangy dans le registre cinquième du trésor des chartes de France le 13 juin 1343; 5° Anselme, qui envoya des procureurs au Concile de Reims en 1455; 6° Jacques de le Motte, qui présenta à la cure de Nortkerque le 4 mars 1541; 7° Pierre Le Marchand, abbé commendataire la même année, qui tint simultanement plusieurs bénéfices je le. troiue, curé de Nortkerque 1541, curé de Wissant 1562, chanoine de la cathédrale de Boulogne 22 mai 1573, pénitencier, archidiacre de Flandre 10 octobre 1580, mort en 1583; 8° Louis-Hercule Rouville, qui pré ̃ sente à la cure de Balinghem au mois de mars 1684; 9° Louis Tiberge, prêtre du diocèse de Rouen, nommé après la mort du précédent, bullé à Rome le 28 septembre 1697 (3), était supérieur du séminaire des Missions étrangères à Paris, rue du Bac; il se démit en 1722, en retenant sur son bénéfice une pension de 1,200 livres; 10° Jacques de Bosredon, prêtre du diocèse de Chartres, bachelier en droit civil et canonique, demeurant à Paris dans la communauté de M. le curé de Saint-Sulpice, nommé par le roi à l'abbaye-baronnie d'Andres par brevet du 3 août 1722 bullé à Rome le 15 septembre, mort l'année suivante 11° Louis Tiberge, nommé pour la seconde fois, bullé le 15 septembre 1727, mort en 3730 (4); 12° Louis-Jacques d'Audibert de Massilian de Lussan, prêtre du diocèse de Viviers, bullé le 6 décembre 1730; il fut fait archevêque de Bordeaux le 22 avril 1744 et résigna l'abbaye d'Andres en 1748; il existe de lui un beau portrait de Restaut, gravé par Tardieu en 1749; 13° N. Flotard de Montagu de Beaune, prêtre du (1) Chartes d'Artois, A. 39.

fe)Ibid..À491.

(3) Le Gall. christ. fait erreur en disant qu'il était déjà abbé le 15 août 1691.

(4) L'abbé Tiberge est l'auteur de plusieurs ouvrages ascétiques Retraite spirltuelle, 2 v. in-12; Retraite pour les ecclésiastiques, 2 in-12; Retraite et méditation à l'usage des religieuses, in-12; Retraite chrétienne sur les vérités du salut, in-12. Le biographe Feller dit que ces ouvrages sont écrits avec une simplicité noble.


diocèse de Cahors, nommé par le roi le 28 août 1748, bullé le 26 septembre suivant, démissionnaire en 1778; 14° Charles Moreton de Chabrillant, vicaire général d'Arles, aumônier du roi, nommé par brevet du 6 septembre 1778, bullé le 29 suivant, démissionnaire en 1788; 15° Henri Gabriel de Montrichart, prêtre du diocèse de Besançon, vicaire général de Cambrai, bullé le 13 mai 1788, dernier abbé commendataire. D'après les actes transcrits sur les registres aux insinuations de l'évêché de Boulogne,la prise depossession de ces titulairesse faisait par l'attouchement d'une pièce de terre alors à labour appartenant aux religieuses bénédictines d'Ardres et aux » ayants-droit des nommés Antoine et Thomas Hurtrel, séante » en la paroisse d'Andres, sur le penchant d'un côteau au midi » duquel est un moulin à vent, et borné au nord par un ruisseau » sur lequel est un moulin à eau, sur lequel étoit jadis l'église, le monastère et les autres lieux claustraux de ladite abbaye, • suivant la tradition constamment conservée audit lieu et dans les environs, et les vestiges et restes de matériaux et de fondations qui s'y remarquent encore et l'on a trouvé et trouve encore des pierres sépulcrales et autres marques de » l'ancienne existence audit lieu de ladite abbaye, qui a été > détruite et razée de fond en comble lorsque les Anglois con» quirent en 1351 Guînes et ledit lieu d'Andres, à l'occasion de » laquelle destruction les abbés et religieux de ladite abbaye se » réfugièrent en la maison qu'ils avoient à Ardres, où elle a » subsisté en règle jusqu'à ce qu'il n'y fùt plus reçu de religieux, laquelle abbaye d'Andres est la première des douze » baronnies du comté de Guînes dont ladite ville d'Ardres est le » chef-lieu, depuis ladite année 1351 (1).

De nos jours, les ruines de l'abbaye d'Andres sont devenues la propriété d'un maître maçon nommé Félix François. En y faisant des déblais pour l'utilité de sa culture, cet ouvrier a mis au jour trois anciennes pierres tombales sur lesquelles sont gravées des inscriptions et des figures. J'ai été assez heureux (̃H Acte du 28 octobre 1778, dans le-t" reg. des arch. départem.


pour pouvoir en acheter deux, grâce au concours zélé de feu M. l'abbé Monteuuis, celle de Boidin de Balinghem, mort en 1270, et celle de Robert de Ferlinghem, mort en 1276, qui ont été payées 300 fr. par le Musée de Boulogne,où l'ancienne administration les a fait placer, au mois de mai 1872. Une troisième, celle de Marguerite de Nielles, morte en 1275, a été découverte depuis; mais on l'a laissé dit-on enlever par les Anglais. M. L. Deschamps de Pas, qui s'est intéressé dès le premier jour à la conservation de ces précieux monuments, en a fait l'objet de plusieurs communications adressées à la Société des Antiquaires de la Morinie (1), à la commission des monuments historiques du département (2), et à l'Académie desInscriptions et Belles-Lettres. Ce serait l'honneur du Musée de Boulogne de posséder ces trois beaux spécimens de l'art Guinois du XIII" siècle, représentant le premier un costume de jeune homme, le deuxième un costume de guerrier, le troisième un costume de femme, le tout dans un assez bel état de conservation.

BOUQUEIIAULT

Cette commune du canton de Guines (641 habitants, 805 hectares), à l'est de la forêt et au sud de Campagne, est appelée Buehout, Bocholt et Bueolt dans les chartes de l'abbaye d'Andres. Ce nom paraît dériver du teutonique Bûche, Bouck, Bocht signifiant hêtre, et holt, hout, allemand holts, bois. Il a pour corrélatif plusieurs noms de lieux, de môme forme ancienne, qui sont devenus Bécourt, Norbécourt et Westbécourt dans le Pasde-Calais, Bouckhout, dans le Brabant Belge (3).

(1) Bulletin, t. IV, p. 477, 515.

(2) Bulletin, t. III. p. 182; avec plaDche. Il a été fait un tirage à part de ce dernier article sous le titre Quelques souvenirs de l'abbaye d Andres, 1879, gr. in-8,

(3).Chotin, études étym. sur la provirce de Brabant, 1859, pp. 179 et 203.


L'abbaye d'Andres possédait en 1084 dans le village de Buchout une terre et des colons censitaires. L'abbé Gislebert, dans le résumé polyptique des biens de son monastère, dit que cette terrese composaitde sixjournaux, donnés parEtienne de Campagne. Ces propriétés sont confirmées à l'abbaye par la charte de l'évêque Jean de Commine? de 1122 et par la bulle-privilége du pape Calixte II, du 13 octobre 1123. La paroisse de Buchout, associée à celle de Campagne, est mentionnée dans la charte du comte Charles le Bon, de la même époque (1).

Baudouin de Buchoud, chevalier, signe comme témoin une charte d'Arnoul de Guînes, donnée à Tournehem en 1214 (2). L'abbaye de Licques y possédait une terre, qui lui fut confirmée par les bulles-priviléges d'Alexandre III en 1164 et en 1114. Peu de temps après, elle fut mise, je ne sais comment, en possession de l'église, (ecclesiam de Bocout ou Bochout), que lui confirmèrent le pape Lucius III en 1184 et l'évèque Adam de Thérouanne au mois de février 1224 (3). Elle la conserva jusqu'à la Révolution française, en la faisant desservir, suivant les usages de Prémontré, par un religieux tiré de son sein et approuvé par les évêques du diocèse. Le curé avait seul la dîme de sa paroisse.

L'église, dédiée à Saint-Omer, est une construction appartenant à la dernière période du style ogival, avec un choeur voûté en pierres blanches, à nervures prismatiques. La nef est plus récente; mais la tour paraît ancienne (4). La cloche a été refondue en 1862.

Il y avait une école à Bouquehault, en 1725, sous la surveillance de l'autorité ecclésiastique.

Ce village faisait partie du comté de Guînes, Il appartint ensuite à l'Ardrésis et de 1790 à 1801, il fut incorporé au canton de Licques.

(1) Chron. Andr. pp. 786, 789, 793, 797, 803.

(2) Ibid., p. Il est possible qu'il faille ici traduire Buchoud par Westbécourt, comme dans une charte de Licques de 1246. (3) Cart. Liskense.

(4) Renseignements communiqués à la Soc. d'agr. deB., en 1862, par M. Ph. Fournier, maire.


Je ne saurais dire quels furent, au moyen âge, les seigneurs de Bouquehault, à cause de l'impossibilité l'on est de les distinguer d'avec ceux de West-Bécourt,dontle nom est identique. Les chartes de Licques font mention d'Arnoul et de Hubert de Bochout en 1224. Une charte de l'abbaye de Saint-Augustin-lezThérouanne cite Eustache Herekin, seigneur de Bochouten 1260. Bouquehault était une baronnie du comté de Guînes, possédée en 1550-1560 par Claude de Hames, qui, étant en même temps seigneur de Tardinghen, comparait aux Etats du Boulonnais. Plus tard cette baronnie entra dans la maison des marquis de Calonne de Courtebourne.

Deux hameaux de dette commune ont une véritable importance historique. C'est 1° Dippendal, ferme dont le nom ancien (Diependale) signifie vallée profonde (1). En 1084, Hugues Blanchard y possédait un bois qu'il donna à l'abbaye d'Andres. Plus tard, Hugues de Balinghem suivit son exemple, en cédant à la même abbaye quelques portions de biens qu'il avait au même lieu (2). 2° Montgardin, où il reste les ruines d'un château fort, entouré de fossés profonds. C'était la résidence d'une noble famille du comté de Guînes, dont les membres ont joué un grand rôle dans l'histoire des XII" et XIIIe siècles. On peut citer Philippe et Eustache de Montgardin, qui comparaissent en 1118 dans les chartes d'Andres; Athala de Montgardin, leur sœur un autre Eustache et un autre Philippe, qui vivaient à la fin du même siècle, dont il est plusieurs fois parlé dans Lambert d'Ardres. Ce n'était pas seulement un château féodal, mais bien un hameau, ou lieu-dit car l'abbaye de Licques y possédait une terre en 1164. Je ne sais où M. Courtois a vu que Philippe-Auguste rasa ce château en 1215 (3). Le fait est qu'il subsistait encore sous les comtes d'Artois qui le faisaient entretenir avec soin, ainsi qu'on en a la preuve dans les comptes des baillis de Calais et dans plusieurs autres documents du trésor des chartes (1) Voir Diepenpoel, dans Chotin, Brabant, p. 190.

(2) Chron. Andr., pp. 784, 789, 826.

(3) Index géogr. de Lamb. d'Ardres, p. 498.


d'Arras (1). Robert de Palefrois, châtelain de Montgardin, signe une quittance le 25 août 1300 (2).

Une note relative aux ruines apparentes du château de Montgardin, rédigée par M. l'abbé Morgant, desservant de Bouquehuult, a été communiquée à la commission des Antiquités départementales par M. l'abbé Parenty dans la séance du 29 novembre 1847 (Bulletin, 1. 1, p. 55-56).

B49UR.SIN

Boursin est un village de l'ancien Boulonnais, situé dans le pli que fait la chaîne des monts de Colembert pour rejoindre le mont de Fiennes. On y compte 248 habitants sur une superficie de 758 hectares. L'ancienne forme de son nom est Buxin, ou Boxin, qui devint plus tard Boussin et par euphonie Boursin. Je suis trop peu expérimenté dans la science des étymologies pour en proposer une, à ce propos.

Eustache, fils de Frumold, donna en 1084 une terre à l'abbaye d'Andres, kBuxin. Mathilde sa femme y ajouta un domaine de douze journaux (3).

La paroisse de Buxin est citée, vers 1125, dans la charte de Charles le Bon pour la même abbaye, qui ne jouit pas longtemps des biens qu'elle y possédait. Les héritiers des donateurs en ayant revendiqué une partie la lui ravirent, jusqu'à cequevenant à résipiscence, l'usurpateur consentit à la restituer, ce qui eut lieu en 1183, par l'entremise de l'évoque Didier de Thérouanne. Cet usurpateur était Hugues de Lumeres, c'est-à-dire de Lumbres, petit-fils d'une dame de Ferques (4). L'abbé Iterius y acheta (1) Voir notamment les art. A 169 et A 429.

(?) Ihid, Alfift

(3) Chron. And., pp. 783, 784.

Q4)Ibid., p. 818.


en outre une petite dîme, qui appartenait à Robert Vilain, dans la mouvance féodale de Baudouin deMenty,vassal lui-même de Gui d'Alembon, au mois de mars de l'an 1197, moyennant une somme de 19 livres et demie (1).

Les moines de Samer possédaient une dime à Bossin en 1199 (2).

Si le prieuré du Wast n'avait pas eu ses archives dévastées par les guerres du moyen âge, nous y trouverions sans doute l'origine du droit que ses titulaires exerçaient de nommer à cette cure, qui était du doyenné de Wissant. Le prieur y jouissait aussi d'une dîme, qui était louée pour le prix de 100 livres en 1756. La dîme de l'abbé d'Andres valait 70 livres, celle de l'abbé de Longvilliers, substitué sans doute aux moines de Samer, 50 livres. Le seigneur dîmait aussi, avec un autre particulier laïque, qui était en 1785, M. de La Barre.

L'église de Boursin, qui avait pour annexe celle du Wast, est dédiée à Saint-Lambert. C'est un édifice qui a été reconstruit en 1850 dans le style ogival sans caractère qui prévalait alors pour ces sortes de restaurations (3). Elle possède une cloche de 1779, qui vient d'Etaples.

Les marguilliers deBoussinet Le Wastz comparurent en personne aux élections de 1560. Pour celles de 1789, les délégués de la paroisse, à rai'son de 39 feux qu'elle avait alors, furent Jean-Baptiste Deldrève, bailli de la seigneurie, et Marc Hénin, maître d'école.

La seigneurie de Boursin était d'abord à l'ancienne famille boulonnaise des Du Tertre, de qui elle passa par alliance aux Wavrans. Gallas du Tertre, écuyer seigneur de Boursin et du Tertre comparaît à la rédaction de la coutume du Boulonnais, en 1550. Au XVIIIe siècle, les Wavrans, dont le château en ruine dresse encore son squelette grisâtre derrière la verdure des grands bois, étaient titrés marquis: ils avaient dans ce village (1) Ibid., pp. 836, 833.

(•^) Quelques chartes, etc., Mém. Soc. Ac. t. XII, p. 232.

,'3) Voir une notice de M. l'abbé Robitaille dans son annuaire de 1869, p. 189.


l'exercice des droits de justice, dont le dernier bailli fut JeanBaptiste Deldrève, nommé le 23 octobre 1778, avec Marc Héniiij maître d'école du lieu, pour procureur d'office (1).

Les hameaux, fermes et lieux-dits de Boursin qui ont une existence historique, sont:

.Le Breuil, hameau et ferme, dont le nom latin, Broïlum, signifie lieu planté de broussailles ou de jeunes bois. La Censé, ferme, au centre du village, où se trouve une motte dont le caractère est indéterminé. Je pencherais plutôt pour en faire un tumulus que pour y voir le siège d'un donjon seigneurial. Une seconde motte existait dans le voisinage de celle-ci, à 300 mètres au nord de l'église, près d'une autre ferme, aujourd'hui démolie et dont il ne reste que la grange: elle a éténivelée en partie et la charrue y passe mais les traces en sont encore visibles. C'était aussi, je crois,un tumulus.

La Lancherie, ferme; dont le propriétaire, qui était en même temps un homme d'armes, Jacques Tricquet, fut tué durant le siège de Boulogne par les Anglais en 1544 (2). Cette ferme dépendait, pour quelque chose, du prieuré du Wast. Le Mont-de-Boursin, nom donné à la chaîne de collines qui continue les Monts de Colembert. Un des mamelons dont il se compose se nomme le Mont-Galien. Est-ce que l'empereur Gallienus aurait passé par là?

Il y a eu au pied du Mont-de-Boursin, dans une pièce de terre nommée les Six-Mesures, section A n° 202 du cadastre communal, un cimetière mérovingien très considérable. On l'avait découvert en ouvrant une carrière pour en extraire des blancs à marner. Depuis longtemps déjà les objets qu'on y trouvait se dispersaient de côté et d'autre, lorsqu'en 1865 il m'arriva entre les mains un stimulus, ou éperon, en bronze autrefois doré, un style également en bronze et un vase en terre. C'en était assez pour me révéler le caractère de cette nécropole que je fis fouiller (1) F. Morand, Les derniers baillis et procureurs d'office des justices sei^nRiiT-ialesen Boulonnais, p. 20.

(2) Chroniques en brief, quatrain 19, dans l'édition de M. F. Morand, p. 16.


par des ouvriers du pays, sous la surveillance de mon frère, pour le compte de l'administration du Musée de Boulogne. Il y restait environ trente-huit sépultures que nous ouvrîmes, et dans lesquelles furent recuêillis des vases en terre, une hache, des scramasaxes, des lances, des umbos de boucliers en fer, des plaques de ceinturons en bronze et d'autres en fer damasquiné, des boucles d'oreilles en bronze avec péndants sphéroïdes de même métal, des colliers et des bracelets d'ambre et de verroteries, et une superbe tête d'épingle en or, façonnnée en forme de bouquet. Tout ce qui avait quelque valeur archéologique dans ces trouvailles fait partie de la collection mérovingienne dont j'ai doté le Musée; mais l'épingle n'y est plus, ayant eté volée le 23 mai 1869 et depuis lors gisant anonyme dans quelque bric-à-brac de trafiquants. Le cimetière mérovingien du Mont-de-Boursin, avait déjà été fouillé, probablement dès le moyen âge, par les paysans qui se livraient au pillage des tombeaux, crime connu autrefois sous le nom de Reerof et prévu dans les anciennes législations (1)-

Le Mont-Cornet, fief aux Torquat, dit de Mont-C!ornet et de Caumont, dont l'un des derniers représentants, Jean-François, né à Boursin,vicaire d'Herly en 1789,fut en 1803 curéd'Alembon, transféré en 1809 à Réty, où il mourut le 2 février 1835. La Ramonerie, qu'on appelait au XIIIe siècle Raimmonderiej et dont le seigneur assista en 1550 à la révision des coutumes. Sangatte, nom de ferme, qui déroute l'étymologie; car il n'y a là ni trou, ni sable, ni port, ni rivage.

Le Tertre, ferme, qui paraît avoir donné son nom à la famille des anciens seigneurs de Boursin. Simon du Tertre est cité dans les chartes d'Artois, le 8 mars 1294 (2).

Le Trait, désignation d'un canton dont le seigneur, Heseelinus de Tracto, est cité dans la chronique d'Andres au commencement du XIIe siècle. Les marguilliers de Fiennes y avaient acquis quelque bien pour lequel il leur fallut payer relief au (1) Keure de Bergues, Bourbourg et Furnes, par M. E. de Coussemaker, 1860, in-8' art. 7, p. la et notes.

(2) A 39, p. 62 de l'Inventaire.


comte d'Artois le 15 octobre 1293 (1), et l'acte dit qu'il y passait une route menant au Wast.Une singulière tradition,qui a cours dans le pays, donne même à une pièce de terre située près de là le nom bizarre de cimetière du Wast.

On a trouvé, en 1868, dans les dépendances du Trait, des haches en silex poli, dont une, avec un tranchant admirablement affilé, a été donnée par mon frère au musée de Boulogne. Il y avait aussi, près du lieu dit le cimetière du Wast, un certain nombre de sépultures romaines d'incinération, composées de grandes urnes en terre grisâtre de différentes formes, presque toutes brisées, qui avaient renfermé de la braise, des cendres et des ossements réduits en miettes. J'en ai conservé un miroir en étain avec le morceau de 'pierre ponce qui l'accompagnait, servant à le polir pour l'entretenir en état.

CAFFIËRS

Caffiers sur le versant extrême de la fosse Boulonnaise, à l'ouest de Fiennes, renferme une population de 449 habitants, répartie sur 477 hectares de terre. On en a fait,à tort selon moi, le Cafdmere des chartesde St-Bertin (2).

Les chartes de Thérouanne mentionnent l'église de Caffiers sous le nom de Katfers, ou Cat fiers, en 1119, 1157 et 1179, comme étant avec celle de Landrethun-le-Nord dans le patronage du chapitre. Otgrun et Berennold de Catfers assistent comme témoins à une donation que Warin de Fiennes fit à l'abbaye d'Andres en 1107 (3). L'abbaye de Licques possédait en 1164 une terre à Caffiers, in Catphis. Ansel de Cqfjier est témoin d'une (1) Chart. d'Art., A 134.

(2) Je crois que cette désignation regarde plutôt le village de Camiers. (3) Chron. And. p. 787.


charte de Manassès de Guînes, seigneur de Thiembronne, en 1213 pour la même abbaye. Payen et Arnoul de Cadfeix signent une charte relative à l'abbaye de Beaulieu, lien 1157. Jourdan de Caffiers, de Catphis, était pair du seigneur de Fiennes en 1210 (1).

L'abbaye de Beauheu possédait à Caffiês beaucoup de rentes et de censives qui sont énumérées dans le terrier de 1286. Ce village figure également pour plusieurs rentes dues à la sei.gneurie de Fiennes, dans les dernières années du XIIIe siècle en froment, avoine, deniers, moutons, poivre et cire (2). L'église de Caffiers, masure plus que délabrée qui va être reconstruite,n'offre aucun caractère d'architecture. Elle est dédiée à Saint-Martin, ce qui est un indice de haute antiquitité. Sa cloche, refondue en 1849, avait été donnée par Bernard Costé,sieur de Mouflon, époux de Catherine Scotté, et datait de 1619. C'était tout ce qu'il y avait de plus ancien dans le village. Caffiers, avant la Révolution, était secours de Landrethun leNord. Après le Concordat on l'annexa à la succursale de Fiennes dont un décret impérial du 5 avril 1862 le sépara, pour en faire une succursale indépendante.

La dime de Caffiers appartenait pour deux tiers à l'abbaye de Beaulieu. Le chapitre de Boulogne et le curé du lieu se partageaient l'autre tiers.

Ce village était dans le ressort judiciaire du bailliage de Wissant. Ses marguilliers furent convoqués à l'assemblée électorale de 1560 pour les États -Généraux. En 1789, et à raison des 40 feux qu'on y comptait, ses deux députés furent Jean-Baptiste Delaruelle et un nommé Debiennes.

Les fermes et hameaux de Caffiers sont, Le Bastret (Baatreeq) la Croix, le Ventu (nommé Wintehus, maison du vent, en 1286, à 115 mètres d'altitude), la Verte Rue.

Le fief de Mouflon, ou Monfelon, seigneurie dont les mouvan(1) MA., p. 848.

(2) Chartes d'Artois, A 118, n'


ces étaient fort étendues, avait pour chef-lieu une motte situéedans les dépendances du château actuel de M. Lorgnier. Loys de Bourse, seigneur de Mouflon, assiste à la révision des coutumes en 1550.

C2~11i1°AGl~ E

Campaniœ, mot latin, romanisé sous la forme Campanies, est le nom que porte durant tout le moyen-âgej le village de Campagne, situé entre la forêt de Guînes et la commune d'Andres. Sa population est de 338 habitants sur une étendue territoriale de 567 hectares.

La chronique d'Andres renferme un nombre incroyable de donations faites à cette abbaye dans la paroisse de Campagne, dès la première année de sa fondation. On se fait gloire aujourd'hui de la division extrême de la propriété. Elle n'était pas moins considérable à la fin du XI" siècle et au commencement du XII". En effet, Gozon de Campanies donne à l'abbaye d'Andres, en 1084, cinq journaux de terre de son domaine; Baudouin fils de Wifred, la dîme de son domaine et une servé, nommée Emma, avec ses fils; Wandelmar d'Ardres, Adelis son épouse et ses enfants, la dîme de leur domaine; Robert de Louches, la dîme de son domaine Eustache, fils de Frumold, tout son domaine, c'est-à-dire une terre de vingt journaux, avec un bois et une dîme; Ranendis, tout son domaine; Emma, femme de Rénier Queval, la dîme de son domaine Guffroy de Bredenarde, surnommé Hosenold, Galand, son frère, et ses sœurs, donnent pour l'obit de leur mère une terre avec une dîme que tenait Rihold Roger et Heldelina sa fille, une terre que tenait Burchard et qui pour cela est appelée dans des actes postérieurs Burcharde'sbuf; Domelina donne une terre de huit journaux Etienne da Campagne, tout son domaine avec un bois; Heremar et


Winemar son frère et leurs sœurs, la dime de leur domaine, pour l'obit de leur père; Baudouin Boiard, pour l'obit de sa femme, a donné la dime de son alleu de Campagne, avec huit journaux de terre, dont quatre tenus par Fretemer, et quatre par Baudouin de Spelleke: Eustache de Malkesbec(l) et Tetsendis, sa mère, deux journaux de terre (2).

Quelques années plus tard, après la mort de Baudouin Ier, le comte Manass pase Guînes énumère d'autres donations, savoir la terre de Raoul Penard, avec des hôtes, un bois et la dîme celle d'Hermar le Barbu, avec la justice et la dîme celle de Gauthier d'Elinghem celle d'Hermar, son nls la terre d'Hermar de Balmghem la terre de Baudouin, fils de Guffroy, avec la dîme; la terre de Guffroy Penard, donnée d'accord avec ses frères Raoul et Hugo, et avec sa mère Reinewifh la terre, d'Hatgennif, fille de Frumold un droit de justice cédé par Eustache de Balinghem la terre de Maceline et de sa sœur, avec des hôtes, un bois et la dime une dime donnée par Robert, frère de Gozzon tout l'alleu d'Eustache, son neveu, avec la justice et la dîme; des dîmes et des alleux donnés par Guillaume d'Audinghen, par Hathewif de Pernes et toute sa famille, par Winnemar d'Ardres, dit Grosse-Vache, et d'autres personnages (3).

Cela fait plus de trente parcelles différentes qui entrent ainsi dans le domaine de l'abbaye, et ce n'est pas tout.

Il y avait encore un canton dans le village, nommé le Mont deMas,ou!e MontdeCampagne(4), où l'abbaye possédait d'autres parcelles qui font l'objet d'un état dressé par l'abbé Gislebert au commencement du XIIe siècle. Les donations précédentes y sont indiquées pour la plupart; mais il y en a de nouvelles, qui sont la terre d'Odwin,avec deux hôtes,une dîme et un bois; la terre d'Eustache de Montgardin et d'Athala sa sœur, avec des hôtes, un bois et une dîme; la dîme de la terre d'Hadward, ou Adouard (1) Lieu-dit sur Audrehem.

2) Ces extraits sont tirés des deux chartes de fondation de l'abbaye. (3) Chron. And,, pp. 785, 786.

(4) Sans doute le hameau actuel de Berck-en-Campagne


que les moines cultivaient par moitié; une parcelle venant d'Ingelram de Bainghem; une parcelle venant de Rothulde d'Abbeville une autre, donné par Remeginde; une terre, qui venait de Baudouin Portevin, avec un hôte et une dîme; la terre d'Hermar Buce, avec des hôtes, un bois et la dime; une dîme qu'avaient donnée Baudouin Boïard, avec Domelina sa sœur Hermar l'ancien, Hugues et Baudouin de Disacre; deux terres de huit journaux, l'une tenue par Oydolo, l'autre par Frumold le Clerc; enfin une terre encore que tenait Otbert Scattier, pour cinq'suus de rente annuelle (1).

Il semble après tout cela qu'il ne devait plus rien rester qu ne fût à l'abbaye d'Andres sur le territoire deCampagne.Cependant on y trouve encore des seigneurs, Hermar de Campagne, d'abord, cité comme témoin d'une donation en 1084 puis trois frères qui vivaient dans la première moitié du XIIe siècle, Henri, Guffroy et Gozon surnommé Payen dont on lit la signature au bas de différents actes, à partir de 1107. Henri de Campagne fut seigneur d'Andres et eut souvent maille à partir avec les religieux, qui se plaignent fort de sa malvaillance à leur égard. Il fonda cependant chez eux un anniversaire pour son beau-frère Eustache, et il leur donna le terrain nécessaire pour faire un grand chemin entre le monastère et la voie de Leulène. La chronique cite encore plusieurs Baudouin de Campagne, fils des précédents, Vivien de Campagne avec sa femme Mathilde et leur fils Eustache; puis enfin un autre Henri et un autre Eustache, qui vécurent jusqu'au commencement du XIIIe siècle. Ce dernier avait une fille nommée Euphémie, et un frère nommé Ingelram, qui fut de l'expédition d'Angleterre avec le roi Louis VIII en 1217. Eustache de Campagne mourut à Boulogne, au mois de janvier de l'an 1228, consumé par une longue maladie, et les religieux d'Andres l'enterrèrent dans leur cloître à côté de sa mère. On a de lui plusieurs chartes, conservées dans le recueil dressé par l'abbé Guillaume.

Le lecteur curieux d'en savoir davantage sur la paroisse de (l)Chron. Andr., p. 789.


Campagne et ses anciens seigneurs pourra consulter en outre le cartulaire de l'abbaye de Licques, qui y possédait une terre en 1164, et qui relate les noms de plusieurs personnages qui ont porté le nom de ce village; mais je ne puis m'y arrêter, ayant déjà dépassé les limiter de ce que comporte raisonnablement cette notice, sans avoir épuisé tout ce que la chronique d'Andres contient à ce sujet.

L'église de Campagne, dernièrement reconstruite dans le style du XIII" siècle, a été ouverte au culte le 20 juillet 1873 (1). Elle est sous le vocable de Saint-Martin, et annexée depuis 1808 à la succursale de Bouquehault. Antérieurement à la Révolution française, Campagne était une cure, dans le patronage du chapitre diocésain,qui la possédait déjà en 1119. On connaît trois des plus anciens curés de Campagne, Reinard, en 1107, Baudouin, en 1118, et Vivien en 1178. Ce village faisait partie du Calaisis, ayant été soumis à la domination anglaise après la prise de Guînes, à l'exception de son hameau de Berck, qui appartenait à l'Ardrésis. C'est sur le territoire de Campagne que la tradition indique l'emplacement du Camp du drap d'or; et c'est à Campagne, appelé alors Campen par les Anglais, que fut signé en 1546, entre les deux couronnes de France et d'Angleterre, le traité par lequel Henri VIII s'engageait à rendre Boulogne à François 1er, moyennant la somme de deux millions.

>iE'IE~iNES

Assis dans la fosse boulonnaise, tout près des collines qui en font l'enceinte et qui la séparent de la plaine de Guînes, au pied d'un monticule qui mesure 163 mètres d'altitude, le village de Fiennes, souvent qualifié bourg, compte une population de 1,036 (1) Annuaire de M. Robitaille, 1875, p 190


habitants, dont les maisons sont disséminées sur une étendue territoriale de 1.163 hectares.

Son nom ancien, dans le cartulaire de Saint-Bertin, paraît avoir été Flidmum, où, dans la 28eannée de Charles-le-Chauve, c'est-à-dire en 868, un homme illustre de ce temps-là, nommé Rodwald, père d'un religieux nommé Megenfride, donna à l'abbaye de Sithiu une manse avec ses occupeurs, le mari, la femme et les enfants, qui vivaient en servitude (1). Deux sièclesaprês.en 1069,Drogon,évèque de Thérouanne, fit don àson chapitre de l'autel de Fiennes, altarede Ftidmis (2),qui continua de lui appartenir jusqu'en 1559, et qui, après le partage de l'évêché, tomba dans le lot des chanoines d'Ypres. Cette première forme du nom de Fiennes, dont la trace se prolonge jusque dans une charte de Manassès de Guînes, où ce nom est encore écrit Feldnes (3), n'est pas celle qui a prévalu à partir du XIIe siècle. En effet, dans tous les documents diplomatiques, aussi bien que dans Lambert d'Ardres et Guillaume d'Andres, on lit désormais constamment Fielnceou Fielnes, Fienles et Filnes, ou Finies, avec toutes les autres variantes que comporte la fantaisie des copistes ou l'inexpérience des lecteurs. La plus grande célébrité du village de Fiennes lui vient de ses seigneurs qui, après les comtes de Boulogne et de Guînes,furent les plus puissants et les plus illustres du pays. L'étendue de leur domaine était considérable Hardinghen, Hydrequent,Landrethun. Leulinghen, Ferques et Caffiers en dépendaient en pleine seigneurie, sans compter les éclèches qui étaient très nombreuses et qui s'étendaient fort loin.

Fiennes était une des quatre châtellenies du Boulonnais, instituées probablement sous le règne de Charles-le-Chauve, pour servir à la défense du pays contre les incursions des Normands (4). Peut-être le vir inluster Rodwald en a-t-ii été le fondateur. « Ces châtelains, dit l'historien de Calais, Le Febvre (5), (1) Cart. Sith., p. 118, n-49.

(S) Cart. de N.-D. de Thér., d'après les mss de l'Evèché deBruges. (3) Chron. And., p. 802, B. Mir. I, p. 381.

(4) Vte de Gourgues, dict. top. de la Dordogne, introd,, p, xli. (5) Hist. de Calais, t. I, p. 526.


« avaient pour marque distinctive la possession d'une forteresse, « ou d'un château, muni par un fossé et garni d'un pont-levis, « d'une basse-cour, d'un clos de bonne défense, ainsi que l'on < s'exprimoit, et d'un donjon (Le Roy de Lozemb., coutumes, « art. 6 et 7 ex notis). Leurs prérogatives consistoient en un < pouvoir et une juridiction tant en instance sur leurs sujets im« médiats que par ressort, en cas d'appel, sur les justiciables et « seigneurs inférieurs, dont les appels ressortissoient à son « bailliage, d'avoir la marque de justice à trois piliers, avec liens dedans et dehors, et des foires et marchés (Coquille, ins« tit. au droit fr. chap. IV).

Le premier seigneur de Fiennesqui soit expressément nommé en sa qualité est Eustache, mari d'Adèle de Selnesse, ou d'Ardres, et beau-frère de Gui ler d'Alembon (1). C'était un contemporain d'Eustache II, comte de Boulogne, qui mourut comme lui avant la fin du XIe siècle. Avec Conon son fils, et Athalaïs ou Adelaïde sa fille, nous entrons en plein dans la lumière historique.

Parlons d'abord d'Athalaïs. Elle nous est connue pour avoir donné à l'abbaye d'Andres une dîme à Boucres, mentionnée dans un diplôme de Manassès de Guînes, de 1091. Elle vivait encore en 1119, ainsi que le constate l'analyse d'une charte où cette dîme est mentionnée avec une terre d'une demi charruéeâ Alenthun, un bois et une autre _terre située à Wertes, qu'elle donna à cette abbaye, en en déposant l'acte sur l'autel avec le rameau et le gazon qui étaient le signe de l'effestucation qu'elle en faisait. Athalaïs de Fiennes eut deux fils, un nommé Cunon, qui fut assassiné, pour le repos de l'âme duquel elle fit cette donation, et un autre nommé Warin, qui se dépouilla de tous les biens qu'il avait dans le comté de Boulogne en faveur du prieuré du Wast, et qui consacra ceux qu'il avait dans le comté de Guînes à la dotation de la Maison aumônière d'Andres. Il fit plus; car il prit l'habit religieux dans cette abbaye pour se dévouer au soin des voyageurs et des pauvres, et il y mourut pieusement, le 2G (1) Lamb. Ard., cap. cii.


décembre, après avoir choisi sa sépulture dans le vestibule même de l'hôtellerie, afin de se rappeler au souvenir des indigents qu"il avait aimés et servis (1).

Conon de Fiennes, son oncle (2), fils d'Eustache et d'Adèle de Selnesse, n'est pas nommé dans Lambert d'Ardres, qui l'a oublié. Il figure cependant à la cour du comte de Boulogne Eustache HI, avec qui nous le trouvons en 1112 et en 1113 dans les chartes de Samer. Son nom paraît pour la dernière fois dans le diplôme de sa sœur Adalaiz, en 1119 (3). Il avait épousé Gilla de Caïeu (4), sœur de Roger, dont il eut quatre enfants, Eustache II du nom, surnommé Le Vieil, qui lui succéda dans la possession de ses domaines, Roger, Anselme et Guillaume, plusieurs fois nommés dans la chronique d'Andres. Conon de Fiennes avait donné à ce monastère une terre dont la situation ni l'importance ne sont indiquées, et dont il est question pour la première fois dans la charte de Manassés de l'an 1091. L'abbaye de La Capelle lui devait aussi la donation d'une terre à Guînes (5). Il est remarquable que le nom de Conon de Fiennes ne se rencontre pas une seule fois parmi les pairs et les barons du comté de Guines, alors surtout que le nom de sa terre figure plus tard parmi les douze baronnies de ce comté. Je dirai la même chose de ses frères dont on continue de trouver les noms au bas des chartes des comtes de Boulogne, sans qu'on les voie intervenir autrement que pour leurs affaires de famille dans les actes relatifs au comté de Guînes. C'est la preuve, selon moi, que Fiennes, quoi qu'on en ait dit, faisait alors partie du Boulonnais (6) Eustache II, dit le Vieil, fonda en 1137 l'abbaye de Beaulieu, comme je le dirai dans la notice que je consacrerai à cet établissement, lorsque je traiterai de la commune de Ferques, dans (1) Chron. Andr pp. 785-788 et suiv.

(2) Conone prœfati Cononis avunculo, ibid., p. 788.

(3) Ibid.

(4) Bulle inédite d'Adrien IV, pour l'abbaye ds Beaulieu. C'est à tort que des généalogistes peu scrupuleux l'ont dit marié à Alix de Bournonville. (5) Charte inédite de l'an 1137.

(fi) Un érudit, ordmairsmpnt plus sur de ce qu'il avance, M. Alex. Herwaud, a dit que Fiennes ne fut rattacha an Boulonnais qu'après la chute du comté de Guines (Mém. de la Soc. des Ant. de la Mur., t. Vlll, p. ys^j.


le canton de Marquise. On ignore le nom de la femme qui lui donna, suivant le rapport de Lambert d'Ardres(l), cinq enfants, savoir Eustache III, dit le Jeune, époux de Marguerite de Gutnes, mort sans postérité, Ingelram dont il sera question plus loin, Gilbert qui fut seigneur de Bléquin, Raoul qui se distingua par sa piété, Adelis, enfin, qui épousa Baudoiun de Hames et qui ne pouvait souffrir dans son château l'odeur du feu de tourbes qu'on y brûlait ordinairement (2).

Ingelram de Fiennes, premier du nom, successeur de son frère Eustache III, devint le gendre du fameux Guillaume de Tingry, surnommé Faramus, qui lui donna sa fille Sibylle en mariage (3). Il en eut trois fils, Guillaume, Thomas, Eustache, et plusieurs filles dont les noms ne sont point parvenus jusqu'à nous. Ingelram était, comme ses prédécesseurs, un des barons de la cour des comtes de Boulogne, et nous trouvons plusieurs fois son nom au bas des diplômes signés par la comtesse Ide, fille de Matthieu d'Alsace.. Guillaume d'Andres l'appelle un guerrier fameux, et Lambert d'Ardres nous apprend qu'il accompagna le comte de Flandre, Philippe d'Alsace, dans son expédition de la Terre-Sainte, où il combattit avec tant d'impétuosité contre les Sarrazins qu'un jour il disparut sans qu'on ait pu retrouver ses traces.

Guillaume 1er, son fils aîné, qui devint le beau-frère du comte Renaud de Boulogne par son mariage avec Agnès de Dammartin, en eut un fils, encore mineur en 1203, qui fut appelé Ingelram comme son aïeul. Guillaume vivait encore en 1233 (4). Les autres seigneurs de Fiennes, d'après le P. Anselme (5) furent Ingelram II, qui mourut en 1265, Guillaume II, cité en 1276 dans les chartes de Licques, et qui vivait encore en 1292, (1) Cap. xl.

h) Chron. Andr. p. 810 2. E.

3) Lambert d'Ardres dit sa sœur contrairement au témoignage de la charte de 1173, du Cartulaire de S. Josse, puoliée par M. L. Cousin dans sa notice sur le château de Tingry, p. 20.

(4) En 1214 nous le trouvons compris parmi les Milites Boloniœ dans un rôle publié par la Roque.

(5) Hist. gén. de la maison de France, t. VI, p. 166.


Jean, mort après 1340, et enfin Robert, connétable de France, dont il me reste à parler.

Il convient de dire auparavant que la chronique d'Andres fait mention de plusieurs autres personnages ayant porté le surnom patronymique de cette famille, sans qu'on puisse les rattacherà sa généalogie. Ce sont Berennold et Elkembert de Fiennes, qui signent au commencement du XII" siècle les chartes relatives aux donations de Warin Robert de Fiennes, signataire en 1137 d'une charte d'Eustache II; Godefroi de Fiennas, témoin de la donation de Gui d'Audresselles à l'abbaye d'Andres en 1160. J'ai aussi une grave objection à soulever contre l'exactitude des tableaux dressés par les généalogistes, au sujet des enfants de Guillaume Ier. On lui donne pour fille Mathilde, qui épousa le comte de Guînes Baudouin III. mort vers l'an 1245; mais alors, quel est celui qu'Arnoul de Guînes, fils de Mathilde, appelle « mes chiers oncles Eustaces, chevaliers jadis sires de » Fienlles; » et quel est celui qu'il désigne sous le nom de « Willames de Fienlles chevalier sen ainsné et son oir, » dans une charte inédite de Beaulieu du mois de mars 1272 ? J'appelle sur ce point l'attention des généalogistes, et j'en reviens à l'histoire de la maison de Fiennes.

Robert de Fiennes, surnommé Moreau, naquit vers l'an 1308 ou 1309. Il était fils de Jean de Fiennes et d'Isabelle de Flandre, ce qui, par la ligne maternelle, lui donnait le titre de cousin du roi de France (1); car Isabelle de Luxembourg, son aïeule, était la sœur d'Henri de Luxembourg, deuxième du nom, bisaïeul de la reine Bonne, femme de Jean le Bon et mère de Charles V (2). Ses premières années furent éprouvées par le malheur. Il avait à peine douze ans, lorsqu'il fut fait prisonnier de guerre avec sa sœur Jeanne, quand le maréchal de France Matthieu de Trie s'empara du château de Tingry et le fit abattre, pour punir la rebellion de Jean de Fiennes, son père, à l'encontre de Mahaut (1) Robert de Fiennes, qui du sane royal est,et de hautain lieu né, dit la chronique de Bertrand Duguesclin (Documents inédits, t. XI. p. 155). (2) Uenealogle de lionne de Luxembourg, dans G. Marcei.Hiel. du Fr., t. II, p. 169.


d'Artois, en 1320. Le cnâteau de Fiennes fut également pris et rasé dans cette expédition (1).

Quand il fut en âge de porter les armes, Robert de Fiennes se mit au service du roi Philippe de Valois. Nous l'y trouvons en exercice en 1337; et il s'y distingua tellement par sa fidélité, sa valeur et son activité, qu'il mérita de recevoir l'épée de connétable, lorsqu'elle fut tombée des mains de Gauthier de Brienne, à la bataille de Poitiers. Il la porta avec honneur jusqu'en 1370, où, sentant son bras s'affaiblir, il la remit entre les mains de Charles V, désignant Bertrand du Guesclin comme le plus digne de lui succéder. On ne connaît ni le lieu ni la date de sa mort, qui arriva après l'an 1384.

Robert de Fiennes fut un des plus braves chevaliers de son siècle, et il eut surtout les qualités qui convenaient à la situation dans laquelle se trouvait le royaume de France, c'est à-dire l'abnégation, la prudence et l'esprit dt: temporisation. Pour nos contrées, où il a laissé de nombreuses traces de son séjour, il fut un appui solide et un vigoureux défenseur". Lorsque le torrent de l'invasion anglaise menaçait de s'étendre dans le Bou- lonnais, en descendant les monts de Fiennes et de Colembert, le connétable y planta sa bannière pour l'arrèter au passage. En vain Edouard III, s'appuyant sur je ne sais quelles vagues indications de mouvances féodales, réclamait-il la cession du domaine de Fiennes comme dépendance et partie intégrante du comté de Guînes (2), Robert de Fiennes répondait Je suis Français et il resta Français malgré tous les efforts que la garnison de Calais entreprit pour le réduire, malgré même les ordres du roi de France, qui avait commandé à ses sujets du comté de Guînes de se soumettre au roi d'Angleterre. Le conné(ly Chroniques de France, msn° 707 de la Bibl. de Saint-Omer, t. il,p.l69 (2) C'était un sophisme; car autre chose était le territoire, autre chose la sujétion féodale. Je ne nie pas que Fiennes ait été une baronnie de Guines mais Fouquehove, sur Pernes, était aussi une pairie de Guînes et cependant on ne saurait direque Pernes. ni que Fouquehove, ait jamais fait partie du comté de Guines. Le connétable résistait par patriotisme, et il restait en même .temps dans la vérité historique.


table eut la hardiesse de désobéir et jamais les couleurs anglaises ne flottèrent sur les tours du château de Fiennes (1). Le domaine de cette châtellenie, auquel se trouvaient alors, réunis ceux de Tingry, de Macquinghen, d'Hucqueliers et de Ruminglien, entra dans la maison de Luxembourg, avec Mahant de Chàtillon, nièce du Connétable. l'lus tard, la seigneurie de Fiennes passa aux comtes d'Egmont (1532), aux de Vicq (1606), auy d'Estampes de Valençay, en faveur de qui Louis XIII l'érigea en marquisat (1643), aux Fontanieu, anciens fermiers généraux (1739), et enfin aux Belzunce et aux Doublet de Bande"ville (1785-1790).

Il vaut mieux, dit un vieux proverbe, vivre sous la crosse que sous la lance. Les habitants du village de Fiennes en éprouvèrent plusieurs fois la vérité car la lance attire l'epée, et c'est la guerre. Il y eut guerre, en effet, dans le vieux temps, entre ceux d'Ardres et ceux de Fiennes, à propos de l'héritage d'Adèle de Selnesse, et à ce propos nous voyons qu'alors, c'est-à-dire sous le règne d'Arnoul IL comte d'Ardres, mort en 1139, nous voyons qu'il y avait à Fiennes des maisons habitées par des serfs tout autour de la place, per médium forum, depuis l'église jusqu'au château (2). Quelques-une.s appartenaient au seigneur d'Ardres, qui les céda par échange, dans le traité de paix qu'on fit après la prise d'armes dont il est question.

Ce château n'était pas celui dont il existait encore naguère quelques vestiges dans la ferme de M. Autricque, et dont l'emplacement est marqué sur la carte de l'Etat-Major. Je crois que l'antique donjon des sires de Fiennes, la motte du haut de laquelle Eustache le Vieil, fils de Conon, datait ses diplômes en 1117 Actum super motam meam in buro meo (3), était plus (î) Lire la Biographie de Robert de Fiennes par M. Ed. Garnier, et le rapport complémentaire rédigé sur le même sujet par M. Alex. Hermand, dans le t. VIII des Mém. de la soc. des Ant. de ia Mor.

(2) Lamb. Ard., c. cxxv.

(3) Burum, du Saxou, Burj veut dire chambre. Le comte de Guines Mariasses, signe Rpralfiinent un acte in caméra sua. Les don ions sur motte étaient des'tours, où il u'y avait qu'une c nambre à chaque étage, avec des cabinets dans les coins ou dans les tourelles.


rapproché du centre du village, et situé au lieu qu'on appelle aujourd'hui encore le Vieux-Château.

L'autre château, de construction plus solide et plus commode que les anciens donjons sur motte, fut établi probablement dans le XIV3 siècle, ou même à la fin du XIIIe. C'était un parallèlogramme, flanqué de tourelles et environné d'un fossé avec pontslevis. Il a vu défiler les 25,000 hommes de l'armée d'Angleterre, commandés par Knolles en 1369. A cette malheureuse époque, « toutes les semaines, dit Froissart, trois ou quatre chevauchées • sortoient de Calais, et couroient souvent devant Saint-Omer, • Arques, Montoire, Fiennes et là environ (1). » Cela dura longtemps. En 1543, les Anglais, au rapport d'une chronique du temps, « bruslèrent la ville et chasteau de Fiennes (2). » Au XVII" siècle, les Français qui défendaient le pays ne causèrent pas moins de dommages que les ennemis; car les registres capitulaires constatent qu'on fut obligé de faire au fermier des dîmes de Fiennes une remise de 115 livres sur sa recette de l'année 1637, à cause des dégâts que les cavaliers logés dans l'endroit avaient commis sur le territoire de la paroisse. Fiennes était administré par un bailli qui était en 1560 Simon Stevenois. Il comparaît cette année-là aux Etats généraux du Boulonnais, avec le marguillier de la paroisse, Jehan du Chocquel. Le dernier bailly, nommé par Gaspard-Moyse de Fontanieu, fut Pierre-Maxime Dupont, notaire à Boulogne, avec Jacques Broutta, de Marquise, pour procureur d'office. Un lieutenant de bailly, nommé par les derniers possesseurs du marquisat, fut Pierre-Marie-Benoît Louchet, sieur duBreuil, demeurant à Hardinghen (3).

L'église de Fiennes, sous le vocable de Saint-Martin, a été reconstruite sous la Restauration. Elle possède une cloche qui date de 1679.

Un hôpital, ou plutôt sans doute une maladrerie, existait à (1) Edition Buchon, t. xvi, p. 109.

(2) Bulletin de la Soc. des Ant., de la Mor., t, i., p. 63.

(3) F. Morand, Les derniers Daillis et Procureurs d'office des justices seigneuriales en Boulonnais,. pp. 43-45.


Fiennes, dans un endroit dont j'ignore la situation. Tassard, dans son pouillô de Thérouanne, en mentionne la chapelle qu'il paraît avoir considérée comme un bénéfice. Les revenus de l'hôpital de Fiennes ont été réunis à l'hôpital général de Boulogne en 1696.

Le nom de Fiennes est resté l'apanage de plusieurs familles, qui descendent de quelques branches secondaires de l'ancienne lignée des premiers seigneurs. L'histoire cite Marc de Fiennes, vicomte de Fruges, député de la noblesse aux Etats d'Artois en 1651 (1); et le Boulonnais possède encore aujourd'hui plusieurs représentants des de Fiennes de la Planche, qui ont joué un grand rôle dans la magistrature et l'armée pendant les trois derniers siècles.

Hameaux et lieux-dits

1" Beucres, ou Bcuque, que la carte de Cassini appelle Beucrene, et dont le nom véritable est Buekenes, mentionné dans le terrier de Beaulieu de 1286. Ce nom dérive du flamand Beuck, ou Boeck, signifiant Hêtre Bueken, forêt de hêtres, est le nom d'un village du Brabant, dans le doyenné de Louvain (2). On y a trouvé des sculptures d'incinération de l'époque romaine, dont M. Ben-Hamy ra endu compte en 1861 dans le Bulletin des Antiquaires de la Morinie (3). Il y avait aussi à Beucres une motte dont il est parlé dans les titres du fief de Mouflon. 2° Le Lo, mentionné dans la chronique d'Andres, comme étant le fief patronymique de Baudouin Le Blanc (Balduinus Candidus, en 1107). Ce mot d'après M. Chotin signifie un Bois, ou un lieu élevé (4).

3° Le Mont-de-Fiennes, cité plusieurs fois dans la chronique d'Andres. Il y existe une motte en forme de cône tronqué de 10 mètres d'élévation, construite par le prince de Croy, au sommet de laquelle est une pierre posée par M. Arago, avec l'indi(1) Reg. du greffe de St-Omer, analysé par M. Giry. (Mém. de la Soc. des Ant. de la Mor., t. xv, p. 227).

(2) A. G. Chotin. Etud. étym,,p.76.

(3) T. m. p. 1037,

4) Flandre occidentale, p. 101.


cation des quatre points cardinaux. C'est ce que la carte de l'Etat-Major appelle le signal de Fiennes (5).

Saint-Riquier, où se trouvait autrefois un ermitage avec une chapelle.

5° La Vicomté, nom que porte sur la carte de Cassini et dans les titres de Mouflon, de 1483-1654, le château de Fiennes. Près de là, sur le bord de la route qui conduit à Réty, se trouve une carrière d'où l'on a extrait le Jmarbre stinkal qui a servi à établir les fondements de la colonne de Boulogne. Les ouvriers qui y travaillaient y ont découvert, il y a quelques années, un caveau de 2 mètres de long sur 1 mètre 50 centimètres de large, en maçonnerie de blocailles, renfermant des assiettes en terre rouge, un vase de verre et une coupe de bronze avec divers débris d'armes en fer (1). Le musée de Boulogne en a reçu le 12 avril 1845 divers objets, parmi lesquels une sole de mulet' et un tricotoir en os.

Fiennes, de 1790 à 1801, a fait partie du canton d'Hardinghen, dans le district de Boulogne. Ses députés pour l'élection de 1789 ont été Antoine Lemaître et Jean-Baptiste Dubut. On y comptait alors 175 feux.

Une foire d'antique origine se tient à Fiennes le 9 septembre.

IIAIIES.BOUCRES

La commune de Hames-Boucres (737 habitants, 1,315 hectares) se compose de deux villages réunis en un par l'ordonnance royale du 24 novembre 1819. Nous allons en traiter séparément.

Hames. Lambert d'Ardres l'appelle Hammœ, sous une forme latine qui lui est particulière. La chronique d'Andres ne l'écrit jamais que sous la forme romane, Hames, ou Hammes. On peut croire que ce mot vient du teutonique Ham, que Kilien (1) Rapport adressé à la Soc. d'Agr. de B., en 1862, par M. Desombre, maire de Fiennes.

(2) Renseignements communiqués par M. Berquior, en 1873.


interprète par pré, pacage, nom qui convient parfaitement à la plaine marécageuse ce village est assis (1).

Le nom de Hames est celui d'un domaine seigneurial, unprœdium, oii une villa, mais non pas une paroisse. En 1084, deux frères-, Guillaume et Alelme, en portaient le nom, et ils y donnaient une terre à l'abbaye d'Andres. Peu de temps après, un autre seigneur, Maurice de Hammes, consacrait deux journaux de terre à doter l'hôtellerie de ce monastère, pour le service des pauvres. C'étaient eux qui étaient les engagistes de la perception du droit de colvekerlie, dont Manassès de Guînes affranchit ses sujets.

Robert de Hammes, dont le nom se trouve déjà en 1097 au bas du fragment de charte que Guillaumé^d'Andres nous a conservé du même comte Manassès, assiste comme témoin à la confection d'un grand nombre de titres, dans le comté de Guînes dont il était l'un des barons, durant la première moitié du XII" siècle. Nous y remarquons aussi la présence de son fils Arnoul, que Lambert d'Ardres qualifié du sobriquet de Comestor, c'està-dire de mangeur, et qu'il dit avoir exercé les fonctions de bailli de Guînes sous l'autorité d'Albert le Sanglier (2). Un"autre de ses fils, nommé comme lui Robert, donna à l'abbaye de Licques une terre et un bois qui sont mentionnés dans les bulles-privilèges de 1164 et 1174.

Baudouin de Hames, mari d'Adelis de Fiennes, fut, dit Guillaume d'Andres, « un chevalier fameux dans la milice, mais non moins infatigable et expert dans la malice (3), «qui suscita beaucoup,d'embarras à l'abbé Pierre II, lorsqu'il voulut agrandir le verger de son monastère. Il était seigneur d'Andres, et il demeurait dans un château fort,contigu à l'abbaye (4). J'ai parlé de lui dans la notice sur la commune de Campagne, dont la famille de Hames adopta le nom. J'y renvoie pour la suite de la généalogie.

(1) Chotin, étym. du Brabant, p. 114.

(2) Cap. lu.

(3) Militia quidem famosus, sed in malitia impiger et promptus. (i> In vallo et castro huic cœnobio contiguo.


Lorsque les Anglais se furent emparés de Guines et du. Calaisis,ils trouvèrent lechâteau de Hamesàleur convenance,à cause de sa situation sur une motte immense au milieu des marais, et ils le fortifièrent pour suivir d'appui à la place de Guînes. Le traité de Brétigny le leur céda expressément mais le seigneur de Hames, qui était alors Baudouin de Guînes, dit de Sangatte, refusa de se soumettre au roi d'Arigleterre,,à à l'imitation du connétable Moreau de Fiennes.

Pendant l'occupation anglaise, la garnison de Hames, associée à celle de Guînes, exerça beaucoup de ravages dans tout le pays.

En 1558, le duc de Guîse,n'eut pas besoin d'assiéger le château de Hames pour le reprendre. Son gouverneur, Lord Edward Dudley,fut tellement abasourdi par la chute soudaine de Calais et de Guînes qu'il n'essaya pas d'affronter la lutte et qu'il décampa au plus vite pendant la nuit du 22 au 23 janvier. Le château de Hames était un pentagone irrégulier, dont chaque côté était flanqué d'une tour à son angle. Il se trouvait au centre d'une pièce d'eau, et l'on y arrivait par deux ponts, dont l'un était mobile. Un glacis avec fossés protégeait le château, et à l'ouest une esplanade séparait le fossé d'une espèce de courtine flanquée de trois tours (1). Cette forteresse fut démolie comme inutile en 1560.

Le village de Hames est une des localités où l'édjj; de Nautes permit l'établissement d'un temple protestant.

Sous le rapport paroissial, Hames avait une église, aujourd'hui démolie, dédiée à Saint-Martin et située à l'extrémité du village, presque en face de celle de Boucres, dont elle u'etait séparée que par une rue.

Cette église de Hames était connue autrefois sous le nom de Fontaines, subsistant encore aujourd'hui dans la nomenclature cadastrale sous le nom de Les Fontinettes. Elle fut donnée en 1147, avec celle de Saint-Tricat, à l'abbaye de Selincourt, par l'évèque Milon I" (2).

(1) Indicateur de Calais, 23 janv. 1831.

(2) Cart. de Selincourt, ms de la Biblioth. d'Amiens.


1 '.1.

Boulogne III y 8

Quelques-uns ont cru que Fontaines était Saint-Tricat. Mais je crois plutôt que c'était Hames par divers indices, et notamment à cause de son association avec Boucres (parochia de Bocretes et de Funtaines) dans le diplôme du H. Charles le Bon pour l'abbaye d'Andres(l). Elle avait avant l'occupation anglaise une dime qui fut engagée par ses seigneurs entre les mains de l'abbé Pierre II, lorsqu'ils partirent avec presque toute la noblesse de Flandre et de Boulogne pour la troisième croisade, à la fin du XIIe siècle.

Les seigneurs de Fontaines sont peu connus. On trouve deux ou trois fois, dans la chronique d'Andres, au bas de divers actes, les signatures qu'ils y apposent en qualité de témoins, de 1117 à 1132: Ce sont les deux frères Liébert et Conon, puis Everard et Guillaume. Ce dernier se montre aussi une fois, à la même époque, dans une charte inédite de La Capelle. Robert de Fontaine (de Fonte) s'est associé à Gozon de Campagne pour la donation à l'abbaye de Licques d'une terrecontiguë au cimetière de Morcamp, mentionné dans la bulle-privilège de Lucius III, du 10 mars 1184, pour ce monastère. Je n'en connais pas d'autres.

BOUCRES. Les anciennes formes du nom de ce village se répartissent en deux groupes contemporains, assez différenciés, entre lesquels il sera difficile à l'étymologie de se prononcer avec certitude. C'est, d'une part Bocardes, avec ses variantes Bokerdes, Buckridfs, et d'autre part Bocretes et Bucretes, plus rapprochées de la forme actuelle.

Bocredes est nommé pour la première fois en 1084 dans la charte collective des barons de Guînes pour la fondation de' l'abbaye d'Andres. Ce village y figure pour une partie de sa dîme que donnait la vicomtesse Emma. Il en est encore question, quelques années après, pour les biens, les droits et les redevances qu'y possédaient Adelaïde de Fiennes et son fils Warin. Cette propriété est désignée dans la charte du comte Manassès comme ayant son origine sur le mont de Fiennes et s'étendant (1) Cliron. Andr., p. 803, 2, A


sur /tout 1 eterritoire àeBucretes. Elle comprenait des terres, des bois, des vavasseurs, des hôtes, des serfs, des serves, et un moulin. Les actes postérieurs, notamment la bulle-privilège du pape Innocent III de l'an 1209 en font l'énumération dans les mêmes termes seulement,dans cette dernière pièce, il n'est plus question de serfs, mais de vilains (villanos). Ces serfs, à l'instar des sujets de la colvekerlie, devaient payer à l'hôtellerie d'Andres un denier par an, le jour de Saint-Etienne, plus douze deniers à l'occasion de leur mariage, ou de leur décès (1). La chronique donne les noms de ces serfs, hommes et femmes, qui étaient Doda fille de Herbert, Willelme son fils, Adeliz, Berta, Haduidis, Gerberga, ses filles Emma, Guntfrid, Sinvold, Gerbert, Frethesindis leur mère, Geila, Doda, leurs sœurs; toutes de Boucres (2).

L'abbaye de Notre-Dame de Boulogne eut aussi une partie de dime à Bukeràes, avec une terre à Fiennes. Peut-être les tenaitelle également de Warin, qui lui avait déjà donné une maison qu'il possédait dans la haute-ville. Ainsi que je l'ai dit plus haut ce jeune homme avait voulu, par le conseil de sainte Ide, se dépouiller de tout son avoir; et comme ses parents le traitaient de fou Oui, répondait-il, je vivrai comme un fou, mais je » mourrai comme un sage »

L'église de Boucres, Ecclesiam de Bokerdes, sous le vocable de Sainte-Croix, a été donnée à l'abbaye d'Andres par l'évoque Jean de Commines, en 1129, ou en janvier 1130, après l'incendie du monastère. 1 e pape Innocent III le lui confirma en 1209, avec toutes ses dîmes et appartenances; et l'abbé d'Andres en garda le patronage jusqu'en 1790.

En 1560, les commissaires chargés de reconnaître et de répartir les terres du village de Boucres, au nom dn roi de France, (1) J'ai dit ci-dessus, dans l'art. Guines, que les Colvekerli payaient un impôt de deux deniers à leur naissance. C'est une erreur dans laquelle m'a entraîné M. Courtois. Les Colvekerli payaient comme les serfs de Boucres, chacun un denier par an, Singult per singulos nnnos Ilammensibus singulos reddere denarios, dit Lambert, C. xxxvi. Il n'y est pas question de la naissance.

(2) Le texte imprimé de la chron. dit ici Bobardes, pour Bokarde8.


trouvèrent en ce lieu un prêtre normand, nommé Guillaume Prevost, qui était arpenteur et qui les aida dans leurs opérations (1). Hugues Le Porcq, curé de Boucres en 1716, fut commissionné doyen du district de Guîncspar l'évèque de Boulogne, Mgr Henriau, le 7 mai 1726. Il était de Boulogne et fut transféré à la cure de Peuplingues le 1°' mars 1730. Je ne dois pas oublier son successeur à Boucres, Philippe Luto.

Pierre d'Anthin, curé de Boucres, assista en 1585, à la réformation des coutumes du Calaisis.

Boucres fait partie du canton de Guînes depuisl790. Hameaux et lieux-dits historiques

Dirlinghetun, lieu aujourd'hui inconnu, situé sur le territoire de la paroisse de Boucres (2). Il y avait eu là d'ancienne date une chapelle qu'Henri de Beanlo et ses frères venaient de faire reconstruire (3). Ils l'avaient dotée de quelques revenus et s'étaient adressés à l'évèque Adam de Thérouanne afin de la faire desservir. Celui-ci y avait nommé un prêtre de Boulogne nommé Manessier (Manasserum) mais les religieux d'Andres en réclamèrent le patronage, que l'évêque voulut bien leur reconnaître et leur assurer par une charte du mois d'août 1216. Je crois que c'est là qu'il faut placer le Diorwaldingatum des chartes de Saint-Bertin (4). C'était une petite propriété que possédait Roudwalde, père de Mégenfride, dont j'ai parlé plus haut dans l'article Fiennes. Elle était située dans le Pagus Bononensis dont Boucres faisait partie avant l'érection du comté de Guînes, et elle devait se trouver dansla mouvance des biens que Warin de Fiennes avait en cet endroit. Roudwalde en dotait l'abbaye de Saint-Bertin, sous l'administration de S. Humfroi, en 864 ou 865, pour dédommager cet établissement des frais relatifs à la nourriture et à l'habillement de son fils. Elle con(1) Le Febvre, Hist. de Calais, t. n. p. 335.

(2) Infra ambitum parochiœ nostrm de Bokerdes. (Chron. Andr., page 857. n.)

(3) Factam, immo potius renovatam.

(4) Cart. Sithienae, p. 111.


sistait en douze bonniers de terre et quatreesclaves, et elle était située le long d'un ruisseau dont le nom manque dans l'acte. Diorwaldingatun est une dénomination anglo-saxonne, qui veut dire l'Enclos des enfants, ou du clan, de Diorwalde. La dîme de Dirlinghetun fut confirmée à Fabbayed'Andres par Innocent III, le 1" janvier 1209; et la chronique du monastère nous fait connaître le nom d'un des seigneurs de ce lieu, Hugues de Dirlingaiun, qui signe en 1207 une des chartes relatives aux donations aites par Warin de Fiennes (1).

H ARDIKGHEK.

La commune d'Hardinghen, une des plus considérables du canton de Guînes, compte 1250 habitants sur une étendue territoriale de 824 hectares. Elle est renommée par ses mines de charbon, qui occupent un grand nombre d'ouvriers. Son nom ancien, Hercadingahcm, a subi dans le cours des siècles une double contraction. Après avoir fait au XIIIe siècle Hervinghem, il est enfin devenu ce qu'il est aujourd'hui.

Hardinghen fait son apparition dans l'histoire par le nom de son seigneur, Hugues d'Hervadingahem, neveu d'Ingelram de Bainghen, qui assista à une donation reçue par l'abbé Gislebert d'Andres avant l'an 1108. Il comparaît encore en 1316, comme témoin d'un acte de Manassès de Guînes.

Il y avait alors à Hardinghen une église, par conséquent une paroisse (2), dont l'autel fut donné au grand chantre de la Cathédrale de Tbérouanne par l'évêque Milon Ier, en 1138, avec celui d'Hermelinghen. On y joignit une partie de la dîme, pour servir à la dotation de ce dignitaire et le temps qui emporte (i; Chron. And., p. 787.

(2J Rien n'autorise à dire comme on l'a fait, que cette église n'était qu'une chapelle, érigée en paroisse au XVe siècle.


tout dans sa course dévastatrice a respecté jusqu'en 1790 la volonté du pieux évèque. Le grand chantre de Boulogne en 1756, Bénigne Raffart de Marcilly, retirait de ses dîmes d'Hardinghen et d'Hermelinghen un loyer de 500 livres. Hardinghen faisait partie du domaine direct des sires de Fiennes aussi, voyons-nous l'abbaye de Beaulieu dotée de deux colons à Hervedingehem, d'après la bulle de 1157, par un chevalier nommé Bernard; et en 1220, Eustache de Ferques approuvait l'invalidation d'une dime qu'Eustache Bataille, son homme, avait cédée à cette même abbaye dans la paroisse de Sainte-Marguerite d'Hervingehem (1).

Les religieux de Licques ne restaient pas en arrière, non pius que ceux d'Andres. Les premiers possédaient à Hervedingehem une dîme que leur avait donnée un seigneur nommé Gérald ou Gérard. Il en est fait mention dans la bulle-privilége d'Alexandre III, du 25 octobre 1164, et dans les chartes de confirmation de l'évèque Didier en 1170 et de l'évêque Adam en 1224. Une autre portion de dîme dans la même paroisse avait été donnée par Clarembaud de Tournehem (2). Quant aux religieux d'Andres, ils en achetèrent une portion à Gérold du Pire et à sa femme Béatrix, sous l'administration de l'abbé Pierre II et l'épiscopat de l'évêque Didier de Thérouanne. Elle leur coûta 60 marcs d'argent et mille embarras, à cause de l'opposition de Gusfride de Ferques. En outre, sur ces entrefaites, Gérold étant venu à mourir, Béatrix sa veuve prétendit que la dîme faisait partie de son douaire, et ils se virent obligés pour le bien de la paix, dit le chroniqueur, de nourrir la vieille femme au pain et à la bière pendant plus de treize ans, de sorte que, tout compte fait, ils dépensèrent en frais de pain, dans cette époque de disette, plus que la dîme elle-même n'avait coûté. C'étaient là les misères du temps Mais l'abbaye n'était pas encore au bout de ses; peines, malgré la protection de Guillaume de Fiennes en 1203, et l'apaisement de Gusfride de Ferques, gagaé enfin par (1) Chartes inédites de Beaulieu

(2) Chartes inédites de Licques.


l'argent de l'abbé Iterius en 1206 (1). 11 fallut attendre à l'année 1225 pour voir le fils du vendeur, Hugues, surnommé Stinkebake, venir devant l'évêque Adam de Thérouanne, le jour de la fête des SS. Gordien et Epimaque. recevoir humblement sa pénitence et reconnaître qu'ilavait eu tort de troubler les religieux d'Andres dans la possession de la dîme à'Hervedinghem (2) Le village d'Hardinghen était assez important au XIII" siècle pour qu'on y établit une foire annuelle, qui tombe le 11 juin, et dont il est parlé dans le terrier de Beaulieu de 1286 (3). Hardinghen dépendait du doyenné de Wissant sous les évoques de Thérouanne, et il passa dans celui de Guînes en 1628 sous les évêques de Boulogne. Un de ses curés, Jacques Carpentier, natif de Saint-Hilaire de Frévent, pourvu le 19 décembre 1745, fut commissionné doyen de son district après la mort du curé de Bresmes, J.-F.-B. de Servins d'Héricourt en 1757. Il ne perdit son titre que quand il fut transféré à la cure de Saint.Etienne en 1782.

Le ressort judiciaire du village d'Hardinghen était au bailliage de Londefort.

A la fin du XVIIIe siècle, les décimateurs d'Hardinghen étaient encore le grand chantre, l'abbé de Licques, le prieur du Wast, la fabrique de l'église et le seigneur du lieu. Ses marguillisrs furent défaillants aux élections de 1560. En 1789, le procès-verbal mentionne la présence de ses députés qui furent Louchet d'Héronval du Breuille, François Gillet et Loua Deldrève, à raison d'une population de 206 feux.

L'église d'Hardinghen, qui tombait de caducité et qui n'offrait aucun caractère architectonique, a été reconstruite en 1877-1878 dans le style du XIIIe siècle sur les plans de M. Léon Dubois (4).

Hardinghen a été, de 1790 à 1801., le chef-lieu d'un canton (1) Chron., Andr. pp. 817, 832,834.

(2) Ibid., p. 865.

(3) Il y est dit que listasses Wiltin, demeurant au Bruec d'Estelles, doit payer 10sous à la Saint-Martin et 10 sous à le /este à Hercinghem. (4) Annuaire de M. Robitaille pour 1880, p. 190.


composé des communes de Boursin, Caffiers, Ferques et Elinghen, Fienncs, Hydrequent et Rinxent, Landrethun-le Nord, Réty, Wierre-Effroy et Hesdres, Le Wast, dans le district de Boulogne.

Hameaux et lieux-dits

La Drève, du flamand Dreef, avenue, longue allée d'arbres (1), est un hameau composé principalement de deux fermes,lapetite etlagrandeDrève.Dans le verger de cette.dernière, en dirigeant des travaux de drainage, mon frère a rencontré des débris d'anciennes constructions dans lesquelles se trouvaient abondamment des tessons de tuiles à rebord, en terre rouge et jaune, de l'époque romaine, avec des fragments de poteries.

2° L'Eau courte est un nom défiguré. On disait Liecorde en 1286 (terrier de Beaulieu).

Le Fart, nom de ferme, où il faut se garder de rien voir qui rappelle le Pharos d'Alexandrie.

La Folie, château et ferme, dont M. Chotin interprète le nom par celui celui de maison de campagne ombragée, en le dérivant du roman Feuillie (2).

Fouhen, où se trouve une motte antique, est une des plus anciennes villas, ou métairies rurales, de l'abbaye de Samer. D'après les traditions qui sont consignées dans la généalogie fabuleuse des comtes de Boulogne, ce serait un comte Gaufrois, frère d'Eustache-à-l'Œil, qui aurait donné ce domaine aumonastère où il fut inhumé. Tout ce qu'il y a de certain, c'est que Fouhem figure en 1112 parmi les propriétés dont le comte Eustache III confirma la possession, et que l'abbaye en a joui sans interruption avec pleine seigneurie jusqu'à sa suppression en 1790.

Les Gardins, ferme située dans le voisinage de l'église. On y a trouvé, en 1873, une sorte d'allée de deux mètres de profondeur, remplie de tessons de vases, de débris d'os et de chaux, (1) Etymon du Hainaut, pp. 93, 121.

(2) Ibid., p. 305, 307, 442.


aboutissant à un grand carré où se trouvaient accumulés aussi une immense quantité de débris de cuisine, sorte de fossa testacea dont j'ai rencontré deux sur le territoire de Boulogne, l'un à Bréquerecque, sur le terrain du franc-marché, l'autre à Dringhen, dans le terrain du cimetière. M. Gillet, propriétaire de la ferme des Gardins, a fait voir à M. Edmond Rigaux, un tesson samien qui provient de cette fouille et qui indique authentiquement la nature de la découverte. On remarque, en outre, autour de la ferme, plusieurs anciens terrassements (1).

Héronoal, ferme ancienne, avec un moulin à eau, dont le nom était déjà porté en 1219. La chronique d'Andres fait mention de Pierre de Hérunval, ou de Hérumval, chevalier, qui était parent de l'évèque Baudouin de Noyon (2). Willaume d3 Héronval était bailli de Calais en 1308.

8° La Moite, ferme, ainsi nommée d'un tumulus qui existe dans ses dépendances,

Le Pirée, lieudit, qui semble rappeler le souvenir du fief possédé par Girold du Pire (de Piro), dont il a été question plus haut.

9° La Verrerie, château bâti par M. Jacques Des Androuins de Long-Bois, en 172'), pour le premier établissement de la verrerie qui fut tranférée en 1784 sur le territoire de Eéty. Il y avait près de la une agglomération de maison d'ouvriers dont l'emplacement porte encore aujourd'hui le nom de Courgain. La verrerie avait un oratoire, desservi par un chapelain (3). Les mines de charbon d'Hardinghen, découvertes en septembre 1691 par le duc d'Aumont, suivant ce que Luto rapporte dans ses mémoires (4), ont été d'abord exploitées par une société dans laquelle entrèrent le duc d'Humières, le baron de Bucamp et la famille Des Androuins. 11 était réservé à notre époque de donner à cette exploitation une activité nouvelle, afin de tirer (1) Lettre de M. Edm. Rigaux, du 2 sept. 1873.

(2J Chron. Audr. pp. 848, 861. 862.

{3) Renseignements transmis à la Soc. d'Agr- de B., le 15 déc. 1859, par M. Bon-IIamy.

W P. 23,


tout le parti possible de ce riche élément de la fortune na tionale.

HERTCINCilIEN.

Au sud-ouest du bourg de Licques se trouve le village d'Herbinghen (308 habitants, 431 hectares), qui est nommé Herbedinghem juxta Liskas par Lambert d'Ardres, suivant la leçon adoptée par M. le marquis de Golefroy-Ménilglaise(l); mais ce n'est pas la vraie forme du nom ancien, mieux représentée, suivant moi, par les quatre manuscrits qui donnent Heldebedinghem, et par un cinquième, sur huit, où on lit, comme dans la traduction française du XIVe siècle, Helbedinghem. C'était, à la fin du XIIe siècle, un fief qu'Arnoul d'Ardres donna comme apanage à son compagnon de fêtes, Henri au court mantel, fils aîné de Henri II d'Angleterre, mort avant son père en 1183. L'abbaye de Licques possédait en 1164 l'autel d'Herbinghen, désigné aussi sous le nom à' Helvidinguehem, ou Heloedingehem, en 1170, 1174,1184, et 1224. L'association qui en est faite dans ces actes avec celui d'Hocquinghen son voisin, ne permet d'élever aucun doute sur cette attribution. A cet autel se trouvait joint en 1164 une terre, en 1174 deux parts de la dîme (2). L'église d'Herbinghen, sous le vocable de Saint-Riquier, était le secours, c'est-à-dire l'annexe, de celle d'Hocquinghen, dans le doyenné d'Alquines. Au XVIIIe siècle, le curé, qui était un religieux prémontré de l'abbaye de Licques, jouissait seul de la dime. Aujourd'hui Herbinghen est une succursale, dont M. l'abbé Lecointe, natif d'Alincthun, devenu plus tard curé de Licques, a fait rebâtir l'église en 1859, dans un style ogival dit du XIIIe siècle, par M. Leroy, architecte à Lille. M. Lecointe fl) P. 203.

(2) Chartes inédites de Licques.


souscrivit lui-même pour une somme de 10,000 francs Le reste fut donné par le gouvernement et par les habitants du lieu (1). Il existe dans la paroisse d'Herbinghen une chapelle dédiée à Saint Erasme, évèque et martyr, qui a été construite en 1872, sous l'administration de M. l'abbé Lemaître. Elle a été bénite au milieu d'un grand concoursparM. Monteuuis, doyen de Guînes, le 21 juillet (2). Saint-Erasme d'Herbinghen était autrefois l'objet d'un pélerinage et le centre d'une confrérie dans laquelle 6,735 personnes, appartenant à 170 localités différentes, se sont fait inscrire depuis 1650 jusqu'en 1838, d'après les supputations de M. l'abbé Dautriau (3). On y venait d'Arras, de Dunkerque, de St-Omer, de Montreuil, et surtout de Boulogne et de Calais. Saint Erasme est invoqué pour la guérison des maladies intestinales et l'église d'Herbinghen possède une relique, consistant en un os de l'avant-bras de ce saint, renfermé dans un reliquaire que les pèlerins baisent avec dévotion.

Herbinghen faisait partie de la province d'Artois et ressortissait directement au bailliage de St-Omer. A ce titre, cette commune fut rattachée en 1790 au canton de Tournehem, et elle entra en 1801 dans l'arrondissement de St-Omer, d'où un décret du 4 avril 1806 la retira pour l'incorporer au canton de Guînes dans l'arrondissement de Boulogne.

La seigneurie d'Herbinghen appartenait en 1725 et en 1756 à M. d'Odelan, demeurant en la paroisse de Rebergues. Il existe à Herbinghen, dans le bois dit de la Garenne. ou de Montbrun, un amoncellement de ruines où l'on voit les vestiges d'un ancien château fort. Peut-être est-ce là ce que Dom Grenier désigne comme une tombelle antique, située, dit-il, au terroir d'Herbinghen (4).

Un autre lieu,qu'on appelle les Stoppes, est selon quelques-uns la principale source de la rivière de Hem. C'est une sorte de (t) Voir une notice de M. l'abbé Robitaille dans son Annuaire de 1869 p. 193.

(2) Annuaire de M. Robitaille, année 1873, p. 225.

(3) Renseignements transmis à l'Evêché d'Arras, et conservés dans les papiers de feu M. l'abbé Parenty.

(4) Introd. à l'hist. de Picardie, p. 177.


trou sans fond, d'où l'eau sort en abondance, qui est oojet d'une tradition populaire, d'après laquelle un grand seigneur, passant près de là au moment où l'on faisait la procession solennelle du Saint-Sacrement, et n'ayant pas voulu s'arrêter, se vit précipiter avec tout son équipage dans l'abîme béant, où il disparut bientôt au milieu de la boue mouvante qui en remplit les profondeurs (1).

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Entre le village d'Hardinghen et la forèt de Licques, au pied du Ventu d'Alembon, se trouve la commune d'Hermelinghen qui compte 230 habitants sur une étendue territoriale de 643 hectares. Elle a fait partie du canton de Licques, dans le district de Calais (1790-1801) et elle appartenait antérieurement à l'Ardrésis (2).

L'autel d'Hermelinghen, Altare de Hermelmgehetn, fut donné en 1138 par l'évêque Milon Ier au grand chantre de sa cathédrale, comme je l'ai dit plus haut, en parlant de celui d'Hardinghen. C'est l'époque où je vois apparaitre pour la première fois le nom de ses seigneurs. En effet, Baudouin d'Ermelighein appose sa signature en 1136 au bas d'une charte d'Eustache de Balinghem pour l'abbaye d'Andres; et Arnoul d'Ermelingahem, surnommé Nortman, assiste, vers le même temps, à la sépulture d'Ogine de Hammes dans l'église de ce monastère (à). Nous rencontrons plus tard encore Baudouin d'Herminigehem, qui donne en 1156 la terre d'Aseioinche (4) à l'abbaye de Beaulieu, et qui (1) Renseignements transmis à la Soc. d'agr. de B., en 1859, par M. Boulanger, maire d'Herbinghen.

(2) Cependant je trouve qu'à la fin du XVIIIe siècle les registres de catholicité étaient paraphés par le lieutenant de justice de Calais. (3) Chrou. Audr., pp. 798, 799.

(i) Ferme à Réty.


signe en 1174 une charte de Clairmarais (1); mais il nous faut attendre à l'an 1180 pour trouver ce même Baudouin, ou un autre, je ne sais, qualifié du titre de connétable à'Ermhnghem(2), dans le cartulaire de Simon, abbé de Saint-Bertin. Ce fut grâce à son heureuse intervention que les moines de cette abbaye furent redevables de n'avoir pas payé de leur vie l'imprudente incartade dont cet abbé les avait chargés vis à vis des pêcheurs Calaisiens. Douze ans après, Baudouin connétable d'Hermelighem, signa les deux chartes expédiées par Renaud et Ide de Boulogne, pour la pacification de la même affaire. Il y eut toute une dynastie de Baudouin d'Hermelinghen, depuis celui que Lambert d'Ardres appelle le rieil, qui avait épousé dans la première moitié du XIIe siècle Hawide de Balinghem,.sceur de Grégoire abbé d'Andres, et qui, d'après le même auteur, portait déjà le titre de connétable de Boulogne, Boloniœ Constabulario (3), jusqu'à celui qui vendit ses terres du Mat à l'abbaye de Licques, par devant le comte Arnoul III de Guines entouré de ses pairs et de ses barons, au mois d'avril 1278. Mais ici une question se présente. Les Baudouin d'Hermelinghen, sur la tête de qui Lambert d'Ardres et les documents diplomatiques cités plus haut font reposer l'office de la connétablie de Boulogne, sont-ils les descendants des Baudouin d'Ostrewic aux mains de qui cette charge était confiée sous les Eustache ? En ce cas, ils auraient changé de résidence, quittant le Boulonnais pour le comté de Guînes, mais conservant leur titre et leurs fonctions à la cour de leurs premiers comtes, tandis que, sous le rapport de leur habitation nouvelle, ils étaient devenus vassaux d'un autre suzerain.

Quoi qu'il en soit, les archives de Licques, aussi bien que celles de St-Augustin lez-Thérouanne, font plusieurs fois mention des Baudouin d'Hermelinghen dans le cours du XIII0. Je crois que l'un d'eux prit part à la troisième croisade; car Guil(1) Du Chesne, preuves de G., p. 126.

(2) Cart. Sith.. p. 350 le nom d'Ermlinghem est cité d'après les corrections de M. F. Morand, au lieu SErnibinghetn, leçon fautive de l'éditeur.

(3) Cap. xxxiv.


laume d'Andres nous apprend que son abbaye détint quelque temps à cette époque-là, per vadium, à titre de gage, la dîme de cette paroisse, ce qui laisse à présumer que ses propriétaires auront eu recours au trésor de l'abbé Pierre II, pour faire face aux dépenses de leur pieuse expédition. L'un d'eux, en 1216, par reconnaissance peut-être de quelque service analogue, fit remise à l'abbaye de Licques d'une rente que cet établissement lui devait, consistant en deux poquins d'avoine et un porc de quatre sous. Mais ils ne furent pas toujours si pieux; car, en 1270, les petits fil» du noble croisé de 1190 faisaient souffrir à cette même abbaye, dans ses biens et dans la personne de ses religieux, de telles injures et de telles violences que, pour en obtenir justice, elle dut se faire placer sous la garde spéciale des comtes d'Artois, en recourant à l'autorité d'Enguerrand d'Anvin, bailli de Saint-Omer (1).

L'église d'Hermelinghen, sous le vocable de Sainte-Agathe, était le secours ou l'annexe, de celle d'Hardinghen, d'abord dans le doyenné de Wissant, puis dans le doyenné de Guînes. L'édifice actuel n'offre rien de remarquable, si ce n'est deux inscriptions tumulaires, l'une du 17 juillet 1636 à la mémoire d'Antoine Sergeant, l'autre du 11 février 1736, à la mémoire de Jean Butor, ancien chapelain de Beaulieu, que son épitaphe représente comme f favory de la justice, ennemy des procès, » amy des grands et chéry du peuple. La cloche, dont le parrain a été J.-B. de Roussé d'Alembon, baron d'Hermelinghen, connétable héréditaire du comté de Guines, date de 1728. Le donjon des sires d'Hermelinghen a laissé des ruines considérables à l'entrée du bois, au lieu dit le Puch du Cates. Autant qu'on en peut juger à l'apparence, ce ,cas.tel féodal se composait de deux enceintes distinctes, entourées de fossés profonds, et reliées l'une à l'autre par un pont dont on voit les traces (2). Des pierres de taille et des moellons qui émergent çà et là sous l'herbe à travers la futaie, invitent l'antiquaire à y (1) Chartes inédites do Licques.

(2) Renseignements transmis 6. la Soc. d'agr. de B., en 1862, par M, Léon Butor.


faire des fouilles pour en savoir plus long sur le caractère dé cette ancienne construction.

IIOCQUINQHEi*.

La plus petite commune du canton de Guînes, au regard de la population comme de l'étendue, est Hocquinghen, qui ne compte que 94 habitants et 194 hectares de contenance territoriale. Au dernier siècle, il n'y avait que vingt-deux feux, dont neuf dans le hameau de Lieussent, et le reste, treize seulement, dans le village proprement dit.

C'était alors un chef-lieu de paroisse, avec Herbinghen pour annexe, desservi par un religieux de l'abbaye de Licques. L'ancien presbytère est encore debout, servant de maison vicariale, avec sa grande salle tapissée en cuir de Cordoue et ses dessus de portes ornés de bergeries du XVIII* siècle. L'église qui est sous le vocable de Saint-Omer et qui m'a paru être de la même époque, avec quelques parties plus anciennes, est peut-être la seule du pays qui ait conservé son crucifix triomphal dressé sur une poutre avec la Vierge et Saint-Jean,àl'entrée du chœur. On les a décrochés partout depuis une quarantaine d'années Je ne connais rien de plus charmant que la situation de cette église et de ce presbytère, sur le penchant d'une colline, auprès d'un bois plein de fraîcheur dont le feuillage semble chanter au soleil, tant est grand le murmure que le gazouillement des oiseaux et le bourdonnement des abeilles y font entendre à l'heure de midi

lllic vivere vellem

Oblitusque meorum obliviscendus et illis 1

Au-dessous de l'église est le cimetière, où se voient les pierres tombales des membres de la famille de La Follye, avec de longues épitaphes latines composées par le dernier représentant t de sa lignée, M. Antoine- Louis de LaFollye, décédé le 15 février


1873 avec le titre de président honoraire du tribunal de SaintOmer (1).

L'histoire d'Hocquinghen n'est accidentée par aucun événement de grande importance. Néanmoins c'est une des localités les plus anciennement connues du canton de Guines. Okkaningahem, ou Hokingahem faisait partie en 857 des possessions du monastère de Steneland que le moine Guntbert soumit à la direction de l'abbé de Saint-Bertin (2).

Plus tard, nous trouvons l'autel d'Hocquinghen dans le domaine de l'abbaye de Licques, sous le nom d'Olcinguehem en 1164, Hokinguehem en 1170 et 1184, Hokingehem en 1224. La dime faisait partie des propriétés du même monastère; et la bulle de 1184 nous apprend que c'était un don de Jean de Morcamp. Gui d'Okinguehem avait donné à l'abbaye de Licques une terre à Journy. Hugues d' Hokinguehem est cité en 1248. Deux autres seigneurs du même nom, Baudouin d'Hocquinghen et Guy son frère, firent cession en 1249 d'une partie de dime qui leur appartenait et qui était dans la mouvance féodale de Guillaume Malvoisin (3). Henri de Ilokinghem était un des francs hommes du château de Tournehern en 1323 (4).

Il existe dans la commune d'Hocquinghen une vallée dite de La Tombe, oit l'on remarque un monticule euvironné de tranchées (5).

Le village d Hocquinghen appartenait à l'Ardrésis et de 1790 à 1801 il a fait partie du canton de Licques, dans le District de Calais.

(.1) Notice biofrr., par M. J. Delmotte, br. in-8, 1873.

(S) Cart. Sith., pp. 80, 124, 101.

(3) Chartes inédites de l'abb. de Licques.

(4) Chart. d'Art., A. 68.

(5) Renseignements adressés à la Société d'agr. de B., en 1862, par M. Baude, maire d'Hocquinjrhen. Je ne saurais dire si c'est-là ce qu'indique M. Terninck quand il parle d'un Tumulus avec vases (p. 61).


LICQUES.

Licques, en latin Liskœ, en roman Liskes, ou Lisces, est un bourg de 1,470 habitants avec une superficie territoriale de 1,836 hectares.

Ses origines se confondent avec celle de l'abbaye qui y fut établie vers l'an 1075 et qui subsista jusqu'en 1790(1).La plupart des écrivains qui se sont occupés de son histoire n'ayant pu s'empêcher de commettre à ce sujet beaucoup d'erreurs, il convient de préciser les détails et d'établir sérieusement la date de cette fondation (2).

Il y en a deux récits, l'un dam Lambert d'Ardres, l'autre dans un extrait manuscrit, tiré des archives de Furnes et conservé parmi les papiers de l'abbaye. Le premier nous apprend qu'un seigneur nommé Robert de Licques, surnommé le Barbu parc.equ'en ce temps-là celui qui ne portait pas une longue barbe passait pour un efféminé, institua à Licques, en l'honneur de la sainte Vierge Marie, quatre chanoines séculiers qu'il dota d'autant de prébendes, et à la tête desquels il se plaça lui-même comme cinquième, avec le titre de prévôt (3). L'anonyme de Furnes, au contraire, attribue cette fondation à Robert leFrison, comte de Flandre, qu'il appelle Robert à la queue (Robertus cunt cauda). Les nobles de cette terre, ajoute-t-il, et les peuples fidèles voyant la très charitable donation du pieux comte, se mirent eux-mêmes à brûler d'un zèle semblable pour favoriser autant qu'ils le pouvaient ce nouvel établissement ecclésiastique et Robert de Licques, dit le Barbu, contemporain d'Arnoul d'Ar(1) Je ne m'explique pas comment M.H.de Rosny a pu dire que l'abbaye de Licques n'existait plus à la fin du XVII- siècle (Liv. XIII, chap. 10. p. 145) et que ce qu'il y avait encore à Licques en 1789 c'était un couvent de femmes.

(2) Le Gall. christ. est peut-être le seul ouvrage qui soit conforme à la vérité sans oser cependant mettre aucune date pour ces premiers temps. Hugo, dans ses Annales de Prémontré, bronche incroyablement. (3) Cap. xxxvni. Arnoul d'Ardres s'était aussi fait nommer prévôt de sa collégiale.


dres, fondateur de la collégiale de ce nom, se donna lui-même à l'église de Licques pour y servir Dieu le reste de ses jours. L'évêque des Morins l'y reçut et lui donna la charge de prévôt (1).

Je ne saurais dire à laquelle des deux narrations il convient d'accorder une confiance absolue; mais il en faut retenir que le fondateur, ou du moins le premier prévôt de la collégiale de Licques, était le contemporain et le condisciple (2) d'Arnoul d'Ardres; que l'évêque de Thérouanne et peut-être le comte de Flandre prirent part à cette fondation et que des donations furent faites à cette église par d'autres seigneurs et par des particuliers.

Or, si nous examinons attentivement les premiers documents diplomatiques contenus dans le chartrier de l'abbaye, nous remarquerons qu'on y attribue la possession de l'autel de Licques à une donation de l'évèque Drogon Ex dono Drogonis quondam Morinorum episcopi ecclesiam de Liskis. Ainsi s'exprime la bulle-privilége du pape Lucius III, aussi bien que la charte confirmative d'Adam de Thérouanne; et il ne faut pas oublier que l'épiscopat de Drogon, commencé en 1030, finit le 21 août 1078. On remarquera également que la fondation de la collégiale d'Ardres, dont Lambert met la date à l'an 1069, n'a pu avoir lieu, suivant toute vraisemblance, qu'en 1073 (3) et comme l'institution r'es chanoines de Licques parait avoir été faite sur le modèle de la précédente, il convient de la placer quelque temps après, vers l'an 1075.

Quant aux donations faites par des seigneurs particuliers, je ne voudrais pas serrer les choses de trop près; mais quand je lis dans les chartes de l'abbaye les noms d'Eustache de Malkesbere, d'Eustache de Courtebourne, de Robert de Hames, déjà inscrits dans la chronique d'Andres sousles années 1084etl097, (1) Je ne sais de quel document peut être tiré cet extrait, dont le texte a quelque affinité avec celui de Lambert, sans toutefois qu'on puisse dire lequel des deux a été calqué sur !'autre.

(2) Contemporaneus et eon.tcholaris dit Lambert; eonsœeularls dit l'anonyme de Furnes.

(,3) Voir la note 191 des éclaircissements rédigés par M. de Godefroy.


il me paraît difficile de croire que ces personnages aient vécu assez longtemps pour devenir les bienfaiteurs de l'église de Licques après le 24 juillet 1132.

Ce seraient donc là quelques-uns des nobiles terrœ illius dont parle l'anonyme de Furnes. Continuons le récit.

A Robert Ier, seigneur de Licques, prévôt de la collégiale,succéda Robert II, son fils, surnommé également le Barbu, qui prit aussi le titre de prévôt et distribua les quatre prébendes à ses quatre fils. C'était dans les mœurs du temps n'oublions pas que cela se passait à l'époque des luttes mémorables par lesquels l'empire voulait l'Emporter sur le sacerdoce; mais un tel état de choses ne pouvait durer. Pierre l'Ermite, prêchait la croisade, au nom du pape Urbain II. A la voix de l'Apostole de Rome, appelant la noblesse et le peuple à prendre la croix pour i- délivrer le Saint -Sépulcre, Robert de Licques et ses quatre fils sentirent se réveiller sous leur aumusse de chanoines les instincts guerriers de leur sang généreux; et ils partirent pour la Terre-Sainte, sans doute en 1097, avec Eustache de Boulogne, avec Foulques de Guines, avec Robert de Flandre, avec toute la baronnic de France, d'Allemagne et d'Angleterre, Quels furent leurs exploits, que devinrent-ils durant l'expédition, eurent-ils le bonheur de rentrer dans leur pays ? On ne le sait. Tout ce que l'histoire dit, c'est qu'avant de partir, ils confièrent la desserte do la collégiale à leurs plus proches voisins les chanoines réguliers de l'église de Pour des raisons qui nous sont inconnues, peut-ètre à cause de la difficulté des communications et de la pauvreté du revenu, ceux-ci se lassèrent d'un service qui leur était pénible;. et après un certain temps (1) l'église de Licques fut abandonnée, détruite même, s'il faut en croire l'anonyme de Furnes (2).

Ce fut, pour le pieux évèque deThérouanne Milon Ier, l'occa(1) Gauthier d'A*rouaise, dans son introduction au cartulaire de cette maison, nous fait connaître le nom d'un ancien prieur de Licques appartenant à cette période. C'est Richer, qui devint en 1107 troisième prévôt d'Arrouaise, et qui mourut le 8 mai 3121 (Goss p. 21).

(2) Intervallo iqterea temporis elapso, toia ecclesia deserta est et diruia.


sion de la relever de ses ruines et de lui donner une gloire qu'elle n'aurait jamais acquise si elle avait gardé la première forme de son institution. Dans sa première visite pastorale à travers les campagnes du Boulonnais et du comté de Guînes, l'ancien religieux de Saint-André-au-Bois, jeta les yeux sur Licques comme étant une localité éminemment propre à l'installation d'une colonie de Norbertins, du nouvel ordre de Prémontré, et il l'y établit sans retard. Nous avons vu plus haut qu'il vint à Andres en 1132,pour la première fois, dans la compagnie du grand ascète de Clairvaux; ce fut la même année, etpeut'être aussi avec saint Bernard qu'il visita Licques et qu'il conçut le projet de transformer l'ancienne collégiale en une abbaye. Nous avons encore la charte qu'il publia dans sa cathédrale, en plein synode, le 24 juillet, pour la constitution canonique de ce monastère (1). Il le peupla de religieux qu'il tira de l'abbaye de Saint-Martin de Laon, et qui élurent pour premier abbé un d'entre eux nommé Henri, qui tint la crosse pendant près de dix-huit ans; car nous ne lui connaissons pas de successeur avant 1150.

Jetons maintenant un regard en arrière pour recueillir et noter quelques faits de l'histoire de Licques dont nous n'avons point encore parlé afin de ne pas couper le fil de notre narration.

L'abbaye d'Andres posséda, dans ses premiers commencements, une partie de la dîme de Licques, dont elle était redevable à la libéralité de Lambert de Tournehem. Cette dîme consistait en six boisseaux de froment qu'elle échangea plus tard avec Hugues Mauvoisin, contre d'autres biens, sous le règne de l'abbé Gislebert (2). On trouve, dans le même temps, parmi les seigneurs qui comparaissent à la cour de Manassès de Guînes, un personnage qui est appelé Galand de Licques. C'était peut-être le frère de celui que Lambert d'Ardres appelle Eustache Le (1) L'anonyme de Furnes donne la date des Ides d'avril 1132 pour l'introduction ou l'installation des religieux dans l'abbaye. Le fait, en ce cas-là., aurait eu lieu le vendredi de la semaine de Pâques, et aurait précédé l'acte d'approbation.

(2) Chron. Andr., pp. 783, 784.790.


Fieil, dont Elembert de Markene, premier du nom, épousa en secondes noces la sœur Adelis (1). Plus tard, c'est à-dire dans la première moitié du XII' siècle, la chronique d'Andres, les chartes de Saint-Bertin, celles de La Capelle et de Clairmarais nous font connaître les noms de quatre frères, Arnoul, Baudouin, Eustache et Robert de Licques, qui mettent leur signature au bas de plusieurs diplômes des comtes de Guînes ou des seigneurs de leur cour. On peut y joindre un Blanc de Licques, (Candidus de Liskes), qui assiste comme témoin à une donation faite par les sires de Campagne. Ces seigneurs de Licques continuèrent leur lignée par un autre Eustache, le troisième au moins, sinon le quatrième (2), qui vivait encore en 1258, par Jean, son frère, par Enguerrand leur héritier, dont il existe un acte de 1276. Je ne les suivrai pas plus loin, laissant cette peine aux généalogistes.

Pour en revenir à l'abbaye, elle ne tarda pas à s'accroître, et à développer ses possessions. Une des plus importantes fucelle qui lui fut donnée par Arnoul de Serques dans la paroisse de ce nom, dès avant 1144 elle avait des colons (3). Son cartulaire est pauvre pour les premiers temps. Tout ce que l'on sait des donations qu'elle recueillit de 1132 à 1184 se trouve consigné dans les bulles consistoriales d'Alexandre III et de Lucius III, dans une charte de l'évéque Didier de Thérouanne, et dans un diplôme du châtelain Guillaume de SaintOmer. Mais, si nous manquons de la connaissance précise des origines, nous pouvons toujours nous faire une idée de l'étendue géographique de son domaine. Elle avait des terres, des rentes et des dîmes dans le canton de Guines à Alembon, Andres,Bou quehault, Caffiers, Campagne, Hardinghen, Morcamp et Sanghen dans le canton d'Ardres à Audrehem, Balinghem, Bonningues, Clerques, Eperlecques, Landrethun-Icz-Ardres, Niel(1) Lamb. Ard.,cap. cxxxiij.

(2) Quand même 1 Eustache de Licques qui signe un acte de 1107 dans la chronique d'Andres, serait l'Eustachius Senex de Lambert, il en faudrait reconnaître un second dans les actes de 1174-1178, et un troisième dans les diplômes de 1231-1258.

(3) Le domaine de Serques ne comptait pas moins de 70 mesures de terre 100 mesures de marais, des moëres, etc.


les, Rebergues, Zouafques dans le canton d'Audruick, à Audruick même, puis à Guemps, Oye, Ruminghem, Vieille-Eglise et Zutkerque dans le canton de Cala's, à Coquelles, à Peuplingues, à Marck, à Nielles-lez-Calais et a Saint-Trieat; dans le canton deDesvres, à Bainghen, Bournonville, Brunembert,Henneveux, Houllefort, Lottinghen et Pouplembert; dans le canton de Lumbres, à Journy et à Surques; dans le canton de Marquise, à Leubringhen et à Wierre-Effroy; dans le canton de Saint-Omer-Nord, à Houlle, à Moringhem, à Moulle, à Tilques et à Serques. Ses propriétés s'étendaient dans le département du Nord, dans le canton de Bergues, où elle avait des biens à Pitgam à Bourbourg, ou dans ses environs, elle avait six me ures de terre que la châtelaine Livildis lui avait donnée au commencement du siècle, avec trois vaches, sous la redevance de trois pains de fromage et d'une pièce de beurre à Hazebrouck (je veux dire dans le canton de ce nom) où elle possédait quelque chose dans le village de Hondeghcm à Wormhoudt, à Esquelbecq, à Volckerinckhove,à Zeggers-Cappel, où elle jouissait de diverses redevances. Elle en avait jusqu'en Angleterre, où une damenommée Aalis,avec son fils Robert, lui avait donné, sous l'approbation de l'évêque de Lincoln, une ferme (curtis), dans le village de Cacenebe, avec toutes ses dépendances et le grands pâturages propres à l'élevage des moutons (1). Avec tout cela elle jouissait des autels de Licques, de Bouquehault, de Budrich, o;i de Bodericke, d'Herbinghen et d'Hocquinghen, de Leubringhen, de Mentque-Nortbécourt, de Moringhen et de Serques, dont elle faisait desservir les églises par ses religieux. C'était le but et comme le caractère principal de l'ordre de Prémontré. Disons tout de suite qu'elle y joignit, au X[II8 siècle, l'autel de Longueville, et plus tard celui de Boisdinghem, qu'elle garda avec les autres jusqu'à la Révolution française.

Les biens dont nous avons fait ci-dessus l'eu umération s'augmentèrent encore Jans le cours du XIIIe siècle. Elle en acquit, (1) On a dit, mais je n'en ai pas vu la preuve qnt*. l'abbayp, rlp, Licques a été la maison mère de toutes les fondations de F rémontré en Angleterre.


en effet, de nouveaux, grâce à la libéralité des grands seigneurs du temps. C'est ainsi qu'aux localités dénommées plus haut,il faut ajouter Audinghen, Nabringhen et Selles de l'arrondissement de Boulogne; Bouvelinghem, Difques, Le Loquin, Louches, Nort-Bécourt, Nouvelle-Eglise, Saint-Folquin et d'autres localités dans l'arrondissement de Saint-Omer. Sans parler des privilèges que les religieux obtinrent pour leurs transactions commerciales et pour la vente de leurs blés, au moyen des exemptions de tonlieu que leur donnèrent les comtes de Flan dre, de Guines et de Boulogne, les châtelains de Saint-Omer leur firent remise de leurs droits s ur le forage des vins, et Béatrix de Bourbourg, dame de Guines, leur as-sura une rente de cinq cents harengs saurs sur sa recette de Gravelines. Quoique adonnés au service des paroisses et assujétis à un grand nombre d'exercices de religion, les moines de Licques, comme la plupart de leurs confrères, étaient agriculteurs. Dans les bulles pontificales, il est parlé de leurs établissements ruraux, qu'on appelle des Granges (grangim), où Lucius III les au toiiseà établir des oratoires pour eux et leurs serviteurs. Ils avaient des fermes (curtes) qu'ils tenaient par eux-mêmes, avec l'aide de leurs convers et de leurs converses, celle d'Ecotte, celle de Moringhem, celle du Mat d'Hermelinghen. Manassès de Guînes, seigneur de Thiembronne, leur donne trente mesures de marais dans la plaine de Rorichove, pour y tirer des tourbes, ou pour servir de pâturage, ou bien encore pour être employées à usage de prairies.

Nous n'avons pas le compte de leurs revenus en ces temps reculés; mais la situation de l'établissement paraît avoir été assez prospère. La maison fait des économies, dont elle achète en 1227 la dîme de Bouvelinghem qui lui coûte 200 livres, en 125lJ la dîme de Difques qui lui en coûte soixante, et en 1264 la dîme de Saint-Tricat qu'Arnoul de Guines lui vend 580 livres. Cinq cent quatre-vingts livres, en 12641 Bon Dieu, où trouver tout cela, quand on nourrissait quatre pauvres avec un sou par jour. Clarembaud, chanoine de Furnes, venait de mourir, laissant par testament les biens nécessaires à l'acquisition d'une


rente de 45 sous, qui devait être mise à la disposition de l'abbé de Licques pour être distribuée aux pauvres. Conformément à l'intention du donateur, il fut stipulé dans l'acte dressé à cet effet par son exécuteur testamentaire, Michel, prévôt de Watten, que, depuis le premier jour du Carême jusqu'à la fin de ce temps de pénitence, on choisirait quatre pauvres de la paroisse de Licques, hommes et femmes alternativement, et qu'à chacun d'eux, chaque jour, on distribuerait la valeur d'un denier de pain, d'un denier de bière et d'un denier de harengs, en leur enjoignant de réciter vingt-cinq Pater noster et vingt-cinq Ave Maria pour le repos de l'âme de leur bienfaiteur. C'est ce qui fut réglé au commencement de mars de l'an 1261., et probablement exécuté l'année même. Allez donc aujourd'hui léguer 45 sous de rente à un établissement de. bienfaisance, sous la condition de nourrir en Carême quatre pauvres par jour même en les faisant jeûner, comme en ce temps-là, le Vendredi-Saint (1)! Je ne puis m'attarder à faire ici plus longuement le détail de ce que l'abbaye de Licques acheta, vendit, reçut ou échangea en fait de biens, de rentes ou de censives. J'aurai l'occasion d'en parler à propos des villages oùces transactions eurent lieu. Revenons à la chronologie de ses abbés, et déroulons-en la pieuse dynastie sous les yeux du lecteur (2). Les abbés de Licques furent

1° Henri Ier, parent et chapelain du roi Louis le Gros, élu en 1132, mort vers 1150.

2° Goswin, cité dans un acte de 1159, de l'abbaye de Furnes (3).

3° Godescalque, mentionné dans une charte de Milon II pour l'abbaye de Clairmarais en 1162.

Godefroi, mort en 1163

Robert, à qui est adressée la bulle consistoriale d'Alexandre III du 25 octobre 1164, vivait encore en 1183;

(1) Il y a 46 jours dans le Carême, en y comprenant les dimanches, et le testament ne léguait que 45 sous. Il faut donc supposer un jour où la distribution n'avait pas lieu.

(2) Gall. ulirial., t, x, col. 1618.

(3)Mir. m, p. 50


60 Roger, qui obtint le 10 mars 1184 la bulle consistoriale de Lucius III, fut remplacé en 1196 par le suivant

7° Guillaume, cité comme témoin dans une charte de Lambert de Thérouanne de 1196 concernant la donation de la dime de Rebergues et du Loquin par Hugues de Bouvelinghem, était encore abbé en 1224;

8° H. (Henri ou Hugues), qui signe en février 1242 une charte par laquelle il se met avec son monastère sous la garde et la protection du comte de Guînes (1);

9° Philippe, qui le 13 octobre 1270 répudie la garde du comte de Guînes, pour se mettre sous la protection de N. S. J. C. et du comte Robert d'Artois (2);

10° Baudouin, élu en 1283, confirmé en 1286;

11° Hugues, mentionné sous la date du 29 septembre dans le nécrologe de Braine

12o Jacques Ier.

130 Gillebert

14° A., mentionné dans une charte de Ham, en 1299 150 Jean de Laon. cité sous l'an 1300 dans l'inventaire des titres de l'abbaye, dressé en 1773 (3).

16o Jacques II, surnommé de Vi, cité dans des actes du 31 octobre 1321 et du 18 mai 1329 (4).

17° Jacquemin, 1332.

18o Jean II, 1332.

19° Jean III, 1362 et 1378.

20o Gilles, mentionné dans des actes du 2 avril 1415 et du 18 mai 1418.

21 Guillaume II.

22° Nicolas, 1441.

23° Gilles Marchand, ou Gilles II, résigne en 1500. 24° Charles de Recourt, chanoine de Dommartin, 1505. (1) Char t. d'Art., A 8, 9.

(2)Ibid., A2,l, n°25.

(3) Bibliothèque de la ville de Calais.

(4) Chartes d Artois, A. 72 et A. 400. L'inventaire de Calais l'appelle Jacques de Wiac et l'on conservait le procès-verbal de son installation du 13 3 février 1319 v. st.


25° Dominique Carnisien.

26o François d'Averhoult, seigneur d'Helfaut, d'abord moine bénédictin, en même temps abbé de St-Winoc de Bergues, de St-Jean-auMont et de St-Pierre de Gand, mort en 1541, dernier abbé régulier.

27o Gabriel de Calonne, premier abbé commendataire, nommé par bulles d'octobre 1541 et juillet 1544, futchanoine deBayeux, 6 septembre 1557 et mourut le 5 mai 1568 par accident,étant tombé dans le puits de Bouvelinghem.

28° Girault de Saint-Paul ou de Saint-Pau, duc de Vidossan, cité en 1577, 1587, 1607, mort en 1609. Il était en 1592 attaché au parti du roi Henri IV.

29o Claude Hureau, bullé le 30 avril 1612, mis en possession le 7 juillet suivant.

30° Gilles Le Grand, cité en 1633, résigne à son frère 31° Alexandre le Grand, dont il y a des actes du 27 octobre 1639 et du 10 mars 1642.

32° Gilbert de Clérembault de Palluau, chanoine de Luçon, bullé le 24 aoùt 1648, nommé évêque de Poitiers en 1657, mort le 3 janvier 1680.

33° De Mégrigny, nommé le 19 janvier 1680 ne prit pas possession.

34° François de Bruc de Montplaisir, nommé le^3 février de la même année, résigne en 1702.

35° Marin de Gravelle de Reverseaux, prêtre du diocèse de Chartres, aumônier du roi et chapelain de la duchesse de Bourgogne, déjà abbé de Saint-Léonard-des-Chaumes au diocèse de la Rochelle, nommé le 3 novembre, fut bullé abbé de Licques le 12 décembre 1702. Il mourut à Paris le ler juillet 1725. 36° Auguste-Joseph de Montullé, nommé après le décès du précédent (10 aout 1725), était prêtre, docteur de Sorbonne, demeurant à Paris, rue de la Harpe, paroisse de Saint-Séverin. Il fut bullé abbé de Licques le 3 septembre 1725, et il portait le titre de doyen honoraire de la cathédrale de Beauvais.

37° Alexandre ï,e Brun d'Inteville. prêtre du diocèse de Paris,


vicaire-général d'Orléans, bulle le 4 juillet 1748, après le décès de Montullé, mourut en 1782 (1).

38° Mazade de Saint-Hilaire (2) dont la démission amène 39o Anne-Louis Henri de La Ftire, né le 8 septembre 1752, prêtre du diocèse de Luçon, vicaire-général et syndic du diocèse de Dijon, doyen et chanoine de la Sainte-Chapelle de la même ville, nommé par le roi le 23 février 1783, avec la charge de payer à son prédécesseur une pension de 850 livres. Ses bulles sont du 18 mars. Il fut nommé en 1787 à l'évèchéde Nancy, siège primatial de la Lorraine; refusa de prêter le serment constitutionnel, fut député aux Etats-Généraux, où il prononça le discours d'ouverture publia de 1789 à 1791 plusieurs brochures politiques, et joua un rôle important pendant l'émigration en qualité d'agent des princes; fut exilé en Moravie par la cour de Vienne,à la sollicitation de Bonaparte; rentra en France après le retour de Louis XVIII, fut nommé en 1821 à l'archevêché de Sens, promu au cardinalat en 1823, prélat instruit, aimant les lettres, composant avec goût, mort à Paris le 10 décembre 1829. Le bourg de Licques grandit sous les murs de l'abbaye qui faisait son honneur et sa protection. Ses seigneurs le défendirent contre l'invasion des ennemis de la France; et l'un d'eux refusa de se soumettre au roi d'Angleterre, après le traité de Brétigny. Pendant l'année 1373, Jean Bontemps, écuyer, fut capitaine de l'abbaye de Licques, pour la France, avec d?x arbalétriers, en même temps que Florent de Lisques commandait dans « le chastel du même lieu avec cinq arbalétriers (3). Aussi, Licques échappa-t-il à la domination anglaise et fut-il rattaché au gouvernement d'Ardres. Néanmoins, il eut beaucoup à souffrir des incursions que les Anglais faisaient de temps en temps dans le pays. Henri VII s'en empara en 1492, et le rendit ensuite en (1) Le Brun d'Inteville, qui figure encore sur l'almanach royal de 1783, était mort en 1782 car, nous voyons que, d'après un acte de collation à la cure de Bouquehault, le siège abbatial était déjà vacant le 6 janvier 1783. (2) Il.ne paraît pas avoir été bullé, et il n'a point été mis en possession. Son nom ne nous est révélé que par la réserve de pension stipulée dans les provisions de l'abbé de La Fare.

(3) Establies de Picardie.


vertu du traité d'Etaples (1). Plus tard, en 1513, au mois de juin, l'avant-garde de l'armée anglaise y vint loger pour de là se rendre à Thérouanne par Tournehem et Esquerdes (2). En 1543, ce fut bien pis. Les anglais démolirent lts fort de l'abbaye « entièrement dans une de leurs courses (3). Ils y revinrent au commencement de l'année 1544. « C'est grant pittié de la désolation du povre pays, dit une lettre contemporaine, » écrite de Saint-Omer. Les villages allentour Ardres sont tous bruslez environ la moictié de Boullegnois est bruslé et haban» donné jusques aux portes de Boulongnes, du costé vers Calais » etdel'autrecostéjusquesunepetittedemi-liewedeMonstreul;en plusieurs lieux les povres gens ont esté bruslez en leurs clo» chiers cinq monastères ont estez par lesdits Anglois du tout » ruinez, le monastère de Beaulieu, Liques, Samer-o-bos, Dou» diauville et St-Inglebert, lesquels sont bruslez et les murailles » abbatues (4). »

Quand les Anglais furent chassés du pays, ce fut le tour des Espagnols à continuer ces ravages. « Le mardi 3 avril de l'année » 1674, à cinq heures du matin, raconte M. Dufaitelle, un fort » parti espagnol., venant d'Aire, menaça les moines de Prémontré de Licques et les habitants du bourg de mettre tout à feu »et à sang si on ne payait pas immédiatement les contributions » arriérées. Le prieur, Dominique Butor, présenta ses quittan» ces en règle; ce n'était pas le comte des pillards, leur fureur s'augmenta au lieu de se calmer. Les exigences espagnoles ne > furent pas accueillies plus favorablement au château, où la dame de Licques s'était enfermée avec la plus grande partie » de la population. L'ennemi attaqua vigoureusement le château » défendu avec courage et succès; il fut obligé de se retirer » après un combat meurtrier. Les moyens de résistance étaient » moins puissants à l'abbaye; emportée de vive force, elle fut > pillée et incendiée, àl'exception de l'église et du dortoir; le (1) Le Febvre, Hist. de Calais, t. n, p. 200-261.

(2) State papers, Henry vni, nc 4253.

(3) Bulletin de la Soc. des Ant. de la Mor. t. i, p. 63.

(4) Ibid, t. n, p. 125, d'après le ms n< 52 de la bibl. de Lille.


» feu dévora, en outre, 28 ou 30 maisons du bourg avec l'église » paroissiale. Les Espagnols, dans cette cruelle journée perdirent cinquante hommes tués ou blessés (1).»

L'église paroissiale de Licques, située dans l'enceinte même du cimetière et démolie depuis le commencement de ce siècle, était comme celle de l'abbaye sous l'invocation de Notre-Dame. M. l'abbé Lecointe croit qu'elle était romane, comme les fonts baptismaux qui en proviennent et qui sont dans l'église actuelle. Elle était desservie par un religieux, nommé par l'évêque sur la présentation de l'abbé commcndataire, ou du prieur régulier chargé de sa procuration. Los curés di Licques résidaient dans l'abbaye, quoiqu'ils eussent leurs revenus séparés et quelquefois même des querelles avec l'abbé commendataire ou avec la communauté, pour la possession de certaines dimes et le payement de leur portion congrue. Ainsi, Charles Barra de Sept-Fontaines, curé de Licques, jouissait seul des dîmes de Courtebourne et de Cahem, lorsqu'il transigea avec l'abbé le 10 septembre 1659. Frère Jean Haigneré, curé de Licques en 1672, remplit ces fonctions pendant trente-deux ans. Le dernier curé de Licques avant la Révolution française, frère Jacques Henneguier, nommé le 12 novembre 1789, ne prêta point le serment constitutionnel, rentra dans sa cure comme desservant en 1802, devint curé de Marquise le 9 novembre 1806 et y mourut le 21 février 1810.

II paraît y avoir eu également autrefois un autel paroissial dans l'église de l'abbaye et d'anciens titres témoignent qu'on y a publié des bans et célébré des mariages. Cette paroisse intérieure était sous le vocable de Sainte-Ursule, probablement en mémoire des reliques des Onze mille Vierges qui furent transportées de Cologne à Licques en 1169, suivant le récit de Lambert d'Ardres (2).

(1) Note rédigée d'après une relation qui se trouve dans les papiers de Dom Grenier et publiée en 1859 par M. Courtois dans lo Bulletin cité, t. n, p. 686. M. Ern. Hamy en a fait aussi l'objet d'une étude insérée dans la Revuolitt. doB., t. i, 1K63, p. 30.

(8) Cap. Lxxiii


Sous le rapport de l'instruction publique, l'abbaye fut un centre d'études, une école de théologie, où ceux d'entre ses religieux qui se destinaient au sacerdoce faisaient ce que l'on appelle aujourd'hui leur séminaire, avant d'être envoyés dans les paroisses; mais je ne vois pas qu'elle ait eu d'autre école que celle-là. Elle se désintéressait entièrement du soin de l'instruction primaire, dont la dépense, d'après la législation en vigueur, n'incombait qu'aux habitants.

Le maître d'école (il y en avait un en 1725) était payé à raison de 8 sous par feu, ce qui lui produisait 75 livres en 1756. Il avait en outre ses « ôcolages », consistant en une rétribution scolaire de quatre sous par mois pour les enfants qui n'apprenaient qu'à lire, de cinq sous pour ceux qui apprenaient à lire et à écrire, et de sept sous pour ceux qui apprenaient l'arithmétique (1). Comme clerc d'église le maître d'école trouvait le moyen d'ajouter à celaquelque petit supplément. L'école de Licques fut reconstruite â la fin du siècle dernier.

D'après un état dressé en 1774 pour tous les établissements de bienfaisance du gouvernement d'Ardres, il y avait à Licques une Table des Pauvres, dont la dotation ,tait attribuée à un seigneur du lieu qui avait vécu antérieurement au XIIIe siècle. Ses revenus, distribués par le curé et le marguillier, étaient insuffisants pour secourir toutes les misères; mais la charité du curé.de l'abbaye,du seigneur de Licques et de quelques notables suppléaient, dit l'acte, aux besoins des pauvres dont le nombrft était très grand (2). Tous les documents de l'époque sont d'accord pour nous représenter le bourg de Licques comme étant alors peu florissant. Le curé Le Liepvre, en 1756, signale son autel, son casuel et le traitement du maître d'école comme tous fort mal payés, « à cause de la pauvreté du lieu. «

Et cependant Licques était un bourg commerçant, où il y avait un marché tous les lundis de chaque semaine, un franc-marché (1 ) Rôle du 1er janvier 1780, dans les archives du Pas-de-Calais, liasse C209.

(2) Ibid., Liasse C 241.


tous les premiers lundis du mois, et trois foires par an (1) c'était, disait le marquis de Licques en 1753, pour ainsi dire l'entrepôt du Boulonnais, du Calaisis et des villes voisines, pour la vente des grains, vivres et bestiaux; mais tous ces avantages étaient paralysés et souvent annulés par le mauvais état des chemins (2). Collet disait encore la même chose, il y a cinquante ans (3). Aujourd'hui tout cela est bien changé et Licques est entré dans la voie du progrès, au moyen du réseau de voirie vicinale dont il a été doté à peu près dans toutes les directions. De quelque côté qu'on y arrive, une masse imposante détache sa silhouette dans l'azur du ciel au milieu des champs fauves et des prés verts. C'est l'ancienne église de l'abbaye, ou plutôt c'en est un vestige mutilé, grandiose encore.

Cet édifice, qui formait une croix latine avec une tour centrale, a été construit dans la première moitié du dernier siècle. Mgr de Pressy en a fait la consécration solennelle le 6 août 1747. C'est donc un monument relativement moderne; mais il est remarquable par une certaine originalité qui tranche sur les œuvres trop souvent vulgaires que le XVIIIe siècle nous a léguées. Nous n'en pouvons plus juger l'ensemble (car le chœur, la tour et les transsepts ont été démolis, et il n'en reste que la nef); mais cette nef est belle, avec de vastes et harmonieuses proportions. Quoique conçue dans le style grec, son architecture présente des reminiscences de gothique, par exemple dans ses grandes fenêtres à ogive, qui en font une des nombreuses variétés du style ie la Renaissance. L'autel, construit en marbre, et le parquet qui l'accompagne, sont des œuvres du même temps, placées maintenant dans l'hémicycle qui termine la nef et qui tient lien de chevet. La longueur totale de la nef de Licques, depuis le mur de façade jusqu'au fond de l'hémicycle est de 46 mètres; sa largeur de 10 mètres 10 centimètres. L'élévation intérieure du pavé à la voûte, est de 16 mètres 70 c. Les religieux de Licques, qui, d'après divers documents, (lj Les 3 mai, 22 juillet et 29 décembre.

(2) Ibid., liasse C 226.

(3) Notice hist. sur l'état ancien et mod. du Calaisis, in-8' 1833.


étaient de huit à douze, non compris ceux qui exerçaient le ministère pastoral dans les campagnes, paraissent avoir eu du mal à se recruter quelque temps avant la Révolution. Ils furent obligés, en 1783, de demander deux sujets à l'abbaye de Dommartin pour desservir les cures de Bouquehault et de Moringhem. En 1784, il n'y en avait que six,habitant la maison sous la direction du prieur sept en comptant le curé.

La Révolution française les chassa de leur asile, comme elle chassa de leur presbytère ceux qui vaquaient au service des paroisses.Il y en eut troisqui prêtèrent le serment constitutionnel; les autres préférèrent l'exil au déshonneur. L'abbaye fut vendue comme bien national, je ne sais ni à qui, ni quand, ni comment (1); puis elle fut démolie, sans qu'il en reste rien, si ce n'est deux pavillons sur la place, servant aujourd'hui à usage de mairie, d'école et de presbytère.

Le territoire rural de Licques ne parait avoir décelé jusqu'ici aucun objet d'antiquités romaines; mais il est riche en vestiges de mottes dont quelques-unes au moins peuvent être celtiques. M. l'abbé Lecointe, dans le rapport très circonstancié qu'il adressait à la Société d'Agriculture de Boulogne en 1862, m'en a signalé sept, savoir deux au nord et au sud du château de Licquey, une dans le hameau de Courtebourne; quatre dans les hameaux de Cahen et de Canchy,disposées assez régulièrement en forme de quadrilatère. La plus remarquable, celle de l'ouest a encore près de 4 mètres d'élévation et 70 mètres de diamètre; mais la plupart sont détruites, et presque effacées du sol. On y remarque généralement la présence de fossés facilement inondables et l'on n'y a guère rencontré que des pierres et des briques, provenant des anciens donjons qui y furent assis. En fouillant à un mètre de profondeur sur l'emplacement de celle de l'est, près du chemin de Licques à Audrehem, dans le hameau de Canchy, on a trouvé des cendres et des charbons de bois.

(1) Je n'ai pu trouver aucun document sur ce sujet dans les archives du département.


Hameaux et lieux-dits historiques:

lo Le Belbert, bois, qui sous le nom de Berteberg a été donné àl'abbaye par Baudouin -Mauvoisin avant l'année 1174. 2° Le Breuil, dans le bois duquel, nommé du Breacq en 1378, le seigneur de Licques reconnut que l'abbaye avait un droit de chasse.

Cahen, hameau cité dans Lambert d'Ardres, sous le nom de Quadhemensia pradia (1). Sichard de Calliem, ou Caldhem, comparaît plusieurs fois comme témoin dans les chartes d'Andres, en 1117 (2). Baudouin de Quathem assiste à une donation faite par Arnoul de Guines à l'abbaye de Clairmarais, en 1145 (3). Robert Mauvoisin, qui donna le bois de Belbert à l'abe Licques, demeurait à Cahen en 1196 Aetum apud Quahem in domo mea (4). La motte de l'ancien donjon des Mauvoisin existe encore.

Canchy, hameau, qui rappelle le souvenir de Raoul de Canci, témoin en 1116 d'une donation faite à l'abbaye d'Andres par Manassès de Bredenarde (5).

5° Courtebourne, hameau, prœdium de Cwtebona, donné à l'abbaye d'Andres par Eustache fils de Galant, contre une redevance annuelle, en 1084 (6). Ses seigneurs sont plusieurs fois cités dans les chartes de ce monastère. Eustache de Courtebourne (de Curteburne) et son père Robert tenaient de l'abbaye de Saint-Bertin une terre nommée de Suemelis, à Campagne. avant l'an 1112. Les mêmes seigneurs, sous le nom latin de Curtabronna ou Curtebronna, donnent à l'abbaye d'Andres le bois de Floringesard pour l'aumône des pauvres et la rémission de leurs péchés. Un autre Eustache de Courtebourne, fils du précédent, assisté de sa mère Gilnidis et de son frère Guillaume, remet entre les mains du sacristain de l'église d'Andres la sei(l)Cap. vi.

(2)Chron. Andr., p. 792.

(3) Duchesne, preuves, p. 96.

(4) Ibid., p. 128.

5) Chron. And., p. 796.

(6)lbid.,p.785.


gneurie d'une terre située à Tournehem, afin d'en employer le revenu à l'entretien d'une chandelle allumée pendant la nuit devant le crucifix. On relève de plus dans la chronique, pour le même temps, les noms d'Everard et d'Arnoul de Courtebourne (1) mais les plus en vue sont Eustache et Robert, qui comparaissent encore dans les chartes de La Capelle, de SaintBcrtin et de Saint-Léonard de Guînes. Ils donnèrent à l'abbaye de Licques une terre mentionnée dans la bulle d'Alexandre III de l'an 1164.

La seigneurie de Courtebourne était une des douze baronnies du comté de Guînes; et Louis XIV l'a érigée en marquisat pour la famille de Calonne, en juin 1671 (2)._

6° Ecottes, hameau, ou plutôt section de la commune de Licques, où l'abbaye possédait une ferme (eurtem in Aicota) avec des terres et des bois qui lui furent confirmés en 1164, 1170 et 1224. Eustache de Licques accorda aux religieux la permission de tirer des pierres dans les carrières d'Ecottes, au mois de novembre 1240 (3).

Dans le siècle dernier, l'abbé de Montgazin, grand vicaire de Mgr de Pressy, y fit construire une chapelle, pour la desserte du hameau, à cause du grand éloignement où la population se trouvait de l'église de Licques. Il la dota d'un presbytère et la fit ériger en annexe. La permission d'y établir un cimetière et d'y mettre des fonts baptismaux est datée du 16 novembre 1776. De nos jours, on y a rétabli un vicariat indépendant (1834) qui a été érigé en succursale par ordonnance royale du 3 mai 1846. Ecottes possédé aussi maintenant une école de hameau. 7° Hodelan, ferme, dont le seigneur, Jean de Oudelando épousa vers la fin du XII° siècle Aîabilie d'Ardres, dite la Rousse, cousine du chroniqueur Lambert (4).

8° Linques, hameau, nommé Lennekes dans la charte de l'évoque Didier de Thérouanne en 1170, comme étant le siège (1) Ibid., pp. 787, 788, 794, 796.

(a) I^Ffihvro, hist. <i» Valais, t. I!, p. 530.

(3) Chartes inédites de Licques.

(4) Cap. cxxxiv.


d'une couture de terre (culturam terres) que l'abbaye possédait dans le voisinage (1).

PIIIEN.

La commune de Pihen (420 habitants, 925 hectares) s'étend à l'ouest de Guîncs, entre le territoire de cette ville et celui de Saint-Inglevert. Elle faisait partie du Calaisis.

Je la trouve mentionnée pour la première fois, sous le nom de Pithem ou Pitham dans la chronique d'Andres,pour des biens que les comtes de Guînes y possédaient et dont ils dotèrent cette abbaye en 1084, ou du moins peu de temps après. Renaud, abbé d'Andres, y créa une ferme (curtem cle Rigewoge), établie sur 150 mesures de terre, importance de la culture d'une charrue, et il obtint du chapitre de i hérouanne la remise de la dime, moyennant une rente de 12 sous, monnaie de Boulogne, payable chaque année dans le synode de la Pentecôte. Les terres de Pihen qui formèrent ce manoir étaient situées sur la lisière de la commune de Guînesen un lieu qu'on appelait alors la Watine, ou le desert (Wastinia, ou Solitudo de (ïisncs).\in prêtre nommé Baudouin, qui se fit moine et qui avait été peut être curé d) -1~ Pihen, ajouta au don des comtes de Guînes une autre terre au même lieu (apud Pithem, in villa Pitham). La chronique nous fait connaître, en outre,l'existence d'un tenancier d'Ei.stache de Balinghem, qui s'appelait Everard de Pithem (2).

La charte de Gocelin, doyen cle Thôrouanne, qui fait remise à l'abbaye d'Andres de la dîme de Rigewoge, n'est pas datée mais elle est du règne de l'évoque Jean de Commines, et par conséquent antérieure à Tan 1130. Il y est dit que le chapitre de (1) Chartes inédites do Licques.

(2) Chron. And., pp. 785, 787, 790, 793, 795, 797, 798, 8803, 45.


la cathédrale possédait alors le patronat paroissial (parrochiatum) de ce lieu. Aussi,ai-je lieu de m'étonner de ne point trouver l'autel de Pihen placé à son rang dans l'énumération des patronages que l'église de Thérouanne possédait en 1119 et en 1157, alors surtout que la répartition de 1252 l'inscrit à l'avoir de la 29e prébende, sous le nom de Pihem in Ghisnesio, avec Ostreville et Saint-Jean-Cappel. L'autre Pihem, celui du cantor: de Lumbres, ne figure pas dans la répartition de 1252, non plus que dans la partition de t559, et cependant il était tombé dans le patronat du chapitre d'Ypres qui ne pouvait le tenir que de Thérouanne.

Je dis cela pour expliquer le doute où je reste de savoir auquel des deux villages homonymes s'applique la charte de 1192 du Cartulanum Morinense, par laquelle le chantre Jean donne au chapitre, sous l'approbation de l'archevêque Guillaume de Champagne, l'autel de Pihem.

Je suis moins embarrassé pour une autre charte sans date du même cartuiaire, dans laquelle il est dit que Boidin, clerc de Pihem, et Eustache son frère, reconnaissent ne rien prétendre sur le personat de cette église, c'est-à-dire sur les dîmes et les oblations qu'y possédait le chapitre de Thérouanne. L'acte étant passé devant Arnoul d'Ardres doit se rapporter au Pihen du comté de Guines; mais je ne sais quel peut être cet Arnoul d'Ardres, si ce n'est point le même qu'Arnoul III de Guines, sous le règne duquel, un chevalier nommé Baudin de Piehem, assiste en qualité de baron à la reconnaissance des franchises du comté, en mai 1273 (1).

Le même Arnoul III,comte de Guînes, avait confirmé au mois de mars de l'année précédente (1272) la donation qu'Eustache de Fiennes, son oncle maternel, avait faite d'une partie de la dîme de Pihem à l'abbaye de Beaulieu (2).

J'aurai dit tout ce que je sais sur l'histoire de cette commune durant le moyen âge, en ajoutant que Matthieu de Pihem est (1) Usaiges et anciennes coustumes p. 141.

(2) Charte inédite en français.


cité dans un acte de Béatrix de Guines, passe à Bapaumc au mois de novembre de l'an 1222(1).

Pihen fut réduit sous la domination anglaise avec le reste du comté de Guînes, après la prise de cette place, et il y resta jusqu'en 1558. Les documents anglais lui conservent, légèrement modifié, son ancien nom de Pitham.

L'église de Pihen, sous le vocable de la Nativité de la SainteVierge, est un monument qui a été construit au XIIIe siècle. Le chœur, éclairé par des fenêtres à lancettes, est terminé en polygone. Ses voûtes à nervures sont supportées par des colonnes dont le fût très-mince est accolé aux angles de la construction, et dont les chapiteaux fort bien conservés sont d'une rare élégance. La tour, qui se trouve entre le chœur et la nef, présente dans sa partie basse des arcades romanes. La nef a été reconstruite depuis quelques années (2).

François Cannet, de Boulogne, gradué eu théologie, curé de Pihen depuis le 8 octobre 1702, fut cornmissionné doyen de Guînes, après que Hugues Le Porcq fut sorti du District, c'està-dire, je crois, en 1730. Il fut remplacé en 1750 par ie curé de Brèmes, François de Servins d'Héricourt.

Des sépultures anciennes ont été signalées sur le territoire de Pihen, lors de la construction du chemin actuel de Guînes à Wissant. On va a trouvé notamment deux tombeaux en forme de sarcophages, de plus de 3 mètres de longueur, recouverts de pierres plates et renfermant des ossements humains. Malheureusement on n'y a reconnu la présence d'aucun objet qui puisse servir à en marquer la date. Dans les autres sépultures les squelettes reposaient sur la craie, à la profondeur seulement de 40 à 50 centimètres au-dessous du sol (3).

Pihen a toujours fait partie du doyenné de Guînes. De 1790 à 1801 il a appartenu au canton de Peuplingues, dans le District de Calais.

(l)Duchesne, preuves, p. 274.

(2) Rapport adressé à la Soc. de B., en 1802, par M. Alph. de Guizelin, maire de Pihen. CI

(3) Ibid.


Hameaux et lieux-dits historiques

Alenthun, hameau important, où se trouvent quatre fermes et le château de la famille de Guizelin. C'est presque un village le terrier anglais de 1556 l'appelle une paroisse, annexée à celle de Pihen The parish of Dalingtoune. Plusieurs écrivains, trop souvent distraits, l'ont confondu avec la commune d'Alincthun du canton de Desvres.

La chronique d'Andres l'appelle Ellingatuni ou Allingatum, avec quelques variantes. C'était jadis un fief de Fiennes, en la main d'Athalaïs et de Warin, qui y donnèrent à l'abbaye d'Andres, avant l'an 1091, une terre d'une demi charrue (1). Il y avait alors des seigneurs d'Alenthun, Eustache, cité en 1118 dans une charte d'Andres, Elembert, qui en 1165, possédait dans le village d'Escalles une terre qu'il donna aux lépreux de Boulogne, ce qui lui attira des difficultés avec l'abbaye de St-Bertin (2). La terre d'Alenthun a été pendant plusieurs années l'apanage de la famille Raoult, aujourd'hui connue sous le nom le Maintenai ou de Rudeval.

2° Beauregardj ferme dans une situation dominante, où il y avait un château, maintenant à usage de grange.

3° La Quennevacherie, château et ferme admirablement boisés. Une tradition accréditée prétend que ce nom signifie la Vacherie de la Reine, par une fausse interprétation du mot anglais Queen. La vérité est que le nom de Qaenneuaeherie est une altération du mot Canevaeherie ou Canevasserte, qui est donné dans le terrier de Miraulmont en 1584. On cultivait le chanvre au XVe siècle dans le comté de Guînes; et il y a dans le code des Usaiges et anciennes coustumes un article 142 par lequel il est défendu de vendre « mauvais lyn, ne kennece sous peine de dix sous parisis d'amende.

(1) Chron. Andr., pp. 785, 787 etc.

(2) Diplom. Bert., B. B.,n° 144, art. 105.


~A1li GI~)EN

La commune de Sanghen (287 habitants, 617 hectares) est assise dans une petite vallée, sur le plateau d'Alembon, dans le voisinage de Licques et d'Herbinghen. Elle appartenait avant 1789 à l'Ardrésis, et de 1790 à 1801 elle a fait partie du canton de Licques, dans le District de Calais.

Les origines de ce village sont l'objet d'une tradition fabuleuse. D'après le dire des habitants.du pays, Sangben signifie Sanglant, et l'église de ce lieu qui s'appelait Mort-Car~ap ou le Champ des Morts, conserve le souvenir d'une grande bataille. En effet, lisons-nous dans l'Annuaire départemental de 1814, deux par» tis considérables, l'un composé de Brabançons et d'Artésiens et l'autre de Français, s'étant rencontrés dans la plaine qui » est entre Licques et Eclémy, se battirent avec tant d'acharne» ment qu'à peine en resta-t il assez pour enterrer les morts. Le » grand nombre de ceux ci fit qu'on appela cette plaine Mort» Camp, qui veut dire Champ des Morts. Avec la dépouille de » ceux qui perdirent la vie dans ce sanglant combat, on fit construire une chapelle sur le lieu de la bataille, vers le midi, au bas de la plaine. Les habitants que cette fondation avait » attirés en cet endroit étaient paroissiens d'Alembon. Leur » église ne se composait d'abord que d'une chapelle avec une » tour carrée bâtie en pierres blanches mais, après 1471, étant » devenus plus nombreux, ils firent construire une nef et chan» gèrent le nom de leur église en celui de Sanghen (1). Je n'ai pas besoin de dire que tout ce roman,bon à récréer les vieilles filles dans les soirées d'hiver à la ferme, n'a aucun fondement historique.

La vérité est que le village actuel de Sanghen se compose de deux pnrties distinctes, l'une située le long de la petite rivière (1) P. 218. Voir aussi Colle! \\ii a bravement copié tout cela dans son ouvrage sur le Calaisis, p. 2*2.


de Licques, l'autre un peu plus éloignée, où est l'église, vers Eclémy.

Sanjhen. Ce village, qui n'était point paroisse, mais simple villa, ou seigneurie, est cité pour ses seigneurs, dès l'an 1084, dans les chartes d'Andres. Son nom, généralement défiguré, est Sanntngahem ou Saningahem, c'est-à-dire métairie du clan de Sann le Saxon (1). Par suite des contractions qu'il a subies, et qui le font déjà nommer Sœ'«^/iem en 1127 dans une charte de Saint-Bertin, ce mot est devenu ce qu'il est aujourd'hui (2). Il y avait en 1084 trois frères du nom de Sanningahem,Tnge\ra.n, Gérold et Goiffrid, qui'comparaissent comme témoins de diverses donations, parmi les feudataires du comté de Guînes. Goiffrid est le seul qui y figure pour son compte personnel, à propos de la vente qu'il fit de tout son manoir au prieur Gislebertet aux religieux d'Andres, moyennant le prix de sept ferthings (3) et un cheval. n autre seigneur de Sanningahem, Gui, signe aussi au bas de deux actes dont le dernier est de 1114.

L'abbaye d'Andres ne garda point le prœdium que lui vendit Goiffrid car on n'en retrouve pas la mention dans les chartes subséquentes. J'ai lieu de croire que c'est la terre située à S'aningehern, que l'abbé Gislebert céda peu de temps après à Hugues Mauvoisin contre d'autres biens dans la paroisse de Boucres (4). On lit encore dans la chronique le nom d'Hugues de Sanghen qui engage une de ses terres entre les mains de l'abbé Iterius en 1101; etSalomon, dit l'ancien ou le vétéran de Sanghen, qu'Arnoul de Guînes emploie comme négociateur auprès de Renaud de Boulogne, dans le but d'arriver à faire de Simon, prieur du Wast, un abbé d'Andres, en 1207 ou en 1208. Ce Salomon vivait encore en 1225 (5).

(1) Les copistes ne pouvant guère éviterde confondre souvent les n avec les u et les v, on lit dans la chronique d'Andres tantôt Sanlnghehem (p. 787 B), tantôt Sanningehem (p. 785 C.) ou Sauningahem (p. 787 B), plus souvent Savingehem, Saoingliem et Sawinghem.

(2) Du Chesne, pr., p. il.

(3j Le ferthing.au,jourd'hui monnaie anj?laise,équivalenteà notre double centime, désignait alors, d'après Du Cange, le quart d'un marc d'argent. {il Uhron. Andr., p, 7yo.

(5) lbid., p. 840, 866.


L'abbaye de Licques y posséda aussi des biens, entre autres ,une, terre, située, dit la bulle pontificale de 1164, dans la paroisse de Morcamp et Elembon et dans le village (villa) de Saninguehem. Un religieux de ce monastère, qui signe en 1210 la charte d'Hugues de Longueville, s'appelait Hugues de Satminghem (1). MORCAMP. Tandis que Sanghen n'était qu'une villa, Morcamp, était une paroisse. Son église n'a pas été bâtie à la suite de la fantastique bataille de 1218 car elle existait déjà en 1073, puisque l'évoque Drogon de Thérouanne en emprunte l'autel au chapitre pour le donner à Godefroi de Boulogne, évêque de Paris. Plus tard,cet autel, altare situm invilla que dicitur Morcamp, fut rendu à ses anciens propriétaires, car nous le retrouvons dans le patronage de la cathédrale en 1119, 1157, 1179, où les bulles pontificales l'associent toujours avec celu d'Alembon, dont il est resté l'inséparable annexe (2). Morcamp avait aussi ses seigneurs particuliers. Hugues de Morchamp assiste en 1084 à une donation faite par Gui d'Alembon, dont il était sans doute le feudataire. Galant de Morcamp signe en 1118 une charte de Manassès de Guînes (3). Jean de Morcamp, sa femme et ses enfants, donnent à l'abbaye de Licques des dîmes à Bainghen et à Hocquinghen, dans leur voisinage. Eustache de Morcamp était en 1198 l'un des amis ou des vassaux de Robert Malvoisin, seigneur de Cahem. Guillaume de Morcamp est cité en 1224 dans la charte d'Adam de Thérouanne comme ayant donné aux religieux de Licques huit mesures de terre. Il n'est question que de Morcamp, pour ainsi dire à chaque page du cartulaire de ce monastère (4).

Le nom de Morcamp continue longtemps son écho à travers l'histoire du pays. Baudin de Morcamp, cité en 1347, avait épousé Agnès de le Deverne. Sire Wistasse de Morcamp était échevin de Saint-Omer en 1376. En 1427, Ector de Morcamp remplissait les fonctions de « premier sergent à vergue et aman ès (1) Chartes inédites de Licques.

(2) Cartularium Moriaense.

(3) Chron. Andr., pp. 785 et 795.

(4) Chartes inéd. de Licques.


nobles ténemens appartenant à la ville de Saint-Omer. En 1441, Artur de Morcamp était bailli du fief de Mickem (1). Sanghen se continue de même Marguerite de Sanghen était abbesse de Sainte-Austreberthe de Montreuil en 1262; et pour u'enpointciter d'autres, Hue le Vasseur de Sainghem était franc homme du château de Tournehem, le 10 décembre 1323 (2). Cependant Morcamp reste seul indiqué comme chef-lieu paroissial. Dans l'énumération qui est faite des cures du doyenné d'Alquines en 1559 pour la partition;du diocèse,ce n'est pas Sanghen qui figure, c'est Morcamp, Alembon et Morkan (3).

Un peu plus tard, probablement à la suite des guerres du XVI" et du XVII" siècles,la section de Morcamp devint la moins populeuse, et le nom de la section voisine l'emporta, pour être ensuite le seul employé dans les actes publics et dans l'usage populaire. En 1662, dans un terrier dressé par les marguilliers du lieu, ou désigne encore l'église comme étant celle de SaintMartin de Sanghen, dit Mort-Camp mais un siècle plus tard, quand on renouvela ce vieux titre, on n'y inscrivit plus en tête autre chose que le nom de Terrier appartenant à l'église de SaintMartin de Sanghen, secours d' Alembon; et aujourd'hui, l'ancienne dénomination n'est plus connue que comme étant celle de la plaine La plaine de Mort-Camp- qui s'étend dans la direction du bourg de Licques, à l'extrémité du village. L'église de Sanghen, sous le vocable de Saint-Martin, est une construction ogivale du XVI' siècle, avec une tour carrée entre le chœur et la nef. Elle possède tvie cloche, une des plus ancien nes du pays, qui a été fondue par François de Maucort, en 1497. Hameaux et lieux-dits historiques

1* Blamont, dérivé de Blanc-Mont, fief aux Butor, sieurs de Blamont, dont Philippe, maître chirurgien de la ville de Boulogne, mourut en 1692. Sa fille Adrienne Butor de Blamont est morte à 82 ans dans la paroisse de Saint-Joseph en 1768. (1) Mém. de la Soc. des Ant. de la Mor., t. xv, pp. 100, 160, 172, 266. (a) ch. d' Ai-lois, A. b».

(3) Mém. de la Soc. Acad. de B., t. vi, p. 343.


2' Le Copen, anciennement Copehem Jehan de Coppehem fut lieutenant particulier du bailliage de Saint-Omer, de 1660 à 1665.

3- Eclémy, hameau, l'ancien Ecloum des chartes de Saint-Bertin, où Lebtrude se retira en Tan 807 pour finir ses jours sur deux bonniers de terre qui appartenaient a cette abbaye (1). L'attribution d'Ecloum à Eclémy n'est pas absolument certaine; mais elle se corrobore par le voisinage deGuînes,etaussi parce que l'abbaye de Saiot-Bertin possédait encore longtemps après, en plein fief, sur le territoire de Sanghen, des biens qui lui sont confirmés par Mai lassés de Guînes en 1127 et par son successeur Baudouin III en 1228(2).

La motte du domaine d'Eclémy, qui fut uue pairie du comté de Guînes, existait encore en 1860. Le propriétaire, M. Pruvost, d'Alembon, l'a fuit détruire mais il n'y a rien trouvé. Une autre motte m'est indiquée comme ayant existé dans les prairies de Sanghen. Je ne saurais dire si ce n'est pas celle que M. Louchez, maire de Sanghen, a signalée à la Societé d'agriculture de Boulogne dans le rapport qu'il lui a adressé en 1862, comme étant située dans une pâture, dite Pâture à la motte, appartenant alors à Madame Béclin. Elle était détruite depuis plus de quarante ans, et on ne se souvenait pas d'y avoir fait aucune découverte.

Une fontaine, dite de Saint-Martin, passe pour avoir des vertus miraculeuses.

Viabilité cantonale. – Le canton de Gull1es est traversé dans sa largeur 1° par la voie romaine de Thérouànne à Sangatte, connue sous le nom de chemin de Leulene.EWe entre dans l'arrondissement de Boulogne sur le territoire d'Andres, un pou au-dessus de l'ancienne abbaye, passe auprès de la ville de Guînes qu'elle laisse à droite, et va par Boucres rejoindre le territoire de Saint-Tricat, au hameau de Leulingue. (l)Cart. Sith.p. 71.

(2) DuChesne, preuves,p.41 et 278.


Un embranchement de la même voie, qui s'en détache à Guînes, se dirige vers Wissant par Alenthun, Pihen, SaintInglevert et Hervelinghen. Je ne crois pas qu'on puisse cependant lui attribuer avec certitude le caractère de voie romaine, parcequc, sur aucun des points de son parcours, elle ne présente la largeur des publicœ et régules viœ dont parle Lambert d'Ardres, à propos de la Leulène proprement dite.

3° M. Courtois a signalé le tracé d'un autre ancien chemin qui traversait aussi le canton de Guines, de l'est à l'ouest, conduisant de Therouanne à Wissant. C'est un chemin vert, souvent intercepté, qui entre dans l'arrondissement de Boulogne à Hocquinghen, sur le tinage de Bainghen, il arrive directement du Haut-Loquin par le Breuil de Surques. Il traverse ensuite les communes d'Herbinghen, Alembon,sHermelinghen, Fiennes, Caffiers, pour entrer dans le canton de Marquise à Landrethunle-Nord.

4° Du nord-est au sud-ouest, le canton est coupé obliquement par la voie romaine de Cassel à Boulogne, venant de Watten par Tournehem. Ce chemin, suivant l'opinion généralement adoptée, entre dans l'arrondissement de Boulogne à Cahem, sur Licques, passe à Eclémy, Alembon, Le Haut-Mont, puis descend vers la rivière de Colembcrt, au hameau de la Mairie, pour de là se rendre au Wast. C'était le chemin généralement suivi au moyen-âge par ceux qui voyageaient de .Boulogne à Tournehem.

5° J'ai indiqué ailleurs le vieux chemin du Pont-de Briques à Guînes par Wierre-Effroy, Rinxent et Fiennes.



CANTON

DE

MARQUISE

Le canton de Marquise, composé de vingt et une communes, s'appuie à la mer, entre les cantons de Boulogne et de Calais, par une ligne d'environ seize kilomètres de côtes, tantôt escarpées en falaises abruptes, tantôt formées de sables amoncelés sur la grève. Ses frontières, à l'est et au midi, confinent aux cantons de Guines et de Desvres. On y distingue deux bassins hydrographiques, celui de la Slack, qui, née à Hermelinghen dans le canton de Guînes, longe ou traverse les communes d'Hardinghen, Réty, Rinxent. Marquise et Beuvrequen, pour se rendre dans le port d'Ambleteuse; et celui de Wissant ou de Tardinghen, dont les petits cours d'eau versent directement à la mer.

Comme démarcation politique, le canton de Marquise ne représente aucune juridiction anciénne qui y soit prédominante. Les communes dont il se compose ont appartenu, en effet, aux bailliages de Wissant et de Londefort, aux doyennés de Boulogne, de Wissant et de Marck; mais toutes, à l'exception d'Hervelinghen, faisaient partie du Boulonnais.


Comme toutes les localités qui sont assises à l'embouchure d'une rivière de quelque importance, Ambleteuse, par son port, se réclame d'une haute antiquité. M. Terninck affirme qu'on y a trouvé des silex taillés dans les dunes. Pour moi, je sais que le Musée de Boulogne en a reçu, le 12 décembre 1828, une médaille gauloise, qu'on a qualifiée anglaise, et dont je voudrais pouvoir signaler encore la présence dans les vitrines de cet établissement. On n'y a jamais perdu de vue la statuette en argent de Mars Gradivus, qui y est entrée le 15 mars 1839 avec 28 bronzes de Tacite, 108 de Florien, et d'autres de Lélien, Postume et Gallien. Ces objets, avec plusieurs qui ont pris une autre direction, ont été trouvés en mer dans les rochers qu'on appelle La Langue de chien. L'année suivante, les administrateurs du Musée avaient la satisfaction d'enregistrer d'autres trouvailles c'était une coupe en argent, de forme simple, sans ornement, et deux cuillères (10 janvier 1840); mais j'ai ouï dire à feu M. Demarle qu'on avait eu le chagrin de ne pouvoir se procurer un grand bouclier d'argent ciselé (1), qui fut soustrait pour être fondu par la cupidité de quelque marchand d'or. Le patriotisme français s'offense également de savoir que l'objet le plus joli qui provienne de ces découvertes,ait traversé la Manche et soit aujourd'hui conservé au Dritxsh Muséum, où il est connu sous le nom cle Vase d'Ambleteuse. C'est une sorte d'aiguière, à panse sphérique, dont le long col se termine par un anneau. Un dauphin part de cet anneau et s'appuie, en guise d'anse, sur l'épaulement de la panse, qui était émaillée. M. Alfred Darcel, qui l'a fait dessiner pour la Gazette des Beaux-Arts en 1867 (1), (1) Les pêcheurs de crabes qui avaient fait cette découverte, attribuaient à ce bouclier les dimensions d'une porte de four.

(2) du 1er mars 1867, p. 272.

AAIBL.ETEUSF.


en donne une description technique à laquelle je renvoie le lecteur. Qu'il me suffise de dire ici que l'auteur y voit, non le produit de l'art grec ou romain, mais une œuvre appartenant à l'in ^ustrie des sociétés barbares que les conquérants romains trouvèrent sur le sol de la Gaule et de la Bretagne. Outre ces témoignages positifs de l'archéologie, il y a ceux qu'on peut tirer des textes historiques. En effet, au rebours de toutes les localités qui se disputent, exclusivement l'une à l'autre, l'honneur d'avoir été le port Itius, Ambleteuse joue dans l'expédition de César un rôle indiscutable. Si le Portus Itius est à Boulogne, Ambleteuse est le port ultérieur, où César avait mis sa cavalerie pour la faire profiter des pâturages abondants qu'offrait la plaine de la Slack, les pres de Marquise et des Partements si f.u contraire, par impossible, le Portus Itius était acquis à Wissant, Ambleteiide deviendrait le port citérieur et conserverait, àcc; titre, le droit d'être toujours nommé dan? les récits de la conquête de la Grande Bretagne.

Outre son port, Ambleteuss avait sa rade, nommée Ja rade Saint-Jean, abritée au nord par le cap Grincz, au sud par le promontoire Itius, ou cap.d'A'preck. On l'appelait au VIle siècle la rade, ou le golfe à'Ampleat, dont le nom lui était commun avec celui de la ville; car Ampleat, ou Anifleat, est évidemment la forme primitive, d'où est dérivé le no d'Amblcteuse(AwWctoue, Anabletue, ou Ambletecoa), que nous trouvons dans les chartes du XIIIe siècle. Ce golfe (sinus maris quivocatur Amfleat) est resté célèbre dans les annales ecclésiastiques par le naufrage qu'y fit l'abbé Pierre, un des compagnons de l'apôtre Saint Augustin de Cantorbéry, en l'an 606 de l'ère chrétienne (1). Les habitants du lieu, ignorant sa qualité, le mirent sur le rivage dans une sépulture vulgaire, comme un inconnu. Mais des lumières merveilleuses qui apparurent sur son tombeau donnèrent l'éveil sur la sainteté du personnage, et l'on s'empressa d transporter son corps dans la ville de Boulogne, où il reposait eucore avec célébrité, pendant le XI" siècle, dans l'église des (1) Bède, Hist. eccles. gent. angl., lib. I, cap. 33.


chanoines. Aujourd'hui, le seul fragment qui reste de ses reliques est conservé dans une chapelle dite de Saint-Pierre, érigée par les soins de M, l'abbé Hamy, au-dessus d'une fontaine que la tradition prétend avoir jailli au lieu où le saint abbé de Cantorbéry fut primitivement inhumé. On faisait sa fête à Boulogne le 29 décembre, et l'on y célébrait, en outre, celle de son élévation le 21 juin (1).

Renaud de Dammartin, comte de Boulogne, a fait d'Ambleteuse une ville de loi, ou commune légale, en 1209. Nous avons la charte qu'il donna aux habitants M. Ern.Hamy en a retrouvé le texte dans les manuscrits de Duchesne, à la Bibliothèque nationale (2).

La commune d'Ambleteuse y est constituée selon les usages et les coutumes de celle de Boulogne. Il y a cependant quelques articles particuliers. Les trois premiers concernent le droit de vaine pâture dans les dunes, dunœ nostrœ a ponte dictœ AmblcletDce usque apud Audreselle. Il est défendu sous peine d'amende d'y couper les oyats, oyacum, qu'on y plantait déjà pour arrêter la marche des sables. Renaud se fait de cette concession un revenu pour une vaohe,six deniers, même somme pour un cheval, un denier pour un porc, une obole pour une brebis. Si quelqu'un ne paie pas, le bétail sera confisqué.

Renaud concède des terres pour bâtir. Chaque contenance doit comporter six-vingts pieds de long, sur quatre-vingts pieds de profondeur,à charge de payer comme redevance un demi poqnin d'avoine et deux poules (art. 4).

Les habitants auront la liberté de brasser en tout temps on était alors en avance sur le XIX" siècle et de faire du pain blanc et du pain bis (album panern et nigrum) à leur volonté. Seulement, les brasseurs devaient payer un sou de redevance chaque année, à la Purification (art. 5 et 6).

Il y avait alors des pêcheurs à Ambleteuse. Le comte les assujettit à lui payer cinq sous par an, à la Saint-André, moyen(1) Breviarium Eccles. B. M. Bol., ms de la bibliothèque comm. ^2) Ms. n' Lxxviij, p. 288.


nant quoi leurs barques sont affranchies de tout autre impôt (art. 8).

Les hommes de la commune ne paieront point de tonlieu (art. 7); ils seront exempts de corvée, de service militaire et de fourniture de chevaux, excepté quand ceux de Boulogne iront à la guerre et devront équiper de la cavalerie (art. 11). D'autres dispositions,très sommairement énoncées,concernent t les obligations,les créances et les contrats,dont le comte se porte garant(art. 9 et 10); et comme il n'y avait pas de commune possiblesans foire et marché,Rénaud accorde à ses hommes d'Ambleteuse (art. 12), un marché hebdomadaire, le jeudi, et une fête annuelle, du 28 juin au ler juillet (1).

Quiconque aspirait a été bourgeois d'Ambleteuse, il lui fallait demeurer un an dans la ville (art. 13).

Les témoins de cet acte ont été Guillaume de Fiennes, Gui Deschamps, Ansel le Boutillier, Gui de Bellebrune, Ansel de Longvilliers, Eustache le Moine, Homfroi de Hambreucq, Pierre de Bournonville. le sénéchal Morsel, et plusieurs autres (2).

Par suite de son érection en commune, Ambleteuse fut dès lors le chef-lieu d'une vicomté, pour la perception des droits de douane sur la navigation ou le commerce local. Ces droits avaient une certaine importance pendant le XIIIe siècle, car le 3 février 1285, Robert VII, comte de Boulogne, les engage pendant cinq ans à maître Adam Fotebi, chanoine de Saint-Martin de Londres, pour le rembourser, capital et intérêts, d'une somme de 1,000 livres qu'il lui avait avancée durant son expédition de Sicile (3).

La perception du vicomte d'Ambleteuse s'étendait, il est vrai, sur le port d'Audresselles; mais le comte en excepte les garent nes, le passage et le lagan, la haute justice et les amendes « supérieures à 60 sous. Plus tard, sous la comtesse Jeanne de (1) La foire d'Ambleteuse a lieu aujourd'hui fe 25 octobre et nedureplus qu'un jour.

(<J) Bulletin de la Soc. Acad. de B., t. I, pp. 1-40-144.

(3) Chartes d'Art., A 31.


Boulogne, la vicomté d'Ambleteuse, était affermée à Jehan Haussaire, pour la somme annuelle de huit vingts livres. A cette époque, c'est-à-dire en 1340, Jehan deLaittre et Perron de Quarli, cenciers des moulins d'Ambleteuse, payaient annuellement à la comtesse un droit de 68 livres, 6 sous, 8 deniers. Je parlais tout à l'heure de la garenne d'Ambleteuse. On nommait ainsi les dunes de Slack,au-delà de la rivière, faisant partie maintenant de la commune de Wimille. Il en est question en 1268, dans un accord passé entre le comte Robert VI et Guillaume, son frère, archidiacre de Liège, sous le nom de « la garane qui est outre l'eawe devers Bouloigne (1). > La comtesse Marguerite et Jeanne sa fille y entretenaient un sergent qui recevait quinze livres de gages annuels pour lui et sen vallet. » Les prés de le warane produisirent en 1338 trois « mulles de foin, tant petis que grans (2). »

Sous le rapport religieux, Ambleteuse en ces temps reculés avait une église,sous le vocable de Saint-Michel,dans le doyenné de Wissant. Le patronage appartenait en 1247 à l'abbaye de Samer, qui le rétrocéda à l'évèque de Thérouanne, des mains de qui il passa ensuite à l'abbaye d'Andres. L'église de Notre-Dame de Boulogne y possédait en 1208 quelques revenus. Il en était de mêmc de l'abbaye de Saint-Bertin, à cause de son prieuré de Beuvrequen. J'en parlerai sous ce mot.

Jusqu'au XVIIe siècle,le nom de cette localité n'a pas changé, tournant autour des variantes énumérées plus haut; mais à la fin l's s'y est introduite par euphonie, et l'on a dit Arnbleteuse, au lieu d'Ambleteue.

Les Anglais, quand ils eurent pris Boulogne en 1544, songèrent à faire d'Ambleteuse, ou Hambeltue, comme ils disaient, un port maritime et une ville de guerre, pour s'assurer plus facilement la possession du pays.De grands travaux y furent exécutés et de grands approvisionnements de toute nature y furent accumulés dans ce but. Un grand nombre de lettres dans le recueil (1) Archiv. nat., très. des ch., J 1124., n"3.

(2) Mém. de la Soc. Acad. de B., t. IX.


des State papers concernent ce port de Newhaven que l'on creusait alors à force de bras, en réquisitionnant tous les paysans de la contrée. On y construisit aussi des forts, pour la garnison, dont un en briques, nommé le Fort-Rouge, a laissé des vestiges consistant en un mur de 75 mètres de longueur. Tout cela tomba bientôt sous les coups de l'artillerie du roi Henri II, qui s'en rendit maitre le 25 août 1549, suivant le récit détaillé qu'en a fait un narrateur contemporain (1).

Délivré des Anglais, qui l'avaient écrasé en voulant le transformer, Ambleteuse ne retrouva plus ni son commerce, ni son ancienne prospérité. On en jugera par les revenus de sa vicomté qui ne furent affermés qu'à la somme de six livres, après plusieurs enchères, le 12 juillet 1550.

Il continua pourtant de jouir de ses priviléges, sauf de celui de faire « harencq blancq et sor que Boulogne lui contesta en 1555; et l'on y élut chaque année des maïeurs et des échevins qui comparaissent en toutes circonstances dans les assemblées politiques du ]iays. Les archives de Boulogne, à défaut de celles d'Ambleteuse qui n'existent plus, nous font connaître les noms de quelques-uns de ces magistrats Oudart Pacquentin (29 octobre 1575), Jehan Radenne (9 juin 1604), Vallentin Rémond, Regnauld Mannier, Leurin du Pon, Nicolas Le Cointe, cités dans le livre vert de l'échevinage (2), entre les années 1605 et 1618.

Malgré tous ces dehors, Ambleteuse n'était plus qu'un village. Son port mal entretenu ne donnait même plus leur libre cours aux eaux de la rivière, lesquelles s'accumulant dans la plaine et refluant du côté de Marquise y formèrent une sorte de lac sous lequel furent ensevelies pendant plusieurs années les prairies considérables qu'elle avait l'habitude de fertiliser. Le terrier de Notre-Dame de Boulogne, en 1666, parle de biens situés à Raventhun, qui se trouvaient contre les Marais du Lacq (3). (1) Annales boul., t. lI, p. 190.

(â) Reg. 1013 des Archiv. comm.

(3) Reg G. /5 du fuuds eccies. des arch. comm. Voir en outre. la Descript. topog. du Distr. de B., par les citoyens Delporte et Henry. in-8», Paris, an VI, p. 12, note.


C'est de là qu'est venu chez les habitants de ce pays l'usage de dire Ce Lacq, d'où l'on a fait le nouveau nom de la rivière, mot étrange, de physionomie presque allemande, et pourtant d'origine toute française, Ce lac, ou Selaque, devenu la Slacq 1 Le vieil Ampleat faillit deux fois se relever de ses ruines, et redevenir un Newhaven, ou nouveau port, d'abord sous Louis XIV, qui le visita en 1680, dans la compagnie de Colbert et de Vauban, et qui, en ayant trouvé la situation excellente, résolut d'y faire travailler (1); puis sous Napoléon I°r, qui le réédifia momentanément pour servir à ses projets contre l'Angleterre, en 1803; mais ce sont-là des résurrections que l'industrie et le commerce auraient seuls le pouvoir d'opérer Le port d'Ambleteuse restera cependant célèbre dans l'histoire du XVIIe siècle pour le débarquement de l'infortuné Jacques II, roi d'Angleterre, dépossédé de son trône par Guillaume d'Orange. Ce prince y aborda le mardi 4 janvier 1689, à trois heures du matin et logea chez M. de Chateau-Guillaume, commissaire d'artillerie, le duc d'Aumont le vint saluer pour le conduire à Boulogne (2).

C'était sans doute dans la maison nommée aujourd'hui le Gouvernement, ou dans celle dite de l'Ingénerie, qui rappellent le souvenir de l'ancien Etat-major de la place car, avant la Révolution, Ambleteuse était une place de guerre, à cause de sa Tour, armée de canons, qui protégeait ce rivage contre les incursions des ennemis. Le 13 août 1708, on empêcha les Anglais d'y débarquer.

En 1789, la population de la ville d'Ambleteuse se bornait à 75 feux. Elle n'en concourut pas moins aux élections du TiersEtat par quatre députés, qui furent Jean-Louis Ducrocq, Joseph Lavoine, Louis-Marie Delatre et Marc Radenne.

Elle compte aujourd'hui 663 habitants, sur une superficie de (1) Gazette de France, in anno.

(2) Voir Y Année lïist. de M. F. Morand, où cette date est discutée et fixée. D'après une note mate, attachée à la page 669 dans l'exemplaire de l'histoire do Calais de Le Febvre, de la Bibl. de M. Ern. Daseille, Jacques 11 fit présent à l'église d'Ambleteuse d'un soleil en argent avec ses armes gravées sur le pied et la devise, Hony soit qui mal y pense.


612 hectares; et elle fait partie du canton de Marquise depuis 1790.

Hameaux et lieux-dits historiques

Houpeventj anciennement Oupthen,ûef au xCamoisson, qui portaient le titre de vicomtes d'Oupehen, héritage, sans doute, des anciens vicomtes d'A mbleteuse.

2- Raventhun, hameau considérable, où l'abbaye d'Andres possédait un alleu qui lui avait été donné par un seigneur du nom de Walter, ou Gauthier. Manassès de Guines en 1091, l'évêque Jean de Comnines en 1122, le pape Calixte II en 1123, en confirmèrent la possession, que l'abbé Gislebert nous apprend avoir consisté en 40 journaux de terre avec des hôtes (1). C'est un nom qui n'a pas changé on lit Raventum, et Ravantum dans la chronique. L'abbaye de Notre-Dame de Boulogne y jouissait aussi de quelques terres et de quelques revenus en 1208.

AUDEMBERT

Tout au bout de la Fosse boulonnaise, au sud-est de Wissant, se trouve le village d'Audembert, assis au pied des escarpements du Mont-de-Couple; population, 304 habitants; superficie, 750 hectares.

On a déraisonné beaucoup sur l'ancienne forme et sur l'étymologie du nom de cette commune. La. vérité est qu'Audembert > s'appelait, au XIIe siècle, Hundesberch, qui signifie la montagne aux chiens, ou aux chasseurs.

En 1183, un seigneur laïque nommé Etienne de Wime, qui tenait l'autel de ce lieu en fief de l'évoque Didier de Thérouanne> le donna au chapitre, ce qui fut confirmé par une bulle d'Innocent III, de l'an 1205 (2). En vertu de cette libéralité, les chanoi(1) Chron. Andr., p. 785, 789, etc.

(2) Cartularium Morinense.


nes de Thérouanne jusqu'en 1570, et ceux de Boulogne, leurs successeurs, jusqu'à la Révolution française, nommèrent à la cure d'Audembert, quittait dans le doyenné de Wissant. Un de ses curés, dans le cours du XVIII" siècle, Jean-François du Sommerard, mort à Boulogne le 11 octobre 1814, a été honoré du titre de doyen, par commission du 18 mai 1791, en remplacement du curé de Marquise, révoqué. Du Sommerard étaitbachelier en théologie,et curé d'Audembert depuis le lOjuillet 1761.

La dîme d'Audembert appartenait pour « quatre jarbes de neuf » au prieur de Beussent, pour deux jarbes au chapitre de Boulogne, et pour les trois autres jarbes au curé.

Il y avait en 1725, comme partout ailleurs (j'oublie quelquefois de le dire) un maître d'école approuvé, qui s'appelait Jacques Molmy, et qui exerçait depuis dix-sept à dix-huit ans. La seigneurie d'Audembert, incorporée à celle de Fiennes, a suivi les vicissitudes de cette dernière.

En 1643, le chapitre de Boulogne fut obligé d'accorder une diminution au fermier de sa dime d'Audembert, à cause « du dégast fait par les gens de guerre l'année précédente. » La population d'Audembert, qui se composait en 1789 de 52 feux, envoya comme représentants, à Boulogne, pour les élections aux Etats-Généraux, les sieurs Delatre de Noirberne et Dausque, habitants de cette paroisse.

Hameaux et lieux-dits historiques.

Il convient ici de parler avant tout du Mont de Couple, ou Mont de Couppes, l'une des trois boules du pays de Boulenois, dont l'altitude est de 163 mètres. Je suis porté à croire que c'est le Mons Wonesberch, où s'arrêtèrent en 944 les chanoines de Boulogne qui-accompagnaient les reliques des saints abbés de Foutenelle, enlevées de leur église par l'autorité du comte Arnoul le Vieux (1). Mais ce lieu a des origines plus anciennes. En effet, M. Louis Cousin y a fouillé cinq mottes, ou tumulus, dont deux ont été reconnues pour être des monuments funéraires de l'époque celtique. On y a trouvé une hache en silex poli et (1) Art. SS. Boll., julii t. V, p. 298 n- 34.


deux poinçons en os, qui ont été déposés au musée de Boulogne après avoir été décrits dans un rapport adressé à la Société française d'archéologie, en 1865 (Congrès de Fontenai). Ces objets accompagnaient un squelette dont les jambes étaient repliées sur les genoux. Tout cela datait de l'époque gallo-romaine car on a recueilli dans la tombelle fouillée neuf monnaies des empereurs Néron, Domitien,Trajan,Commode et Constantin. Une découverte du même genre avait été faite à Audembert dans la première moitié du dernier siècle, suivant le témoi.gnage de Luto. Il y avait vu « une squelette entière, à côté de « laquelle étoit une sorte de sabre, une vieille armure, une « hache en façon de pique et quelques autres pièces de fer gas« tées de rouille (1). »

L'érudit antiquaire d'Ourscamp, M. Peigné-Del&court, qui a visité avec moi le rivage de Wissant et le Mont de Couple, m'a signalé sur le sommet de ce côteau des excavations de forme circulaire, dans lesquelles il voyait la trace d'anciennes habitations celtiques. M. Louis Cousin en a parlé d'après mes indication dans ses Excursions et fouilles de 1868 (2).

20 La Haye-Grare, ou plutôt la Haie-Guerard, aujourd'hui Les Grares, ancien rendez-vous de chasse.

Noirberne, contracté de. l'ancienne forme Nortbernes, ou Bernes du Nord, connu au XIIIe siècle, par deux de ses propriétaires Jehan li Courtois de Nortberne etRogier de Nortberne, mentionnés dans le terrier de Beaulieu. M. L. Cousin, qui signale deux mottes anciennes à Noirberne, en a fouillé une où il a trouvé des ossements accompagnés de fragments de vases en terre et en verre (3).

4o Noirmattre, fief aux Roussel de Préville, situé au hameau de ce nom, paroisse d'Audembert, dans la mouvance de Fiennes.

(1) Mém. mss., p. 153.

(2) N. vi, p. 12.

(3) Ibid, p. 13.


La Wambringue, ferme qui est appelée Wameringue, dans l'aveu de Fiennes de 1774.

La Vallée, ferme, où M. Parenty-Hamain, ancien conseiller d'arrondissement, m'a signalé l'existence d'une mansion romaine dont les ruines, consistant en débris de maçonnerie avec des fragments d'ardoises et de tuiles à rebord, sont situées dans une pièce de terre nommée Le Courtil Oderet. M. L. Cousin en a parlé sur mes indications dans ses Excursions etfouilles de 1868 (1).

Wareove, hameau nommé Walericove dans Tétatdes reve nus de la terre de Fiennes, dressé à la fin du XIIIe siècle, rouleau conservé aux archives départementales (2).

Ai~Di1lTG)~EN

Ce village est situé sur la pointe du Grinez, entre Audressel1.3S et Tardinghen. Il forme un plateau qui s'appuie à la mer par des côtes escarpées, sans cesse battues par les vagues et rongées par lesflots, l'on distingue plusieurs échancrures vulgairement appelées Cren. On y distingue le Cren-Mademoiselle, le Cren Poulet, le Cren-az-Œufs, le Cren-Barbier, etc. La première mention historique d'Audinghen, est celle qui se trouve dans la vie de Saint-Bertulphe, à propos d'un Breton nommé Electus, qui était venu dérober le corps de ce saint abbé pour le transporter en Angleterre, et qui l'avait caché dans lo village d'Otidigem ou Otidinghem (3). Il avait dérobé de même, dans l'église de Montreuil, le corps de saint Gudwal. Arnoul de Flandre l'ayant su, envoya l'évêque de Thérouanne Witfrid à la (l)Ibid.,pp. 13-14.

(2) A. 118, n- 5.

(3) Act. ss. Boll., Febr., t. II, p. 683. Act. 88. O. S. B., eod. loco.


recherche de ces saintes reliques, puis il les fit transporter à Gand, pour les y conserver avec plus de sûreté en 940. Le nom d'Audinghen se retrouve plus tard dans la chronique d'Andres, où nous avons déjà vu, en 1084, Guillaume de Odingehem.. cité pour des libéralités qu'il fit avec ses enfants, en faveur de l'abbaye, dans la paroisse de Campagne. Cet établissement religieux possédait, en outre, un moulin dans la paroisse de Odingahcm, dont le donateur, avant 1091, n'est pas indiqué (1>.

Haket de Odinghem ou de Hodingehem, comparaît comme témoin dans deux chartes de la comtesse Ide de Boulogne, de 1183 et 1186(2).

En 1224, l'abbaye de Licques y possédait une dîme, decimam in parochia de Hodingehem, dont elle jouissait encore en 1790. En 1226, Pierre de Odingehem, chevalier, prétendait que l'église d'Audinghen, cela veut dire le patronage avec les émoluments du personat, lui appartenait à l'encontre de l'évoque de Thérouanne. Une sentence arbitrale, prononcée le 17 octobre par les abbés de Notre-Dame de Boulogne, de Samer et de Saint-Wulmer, prononça que l'église appartenait à l'évêque (3). Plus tard, mais je ne saurais dire à quelle époque, ce patronage échut à Notr e Dame de Boulogne, pour faire de nouveau retour àl'évêque en 1570. Le chapitre de cette ville y conserva, jusqu'à la Révolution, des dîmes, des censives et même quelques fiefs, dont il avait hérité de la même abbaye, qui y avait des terres et des hôtes en 1208, et même probablement dès l'an 1129 (4).

En 1255, l'abbé de Notre-Dame de Boulogne suppliait le comte de Poitiers, Alphonse de France, frère de Saint-Louis, de vouloir bien délivrer à l'abbaye la somme qu'il lui avait promise pour la fondation d'un cierge. On comptait sur cet argent pour (1) Chron. Andr.. pp. 784, 785, 789, 793.

C2} Chartes de Licques; chron. Andr., p. 820.

(3)Cart. Moriu.

[i) Cart. de N.-D. de B., comment. top., n- 34.


payer une terre de douze livrées qu'on venait d'acquérir à Odingaehem (1).

L'église d'Audinghen est un édifice assez considérable, avec une tour octogonale assise sur la croisée du chœur et des transsepts. C'est un édifice dont il est difficile de déterminer le caractère, à cause des nombreuses réparations qu'on lui a fait subir. Il mesure 43 mètres de longueur sur 8 mètres de largeur. Les transsepts présentent un développement de 25 mètres. Dans une notice publiée en 1839 par la Gazette de Flandre et d'Artois, M. l'abbé Parenty attribuait au XIV° siècle la construction de la partie la plus ancienne de l'église d'Audinghen (2). Plus tard, le docte antiquaire s'est ravisé; et une note prise par lui sur les lieux le 19 septembre 1850, dit que le chœur est du XVIe siècle; mais qu'il y a quelques traces du style roman de transition dans l'intérieur du campanile, au-dessus de la voûte du clocher.

On y remarque, au dehors, des restes de machicoulis. C'est que cette tour et cette église étaient une forteresse, dans laquelle la population d'Audinghen fut prise d'assaut et inhumainement égorgée par les bandes anglaises qui couraient le pays, durant les guerres du XVIe siècle. La tradition locale a gardé le souvenir de cet événement mais en voici le récit authentique d'après le manuscrit n° 52 de la bibliothèque de Lille « Les Anglois sont ung jour allet environ deux mille hommes « de pied, et trois ou quatre cent chevaulx avecq artillerie, « assiéget l'église de Audinghem, en laquelle y avoit environ « quatre-vingtz et huict hommes boullenisiens, laboureurs et « gens du village, et est entre Boullongne et Callais, à trois « liewes de Boull6ngr)es; ils se sont vaillamment déffendu plus de six heures, tellement qu'ils tuèrent ung gentilhomme anglois, et plusieurs aultres; en la fin, ils se rendirent la vie « saulve, les Anglois les ont pilliés et tous despouilliés, puis les « cappittainnes ont dit Messieurs, quant à nous, qui vous « avons prins à merchi, nous vous laissons la vie saulve, mais (1) Teulet, Layettes du Trésor des Chartes, t. III, p. 224.

(2 du 20 avril.


« quant aux gens de guerre nous ne nous en meslons point. « Tellement que le bruict court en ceste ville de Saint-Omer, que « les piettons entrèrent dedens icelle église et tuèrent tous ces « povres paisans sans en eschaper ung seul aulcunes femmes « entrèrent par une verrière pensant saulver leurs maris et « enffans, mais autant qu'il y en entra furent touttes tuées; « quatre prebstres estans là dedens, ils leurs coppèrent les « doibz sacrez et les coronnes, puis après les gorges. La fureur est si grande les ungz contre les aultres que c'est horreur « d'en ouyr parler (1). » Presque toutes ces expéditions étaient faites par la garnison de Guingnes, qui avait ordre de tout tuer, « hommes femmes enfants; » et dont les soldats prenaient plaisir à torturer leurs prisonniers en leur tirant « les langues hors des corps, pour les renvoyer ensuite. Ils avaient pris un jour quatorze femmes qu'ils avaient tuées à l'exception d'une qui était enceinte; mais la consigne était si sévère que l'Anglais qui se rendit coupable de cet acte d'humanité, « fut pendu sur le marché de Guingnes (2). » On jugera par là du reste. Le siège de l'église d'Audinghen, dont je viens de parler, dut avoir lieu au mois de février; car la lettre du narrateur, qui en parle comme d'un fait récent, est datée du 7 mars 1543, et encore faut-il observer que ce chiffre désigne l'année 1544, parce qu'on était alors avant Pâques.

Ce fut, à n'en pas douter, l'église actuelle qui en fut le théâtre et qui en souffrit les conséquences, ayant été incendiée en partie et dévastée par un ennemi sans pudeur. On la repara comme on put; le peuple était pauvre et le clergé manquait de ressources. Dans les années qui suivirent, et presque durant un siècle, la cure d'Audinghen fut en commende. Le dernier de ses curés commendataires mérite d'être ici nommé c'était Noël Gantois chanoine, archidiacre et grand vicaire de Boulogne. Plus tard, au XVIIIe siècle, un curé d'Audinghen, qui était du diocèse d'Amiens et gradué en théologie, Jacques Ringot, installé le 13 (1) Bulletin de la Soc. des Ant. de la M., t. 11, 18&4, p. 123. (2) Ibidem.


juillet 1730, fut commissionné doyen du district de Wissant le 19 juin 1740, et devint curé de Samer en 1745.

La seigneurie d'Audinghen appartenait dans le derner siècle à la famille Du Wicquet d'Ordre qui paraissait la tenir comme une dépendance directe de la baronnie de ce nom. C'était le plus beau fleuron de leur couronne féodale; car aucune paroisse n'était aussi florissante, à cette époque, sous le rapport de l'agriculture.

Ce village, qui compte aujourd'hui une population de 625 habitants sur une étendue territoriale de 1333 hectares, avait 132 feux en 1789 et il. envoya à l'assemblée électorale de Boulogne deux délégués, qui furent Antoine Daudruy, et Charles Hamerel. Ce dernier fut l'un des quatre citoyens que les électeurs du district de Boulogne envoyèrent le 30 juin 1790 à Arras, pour y former avec les élus des autres districts, l'administration départementale. Quant à son collègue, il eut un sort bien différent car Jean-Jacques Daudruy, son frère, ayant été arrêté pour avoir dit dans un cabaret « buvons à la santé de la nation et du « Roi, et s'être écrié deux fois en pleine rue, Vive le Roi, fut guillotiné à Arras le 29 frimaire an II (19 décembre 1793). Cette famille Daudruy est connue dans l'histoire du Boulonnais pour avoir donné à la judicature plusieurs magistrats et à l'Eglise plusieurs sujets, entre autres Maxime-Joseph, né à Boulogne, institué prieur de Rumilly le 14 septembre 1718, mort prématurément en 1734.

Au sortir de la tourmente révolutionnaire, Audinghen se distingua comme centre de la réaction religieuse dans le Boulonnais. M. Antoine-Marie Compiègne, qui y rentra clandestinement la veille de Noël de l'an 1795, avec le titre de missionnaire, y fonda, quelques années après, dans le dépendances du u presbytère,un pensionnat dont M. Delrue, réfugié a Warincthun depuis sa déconvenue de Wimille, devint le premier professeur. A M. Antoine-Marie Compiègne, que Mgr de La Tour d'Auvergne appela à Arras en 1806 pour être le supérieur de son Grand-séminaire, succéda son cousin, M. Louis-Michel Compiègne, en qualité tout à la fois de directeur du pensionnat et


de desservant de la paroisse; puis ce fut son frère, JacquesMarie-Louis-Jean-Baptiste, élève du séminaire d3s Trente-Trois, ancien vicaire de Saint-Nicolas de Boulogne (1). Le décret du 15 novembre 1811 sur le régime de l'Université l'ayant forcé de transférer son pensionnat à Boulogne, il y mourut le 19 juillet 1816, après l'avoir remis entre les mains de celui qui fut Mgr Haffreingue, à qui le village d'Audinghen s'honorera éternellement d'avoir donné naissance, le 4 juillet 1785.

Hameaux et lieux-dits historiques

Floringuezelle, hameau, désignant la sala, ou sele, c'est-àdire le manoir seigneurial, des nobles Saxons qui l'habitaient au XIIe siècle, d'après la chronique d'Andres, où parmi les noms des vassaux de la terre de Fiennes, on remarque de 1107 à 1160 ceux de Florent et de Tibolde de Floringesele, ou Florengeseles (2).

Une Capelle de Floringhezele est mentionnée dans le terrier de Thérouanne vers l'an 1400. Il n'en subsiste plus que des ruines près d'une fontaine dite de Saint-Biaise.

On y remarque une motte de 7 mètres de hauteur,sur 100 mètres environ de circonférence, qui paraît avoir servi à l'assiette d'un donjon féodal (3).

2° Framezelle, hameau, où se trouve aussi une motte de 10 mètres de hautsur 120 mètres de circonférence,accompagnée d'un retranchement en forme de croissant sur l'un do ses côtés (4), est l'ancien domaine où vivait au XIIe siècle Raoul de Fiennes, que Lambert d'Ardres appelle un très pieux serviteur de Dieu. La chronique d'Andres en parle deux fois, sous le nom de Flamersele (5) et cette ancienne forme du mot se retrouve dans le (1) Je donne tout au long cette généalogie des Compiègne, le premier, né à Lefaux, ancien vicaire d'Humbert et de Bourthes, chanoine honoraire, puis titulaire d'Arras, par brevet de Charles X, mort à Boulogne, le 9 novembre 1830 le second, ordonné le 2 juin 1798, mort à Audinghen, le 30 novembre 1811 le troisième, né à Lefaux, comme le premier, rentré missionnaire en 1795 dans les environs de Saint-Pol, et deux ans après dans la Lasse ville de Boulogne.

(2)Chron. Andr., pp. 787, 796, 810.

(3) Henry, Essai hist. pl. II. n'g. E, indique deux mottes en forme de tumulus. au ham, dp Floringuezelle.

(4) Voir Henry, Essai hist. pl. II, Og. G.

(5)lbid., pp. 830, 861.


nom patronymique de la famille qui hérita de cette terre. Les chartes d'Artois nous font connaître, en effet, Thomas de Flameseles, châtelain d'Eperlecques en 1301 (1).

Il y avait une chapelle de Framezelle, en titre debénéfice,sous l'invocation de Saint-Sébastien, située près de l'ancienne motte, au lieu-dit la Capelle. Elle était à la nomination de l'abbé de Beaulieu, ce qui donne à penser qu'elle a été fondée par les seigneurs de Fiennes. Parmi ses titulaires, au XVIIIe siècle, je remarque l'abbé Abot de Bourgneuf (Jean), 22 juin 1704 Joseph et François de Madot, neveux de l'évèque de Belley Nicolas Watteblé, vicaire général de Mgr de Pressy, etc. Le chapelain de Framezelle jouissait, pour un tiers, de la dîme de Rinxent.

3° Le Grines, ou Gris Nez, est le nom du cap, ou promontoire situé au nord du village, à l'endroit s'élève aujourd'hui le phare qui sert à guider les navigateurs. On l'appelle Swartenes, ou la noire pointe, dans le portulan hollandais qui porte le titre de Miroir de la mer (2). Les Français du XVIe siècle le désignaient sous le nom de Blacquenay, ou Blacquenest, avec la même signification, ce qui a donné lieu à plusieurs de le confondre avec le Blanc-Nez, son voisin. Les Anglais voulurent faire du Grinez, pendant l'occupation de Boulogne, une position stratégique; et à cet effet ils y construisirent un fort qu'Henri II leur reprit le 26 aoùt 1549, malgré les vingt-cinq canons qui en défendaient l'approche. On voit encore les ruines de ce fort, sur la pointe du Grinez, près du phare. Les Français le gardèrent quelque temps avant de le démolir; et nous voyons que • Jehan de Sainte-Marye, cappitaine de notre chasteau et fon de Blacquenay près Ambleteuil, » reçut du roi, en récompense de ses services, la jouissance de certain moulin à vent et d'une brasserie à bière, scituez au dehors joignant et contigu le dict fort de Blacquenay que les Angloix, lorsqu'ils occupoient le dict fort, avoient fait édiffler (23 juin 1550). »

Le Hamel, dont la dîme avec celle d'Attinghem, avait été (1) A 166.

(2) Zee Spiegel, Am&lprdam 1660 in-fol.


donnée à l'abbaye de Licques par Gilles du Hamel en 1259, sous l'approbation de Haket de Odinghem en juillet 1260. 5° Haringueselle, que la prononciation populaire contracte souvent en Ringuezelle, est un hameau dont je n'ai pas trouvé le nom avant l'an 1480, où le terrier d'Andres le mentionne comme point d'aboutissement d'une rue qui vient de Calais. Haringuezelle est, en effet, situé à l'extrémité du village d'Audinghen, du côté d'Audresselles, sur le chemin de grande communication qui relie les uns aux autres, de Boulogne à Calais, tous les villages de la côte.

6° Locquinghen, hameau, où l'abbaye de Notre-Dame possédait une terre (in LokingehemJ, en 1208.

Onglevert, anciennement, danslecartulairé de Notre-Dame, Hungrevelt (1208), a des homonymes en Alsace où l'on trouve deux Hungerfcld (1), et en Brabant où M. Chotin indique Hongerveld (2), qu'il interprète par lé champ de la famine. Todincthun, mot qui offre une frappante analogie avec son similaire anglo-saxon de Toddinglon dans le Bedfordshire, s'appelle Tudingetuna en 1208 dans les chartes de Notre-Dame. Warincthun, jolie résidence, où M. Delrue se fit précep.teur en chambre, en attendant la fondation du pensionnat d'Audinghen. Je crois que ce nom répond au Wadingetuna des chartes de Notre-Dame, en 1208. Le compte de Beuvrequen de 1491 parle d'un chemin qui conduit de Waudingthun à Honglevet, qui ne peut se rapporter au hameau de Wadenthun de StInglevert.

10° Waringuezelle, que je n'ai pas trouvé cité avant l'an 1456, et qui est qualifié village dans- un acte notarié de 1583. Anselme de Parenty, était seigneur de Waringuezelle, au XVII* siècle. 11° Watermelle, ou Watremelle, cité sous le nom de Wattremœulle dans le terrier d'Andres de 1480, était dans la mouvance de Fiennes. On interprète ce nom par celui de moulin à eau c'était peut-être là le moulin que Foubert de Zeltun donna à l'abbaye d'Andres en 1084.

(1) Stoffel, Dict. top. du Haut-Rhin. p. 83.

2) Etudes étym., p. 90.


Je n'ai pas eu jusqu'ici l'occasion de dire qu'on a trouvé en 1836, à Audinghen, une médaille de Gordien, qui est au Musée. Il y a vers le centre du village, au lieu nomméle Catelet une motte d'environ 7 mètres de haut sur 100 mètres de circonférence (1). Elle n'est point environnée de fossés. Ce doit être la motte seigneuriale où Haket d'Odinghem avaitson donjon.

AUDRESSELLES

Audresselles, anciennement Odersele, est un village de pécheurs, bâti près de la mer, au fond de la rade Saint-Jean, au nord d'Ambleteuse et au sud d'Audinghen, dont il a dépendu comme annexe paroissiale jusqu'au 30 juin 1651. Il renférme une population de 513 habitants sur une étendue territoriale (le 538 hectares, et fait partie du canton de Marquise depuis 1790. Le seigneur qui y régnait au milieu du XII- siècle, bien qu'il fût sujet du comte de Boulogne, avait servi sous le comte Manassès de Guînes et quand il fut avancé en âge, touché de dévotion, il se fit religieux dans l'abbaye d'Andres à laquelle il fit don de son domaine, avec la maison qui lui appartenait, des terres, des hôtes et une chapelle érigée en l'honneur de la Ste Trinité et de Marie, mère de Dieu, le tout situé, dit la chronique, dans le petit village d'Audresselles (viculum Odersele) assis au cœur de la mer. Cette donation était faite pour le repos de l'âme de son père Gaufrois, et de sa mère Adhennis; et comme il n'avait pas d'héritiers directs,il voulut néanmoins laisser unepartie de ses biens à ses neveux,ce dont l'abbé Guillaume le loue et l'approuve comme ayant fait en cela un acte de discret et de sage dispensateur (2). Milon I, évèque de Thérouanne, confirma ce (1) Renseignements transmis à la Soc. d'agr. de Boulogne, en 1862, par M. Pareuty, maire d'Audinghen.

(2) M. H. de Rosny, dans son Histoire du Boul., t. II. p. 49, dit que ce fut Milon qui enjoignit au testateur de laisser une partie de ses biens à ses neveux. Le texte de la chronique d'Andres ne donne point matière à cette interprétation. Voyez Mir. I, p. 536


don par une charte que la chronique date de 1150 et qui doit être postérieure de quelques années puisque l'abbé Guillaume nous apprend que le fait eut lieu sous l'administration de l'abbé Grégoire, élu au plus tôt en 1157. Je proposerais de lire 1160 et de rapporter l'acte à l'épiscopat de Milon II (2). Je ne sais point expliquer pourquoi la bulle d'Innocent III, du l01' janvier 1209, donne à ce Gui d'Odersele, le surnom de Gui Deulesoge qui ne se retrouve point ailleurs, et sur lequel je n'ose rien appuyer, n'étant pas sûr de la parfaite correction du texte (3).

L'abbaye de Notre-Dame de Boulogne possédait aussi àOdresselle, des terres et des hôtes qui lui appartenaient d'ancienne date; car on les trouve déjà mentionnés dans la charte de Jean de Commines, de 1129. Elle en jouit jusqu'à la Révolution. En 1341, les archives des comtes d'Artois font mention d'un bateau d'Audresselles, nommé le Sainte-Marie, qui paya quelque redevance à la boîte de Calais (1). Cela prouve que ce petit port avait alors sa marine. Nous avons vu plus haut qu'en 1285 il dépendait de la vicomté d'Ambleteuse.

Il y a lieu de croire que l'industrie de la pèche y fut quelque temps fort prospère. J'ai vu dans les papiers de la famille Dupont du Colombier un arrêt du parlement, daté de 1619, où il est parlé d'un chemin poissonnier par où les rouillers et chassemarées passaient cent ans auparavant pour transporter à SaintOmcr les produits de la pêche des marins d'Audresselles. On y constate que cette localité, qui n'était plus alors qu'un village, avait été jadis un port de mer et une république, sans que je sache bien dire ce qu'on entendait par ce dernier mot, désignant sans doute l'indépendance de l'administration locale.

On remarquaitàAudresselles,du temps de Luto,un souterrain qui avait son entréeversla mer,dans la falaise,et qui conduisait, dit on,plus d'un quart de lieue sous terre. L'auteur prétend qu'il (1) Chron. Andr., pp. 809-810.

(2) Ibid., p. 846.

(3) A. 60:», t. II, p. 36, de l'Inventaire.


servait de retraite aux paysans qui y sauvaient leurs meubles et leurs bestiaux, au temps des alarmes (1). »

L'église d'Audresselles, sous le vocable de Saint- Jean -Baptiste, est un édifice sans caractère, dont la tour seule, carrée, massive et très élevée, bâtie entre le chœur et la nef, a conservé son ancienne voûte en briques. quelques-uns pensent y trouver quelques traces de l'architecture du XIIe siècle. Elle était annexée comme secours à la cure d'Audinghen mais Mgr de Perrochel l'en détacha en 1651 pour l'ériger en paroisse indépendante, comme je l'ai dit plus haut.

Dans le cours du XVIIIe siècle, il y avait encore un grand nombre de marins dans le port d'Audresselles. On conserve dans les archives de la ville de Boulogne nn état de répartition, où se lisent les noms de dix-sept chefs de famille, inscrits pour recevoir chacun un certain nombre de parts, lors de la distribution qui fut faite en 1768 d'un secours accordé parle gouvernement aux pécheurs de la côte, à la suite d'une campagne excessivement infructueuse (Liass 939).

Audresselles avait en 1789 115 feux, et il envoya comme députés à Boulogne, pour les élections aux Etats-Généraux, JeanBaptiste Beauvois, syndic, et Antoine Delatre, entrepreneur. Le port d'Audresselles est resté ouvert à la pèche, qui occupe une certaine partie de la population. De grands projets se sont agités, il y a quelquesannées, en vue de la création d'une station maritime en cet endroit, pour les relations internationales de la France avec l'Angleterre. Ces projets ont amené la publication de nombreuses brochures dont la possession fera dans cent ans la félicité des bibliophiles.

Hameaux et lieux-dits historiques

lo Ferquen,ferme déjà citée en 1402.

La Salle, ferme, anciennement au chapitre de Boulogne, déjà connue aussi en 1402.

3o Selles, ferme, où l'on a trouvé vers l'an 1854 trois vases en terre grise et des monnaies, probablement de l'époque romaine, (1) Ern. Deseille, Le Pat)è Boul., p. 1§.


sur le bord d'un fossé. L'abbaye de Notre-Dame y possédait en 1208 une terre et des censives, mentionnées sous le nom de Seilesdans la bulle du pape Innocent III.

4° Zutphen, hameau. Le terrier d'Andres de 1480, parle de la rue qui mène deZutfen à Audresselles.

SF1~1NGHEN.

La commune de Bazinghen (322 habitants, 1,321 hectares) est située sur une éminence entre Marquise et Audinghen.C'est certainement un des plus anciens villages du Boulonnais. On y a trouvé des antiquités romaines, sur le haut de la colline, et il en reste une soucoupe en terre rouge dite de Samos, au musée de Boulogne (14 février 1834). Cet établissement a reçu, en outre, le 10 juillet 1835, des médailles romaines qui proviennent du bas de la montagne. Beaucoup d'autres objets, on me l'a dit, ont été brisés ou dispersés par les ouvriers.

Je parlerai plus loin des tombelles celtiques qui y subsistent encore mais je dirai tout de suite qu'on a rencontré dans les champs, au lieu ditle Buisson-Pouilleux, versl858,des ossements calcinés qu'on a transportés dans le cimetière. Dans un autre endroit,nommé Les Hoddes on a retiré d'autres ossements d'une espèce de caveau dont les murs étaient noircis (1), ce qui indiquerait une ancienne sépulture gauloise d'incinération. Enfin, M. C. Courtois, élève ingénieur des constructions navales, a signalé en 1867 à la Société Académique de Boulogne, un gisement de haches en silex poli, qu'il avait découvert sur le territoire de cette commune (1). Je ne sais ce que sont devenus ces objets, après la mort prématurée de celui qui les avait recueillis.

(1) Rapport adressé à la Soc. d'Agr. de B., par M. Courtois, maire de Bazinghen, en 1862.

(1) Bulletin de la Soc. Acad. de B., t. I, p. 301.


Au commencement du XIIe siècle le nom de la paroisse de Basingahem scmontve associé àceluide la paroisse d'Odingahem, ou Audinghen, sa voisine, pour des biens que Charles le Bon, comte de Flandre, y confirme à l'abbaye d'Andres sans en donner le détail (1). L'acte, qui est sans date, flotte entre les années 1119 et 1127, limites du règne de ce prince. Le nom de Basingahem, une fois ainsi énoncé, se retrouve, comme nom de fief, pendant plus de soixante ans, sur la tête d'un noble seigneur dont parlent simultanément les chartes d'Andres, de Licques, de Samer, de Saint-Bertin et de SaintJosse (2). Je veux parler de Roger de Basinguehem, qui, avant l'an 1164, a donné à l'abbaye de Licques une terre située à Lottinghcn, pour le repos de l'âme de son frère Guillaume. Il signe en 1173, sous le nom de Roger de Basingehatn, une charte de Saint-Josse il assiste comme témoin à une charte donnée par la comtesse Ide a l'abbaye de Saiute-Austreberthe de Montreuil en 1188; il est présent à la donation de la dîme do Lan drethun, faite à l'abbaye d'Andres par Ingelram de Fiennes et il engage lui-même en 1189 sa dîme de Sdives à la même abbaye, pour l'espace de cinq ans (3). Sa valeur le porta à se joindre, la même année, suivant le témoignage de Guillaume d'Andres, aux seigneurs français qui s'enrôlèrent pour la troisième croisade, et il partit pour la Terre-Sainte dans la compagnie du comte de Flandre et de Richard Cœur-de-Lion (4). Ce fut sans doute à cette époque qu'il vendit à l'abbaye de Samer, sa dime de Bazm ghen, dont cet établissement a joui jusqu'en 1790.

Roger de Bazinghen vivait encore en 1325. Nous avons de lui deux chartes par lesquelles il reconnaît aux religieux de SaintBertin et à leurs tenanciers de Beuvrequen, le droit de prendre à certaines conditions, les eaux de la rivière d' Hondecote(\& Slack) pour faire l'irrigation de leurs prairies,soità l'amont du moulin (1) Chrou. Andr., p. 803.

(2) Il est probable qu'il y a eu deux Roger dé Bazinghen. L'un épousa Béatrix de Markene (Lamb. Ard., cap. cxxxiii).

(3) Ibid., p. 8*0; Cart. de S. Josse, anno cit. Cart. de Samer, ne 9 Ann. Boul., I, p. 136.

(4;ibid.,p. 823.


de Lohem,soit au-dessous du gouffre dudit moulin, ce qui fut approuvé par sœur Ada (1). Cet acte, daté du 8 avril 1225, fut homologué au mois de juillet suivant par Renaud Galopin, sénéchal du Boulonnais (2).

L'église de Bazinghen, sous le vocable de Saint-Eloi, est un édifice dont le choeur et la tour ont été construits du vivant de Roger. Un christ en bronze, qie j'ai vu autrefois dans la sacristie, peut être celui sur 1-quel il a collé ses lèvres avant de mourir. M. J.-3, Richard, archiviste du département, a décrit en quelques mots les principaux caractères de cette église « Le « chœur, dit-il, est formé de deux travées, voûtées au XVe siè« cle(3), de voûtes ogivales dont les arcs s'appuient sur des culs « delampe(4); chacun de ses murs latéraux est percédedeux fe• nôtres à plein cintre, de même grandeur, séparées l'une de «l'autre (à l'intérieur) par une colonnette. La tour (entre le « choeur et la nef qui est de construction récente) ne présente « que des ouvertures modernes et est surmontée d'une toiture « octogone en charpente. Elle est construite en pierres taillées, « dont plusieurs rangées sont disposées en arètes de pois« son (5). » Cette tour renferme une cloche qui date de 1506. L'abbé de Samer qui possédait eu 1247 le patronage de l'église de Bazinghen, en fit cession à l'évoque de Thérouanne, Pierre de Doy, dont les successeurs le conservèrent jusqu'à la Révolution française. En 1596, le prieur de Saint-Pierre de Gand voulut réclamer ce droit, en prétendant qu^ Bazinghen appartenait au domaine de son abbaye. On lui prouva qu'il confondait Bazinghen-en-Boulonnais avec Boeseghem en Flandre (Ci). (1) Diplom. Bert., ms. n- 144 de la Bibl. de Boul., n- 51, 52,53. (2) Ibid., n- 54.

(3) La date de 1601, inscrite sur la clef, indique, je crois celle de la construction de cette voûte.

(4) Ces culs de lampe sont de style roman et appartiennent à la construction primitive, ils se composent de trois mascarons, surmontés d'une corbeille ornée de trois t'euilles d'acanthe.

(5) Bulletin de la Commission des antiq., t. îv, p. 273.

Va) Il faut, en effet, une grande attention, pour ne pas traduire Bazinghen et Tardingken, quand on lit, par exemple, dans une bulle d'Urbain III, Boesinrjhern et Terdighem (Mir. III, p. 63),


La terre et seigneurie de Bazinghen fut vendue par le baron de Rougy à Jacques Abot de la Cocherie, pour la somme de 22,000 livres,le 7 mars 1695. Elle consistait en une petite maison à usage de cabaret, située non loin de l'église, 5 mesures de terre, 61 mesures de prés dans les paroisses de Bazinghen, de Wimille et de Beuvrequen, un grand nombre de censives, tous droits utiles et honorifiques, haute et basse justice, etc. Le dernier bailli, nommé par François Abot, seigneur de Bazinghen, conseiller commissaire en la Cour des Monnaies, à Paris, a été François Martin, procureur en la sénéchaussée, résidant à Boulogne le dernier procureur d'office, Jacques-François Broutta fils, arpenteur-juré, demeurant au bourg de Marquise (1). Bazinghen, qui avait 58 feux en 1789, envoya comme députés à Boulogne pour les élections du Tiers-Etat, Pierre Boulanger et Antoine Leroy. Il appartient au canton de Marquise depuis 1790.

Hameaux et lieux-dits historiques

1° Le Bail, ferme, dont le nom d'après M. Chotin signifie une forteresse, un lieu entouré de palissades (2). On y voyait autrefois une motte, accompagnée au nord-est d'un retranchement demi-circulaire. Elle mesurait encore environ trois mètres de hauteur en 1862, avec un diamètre d'environ vingt mètres à la base. En y enlevant des terres pour la niveler de manière à la rendre propre à la culture, on y a trouvé des éperons, des lances et des monnaies, dont une en or, de Charles Quint. Guillaume du Balle était en 1297 au service du comte d'Artois (3).

Bertinghem, où se trouvait à la fin du XIIIe siècle un moulin dépendant de la seigneurie de Fiennes, estimé pouvoir produire un revenu de 30 livres par an (4).

La Caleuse,ferme, anciennement nommée Calleheuse (1583). (1) Fr. Morand, Les derniers baillis, etc., pp. 9-10.

(2) Etymon du Hainaut, pp. 72, 330.

(3'j Chart. d'Art., A 143.

(4) Ibid., A 118, n. 5.


4° Colinethun, ferme, Thomas de Collingetun est cité dans un titre du XIV' siècle.

L'Héronnerie, anciennement Nesclrehove, suivant l'énoncé topographique de la carte de Cassini. On y voit une tombelle, dans une pâture, au-dessous de la ferme. Elle est aujourd'hui peu apparente et n'a plus guère qu'un mètre et demi de hauteur sur 17 mètres de diamètre. Nederhove, d'après M. Chotin, signifie la ferme d'en bas. Jean-Jacques Le Camus, conseiller en la sénéchaussée de Boulogne, maïeur de la ville en 1638, était seigneur de Nesdrehove.

6° Noirbois, ou Nortbos, ferme citée en 1480 dans le terrier d'Andres. M. L. Cousin y a fouillé une motte qui se trouve dans le verger, et y a trouvé des tuiles, des fragments de poteries et des ossements (1).

7° Ostove, ou Otove, avait un ancien château, vaste construction en pierre, démoli depuis une soixantaine d'années. Les murs, surmontés de créneaux, avaient dix mètres d'élévation. L'abbaye de Notre-Dame avait des revenus à Ostove(m Ostova) en 1208.

8° La Parthe, ferme, appartenant jadis à la maison des chartreux de Neuville, qui en faisaient exercer la justice par un bailli, dont le dernier, nommé en 1764, était un marchand drapier,syndic de la paroisse de Neuville (2). La ferme de la Parthe fut vendue à la barre de la municipalité de Boulogne pour le prix de 70,800 livres, le 11 décembre 1790. C'est la première opération de ce genre qui ait eu lieu à Boulogne, d'après le docteur Bertrand (3). On y a trouvé, en labourant la terre, quelques objets d'antiquités sur la nature desquels je n'ai pu être éditié. C'étaient, m'a-t-on dit, des ferrements. »

9° Ricmaninghen, hameau, dont le seigneur, en 1209, revenant de Constantinople, fit remise à l'abbaye d'Andres de six deniers de rente annuelle qu'elle lui devait pour une terre située à Walricove dans la paroisse de Ferques. Il s'appelait Eustache (1) Excursions et fouilles de 1868, p. 14.

(2) Fr. Morand. Les derniers baillis, etc., p. 3.

(3) Précis de l'Hist. de B., t. I, p. 201.


de Ripmaninghem,avait rang de chevalier et possédait un sceau qu'il apposa au bas de sa charte, après l'avoir fait signer par plusieurs témoins, au nombre desquels est Eustache, curé de Basinghem (1).

10° Rougeberne,où se trouvait un moulin,nommé au XIII8 siècle le moulin de Roussebadde, qui devait cent sous de rente à la seigneurie de Fiennes (2).

llo La Tombe, lieu-dit, l'on voit une tombellequi était encore très bien conservée en 1862. M. L. Cousin en a parlé dans ses Excursions et fouilles de 1868 (3).

12° Vincelles,ferme,dont lesëigneur, Facius de Wintsete,signe la charte d'Eustache de Ripmaninghen dont j'ai parlé plus haut. Elle était dans le domaine de l'abbaye de Licques, qui y possédait un de ces prieurés-granges dont il est fait mention dans la bulle privilège du pape Lucius III de 1184. Elle fut accensée pour 101 ans le 8 mai 1460 à Simon Le Febvre, fils de Thomas, moyennant 35 livres de redevance annuelle. Un nouvel accensement, cette fois à perpétuité, fut consenti le 16 septembre 1502 sous la charge,de 60 livres parisis de cens annuel engendrant 40 livres courant de relief Le preneur, Baudin Le Febvre, s'engageait à construire une chapelle en lieu idoine >, où l'abbé pourrait envoyer une fois l'an un de ses religieux pour administrer les sacrements à tous ceux de sa famille et à leurs domestiques. La ferme de Vincelles contenait alors 188 mesures 71 verges de terre (4). L'abbaye de N.-D. de Boulogne y avait des revenus en 1208 (in W incela).

Je dirai à ce propos que Louise-Marie Lefebvre de Vincelb, lingère et brodeuse, épousa en 1756, à Boulogne, FrançoisMichel Buisson, commis, ou piqueur des chemins. Elle mourut un an après, à l'âge de 37 ans, laissant veuf et fidèle à sa mémoire celui qui devint ensuite huissier audiencier en la sénéCi) Chron. Iindr., p. 853.

(2) Ch. d'Art., A 118, n° 5.

(3) Br. in-8° 1869, p. 14.

(4) Inventaire des titres de l'abb. de Licques.


chaussée, écrivain à ses heures, et historien do Boulogne, plus connu sous le nom de Du Buisson (1).

13o Près du village, sur une terre dépendante de la ferme de M. Marteau, j'ai fait avec la permission du propriétaire, en 1862, une fouille qui n'a produit qu'un vase de verre de l'époque mérovingienne, avec un bracelet de treize perles en verroteries, qui sont au musée de Boulogne (2). On y avait trouvé antérieurement d'autres objets, « des fioles, des médailles et des traces de sépultures. J'arrivais trop tard le hasard aveugle avait fait son œuvre, vidé la place et tout dispersé.

SE>~J~TàiE~UEl~.

Sur la rive gauche de la Slack, au milieu des prairies que ses eaux fertilisent, en face du village de Bazinghen, derrière Ambleteuse et Wimille, s'étend la commune de Beuvrequen, dont la superficie territoriale n'est que de 476 hectares, avec 309 habitants. Elle a fait partie du canton de Saint-Martin, de 1790 à 1801.

La forme ancienne du nom est Booorkem, qu'on trouve dans les chartes de Saint-Bertin dès l'an 1043. C'était alors une villa et en même temps une paroisse (altare), où résidait un personat, c'est-à-dire un religieux, nommé Hetland, chargé de desservir la cure (3). Ce fut durant quelque temps, principalement à cette époque reculée, une fonction des moines bénédictins de tenir ainsi des postes curiaux à la campagne, comme le firent plus tard les Prémontrés. J'ai parlé ailleurs du personat d'Escalles. La charte de Drogon énumère en outre ceux d'Heuchin, de

(1) Reg. de catholicité de S. Joseph.

(?) Catalogue d'une collection d'antiquités mérovingiennes, 1863, pp. 17 et 35.

(3) Charte de l'évêque Drogon. encore médite, quoique du plus #raud intérêt pour l'histoire de nos villages.


Quelmes, Wisernes et Longuenesse, Arques et Coyecquss (1). Ces personats-cures furent aussi plus tard appelés du nom de prieurés, et c'est là, je pense, ce qui a fait ainsi dénommer la propriété Bertinienne de Beuvrequen.

Les archives de la puissante abbaye ne renferment que très peu de documents sur cette paroisse, dont l'église ii la villa lui furent confirmées dans les bulles privilèges d'Urbain II (23 mars 1096), de Pascal II (25 mai 1107), d'Innocent II (26 avril 1139), de Célestin II (19 janvier 1144), etc., etc. Ces divers documents présentent des variantes dans la manière d'orthographier le nom de Beuvrequen (Boverinkehem, Boveringhem, BoJ'richernJmais il n'y a aucun doute sur son identité (2).

Au siècle suivant, nous voyons que l'abbaye de S. Bcrtin possédait à Beuvrequen une exploitation agricole fcurtem de Boverchem), particulièrement occupée de la culture des prairies par le moyen des irrigations. On prenait l'eau de la rivière d'Hondecote (La Slack), au moyen d'une canalisation soigneusement entretenue (3), et après l'avoir répandue sur la surface du pré, on la renvoyait ensuite par un autre conduit vers les points de décharge. Il y fallait employer mille précautions, pour ne pas inonder les terres voisines et pour ne pas nuire à l'activité du moulin de Lohem, situé en contre-bas. Il y avait d'ailleurs des frais à faire, pour curer, vider, élargir et approfondir le lit de la rivière (4). Tous les intéressés, et il y en avait d'autres que les tenanciers de l'abbaye, étaient réunis à cet effet en une sorte de syndicat, dont chacun des membres payait une certaine somme pour contribuer à la dépense commune, suivant ses facultés, A cette condition, on était admis à profiter des avantages d'une association qui, à certains égards, rappelle celle que nous connaissons aujourd'hui sous le nom d'administration des Wattringues.

(1) Dom Grenier, t. CCLV, p. 55.

(2) Cart. Sith., pp. 215, 811, 315. Voir, en outre, les corrections de M. F. Morand, p. 68.

(3) Gotanij eeleanale.

(4) Mundandi, vacuandi, dilatandi, profundandi alveum.


Roger de Bazinghen, propriétaire du moulin de Lohem et de plusieurs pièces de terre grevées de servitudes à cause du passage des canaux d'irrigation ou de leurs tuyaux de décharge, voulut s'opposer à tout cela, dans les premières années du XIIIe siècle mais il ne tarda pas à se raviser et à reconnaître que les droits de l'abbaye de Saint-Bertin étaient justifiés par une possession ancienne. Il consentit donc à laisser passer les canaux sur ses terres; il prit l'engagement de diminuer et de relâcher les eaux de son moulin, suivant le gré des paroissiens de Beuvrequen, à la condition toutefois qu'ils n'en interrompissent pas le fonctionnement régulier; et il fit expédier sur tout cela quatre chartes (1220-1225), où nous avons puisé les renseignements qui précèdent (1).

Les religieux de Saint-Bertin eurent une autre querelle à soutenir, à propos de Beuvrequen, touchant la pleine seigneurie, ou la justice du lieu. Robert VII, comte de Boulogne, la leur contestait. Il y eut enquête, le ler juillet 129S, à la diligence du comte d'Artois, où l'on entendit de nombreux témoins. Les dires en sont conservés dans un rouleau en parchemin des archives départementales (2). On y lit que, d'après l'opinion des moines, le domaine de Buevrekem dépendait primitivement du comté d'Arques et avait été donné à l'abbaye par « Saint Wanbers, qui fu quens d'Arches; mais, à moins qu'on ne retrouve la charte de Saint Walbert, il sera toujours fort difficile de pénétrer dans ces ténèbres. Parmi les témoins qui déposèrent, on remarque les paysans des environs Mikiel de Berghetes, Hanon de le Crois, Preudon de Waskinghen, Robert de Diépites, Jehan Le Febvre de Coninghetun,me sires Gosesdele Capelle, sergans le conte de Bouloigne, Jehan de Zunesti, etc. Il y aurait de curieux détails à recevoir de leur bouche; mais cela nous mènerait trop loin.

L'abbaye de Saint-Bertin conserva jusqu'en 1790 la justice de son domaine de Beuvrequen, qu'elle fit exercer par un bailli e t par un procureur d'office. Jacques-François Broutta et Louis (1) Diplom. Bert., ms n° 144 de la Bibl. de B., art. 51, 5S, 63, a4. (2) A 43, 9.


Marie Le Lièvre du Brœuil furent les derniers titulaires de ces honorables fonctions (1).

Il faut regarder comme un surnom d'origine et non comme un titre nobiliaire, le nom que portait Pierre de Boverinehem, garde de la baillie de Saint Orner, mentionne le 20 janvier 1322 dans un acte tiré des archives de cette ville (2).

Les archives du Pas-de-Calais conservent un certain nombre de comptes dans lesquels sont énumérés les produits de la terre et seigneurie de Beuvrequen. Il y en a un pour l'an 1491, qui est très curieux comme cadastra topographique de la contrée (3).

Un desiderata de cette notice sera de ne pouvoir éclaircir une assertion d'Aubert le Mire. Le savant diplomatiste parle, en effet, d'un échange qui aurait été fait (il ne dit pas à quelle époque), entre l'abbaye de Saint-Bertin et les moines Clunistes de Saint-Pierre d'Abbeville. Ceux-ci, dit-il, cédèrent au monastère Audomarois le prieuré de Saint-Pry-lez-Béthune, contre les deux prieurés Bertiniens de Tubersent et de Beuvreghen en Boulonnais (1). Il y a là une opinion qui circule chez les historiens sans passeport authentique. Tout ce que j'en puis dire, c'est qu'il n'y a aucune apparence que Beuvrequen soit jamais sorti des mains des religieux de Saint-Bertin.

Jacques Morel, bailli des terre et seigneurie de Beuvrequen pour l'abbaye de Saint Bertin, comparaît en personne aux. élections faites à Boulogne pour le Tiers-Etat, le 25 octobre 1560. Il en fut de même des marguilliers de Beuvrequen et Wacquinghen, son secours.

En 1789, le village de Beuvrequen, qui avait 54 feux, chargea les sieurs Daudruy de Zunestique et Routier d'Hostove de le représenter aux élections de l'Assemblée nationale. L'église de Beuvrequen, sous le vocable de Saint-Maxim, (1) Fr. Morand. Les derniers baillis etc., pp. 18, 19.

(2) Mém. des Ant. de la Mor., t. XV, p. 84.

(3) H. St B., 220.

(4) Mir., II, p. ]343, in notis. Voir Locrius, p. 354, et une note dans les mssdu Dom Gremer, t. CXCV; fol. 118.


avait pour secours l'église de Wacquinghen. Elles étaient dans le doyenné de Boulogne, à la collation de l'abbé de Saint-Bertin. Ce n'est, pas un monument; et je ne puis me retenir d'exprimer ici le regret de voir qu'une abbaye aussi riche n'ait pas tenu à honneur d'entretenir dans les paroisses de son opulent domaine des édifices plus convenables et plus dignes de la majesté du culte divin. Cette remarque s'applique aux deux églises de Wacquinghen et de Tubersent. La cloche de Beuvrequen date de 1564.

Pendant les quatre ou cinq premières années de la Révolution le gouvernement ayant négligé de prendre les mesures nécessaires pour l'écoulement des eaux de la Slack, toute la vallée située entre Marquise et Ambleteuse fut inondée, au grand détriment de la population de Beuvrequen qui fut décim.'ic par des maladies pestilentielles. On ne commença qu'en 179S à remédier à ce funeste état de choses (1).

En creusant sur la propriété de M. Fournier, au centre du village, on a trouvé vers l'an 1820 un cercueil de plomb renfermant une bouteille en grés et des fragments d'une bouteille en verre. C'était évidemment une sépulture de l'époquerûmaine(2). M. L. Cousin a signalé une motte qui se trouve dans la pâture d'une ferme, prés de l'église.

Hameaux et lieux dits historiques

Connincthun, ferme, dont le propriétaire comparait en lâ9S dans l'enquête dont il est parlé plus haut.

2° Cotten, on Cottchem, ferme, dont le nom était porté par Jacques Lardé, maire de Boulogne en 1550. En extrayant du sable pour l'usine de Marquise dans une dépendance de ce manoir, on a trouvé des sépultures de l'époque romaine, sur la nature desquelles je n'ai pu être bien renseigné. Il y avait, m'a t-on dit, « des pots et des vases. »

3° Epitres, hameau, sur le versant d'une colline traversée par (1) Dsscript. top. du distr. de Boul., par les cit. Delporte et Henry, in-8 Paris, au VI, p. 13.

(2) Rapport adressé en 1862 à la Soc. d'agr. de 13., par M. Evrard, maire.


la route nationale de Boulogne à Marquise. Robert de Dieppitte devait à l'hôpital de Saint-Inglevert, à la fin du XIIIe siècle, un poquin de froment, donné par Jakeme Gléçon de Boloigne(l). 4° Zunesticq, fief à Gilbert Monet, qui fut maïeur de Boulogne an 1587. La terre de Zunesticq était située près d'Epitre en la paroisse de Beuvrequen, d'après un acte notarié de 1569.

FERQUES.

La commune de Ferques occupe tout le plateau qui s'étend depuis Landrethun-le-Nord jusqu'à Hydrequent, et depuis Leulinghen jusqu'à Réty. Elle comprend trois sections distinctes, celle du village proprement dit, celle d'Elinghen et celle de Beaulieu, avec une étendue territoriale de 897 hectares et 1,165 habitants. Elle a fait partie du canton d'Hardinghen, de 1790 à 1801.

Ferques. – Quelques écrivains peu au courant de la géographie locale ont placé à. Ferques le cromlech de Landrethun-leNord. Il en est même qui l'ont dédoublé pour en faire part à chacune de ces deux communes.Chacun son lot le cromlech des Neuches appartient àLandrethun. Comme antiquités celtiques, Ferq ues n'offre aux antiquaires que deux mottes, l'une près de la ferme qui en porte le nom, l'autre à peu de distance de l'église, près de la ferme de M. Battel. On y a trouvé des vases en terre cuite, qui sont perdus.

Le nom de Ferques apparaît pour la première fois dans l'histoire au commencement du XII" siècle, dans la récapitulation des propriétés de l'abbaye d'Andres, par l'abbé Gislebert (2). On y lit que l'autel de Ferques, altare de Fercknes, déjà sousl'invocation de la Vierge Marie,faisait partie des églises dontl'abbaye avait le patronage. Elle le garda jusqu'à la Révolution. (1) Ch. d'Art., A 47. n. 9.

(2) Chron. Andr., p. 789.


Outre ce privilègequi luifut confirmé par les bulles subséquentes des papes Pascal II, Calixte, II, Innocent III, et par une charte de l'évèque de Thérouanne, Jean de Commines, l'abbaye d'Andres possédait à Ferques un domaine territorial en toute seigneurie, des villains et des rentes. Une noble dame, nommée Maisepdis, veuve de Hatton de Fercnes, avait donné à St-Sauveur, à Sainte-Rictrude et à l'église d'Andres, pour l'âme de son père, celle de sa mère, de son mari et de son fils Jean, un vavasseur qu'elle possédait et qui s'appelait Gauthier de Wadenthun (1). Vers le même temps, en 1134, Thicind, fille d'Heremar de Wadenthun, ses sœurs Oda et Dadilis, avec leur nièce Hadwide, du consentement de leurs maris'et de leurs enfants, accensèrent à l'abbaye d'Andres leur terre de Ferchenes, tenue jusque-là par Arnoul Frossard, sous la condition que l'abbaye lenr paierait annuellement une redevance de sept sous six deniers, monnaie de ISoulogne (1). Ce même Arnoul Frossard, ou Frussard, avec sa femme Agathe, désirant s'associer comme un frère et une sœur au petit troupeau de l'église d'Andres, lui avaient. abandonné précédemment bon alleux de Ferques et d'Ardinxent, à la condition que l'abbaye se chargerait de leur entret en et de leur nourriture, tant qu'ils vivraient (4). Cette donation avait été faite sous l'évoque Jean d« Commines, avant l'an 1130. Ils lu renouvelèrent, en y ajoutant la moitié de la propriété du moulin de Guiptun, par un acte passé à Carly, en présence de l'évèque Milon Ier, durant cours de l'année 1133 (3). Hatton de Ferchenes, avec son fils Jean, et Baudouin, son parent, était un bienfaiteur de l'abbaye de Samer, à laquelle il avait laissé en pleine propriété des alleux situés à Ferques et mentionnés dans la bulle privilège d'Innocent III, de l'an 1199 (2). On connaît comme seigneur de ce village Gusfride de Fercnes, qui signe une charte d'Andres de 1116 et une charte de Saint(1) Ibid., p. 798.

(2) Ibid., 2- col.

(3) lbid., p. 800, 801.

(4) Ibid., p. 804.

(5) Mém. de la Soc. Acad. de B., t. XII, p. 170.


Bertin, de 1124. On ne doit point le confondre avec un autre Gusfride, son descendant, qui troubla l'abbaye d'Andres dans la jouissance de la dîme d'Hardinghen, comme nous l'avons vu plus haut. Jean de Ferchenes donna à l'abbaye de Beaulieu vingt arpents de terre, l'année de sa fondation. Raoul de Ferenes, cousin de Baudouin Palmarius, donna son assentiment à un acte de libéralité de ce dernier au mois d'avril 1215. Eustache de Ferkenes, s'inscrivit au nombre des bienfaiteurs de l'abbaye de Beaulieu en 1220 (1). Il était fils de Gusfride II, et nous retrouverons tout à l'heure son nom dans la notice consacrée au village de Leulinghen.

Deux autres personnages ont porté le nom du village de Ferques, pendant le cours du XIIe siècle, et nous ne saurions les oublier. C'étaient le curé Simon de 1,'erctîes, dont nous trouvons la signature au bas d'un acte de Gusfride II, en 1205; et le moine Henri de Ferenes, chapelain de l'abbé d'Andres, Pierre II, qui, voyant un mauvais sujet nommé Eustache Stinan, bâtard de Baudouin de Hames, lever sa massue pour assommer le prélat, se jeta. résolument au devant du coup pour sauver la vie à son maître au dépens de la sienne (1).

Les religieux d'Andres avaient établi à Ferques, au centre de leurs diverses propriétés, une exploitation agricole (eurtis) où ils donnaient aux paysans des environs l'exemple des meilleurs procédés de culture. Ils y donnaient aussi l'exemple de la patience dans les tribulations, qui ne leur manquaient pas. Leur métairie de Ferques, en effet, leur fut une fois confisquée et transformée en taverne par un homme dont le lecteur me permettra de lui dire ici quelques mots. C'était un moine émancipé, devenu le favori du comte de Flandre Philippe d'Alsace, qui l'avait tiré du monastère de Clairmarais pour le faire entrer dans l'abbaye de Lobbes; mais il n'avait de moine que le nom. On le vit jusqu'à conduire en Angleterre l'armée de Flandre, moins pour faire une guerre régulière que pour la mener au (1) Chartes inédites.

(2) Chron. Andr., p. 811, 834.


pillage. Philippe l'avait envoyé à Rome en 1181 dans le but d'obtenir du pape, grâce à l'intervention de l'abbé d'Andres, la dispense nécessaire pour épouser en secondes noces la comtesse de Champagne, parente de sa première femme (1). Si cet aventurier ne portait pas le nom de Guillaume, et n'avait pas joué à la cour de Flandre un rôle si prépondérant, on le prendraitpour le fils de notre Baudouin Bu3ket. Il se mêlait de tout, s'ingérait partout, voulait être de toutes les intrigues. Dévoué corps et âme au comte Philippe, il ne jurait que par lui, et se servait de son nom pour faire faire à tout le monde ses volontés, et surtout pour empêcher qu'on ne divulguât ses méfaits. La chronique d'Andres affirme que le plus brave guerrier de cette époque, Ingelram de Fiennes, avait dû se soumettre aux caprices du moine Guillaume, à cause de l'influence qu'il exerçait sur le comte de Flandre. Le rusé personnage en profitait pour s'employer à toutes sortes de négoces et pour s'attirer toutes sortes de profits.

« Nous l'avons vu plus tard dans la paroisse de Ferques, dit « l'abbé Guillaume, se mettre à la tête de notre curtis, détruite à « son occasion, y faire vendre du pain et de l'excellente bière avec le secours de plusieurs filles de service (Jbcarias) qu'il ne laissait pas chômer. Il faisait la même chose dans plusieurs < curtes de l'abbaye de Lobbes (2).

En 1286, le terrier de Beaulieu nous donne les noms des censitaires que cette abbaye possédait alors à Ferquenes ils lui payaient des rentes en argent et des redevances en nature, consistant principalement en certaines mesures de froment et d'avoine, avec des œufs, des glines et des oies.

Les Anglais ravagèrent le village de Ferques au commencement de l'année 1544, après avoir massacré dans leur église les gens d'Audinghen.

Ceux de Ferques paraissent avoir eu aussi pour refuge la tour de leur église, construction d'un genre particulier dont aucun (1) Cette mission n'eut pas de suite; car, pendant que les négociateurs étaient en route, l'haippe changea d'avis.

(2) Chron. Andr., p. §18.


antiquaire n'a su donner la date (1). On l'a démolie sans y trouver d'éclaircissement. La seule découverte qu'on y ait faite et dont les journaux ont parlé à tort et à travers, a été celle de quelques monnaies d'or du XVIe siècle, cachées près du coussinet de la cloche dans une feuille de plomb. L'infortuné qui avait mis là son trésor en sûreté, est mort sans avoir pu aller l'y reprendre, ayant succombé sans doute sous les coups des ennemis de la France.

Ferques était dans le doyenné de Wissant, et ressortissait pour la justice au bailliage de cette ville.

De nos jours, l'extraction du marbre et des pierres de stinkal dans les carrières du Haut-Banc, d'Elinghen et autres, a .pris une extension considérable et occupe un très grand nombre d'ouvriers. Aussi, l'ancienne église étant insuffisante pour les besoins religieux de la paroisse, M. l'abbé Legault, curé actuel, en a-t-il fait construire une plus grande, avec l'aide de ses paroissiens et l'assistance des âmes pieuses. Le nouvel édifice qui mesure 37 mètres de longueur et 8 mètres 60 c. de largeur moyenne, a coûté environ 75,000 francs et a été élevé en briques et pierres, dans le style du XII1e siècle, sur les dessins de M. N. Pichon, architecte à Boulogne (2),par M. Aug. Haigneré, entrepreneur à Guînes.

Elinghen. Ce village, qui forme une circonscription territoriale, déterminée par voie de tradition, a été autrefois une paroisse, distincte de celle de Ferques, à laquelle il se trouve réuni depuis un temps immémorial. Au rebours de plusieurs autres localités, elle ne formait pas une communauté civile et par conséquent elle n'avait point d'administration particulière, autre que celle des marguilliers de son église. Aussi, en 1789, la députation à l'assemblée électorale de Boulogne se présenta-telle au nom de la communauté entière à' Elinghen et Ferques où l'on comptait 73 feux elle se composait de deux membres, qui (1) Voir la notice de M. l'abbé Parenty, dans le Bulletin de la Comm.des mon. hist., t. I (3* livr.)p. 143; et quelques mots de M. J.-M. Richard, ibid., t. tv, p. 275.

(2) Annuaire de M. Robitaille, 1878, p. 189.


étaient les sieurs Parenty et Delsaux dont on n'indique ni les qualités, ni la résidence.

L'autel d'Elingahem (1) a été donné à l'abbaye d'Andres, avec celui de Ferques, sous l'administration de l'abbé Gislebert, par un bienfaiteur inconnu. Les noms se suivent: Altare de Fercnes, altare de Elingahem, dans tous les documents de la chronique (2). On ne sait pas autre chose.

Elinghen se retrouve dans les chartes de Beaulieu, sous le nom d'Elingeham, comme je le dirai tout à l'heure en parlant des donations qui furent faites à cette abbaye par un seigneur du nom d'Aitrope, qui paraît avoir été possesseur de ce domaine.

On trouve dans le terrier de cette maison, la liste des nombreuses redevances qu'elle y possédait en 1286. Elle y avait « conté et segnorie haute et basse, hors mis les tenanches de « mon segneur de Fienlles et mon segneur de Flamersele. » On y remarque cette curiosité, que Jehans li Vaveseurs, au commandement et à la semonce de « Mon Segneur Vabei », en redevance de son fief du Tertre, devait amener à Beaulieu un cheval à lui appartenant, du prix de soixante-sous, harnachée, ferré, étant lui-même armé de l'écu et de la lance, comme on a coutume d'aller avec son lige seigneur en armée et en chevauchée au fer et au clou, aux dépens de « Mgr l'abei » et il était tenu de chevaucher avec lui pour aller aux chapitres assignés et autres lieux convenables, s'il plaît à l'abet, sa malle troussée. Beaulieu. Ce village, ou si l'on veut, ce hameau, était une dépendance du domaine de Fiennes dans la paroisse d'Elinghen. D'après le récit de Lambert d'Ardres, Eustache le Vieil, seigneur de Fiennes, voyant les nobles de son voisinage animés d'un grand zèle pour la fondation de divers monastères, résolut d'en établir un sur ses terres. Il s'y trouvait,en outre, engagé (1) Le nom d'Elinghen a son similaire dans le Brabant belge, où l'on trouve Eliugen (Elinghemen 1187, Mir. III, 63). M.Chotin, ordinairement plus sagace, se donne le tort de traduire ce nom par celui de Village des prairie* uujc anguilles, en le dérivant de Ael, ou Eel, et de ïng, ou Ingen.

(2) Pp. 789. 792, 794, 797, 845.


par le désir de sauver son âme, celle de ses prédécesseurs et de ses successeurs, avec le désir de racheter l'âme d'un seigneur de Ponches en Ponthieu qu'il avait tué dans un tournoi (1). D'autres ont ajouté qu'étant allé à la croisade il avait rapporté de l'Orient le calice dont Notre-Seigneur s'était servi pour faire la cène, et qu'il voulait en confier la garde à un établissement religieux, chargé spécialement d'honorer cette précieuse relique, si célèbre au moyen-âge sous le nom de Saint-Graal. Ce dernier motif n'ayant été mis en avant qu'assez tard, dans le cours du XV° siècle, par l'abbé Folquin de Beaulieu, il n'y a pas lieu de trop s'y arrêter (2). Disons seulement, d'après Lambert d'Ardres, que le fondateur de cette maison nouvelle, y mit des religieux Augustins, tirés, avec Guillaume, leur premier abbé, du monastère de Sainte-Marie-aux-Bois, c'est-à-dire de Ruisseauville.

Lambert d'Ardres rapporte la fondation de l'abbaye de Beaulieu au règne de Guillaume II, comte de Boulogne, et à celui de Manassès, comte de Guînes. Ces deux synchronismes sont contradictoires. Manassès est mort en 1137, Guillaume II, ne ceignit la couronne qu'en 1153. Aussi, les historiens sont-ils partagés sur l'époque qu'il convient d'assigner aux commencements de cette communauté les uns la mettent à l'an 1131, les autres la laissant flotter entre 1153 et 1160, limites extrêmes du règne de Guillaume II.

La première date (1131)est préférable (3). Et d'abord,Lambert d'Ardres, historien des comtes de Gjînes, a dû errer plutôt sur la chronologie des comtes de Boulogne que sur celle des seigneurs dont il écrivait les annales. Puis, il existe une charte de l'an 1137, par laquelle un noble homme du comté de Boulogne, Aitrope, avec sa femme Hadwide et son fils dont le nom (1) Lamb. d'Ardr., Cap. xl.

(2) Charte publiée dans le Gall. Christ, datée du 22 fév. 1469. (3) Dom Gosse, dans son Histoire d'Arrouaise (p. 353) dit que le rang occupé par l'abbayé de Beaulieu parmi les dépendances de cette congrégation, annonce une affiliation faite en 1137.


n'est pas indiqué, donne à l'abbaye de Beaulieu toutes les terres, les bois, marais, censives et autres droits, qui lui appartenaient dans la paroisse d'Elinghen, à la charge d'une rente viagère de cinq marcs et trois fertings, au terme de Saint-Michel, et au poids de Boulogne, ad pondus Boloniensepersolvendas. Après la mort du donateur, cette rente devait être réduite à cinq marcs seulement au profit de son héritier. Le comte Etienne ratifia cette donation par une charte passée la même année (1). Ce même Aitrope, ou Eutrope, est cité comme ayant pris part, avec Eustache de Fiennes, à la fondation do cette abbaye; car, dans une note, écrite par un diplomatiste du XVIPsiècleau dos de la charte de Guillaume II, publiée par M. de Marsy (2), les témoins qui ont souscrit à la fondatiov, furent Eustache du Four, Baudouin de Mortiers, Payen et Arnoul de Caffiers, Baudouin, clerc, Conon et Baudouin, vavasseurs d'Elinghen, et autres pour le comte de Fiennes, contradictoirement avec les témoins du seigneur Eutrope, qui n'est pas autrement connu. L'établissement de Beaulieu périclita dès le principe. En effet, Guillaume d'Andres reproche aux moines Poitevins qui régissaient l'abbaye des comtes de Guînes, et en particulier à Gusfride leur abbé, de ne pas avoir accepté l'offre que leur fit Eustache de Fiennes, de soumettre sa nouvelle fondation à ce monastère, comme l'avait fait aussi Baudouin d'Ardres pour sa collégiale, avant de la mettre sous la dépendance de La Capelle (3).Mais le fait auquel fait allusion la chronique d'Andres, peut fort bien s'être passé lorsqu'il s'est agi de remplacer, soit par suite de son décès, soit pour quelque autre motif, le premier abbé de Baulieu. Gusfride a tenu la crosse de 1144 à 1157; et nous trouvons dans le Gallia Christiana, la mention d'une bulle (1) Ces détails sont donnés par M. A.-F. Dufaitelle, dans le Puits artésien do 1838. p. 593. et cet écrivain assure les avoir tirés du ms. de Ph. Luto, qui était alors en sa possession. On ne les y retrouve pas aujourd'hui ils étaient sans doute écrits sur une note additionnelle qui a disparu de la p. 346 où l'auteur paile effectivement des monnaies de Boulogne.

(2) Ci-dessous, p. 108.

(3) Chron. And., p. 806.


d'Eugène III, aujourd'hui perdue, qui fut adressée en 1148 à Hugues, abbé de Beaulieu, successeur de Guillaume. Ce fut le même Hugues, deuxième abbé de ce monastère, qui reçut aussi du Saint-Siège la nouvelle confirmation des biens de son établissement, que lui adressa le pape Adrien IV, sous la date du 4 janvier 1157. L'original de cette bulle, signée par le souverain-pontife lui-même et par cinq cardinaux, subsiste encore parmi les épaves échappées au naufrage des archives de Beaulieu que conserve la bibliothèque de Saint Orner. On n'y trouve point expressément désigné le nom du fondateur, mais seulement celui des personnages qui ont contribué à la dotation. Eustache de Fiennes y figure à la tête de tous, et il semble bien que ce soit pour le fonds. Après lui viennent Warin de Lo, Gila de Kaieu, veuve de Conon de Fiennes, Guillaume son fils, Bernard de Bainghen, Eustache de Bezinghen, donateur de six setiers de froment à Embri, Hugues de Réty, un frère convers nommé Bernard, Baudouin d'Hermelinghen, Hugues de Colembert, Baudouin de Landrethun, Emeric du Temple, Jean de Ferques et autres trop vaguement dénommés pour être mentionnés ici.Il n'y est pas question d'Eutrope,ni des biensd'Elinghen; mais il y a une lacune d'une ligne, dans un pli du parchemin, au commencement de l'énumération des propriétés. D'ailleurs, la donation faite en 1137, par Aitrope, sous la charge d'une redevance de cinq marcs trois quarts a sans doute paru trop onéreuse car ce seigneur la renouvela dans la suite,ainsi qne nous l'apprenons d'une charte sans date de Guillaume II, comte de Boulogne, publiée par M. de Marsy, de Compiègne, dans le Bulletin de la ^Société des Antiquaires de la Morinie (1). L'objet de l'acte reconnu par le comte Guillaume, est le même que celui de 1137, énoncé plus haut. Seulement, la redevance stipulée comme rente viagère par le donateur n'est plus que de deux marcs, payables dans l'octave de la Pentecôte, à Merch où il résidait. Une note ancienne, écrite au dos de cette pièce, dit que l'évêque Milon de Thérouanne confirma cette libéralité en 1157, (1) T. V, p. 417.


ce qui nous fait connaître approximativement l'époque où elle eut lieu. L'abbé Gusfride d'Andres y apposa sa signature, en la compagnie d'un de ses religieux nommé Rainulfe. Malgré ces donations l'abbaye de Beaulieu ne fut jamais un établissement bien considérable. Néanmoins, son domaine, à la fin du XIIIe siècle, était assez étendu. Nous avons encore, en un rouleau de parchemin, long de 3 mètres 50 c., le terrier de ses tenanches, de ses rentes et de ses droitures, dressé en 1286, et nous y remarquons les noms des villages d'Elinghen, Ferques, Landrethun et Moyecques, Caffiers, Fiennes, Hermelinghen, Boursin, Hardinghen, Réty, Rinxent et Hydrequent, Raventun,Offrethun, Marquise et Baudrethun, Leulinghen, Wierre-Effroy, Bancres, etc. (1). En fait de patronage d'églises, je ne crois pas qu'elle en ait jamais eu d'autre que celui de Tardinghen. Quant à ses dîmes, celles dont elle jouissait encore au dernier siècle étaient d'un ordre tout à fait secondaire, dans les paroisses de Caffiers, Hardinghen, Hesdres, Hydrequent, Leubringhen, Lottinghen, Wierre-Effroy et Wimille.

La comtesse Mahaut de Boulogne dota l'abbaye de Beaulieu d'une chapellenie, à laquelle elle attribua une rente de 96 rasières d'avoine (2).

L'instabilité des choses humaines est telle, même pendant les siècles auxquels on donne le nom d'âges de foi, que la fondation faite à perpétuité par Eustache de Fiennes eut peine à durer deux cents ans. En effet, le 6 mai de l'an 1347, Annibal Ceccano, cardinal évêque de Tusculum, nonce du pape en France, était obligé d'accorder aux moines do Beaulieu, par une lettre datée du monastère de Saint-Josse, un délai de six mois pour acquitter le droit de procuration qu'ils devaient au Saint-Siège et dont il y avait deux années d'échues. Il est dit dans cet acte,que tous les biens de l'abbaye avaient été dévastés par les guerres, que leur maison avait été brûlée, et que l'abbé aussi bien que ses religieux se trouvaient réduits à mendier(3). Ce fut bien pis, (1) Document conservé dans la Bibl. de Saint-Omer.

(2) Ch. d'Art., A. 239, n° 4.

(3) Ratione guerre, omaia bona devastata, domusque obusta et vos uua cum Monacis cogimini mendicare.


quand les Anglais se furent rendus maîtres de Calais. Une note, consignée dans un ancien martyrologe, nous apprend que « la « paix ayant été rompue en 1369, la guerre se ralluma entre les « rois de France et d'Angleterre, et que, par suite, en l'an 1390, « la veille de Sainte-Marie-Madeleine, c'est-à-dire le 21 juillet, « l'abbaye de Beaulieu fut prise et détruite par les Anglais (1). » A partir de cette époque, elle ne paraît plus avoir été habitée autrement que par un fermier qui en faisait valoir les revenus, et par un chapelain qui en acquittait les fondations religieuses, en continuant de prier pour l'âme des bienfaiteurs; mais il y eut toujours un abbé, qui ne résidait pas, et qui succédait en qualité de commendataire aux anciens abbés réguliers.

Les premiers abbés de Beaulieu, au temps de sa régularité, nous sont peu connus. En voici la liste chronologique, suivie de celle des commendataires (2).

Guillaume I, ancien religieux de Ruisseauville.

2" Hugues, à qui furent adressées les bulles privilèges d'Eugène III (1148), et d'Adrien IV (1157). Vivait encore en 1172. 3° Foulques, cité dans une charte de l'évêque Didier, de Thérouanne, en 1171.

4o Guillaume II, témoin d'une charte d'Arnoul d'Ardres, relative à la dîme de Zouafques en 1173 (3).

5° Bicouart (Richowardus), cité dans un acte de St-Eloi-Fontaine, en 1185.

Gauthier Ier (Waîterus), mentionné dans la chronique d'Andres, en 1215, 1222.

7o Guichard, dont le nom se trouve dans un acte du mois de janvier 1246 dans le cartulaire de N.-D. de Thérouanne! Enguerram, par l'otroianche de Diu,abé de Biauliu,» qui dressa le terrier de son monastère en 1286.

Plusieurs prélats dont les noms sont cités au hasard et sans date dans l'ancien martyrologe. Ce sont Jean Ior, Lambert,Hum(1) Gall. Christ.

(2) D'après la Gallia Christiana et mes recherches personnelles. (3) Chron. Andr., p. 814.


bert, Jean II de pieuse mémoire, Robert, Alulfe, Siger, Arnoul, Anskelin, Albade, Alard, Thierry, Eustache, Gautier II. 10° Baudouin, qui assiste au chapitre général de sa congrégation en 1312, comme chargé de la procuration de l'abbé de de Notre-Dame de Boulogne.

11° Pierre 1er, surnommé Josel.

12 Eustache de Hannebus.

13° Laurent Paquentin.

14° Pierre II, qui nomma des procureurs pour le représenter au concile provincial de Reims le 25 juin 1455. Un titre de l'abbaye d'Arrouaise le mentionne encore en 1460. 15° Folcuin de Boulogne, de pieuse mémoire, dont il existe une charte du 22 février 1469, publiée dans la Gallia Christiana. 16° Pierre III, dit d'Erables, cité en 1539.

17° Philippe de Senlis, vicaire-général de Thérouanne, dont il existe à la Bibliothèque nationale, une quittance du 4 février 1542, scellée de son sceau représentant une Vierge (1)-I1 mourut archidiacre d'Artois (diocèse de Boulogne), au mois de mai 1573.

18° Claude de La Vallée, qui plaidait en 1575, avec le curé de Rinxent, au sujet des dîmes de cette paroisse.

19° Louis de Béthune, marquis de Chabris, gouverneur d'Ardrôs et du Comté de Guînes, cité pour l'an 1577, dans le Gallia Christiana.

20° Achille Disque, chanoine de Boulogne, déjà investi du titre d'abbé commendataire en 1599, élu doyen du chapitre le 9 février 1609, mort en octobre 1638.

21° Roger d'Aumont de Chappes, déjà abbé de Luzarches, succéda au précédent comme abbé de Beaulieu. Le chapitre de Boulogne voulut aussi l'élire doyen (4 nov. 1638), mais il renonça au bénéfice de cette élection, par acte du 26 février 1639. Il fut promu à l'évêché d'Avranches (mai 1645) occupa ce siège jusqu'en 1651, et mourut le 25 mars 1653.

22° Charles d'Aumont, petit neveu du précédent, né le 13 nov. (1) Gaignères, vol. 258, folio 93.


1634, abbé de Luzarches, de Barzelle, de Longvilliers et de Beaulieu, mort en janvier 1695.

23° Claude-Philippe du Caurel de Tagny, nommé par le roi, le 8 avril 1695, mort en février 1707.

24° François Madot, évêque de Belley, nommé le 24 décembre 1706, bullé à Rome le 4 mars 1707. Devenu évêque de Châlonsur-Saône en 1711, il résigna son abbaye vingt ans après, et mourut le 7 octobre 1753.

25° Michel- Antoine Bar berie de Courteille,clerc tonsuré du diocèse de Paris, demeurant au séminaire de Saint-Nicolas de Chardonnet, fut nommé par le roi en novembre 1730, sur la résignation du précédent, et ayant été bullé à Rome le. il prit possession par procureur le 28 mai 1731.

26° Raimond-Maurîce de Molens de Mons, archidiacre et vicaire-général de Saint-Flour, succède en 1755. Il est remplacé après sa mort, par

27° Marcellin du Pelouxde Villette, vicaire général de Vienne, nommé par brevet royal du 27 septembre 1789, bullé à Rome le 15 octobre suivant.

Quand il prit possession, le 11 décembre, d'un bénéfice dont il devait si peu jouir, puisque la suppression en fut décrétée l'année suivante, le procès-verbal décrivit l'antique abbaye d'Eustache de Fiennes comme présentant des murs et des créneaux délabrés qui en formaient encore l'enceinte, faisant deux divisions, l'une, l'église, et l'autre, la ferme avec le logement de l'abbé, où habitait le desserviteur.

Ces ruines, les plus pittoresques peut-être de tout l'arrondissement, ont été l'objet d'une notice de M. P. Hédouin dans ses Souvenirs historiques du Pas-de-Calais, dédiés en 1827 à la duchesse de Berry. Je les ai visitées pour la dernière fois en 1872. Un y voyait encore une partie des arcades de l'ancien cloitie, une chapelle étroite et basse, dont il restait une baie de fenêtre d'un très beau profil, et surtout un pignon de grange, percé de charmantes ouvertures, rectangulaires, appartenant à l'architecture civile du XIII" siècle. Mais la pioche de l'ouvrier sapait la plus grande partie de tous ces débris vénérables, et il en


subsiste bien peu de chose aujourd'hui. J'ai appris qu'en nivelant un amas de décombres, dans le voisinage de la chapelle, on avait trouvé deux chandeliers et un encensoir en cuivre que les terrassiers ont vendus au marchand de ferraille.

Que faire, après tout, de ces vieilles pierres et de ces objets hors d'usage ? La locomotive du chemin de fer passe en sifflant, au nom du progrès moderne, devant ce qui fut la retraite de l'étude et l'asile de la prière. Comme tant d'autres monastères' Beaulieu n'est plus

Le cimetière mérovingien d'Art] encourt. Dans la vallée d'Elinghen, sur la rive droite du chemin de fer de Boulogne à Calais, presque en face du moulin du Hure, avant d'arriver au bois de Beaulieu, se trouve une carrière de pierres, où M. Accarain, directeur de l'usine de Montataire, faisait extraire en 1868 de la dolomie pour les besoins de ses hauts fourneaux. Comme il arrive souvent en pareil cas, les ouvriers rencontrèrent des sépultures antiques.

M. Accarain s'étant empressé de me faire part de ces découvertes, j'y fis faire des fouilles par quelques ouvriers sous la surveillance de mon frère. Commencées le 25 mai, elles furent closes le 10 juin, avec peu de succès. Nous ouvrîmes quarantedeux sépultures, qui toutes avaient été pillées au moyen-âge et dépouillées de ce qu'elles pouvaient offrir d'intéressant. Dans les tombes de femmes il n'y avait plus rien que ça et là quelques grains d'ambre ou de verroteries, une bague et quelques styles en bronze, "oubliés par les premiers chercheurs. Dans les fosses des hommes nous avons trouvé deux umbos de boucliers, deux épées, une hache, huit lances, plusieurs scramasaxes, des couteaux, des boucles de ceinturon en fer et en bronze, et quelques vases en terre. Tous ces objets ont été déposés au musée de Boulogne, dont les dévoués administrateurs s'attachaient alors à saisir toutes les occasions de compléter la riche collection mérovingienne de cet établissement.


HKUVELIIXCilIEIV

Au nord du Mont-de-Couple, sur la déclivité des collines qui courent vers le Blanc-Nez, entre Saint-Inglevert et Wissant, se trouve la commune d'Hervelinghen, qui, seule du canton de Marquise, appartenait au Calaisis. Elle était du canton de Peuplingues en 1790-1801 et l'on y compte aujourd'hui 187 habitants sur 589 hectares de terre.

La forme authentique du nom de cette localité, dans la plus ancienne mention qu'on en trouve, c'est-à-dire vers l'an 1091, est Helbetingehem, à propos d'un alleu qu'un certain Gauthier avait donné à l'abbaye d'Andres dans cette villa et à Raventun (1). Divers actes subséquents en confirment la possession et le nom d'Hervelinghen y est orthographié en 1132 Helbethingahem, en 1123 Elbedingehtsm, en 1125 ou 1126 Helbetinhem (2). Lambert d'Ardres parle d'un lieu nommé Belinghem-lez- Wissant, où la dame Adèle de Selnesse avait des possessions qu'elle remit entre les mains de l'évêque Framery de Thérouanne, son oncle, mort le 15 mars de l'an 1004; et il est bien probable que ce nom de Belinghem, inconnu d'ailleurs, représente une variante tronquée de celui d'Hervelinghen (3). Il faut dire cependant que le même écrivain se sert d'une autre dénomination, lorsqu il nous raconte que Gui de Campagne, bravant la puissance du comte Baudouin de Guines, avait l'audace de lui enlever ses hommes et son bétail dans ses villages de Scales et Helbedinghem (4), où l'on ne peut s'empêcher de reconnaître Hervelinghen et Escalles, voisins l'un de l'autre et tous deux du comté de Guînes.

Le chapitre de Thérouannepossédait en 1119 le patronage de (l)Chron. Andr., p. 785.

(2) Ibid., pp. 793,797,803.

(3) Cap. xcviii.

(i)Cap.CLI.


l'église d'Hervelinghen, appelé Helvinghehem en 1179 et Helvedinghem en 1422, dans le Cartularium Morinense. A cette dernière date, la cure d'Hervelinghen avait déjà perdu son autonomie et se trouvait associée comme secours à celle d'Audembert. Elle en fut séparée pour être érigée de nouveau en paroisse indépendante par une ordonnance épiscopale du 6 février 1658, et placée dans le doyenné de Marck, tandis qu'Audembert restait dans celui de Wissant.

L'église d'Hervelinghen ne présente aucun caractère qui permette de lui assigner un rang quelconque dans la statistique monumentale du pays. Elle est sous le vocable de Saint-Quentin et possède une cloche de 1713. Lorsque les commissaires chargés par Henri II de faire la répartition des terres du Calaisis, se présentèrent dans le village d'Hervelinghen, appelée Helverningham dans le terrier de 1556, ils trouvèrent dans l'église cinq ménages anglais qui s'y étaient cantonnés avec les femmes et les enfants dans des logettes séparées par des cloisons, et qui demandèrent en grâce d'être conservés dans le pays, sous la protection du roi de France, en montrant la ruine des maisons qu'ils y avaient habitées et où ils étaient nés (1).

Un monument qui date de l'occupation anglaise existe sur la place d'Hervelinghen C'est une colonne en pierres blanches, ornée d'un crucifix, qui paraît remonter au XIVe siècle. On en doit la conservation à l'énergie du maire, M. Poivre, qui a empôchéles vandales de 1793 de la détruire.

M. Louis Cousin a fouillé sur le territoire d'Hervelinghen, dans le voisinage du Mont-de-Couple, quatre mottes qui paraissent être des tombelles celtiques. Dans la première il n'a trouvé que des cendres et des. charbons de bois, à 1 m. 45 de profon. deur; dans la seconde, il a rencontré des ossements recouverts par une pierre plate; dans la troisième, il a constaté aussi la présence de quelques ossements humains. Elle avait été ouverte en 1820 par le propriétaire qui en avait retiré une épée gauloise en bronze, longue de 16 centimètres et demi, sur une largeur (lj Le Febvre. Hist. de Calais, t. II, p. 336.


de 5 cent. à la base. Cette arme est rayée de huit lignes longitudinales, et présente la plus grande ressemblance avec une pièce analogue, trouvé en Irlande et conservée au musée de Boulogne. Grâce à l'intelligente libéralité de M. L. Cousin, celle d'Hervelinghen a été aussi déposée, au musée. Dans le quatrième tumulus, situé sur la montagne de Ramsant, au nord du village, on a aussi rencontré une couche de cendres mêlées de terre, mais aucun ossement (1).

Plus tard, le même antiquaire a signalé quatre haches en silex qui ont été ramassées dans des terres à labour, et dont il a parlé dans sa Notice sur des antiquités celtiques (p- 16, n° vi, 1866.

Une sépulture gallo-romaine d'incinération a été rencontrée en labourant la terre, à 25 ou 30 centimètres de profondeur dans le sol. Elle consistait en un vase de terre, en forme d'urna, renfermant des ossements calcinés et une fibule en bronze que M. Poivre-Bouclet, maire d'Hervelinghen, a recueillie pour l'offrir à M. L. Cousin, des mains de qui elle est venue au musée (2).

Le cimetière communal d'Hervelinghen a révélé aussi plusieurs fois l'existence d'anciens monuments funéraires qui y ont été déposés à une époque inconnue. Ce sont des cercueils de pierre blanche, creusés en forme d'auge, dont on attribue dans le pays l'origine aux Anglais, mais qui sont évidemment plus anciens et tout au moins de l'époque mérovingienne. L'église d'Hervelinghem a conservé ses fonts baptismaux du XIP siècle, monument très curieux, qui se distingue de la plupart de ceux du même genre, par l'élégance des multiplescolonnettes sur lesquelles repose la cuve.

(1) Rapport sur des fouilles faites en 1863 à Audembert à Hervelinghen, in-8 Caen 1865.

(2) Renseignements transmis à la Soc. d'Agr. de B. par M. PoivreBoulet, maire d'Hervelinghem.

(3) Note conservée dans les papiers de M. l'abbé Parenty.


l,vdiietihji\

La commune de Landrethun-le-Nord, ainsi dénommée pour la distinguer de son homonyme de Landrethun-lez-Ardres, est un village du Boulonnais sur les limites du comté de Guînes, à l'ouest de Caffiers. De 1790 à 1801 il a fait partie du canton d'Hardinghen. Sa population actuelle est de 566 habitants, avec une superficie de 770 hectares.

On y voit, dans une lande stérile, au sud du village, sur les confins de la commune de Ferques, un monument de l'époque celtique, le seul de ce genre qui existe dans le Boulonnais. C'est une réunion de pierres debout, dont quelques-unes paraissent être des roches dénudés, restées en place, mais dont les principales, au nombre de trois,sont fichées en terre dans une position verticale. Ce fait, qui avait pu être mis en doute, a été constaté par M. Louis Cousin et par M. Boulangé, ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées, au moyen dc sondages réguliers qui doivent inspirer toute confiance (1). Ce Cromlech dont plusieurs pierres ont été regrettablement mutilées, porte dans le pays le nom de La Danse des Neuches. Une tradition populaire qui s'y rattache prétend qu'une noce de paysans, qui dansait en cet endroit tandis que passait une procession du Saint-Sacrement, dédaigna de s'agenouiller, et que tous ceux qui en faisaient partie furent changés en pierre. On y montre le marié, la jeune épouse, le père, le notaire et même le violoneux (2). Près de là se trouve une motte d'environ 50 mètres de diamètre sur une hauteur de 5 à 6 mètres, et une fontaine dont l'eau se change en un vin exquis pour le vrai croyant en état de grâce, qui s'en approche à (1) Notice sur des antiquités celtiques ou gallo-romaine du nord de la France, in-8 Dunkerque 1866, pp. 18-26. Voir en outre, un rapport de M. l'ingénieur Rnnlangé, dans le Bulletin de laCom. des Antiquités, t. II, p. 396.

2) Mém. de la Soc. des Bnt. de la Mor., t. II, partie, p. 172.


minuit la veille de la Saint-Jean. Ces croyances populaires fortifient l'opinion qui attribue à la Danse des Neuches le caractère d'un monument druidique; et on croit la confirmer encore par le nom d'un ruisseau qui coule non loin de là et qui porte le nom de Les Bardes ou Hallébardes.

C'est en l'an 1119 que nous rencontrons pour la première fois le nom de Landrethun, sous la forme Landringhetum, tout-à-fait semblable à celle de son consimilaire de la plaine d'Ardres. Le mot signifie dans la langue anglo-saxonne l'enclos, ou le village, des enfants de Landry. Un ne tarda pas à le contracter en Landretum, déjà employé en 1157 pour désigner le même lieu, à propos du patronage de l'église, qui appartenait au chapitre de Thérouanne (1). En la même année, Baudouin de Landretum donne, à l'abbaye de Beaulieu, une rente de trois sous six deniers.

Ce village dépendait anciennement du vaste domaine de la maison de Fiennes, qui en possédait la dîme, comme la plupart des seigneurs laïques le faisaient, sur leurs terrés. Quand Ingelram de Fiennes se disposa à partir pour la Croisade, en 1189 ou 1191), il vendit la dîme de Landrethun-le-Nord (Lande rtunjuxta Fielneà) à l'abbaye d'Andres, qui la paya 70 marcs d'argent,c'est à dire 3,500 francs, valeur métallique de notre monnaie. Cette opération, approuvée par une charte de la comtesse Ide de Boulogne, dans le fief de qui se trouvait la dîme de Landrethun, et conséquemment, si je ne m°- trompe, le village lui-même, fut confirmée par une charte de l'évêque Didier de Thérouanne, conservée dans la chronique d'Andres (2). Le commentaire dont l'abbé Guillaume accompagne ces deux actes nous fait connaître qu'Ingelram de Fiennes avait acheté autrefois cette dîme à Baudouin deLo,son homme, et que s'il la vendait cette fois à l'église c'était pour accomplir son vœu de prendre la croix, chose pour (1) Chartul. Ilorineuse.

(2) Chron. And., p. 820. On remarquera ici la sujétion qui existe pour le seigneur de Fiennes vis-à-vis de la comtesse de Boulogne, que le chroniqueur appelle domina sua. Nouvelle preuve, que la seigneuriede Fiennes faisait alors partie du Boulonnais, et non du comté de Guînes, quoi qu'on en ait dit.


laquelle il avait déjà amassé une grande somme d'or et d'argent. Ces expéditions coûtaient cher aux nobles seigneurs,qui y faisaient, à peu près tous, la guerre à leurs dépens. Mais que la possession de la chose vendue était précaire à cette époque Malgré les confirmations dont elle avait été l'objet de la part des autorités civiles et religieuses; malgré le consentement donné par Raoul de Fiennes à la cession faite par son frère Ingelram, la jouissance de la dîme de Landrethun fut contestée à l'abbaye d'Andres, par un certain Henri Malerbe, qui n'y avait aucun droit, par Guillaume de Fiennes, fils d'Ingelram, et enfin par Baudouin Palmarius qui en réclamait une partie, en vertu d'un degré quelconque de parenté avec le donateur. L'affaire s'arrangea à l'amiable, au moyen de l'intervention de l'évêque Lambert de Thérouanne, qui obtint en 1200 le désistement d'Henri Malerbe, et au prix d'une somme de treize livres parisis payée au dernier réclamant en avril 1215. Le village de Landrethun-le-Nord a été ravagé par les Anglais, à la suite de leur expédition d'Audinghen, au mois de février 1544.

Son église, monument irrégulier qui présente quelques vestiges de l'architecture ogivale du XVIe siècle, était dans le doyenné de Wissant, avec Caffiers pour annexe. Comme presque tous les édifices religieux d'antique origine, elle est sous le vocable de Saint-Martin. Un de ses curés au dernier siècle, Nicolas Lefebvre, qui était de Boulogne et docteur en théologie, fut vicaire de Saint-Louis-en l'Ile, et bénéficier de Notre-Dame de Paris. Pourvu de la cure de Landrethun le 17 août 1703, il la résigna en 1710, après avoir obtenu un canonicat titulaire dans la cathédrale de Boulogne (29 novembre 1708). On garde encore avec reconnaissance le souvenir d'Antoine Calais, d'Audembert, dernier curé de Landrethun avant la Révolution. C'était un intrépide missionnaire qui, pendant cette époque néfaste, parcourut tout le pays, de ferme en ferme, sous divers déguisements, pour procurer les consolations de la religion aux fidèles qui manquaient de prêtres. Il est mort à Rinxent, au mois de septembre 1818.


La village de Landrethun-le-Nord, dans le bailliage de Londefort, envoya comme représentants à Boulogne, pour les .Uections de 1789, les sieurs Lonquéty de la Routtière et Coze. Il avait alors 60 feux.

Hameaux et lieux-dits historiques

lo Cambreseque – La Cédule; 3° Coudepousse, appelé Couderuske, en 1286, dans le terrier de Beaulieu Les Montacqs, anciennement Montacre, dans le même document 5° Moyecques et Mimoyecques.

On trouve le nom de Guffroi de Moykes dans deux chartes de Guillaume de Fiennes, de l'an 1203 pour l'abbaye d'Andres (1). Ce lieu était, à la tin du XIIIe siècle, divisé en trois sections qu'on appelait Oist-Moieques, Midel Moieques et West Moieques, c'est à dire, Moyecques de l'Est, du milieu et de l'occident (2). Midel Moieques a fait plus tard Mimoyecques. La terre de Laridrethun, Moyecques, etc., a été érigée en baronnie par Louis XIV, au mois d'août 1667, pour récompenser les services militaires de Daniel de Fresnoye.

LEUBICJNCmIIEN

La commune de Leubringhen ne compte que 227 habitants sur une étendue territoriale de 798 hectares. Elle s'étend, au sud-est d'Audembert, le long de la chaîne de collines qui fait suite au Mont-de-Couple, se dirigeant vers le Ventu de Caffiers. C'est un village de l'ancien Boulonnais, dans le bailliage de Wissant, puis, à partir de 1790 dans le ressort de la justice de paix de Marquise.

On l'appelait anciennement Lebringehem ou Libringehem. Les chartes de Licques le mentionnent à partir de 1170, à propos de (l)Ibid.,pp. 832,833,

(2) Chartes d'Art., A 118 ù° 5.


son autel, qui fut donné à cet établissement par l'évêque Milon II, revendiqué comme propriété laïque par Hugues de Moulle, surnommé le Chien, et par Simon de Markenes, puis, sur le désistement de ceux-ci, avec l'intervention du comte Mathieu d'Alsace, confirmé enfin définitivement à l'abbaye par l'évêquc Didier de Thérouanne. C'est ce qui résulte du récit combiné de cette affaire, contenu en deux ou trois lignes dans la charte de l'évêque Didier de 1170, dans la bulle-privilége d'Alexandre III de 1164, et dans la charte d'Adam de Thérouanne, du mois de février 1224. Cette dernière pièce nous apprend que l'autel de Leubringhen était doté de 28 journaux de terre et que ses revenus avaient fait l'objet d'un partage entre l'abbaye ei le prêtre chargé de desservir la cure. A la première, comme personat, étaient dévolus les deux tiers du produit des grains {frugum), au deuxième, l'autre tiers avec les oblations, les menues dîmes et les revenus généraux du cantuaire, soas la charge de payer annuellement à la maison-mère un demi marc d'argent, monnaie ayant cours dans le Boulonnais (1).

L'abbé de Licques garda jusqu'à la Révolution française le privilège de faire desservir par un de ses religienx la paroisse de Leubringhen, où les dîmes ne se partageaient plus suivant la règle tracée par l'évoque Adam. Le curé, au XVIII8 siècle, avait trois gerbes du cent, contre deux à l'abbaye de Licques et trois à l'abbaye de Beaulieu.

L'église de Leubringhen, aujourd'hui annexe d'Audembert, ne présente aucun remarquable caractère d'architecture; mais elle possède un chœur voûté à nervures qui doit être du XVIe siècle, et qui est séparé de la nef par une tour carrée. On a conservé à l'intérieur quelques restes de l'ancien mobilier, particulièrement un grand aigle de lutrin en chêne sculpté du XVIP siècle et une très curieuse statue de S. Gendulphe, représenté en seigneur du temps de Charles VI, avec un grand (1) Chartes inédites de Licques.


manteau, un couteau de chasse à la ceinture et un oiseau de vol sur le poing gauche (1).

Leubringhen, qui avait 43 feux, chargea deux négociants de Boulogne, Pierre-Poitdevin et Noel Verlingue, de le représenter aux élections de 1789.

Hameaux et lieux-dits historiques

Bainghen, ferme dont la motte seigneuriale a disparu, était dans la mouvance de Fiennes. Bernard de Baingehem est cité dans la bulle consistoriale d'Adrien IV pour l'abbaye de Beaulieu, du 4 janvier 1157. Il avait donné à cet établissement le lieu qu'on appelle la Belle Chapelle, avec toutes ses appartenances.Le terrier de Beaulieu y mentionne l'existenced'un moulin en 1286, le Molin de Beinghem. C'est là le fief de Bainghen dont le titre a été porté comme surnom de famille par plusieurs membres de la noblesse boulonnaise au dernier siècle. 2° Blacourt, ferme où se trouvent les ruines d'un vieux château, bâti tout en pierres, avec des murailles très épaisses, des souterrains et la base d'une tour antique. M. l'abbé Parenty,qui a visité Blacourt le 17 octobre 1842, représente ces ruines comme paraissant avoir été renfermées dans une enceinte de forme ronde, assez vaste, précédée d'une terrasse au bas de laquelle devait se trouver une pièce d'eau. Blacourt était une seigneurie aux Disque de Calais. 3° Disacre, l'une des douze baronnies du comté de Boulogne, située au hameau que la carte de l'Etat- Major appelle le Grand et le Petit-Dijac, ou la Baronnie. On n'y voit plus la motte sur' laquelle était bâti le donjon des anciens seigneurs. Frethesendis de Ditesacra est citée dans la chronique d'Andres en 1084; Hugues de Didasacra et Baudouin de Didesacra, appelé ailleurs de Disacra avaient donné à cette abbaye des; biens qui sont énumérés dans l'état récapitulatif de l'abbé Gislebert et dans la bulle privilège de Calixte III du 13 octobre 1123 (2). On trouve encore le nom de Gusfride de Didesaker, inscrit comme témoin au bas de la charte d'Ide de Boulogne, de l'an 1189, 1) Renseignement obligeamment communiqué par M. V.-J. Vaillant. (2) Chron. Andr., pp. 784, 789, 790.


pour la dîme de Landrethun (1). C'est la forme ancienne du nom d'après la langue vulgaire, tandis que les précédentes étaient latinisées.

On lit dans le procès-verbal de la révision des coutumes du Boulonnais en 1550 que, l'appel ayant été fait du baron de Disacre, « le procureur du Roy se présenta, disant que le Roy l'avait « fait saisir; » et à ce propos l'historien de Calais, Le Febvre ajoute ceci Cette baronnie est dite confisquée, quoiqu'autret fois on y ait vu un paysan de père en fils tenir le domaine. « Mais on n'a pas voulu recevoir aux Etats du pays ceux à qui « elle appartient au rang des barons, parce qu'ils ont quitté les « armes et sont demeurés chez eux sans emploi (2). » 4o La Capelle, ferme à propos de laquelle je ne saurais dire si elle représente, ou non, le lieu-dit Bella Capella, dont j'ai parlé plus haut.

5° Etienville, dérivé sans doute de Steinville, la ville aux pierres.

Fernaville, ancien moulin, nommé Ferrantville dans les titres de Fiennes, on lit qu'à la fin de XIII° siècle il avait été brûlé (3).

7° Rocthun, fief qui appartenait en 1550 à Jehan le Marchand, escuier sieur de Roquetun,qui comparut à l'assemblée faite pour la révision des coutumes du Boulonnais.

LEULINGHEN

Lonin~aheimum in pago Bononiense, Leulinghen en Boulonnais, est le plus ancien nom de village que l'histoire locale nuisse nous faire connaître dans l'arrondissement, au moyen, don de conjectures, mais d'un texte précis.

fl~bid..p.8SO,

(2) Hist. de Calais, t. Il, p. o.:o, note.

(3) Ch. d'Art. A. 118, n' 5.


L'an 776, au mois de juillet, dans les premières années du règne de Charlemagne, un propriétaire de ce pays, nommé Walbert, vendit à Hardrad abbé de Saint Bertin, moyennant la somme de deux cents sous, payée tant en or qu'en argent, toute sa propriété, divisée en deux portions, située sur le territoire de Loningaheinaum dans le Pagus Bononensis. Ce bien consistait en un lot de terres avec des manses, des bâtiments d'exploitation, un esclave nommé Blidinare vendu avec tout son mobilier et tout son pécule, des prés, des bois, des pâturages, des communes, des chemins d'accès, des fossés d'écoulement, tout en un mot, sans réserve aucune, dans une parfaite intégrité (1). De ce fait, il y a une conclusion importante à tirer c'est que les noms de lieux en heim, ne sauraient être attribués aux Saxons de Witikind dont Charlemagne ordonna la translation en France en 804, puisque Loningaheim existait en 776, et que nous trouvons, d'ailleurs, Tatinga villa, ou Tatingaheim (Tatinghem) en 648 ou 649 dans le voisinage de Saint-Omer (2). Il faut donc remonter, pour l'origine de ces noms, à une époque antérieure, qu'on pourrait même, sans témérité, fixer plus haut que le Ve siècle, malgré l'opinion de M. Aug. Mariette (3). A quelle époque les Saxons s'établirent-ils en Angleterre, où ils ont peuplé le sol britannique de noms absolument semblables à ceux du Boulonnais? Sont-ce les Saxons d'Angleterre qui ont pris un établissement sur nos côtes ? Ne sont-ce pas plutôt les Saxons de nos côtes qui ont fait invasion en Angleterre ? En l'état actuel de la science ethnographique, ce problème est insoluble (4).

Deux autres localités du nom de Loningahem se trouvent dans l'arrondissement de Saint-Omer, répondant aux villages actuels de Nortleulinghem et de Leulinghem lez-Etréhem. C'est à l'une ou it l'autre de ces communes que se rapporte la citation ducar(l)Cart. Sith., pp. 60, 61.

(2)Ibid.. p. 18.

(3) Lettre à M. Bouillet, in-8.1847, pp. 26, 27.

(4) Voir l'ouvrage intitulé Words and places, par Isaac Taylor, M. A., imprimé à Londres chez Mac Millan en 1878, dont un extrait m'est obligeamment communiqué par M. Ern. Deseille.


tulaire de Saint-Bertin de l'année 850, qui est dans le polyptique de l'abbé Adalard (p. 97); mais nous retrouvons notre Leulinghen du Boulonnais, sous le nom de Loningchem, dans une charte de l'abbé Héribert, de l'an 1075, où il est dit qu'on retirait de la dîme de ce lieu un marc d'argent, applicable aux nécessités de l'église du monastère (p. 196). Pour s'épargner la peine de gérer cette dîme par eux-mêmes, ou pour en tirer plus de profit, les religieux de Saint-Bertin l'accensèrent aux seigneurs de Ferques, avec qui ils eurent, pour cela, par la suite, quelques difficultés. Nous avons à ce sujet trois chartes inédites, l'une de Philippe d'Alsace, qui n'est point datée, et qui termine un différend soulevé par Jean de Freqhenes;les deux autres de l'évêque Adam de Thérouanne des 2 mars 1223 et 16 septembre 1224, qui règlent la situation d'Eustache de Frechnes, fils de Gusfride,par rapport à un prêt de 250 livres parisis que l'abbaye lui avait fait en lui reprenant la dîme pour la tenir en gage (1). Dans ces trois actes, le nom de ce village est uniformément écrit Lollnghem. Au XVIII' siècle, l'abbaye de Saint-Bertin continuait de posséder la dîme de Leulinghen, dont elle partageait le produit avec le curé.

L'abbé d'Andres jouissait aussi, dans le dernier siècle, du droit de présentation à la cure de cette paroisse. Ce privilège, que nous trouvons inscrit pour la première fois dans le polyptique l'abbé de Gislebert (2), dressé dans les premières années du XII* siècle, lui fut confirmé par la bulle privilège de Pascal II, par la charte de l'évêque Jean de Commines de 1122, par la bulle de Calixte II, du 13 octobre 1123 et par celle d'Innocent III, du le'' janvier 1209. On y lit invariablement Altare de Lulingahem, ou Lullingahem (3).

Comme cet établissement possédait d'autres biens à Nortleulinghem, dans l'arrondissement de Saint Omer, je n'ose pas aller plus loin dans l'attribution des localités homonymes qui (1) Diplom. Bert., ms. ir 1U de la Bibl. de B., art. 57, 58 et 59. (2) Chron. Andr., p. 789.

(3) Ibid., pp. 792,794, 798, 845.


sont mentionnées dans la chronique; mais je crois bien que c'est de Leulmghen en Boulonnais qu'ilyest encore question en 1227, comme étant l'endroit où Eustache de Campagne se trouvait malade, lorsqu'on le transporta à Boulogne pour y mourir (1), ainsi que je l'ai dit en son lieu.

L'abbaye de Beaulieu avait quatre arpents de terre à Lolingehem enll57,etson terrier de 1286mentionne un certainnombre detenanches qu'elle y possédait à cette époque.Le nom de ce village y est écrit Lellinghem; tandis que dans les titres de Fiennes,on écrivait encore Lonlighem, qui rappelle la forme primitive. Le nom de Leulinghen est célèbre dans l'histoire à propos des conférences qui furent tenues dans son église, durant plus de vingt ans, à partir de l'an 1381, entre les plénipotentiaires des deux couronnes de France et d'Angleterre, pour le rétablissement de la paix.

Leulinghen étant une des dépendances de la seigneurie de Fiennes, on prétendait que son église était bâtie sur les confins des deux comtés de Guînes et de Boulogne, dont elle faisait ainsi la séparation (2). En conséquence chacun des deux peuples avait la satisfaction d'y être chez soi. Les Anglais y entraient par une porte, les Français par une autre, les uns dans le chœur, les autres dans la nef, et l'on parlementait, souvent sans rien définir.

L'édifice malheureusement ne répondait pas à la solennité de sa destination. C'était disent les chroniques de Saint-Denis, une chapelle très pauvre, couverte de chaume (3) mais on en tapissait l'intérieur avec tout ce que l'art somptuaire d'u ors pouvait offrir de plus splendide (4). On en lit le détail complaisamment (1) Apud Lullingham, tanguons infirmatur (ibid., p. 866).

(2) Una pars constructa asserebatur in comitatu de Guinis, altera vero in comitatu Bolonie.

(3) Una Capella pauperima, stipulis cooperta (édit. de M. Bellaguet, i. II, "5),

(4) C'était un usage général au moyen âge. Les appartements, dit M. de Reiffenberg, étaient tendus au moment où on les occupait. Cette décoration était prompte et elle avait l'avantage de pouvoir être facilement variée et de se conserver plus longtemps. Les princes et les grands personnages emportaient en voyage des ctapisseries qui faiaient des lieux les plus modestes un séjour magnifique. (Le chevalier au cygne, note sur le vers «053, p. 89).


énuméré dans les récits du temps. Je ne puis m'y arrêter; mais le sujet vaut la peine qu'on y revienne un jour, moi ou quelque autre, avec plus de loisir.

M. l'abbé Parcnty a décrit dans une note l'église de Leulinghen, qu'il a visitée le 19 septembre 1850. Elle était alors simple annexe de lacure de Marquise. « Le clocher octogone, dit-il, qui en occupe le centre, est de style roman, sans mélange d'ogive. Le chœur et la nef sont modernes et n'offrent aucun « intérêt archéologique. Au sud, il reste une partie de l'ancien « mur, où se remarquent des ouvertures qui ont servi de portes « l'une pour l'entrée du chœur, l'autre pour l'entrée de la nef, et « par lesquelles, selon la tradition, les princes ou leurs repré« sentants seraient entrés isolément, pour ne point se céder le « pas. Il existe une troisième porte, la seule actuellement prati« quée, qui a pareillement aidé à servir les susceptibilités natio« nales des deux parties contractantes. La cloche de Leulinghen date de 1776.

Depuis le jour où M. Parenty l'a visitée, l'église de Leulinghen s'est embellie. On y remarque plusieurs tableaux, qui ne sont pas sans valeur et qui lui ont été offerts par Mlle Lelièvre. De plus, elle a été érigée en succursale par un décret du 21 juillet 1872, et elle a ainsi retrouvé son ancienne indépendance paroissiale. J'y ai relevé plusieurs inscriptions tumulaires, entre autres celle d'un Boulonnais de la Haute-Ville, parent de Philippe Luto, qui était titré chapelain de Saint-André dans la cathédrale et qui après avoir été successivement vicaire de St-Nicolas,curé d'Hesdin-l'Abbé, puis d'Escalles, mourut curé de Leulinghen le 26 avril 1730. Ses deux successeurs, Michel Sénéca, aussi de Boulogne, et Jean-Baptiste Caron, d'Henneveux, furent l'un après l'autre, honorés du titre de doyen du District de Wissant et je ne puis me dispenser d'ajouter que le premier des deux fut promu à la dignité de chanoine titulaire de la cathé drale, le 21 mai 1772. La petite cure de Leulinghen n'a donc pas été sans illustration.

Le village pourtant ne comptait que trente-trois feux en 1789. Sa population actuelle est de 307 habitants sur une étendue ter-


ritoriale de 675 hectares.Le soin de le représenter aux élections du Tiers-Etat pour l'Assemblée nationale, fut confié à M. Ternaux, receveur des Vingtièmes, et à Pierre Battel.

Hameaux et lieux-dits historiques:

1° Bernes, hameau dont le nom se trouve déjà sous cette forme dans un titre de la seigneurie de Fiennes à la fin du XIIIe siècle (1). Porrus de Bernes, sieur dudit lieu, comparait à l'assemblée faite pour la révision des coutumes, en 1550.

Il y avait une chapelle de Bernes, en titre de bénéfice, sous l'invocation de Sainte-Barbe, à la présentation du seigneur du lieu; mais l'édifice ne subsistant plus, elle était desservie dans l'église de la paroisse,

21 Uzelot, hameau considérable, sur la route nationale de Marquise à Calais. C'est peut-être le lieu que les chartes de Notre-Dame de Boulogne appellent Yweslo en 1208. On y a trouvé en 1864, dans une terre appartenant à M. Bonvoisin, maire de la commune, un cimetière mérovingien, dont une partie a été l'objet de fouilles régulières faites pour le compte de l'administration du musée de Boulogne. J'en ai donné le résultat dans le premier volume des Mémoires de la Société Académique, avec la nomenclature et la description des objets qui y ont été recueillis.

Pendant que je me trouvais à Uzelot pour surveiller ces fouilles, on m'a montré dans une pâture dépendante de la maison située au lieu dit Hembert, l'endroit où l'on avait aussi trouvé, quelques années auparavant, des vases, des bouteilles et des assiettes en terre rouge de l'époque romaine, en creusant un fossé. Les sondages que j'y ai fait exécuter m'ont convaincu que la découverte en question n'avait porté que sur une sépulture isolée.

M. L. Cousin a signalé l'existence d'une hache en silex, trouvée dans le voisinage. Depuis lors, on a ramassé dans un champ voisin du four à chaux plusieurs fragments d'une meule romaine en poudingue avec des noyaux de quartz; et M. Edmond (1) Chart. d'Art., A. 118, n- 5.


Rigaux m'informe que des travaux exécutés pour l'extraction du charbon de terre, à quelque distance de là, ont amené la découverte de nouvelles sépultures gallo-romaines.

3° Witrethun, ferme connue sous le nom de Westretin dans un titre de Fiennes, de la fin du X II8 siècle (1).

MAMÎVCJHEIV1

Entre le bassin du Wimereux et celui de la Slack, s'élève un plateau qui se prolonge assez loin dans l'intérieur du pays, et qui atteint son maximum d'altitude entre Wimille et Hesdres. C'est là qu'est situé le village de Maninglien, (108 m.), avec son hameau de Hennés (116 m.). C'est une petite commune de 136 habitants, répartis sur une étendue territoriale de 399 hectares. Elle faisait autrefois partie du doyenné de Boulogne, du bailliage de Londefort, et elle a appartenu (1790-1801) au canton de Saint-Martin. On y comptait en 1789 25 feux, et elle s'est fait représenter cette année-là, pour les élections, par Antoine Lonquéty de La Quénoye et Marc Delplace.

J'ai peu de chose à dire sur les origines de Maninghen, dont je ne trouve point de trace avant l'an 1208. A cette époque, l'abbaye de Notre-Dame de Boulogne y possédait des terres et des revenus qui lui sont confirmés par une bulle privilège du pape Innocent III. Le nom de ce village y est écrit Maningehem. On l'appelle Maninghem-u-Mont, c'est-à-dire au mont ou sur le mont, en 1338 et 1340 dans les comptes du domai ne de Boulogne e publiés par la Société Académique (2). On y lit que la dîme de ce lieu, appartenant au comte de Boulogne, avait été mise en ferme et louée à Jehan Gontier et à Jehan Esblarée, ou Esbrare, pour le prix de 19 livres. C'est sans doute cette dîme laïque qui (1) Chart. d'Art., A. 118, n- 5.

(2) Mémoires, t. IX, 2- partie, pp. 306-330.


passa aux seigneurs du lieu, les Acary de Maninghen, tandis que le chapitre de Boulogne en possédait une autre, équivalente aux deux tiers du produit total, qu'il partageait avec le curé. Nous voyons dans les registres du chapitre, que cette compagnie dut faire en 1642 une remise importante au fermier de sa dime de Maninghen, « en ayant égard aux pertes qu'il a faistes quasy de tous ses grains par les gens d'armes, la dépouille dernière. »

L'église de Maninghen, qui a subi de grandes réparations, n'offre aucun caractère appréciable d'ancienne architecture. Elle possède une cloche qui a été fondue en 1789 sous l'administration d'un vieux curé, Jean Davault, qui avait pris possession de la paroisse le 11 novembre 1734. Ce vieillard, qui ne crut point devoir prêter le serment constitutionnel, fut arrêté comme réfractaire en 1794, à l'âge de 88 ans, et Joseph Le Bon eut la cruauté de le faire transférer à Arras pour y être jugé par le tribunal révolutionnaire (1). Un de ses prédécesseurs, Pierre Ohier, mort en 1698 fut commissionné doyen rural du dictrict de Boulogne, le 26 avril 1696.

La section d'Hennes, dont le nom se trouve déjà dans les comptes et les aveux du XIV8 siècle, présente comme souvenir historique le nom d'un religieux de Saint-Bertin, Jacques de Ricquessen d'Henné, qui prit l'habit monastique sous le règne de l'abbé Henri de Coudescure, vers l'an 1330 (2).

MARQUISE.

Le bourg, aujourd'hui ville de Marquise, chef-lieu du canton de ce nom, est situé au centre du bassin de la Slack, à douze kilomètres nord-nord-est de Boulogne et à huit kilomètres de (1) Bertrand. Précis de l'Hist. deB.,t. II. p. 243.

(S) H. de Laplane, les abbés de S. B., i. I, p. 319.


l'Océan. Son territoire, qui contient 1338 hectares, est traversé par le chemin de fer de Boulogne à Calais, par la route nationale qui relie ces deux villes l'une à l'autre, et par d'autres chemins de moindre importance, mais dela plus grande utilité, qui rayonnent vers Guînes par Ferques et Landrethun-le-Nord, vers Samer par Wierre-Effroy et Belle-Houllefort, vers Desvres par Héty et Le Wast, vers Hardinghen par Rinxent, vers Wissant par Noirbernes et Le Colombier, vers les autres villages de la côte par Bazinghen, au moyen d'un embranchement sur Audinghen et d'un autre sur Ambleteuse aussi, le commerce y est-il florissant, l'industrie prospère et la ville, qui ne comptait que 1,378 âmes en 1805, est-elle arrivée au chiffre de 4,359 habitants lors du recensement de 1876.

L'archéologie, au défaut de l'histoire, témoigne de l'antiquité du bourg de Marquise. Groupons ici les diverses découvertes qui ont été faites sur son territoire. En 1750 et 1751, desouvriers occupés à extraire du caillou et de la pierre pour la confection de la grande route de Calais, ont rencontré dans le lieu dit la Fosse du Mont de Cappe, « une quantité considérable d'osset ments humains, des casques, des glaives, des poignards en fer « et en bronze, des hachettes en silex poli et beaucoup d'autres « objets fort curieux, vendus ou donnés quelques années plus « tard à un M. de Bois-Robert, de Montreuil-sur-Mer, dont une « note manuscrite nous a conservé ces détails (1). Plus tard, vers 1782, on a trouvé le long d'une très ancienne rue nommé le Chemin poissonnier, une soixantaine de médailles des empereurs Néron, Vespasien et Antonin le Pieux, avec une certaine quantité de fers à mulets pendant la Révolution française, des fragments de briques, de tuiles et de poteries romaines au lieu dit le Moulin-Brûlé; vers 1810, deux plaques en bronze ciselé et une clé romaine en fer, à l'endroit nommé le Puits de la ville; une pierre de moyen appareil, offrant sculpté en relief un gros cordon de perles alternativement rondes et oblongues, fragment de corniche ou de piédestal, recueilli, vers la même époque, avec des médailles romaines et quelques petits dés ou (1) A. Guilmeth, le Bourg de Marquise, gr. inr8-, Amiens, s. d., p. 7.


cubes en marbre bleu, gris-jaune et rouge-brun, à peu de distance de la Fontaine Gazeda. Il est à remarquer, ajoute M. A. Guilmeth, à qui j'emprunte ces détails, que les habitants de Marquise, à la fin du XVIIe siècle, attribuaient encore à cette fontaine qu'ils qualifiaient bénite et merveilleuse, plusieurs vertus bienfaisantes et y rattachaient, ainsi qu'à la Planche du Lutin et à la Planehe-à- la- Laine, des traditions plus ou moins bizarres qui paraissent être des réminiscences des anciennes croyances celtiques (1).

De nos jours, le musée de Boulogne s'est enrichi (13 septembre 1833) de deux grandes urnes romaines en terre cuite, monuments d'incinérations, provenant des environs de Marquise. On y a déposé en 1841 un tombeau en pierre oolithique, sorte de coffre de 53 cent. de longueur sur 45 cent. de largeur et 27 cent. de hauteur, fermé d'un couvercle de même mat:ère. Il renfermait des ossements calcinés, les fragments d'une urne cinéraire en terre cuite et d'une fiole lacrymatoire en verre. Deux autres vases, dont l'un d'une pâte assez grossière et de teinte jaunâtre, étaient déposés dans la terre à côté de ce petit tombeau, trouvé sur le bord du chemin de Marquise à Rinxent, au lieu dit les Warennes (2). Le 21 mai 1842, les registres de cet établissement signalent l'entrée de nouvelles poteries romaines, venant de Marquise. Au mois de novembre 1856, en établissant des conduites d'eau à travers le même terrain des Warennes dont il vient d'être parlé, M. H. Killick Kent, qui en était l'entrepreneur, a trouvé des sépultures dont les ossements examinés par un homme de l'art ont été reconnus appartenir à des hommes de haute taille morts dans la fleur de l'âge. La tranchée ouverte pour la pose des tuyaux de conduite a donné, en outre, deux urnes contenant des cendres, plusieurs médailles sur l'une desquelles on lisait le nom de l'impératrice crispina, femme de Commode, et enfin un autel votif en pierre sculptée, dont la face antérieure représente un hercule armé de sa massue. Ce fl)Ibid., p. 11.

(2) Ibid., p. 13, et rapport dp. M. Marguet dans les Mém. de la Soc. des Ant. de la Mor., t. VI, pp. 192, 193.


précieux monument de sculpture a été donné au musée par M. Kent (1).

Outre ces vestiges d'une provenance incontestable, qui démontrent l'existence d'une colonie gallo-romaine habitant le territoire de cette localité, on m'en a signalé d'autres, qui n'étaient point de nature à être recueillis par le Musée Je veux parler des nombreux fragments de larges tuiles à rebord, j'en ai vu des échantillons qui rappellent les traces d'une mansion romaine, dans les terres de la Liégette (2), mais combien de faits de ce genre échappent à l'investigation des curieux

Plusieurs aussi de ces découvertes n'appartiennent peut-être pas à l'époque romaine, et l'on reste indécis sur leur origine. Tels sont, par exemple, les tombeaux en pierre, en forme d'auges, trouvés en 1688 au hameau de Canet, et en 1776 dans une pièce de terre voisine du vieux château d'Hardenthun; telles encore sont les fondations et les ruines que les ouvriers ont rencontrées sous leur pioche en 1750, au lieu dit la Capelette du Haut-Pichot, où la tradition prétend qu'il y avait autrefois un temple (3); tels sont enfin les deux monticules, dont l'un s'appelle le Mont-Crupette et l'autre n'a point de dénomination connue, que l'on voit à peu de distance l'un de l'autre dans les champs de la Haute-Liégette. Sont-ce des tombelles celtiques ? f Sont-ce même des tertres factices, je ne saurais le dire. Après l'époque romaine sont venus les Francs Mérovingiens, qui se sont établis dans les environs de Marquise. Leur présence y est signalée par le tiers de sol d'or qui a été offert au Musée de Boulogne, le 10 octobre 1828, comme trouvé en cet endroit. Ce fait est confirmé, d'ailleurs, de la manière la plus éclatante par les magnifiques découvertes qu'ont produites les fouilles du cimetière d'Hardenthun, lors de la construction du (1) Renseignements transmis à la Soc. d'agr. de B., en 1862, par M. A. Dewailly, maire de Marquise.

(2) Communication bienveillante de M. Kréderic Uuflos.

(3) A. Guilmeth, pp. 11, 12.


chemin de fer de Boulogne à Calais, en 1863 (1). Ce n'était pas en effet, comme il arrive quelquefois, un ossuaire de bataille, mais un cimetière de campement, où des individus de tout âge et de tout sexe étaient inhumés les uns près des autres dans le pêle-mêle que comportent les hasards de la destinée humaine. Les guerriers s'y trouvaient ensevelis avec leurs armes, comme avec la seule distinction qui convenait à leur bravoure mais leurs filles et leurs épouses avaient voulu descendre dans la mort avec tous les joyaux dont elles s'étaient parées au jour de leurs fiançailles, semblables à la femme du duc Rauchingue,qui, d'après Grégoire de Tours, s'avançait glorieusement dans les rues de Soissons, fière de ses énormes bijoux ciselés, riche de pierreries sans nombr.e, et couverte d'un or étincelant (2). Si Augustin Thierry avait pu assister à des fouilles aussi palpitantes d'intérêt, avant d'écrire ses Récits des temps mérovingiens, je ne doute pas que sonjpinceau n'y eût trouvé des couleurs plus vivantes encore que celles qu'il a employées, pour faire revivre et défiler sous nos yeux les compagnons de Mérovée, de Childéric et de Clovis 1

Ce qui faisait la célébrité de Marquise en ces temps reculés, c'étaient ses carrières de pierres à bâtir, d'une matière solide et compacte, facile à tailler, propre à la sculpture, qu'on appelle la grande oolithe. On en faisait usage sous les Romains, comme le prouvent les monuments d'architecture qu'on a rencontrés à Boulogne, soit dans les fouilles de Bréquerecque, soit dans la crypte de la cathédrale, soit dans les arênes de la rue Royale, et partout ailleurs. Il est difficile de dire sur quel point précis du territoire de Marquise on l'exploitait alors; mais tout porte à croire que c'était dans le terrain qu'on appelle les Warennes, dont le sol n'est formé que de remblais irrégulièrement disposés. Plusieurs ont voulu voir dans les nombreux monticules (1) Le catalogue en a été publié l'année même par l'adminisiration du Musée, en deux tirages, l'un in-18, l'autre à 50 ex. de choix, en 8' couronne.

J'ai rendu compte de ces fouilles dans Quatre cimetières mérovingiens du Boulonnais. (Mém. de la Soc. Acad. de B., t. I, 180C.)

(2) Grandibus ornamentis ac gemmarum pretiositatibus et auri fulgore obtecta. (Lib. IX, cap. 9.)


qui y sont accumulés, les traces d'un campement; mais cette idée n'est pas soutenable. Remarquons seulement que ces remblais sont de date bien ancienne, puisqu'ils renferment des sépultures gallo-romaines d'incinération, ainsi que nous l'avons vu plus haut.

Les carrières de Marquise (Petreiam, vel Petrarum quadraturam Marehisiœ), sont citées dans Lambert d'Ardres comme le lieu où fut atteint le fameux comte Régnier de Boulogne, poursuivi par les gens d'Ordre et de Caïeu; mais rien n'en fait mieux connaître la renommée que la démarche de l'abbé Scollandus au XIe siècle. En effet, ce religieux qui gouverna de 1067 à 1087 le monastère de Saint-Augustin de Cantorbéry, ayant résolu de faire reconstruire cette abbaye célèbre, envoya un architecte à Marquise pour y faire tailler des bases, des colonnes et des chapiteaux dont on chargea un navire (1). Plus tard, il y vint luimême embaucher des ouvriers et faire tirer iespierresen grande quantité pour les employer à la constiuction de cet édifice. On était alors sous le règne du marquis de Flandre, Robert Le Frison, qui faisait la guerre au pays Boulonnais, probablement après la bataille de Cassel (1071) où le comte Eustache avait été fait prisonnier. L'historien anglais (4) cite à ce propos une anecdote qui ne manque pas d'intérêt. Un des ouvriers carriers employés par Scollandus avait sa mère qui, avec une vache, demeurait à trois milles de là. Les soldats de Robert le Frison, vrais Prussiens de l'époque, faisaient main basse sur tout. Que fait l'ouvrier ? Il conduit sa mère dans une église, où il la laisse sous la protection du droit d'asile; et lui-même s'enfuit avec la vache dans un bois où, grâce à la protection de S. Augustin, les ennemis ne parviennent pas à le dépister.

Les seigneurs de Marquise remontent haut dans l'histoire mais il faut se garder de les confondre avec les vicomtes de Markenes, comme l'a fait M. A. Guilmeth. Gonfroi de Marquise (1) Marchiam Flandriae villam fœcundam lapidum.Act. SS. Boll., Maii t. VI. pp. 399 et 404. Les doctes éditeurs ont cru à tort qu'il s'agissait du village de Marck.

(4) Gotcelin, auteur du récit.


(Markisiœ) vivait au .commencement du XIe siècle. Quand il mourut, vers l'an 1050, Mathilde sa fille épousa Arnoul de Selnesse, fondateur de la ville d'Ardres. C'était un guerrier plein de valeur, qui avait l'estime du comte de Boulogne et qui exerçait auprès de ce prince les fonctions de sénéchal, de bailly et de justicier. Lambert affirme qu'Eustache aux Grenons s'intéressait à la famille du seigneur de Marquise au point d'avoir personnellement travaillé à conclure cette alliance. Mathilde de Marquise ayant donné à son mari sept enfants, mourut en couches du dernier, et fut inhumée dans la collégiale d'Ardres.

Les deux aînés, Arnoul et Gonfroi, furent successivement introduits par le comte Eustache à la cour de Guillaume leConquérant, où ils servirent durant plusieurs années avec réputation, de manière à obtenir les plus grandes récompenses. Le roi leur accorda même la jouissance de plusieurs domaines confisqués sur les Anglais vaincus; mais Gonfrci les céda tous à son frère, en échange de la terre de Marquise, qu'il voulut avoir, pour en relever le titre sous le nom de Gonfroi II. Nous ne savons rien de plus sur Gonfroi d'Ardres, si ce n'est qu'il fut père de Baudouin de Marquise, surnommé l'ancien, dont le fils Baudouin II, dit d'Engoudesent, de Marquise ou de Caïeu (1), épousa, vers la fin du XIIe siècle, Adeline de Guînes, huitième fille du comte Baudouin le Magnifique.

Là s'arrête, dans Lambert d'Ardres, la généalogie des seigneurs de Marquise (2).

Quand on veut la contrôler par le témoignage des chartes contemporaines, on la trouve pleine d'obscurités. Le nom de Marquise ne figure, en effet, dans les documents diplomatiques du XII° siècle, que pour Robert de Markia ou de Marchia, témoin des donations de Warin de Fiennes en 1107 (3) et de la charte d'Eustache III de 1121 en faveur de Saint-Wulmer de (1) Balduino de Engoudeshem vel de Markisio, de Caiocho tamen nominato.

(2) Cap. Lxxix, ex, cxxt.

(3) Chron. Andr., pp. 787, 796.


Boulogne, où on l'appelle Robert de Markise, suivant la forme vulgaire de ce nom (1); et c'est tout.

Je serais tenté de croire que cette famille a porté successivement plusieurs noms différents. Si le nom de Caïeu en est un, on pourrait reconnaître Baudouin le' dans le Baudouin de Caioht ou de Cliaiol, qui signe les chartes d'Eustache III de 1107 et de 1125 des cartulaires de Samer et de Rumilly. Si le nom d'Engoudesent leur appartient, on retrouverait Baudouin II dans le Balduinus de Engoldesem des chartes de Saint- Josse -surmer, de 1168, 1173, 1174; mais ces exercices de haute voltige sont bien périlleux, et je ne vois pas le moyen de rattacher à Baudouin de Marquise tout le reste de la lignée des seigneurs de Caïeu, qui pullule au XIIIe siècle, et qui a ses racines dans la seconde moitié du Xe, avec Anselme et Etienne, tenanciers de l'évêque Frameri de Thérouanne (2)

Il y a moins de difficulté pour l'identification des seigneurs de Marquise avec ceux d'Engoudesent. D'abord, il est à remarquer que la présentation de la cure de cette paroisse, avec deux gerbes de la dîme, appartenait au prieur de Beussent, village dont le hameau d'Engoudesent fait partie. Ensuite, les chartes de Notre-Dame de Thérouanne, celles de Licques et de SainteAustreberthe de Montreuil, de 1164, 1170, 1171 font mention d'Eustache d'Engoldessem, ou d'Engodessem (3), qui pourrait bien être le Wistasse de Maraquise dont parle le roman d'Eustache le Moine.

Ce Vassaus

Grans et hardis et fors et biaus,

osa relever, pour Hainfrois de Heresinguehans, le gand que lui jetait Manessiers, champion du moine, pour venger la mort de Baudouin Busket, occis près de Basinguehans, et il tua son adversaire dans un combat singulier, livré à Etaples (4). (1) Ch. d'Art. A. 4.

(2) Lamb. Ard., cap. xcix.

(3) Chartes de Samer, commentaire onomastique, p. t73.

(4) Roman d'Eustache le moine, vers 310, 311, 349, 350, 362, 371.


Je n'irai pas plus loin nans le champ des conjectures, me contentant d'ajouter, pour épuiser le XIIIe siècle, que l'abbaye de Notre-Dame de Boulogne possédait en 1208 une terre et des revenus dans la paroisse de Marquise (in Markisa). « L'église de Marquise, suivant l'appréciation de M. l'abbé Parenty, qui l'a visitée le 19 septembre 1850, n'a rien de remarquable comme monument. Elle n'a qu'une nef et un bras de croix irrégulier, percé d'un hagioscope pour donner vue sur le chœur aux assistants. Le chœur, non plus, n'offre rien de monumental, si ce n'est une corniche très délicatement sculptée. Le clocher, placé entre la nef et le chœur est une construction du XIIe siècle. On y rencontre l'ogive dans l'intérieur, ou, si l'on veut, à sa base. Les baies, à l'extérieur, sont de style roman. »

La paroisse faisait partie du doyenné de Wissant et ressortissait pour la justice au bailliage de la même ville. Elle a eu pour curés plusieurs prêtres dont les noms sont à recueillir, particulièrement en 16701e chanoine Le Roy, historien de NotreDame de Boulogne, qui la retint quelque temps en commende, Claude Germain, qui fut abbé de Saint-Jean-au-Mont (1), François Le Bon, poète latin, dont j'ai parlé ailleurs (2), qui fut doyen du district de Wissant, par commission du 6 novembre 1679 et qui mourut curé de Saint-Nicolas; Nicolas Sandron, parisien, qui y fut transféré de Wissant en 1688, et qui fut aussi doyen, mort en 1711 Claude Monicaud, de Moulins en Bourbonnais, curé le 21 novembre 1711, doyen le 24 septembre 1717, mort en 1742; Jean-Baptistc-Louis Caron, de Samer, chapelain de la cathédrale, curé de Marquise le 24 juin 1742, mort en janvier 1761 et inhumé dans son église avec une épitaphe latine Gabriel-François Dupont, né àMirquise le 15 juin 1736, docteur en théologie, curé le 3 novembre 1761, commissionné doyen par Mgr de Pressy le 24 juillet 1781. Il prêta le serment constitutionnel, fut révoqué de sa charge de doyen par Mgr Asseline, (1) Dict. hist. et arch. du P. de C., Boulogne, t. I, p. 301. (2) Ibid., p. 312.


se mit sur les rangs pour devenir évêque du Pas-de-Calais et fut grand-vicaire de Porion.

Le bourg de Marquise, fut plusieurs fois ravagé par les Anglais, qui y campèrent au mois de juin de l'an 1513 (1), qui en brillèrent une partie en juillet 1543 (3) et qui se fortifièrent l'année suivante à Haruenthun. L'armée de Henri II les en délogea en 1549 (3). Plus tard, ce furent les royalistes et les ligueurs qui se disputèrent la possession de cette place, au grand détriment de la population du lieu (4).

A cette époque, dit M. Guilmeth, il existait à Marquise plusieurs fabriques d'étoffes de laine, dites draps d'Estienfort, ou Estamfort. On y comptait plusieurs teintureries pour la laine, un moulin foulleur, deux moulins à huile, etc. Suivant le même auteur, un haras y était établi depuis l'an 1519 pour l'élevage des chevaux, sous la direction des agents du domaine royal (5). La révolte de 1662. connue sous le nom de guerre de Lustucru, eut son retentissement à Marquise. Le 27 juin, une bande armée y força plusieurs maisons, à la recherche des cavaliers royaux qui s'y trouvaient logés. On cite particulièrement celles de Jacques Courtois, dit la Cavalle, le presbytère du curé Le Bœuf, et le château Mollack appartenant à Marc Frest d'Imbrethun. En punition de ces faits, les cloches de Marquise furent dépendues pendant un an (6).

Le bourg de Marquise était administré par un bailly, qui assiste avec les maïeurs des villes de loi aux Assemblées provinciales du Boulonnais. Le livre verd des archives communales cite notamment Jean Alexandre, bailli de Marquise, qui comparaît en une semblable occasion le 5 septembre 1575. (1) Lodgred to Lullingham, thence to Margysson (Calendar of state papers, H. VIII, t. I, n- 4253. y

(2) Bulletin de la Soc. des Ant. de la Mor., t. I, p. 63. Lettre de Du Biez. (Mém. soc. des Ant. de Pic., t. II, p. 173).

(3) Le Febvre, Hist. de C., t. II, p. 269.

(4) H. de Rosny, Hist. du Boul., t. III, p. 461.

(5) Boury Marquisf*. pp. 26-27,

(6) Ibid., p. 28. Not^ de Le Rc>y de Lozembrunedans la Revue litt. de B,, t. 11, p. 4)


Il y avait alors à Marquise un marché, où l'échevinage de Boulogne ordonne de faire diverses publications d'intérêt public.

Ce marché, qui existe encore et qui est un des mi°ux- achalandés du pays, a lieu le jeudi de chaque sem.^ine. H s'y tient, en outre, un franc-marché le troisième jeudi de chaque mois, et deux foires annuelles l'une le quatrième lundi de carême et l'autre le 25 juillet.

Marquise a été à la fin du dernier siècle le chef-lieu de la première des circonscriptions rurales, formées pour le recrutement de l'Administration provinciale du Boulonnais. Ce canton ou cet arrondissement, comme on disait alors, se composait de 21 communautés, comprenant ensemble 1431 feux, savoir Marquise, Audembert, Audinghen, Audresselles, Bainghen, Hazinghen, Boursin, Caffiers, Ferques et Elinghen, Fiennes, Hardinghen, Hidrequen et Rinxent, Houllefort, Landrethun, Leubringhen, Leulinghen, Offrethun, Réty, Saint-Inglevert, Tardinghen et Inghen, Wierre-Effroy (1766-1790).

La seigneurie de Marquise, comme seigneurie de clocher, ayant droit aux prérogatives honorifiqnes dans l'église, appartenait dans le siècle dernier à la famille de Tutil de Guémy la seigneurie du bourg était réunie à celle de Longvilliers et de Recques, dans la famille de Longvilliers. Les deux parties nommaient chacune un bailli pour exercer en leur nom leurs droits de justice (1); mais c'étaient les seigneurs de Longvilliers qui percevaient à leur profit les droits établis sur les foires et marchés (2).

Les délégués de Marquise à l'assemblée électorale de Boulogne pour la nomination des députés aux Etats-Généraux de 1789, furent Pierre-Maxime Dupont, notaire royal, bailli de la seigneurie du clocher, Le Porcq, ancien maïeur de Boulogne, et Louis-Marie Bouclet. On y comptait alors 250 feux. En 1790, Marquise devint chef-lieu de canton dans le District (1) Fr. Morand, les dern. baillis, pp. 71 j 71.

(2) Archives du P.-de-C., liasse C. 58.


de Boulogne, avec Ambleteuse, Audembert, Audinghen, Audresselles, Bazin,Ileri, Leubringhen, Leulinghen, Saint-Inglevert, Tardinghen et Inghen^ Wissant. Onze autres communes y furent ajoutées en 1801, pour former le canton actuel. La commune de Marquise a été dotée d'une Caisse d'épargne, fondée le 25 décembre 1839, comme succursale de celle de Boulogne.

Hameaux et lieux-dits historiques

1° Baudrethun, ferme connue en 1286 sous le nom deBoudertun, comme chef-lieu d'une tenanche dépendante de l'abbaye de Beaulieu.

2° Bléquenecque, hameau, le Blekenaker, ou champ brûlé, du terrier de Beaulieu de 1286.

Bouquinghen, hameau dont les seigneurs Baudewins de Bokinghem et Pierron de Bokinghem sont cités dans une charte à'Engelrans de Leaune, du mois de mai 1259, pour l'abbaye de Licques.

4o Canet, où il y eut une maladrerie, que M. A. Guilmeth croit avoir été établie sur les ruines d'une ancienne église, édifiée dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, et dédiée à SaintSauveur. Le nom de Canetum, dit-il, coïncide d'un manière remarquable avec celui du temple de Mercure, situé à Berthouville, près Brionne (Eure), le Breviodorus des Romains. Je cite cette opinion comme très curieuse et très digne d'attention,sans la garantir.

5° Le Château Mollack, ferme aux portes de la ville, ancien manoir des Frest d'Imbrethun.dernièrementpropriétê deM.Marteau. C'est une construction du XVI0 siècle, avec un plafond voûté en briques sur poutres, une cheminée monumentale dans la chambre du rez-de-chaussée, des meurtrières, etc. Un moucharaby surplombe au-dessus de la porte d'entrée.

Cloeheville, petite maison dans les champs, entre Marquise et Hardenthun, fief aux Du Quesne, qui en ont porté le nom, aujourd'hui éteint, mais dont le souvenir se perpétuera par les fondations charitables établies à Boulogne et à Tours au


moyen des dispositions testamentaires de son dernier représentant.

Hardenthun, hameau, nommé Hardentuna en 1208 dans les chartes de N.-D. de Boulogne. Les d'Anvin d'Hardenthun se sont immortalisés dans l'histoire du Boulonnais. Jeanne de Hardenthun fut abbesse de Montreuil en 1481.

Le fort d'Hardenthun, qui existait déjà en 1372 est représenté en 1549 comme une maison de gentilhomme, bien fossoyée d'eau tout à l'entour, où se trouvaient treize ou quatorze Anglois, qui, avec trois ou quatre arquebuses à crocs, pensoient tenir bon contre l'armée d'Henri II mais, dit le rapport, ils ne durèrent pas longtemps. »

J'ai parlé plus haut du cimetière mérovingien découvert au lieu dit les Yeulles, terroir d'Hardenthun.

8° Ledquen, hameau, où se trouve un château appartenant à M. Bouclet d'Hallewyn. On l'appelle en 1286 Legteghem dans le terrier de Beaulieu, Laitekem, en 1294 dans une charte d'Artois, et Leslquem dans un titre de Fiennes de la même époque. On a découvert des vases romains dans une carrière au sable, sur le territoire de Ledquen, en 1862.

9° La Liégette, hameau, sur le chemin qui conduit à WierreEffroy. Morice de Boudertun de Liegethe était un des trois tenanciers que l'abbaye de Beaulieu avait à Markise en 1286. Gutchard de Ligete servait en 1297 sous les ordres du comte d'Artois. 10° La Quenouille, ferme, connue dans le compte de Jeanne de Boulogne de 1340, pour le nom de son propriétaire Robert de Kenoilles, un des tenanciers du domaine de la Motte de Marquise.

OFFRETULIV.

Cachée dans un pli de terrainderrière le Montde Berguettes et d'Epitre, au sud d'Hardenthun et au nord de Maninghen, se


trouve la commune d'Offrethun, dont la population n'est que de 145 âmes, et l'étendue de 262 hectares.

Olîrethun dépendait autrefois du doyenné de Boulogne st du bailliage de Londefort. De 1790 à 1801 il a fait partie du canton du Saint-Martin.

La forme la plus ancienne du nom de ce village setrouve dans le terrier de Beaulieu de 1286, où on l'écrit Wolfertun. Je ne puis me dispenser de faire remarquer l'analogiequi existe entre ce nom et ceux de Wulverdinghe du canton deBourbourg, Wolverthem (en 1095 Vulvrethem) du Brabant, et Wuluerghem de la Flandre occidentale. M. Chotin interprète ces deux derniers par manse de Vulfert (1). Notre Wolfertun, à ce compte-là, serait donc l'enclos de Wolfer, un des guerriers anglo-saxons qui ont peuplé ce pays à une époque très reculée.

L'abbaye de Beaulieu possédait à Wolfertun la rente d'un poquin de froment et d'un poquin d'avoine, provenant de l'achat de sire Eustache, prêtre ou curé de Marquise.

Jehan Chertain de Wolfertun est mentionné dans un rouleau en parchemin des archives d'Artois, à la fin du XIII" siècle (2) mais déjà l'on écrivait aussi, à peu près selon la forms actuelle Oufretun. Jehan de Ou fretun comparaît à l'enquête sur la charte de Boulogne en 1285, et Baudouin d'Oufretun, écuyer, vend à la comtesse d'Artois la dime qu'il avait en la paroisse de Menteke (Mentque-Nortbécourt) le 21 octobre 1311 (3). Le martyrologe ancien de Notre-Dame de Thérouanne faisait mention d'un obit fixé au 28 mars de chaque année pour le repos de l'âme de maître Pierre de Aufretun, prêtre chapelain de cette église (4). Les bailly et marguilliers d'Offrethun comparurent en personne aux élections de 1560, avec sire Olivier Cochet, leur curé.

L'église d'Offrethun, sous le vocable de Saint-Etienne, était avant la Révolution français une cure dont la présentation ap(1) Etudes étym., Brab., p. 229, FI. occ., p. 189.

(21 A 182, n- 2.

^3) A 57.

(4) Ms G. 11, du fonds ecclès. des archives de B.


partenait à l'abbé de Saint-Bertin. La nouvelle organisation religieuse l'a dépouillée de ce privilège, pour en faire l'annexe de la succursale de Beuvrequen. C'est un édifice qui a été restauré depuis peu, mais qu'on a eu tort de dépouiller de sa cuve baptismale du XIIe siècle, reléguée, m'a ton dit, dans le jardin du château. Parmi les cures d'Offrethun je remarque Jean-Baptiste-Omer de Saint-Just, de Bois-en-Ardres,quijouit de ce bénéfice depuis le 22 octobre 1755 jusqu'en 1769 (1). La cloche date de 1564.

Bien que petit village, composé seulement de 17 feux, Offrethun avait, comme les autres paroisses du Boulonnais, une école primaire de garçons et de filles, tenue en 1725 par Louis Laurette, en 1756 par François Houx, sous l'approbation des vicaires-généraux diocésains.

La seigneurie d'Offrethun, mouvant d'Alenthun-en-Calaisis, suivant un dénombrement du 6 septembre 1669, était dans la famille de La Pasture. J'ai trouvé dans le terrier de ce domaine un document digne d'intérêt; c'est une pièce signée par le dernier seigneur d'Offrethun, à la demande des habitants de la paroisse. Elle sent trop le parfum du bon vieux temps pour que je n'en donne pas ici l'analyse

« Sur le rapport que les principaux habitants de la paroisse « m'ont fait de l'état misérable et des bonnes moeurs de et de sa sœur, toutes deux infirmes, joint aux dispositions bien « louables des susdits habitans de leur faire construire à leurs « frais une maison dans la rue qui mène d'Offrethun à Ecaut, si « je voulais leur faire la concession d'un terrain à cet effet. « pénétré d'un projet qui fait tant d'honneur à l'humanité, je « soussigné reconnois leur avoir accordé une place dans la sus« dite rue, propre à cette construction. mon intention, en « outre, est que ladite maison subsiste après elles pour servir « également d'asile à un ou deux1 pauvres, ou infirmes de ladite « paroisse, qui pourroient exciter de même la commisération (1) J'ai recueilli un mémoire judiciaire in-8" de 30 pp. pour E.-J. Wavran, curé de Brème, contre J.-B.-O. de Saint-Just, prétendant droit à la même cure en 1766.


« des habitans, à l'exemple de leurs charitables prédécesseurs. « Donné à Réty, le 1°r mars 1762, D'Offretun.

Se défiant d'eux-mêmes, les habitants d'Offrethun confièrent à André-Xavier Wissocq, avocat, et à Jacques-François Hamy, notaire, le soin de les représenter aux élections de 1789. Hameaux et lieux-dits historiques

1° Canteraine, nom poétique, comme nos aïeux savaient en faire.

2° Ecaut, hameau, déjà mentionné en 1208 dans les chartes de Notre Dame de Boulogne, sous le nom de Hecolt, où cette abbaye possédait un pré. D'après les étymologies flamandes ce nom signifierait un Bois de Chênes.

3° La Tour, « maison, domaine, grange, étables, jardins fruytiers, lieu, ténement, nommé la Tour d'Offrethun s, chef-lieu de la seigneurie d'après l'aveu de 1669 cité. Il y existe une motte seigneuriale, entourée de fossés de circonvallation, où l'on a trouvé divers ustensiles et des outils rouillés. Sur les terres de cette ferme, au haut du Mont de Berguettcs, M.Verlingue,maire d'Offrethun, a recueilli plusieurs fois des monnaies romaines qui n'ont point été conservées. La ferme de la Tour est une ancienne maison fortifiée dont les murs, percés de meurtrières, ont encore un mètre 33 c. d'épaisseur (1).

RÉTY.

Toute l'histoire de Réty est contenue dans celle de ses hameaux C'est une commune de 2,537 habitants, qui compte 1,825 hectares de superficie. Elle s'étend dans la fosse Boulonnaise, le long du cours supérieur de la Slack, touchant d'une part à Rinxent et à Hardinghen, d'autre part à Elinghen et à Houlle(1) Renseignements transmis à la Soc. d'Agr. de B., en 1862, par M. Verlingue, maire d'Offrothun.


fort. Il n'en est point où les habitations soient plus disséminées, où il y ait de plus nombreux écarts.

RÉTY est le nom du hameau central, chef-lieu de la paroisse. Son nom dans l'antiquité doit avoir été Retheca, dénomination gauloise, encore en usage dans la langue vulgaire, sous la forme Retheke, avant l'an 1130(1). Un acte de 1133 nous en donne la déformation sous le nom de Resthi où 17i paraît pour la dernière fois (2). On lit plus tard, et constamment, Resti ou Resty, qui s'tst transformé en Réty, suivant les lois progressives de l'orthographe française.

Il y eut là fort anciennement une église, sous le vocable de Saint-Martin, comme le constate le texte cité de la chronique d'Andres; mais pourquoi la paroisse est-elle appelée Sancti Martini de Teutonicis, Saint-Martin des Teutons ? C'est ce que je ne puis deviner et ce qu'aucun document parallèle ne vient éclaircir. Notons cependant ce vestige, qui atteste la présence des Teutons, des Deutsche, sur notre territoire, où ils ont laissé dans la géographie locale tant de traces de leur séjour. Il y avait au XIIe siècle des seigneurs de Réty dont un, Hugues de Resti, a donné huit arpents de terre à l'abbaye de Beaulieu, suivant la confirmation d'Adrien IV en 1157. L'autel de Resti appartenait en 1159 à l'évêque de Thérouanne; et on le trouve nommé, à cette date, dans une bulle d'Alexandre III qui fait partie du cartulaire de la Morinie.

1° AUSTRUY, ferme, dans la cour de laquelle existe encore l'ancienne motte sur laquelle s'élevaitle donjon seigneurial des premiers connétables du Boulonnais. Baudouin d'Ostruich, ou d'Ostreuwich, signe en 1112 et 1113, deux chartes d'Eustache III pour l'abbaye de Samer. Il vivait en 1084; car nous trouvons dans la charte de fondation de l'abbaye d'Andres qu'il donna, pour sa part, à ce monastère une terre qu'il tenait du comte de Guînes à Landrethun-lez-Ardres. Son nom y est orthographié Baudouin (1) Charte de Jean de Commines dans la Chron. d'Andres Parrochiam S. Martini de Teutonicis, dictam Retseke, p. 81)0, col. 2 F, où je crois que les copistes ont mis un s pour un h.

(2) Ibid., p. 804.


<¥Hosterwich(l),et'û y paraît en compagnie de son frère Gotson. Ou le voit encore plusieurs fois cité témoin dans diverses chartes de la chronique, en 1097, 1107, 1116, 1118 et 1119 (2). Un Baudouin connétable, sans nom de fief, signe les chartes d'Eustache III, de l'an 1100 pour La Capelle, et de 1122 pour SaintBertin; mais en 1120 une charte de Saint-Léonard de Guînes donne l'association complète du nom de fief et du titre de la fonction,en nouscitant Baudouin connétable d'Ostcnoic, comme témoin d'une donation de Manassès de Guînes (3).

Plus tard, les seigneurs d'Osterwic (4) allèrent demeurer à Hermelinghen dont ils prirent le titre, en conservant leur charge de connétable.

Jehan de Lannoy, chevalier seigneur d'Austruy, connétable héréditaire du Boullenois, comparaît aux élections de 1560. En 1789, la connétablie était aux mains de François-Joseph-Hippolyte, chevalier, baron de Contes des Granges, demeurant au château de Bucamp (5).

LES BARREAUX, château bâti au commencement du XVIIe siècle par Louis de Guizelin, époux de Judic de Licques. On y lit leurs noms, à côté de leurs armoiries, au-dessus de la porte d'entrée, avec cette devise EN VN SEVL DIEV m'atens, QVI ME RENDRA CONTENS (6). Le nom des Barreaux est antérieur à la constructiou actuelle.

3° BLANC-RIETZ, ferme, dans le voisinage d'Austruy, où M. Dubus, son propriétaire, a trouvé, il y a environ un demi-siècle, un tombeau couvert de pierres brutes, dans lequel était un squelette revêtu d'une armure (7). J'y ai fait faire, au mois d'octobre 1865, des fouilles régulières, pour le compte de l'administration du Musée, sous la direction de mon frère. Nous y avons reconnu (X) Chron.-Andr. p. 784, où on lit à tort Hosterimieh, Ostreunie, Ostrevie.

d) Ibid., pp. 787; 788, 795, 796, 799, 804.

(3) Chartes de Samer, comment. onom., p. 160.

(4) M. Chotin, interprète le suffixe Wyk par château, ou seigneurie (F. 0., p. 172),

(5) Fr. Morand, les derniers baillis, p. 91,

ifi) Bulletin de la des Ant. de la Mor., t. I, p. 103.

(7) Renseignements transmis à la Soc., d'Agr. de B. en 18t>2 par M. Butor, maire de Réty.


l'existence d'un cimetière mérovingien qui nous a donné deux crânes, l'oreillon en bronze d'une seille en bois, quelques grains d'ambre et de verroteries, un pendant d'oreille en bronze, avec quelques débris informes de poterie grossière (1). Près de là se trouve une motte qui paraît être une tombelle.

LES CARRIERES, hameau qui a donné son nom à une famille dont plusieurs membres unt combattu avec distinction dans les troupes boulonnaises. Ce lieu s'appelait autrefois le Val, où d'après le terrier de Beaulien, plusieurs particuliers tenaient de cette abbaye, en 1286, des terrains concédés à usage de quarrière, pour l'extraction des pierres à bâtir. Thomas et Robert Li Machon en avaient une qui mesurait deux cents pieds de long sur cent pieds de large.

50 Chateau-Bricon, hameau, où se remarquent les ruines d'un château-fort que l'on prétend avoir été détruit pas les Anglais en 1543.

6° GUELQUE, ferme, dont un ancien seigneur Robert de Ghel. leke servait sous les ordres du comte d'Artois en 1297. Jehan de Ghelke payait des rentes au domaine de la Motte de Marquise en 1338.

En face de la ferme dite de Bourbourg, au hameau de Guelque, se dresse un plateau sur l'extrémité occidentale duquel était un cimetière mérovingien. Il en reste au musée de Boulogne un petit vase en terre grise, qui a été donné à cet établissement le 24 juin 1833. Peut-être est-ce aussi de là que venait une médaille de Valens, qui y a été déposée comme trouvée à Réty le 9 janvier 1835.

J'y ai fait faire au mois d'octobre 1865 des fouilles régulières qui n'ont donné aucun résultat (2). Les informations que j'ai recueillies auprès des habitants sur les découvertes d'armes, de poteries et d'autres objets par un sieur Fasquelle, extracteur de pierres, ne m'ont laissé aucun doute sur l'âge et le caractère de ces antiques sépultures; mais le champ était épuisé. 7° Hardinxent, hameau, sur la rive gauche de la rivière de (1) Section cadastrale, C. n- 231.

(2) Section cadastre D, n- 106.


Slack, appelé Nardingassem ou Hardinginassem dans les chartes d'Andres, à.propos des alleux qu'Arnoul Frussard y possédait avant l'an 1130 et dont il fit don à l'église de cette abbaye. Cette donation fut confirmée par une charte de l'évêque Jean de Commines, et itérativement en 1133 par Milon Ier (1). Sur ces entrefaites, l'abbaye de Beaulieu reçut d'Eustache de Fiennes, suzerain de ce domaine, les deux tiers d'un moulin situé au même lieu de Hardingashena.

Or, les moines d'Andres ayant fondé à Hardinxent une curtis, sorte de ferme ou de centre d'exploitation agricole, gérée par des religieux profès et des convers laïques, ils jugèrent un jour que cet établissement leur était plus coûteux que profitable, et ils le cédèrent à leurs confrères de Beaulieu, moyennant une rente annuelle de deux marcs d'argent payabb en l'octave de Saint-Martin, outre une pièce de fromage (unius poisiœ casei) qui devait leur être servie en la fête de la translation du même saint (4 juillet). La cession, qui comprend la terre, l'eau, le bois, les hôtes et les droits d'usage dont ils jouissaient, est faite par un clrirographe non daté, qui se rapporte aux environs de l'an 1169. Ce n'est pas tout. Cette propriété s'augmenta encore en 1221 d'un bois situé dans le voisinage, au sujet duquel la chronique d'Andres renferme une reconnaissance signée au mois de janvier 1222 par Gauthier, abbé de Beaulieu (2). 8° Hazdingue, ferme, située au hameau des Barreaux, mentionnée en 1157 sous le nom d'Asewinche, dans la bulle d'Adrien IV pour l'abbaye de Beaulieu, et en 1286 sous le nom d' Hasewinkel dans le terrier de cet établissement. Le suffixe Winkel est interprété par M> Chotin dans le sens de coin, réduit, et par suite, hôtellerie, taverne, gîte, auberge (3).

9° Locquinghen, hameau, ou plutôt village, dont le territoire s'enfonce comme un coin entre les villages d'Elinghen etd'Har- dinghen, vers Fiennes; c'est là que se trouvent les principales fosses au charbon de la compagnie houillère, et par suite les (1) Chron. Andr. pp. 800, 804.

v2>Ibid., pp. 812, 861, 8o2.

(3) Etudes étym., Brab., p. 227, F. 0., p. 186.


maisons habitées par les ouvriers mineurs. Cette section de la commune de Réty en a été distraite, il y a quelques années pour former une paroisse distincte gouvernée par un vicaire indépendant.

La villa Lokingahemest citée au commencement du XIIe siècle dans le polyptique de l'abbé Gislebert comme étant le siège d'une terre de six journaux possédée par l'abbaye d'Andres (1). Hugues de Lokingahem, ou de Lokingeherrij signe en 1107 et 1117 les chartes relatives aux donations de Warin de Fiennes (2).

10° LE Mesnil, hameau considérable, du côté de Boursin, M. L. Cousin signale l'existence d'une motte de 3 mètres de hauteur sur 40 mètres de diamètre (3).

11° LES MOINES, ou le Moulin des Moines, est un lieu-dit que je crois représenter la moulin à' Hardingcssem appartenant aux moines de Beaulieu. Un registre de formules à l'usage du chapitre de Thérouanne, dressé par l'archidiacre Fursy Vaillant en 1594, donne la copie d'un acte par lequel un manoir non amasé, terres champêtres, bois et moulin, ruinés de fond en comble par l'occasion des guerres, situé dans les limites de la paroisse de Resti, nommé vulgairement la Maison des moines, est affermépour 99ans à Nicolasde N.,par l'abbéet les religieux de Beaulieu, moyennant la redevance annuelle de 38 livres parisis, un agneau gras et une bouteille de vin. Cet acte est dit avoir été approuvé par les chanoines de Thérouanne, le siège vacant, au mois d'août 1550 (4).

12° LE MONT-CORNET, dont l'altitude est de 116 mètres, me paraît être le Bensoberg de la chronique d'Andres (5), le Mont Benson du terrier de Beaulieu. C'est là, d'après la chronique, le lieu de naissance de l'évèque Baudouin II de Noyon, dit Baudouin de Boulogne, qui occupa ce siège pendant dix-neuf ans (1148-1167).

(l)Chron. Andr., p. 789.

(2)lbid.,pp. 787,796.

(3) Excursions et fouilles de 1868, pp. 20-21.

(4) Reg. G. 12 du fonds ecclés. de Boulogne, fo 58.

(5) Chron. And., p. 561.



d'Eon, et avec un peu d'imagination l'on pouvait se croire sur la trace des guerriers d'Attila

Le territoire de Réty fut bien des fois ravagé par les gens de guerre. En 1637, les fermiers eurent à subir de grandes pertes, à l'occasion de la cavalerie royale qui y fut cantonnée. On note un fait semblable en 1658. Il n'y avait point alors de discipline dans les troupes elles étaient d'ailleurs mal payées et elles vivaient sur l'habitant.

Les guerres des Anglais avaient fait pis, sans doute, mais du moins c'étaient des ennemis. On leur attribue la destruction de la nef de l'église, édifice autrefois très vaste, réduit aujourd'hui au chœur seulement avec la tour et les transsepts. Cette tour, percée de meurtrières dans sa partie supérieure, a servi de forteresse. Elle est de style roman; mais le chœur appartient à la dernière période du style ogival. On y remarque des voûtes ornées de beaux pendentifs, qui sont d'une grande légèreté et présentent un ensemble très harmonieux (1). Chose rare, il y reste un fragment de vitrail, représentant une crucifixion, datée de 1554 (2).

Une tradition curieuse se rattache à l'un des derniers assauts qu'a subis l'église de Réty. On se défendait dans les églises mais aussi, quand on avait le dessous, les églises étaient traitées comme des forteresses vaincues l'ennemi les pillait, les brûlait, ou les saccageait. Parmi les objets mobiliers qui excitaient la convoitise du vainqueur, il faut compter les cloches dont on se disputait la possession. Pour les sauver, les habitants les descendaient de la tour du village et les enfouissaient dans la terre, comme firent en 1597 ceux d'Alembon mais on ne les retrouvait pas toujours. Celles de Réty sont restées enfoncées dans un courtil situé près de la rivière et nommé le Trouà-cloques, où, dit-on, « la veille du jour des morts leur voix « grave et mélancolique se fait entendre au moment du crépus(1) Note publiée par M. Parenty dans la 3' livraison du Bulletin de la comm. des ant., 1852, p. 145.

(2) L. Latteux, Mém. sur les anc. vitraux des dép. du P. de C. et du Nord, Amiens, 1880, p. 28.


« cule, pour se joindre à celle de toutes les cloches de la chré« tienté en invitant les fidèles à prier pour les trépassés (1). » Un jour, le propriétaire de ce terrain, Jean-Marie Bacquet, s'étant avisé de creuser avec sa charrue un sillon plus profond que d'habitude, crut avoir rencontré les hôtes antiques du clocher de la paroisse. C'était une chaudière d'airain, d'une contenance de 75 litres, recouvrant une marmite de cuivre rouge, d'une contenance de 15 litres, munie de trois pieds, semblable à ce que l'on appelle aujourd'hui un pot-au-feu, et onze pièces d'étain, signées de la marque Moult et datées de 1595, partie du trésor mobilier d'un fermier du XVIe siècle. Il y avait aussi dans cette trouvaille quelque monnaie sur la nature de laquelle je n'ai pas de renseignements. »

La paroisse de Réty était du doyenné de Boulogne et du bailliage de Londefort elle a délégué aux élections de 1789 JeanBaptiste Bras-de-Fer de l'Etang et Louis Lorgnier. On y comptait alors 190 feux. De 1790 à 1801, elle a appartenu au canton d'Hardinghen.

RINXENT

Située entre Marquise et Réty, sur un plateau élevé, la commune de Rinxent se partage en deux sections ayant formé autrefois des paroisses distinctes, Rinxent proprement dit et Hydrequent. On y comptait à peine, au dernier siècle, une cinquantaine de feux, c'est-à-dire approximativement 250 à 300 âmes. Il y en a aujourd'hui 1872, sur 838 hectares de terre, et l'on doit cette augmentation au voisinage des hauts-fourneajx de Marquise qui ont attiré dans le pays une grande affluence de population ouvrière.

(1) Indicateur de Calais, 26 juin 1831.


RINXENT. Le village de Rinxent est une ancienne station romaine. On y adorait Mercure (1) et l'on venait, sans doute de fort loin, y vénérer les Deœ matres, ou les Déesses Mères, divinités mystérieuses dont le culte était assez répandu dans la Gaule. C'est ce qui résulte clairement des deux bas-reliefs qu'on a trouvés dans les démolitions de l'église en 1860 et en 1862. L'un, représentant le dieu du commerce et de la tromperie, avec son pétase allé, son caducée et sa bourse, avait été mis dans la maçonnerie du clocher l'autre plus petit, sur lequel sont sculptées trois images de femmes assises, les bras entrelacés, la chevelure tressée comme celle d'Otacilla, représentant, je pense, la triade féminine de la maternité gauloise (2), gisait enfoui sous le pavé de l'édifice. Grâce au concours bienveillant que m'ont prêté en cette circonstance M. Ch. Menche de Loisne et M. le baron de Sainte-Suzanne, successivement sous-préfets de Boulogne, j'ai été assez heureux pour obtenir que ces deux intéressants monuments de l'art et de la religion de nos ancêtres fussent déposés au musée de l'arrondissement, malgré la double compétition de l'ignorance et de la cupidité qui se jetaient, comme toujours, à la traverse.

La première mention de Rinxent dans l'histoire est à l'occasion de son seigneur, Almare d'Erningasem, qui signe en 11071117 les chartes relatives aux donations que Warin de Fiennes avait faites en faveur de l'abbaye d'Andres (3). A cette époque, l'église de Rinxent (Ecclesia de Rinninghessem, ou Renningesem) appartenait au chapitre de Thérouanne, ainsi qu'il résulte de son inscription à ce titre dans les bulles pontificales de 1119, 1157 et 1179. Au commencement du XIIIa siècle, nous voyons reparaître un de ses seigneurs qui, fidèle allié du comte Renaud de Boulogne, infestait pendant la nuit, comme un larron, les (fi L'abbé Le Febvre, Hist. de Calais, t. 1, p. 74, dit que Mercure était adoré en plusieurs lieux de la Morinie.

(2) Voir dans le Roman London une dissertation de M. C. Roach Smith traduite et publiée par le Bulletin monumental de M. de Caumont, année 1862, p. 332.

(3) Chron. Andr. pp. 787. 796.


terres de Baudouin de Guînes,où il exerçait mille brigandages. Lambert d'Ardres, qui nous donne ce détail, l'appelle Engelram d'Ernningheshen ou d'Erningsem (1), et nous trouvons sa signature parmi celles des pairs d'Eustache de Campagne et de Guillaume de Fiennes, en 1206 et 1210, dans la chronique d'Andres (2), où son nom est orthographié, comme dans les chartes de Thérouanne, Renningessem et Renninghehem.

Plus tard, vers la fin du XIIIe siècle, c'est la forme contractée Reinghesem qui prévaut dans les chartes d'Artois (3), tandis que le terrier de Heaulieu, continuant de.se conformer à l'ancien usage, écrivait encore Erningessem en 1286.

Andrieu de Bournoville était chevalier seigneur de Rinquessent en 1480 (4). Au XVIIe siècle, ce domaine appartenait à Charles-Mare-Antoine de Grimoult, écuyer seigneur de Rinquesent, qui avait servi pendant vingt ans dans le régiment de Grancé, avec le titre de capitaine major, et ensuite dans les troupes boulonnaises, en qualité de capitaine major général. Il mourut le 28 avril 1692 et fut inhumé dans l'église avec une épitaphe. Après lui, ses héritiers vend-rent la terre de Rinquesen ou de Rinxent, à Jean de Willecot, seigneur de Rocourt, dont les descendants l'ont possédée jusqu'aujourd'hui.

L'église de Rinxent, sous le vocable de Saint-Martin, avait été bâtie au XV" du au XVIe siècle, avec un chœur voûté en moellons dont les nervures étaient ornées de torsades en forme de cordelières, avec des pendentifs ajourés. Sur son emplacement, M. l'abbé Guche, curé actuel, originaire de Belle-et-Houllefort, a fait construire un édifice beaucoup plus considérable, dans le style du XIII' siècle, sur les plans de M. Debayser, architecte à Boulogne. C'est un des monuments les mieux réussis de la renaissance du style ogival dans nos contrées.

En creusant les fondements du nouveau chœur, le 30 juin (1) Cap. cli., variantes des mss L. et Br., préférables à celle du texte (Eringhesem) de M. de Godefroy.

(2) Chron. Andr., pp. 835, 848.

(3) A 118, n- 5.

(4) Terrier d'Andres, copie de M. le Dr. Cuisinier, p. 38.


1880, les ouvriers ont ouvert un tombeau dans lequel était un petit calice d'étain, du XIVe ou du XV0 siècle, que M. l'abbé Guche a remis entre mes mains et que j'ai présenté à la Commission des monuments historiques pour être déposé dans le musée d'Arras.

Le culte de Sainte Vilgeforte, vierge martyre, dont on rapporte l'existence au Il" siècle de l'ère chrétienne, attire chaque année dans l'église de Rinxent, principalement le lundi de la Trinité, un grand nombre de pèlerins. Sainte Vilgeforte, qu'on appelle \'u\ga.\vementSaint,MilJbrt, est invoquée pour les enfants rachitiques (J).

Rinxent faisait partie du doyenné de Boulogne et du bailliage de Londefort. Il ne formait qu'une communauté civile avec son annexe d'Hydrequent et c'est sous le nom de cette dernière, comme chef-lieu, qu'il a été représenté en 1789 aux élections de Boulogne, par les sieurs Duflos et Marmin.

Hameaux et lieux-dits historiques ̃.

1° Le Château, ferme, où se trouve une motte seigneuriale,sur laquelle se dressent encore quelques pans de vieux murs, derniers vestiges du donjon d'Almare et d'Engelram d'Erningessem. C'était en 1372 un fort, en état de défense, où l'on entretenait une garnison pour la protection du pays.

2° Croûtes, ferme, d'où est sorti Boendaus de Croustes,qui servait en 1297 dans les troupes du comte d'Artois.

Pal/art, la Vallée Mirandalle, ou le Fonds de Lorraine, la Rue de Lorraine, le canton de Saint-Martin, la Rue d'Etienfort, etc.

4° La Prévosserie, près des bords de la rivière de Slack, où est une tombelle, probablement celtique, de 8 mètres de diamètre, sur 1 mètre 50 cent. de hauteur.

5" Le Coupe-Gorge, sur les limites de la commune de Réty, au dessus de la plaine de Wiove. En y creusant la terre, pour établir les fondements d'une maison bâtie par un berger nommé Pierre Paris, on y a trouvé le 3 mars 1866 des sépultures de (1) Voir une publication récente intitulée La vie de Sainte Vilgeforte, Boulogne, in 8-,Ch. Aigre, 1870.


l'époque gallo-romaine. Un dé de pierre de taille, de 60 cent. de long sur 50cent. de large et 40 cent. de hauteur, était creusé en forme d'auge avec un couvercle à. rainures posé dessus. Ce petit monument renfermait des vases en terre cuite et quelques ossements calcinés. Près de là se trouvait une sépulture d'inhumation avec des assiettes en terre de Samos, dont les bords étaient ornés de feuilles d'eau. J'ai recueilli ce que j'ai pu de fragments de poterie,avec la tête du mort,que j'ai déposés au musée. Mais, malgré l'intervention active et pressante de M. l'abbé Guche, il m'a été impossible d'obtenir la permission de faire là une fouille qui paraissait devoir être productive; car les sépultures étaient d'une haute époque et dans un bon état de conservation. Je n'ai pas pu davantage faire transporter à Boulogne l'auge de pierre, pour laquelle le propriétaire, excité par d'affreux bavards, ré clamait une indemnité ridicule. Cette découverte a eu lieu à la jonction de deux vieux chemins, l'un venant de Wiove, l'autre de Wierre-Effroy.

HYDREQUENT. Ce village, dont l'église est située à l'extrémité nord est du plateau de Marquise, confine aux communes de Ferques et de Réty. Il est presque entièrement bàti le long de la rivière dite du Haut-Banc, qui arrose le fond de la ValléeHeureuse, venant d'Elinghen pour se rendre à Marquise par le hameau de Bouquinghen.

La Vallée-Heureuse et les carrières dites du Haut-Banc qui y font suite, présentent l'aspect le plus pittoresque. C'est une Suisse en miniature, transportée au milieu des campagnes du Boulonnais. Sur les deux versants des collines qui l'encaissent, on aperçoit de distance en distance diverses habitations entourées de bosquets et d'arbres fruitiers; puis ce sont des scieries de marbre que l'eau fait mouvoir, des rochers à pic qui surplombent, des éclaircies de soleil et de verdure, des monticules arides et nus, formés de débris de carrière, des maisonnettes aux murs blanchis, au toit couvert de pannes rouges, des jardinets fleuris, des recoins pleins d'ombre et de fraîcheur; et au milieu de tout cela un ruisseau qui serpente en méandres capricieux, tantôt retenu captif au service de l'industrie, tantôt bondissant


en cascades à travers les prés verts; tout cet ensemble mérite bien la dénomination poétique que lui ont donnée les touristes et les nombreux visiteurs dont elle fait les délices.

Les antiquaires y viennent explorer, dans les gigantesques parois qui l'enferment, plusieurs grottes, ayant autrefois servi de retraite à l'homme et aux animaux carnassiers. M. le D. Emile Sauvage a décrit en 1866, dans le bulletin de la Société Académique, celle de la Basse-Falize, dite la grotte de Clèves (1), où ont été trouvés des débris d'ossements humains et des fragments de poterie de l'époq je gallo-romaine. Une autre cavité, dans la colline de Plume-Coq, a été explorée en 1874, par M. Chaplaïn-Duparc, avec des résultats analogues (2). Le nom d'Hydrequent où l'on aurait tort de chercher le souvenir du deuxième des travaux d'Hercule, s'écrivait primitivement Hildringhehem ou Heldringeham dans les chartes deThérouanne où l'église de ce lieu est mentionnée dès l'an 1119 comme appar tenant au chapitre de cette cathédrale. En 1422, elle était déjà annexée à la cure de Rinxent.

Pendant le cours de la troisième Croisade, la dîme de ce village (decimam de Hyldrekem) fut tenue en gage par l'abbaye d'Andres (3). Elle devait appartenir alors au fameux Eustache de Campagne, cousin de Guillaume de Fiennes, qui probablement l'avait cédée comme garantie d'un prêt en argent, afin de se procurer les ressources nécessaires pour aller en TerreSainte. Elle passa depuis, momentanément, aux moines de Samer, sous les mêmes conditions, moyennant l'avance d'une somme de 140 livres parisis; mais l'abbaye d'Andres la racheta en 1224, comme nous l'apprenons d'une charte insérée dans la chronique (4). Une pièce du chartrier de Licques nous fait savoir que Guillaume d'Andres, n'ayant pas assez d'argent pour par(l)Tomel",p. 135.

(2) Tome II, pp 327-330.

(3) Chron. Andr., p. 823.

(4) Ibid., p. 864.


venir à solder cette acquisition,emprunta50 livres à cette abbaye au mois d'avril 1230, pour cet objet (1).

Je ne sais si l'abbaye d'Andres put garder longtems cette acquisition mais je trouve qu'en 1271 Eustache de Fiennes, oncle maternel d'Arnoul III, de Guînes, donna tout le disme de Hildrichem à l'abbaye de Beaulieu (2), qui en jouissait encore en 1790, sauf la déduction d'un sixième pour le chapitre de Boulogne et d'un autre sixième pour le curé.

La même abbaye avait des redevances à Hildrtehem en 1286 et vers le même temps le molin de Hilldrekem rapportait un revenu de 28 livres par an au domaine de Fiennes. Christophle de Hidrequen, sieur dudit lieu et deMaisoncelles, assiste en 1550 à l'assemblée faite pour la réformation des coutumes du Boulonnais.

En 1560, les baillis et marguilliers de Rincquesent, comparaissent en personnes aux élections du Tiers-Etat, séparément d'avec ceux d'Hydrequent. Ces derniers faisaient alors cause commune avec ceux d'Hellinghen, qui leur étaient réunis. La personnalité civile de plusieurs villages du Boulonnais a toujours été ainsi quelque peu flottante.

Hameaux et lieux-dits historiques

La Basse-Falize dont j'ai parlé plus haut. Pierron de la Faltse est cité en 1286 dans le terrier de Beaulieu. 2° La Basse-Normandie.

3° Les Combles, ferme, dont le nom était porté comme titre seigneurial par Antoine Scotté de Velinghen.

La Motte, ancien fief de la mouvance de Fiennes, situé près de la rivière, à peu de distance de l'église. C'est une tombelle, mesurant en viron 14 mètres de diamètre sur une hauteur d'un mètre 50 cent. On y voyait autrefois quelques vestiges de vieux pans de mur (3).

(1) Cart. de N.-D. de Licques, n- 31.

(2) Charte inédite dans la Bibl. de St-Omer.

(3) Renseignements transmiaà la Soc. d'agr.de B., en 1862, par M. Mar min, maire de Rinxent.


5o Plume-Coq, nom bizarre d'un hameau situé au haut de la falaise, du côté de Ferques.

La section d'Hydrequent a été érigée en succursale indépendante par un décret du 19 juillet 1877, après avoir été quelque temps chapelle vicariale.

L'église d'Hydrequent, sous le vocabie de Saint-Maur, est une construction du XVIe siècle qui n'a conservé aucun vestige archéologique digne d'intérêt. Elle jouit d'un pèlerinage à SaintHubert, autrefois très fréquenté.

SAirVT-INGUEVERT.

La commune de Saint-Inglevert est située à l'extrémité du canton de Marquise, à l'est d'Hervelinghen et à l'ouest de Pihen, sur le passage de l'ancien chemin de Guînes à Wissant. Son territoire, assis sur les hautes terres qui bordent la fosse boulonnaise, comprend une étendue' de 660 hectares, avec 518 habilants. On l'a toujours reg rdé comme étant du comté de Boulogne mais il paraît avoir appartenu pendant quelque temps au comté de Guînes, et même, sous les Anglais, au Calaisis. Après la conquête, et durant les deux derniers siècles, il fut réuni à la sénéchaussée du Boulonnais. Depuis 1790, il fait partie du canton de Marquise. Quelques-uns ont dit que Saint-Inglevert ne constituait pas primitivement une paroisse indépendante, et que son territoire était un prolongement de celui de Leubringhen. Je ne suis pas à même de contrôler cette assertion (1).

Lambert d'Ardres nous apprend qu'autrefois il n'y avait là qu'une forêt, ou plutôt un fouillis de buissons et de petits bois, (1) Ce qu'il y a de certain, c'est que le nom de Saint-Inglevert ne se trouve pas dans la nomenclature des anciens pouillés. Je crois que le prieur, qui était prêtre, tenait la cure par lui-même.


dont le passage n'offrait point de sûreté (1). C'était vraiment le Nemorosus terrarurn saltus qui constitue l'aspect général du Boulonnais. Malgré les efforts journaliers du cultivateur, il en reste quelque chose, dans les environs. Là donc, en un temps où la police était mal organisée, où la surveillance et la répression ne se faisaient que par boutades, il y avait des ravins profonds, des grottes même et des demeures souterraines (concavis terrœ locis), qui servaient de retraite aux brigands et aux détrousseurs de grand chemin. Le lieu était favorable, isolé, à égale distance de Wissant et de Guînes, sans communication facile du côté de Boulogne; et au commencement du XIIe siècle c'était par la que se faisait presque tout le commerce, presque tout le passage des voyageurs, entre l'Angleterre et SaintOm er.

Or, un chevalier de noble extraction, nommé Oilard (2), originaire de Wimille, résolut d'apporter un remède à cette situation. Fatigué du monde et voulant expier les fautes qu'il y avait commises, il chercha un asile dans les bois et se fit ermite. Nous avons sa signature, en 1116, au bas d'un acte de Manassès de Guînes, Oilardus Eremita ^3). Il aurait pu réprimer par la force, lui, rompu au métier des armes, l'audace des coupeurs de bourse il préféra l'éteindre par la charité. Comme le fondateur du Mont-Saint-Bernard, il s'établit au milieu même du péril, et il créa un refuge, un caravansérail, un abri charitable pour les voyageurs en détresse. Les pauvres en étaient les hôtes préférés mais on n'en refusait l'entrée à personne, et tous les postulants étaient accueillis (4).

L'endroit où Oilard établit son hospice n'était pas boisé comme le reste. C'était une plaine, campus, et elle était habitée par des indigènes à qui le charitable ermite acheta de ses deniers le (1) Cap. xli.

(2) Oilardus de Wemelio. – Bernard, dans ses Annales de Calais, impi imées à Saint-Omer avec des têtes de clous, l'appelle Oglard de Wenecho, et tous, à la suite, de répéter que le fondateur de Saint-Inglevert se nommait Oglard Saute, mouton

(3) Chron. Andr., p. 766. Mir- i, p. 37?.

(4) Habitaculum pauperum, quorumlibet transeuntium receptaculum.


terrain nécessaire à sa fondation. Tout son patrimoine y fut employé, sans y suffire; mais, touchés de son exemple et frappés de l'éclat de ses vertus, les pauvres gens l'aidèrent, en lui donnant quelques petits coins de propriété (proediola sua). Puis, à la longue, d'autres offrandes lui parvinrent, avec lesquelles il bâtit, le plus décemment qu'il lui fut possible, une église qu'il fit desservir par des chanoines de la Congrégation d'Arrouaise, à l'instar de l'abbaye de Beaulieu. C'était exposer l'établissement à dévier de son but, en devenant une maison de contemplatifs. Heureusement, les frères laïcs ou convers, chargés du soin des voyageurs et des pauvres, ne s'arrangèrent point avec les nouveaux venus, qui reprirent le chemin d'Arrouaise, et l'institution resta ce qu'elle était.

Disons maintenant un mot du nom deSaint-Inglevert. Malgré les apparences, ce nom ne représente ni le patron de l'endroit, ni même le souvenir d'aucun saint de l'Eglise. C'est tout uniment une déformation populaire du mot Santingheveld, ancienne dénomination teutonique de cette localité. D'après les considérations étymologiques les plus autorisées, veld veut dire champ et se retrouve dans la forme primitive des noms d'Helfaut, Pittefaux, Onglevert, Pichevert, qui faisaient autrefois Helechfeld, Pitesvelt, Hungrefelt, Pissevelt, etc. Quant au préfixe Santinghe, si c'est un nom propre d'homme avec la désinence qui indique filiation, ou clan, je ne vois pas qu'il soit possible de le traduire si c'est un nom commun ou un adjectif verbal, personne n'en a encore trouvé l'explication.

Il est curieux que Lambert d'Ardres, au XIIe siècle, alors que l'on parlait encore le flamand dans le comté de Guînes, n'ait pu nous donner aucune notion utile sur l'origine des noms tudesques de nos localités. Evidemment il se perd, lorsqu'il traduit Merch par pays de Mercure, Cors ou Course par Cohorte, Suntinghevelt, jadis Champ des Larrons, ou Sontium campus, devenu Sanctinghevelt ou le Champ des Saints. Meyer, dans ses Annales de Flandre, n'y voit pas plus clair quand il l'appelle le Champ du Sable (1); car il n'y a point de sable à Saint-Inglevert. (1) Domus hospitalis quee Campi dicitur Arenosi in littore Ghisnensi (Lib. v, an. 1131).


Peu de noms ont eu le mérite d'être plus estropiés par les historiens. Les chroniques de Saint-Denis, rédigées sur des ouïdire, écrivent Sanctum Ydevardum, Saint-Ydevard (2). Les Anglais n'en parlent que sous la forme Sandyngfelde, Sandingfield, où plusieurs écrivains inexpérimentés se sont embourbés sans pouvoir en sortir. Il n'est pas jusqu'à l'honnête Tassard, qui, dans son pouillé de Thérouanne, n'y ait bronché, en l'appelant la Maison de Zantenwelt (2).

Les comtes de Guînes ont été, pour leur part, les bienfaiteurs du prieuré de Saint-Inglevert, où Arnoul Ier, mort en Angleterre, ordonna de rapporter son corps pour y être inhumé en 1169 (3).

Guillaume d'Andres se lamente de ce que l'administrateur de cet établissement hospitalier se fit adjuger, sous l'abbé Gusfride, un bois qui dépendait de la ferme de Rigewogue, appartenant à son abbaye; mais il ne peut s'empêcher de reconnaître que c'était une maison honnête, renommée pour le soin des pauvres, des étrangers, des infirmes et des malades, qui y trouvaient tous les secours désirables. Elle possédait alors abondamment, dit-il, des terres à labour, des marais, des pâturages et d'autres bois (4).

Il est regrettable que les chartes de Saint-Inglevert ne soient point parvenues jusqu'à nous. On y trouverait des détails intéressants. Je ne connais qu'un seul document qui en provienne. C'est une déclaration des nouveaux acquêts que les frères hospitaliers avaient faits dans la dernière moitié du XIIP siècle. « Ch'est chou ke on a donné por Dieu et en aumosne, pour les » povres soustcnir de le maison Santinghevelt, par l'entendement « de tous les frères de laïens. On y voit qu'ils avaient reçu des donations à Pygem, Bokerdes, Fontaines, Markenes, Zelives, Boninghes, Ferkenes, Landertun, Hondesberg, Wilre, Ca/Jiés, Markise, Boverkem. Elles se montaient à treize pokins et demi (1) Edit. de M. Bellaguet, t. I, p. 673.

(2) Ms n° 732, de la Bibl. de Saint-Omer.

(3) Lamb., cap. lxxiij; chron. Andr., p. 811.

(4) Chron. Andr., p. 806.


et deux bustels de froment, deux pokins d'orge, sept busteaux d'avoine. Les exigences du comte Robert d'Artois, relativement aux droits qu'il prétendait, comme possesseur du domaine de Boulogne, sur les mutations de propriété qui étaient la conséquence de ces diverses libéralités, paraissaient étranges et vexatoires; car le frère qui en écrivit la déclaration sur un morceau de parchemin grossier, avec une plume tenue par une main peu habile en calligraphie, ajoute les lignes suivantes, qui sont une protestation « Et si vous faisons à savoir ke nous sommes « previlégié de nos aumosnes de le court de Romme, et sont tuit « chil ensentencé et escoumenehié ki nous en font destorbier; « et si sommes en le warde et en l'avoerie du Roi (1). » La conquête du Calaisis par Edouard III laissa d'abord SaintInglevert à la France et respecta la maison charitable. Le territoire de cette localité formait la limite des deux pays. Aussi, est-ce le lieu que choisit la chevalerie francaise pour défier les ennemis dans les célèbres tournois de 1385 et de 1390, où le seigneur de Clary, d'abord, puis le maréchal de France, Jean Le Meingre de Boucicaut, firent éclater leur adresse et leur valeur. Ce dernier, accompagné du sire de Sempy et de Regnault de Roye, tint tête pendant un mois, du 20 mars au 20 avril, à tous les chevaliers d'Angleterre, de Flandre, d'Espagne, d'Italie et d'Allemagne, qui voulurent se présenter pour combattre, et ils remportèrent la victoire (2).

Plus tard, le village de Saint-Inglevert fit partie du territoire soumis aux Anglais, car nous voyons qu'en 1445, Henri VI chargea le duc de Buckingham, gouverneur de Calais, d'examiner les comptes de l'hôpital de Sadynfeld (3).

C était, comme frontière, le lieu où se joignaient les escortes qui accompagnaient les souverains des deux nations dans leurs entrevues. Le 22 juillet 1527, le lieutenant de Picardie, avec (1) Chartes d'Art., rouleau A 47, n° 9. Par un acte subséquent, le comte d'Artois demanda à être ressaisi de la garde de la maison de Santingheoelt (A 48).

(2) Voir une notice de M. L. Cousin, publiée en 1836 dans le IIIe vol. des Mém. de la Soc. des Ant. de la Mor., p. 194.

(3) Le Febvre, Hist. de Calais, t. II, p. 116.


mille hommes à cheval, le cardinal de Lorraine, plusieurs archevêques et évoques, y vint rencontrer le cardinal Wolsey, ambassadeur du roi Henri VIII, qu'il conduisit à Boulogne, où le maïeur et les échevins lui offrirent en présent, du vin,de la cire, des lapins et des chapons, avec les compliments les plus flatteurs que l'on puisse imaginer (1). François Ier s'y rendit en personne, au-devant du monarque anglais, le 21 octobre 1532, après avoir séjourné toute la journée de la veille à Marquise. Je ne vois pas quand eut lieu la ruine de l'hôpital de SaintInglevert, dont une lettre bourguignonne, datée de Saint-Omer le 7 mars 1544, dit que la maison avait été brûlée et les murailles abattues par les Anglais (2). Toujours est-il que ce lieu était t dévasté quand les commissaires du roi Henri II vinrent y faire le mesurage des terres en 1560. Ils trouvèrent, dit l'abbé Le Febvre, les églises et les habitations des ecclésiastiques détruites et inhabitables il y avoit dix-huit cents arpents de terre qui dépendoient de l'Hôpital, partie en friche et l'autre propre au labour. Ils n'en firent aucune estimation, parce qu'un ancien prieur de l'Hôpital qui avoit existé audit lieu, prétendit que ce terrain lui appartenoit .entièrement (3). »

Cet ancien prieur est probablement Guillaume du Wanel, qui comparaît aux Etats de 1560, et à qui les maïeur et échevins de Boulogne furent condamnés à payer sept vingts livres par an, lorsqu'un arrêt du Parlement leur eut accordé la régie et administration de cette antique fondation (4). Les maïeur et échevins de Calais disputèrent à la ville de Boulogne la possession de l'hôpital de Saint-Inglevert; mais, malgré les lettres patentes dont l'annaliste Bernard affirme l'existence (5), ils n'en jouirent pas. Un arrêt du Conseil d'Etat, du 23 octobre 1693, en réunit définitivement les biens à l'hôpital de Boulogne (6). (1) State papers, vol. IV, part. II.

(2) Bulletin de la Soc. des Ant. de la Mor., t. II, 1855, p. 126. Puits Artésien, 1840, p. 303.

(3) Hist. de Calais, t. II, p. 336.

(4) Reg. 1013 des Archives comm. L'arrêt du Parlement est du ai juillet 15C3.

(5) P. 108.

(6) Fr. Morand, Ann. hist., p. 290.


L'église de cette paroisse est un reste de l'ancienne chapelle de l'Hôpital. M. Parenty, qui l'a visitée, en fait un monument du XIIIe siècle, dont le chœur, éclairé par deux fenêtres à lancettes, est de forme rectangulaire, sans chevet. « Sa voûte ogivale « est ornée de quatre cordons à arêtes arrondies, supportées par « autant de corbeaux qui représentent des têtes humaines d'un « type remarquable. Elles méritent d'être dessinées. » Cette église est sous le vocable de Saint-Barnabé, et elle a été, sous les évêques de Boulogne, le chef-lieu d'une cure, dans le doyenné de Wissant. Le prieur du lieu, tant qu'il y en eut un, puis ensuite les administrateurs de l'hôpital de Boulogne y présentaient. L'un des curés de Saint-Inglevert, Jean-Jacques Libert, de Boulogne, fut commissionné doyen de son district le 19 février 1713 et devint chanoine de Boulogne en 1717. Philippe Luto, qui y fut transféré de Boucres, le 21 avril 1746, y mourut, jour pour jour, quatre mois après et fut inhumé dans l'église.

Les administrateurs de l'hôpital nommaient un bailli et un procureur d'office pour rendre la justice en leur nom dans leur terreet seigneurie de St-Inglevert.Les deux derniers titulaires de ces offices,nommés en 1772,furent deux habitants de la paroisse Jean-François Delaporte et Antoine-Barnabé Robbe (4). Celui-ci fut délégué en 1789 aux élections de Boulogne, avec Antoine Parenty, pour représenter les 68 feux dont se composait le village.

Après la Révolution française, Saint-Inglevert perdit son titre de paroisse, et fut annexé à la succursale d'Hervelinghen. Une ordonnance royale du 20 février 1846 lui a rendu son indépendance.

Hameaux et lieux-dits historiques

Labbie, où se rencontrent des ruines considérables enfouies sousterre,représente l'emplacementde l'ancien Prieuré-Hôpital. 2° Haute-Ville, section de la commune où se trouve la plus grande partie de la population agglomérée. C'est entre ce hameau et le bois de Saint-Inglevert que se voient les Mottelettes, (1) Les derniers baillis, p. 95.


Boulogne III 17

où la tradition met l'emplacement du fameux tournois de Boucicaut (1).

3° La Pyramide, lieudit sur la route de Boulogne, vers Leubringhen, rappelant lesouvenir d'un événement tragique arrivé le 31 septembre 1723. Ce jour-là, en effet,vers le soir, cinq ou six voyageurs Anglais furent assassinés en cet endroit par des» brigands qui, après avoir pillé leurs bagages,s'enfuirent en Auvergne où ils vécurent un an inconnus dans un château. Par suite d'informations prises durant ce laps de temps., ils furent découverts^arrêtés et conduits à Paris où ils furent condamnés au supplice de la roue.Un monument commémoratif en forme de pyramide fut érigé sur le lieu du crime, avec une inscription; et aux termes de l'arrêti rendu à ce sujet le 29 juillet 1724, le corps du principal coupable, Jean Baptiste Bizeau, colporteur de quincaillerie, originaire de Lipge, dut y être apporté de Paris après son supplice pour y être exposé sur la roue (2).

Wadentkun, hameau considérable, du côté de Pihen. L'abbaye d'Andres y possédait la terre d'un colon, mentionnée en 1091 dans la charte de Manassès de Guînes, confirmée successivement par les chartes de 1122 et de 1123, où le nom de cette villa est écrit Wadingatum et Wadingetum (3). J'ai parlé ailleurs des vavasseurs de Wadenthun qui résidaient à Ferques en 1134. Eustache de Wadinghetun signe une charte de Baudouin de Guînes en 1171 (4).

Il semble que Wadenthun ait autrefois fait partie du territoire de Pihen car nous trouvons qu'en 1560 les commissaires du Roi, venus pour répartir les terres de ce village, en accordèrent huit cents arpents, dans le quartier de Wadingtun, au sieur du Courroy, gouverneur d'Ardres, qui en réclamait davantage (5).

(1) Renseignements transmis à la Soc. d'Agr. de B., en 1862, par M. GranJsire, maire de St-Inglevert.

(.̃>) Almanach de Calais pour 1846, pp. 47, 48.

(3) Chron. Andr.. pp. 785, 789, 793, 797.

(4) Ibid., p. 812.

(5) Le Febvre, Hist. de Calais, t. II, p. 343.

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TAROINGHEN

La commune de Tardinghen est assise le long du rivage de la mer, entre Wissant et le Grinez. On y compte 219 habitants sur une étendue territoriale de 893 hectares. C'est une ancienne paroisse du Boulonnais, dans le ressort du bailliage de Wissant. Depuis 1790 elle appartient au canton de Marquise. L'ancien nom de ce village est Terdingahem ou Terdinghehem, plusieurs fois inscrits, à commencer de l'an 1084, dans les chartes de l'abbaye d'Andres.

Comme il y a dans le département du Nord un village de Terdeghem (canton de Steenvoorde) dont la synonymie ancienne est la même que celle de celui qui nous occupe, il faut se mettre en garde contre toute fausse attribution et je ne sais plus auquel des deux se rapporte le villa Terdingehem que j'ai lu dans le cartulaire de Thérouanne, sous l'an 1070.

En 1084, Foubert de Cocove, autrement dit de Zeltun, possédait à Tardinghen un domaine dont il détacha quarante journaux de terre et la moitié d'un moulin (1) pour les donner à l'abbaye d'Andres, avec l'approbation de ses fils Lambert,Frumold, Fulbert et Vulvic. C'était la dot qu'il apportait au monastère en y entrant, soit pour se faire religieux, soit pour s'y associer en qualité de laïque car l'acte nous dit qu'avec cela il se donna lui-même, seipsum dedit (2). La terre dont il est question était tenue par deux hôtes, mentionnés dans les actes subséquents. Outre cette propriété d'ordre temporel, l'abbaye d'Andres avait des droits ecclésiastiques dans la paroisse de Terdingahem, où elle possédait un tiers du revenu de l'autel et de celui de la dîme, selon les énonciations du polyptique de Gislebert et des chartes postérieures (3). Les deux autres tiers étaient la (1) Ce moulin était situé sur Audinghen, sans doute à Watremelle. (2) Chron. Andr., p. 784, 785, 789. 793, 797.

(3) Ibid., pp. 789, 792, 797, 845.


propriété d'un laïque, Jean de Guiptun {de Ghibbinghetum), qui les vendit à l'abbaye de Beaulieu. Il en naquit entre les deux établissements religieux un conflit qui fut porté devant le pape et devant l'évoque de Thérouanne. Ceux d'Andres prétendaient jouir du patronage en invoquant la possession. Ceux de Beaulieu le réclamaient comme jouissant de la plus grosse part. L'affaire fut arrangée à la fin par Guillaume, abbé de la Capelle, et par Gilles de Froideval, abbé de Ruisseauville, avec l'apprcbation de l'évêque Adam de Thérouanne, au moyen d'une transaction qui fut proclamée publiquement dans le synode d'automne, au mois d'octobre 1218, et consignée dans un double chirographe, scellé des sceaux de l'évêque, des arbitres et des parties. L'abbaye de Beaulieu se vit adjuger le patronage de la cure de Tardinghen, dont elle jouit depuis lors jusqu'à la Révolution française; mais ce fut à la charge de payer comme compensation à l'abbaye d'Andres une rente de soixante sous, à la mi-mars de chaque année (1). C'est à peu près tout ce qu'il est possible de dire sur l'histoire de Tardinghen, dont l'église était une cure dans le doyenné de Wissant, avec une annexe dont je parlerai tout à l'heure. Le dernier curé, Jacques Pochet, qui avait été chanoine de Fauquembergues, et qui avait pris possession de Tardinghen le 28 janvier 1785, eut un procès à soutenir contre Jacques-François Adam, vicaire de Bourecq, né à Saint-Deneux, qui prétendait à la cure, en qualité de dévolutaire. Il en reste un factum, imprimé en 60 pages in 4°, daté du 25 janvier 1786, sous le titre de Discours prélitninaire^qui explique les fondements de la cause (2). Cet abbé Adam fut débouté; mais quand on a lu son mémoire, c'est le contraire qui devrait étonner.

Le village de Tardinghen fut représenté aux élections de 1789 par Jean-François Lorgnier et Oudart Ohier.

Hameaux et lieux-dits historiques

Le, territoire de Tardinghen, pourune portion considérable de (1) Ibid., pp. 858,859.

(2) Brochure in-4, sans nom d'imprimeur, en ma possession.


son étendue dans la partie la plus basse, forme une sorte de marais dont les eaux ne s'écoulent que difficilement à la mer, à causé des dunes de sable qui en obstruent le cours. Ces marais, d'ailleurs, paraissent être à un niveau inférieur à celui de la plage. On prétend qu'on y trouve ensevelis à peu de profondeur des branchages et des broussailles, qui indiqueraient l'existence d'une ancienne forêt, soudainement noyée par un cataclysme (1).

On distingue sur le territoire de Tardinghen plusieurs mottes dont quelques-unes paraissent avoir été des tombelles. L'église, qui a été entièrement reconstruite en 1830, est située avec son cimetière sur un tertre qui passe pour être un tumulus, mais qui n'est peut-être qu'un escarpement créé par la nature. Un autre accident de terrain du côté de Wissant, porte le nom de Motte du Bourg-.j'en ai examiné la stratification avecleplusgrand soin, dans la compagnie de M. le baron de Sainte-Suzanne en 1862, et je n'y ai point reconnu la trace de la main des hommes (2). Mais, ce que nous cherchions inutilement devant nous dans le sable des dunes, nous le vîmes bientôt sur la colline, au-dessus de nos têtes, dans la très-jolie tombelle du Fart, posée comme une calotte de prêtre sur le bord d'une étagère. On a dit qu'il y avait également une motte au hameau d'Inghen; c'est peut-être celle dont je viens de parler.

Je relève sur le territoire de Tardinghen

Attinghem, ancienne ferme et fief, déjà connue en 1415. 20 Ausque, hameau, où il y avait, dit-on, un fort. Je le cite pour sa chapelle, Capellam deHalkeca, mentionnée en 1208dans les chartes de N.-D. de Boulogne. La dîme de Eleeke-lez-Witzant a été donnée à l'abbaye de La Capeile en 1216 par Simon de la Chaussée, du consentement de sa femme et de ses deux fils, Ingelram et Simon (3). ELceke a fait comme ses homonymes des (1) L. Cousin, Rapp. sur des fouilles faites à Wissant en 1855, p. 7. (2) Quelque étonnant que cela puisse être, en présence de tout ce qu'on en avait dit, le fait que j ai constaté en 1802 et dont M. l'abbé Robitaille a rendu compte à l'Académie d'Arras en 1863 (Mém. t. xxxv) n'a point été démenti.

(3) Charte inédite.


cantons d'Ardres et de Lumbres, Euceke, ou Eusque^devenu Ausque. Dans les deux derniers siècles, la chapelle d'Ausque, sous l'invocation de Saint-Jean-Baptiste, était en ruines; mais elle subsistait à titre de bénéfice, conféré par les évoques de Boulogne. Un clerc nommé Simon Desbettes la résigna au chanoine Pierre du Wicquet, en 1576. Je note parmi les titulaires François Abot, en 1673, Nicolas et Antoine de Herte de Haille en 1701, JulienFrançois Le Sage en 1734, Jean-Louis-Marc Mathon, secrétaire particulier de Mgr de Pressy, 28 février 1787.

Le Fart, ancienne ferme dont on défigure l'orthographe pour en faire une succursale de la Tour-d'Ordre. Jehan Martel, sieur du Fart, comparait à Boulogne aux élections de 1560. 4° Guiptun, hameau composé de trois fermes (Le Châtelet, Guiptun et le Flos), où passe le ruisseau de Watremelle qu'on appelle quelquefois le ru de Guiptun. La chronique d'Andres nous fait connaître l'existence de Jean de Cubbingetun ou de Gibbingetun, qui signe comme témoin deux chartes de Guillaume de Fiennes de l'an 1203 (1). C'est lui qui a vendu à l'abbaye de Beaulieu la part qu'il avait dans les proluits de l'autel de Tardinghen, comme je l'ai dit ci-dessus.

5° Inghen, ancien village, maintenant simple ferme, qui avait autrefois une église, démolie depuis les premières années de ce siècle. L'abbaye de Notre-Dame de Boulogne en avait le patronage en 1208, sous le nom d'Ingehem, avec toute la dîme et deux charruées de terre. C'était une chapelle fort petite, sous le vocable de Saint-Pierre, dont dépendaient quatre maisons. Le hameau d'Ausque et la ferme d'Hambreucq en faisaient partie. Pernes, ancien nom de la ferme de Moscou, lieu cité en 1208 pour des revenus qu'y possédait l'abbaye de Notre-Dame.Le terrier d'Andres en 1480 parle du quemin qui maine de la croix de Pernes à Floringuezelle. »

7° Plusieurs autres fermes dont les noms ont été portés comme titres distinctifs par diverses familles de noblesse ou de robe Belledalle, la Ferquennerie, Hambrccucq, la Neuville, etc. (1) Chron. Andr., pp. 832, 833.


~VACQU~1lTGHEN

Enclavée entre les communes de Maninghen, de Wimille, de Beuvrequen et d'Offrethun, la commune de Wacquinghen ne compte que 138 habitants sur une superficie de 247 hectares. Elle dépendait du doyenné de Boulogne, du bailliage de Londefort, et elle a fait partie du canton de Saint-Martin, de 1790 à 1801.

On ne connaît que peu de chose sur ses origines, qui paraissent, comme celles d'Offrethun, se confondre avec celles du domaine de Beuvrequen, appartenant d'ancienne date à l'abbaye de Saint-Bertin. J'ai dit, en parlant de Wachonevillare, ou Wasconvillare, dans la notice consacrée au bourg de Wast, que ces anciennes appellations pourraient peut-être se rapporter à Wac quinghen.

La bulle d'Innocent III, du 10 juillet 1208, pour l'abbaye de Notre-Dame, nous apprend que cette église possédait à Wacquinghen (in Wakingahem) huit poquins de froment, à la mesure de Guînes. L'abbaye de Saint-Bertin y avait d'autres revenus et nous voyons dans une charte du comte de Guînes, Baudouin III, que ce prince y ajouta la pleine propriété de quatre poquins de froment, quatre poquins de fèves, vingt poquins d'avoine, à la mesure de Colewide, outre une rente de quatorze deniers qu'il y tenait en fief de ladite abbaye (1), au mois de mai 1240. L'acte, publié par André Duchesne,dans les preuves de son Histoire de la maison de Guînes (2), orthographie le nom de ce village Waghinghem. Une copie, dans Dom Grenier (3), l'écrit Waghingham, qui est à peine une variante. Preudon de Waskinghem dépose en 1298 dans l'enquête de Beuvrequen; et l'aven (1) Lambert d'Ardres semble rapporter l'origine de cette inféodation aux premiers temps de l'abbaye; mais son texte est fort vague (Cap. cxii).

(2) P. 282.

(3)T.cclvi, f-244.


d'Honneré FoJiot, du 7 janvier 1393, aux archives nationales (1), parle du chemin qui conduit de Maninghen à Waskinghem.

L'église de Wacquinghen, sous le vocable de Saint-Antoine, était avant la Révolution l'annexe, ou le secours, de celle de Beuvrequen. On l'a réunie depuis le Concordat à la succursale de Maninghen. Elle possède une cloche qui date dii 1504. Les représentants de Wacquinghen aux élections de 1789 (18 feux) ont été Jacques Coilliot, procureur du roi en l'Amirauté de Boulogne, et Hubert Ducarnoy, négociant. Le château de Berguettes, qui était un fief de Fiennes, ou de Bellebrune, est situé sur la commune de Wacquinghen. Les anciens seigneurs de ce nom, Bauduin et Michel de Bcrghetes, ou de Bergetes, sont cités, à la fin du XIIIe siècle, dans les chartes d'Artois et dans le terrier de Beaulieu.

WIERRE-EFFROY

Wierre-Effroy est une commune de 702 habitants et de 1,891 hectares, située au midi de Rinxent et à l'ouest de Réty, dans le bassin de la Slack qui la traverse de l'est à l'ouest. Elle confine aux communes de Belle-et-Houllefort, Conteville, Pernes, Pittefaux, Maninghcn, Offrethun et Marquise. On lui attribue, comme à Réty et à Wimille une circonférence de sept lieues. Le nom de Wierre est très ancien. C'est le Wilere des chartes de Saint Bertin, donné à cette abbaye, ou plutôt au monastère de Steneland, par le leude Goibert au commencement du IXe siècle. Le premier diplôme où Wilere soit inscrit est le fameux privilège de l'abbé Adalard, du 27 mars 857 mais cet acte n'est qu'une confirmation de documents antérieurs qui n'existent (1) J. 1124, n- 16.


plus (1). Nous n'avons pas de détails sur ce qu'étaient à Wilere les possessions du monastère de Steneland.

Dix ans après, le 28 novembre 867, l'abbaye de Saint-Bertin conclut un échange de propriétés avec un nommé. Héribert et sa femme Mégésinde. Ces derniers donnaient à l'abbé Hilduin et à son monastère des terres situées à Campagne-lez-Boulonnais, à Carly et à Menty et ils recevaient en retour le domaine que Saint-Bertin possédait à Uphem en Boulonnais,sur la rivière d'Hellebronne (2), consistant en une manse avec une demeure de contre-maître et d'autres bâtiments, le tout d'une contenance de cent bonniers, tant en manoir qu'en terres labourables et en prairie. C'est aujourd'hui la ferme du Pen, vulgairement appelée le Paon. Outre cela, l'abbé et ses religieux leur cédaient encore dix-huit bonniers, avec leurs chemins d'accès et leurs fossés de drainage, situés à Wileria sur la même rivière, et, si le texte de Folquin n'est pas altéré, trente-huit esclaves (mancipia) dont dix-huit sont désignés nominativement (3). Cet échange, du reste, n'était que précaire c'est-à-dire que l'abbaye de Saint-Bertin gardait la nue-propriété des deux domaines concédés, sous la redevance de trois sous qu'Héribert et Mégésinde paieraient annuellement. Eux morts, cette redevance, devait être élevée à cinq sous pour leurs fils Ellembert et Egilbert, repris dans l'acte; et quand ceux-ci mourraient à leur tour, les biens en question rentreraient aux mains des moines, avec toutes les améliorations qu'on aurait pu y faire. Le nom de Wilere s'est contracté plus tard en Wilre, qui est la forme habituellement employée au XII" siècle. Il y a plusieurs localités qui ont porté ce nom, écrit de la même manière, ou latinisé en XVilra. Ce sont Wierre-au-Bois, dans le canton de Samer, Wylder dans le canton de Bergues (Nord), et, suivant toute apparence, un hameau disparu, qui dépendait de Bour(1) Cart-Sith., p. 161.

(2) Helichbruna, nommé Helegeborne dans le terrier de Beaulieu,Hellebronne dans un titre de 15G9, est le ruis&eau qui descend du Bois-aleContay, (sur Réty, vers la ferme du Pen.

(3;Ibid.,p. 113.


thes ou de Wicquinghem. Cette synonymie ne laisse pas de causer quelque embarras à l'historien le plus consciencieux. Tâchons de naviguer sans toucher aux écueils.

En 1084, Eustache de Balinghem donne à l'abbaye d'Andres, une terre de huit journaux, située à Wtlra (1). En 1142, le pape Innocent II, confirmant les possessions da l'église cathédrale de Cambrai, y mentionne un bien dans le Pagus Bononiensis, à Villax ou Vilra, avec la famille qui l'occupait (2). En 1157, dans la bulle d'Adrien IV pour le chapitre de Thérouanne, il est par.é des alleux que possédaient à Wilra Eustache le chanoine, Hemfroi son frère et Adèle sa sœur. Peu après une charte sans date de l'évêque Didier les appelle les alleux de Willre; et il les employa à la dotation de deux prébendes, comme on le voit dans la bulle du pape Clément III du 12 juin 1190, où le nom du village est orthographié Wirre (3). Enfin, en 1184, la bulle consistoriale de Lucius III pour l'abbaye de Licques enregistre parmi les propriétés de cet établissement une dîme à Wirra, due à la libéralité de deux seigneurs nommés Facius et Henri de Burnes (4).

L'autel de Wirla, avec ses dîmes et toutes ses appartenances, était dans le domaine de l'abbaye de Notre-Dame de Boulogne en 1129, suivant la charte de l'évêque Jean de Commines, et la confirmation du pape Innocent III (5).

D'où vient le nom d'Ejfroy, qui est depuis longtemps accolé à celui de Wierre, pour le distinguer de ses homonymes ? Je ne puis le dire avec certitude.

Les documents conservés aux archives d'Artois, tels que la prisée des revenus de Fiennes, la déclaration des acquêts de Saint-Inglevert, l'état de solde des hommes de guerre, tous des (l)Chron, Andr., p. 783.

(2) Mir. II, p. 1163.

(3) Cart. Morinense dans les archives de l'évèchéde Bruges. (4) Cart, Lisk., XII. Voir en outre, la charte de l'évêque Adam, n° xxvi, de l'an 12?4.

(5; Cart. B. M. Bol.


dernières années du XIII8 siècle (1), sont d'accord avec le terrier de Beaulieu de 1286 pour écrire constamment Wilre, et même une fois Wierre, toujours sans addition. Je n'ai rencontré qu'à la fin du XIVe siècle, dans le compte des aides payées au comte de Boulogne pour le mariage de sa fille avec le duc de Berry (2), la mention première de le Parosche de Wierre leHainfroy (4 janvier 1393).

Et pourtant il y a des indices antérieurs. Ainsi, pour ne point parler du lieudit Wisifra, qui est dans la bulle d'Innocent III de l'an 1208, et dont l'attribution est incertaine, la bulle de Clément IV qui confirme en 1268, les propriétés de NotreDame, enrôle dans son énumération une église de Vuarchaihfridi dont le nom, malgré son apparente étrangeté, répond certainement à Wierra Hainfridi, traduction latine de l'appellation française indiquée ci-dessus; mais je n'ose affirmer que le texte de cette bulle n'ait pas été rajeuni. Dans tous les cas, en admettant que ce surnom ait été donné au village de Wierre dès le XIIIe siècle, il reste à examiner quel est le Hainfroy dont il peut être question. Je ne crois pas que ce soit le père de Sainte Godeleine, comme on a pu le penser. Il vivait au XI9 siècle le peuple n'a pas la mémoire si longue. Ce n'est pas davantage le Herafrid des chartes de Thérouanne. Pour moi, c'est un personnage d'une époque plus récente, Hemfrois,Jiex Me ham le eontesse, dont il est parlé en deux endroits du terrier de Beaulieu. Il tenait de cette abbaye « un cortil jongnant à sen manoir, par 16 deniers parisis, li « ques il devoit aporter à Biauliu à cheval, au Noel, le hanste « en puing, à la condition d'avoir son dîner. Etait-ce un fils naturel de la grande comtesse Mahaut, ou bien de Mahaut d'Artois, sa cousine ? De quelle autre Mahaut pourrait-il être question ? Les comtesses alors ne foisonnaient pas dans le pays. Je m'en tiens là.

L'église de Wierre-Effroy, sous le vocable de S. Pierre, est un (1) Ch. d'Art., A 47. n- 9, A 48, n- 5, A M3.

(2) Archiv. nat., J. 792.


édifice dont le chœur appartient au XVI3 siècle. La nef,dit-on,est plus ancienne, ce qui est possible. Elle possédait un monument remarquable dont on en a eu tort de la dépouiller en faveur du musée de Boulogne je veux parler de sa cuve baptismale,toute historiée de figures et d'animaux symboliques, sculptés au Xïl> siècle, dont M. l'abbé F. Le Febvre, curé de Halinghen, a donné le dessin et publié la description dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie (1). Le dernier curé de cette paroisse, qui appartenait au doyenné de Boulogne, a été Louis-Marie-Jean-Baptiste Lefebvre, né à Etaples le 29 octobre 1746, transféré d'Hardinghen, le 29 mars 1786, non sermenté, rentre missionnaire en 1795, qui fut curé de Desvres le 29 mai 1806, et qui, ayant pris sa retraite en 1816, mourut à Boulogne le 15 janvier 1826. Le deuxième de ses desservants dans ce siècle, a été Jean-François Blaquart, de Boulogne, dont j'ai donné la notice dans le premier volume de cet ouvrage (p. 383). Le village de Wierre-Effroy a été ravagé par les troupes françaises cantonnées dans le pays en 1637, en 1642, en 1658, qui ont emporté de vive force et sans indemnité la plupart des grains, en causant autant de dommages qu'aurait pu le faire une armée ennemie.

Les représentants de Wierre-Effroy aux élections de 1789 ont été les sieurs Courtois du Flégard et Charles Bonnière. Hameaux et lieux-dits historiques

Autembert, ou Hauternbtrt, hameau, nommé Hethenesberg dans le cartulaire de Saint-Bertin, sous l'an 826, Hettenasmont, variante de 838, Etenasberg dans le diplôme d'Adalard de 857, Hedenesberg, dans le texte de Folquin, en 961 (2), reproduit par le P. Malbrancq. C'était un des nombreux domaines donnés par le moine Guntbert au monastère de Steneland. Le lieu est ancien. M. Louis Cousin y a trouvé des sépultures de l'époque romaine, dont il a rendu compte à la fin de son Rapport sur les fouilles archéologiques de 1842 (3). Le catalogue de ses décou(1) Tom. X. l'É partie, pp. 201-225.

(2) Cart. Sith., pp. 80., 158, 1R<V 162.

(3) In-8' de pp. 32, Saini-Omer, imp. Chanvin, sans date.


vertes mentionne des débris de vases en bronze, ciselés, avec tête de chien manche de vase en bronze, ayant à chaque extrémité une tête d'oiseau; autre, ayant à l'une de ses extrémités une tête de guerrier avec casque; deux petites soucoupes en belle poterie rouge, plus un morceau avec nom du potier des fragments de vases en poteries communes, de tuiles à rebords, et de verres fort gros(l). J'ai vu au Musée de Boulogne une énorme paire de plaques de ceinture, en fer, autrefois damasquiné, qui provenaient d'une tombe de femme Mérovingienne, rencontrée par hasard dans une pâture, dépendant de la ferme de M. Martinet. Ces objets avaient été donnés par M. L. Cousin. François Peincedé, dernier bailli de la seigneurie d'Autembert, avait été installé le 5 mai 1735 (2).

La ferme d'Autembert présente comme monument d'antiquité une tourelle en briques, avec des armoiries sculptées au-dessus d'une porte bouchée. Près de là est une ancienne chapelle domestique, servant aujourd'hui de bergerie. On y voit aussi les ruines d'un vieux château fort, environné de fossés sans eau. 2° La Capelle, ou la Chapelle. ferme, qui parait être le siège de la seigneurie dont plusieurs sergents des comtés de Boulogne et d'Artois ont porté le titre au XIIIn siècle. Loys de la Chappelle prêta serment à Henri II le 4 juillet 1550 pour le relief de ses fiefs de Maninghen, Hennés, Pittefaux, jWierre-le-Humfroy et Estienfort (3).

3° La Cloye, ferme, dont Baudin de le Cloiei son seigneur, est cité en 128l> dans le terrier de Beaulieu. Adrian de la Cloye, seigneur de Wierre, assiste en 1550 à la révision des coutumes du Boulonnais.

4° Hesdres, hameau, ou plutôt village, annexé depuis la Révolution française à la commune de Wierre-Effroy.C'était auparavant une communauté civile indépendante, qui, au nom de ses (1) Le rapport de M. L. Cousin où sont consignés ces détails est un document d'une excessive rareté, dont le texte ne se trouve pas dans les mémoires de la Soc. des Ant. de la Mor., à laquelle il a été adresse. (%) Fr. Morand. Les derniers baillis, p. 6.

',3; Reg. du roi de la Sénéch. de B.. t. 1, fol. 28.


quinze feux, députa séparément, en 1789, les sieurs Jean-Charles Maillet et Laurent Ducrocq, pour les élections du Tiers-Etat. L'église d'Hesdres, secours de Wierre-Effroy, sous le vocable de S. Laurent, ne présente aucun caractère notable d'antiquité, hormis ses fonts baptismaux du XII" siècle, dont la cuve, portée par quatre colonnettes romanes, offre un très curieux motif de sculpture, représentant les animaux évangéliques et une tète d'évêque mitré.

C'est le lieu nommé Hisdenne, où le monastère de Steneland possédait des esclaves, suivant l'énoncé du privilège d'Adalard, du 27 mars 857' (1). L'abbaye de Notre-Dame de Boulogne en avait l'autel, altare de Hesding en 1208, et elle y jouissait, en outre, de quelques terres et de quelques revenus que la bulle d'Innocent III indique comme situés à Hesdin, entre Houllefort et Ecaut, ce qui répond bien à la position, malgré une légère variante d'orthographe. La chronique d'Andres mentionne un chevalier nommé Hugues de Hesdin, qui me paraît être un seigneur d'Hesdres, en 1196 et 1197 (2).

La forme Hesdene, conservée dans le nom de ce village et de sa seigneurie jusque dans le cours du XVIIIe siècle, s'est contractée suivant les lois de l'orthographe française,comme Havene a fait Havre.

5° Hormoy, hameau, nommé Wormoie en 1286 dans le terrier de Beaulieu. Il y avait en ce lieu une terre d'une mesure et demie sor coi le mesel mainent », dit ce document, qui nous révèle ainsi l'existence d'un ancienne Maladrerie. M. Chotin, dans sesétymologies de la Flandre occidentale, dérive ce mot de Vorme, qui signifie un étang (3).

6° Londefort, hameau, chef-lieu d'un bailliage et en même temps siège de la Gonfalonnerie ou de l'Enseigne, une des quatre pairies du Boulonnais.

C'est, avant tout, le lieu de naissance de sainte Godelive ou Godeleine, dont la sympathique légende est un des plus gra(1) Cart. Sith., pp. 80, 161.

(2) Chrou. Andr., pp. 826, 827.

(3) Page 174, sous le mot Voormezeele.


cieux joyaux de l'hagiographie Boulonnaise. Fille d'un seigneur du lieu, nommé Infride, ou Wifride, cette jeune châtelaine fut mariée à Bertulphe de Ghistelles qui, à l'instigation de sa mère, la prit en aversion, le jour même de ses noces, et la fit martyriser. L'Eglise de Belgique l'a inscrite dans son martyrologe, au 6 juillet. Sainte Godeleine est honorée à Londefort dans une petite chapelle érigée en 1829 au-dessus d'une fontaine que, diton, elle a fait jaillir en y plantant sa quenouille, le jour où elle a quitté le manoir de ses ancêtres. Un tableau qui a été fait pour la cathédrale de Boulogne et qui est maintenant dans l'église de Wierre-Effroy, représente la pieuse vierge distribuant aux pauvres l'unique morceau de pain'que sa marâtre lui avait donné pour nourriture dans sa prison touchant spectacle, qui nous montre combien ceux qui aiment Dieu par-dessus toutes choses savent aussi aimer leur prochain

La vie de sainte Godeleine a été écrite par l'évèque Drogon de Thérouanne et publiée par le P. Du Sollier dans les Acta Sanctorum des Bollandistés (1).

La famille de Sainte Godeleine, qui ne possédait pas la seigneurie générale du village, mais celle du hameau (villa quœ Londefort dicitur), subsistait encore au XIIe siècle, où nous voyons un Henfridus de Londesfort, s?gner dans la compagnie d'Anselme de Lacopela, ou de la Capelle, une charte de l'évêque Didier de Thérouanne pour l'abbaye d'Andres, à propos de la dîme de Landrethun (2).

Le bailliage de Londefort, créé, dit-on, en 1071 par le comte Eustache II, pour la perception de certains revenus et pour l'administration de la justice, avait pour circonscription,suivant un état dressé au commencement du XVIIIe siècle par Claude Houbronne d'Auvringhen les villages de « Wyerre Effroy,Wi« mille au-delà de la rivière, Pitefault, Souvrnin-Molin au-delà « de la rivière, Maninghen, Wacquinghen et Hédennes,Beuvre(1) Julii II, p. 405. M. Blaquart, curé de Wierre-Effroy, en a donné un récit agrémenté de réflexions spirituelles, en un vol. in-18de200 pp., Boulogne, Le Roy-Mabille, 1844.– On vient de le réimprimer. (2)Chron. And. p. 820.


« quen, le hameau de La Capelle paroisse de Baingthun,Pernes, « Conteville, Hou ilefort, Resty, Belle, Hardinguen, Off rethun, « Rinquesent, Boursin, Collembercq et le hameau de Nabrint guen, Cremarest en deçà de la rivière, Allincthun, le bourg du « Wast, Hennepveux,Belbronne, Lianne en deça de la rivière et « Wiruingne (1). »

Henri Oyson, ou Loison, baillieu de Londefort, du temps de Marguerite d'Evreux et de la comtesse Jeanne sa fille, est le plus ancien titulaire de cet office dont le nom soit arrivé à ma connaissance. Tous frais déduits, son compte de 1340 ne donne recette que de 106 livres 16 sous 6 deniers (2).

En 1478, le bailliage de. Londefort fut réuni, avec ceux de Boulogne et de Wissant, sur la tète du bailli d'Outreau, qui venait chaque quinzaine tenir ses audiences dans une maison bâtie sur les ruines de l'ancien château de Londefort. Il reste de cet ancien ressort judiciaire, supprimé par. l'édit de juin 1745, un fonds d'archives conservé aujourd'hui au palais de justice de Boulogne.

Le tief de la pairie et Gonfalonnerie du Boulonnais, qui appartenait en 1550 à Godeliefve Le Taintellier, dame d'Athin, en 1560 à Nicolas d'Halluin, seigneur d'Athin et Londefort, qui comparaissent aux assemblées du Boulonnais, s'est éteint en la personne de Jean-Guillaume Dorington, chevalier de Saint-Louis, dernier possesseur en 1789.

7° Le Pen, vulgairement le Paon, hameau et ferme, dont j'ai parlé plus haut comme étant l'Uphem des chartes de Saint-Bertin. Un fief d'Hupen, tenu du roi à cause du comté de Boulogne, existait à Wierre en 1553. Le dernier bailli de la seigneurie que le vicomte d'Ordre possédait à Réty, Wiove et le Paon, a été nommé le 6 août 1785. C'était Jean-Jacques Le Duc, chirurgien juré à Hardinghen, avec Louis-Marie Daudenthun, dit Malassise, fermier du Paon, comme procureur d'office (3). 8o Le Val, sur le territoire d'Hesdres, vers Souverain-Moulin, (1) Copie textuelle d'un document en ma possession.

(2) Mém. de la Soc. Acad. de l'arr. dé B.. t. ix, p. 357.

(3) Fr. Morand, les derniers Baillis, p. 92.


ferme ancienne, bâtie en briques, avec des tourelles, construction irrégulière d'un aspect très pittoresque. C'est l'ancien fief d'Antoine Chinot, sieur du Val, lieutenant-général en la sénéchaussée, de 1558 à 1607.

9o Plusieurs fermes et hameaux dont l'histoire n'offre rien de très intéressant Le Beaucamp, La Briamerie, La Cabocherie, Cottebronne, vulgairement Colbronne, La Douce Herbette où l'auteur anonyme d'une nouvelle intitulée Roger de Wière et Berthilde de Maresville a placé la scène principale de son récit publié en 1824 par l'Annotatcur de Boulogne (3), Fernehen, connu sous les noms de Farnham dans le terrier de Beaulieu, et de Farnehem, dans un titre de Fiennes de la fin du XIII" siècle, Le Gadimets, Grigny, La Luzellerie dont MM. de Bonnière ont relevé le nom comme distinction patronymique, La Maloterie, Ouvrehen, domaine patrimonial des Le Lièvre du Breuille, appelé Overhem dans le terrier de Beaulieu, aujourd'hui défiguré sous le nom de Vérain, La Pature, dont un seigneur est mentionné dans la chronique d'Andres en 1206, La Raterie, La Ronville, La Secque-Herbette, les communes de Simberg, etc., etc.

WISSANT

L'ancienne ville de Wissant, anjourd'hui simple commune rurale, est située au fond, et presque au milieu, de l'anse qui se développe entre les deux caps de Grinez et de Blanez. Elle confine aux territoires de Tardinghen vers le midi, et d'Escalle vers le nord. Les communes d'Audembert et d'Hervelinghen lui servent de limites à l'est. C'est encore maintenant un port de mer, pour de très petits bateaux, qui se livrent à l'industrie de la pêche mais la majorité de la population est adonnée aux travaux de l'agriculture.

(1) 59, 2' année, pp. 84-88, sous la signature V. D.


Incedq per ignes! Beaucoup d'écrivains, à commencer par l'illustre Ducange, ont fait de cet endroit le Portus Itius de Jules César. J'ai combattu cette opinion dans une brochure spéciale (1) qui a excité de vives controverses, bien que les savants d'Angleterre l'aient trouvée écrite sans passion (2); mais,que le lecteur se rassure, je ne viens pas :ci recommencer ces discussions, sur lesquelles M. Ernest Desjardins a dit le dernier mot dans l'ouvrage magistral qu'il a publié sur la Géographie historique et administrative de la Gaule romaine en 1876

Je me contenterai donc d'eyposer les faits, d'examiner les monuments et de citer les textes, comme je l'ai fait pour l'histoire des autres localités de l'arrondissement,avec la plus sévère impartialité.

Les monuments de l'époque romaine n'abondent pas à Wissant, malgré les fouilles consciencieuses qui y ont été faites sur divers points. Pour ma part, j'ai vu des débris de tuiles à rebords, dans un champ cultivé, voisin de la ferme dite du Vivier. Le hasard a fait découvrir en 1859, dans un terrain nommé Les Croquets, situé au midi de la ville, quelques sépultures d'incinération, avec une médaille de Postume.

M. Louis Cousin avait vivement désiré y faire des fouilles régulières; mais le propriétaire s'y est absolument refusé, espérant trouver un trésor dans cet emplacement, et voulant, comme il est juste, le garder pour lui seul. Aussi, le docte antiquaire boulonnais dut-il se borner à faire quelques explorations dans le voisinage. Ses recherches, qui nécessitaient de grandes dépenses, car il fallait ouvrir la terre à deux mètres de profondeur, eurent peu de résultats. Néanmoins, les ouvriers mirent à jour plusieurs vases cinéraires en terre grise, contenant des cendres et des débris d'ossements, recouverts par une soucoupe en terre rouge (3). J'ai vu ces vases, qui ont été déposés au Musée, j'ai eu même la satisfaction d'en observer un ou deux dans la position (1) Etude sur le Portus Itius de J. César, réfutation d'un mémoire de M. F. de Saulcy, Paris, Reuouard, 1862.

(2) Dispa&sionately Gentleman's magazine, n° de janvier 1863, p. 98. (3) Rapport sur des fouilles archéologiques, gr. in-8, Caen, 1862.


où ils étaient placés, lorsque j'allai dans la compagnie de M. le baron de Sainte-Suzanne visiter ces fouilles le l'r octobre 1862. Je pense qu'on ne peut les faire remonter plus haut que le IVe siècle, à cause des mauvaises conditions dans lesquelles ils ont été fabriqués. Ce n'est plus du vrai Samos; ce n'en est qu'une grossière imitation, avec une couverte mal cuite, qui s'efface au lavage.

Si on ajoute à cela quelques silex travaillés, que M. Terninck dit avoir été trouvés dans les dunes (1), une médaille gauloise avec un plat en terre, offerts au musée de Boulogne, le 10 octobre 1834, et deux sépultures d'incinération rencontrées vers Hervelinghen dans les talus du vieux chemin de Guînes à Estrouannes (2), on aura le bilan de tout ce que le territoire de la commune de Wissant a présenté de vraiment antique à la curiosité des archéologues.

Il faut attendre six siècles après Jules César, pour trouver le nom de cette localité dans l'histoire. En effet, s'il faut en croire la légende de saint Vulgan, tardivement fabriquée dans le moyen âge, ce saint évèque aurait débarqué d'Angleterre à Wissant en l'an 569, pour entreprendre ses courses apostoliques dans la Morinie et dans l'Atrébatie (3). D'autres écrits, qui ont l'air plus authentiques, font arriver S. Vulgan au bourg d'Ault {Portum Alteice), où il aurait visité S. Madelgisile (4); mais cela importe peu. Prenons le texte tel qu'il est Saint Vulgan, dit « l'auteur anonyme de la légende citée, aborda au port qu'on » appelle Witsan, lieu qui tire cette appellation de la blancheur « du sable qu'on y trouve (5). » Lambert d'Ardres s'exprime à peu près dans les mêmes termes lorsqu'il interprète le nom de Witsant par celui deSable-Blanc (6).

(1) M. Ern. Hamy a donné le dessin d'une hache en silex (type de SaintAcheul) trouvée à Wissant (Bull. Soc. Acad. I, p. 248).

(2) L. Cousin, excursions et fouilles de 1868, n- III.

(3) Dom Pammeraye, Hist. de l'Abb. de St-Ouen, 1664 in-fo. (4) Act. SS. 0. S. B. Sœc. IV, part. Il, p. 541, n- X.

(5) Qui locus ex albentis sabuli interpretatione tale sortitur vocabulum.

(6) Ab albedine arenee (Cap. VI).


Au risque de passer pour un esprit insupportable aux yeux de ceux qui aiment les idées toutes faites, je me permettrai de dire que je n'accepte pas cette étymolo ie. Les noms propres de lieux sont tirés ordinairement d'une idée particulière, ou d'une idée générale susceptible d'être particularisée. Ainsi, Santgata (Sangatte) est un trou, une ouverture sablonneuse, sabuli foramen; Sanforde (Zandvoorde) est un gué au sable, sabuli vadurn –Sandvicus (Sandwich) est un port au sable, sabuli portus, ou un village au sable, Sabuli meus Santberga (Santbergen dans la Flandre orientale) est une montagne au sable, sabuli mons; mais Albens sabulum,un sable blanc, ne peut pas être un nom de lieu. Qu'est-ce que ce pourrait bien être qu'un Sable? Il faudra donc chercher ailleurs la signification du radical san ou sant, que M. Chotift voudrait tirer du celtique, dans le sens de marais, marécage (1). Je me contente d'indiquer comme point de repère le nom de l'île d'Ouessant sur les côtes du Finistère, et je suis persuadé qu'il y a bien d'autres lieux-dits terminés de la même façon, où le sable n'est pour rien.

Mais en voilà assez sur ce point. Revenons à continuer la série des textes historiques.

Après la légende de S. Vulgan, il faut encore laisser écouler près de quatre siècles avant de rencontrer la mention du port de Wissant.On la retrouve en 938 dans les chroniques de Flodoard et de Richer. L'un nous raconte que le roi Louis d'Outremer, deux ans après être remonté sur le trône de ces ancétres, vint dans nos contrées voisines de la mer, en un endroit nommé Guisum, avec l'intention d'y construire une place forte (2). Dans ce but, le jeune monarque s'était abouché avec le prince qui régnait dans le pays (c'était le comte de Flandre); et pendant qu'il traitait avec lui de cette entreprise, il avait été obligé de partir précipitamment pour courir à la défense de l'archevêque de Reiins, attaqué par un baron nommé Herbert. Suivant l'autre, (1) FI. uccid., p. 201.

(2) Oppidum in ipso maris portu extruere nisus';Richer, lib. II, § viii, ap. Pertz, Mon. Germ. hist., Script t. III, p. 589).


il ne s'agissait pas de bâtir, mais de restaurer le castrum et le port qu'il nomme de la même manière (1).

Bien que ces textes ne laissentpas d'être assez vagues,je pense qn'il s'agit ici de la construction du fort que les anciens titres appellent la Motte du Catez, assis à l'est du village de Sombres, et dont la tière attitude commande toute la vallée. C'est ce que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de Fort-César. M. de Saulcy le décrit comme « un plateau elliptique, dont la surface est « un peu concave au centre. Son grande axe, de l'ouest à l'est, a « 94 mètres, son petit axe n'en ayant que 56 à 57 à l'ouest l'el« lipse est très aplatie, et cette portion de la courbe présente une « face sensiblement rectiligne de 51 mètres de développement « sur cette face aboutit une rampe de cinq mètres de largeur qui « traverse un fossé à fond de cuve,large de 8à 10 mètres et régnant sur tout le pourtour du plateau. L'escarpe a de 12 à 15 mètres de hauteur, tandis que la contrescarpe n'en a que trois ou qua« tre. A partir de cette contrescarpe, un glacis, recoupé par de grandes rampes latérales, rachète le monticule avec le niveau « des champs au milieu desquels il est placé (2). »

Ce monument d'archéologie militaire, qui n'a pas été construit avec des terres rapportées, mais qui est taillé et comme sculpté dans un mamelon naturel (3), a beaucoup intrigué les écrivains qui se sont occupés de l'histoire de Wissant, dans le dernier siècle et au commencement de celui-ci. Aucun d'eux ne fait doute que ce ne soit une construction d'origine romaine, un vrai camp de César. Les Anglais seuls ont commencé à lui dénier ce caractère.

En effet, dès le mois de septembre 1846, le Gentleman's Magazine insérait une lettre d'après laquelle ce n'était qu'un monument d'origine saxonne, assez semblable à des retranche(1) Castrum quoddam, portumque supra mare, quem dicunt Guisum, restaurare nisus est. (Flodoard, ap. Bouquet VUI, p. 192; cf. Pertz, ibid., p. 385).

(2) Les campagnes de Jules César dans les Gaules, pp. 176, 177. (3) C'est ce qui a été constaté dans les fouilles que M. le baron de SteSuzanne y a fait exécuter en 1862, sous la direction de l'agent-voyer cantonal, M. Leroy, de Marquise,


ments du même genre qui se voient au château de Douvres (1). Plus tard, en discutant la question du Portus Itius contre les observations d'un professeur d'Oxford, M. Thomas Lewin affirmait que l'impression produite par la vue de l'ensemble de cette fortification, était celle d'une œuvre appartenant au moyen âge (2). Enfin, en 1863, dans une thèse qu'il soutenait sur la même question devant l'institut achéologique de la; GrandeBretagne assemblé à Rochester, un des savants professeurs de Cambridge, M. Edwin Guest, affirmait de même que les Mottes de Wissant, y compris le Fort César ne remontaient pas plus haut que le moyen âge. Il ajoutait qu'après trois jours de sérieuses investigations dans toute la contrée, il n'y avait rencontré aucun vestige apparent du passage des Romains (3). L'opinion des archéologues français n'est pas moins décisive.

Dès 1847, notre illustre compatriote, M. Auguste Mariette, qui ne connaissait point encore l'avis exprimé par nos voisins d'Outre-Manche, se prononçait pour l'origine moyen âge du Fort-César (4). Quelques années après, en 1861, M. de Saulcy qui venait de visiter Wissant, se gardait bien de soutenir la vieille thèse de Danville et de l'abbé de Fontenu sur le caractère romain de ces travaux défensifs il préférait y voir un oppidum des Morins (5). J'ai plus à dire. Le 25 juillet 1862, deux membres de la commission officielle dite de la Topographie des Gaules, le général Creuly et M. Alexandre Bertrand, venus de Paris pour faire une exploration sur nos côtes, se sont rendus à Wissant, dans la compagnie de MM. Auguste Mariette et Louis Cousin, et quand ils eurent diligemment inspecté les retranche(1) A.-J. Dunkin, Memoranda ofSpringhead, 1848, p. 103. Voir encore du même auteur César's Cantian Campaigns, dans l'Histoire du comté de Kent, Londres. 1858, in-8, t. Il, p. 34.

(2) The invasion of Britain by Julius Cœsar, 2- édit., Londres, in-8, p. xli.

(3) Ce discours, inséré d'abord dans VAthenœum anglais, numéros des 15, 22 août 1863, a été reproduit dans l'Archaeological Journal, vol. xxi, p. 220, et tiré à part en une brochure in-8, de 25 pages, Londres. 1864. (4) Lettre à M. Bouillet, p. 39.

(5) Les campagnes de J. César, p. 177.


ments du Fort-César, ces deux savants hommes dont tout le monde connaît la haute compétence déclarèrent que le monument qu'ils avaient sous les yeux était une construction du moyen âge (1). Dernièrement encore, un autre membre de l'Institut de France, M. Ern. Desjardins, qui cite et qui a lu tout ce qui a été écrit sur la question, conclut de la même manière à « l'absence complète de mines et d'antiquités romaines sur le territoire de Wissant (2).

Est-il besoin d'en dire davantage, et n'est-il pas probable que le texte de Richer renferme le véritable acte de naissance de la Motte du Cate~ C'était un fort en terre, renfermant sur sa plate-forme des constructions en bois, suivant l'habitude du temps. Il servait merveilleusement à la défense de la ville qui, à partir de cette époque,se développa sur les bords de la mer, non loin de son enceinte.

En effet, peu d'années plus tard, quand la ville de Saint-Omer eut pris naissance auprès du tombeau des apôtres de la Morinie et eut commencé à devenir l'entrepôt des Flandres, le courant des marchandises et des voyageurs cessa de se faire sentir avec autant d'activité entre l'Angleterre et Thérouanne par Boulogne, pour se porter sur une ligne plus directe, celle de Guînes a Douvres par Calais et Wissant. On y trouvait le double avantage d'un trajet plus court et d'une route moins montueuse que l'ancienne voie romaine de Thérouanne à Boulogne. Aussi, bien que le chroniqueur de Watten, Ebrard, continue de vanter le port de Boulogne comme tête de ligne pour le passage en Angleterre (1085) il y avait déjà longtemps que la baie de Wissant servait aux relations internationales des comtes de Guînes avec la Grande-Bretagne; et Lambert, leur historien, a pu donner au nouveau port le surnom de Britannique, comme Pline l'ancien l'avait fait jadis pour le port de Gesoriacum.

La série des témoignages recueillis par l'immortel Du Cange, sur la célébrité nautique du port de Wissant, commence à l'an (1) Je le sais par une lettre dans laquelle M. Louis Cousin m'a rendu compte de cette exploration (29 juillet 1862).

(2)La Gaule sous l'adm. rom., p. 356, note. Cf. p. 352.


1013, par le débarquement du roi Ethelrède II, que le Danois Suénon venait de chasser de son royaume. Ethelrède, nous dit Henri de Huntingdon, passa les fêtes de Noel dans cette localité, avant de se mettre en route pour se réfugier auprès de Richard II, duc de Normandie (1).

En 1036, au rapport de Guillaume de Jumièges, le prince Alfred (Aloeradus, ou Alvredus) se rendit de France à Douvres, en passant par le port de Widsand,avec un certain nombre de soldats (2). L'abréviateur dit que ce fut par Guitsantum, ce qui revient au même tandis que la Grande chronique de Normandie donne une orthographe plus correcte en disant que « Alred entra en mer à Wissant. »

On a fait grand bruit de ce que Guillaume de Poitiers, parlant du même événement, a remplacé le nom de Wissant par celui de Portus Icius (3); mais c'est le seul indice de ce genre que l'on trouve dans les annales du moyen -âge, et je ne sais quelle peut être, à cet égard, l'autorité de Guillaume de Poitiers, contredite comme elle l'est par un de ses contemporains Robert Wace, par Geoffroi de Monmouth et par les chroniques de Saint-Denis, qui font de la Tour d'Ordre le point de départ de la conquête de Jules César (4). A plus de mille ans de distance des événements, une assertion sans preuves ne saurait être rtscevable. En 1048, le comte Eustache de Boulogne, celui-là même sans doute qui, ayant épousé Goda, fille du roi Ethelred II, avait de fréquents rapports avec l'Angleterre, s'embarqua à Wliitsand pour se rendre à Douvres (5).

En 1069, Gervinus, abbé de Saint-Riquier, se rendant en Angleterre pour y visiter les possessions de son monastère, se (1) Lib. VI., ap. Migne, Patr. lat., t. excx, où. on lit Whitland pour hitaand.

(2) Lib. VI, 9, ap. Bouquet XI, p. 4C.

(3) Transvectus e portu Icio (Bouquet XI, p 75).

(4) M. Edwin Guest suppose que Guillaume de Poitiers s'est fait l'écho d'une tradition portée jusqu'à lui par un courant de littérature occulte. La littérature occulte dont il parle a existé mais elle est toute en faveur de Boulogne.

(5) "Willelm. Malmesb., ibid., p. 174.


trouva arrêté au port de Guizant par une affreuse tempête. On était au mois de février; et malgré la rigueur de la saison il s'y était rencontré avec une grande quantité d'abbés et de religieux qui faisaient la même route que lui. Ces gens d'Eglise étaient plus de cent personnes, outre une nombreuse multitude d'hommes de guerre et de marchands qui attendaient également le moment de s'embarquer; mais la tempête durait depuis quinze jours et toute cette foule commençait à craindre de ne plus trouver de vivres dans l'endroit, vu la pauvreté du lieu, lorsque Gervinus proposa de célébrer une messe pour obtenir du ciel un temps plus favorable. Sur son conseil, les voyageurs allèrent même en pèlerinage dans une des églises voisines, érigée sous le patronage de l'apôtre S. Pierre (c'était probablement celle d'Audinghen), et la nuit suivante, dit la chronique, la mer se calma, de sorte qu'ils purent accomplir leur voyage Cl). En 1087, Guillaume le Roux, duc de Normandie, se rendit en Angleterre par le port de Witsand, pour recueillir la succession de son père dont il venait d'apprendre la mort (2).

En 1094, ce même Guillaume, alors roi d'Angleterre,se trouva encore à Withsand, d'où il passa à Douvres (3).

En 1095, S. Anselme, archevêque de Cantorbéry, s'étant embarqué à Douvres après avoir attendu pendant quinze jours un temps favorable, aborda au port de Witsand (Witsandis), sans aucun effort et sans que ses nombreux rameurs eussent eu besoin de donner au vaisseau la moindre impulsion. Il se rendit t de là à l'abbaye de Saint-Bertin (4).

Le 27 avril 1103, le même saint personnage débarqua encore une fois à Wissant (Witsandis) pour s'en aller par Boulogne en Normacdia (5).

Le 10 avril 1111, la fille du roi Henri Beau-Clerc, nommée Mathilde, fut envoyée de Douvres à Witsand par son père, pour se (1) Chronicon Centul., Lib. IV, 23, ap. Dachery Spicil. II. p. 346. (2) Orderic Vital, ap. Bouquet XII, p. 622.

(3) Hutitiagdon, ibid., p. 31.

(4) Eadmer, Hist. noo. ap. Boll. Act. SS. Apr. II, p. 885.

(5) Idem, ibid., p. 930.


rendre auprès de l'empereur d'Allemagne Henri V, à qui elle était promise en mariage et qu'elle épousa effectivement trois ans après, le 7 janvier 1114(1).

f.e 25 mars 1114, les chanoines de Laon, qui promenaient partout les reliques de leur église afin de quêter des aumônes pour la reconstruire, arrivèrent à Wissant, venant d'Arras par Saint Omer. Sur l'invitation des mariniers du lieu, ils s'embarquèrent dans la compagnie de plusieurs marchands qui allaient en Angleterre afin d'y acheter des laines, et qui portaient avec eux dans leurs bourses et leurs valises plus de trois cents marcs d'argent (2).

J'arrête ici cette énumération pour dire que le port de Wissant ne se recommandait pas seulement alors par le cabotage, mais que l'industrie de la pêche y était en honneur. C'est ce que nous apprend une charte du comte Eustache III de Boulogne, datée de l'an 1121, par laquelle il accorde à l'abbaye de S. Wulmer intra muros le droit de pontage des bateaux et les aumônes faites sur les bateaux, dans la saison des harengs et des maquereaux (1), jusqu'à concurrence de la moitié d'une part sur chacun des bateaux de la paroisse.

Il y avait, en outre, dans ce port, des droits établis sur le passage des marchandises, sous le nom de tonlieu, ;.u profit du comte. Eustache III, dans la même charte en exempte les moines de S. Wulmer, eux et leurs serviteurs; comme il en exempta aussi les religieux d'Arrouaise, au rapport de dom Gosse (4). Il y avait des liens bien étroits d'amitié entre le comte de Boulogne et le premier abbé de cette maison, Gervais, que Gauthier son successeur dit avoir été Boulonnais de naissance (5), mais qui me paraît originaire de Wissant, où il avait un alleu patrimonial. Dom Gosse cite un fragment d'une charte de 1115, datée de Boulogne, par laquelle Eustache III ratifie la donation que (1) Simeon Dunelm. V. Bouquet XIII, p. 79.

(2) Herman. Laudun., ap. Bouquet XII. pp. 269-270.

(31 Tempore alecium et meKarorum (Bull. Soc. Acad. I, p. 372). (4) Hist. d'Arrouaise, p. 58.

(5) Ibid., p. 539.


Gervais, son clerc (elericus meus), avait faite de cet alleu à l'abbaye d'Arrouaise, pour lui servir de dot, en y faisant professionPlus tard, en 1219, ce petit bien, qui consistait en une terre et des hôtes,fut cédé à l'abbaye de S. Wulmer de Boulogne,moyennant le cens annuel de quinze sous parisis, payables chaque année au jour du chapitre général (1),

Pour en revenir au droit de tonlieu, Guillaume Cliton, comte de Flandre. promet aux bourgeois de St-Omer de leur en obtenir aussi l'exemption, avec celle du droit d'épaves, s'il a le bonheur de se réconcilier avec le comte Etienne de Boulogne, 14 avril 1127 (2); et le P. Malbrancq nous apprend que Renaud de Dammartin et Ideson épouse en exemptèrent de même les religieux de Saint-Bertin, ainsi que tous les agents et les domestiques de ce monastère, par une charte datée de l'an 1192 (t. III, p. 480).

Continuons maintenant l'exposé des débarquements et des embarquements qui se sont faits par le port de Wissant. En 1135, le comte Etienne de Boulogne, allant ceindre la couronne d'Angleterre, se hâte d'arriver dans cette île en passant par Witsand (3).

En 1156, le roi Henri Plantagenet, s'étant embarqué à Douvres, aborde au port de Widzant, suivant ie récit de Raoul de Dicet et de Robert du Mont (4).

« Le géographe arabe qui vivait vers le même temps, dit le célèbre Du Cange, fait mention du port de Vadisant comme étant celui où l'on s'embarquoit à cette époque pour passer en Angleterre. Il fait la remarque que c'était une fort petite ville, exiguam valde, distante d'environ vingt-cinq milles de la côte d'Angleterre (5).

Le 1er décembre 1170, S. Thomas Becquet arrive à Wissant, (1) lbid., pp. 25, 26 et note.

(2) Mém. de la Soc. des Ant. de la Mor., t. IV, pièces just,, p. v. (3) Wil. Malm. ap. Bouquet XIII, p. 23.

(4) Bouquet XIII, pp. 185, 298.

(5)Dissertation sur le Portus Itius, imprimée sous le xxviii parmi les appendices à l'Histoire de S. Lougs, p. 231.


venant de Saint-Omer par Guines, accompagné de ses clercs et de son chevalier. Le doyen de Boulogne, Milon, vient le trouver avant son départ et le trouve se promenant sur la plage pour examiner le temps qu'il faisait. L'archevêque, en l'apercevant, l'aborde le premier 'et lui demande, en souriant, s'il vient percevoir d'avance le prix du passage. Le doyen lui exprime toute sa vénération, l'informe des complots qui se tramaient contre lui en Angleterre, et le conjure d'attendre encore quelque temps avant de repasser la mer; mais le saint ne veut tenir aucun compte de cet avertissement, il s'embarque, et le lendemain, 2 décembre, il arrive à Sandwich (1).

En 1173, le comte de Leicester s'embarque à Wissant, avec sa femme et son mobilier, dans la compagnie d'un grand nombre de cavaliers et de fantassins venant de la Normandie et de la Flandre (2)

En 1174, le roi Henri au court Mantel, fils du roi d'Angleterre, s'y embarque de même, avec trois cent dix-huit soldats que lui donne le com^e de Flandre (3).

En 1177, ou plutôt, je crois en 1178, le comte de Flandre, Philippe d'Alsace vient s'embarquer à Wissant pour passer en Angleterre, afin de visiter le tombeau de S. Thomas de Cantorbéry. C'était le Vendredi Saint. Après avoir assisté à l'office des Ténèbres, il reprend la mer dans la soirée et arrive le lendemain de bon matin au port d'où il était parti (4). C'est probablement à l'occasion de ce voyage qu'il signa, cette année là, au même lieu, une charte inédite de La Capelle (5).

La même année, les religieux de S. Wulmer de Boulogne obtiennent, du pape Alexandre III, la confirmation de leurs propriétés, parmi lesquelles se trouvait la chapelle de Vuissant avec un cimetière spécial qu'on y avait établi pour la sépulture (1) Will. Cantuar.. ap. Bouquet XVI, p. 613. -Cf. Herbert de Boseh am, Roger de de Pontigny, etc.

(2) Raoul de Dicet, ap, Bouquet XIII, p. 173.

(3)Id. ibid.,p. 195.

(4) Ben. de PeUsrboruugli, ap. Bouquet XIII, pp. 168,169.

(5) Dom Grenier, t. CCXL, p. 233.


des Ecossais, des Irlandais et des autres étrangers, qui succombaient pendant le cours de leurs pérégrinations (1). Cette chapelle de Wissant existait de longue date (antiquitus), mais elle n'était point paroissiale, ce qui dénote, pour la ville où elle était située, une origine relativement récente. Elle s'élevait sur le bord de la mer, au lieu où se trouve l'église act uelle, tandis que le chef-lieu paroissial, comme je le dirai plus loin, était à Sombres au milieu du cimetière communal.

La chapelle de Wissant avait été mise dans le patronat de de l'abbaye de Samt-Wulmer, en 1121, par le comte Eustache III, sous la condition que les habitants paieraient un denier par chaque feu, pour l'entretien du chapelain, aux jours de Noel, de Pâques et de la Pentecôte; mais elle remontait au-delà de l'année 1069, car c'est d'elle qu'il est question, sous le titre de Basilique de Saint-Michel, dans la chronique de S. Riquier. L'abbé Gervinus y avait dit la messe, pendant son séjour dans ce port; et des deniers que les passagers avaient donnés à l'offrande, il avait faitfaire un cierge qu'il destinait à Saint-Michel et à SaintNicolas, les deux patrons de la chapelle. C'est une chose à noter, que cette intercession de l'archange protecteur « au péril de la mer », à Wissant, à Ambleteuse, à Etaples et aussi à Boulogne où un autel lui était érigé dans l'abbatiale.

En 1179,1e roi Henri au Court Mantel, fils du roi d'Angleterre, vient en Flandre par Wissant et retourne dans son pays la même année par le même port (2).

Le 22 août de la même année, le roi de France Louis le Jeune, accompagné d'une nombreuse suite de barons, se rend en pèlerinage à S. Thomas de Cantorbéry en passant par Wissant, où il revient le 26 après une heureuse traversée, n'ayant mis qu'un jour à effectuer le passage du détroit (3).

Puis ce sont (le détail en serait fastidieux), le 12 juillet liol, (1) Hist. de N.-D. de B. par le P. Alph. de Montfort, Paris, 1634, in-8\ p. 68, in-margine.

(2; Ben. de Peterb. ap. Bouquet XIII, p. 179. Raoul de Dicet, ibid., p. 201.

(3) Ben. de Peterb., ibid., p. 180. Rog. de Hoveden, ap.Du Chesne, pr. de G., p. 127,


Henri Plantagenet; le 14, sa fille Mathilde, femme de Henri le Lion, duc de Bavière et de Saxe, avec toute la maison de son père et la sienne; en 1185, l'évoque de Durham et plusieurs grands d'Angleterre; le 17 février 1187, Henri Plantagenet; en 1189, Baudouin, archevêque de Cantorbéry de 1191 à 1193, Hugues, évêque de Durham, Gaufrois, archevêque d'York, Jean, comte de Mortain, frère du roi d'Angleterre, sans parler de plusieurs pèlerins qui se rendent au tombeau de S. Thomas et qui estiment que la traversée est plus courte par cette voie que par les autres.

Mais, à partir de cette date, qui est celle de l'ouverture du port de Calais, l'étoile de Wissant commence à pâlir. Le commerce de Saint-Omer et des Flandres prend la voie de Calais, comme plus directe et plus sûre. On y pouvait d'ailleurs arriver par eau, en suivant la rivière, que. M. Courtois dit avoir été navigable dès les temps les plus reculés (1). C'était là un avantage qu'on ne pouvait rencontrer sur le chemin de Guînes à Wissant, abrupte, et peu praticable aussi, ne voyons-nous que peu d'embarquements célèbres notés dans les chroniques du XIIIa siècle. Tout ce que Du Cange trouve à citer, avec son immense érudition, se borne au passage des moines de Cantorbéry, chassés de leur église en 1207 par le roi Jean-Sans-Terre (2); à un texte de Mathieu Paris, qui, en 1242 et ] 243, parle des mariniers de Wissant et de Calais; à l'embarquement du comte de Leicester en 1251 et au débarquement de Jean de Bailleul, roi d'Ecosse détrôné, qui y signe dans la maison de Jean Stevar, un acte daté de l'an 1299.

Les annales du XIIIe siècle nous font connaître un événement qui est de nature à bien faire apprécier quelle était l'importance relative de la ville de Wissant, à une époque encore voisine de sa plus grande prospérité. Lorsque le comte Ferrand de Flandre, à l'instigation de la reine Blanche, ravagea le Calaisis au mois de juillet de l'an 1229, le Bourg de Withsand (c'est ainsi (1) Append. à Lamb. d'Ardres, p. 515.

(2) Le fait est emprunté à Malbrancq, qui parle souvent par hypothèse.


qu'il est désigné dans la chronique d'Andres) se racheta de l'incendie moyennant une somme de quatre cents livres, tandis que la ville de Calais, dont Philippe Hurepel venait d'achever les fortifications, offrait pour sa rançon une somme à peu près quadruple (1). Malgré la fréquence du passage des voyageurs par son port, cette localité n'avait donc pas pris un développement bien considérable. Ajoutons néanmoins que, peu d'années auparavant, la petite ville d'Ardres avait pu, en semblable occasion, se rÉdimer pour deux cents livres (2).

Les comtes de Boulogne avaient fait de Wissant, nous ne savons à quelle époque, le chef-lieu d'un bailliage. C'était aussi au point de vue ecclésiastique, un titre de doyenné, dont le premier titulaire connu estGusfride, signataire en 1225 d'une charte de l'abbaye d'Andres (3). Les Templiers eurent un établissement à Wissant, dont il est parlé dans les chartes d'Artois. « Un car pelains fu qui estoit du siècle et servoit au Temple de Wis« sant. Il aquist iiij mesures de tère à Berne, à sen moriant (en « son mourant) il les laissa au Temple (4). » On parle de cette maison dans un compte du bailliage de Saint-Omer, de l'an 1299 (5), dans les comptes du domaine de Boulogne de 1338-1340, et dans le pouillé d'Alard Tassard. Le Febvre, dans son Histoire de Calais (6), dit qu'on en voyait encore « les masures » au XVIIe siècle, et les habitants du lieu en indiquent l'emplacement dans les dunes de sable situées à l'est du port, où M. L. Cousin a trouvé, en 1862, deux mortiers en pierre, destinés à piler le blé, lesquels paraissaient en provenir (7).

Au XIV° siècle, nous voyons apparaître pour la première fois, sans que rien nous en fasse connaître la primitive origine, un maïeur et des échevins de Wissant-sur-Mer, qui, s'associantpar (l)Chron. And., p. 868, 2.

(2)Ibid.,p.854.

(3) Ibid., p. 856, 2.

(4) Ch.d'Art. A 47, n" 7.

(6) A 149, ne 3.

(6) T. I, p. 380 (note a).

(7) L'auteur, dans le Rapport cité (p. 9) a cru que c'étaient les deux bénitiers de la chapelle.


complaisance aux ridicules bravades du roi Philippe le Bel, donnent leur adhésion à l'acte d'appel au Concile général, interjeté par ce monarque contre le pape Boniface VIII. L'acte, conservé aux archives nationales (1), est daté du 16 août 1303. Malheureusement, le sceau en est brisé, à l'exception du contrescel sur lequel est représenté un poisson. Nous ne connaissons pas la charte communale de cette localité.

Bien que le passage des marchandises fût acquis dès lors au port de Calais, celui de Wissant restait encore fréquenté par les voyageurs. C'est là qu'Edouard II, après avoir épousé à Boulogne, le 25 janvier 1308, la jeune Isabelle de France, va s'embarquer, le 5 ou le 6 février suivant, pour retourner avec elle en Angleterre (2). C'est par là que passaient généralement les maîtres et les élèves anglais qui venaient en France pour suivre les cours de l'Université de Paris, ou qui regagnaient leur pays; car le roi Philippe le Bel ayant appris que le comte de Boulogne leur faisait payer à Wissant un droit de passage pour leurs livres, leurs chevaux et leurs bagages, il leur accorda un privilège d'immunité par une charte datée du mois de mars 1313 (3). Quelques années plus tard, vers le 1er juin de l'an 1327, c'est toujours dans le même port que s'opère l'embarquement de Jean deHainaut qui s'en allait à Douvres, avec cinq cents armures de fer, pour voler au secours du roi d'Ecosse, et qui, après avoir rempli sa mission, y vint débarquer vers la fin du mois d'août avec ses compagnons. La même année, c'était Philippine de Hainaut, mariée par procuration au roi Edouard III, qui prenait la même voie pour aller rejoindre son royal époux. Deux ans après (1329), c'est toujours par le même chemin que les députés de Philippe de Valois se rendent en Angleterre, au rapport de Froissart, à qui nous empruntons ces détails (4). Enfin, le 26 novembre 1337, deux cardinaux délégués parle Souverain- Pontife se réunissaient à Wissant pourysigner une transaction conclue (1) J 486, n° 391.

(2) Rymer, Fœdera, t. I, p. III, p. 208, et IV, p. 110.

(3) Bibluthè»iue nationale, mas Serilly 429 8, f° 363.

(4) Liv. I, part. I. chap. 29, 44, 46, 51 et 52.


entre l'évêque de Thérouanne, Raimond Sacquet, et le chapitre de cette cathédrale. Cet acte, célèbre dans la jurisprudence canonique, est connu sous le nom de Raymondine (1). Je n'ai pas la prétention de recueillir ici toutes les mentions historiques relatives au port de Wissant; mais je ne puis me dispenser de dire un mot du droit de passage dont il a été question plus haut. C'était une redevance vicomtière qui ne manquait pas d'importance; car nous voyons que Marie d'Auvergne, sœur de Robert V et femme de Wautier-Berthold, cinquième du nom, sire de Malines, reçut pour son partage, dans la succession d'Alix de Brabant, sa mère, 500 livres de rente sur le passage de Wissant (2); et on peut lire dans V Histoire du Boulonnais de M. H. de Rosny le détail des tribulations qu'éprouva un archevêque de Cantorbéry, pour avoir voulu s'y soustraire en 1274 (3).

Les comptes de Marguerite d'Evreux et de Jeanne de Boulogne, de 1338-1340, tels qu'ils sont imprimés dans laSociété Académique, ne présentent que des détails confus sur les recettes qui proviennent de le baillie de Wissant, tenue alors par Jehan de Pernes. Aussi, n'en puis-je rien tirer qui soit de nature à nous éclairer sur l'importance commerciale de cette ville au moment où approchait sa ruine définitive.

C'était Calais qui avait amené sa décadence; ce fut Calais encore qui consomma sa chute, quand Edouard III s'en fut rendu maître, et que les deux compagnons d'Eustache de SaintPierre, Jacques et Pierre de Wissant, se furent illustrés par leur dévouement en faveur de leurs concitoyens. On s'accorde à dire que, dans l'intérêt de sa nouvelle conquête, Edouard III fit détruire les fortifications et les ouvrages du port de Wissant en 1347; mais je ne sais où M. Harbaville a vu que les Anglais en conservèrent le château et y ont tenu garnison jusqu'en 1405 (4). Les annales de ce temps-là sont pleines d'obscurités. On lit, (1) Gall. christ., t. X, col. 1560.

(2) Du Cange, d'après Justel, Dissert. citée.

(3) T. II, p. 195, 196.

(4) Mémorial hist., t. Il, p. 75.


,'1) uu J.U.1 uG aaa acaacwa. uo ar.> oh

d'autre part, dans l'Histoire de Calais de l'abbé Le Febvre, que ce même roi Edouard III signa un édit pour permettre de transporter en France les blés de l'Angleterre par le port de Wissant, vers l'an 1361, ce qui donne à croire que la ruine de ce lieu si célèbre n'avait pas été aussi complète qu'on pourrait le penser (1). On sait, d'ailleurs, par les chroniques du XV" siècle qu'en l'an 1412, les comtes de Warwick et de Kent, envoyés par le roi d'Angleterre, à la tête de deux mille combattants, pour ravager le Boulonnais, « urinrent d'assault le bourcq de Wis« sant, le pilèrent et robèrent tout, puis boutèrent le feu de« dens (2). » C'est ce que racontent à la fois Monstrelet et Jehan Le Fèvre, écrivains dignes de toute créance.

Ducange cite deux extraits des comptes du domaine de Bou- logne au XVe siècle, d'après lesquels les recettes de la prévôté de Wissant auraient été effectuées à Boulogne, à Ambleteuse et ailleurs, « hors ledit lieu où d'aucuns sont arrivés ou entrés en « mer pour passer en Angleterre. » Je ne m'explique pas très bien comment cette prévôté pouvait être alors sortie de son chef-lieu; mais M. Courtois a eu tort d'en conclure que cette institution n'avait point un caractère local, et de lui donner le titre injustifiable de Prévôté inaritinze du Boulonnais (3). Quoique perçue à titre de coutume, « sur la coste de la mer, entre l'eau « d'Estaples et de Gravelinghes, » comme s'exprime le compte de 1478, ce n'en était pas moins la Prévôté de Wissant; et nous la retrouvons tout uniment désignée en ces termes dans l'adjudication qui en fut faite en 1550 La prévosté de Wissant, ças« saige de bestes venant d'Engleterre, mise à prix par Jehan le « Grand le jeune, le vue jour de juing 1550, à C. S. p., demeure à « Richard Mansse pour 24 livres 10 sous par an; La vicomté, fournaige et tonlieux de Wissant demeure à Richard Mansse « par C. S. parisis par an (4). » Voilà à quoi se trouvait réduit (1) T. I., p. 38.

(21 Chronique de Jehan Le Fèvre, seigneur de Saint-Remy, édition de M. Fr. Morand, t. I, 1876., pp. 69-70.

(3) Est-ce à Boulogne que J. César s'est embarqué etc., br. in-8" 1865, p. 26.

(4) Reg. du Roi de la sénéch. de B., t. 1.


par les guerres un revenu sur lequel on avait pu asseoir, trois siècles auparavant, une rente de 500 livres, sans l'épuiser C'est que, située dans le voisinage de Calais, en un lieu qui n'était pas susceptible d'être défendu, la ville de Wissant était journellement exposée aux ravages des bandes anglaises qui couraient le pays. On lit dans les State papers que tel fut le sort qu'elle éprouva en 1513. L'armée anglaise s'y était présentée, et les habitants s'étaient empressés de faire leur soumission au lieutenant du roi Henri VIII; mais quand la troupe se fut retirée, ces mêmes habitants ne craignirent pas de piller un vaisseau anglais qui échoua dans les environs, et d'envoyer à Boulogne comme prisonniers de guerre les hommes qui le montaient. Cette inconséquence leur attira de terribles représailles car, pour se venger, les Angiais accoururent mettre le feu à la ville et la détruisirent entièrement, 4 juillet (1). Un semblable désastre vint les accabler de nouveau trente ans après, lorsque, suivant le rapport de Jehan de la Caurrye, ces mêmes Anglais bruslèrent la ville et chasteau de Fiennes, partie de Marquise, « Wissant et aultres villaiges du Boullenois au nombre de dix« sept (2). »

Malgré tout cela, cette ville désolée conservait toujours précieusement quelques remarquables vestiges de son ancienne grandeur. Elle avait ses coutumes, qui lui faisaient comme une sorte de charte communale, parmi les autres coutumes du Boulonnais. Elles furent reconnues le 16 octobre 1550. Il y était stipulé que les maire et échevins de ladite ville avaient tous droits de justice, haute, moyenne et basse, et la police de ladite ville et banlieue d'icelle, avec connaissance en première instance de tous leurs bourgeois et habitants. En matière de vente et aliénation d'héritages, ou acquêts immeubles, on ne devait au seigneur qu'un relief, au lieu de droits seigneuriaux; mais en ce qui concernait les rentes, on devait double relief. En quelque cas de crime que ce fût, la personne ne confisquait que le corps,excepté au crime de lèze-majesté divine, ou royale. En ladite ville et (1) Henry VIII, vol. 1, n- 4284.

(2) Bulletin de la Soc. des Ant. de la Mor., t. 1, p. 03.


banlieue, comme à Boulogne, chacun était seigneur en droit soi nul ne pouvait faire trafic de harengs, blancs ou sors, s'il n'était bourgeois; enfin, pour les ajournements, ou assignations,il n'était pas besoin d'écritures la présence du sergent, « garni de sa verge, suffisait pour l'authenticité (1). On élisait régulièrement des maïeurs et des échevins pour l'administration des affaires communales. Ce fut, par exemple, Estienne Le Vasseur en 1575, Pierre De le Pierre en 1607, Jean De le Pierre en 1609, Thomas Dacquebert en 1610, dont je relève les noms dans le Livre vert des archives de Boulogne, où ils sont relatés comme ayant comparu aux assemblées générales des magistrats du pays (2). Je ne sais quel était le jour fixé pour leur élection mais c'était peut-être à la fête de Saint-Marc car ils se réunissaient de temps immémorial, le lendemain 26 avril, pour procéder à l'adjudication des fermes de la ville et au louage des terres qui appartenaient aux hôpitaux. J'ai été assez heureux pour rencontrer dans de vieilles paperasses la copie du procès-verbal de cette opération pour l'an 1615. Elle avait eu lieu en présence d'Anthoine Gentil, lors maïeur, de Hugues De le Pierre, son lieutenant, de Jehan Sueur, Anthoine Malfoy, Charles Casse, Jehan de Honvault et Jacques Lusca, échevins. On y procédait par voie d'enchères publiques, « jusqu'à la fin et « consommation des chandeilles, à six blancqs pour chacune « enchère, et en baillant par l'adjudicataire bonne et suffisante « caution, demeurans et résidans dansladite ville et banlieue, « etc. »

La ville et les hôpitaux possédaient quelques biens fondsdont je ne m'occupe pas; mais je dois dire ce qu'étaient les fermes, peu nombreuses d'ailleurs. La première était celle « qui se prent « et cœuille sur les taverniers et cabaretiers, sçavoir dix soubz « pour chacunne baricque de vin, et dix-huict deniers pour cha« cunne gonne de bierre. » Elle fut adjugéeà PierreDelePierre pour 26 livres, après 13 enchères. La seconde était c le gambaige (1} Coutumes gén. de la Sén. et Comté du Roulonnois. édit. 1761, pp. 115-119.

(2) Arch. comm. deB., reg. 1013.


« qui se prent sur le brasseur, par chacun brassin, un chaude« ron de bierre de quatre pots, » c'est-à-dire d'environ huit litres, adjugée pour 16 livres à Jehan Thouret ancien maïeur, sous la caution de Regnault Thueur, ancien échevin; la troisième s'appelait le Ravart « qui se prent sur chacun porcq qui « seront ravardé (1), tant au jour des festes que aultres jour, en « ladite ville et banlieue, à deulx soubz pour chacun porcq, » adjugée pour le prix de 27 livres à Raul Casse, après 44 encheres.

En somme, ce n'était pas là pour la ville un bien gros revenu, puisqu'en joignant à ces trois produits celui d'un pré, nommé les Argillières, le total ne s'élève qu'au chiffre de 90 livres. Il serait intéressant de savoir quel usage les maïeur et échevins faisaient de ces deniers et d'autres peut-être qu'ils se procuraient au moyen d'impositions sur l'habitant; mais je ne connais pas de comptes qui aient été conservés de leur gestion. Tout ce que je puis dire, c'est qu'on trouve, en outre, aux archives du département (liasse C, 33) une note sommaire sur l'état des revenus de la ville pour l'année 1763. Les Argillières tout le monde de la banlieue a droit de prendre de l'argile pour bâtir, » étaient affermées de 28 à 30 livres; mais le droit sur le vin et la bière était descendu à 2 livres, et le produit de la ferme du regard (sic) n'allait plus qu'à 2 livres 10 sous. Le dernier compte avait été rendu le 3 avril 1762. Avec ces faibles ressources on pourvoyait aux dépenses communes, savoir au traitement du maïeur 20 livres, du procureur fiscal 5 livres, du greffier 3 livres, du sergent de ville 6 livres, et il restait 9 livres pour les dépenses générales, c'est-à-dire pour les frais faits au renouvellement des baux, pour le logement de troupes et entretiens « qui peuvent y arriver. n Si ces chiffres sont exacts, les comptes devaient se clore en déficit.

Rien ne nous dit que la marine de cet ancien port ait joué quelque rôle dans les deux derniers siècles, même pour le com(1) Sans doute inspectés par les awards, ou égards, chargés d'une surveillance de &alubrité sur ces animaux, en tant que destinés à la charcuterie.


merce de la pêche. En 1768, lors de la répartition des secours accordés par le gouvernement aux pêcheurs de la côte Boulonnaise, on ne trouve indiquées pour Wissant que trois familles de marins, à qui sont attribuées sept parts, tandis qu'Audreselles comptait dix-sept familles ayant droit à trente-sept parts (1). Mais Wissant venait d'être ruiné par une lamentable catastrophe. En une seule nuit, durant l'année 1738, les sables de la côte, poussés par un vent violent, avaient envahi quarante-trois maisons. Ce n'était pas la première fois qu'un événement semblable se produisait, et il se renouvela. On lit, en effet, dans une délibération prise par les échevins, conseillers et notables de la ville, adressée au contrôleur général des finances, que les sables avaient envahi encore une fois une partie de leurs habitations, intercepté plusieurs rues et couvert une partie des herbages ils le supplient d'apporter un remède efficace à leur triste position (18 juin 1773); et l'historien Henry nous apprend qu'une nouvelle catastrophe eut lieu le 4 mars 1777 (2). Comment conserver un port au milieu d'un pareil élément de destruction ? Comment entretenir, avec la faible ressource des eaux d'un petit ruisseau, un chenal que les sables envahissaient tous les jours ? C'était alors, comme aujourd'hui, la situation du port et nous pouvons répéter avec l'historien de Calais qu'à peine les petits bateaux de pêcheurs peuvent y entrer (3).

A considérer les lieux par un simple coup d'œil, on se figure que la longue plaine sablonneuse qui s'étend depuis le village actuel de Wissant, jusqu'à celui de Tardinghen, représente l'ancien bassin du port, qui aurait eu deux entrées, l'une à l'embouchure du ruisseau d'Herlen, l'autre à l'embouchure du rieu des Anguilles, ou du rieu de Guiptun mais rien n'est plus faux qu'une pareille opinion, résultat d'une illusion trompeuse. Il faut savoir, en effet, que l'administration des Ponts-et-Chaussées, se préoccupant du soin d'améliorer l'aménagement du régime des eaux le long de cette partie de la côte, a fait faire (1) Liasse 939 des arch. com. de B.

(2) Liasse C., rr 167 des arch. dép. Voir Henry, Essai hist., p. 190. (3) Le Febvre. t. I, p. 386.


des sondages dans le but d'en reconnaître les niveaux, avec l'intention d'ouvrir, s'il était possible, au rieu des Anguilles un écoulement vers le chenal du port actuel. De cette manière, on aurait doublé la force des chasses produites par les eaux du ruisseau d'Herlen, et l'on aurait pu espérer de rétablir ainsi l'ancien ingressus maris dcnt parle la chronique de SaintRiquier (1). Mais on a dû renoncer à cet espoir, parce que le niveau du radier de la plaine en question incline vers Tardinghem et non vers Wissant, au territoire duquel elle n'appartient même pas (2). C'est un détail que je tiens de la bouche même de M. l'ingénieur Leblanc, qui a surveillé les sondages; et il m'a permis d'ajouter que, dans si conviction, cette apparence de backwater n'a jamais pu servir à l'usage qu'on lui attribue, parce qu'en la supposant débarrassée des sables qui l'encombrent, elle n'aurait pas assez de profondeur pour la flottaison des bateaux qu'on voudrait y mettre. Ce n'est pas une conjecture, ni une opinion, mais une assertion scientifique, dont je me fais ici l'organe. Aussi, nefaut il pas s'étonner que Louis XIV et Napoléon Ier, qui, l'un et l'autre, visitèrent Wissant avec l'intention d'en rétablir le port pour le faire servir à leurs desseins, furent ^obligés de renoncer complètement à l'idée d'en tirer un parti quelconque. Toute la fortune de ce port, au moyen âge, reposait sur la brièveté du trajet et sur la simplicité toute primitive des seuls moyens de transport dont on savait disposer à cette époque. De nos jours, quand, avec la vapeur, on met à peine une heure pour traverser le détroit; qu'y a-t-il d'étonnant dans l'anecdote rapportée par Charles Regnard, lorsqu'il dit que les' habitants de cette localité pouvaient, le jour de leur dédicace, aller chercher à Douvres des viandes d'Angleterre, comme du « bœuf et autres, et que les ayant fait cuire à la façon d'Angleterre pour les trouver meilleures, elles étaient encore assez (1) Cette idée avait été déjà suggérée par M. Henry (Essai hist., p. 134).

(2) A l'exception d'une petite portion nommée le Fonds deDarsaudt, toute cette plaine dépendait du fief de Guiptun, et elle est désignée dans les aveux comme consistant en 300 mesures de garennes. (Arcli. nat., P. 900).


« chaudes pour les mettre sur la table, à leur retour, sans y ap« porter nul artifice pour en conserver la chaleur, sinon en les « tenant couvertes (1)? »

Wissant n'avait plus que 105 feux en 1789, et il députa à l'assemblée électorale de Boulogne, en qualité de ville, quatre délégués, qui furent Jean Dupont, syndic, Louis Dupont, Louis Prudhomme et Louis-Marie Desurnes.

Son bailliage, réuni à celui d'Outreau, de Boulogne et de Londefort, depuis l'érection de la sénéchaussée en 1478, fut supprimé comme ceux-ci par l'édit de juin 1745. On montre, à l'angle de la route de Calais, une construction aujourd'hui couverte en chaume, avec des traces de voûtes et de fenêtres cintrées qui dresse encore sur la rue son vieux pignon soutenu par deux contreforts, et l'on dit que c'était là que le titulaire de cet office venait chaque quinzaine tenir ses audiences (2). Il en reste un fonds d'archives, réunies à celles du tribunal civil de Boulogne (3).

La cure de Wissant est demeurée le chef-lieu d'un district, ou doyenné rural, jusqu'à la Révolution française (4) mais, parmi les titulaires de la cure, dont la présentation appartenait à l'abbé de Saint-Wulmer de Boulogne, je n'en connais que trois, de 1562 à 1790. qui aient eu l'honneur de recevoir la commission de doyen. Ce sont Jacques de Verlingue en 1631-1636, Antoine (1) Description du Boulonnois, ms de 1658, copie de la Bib. de B., p. 17.

(2) L. Cavrois, Note sur Wissant et ses environs, dans les Bull. de la Com. des Ant., t.iV, p.371

(3) Le bailliage et prévoté royale de Wissant comprenait dans sa juridiction, d'après un ancien document en ma possession » La petite villede Wissant,et la banlieuequyest Sombre, Ambleteuze et le hameau de Raventhun, Audreselle, Audin^uen, Tardinguen, Bazinguen, Inghen, Leubringuen, Audembert, Leulingueu, Eslinguen, Sainct-Inglevert, Laudrethun, le bourcq de Marquise et les hameaux en despendans, Hidrequen, Fiennes, Caffiersei Ferques. »

(ij Le doyenné ou district de Wissant s'étendait sur les paroisses d'Ambleteuse, Audembert, Audinghen, Audresselles, Bazingheu, Boursin et Le Wast, Ferques eiElingi.en, Landrethun-le-Nord et Caffiers, Leubringhen, Tonlinghpn, Marquise, Raint-Intrlevert. Sombres et Wi&sant, Tardinghen et Inghen. Au moment de la partition de 1559, on y comptait, en outre, Fiennes, Hardinghen et Hervelinghen, qui eu furent détachés plus tard. m


Bourlizien en 1659-1679, et Antoine Butor de la Creuse, originaire de Boulogne, gradué de l'Université de Paris, nommé curé le 5 février 1728, commissionné doyen après que Jacques Ringot eut été transféré à la cure de Samer en 1745, mort en 1761. La seigneurie de Wissant, qui était du domaine royal, fut aliénée par le roi Henri IV, à titre de sous-inféodation, le 28 octobre 1595, pour la somme de 2,800 écus. L'acquéreur fut Jean-Michel Patras de Campaigno,dit le Chevalier noir, dont les héritiers l'affermèrent à un sous-engagiste. D'un autre côté,Jacques d'Estampes, marquis de Valencé, acheta une autre partie de ce domaine le 7 décembre suivant. Il s'en suivit une multitude de contestations entre les deux familles des engagistes, qui plaidèrent jusqu'à la Révolution sans qu'il y ait eu d'arrêt définitif. Les Campaigno portèrent le titre de barons de Wissant, concurremment avec les possesseurs de la chàtellenie de Fiennes, substitués aux droits des Valencé. C'est ainsi que PierreElisabeth de Fontanieu, seigneur du marquisat de Fiennes, prend aussi dans des actes de 1775 le titre de baron de Bellebronne et de Wissant (1); mais aucune des deux familles engagistes ne jouit des honneurs seigneuriaux dans l'église. Hameaux et lieux-dits historiques

1° Averlot, nom d'une colline où M. F. de Saulcya cru apercevoir les vestiges d'un camp de César qui n'a jamais existé que dans l'imagination de son guide (2).

2° Le Colombier, hameau et ferme en partie sur la commune d'Audembert. Ce lieu s'appelait anciennement Eorebreucq, ou Œuvrebreucq. On lit dans les chartes d'Artois le nom d'Estene de Oorebroec, à la fin du XIIIe sièele (A 47, n° 11). La ferme du Colombier est depuis près de trois siècles la propriété de la famille Dupont, dont plusieurs membres en ont porté le titre féorlal, conjointement avec celui d Assebrune ou d'Assebronne. 3° Estrouannes, hameau sur la côte, près du rieu de Saint-Pol, ou Saint-Po, est cité sous lo nom de Strones en 1084 dans la (1) F. Morand, Les derniers baillis, etc., pp. 13, 43. On peut consulter sur cette question un factum imprimé qui est dans la Biol. de Boul., n° 1907 du 1" sup. au catal.

(2) Voir le Rapport de M. L. Cousin, sur les fouilles de 1861, p. 12.


charte de fondation de l'abbaye d'Andres, pour la dîme qu'y possédait le comte de Guînes. Cette dîme fut confirmée aux religieux par le pape Calixte H, en 1123 (1). S'il faut en croire Lambert d'Ardres, S. Faron, évoque de Meaux, aurait fondé à Estrouannes (apud Stronas) un monastère de moines qui fut détruit par les Normands, durant l'expédition de Gormund et Isembart (2). C'est à Estrouannes, et non à Wissant qu'aboutit la branche de la Leulène, détachée à Guînes du rameau principal.

Gazevert, maladrerie établie au village de Sombres, avec une chapelle sous l'invocation de Sainte-Madeleine.On la trouve mentionnée dès la fin du XIII" siècle, dans les chartes d'Artois (A 182), sous le nom de li maison de Gasevclt. La dîme de Totincthun lui appartenait,, et on l'affermait pour le prix de 20 livres en 1615. Il ne reste plus aucun vestige de cette fondation charitable mais on en connaît encore l'emplacement, au lieu dit les Gages verts; et M. L. Cousin a pu faire, avec mon concours et celui de M. Ern. Hamy, une fouille à travers un champ cultivé qui en était l'ancien cimetière(3).

Hautes-Sombres, hameau, dont l'ancien nom était Audessombres, comme l'indique le compte du domaine de Boulogne, rendu en 1338 à Marguerite d'Evreux, où il est dit que la dîme de ce lieu rapportait à la comtesse un revenu de 14 livres. « Jacques de la Folye, escuier seigneur de Haultes-Sombres, filz et héritier de feu Lancelot de la Folye », prête serment de fidélité à Henri II et est reçu comme homme féodal du roi, le 26 juin 1550 (4).

Herlen, hameau situé au pied du Mont de Couple, près de la source du rieu ou ruisseau de même nom. Amalric d'Erlehem assiste, en qualité de témoin, à une donation faite à l'abbaye d'Andres par les seigneurs de Bournonville en 1084 (5). Guil(1) Chron. And., p. 783, 2, 797.

(2) Cap. VI. Voyez Le Febvre, Hist. de Calais, t. I. pp. 383 et 468. (3) Rapport de 186<, pp 17-1R.

(4) Reg. du Roy de la Sén., vol. l, f- 24.

(5) Chron. And., p. 784,2.


laume d'Erlehem, épousa Belle de Markene, fille d'Elembert et d'Adelis de Licques, vers le milieu du XII" siècle (1). Le nom dHerlen est resté l'apanage d'une branche de la famille Le Porcq, qui a donné plusieurs de ses membres au clergé et à la judicature. C'était aux Le Porcq d'Herlen qu'appartenait la seigneurie de clocher du village de Sombres. Le ruisseau d'Herlen ouvre le chenal du port de Wissant, après avoir fait tourner un moulin, autrefois royal, qui fut baillé à ferme pour trois ans à Maxyn de Roussen, le 7 juillet 1550 moyennant un cens annuel de 66 livres (2).

7° Un Hôpital, dont je ne connais pas l'emplacement, existait à Wissant, avec une chapelle dédiée à Saint-Jean. Cet établissement jouissait de plusieurs terres, notamment de celle nommée Les Croquets, qui étaient données à ferme par les soins de la municipalité; mais le plus beau de ses revenus était une dîme assez considérable, levée sur la paroisse de Tardinghen, et affermée le 26 avril 1615 pour la somme de 150 livres. L'hôpital de Wissant fut réuni à l'hôpital général de Boulogne, avec la madrerie deGazevert(13aoûtl696);etnous apprenons d'in rapport du curé de la paroisse (1725) que cet établissement versait chaque année entre ses mains une somme de soixante livres, pour subvenir aux besoins des indigents de la localité.

fr La Motte-Carlin, tombelle celtique, près du chemin qui vient de Marquise. La tradition prétend que c'est le tombeau d'un général anglais. M. L. Cousin, qui en parle dans son rapport sur les fouilles de 1862 (3), a recueilli des informations qui lui permettent d'affirmer que la Motte-Carlin était véritablement un tumulus, parce qu'on y a trouvé quelques poignées de cendres recouvertes par une pierre plate.

9° La Motte du Castel est le nom ancien (1567), de ce qui est connu aujourd'hui sous le nom de Fort-César. Du Cange I'appelle également la Motte du Chatel (1668), équivalent de ce que l'on dit la Motte du Cattez dans l'aveu officiel de la seigneurie (1) Lamb. Ard., cap. cxxxiii.

(2) Reg. du Roy, vol. cité, f- 31.

(3) Pp. 20, 11.


du Vivier en 1748. Le Febvre, dans son Histoire de Calais (t. I, p. 32 et carte) ne lui donne pas d'autre nom que Mont Catel, ou Mont Castelle, toutes dénominations qui indiquent la tradition ancienne de la localité. Les autres noms, tels que celui de Camp de César, ou de Motte Julienne, sont des interprétations modernes.

10° La Motte du Vent, la Motte Pelée et la Butte des Bougards sont des monticules de forme plus ou moins irrégulière, appartenant au terrain naturel, qui n'ont aucun caractère de fortifications romaines, et sur lesquelles on a bâti tout un roman d'archéologie fantasmagorique.

11° SOMBRES, village, chef-lieu paroissial de la ville de Wissant, devenu plus tard Basses-Sombres, quand on eut inventé le nom d' H autes-Sombres au lieu à'Audessombres. La dîme da la paroisse de Sumbres fut donnée à l'abbaye de Saint-Jusse-surMer par le célèbre Pharamus de Tingry, en 1171, à la condition de célébrer chaque année son anniversaire (1). Si l'on en croit Ipérius dans sa chronique de Saint-Bertin, écrite au XIVe siècle, sainte Fare, iille d'Hagneric, maire du palais de Thierry de Bourgogne au VIIe siècle, aurait fondé à Sombres (in Sombris prope Witsantam) un petit monastère où elle aurait demeuré quelque temps dans le service de Dieu, avant d'aller s'établir à Faremoutier dans le diocèse de Meaux (2). L'église de NotreDame de Sombres, aujourd'hui démolie, était située au milieu du terrain qui sert encore aujourd'hui de cimetière à la paroisse. Elle était composée de deux nefs collatérales, ainsi que M. L. Cavrois l'a constaté dans les fouilles qu'il y a faites en 1877 (3). C'était-là que les curés de Wissant prenaient possession de leur bénéfice, là que, suivant les prescriptions légales, on faisait les publications judiciaires, et là que l'on apposait les affiches,après la messe paroissiale célébrée au milieu du concours de la popu(1) Cartulaire de S.-Josse. Cette charte a été publiée avec d'incroyables incorrections par M. L. Cousin, dans les Mém. de la Soc. des Ant. de la M., i. VII, 2° part., p. 20-21.

(2) Thés. nov. anecd. t III, p. 4B7. – Voir Le Febvre. Hist. de C, t. I, p. 386.

(3) Bulletin de la Com. des Ant., t. IV, p. 369.


lation (1). L'église de Saint-Nicolas, ou du bourg, n'était qu'une chapelle, annexe de l'antique église de Sombres.

Rien, mieux que cet état choses, n'est de nature à prouver que la ville de Wissant a été fondée sur la grève de la mer à une époque relativement récente, comme Calais près de Marck et de Petresse, comme le Bourg, ou la basse-ville de Boulogne, auprès des vieux murs de Gesoriacum.

12° Le Vivier, ferme, autrefois fief d'une certaine importance, en la main de la famille de Mansel, dont Jehan, sieur de Nouvil. liers, comparaît à l'assemblée électorale de 1560.

13° Les Wrimetz, hameau à l'est du ruisseau d'Herlen, dars le voisinage immédiat des monticules de sable sous lesquels sont ensevelies les maisons de l'ancienne ville. Ce nom de lieu, dont la dernière syllabe est un mot qui, au moyen âge, était employé dans le sens de maison, pourrait par son préfixe Wri représenter l'endroit nommé Weretka, où s'arrêtèrent les moinos de Gand qui emportaient les reliques des saints de Fontenella en 944. Comme je l'ai démontré dans le volume précédent (canton de Calais, Fréthun), ce lieu était situé sur le rivage de la mer, à mi-chemin de Boulogne à Oye.

VIABILITÉ CANTONALE. Le canton de Marquise était traversé, 1° par l'ancien chemin, probablement celtique, qui partait de la Tour d'Ordre, passait par le pont de Wimereux, et se dirigeait vers la ville de Calais en se tenant le plus près possi ̃blede la côte; il a été intercepté par les dunes de Slack et on ne le retrouve que plus loin vers Haringuezelle, suivant à peu près le parcours du chemin vicinal qui relie l'un à l'autre tous les hameaux voisins de la mer, depuis Framezellcs et le Châtelet jusqu'à Estrouannes et Basse-Escalles; 2° Par le chemin de Boulogne à Calais, représentant la voie romaine de Gesoriacum à Marck, par le pont de^Wimille, Hobengue, Slack, Raventliuu, Onglevert, Ausque, Sombres et Haut-Escalles; 3° Par le chemin de Wicardenne à Marquise, entrant par le pont de Wavre, ou de Grisendalle, grimpant à Maninghen pour se rendre de là Bd) Actes de 1599, concernant la saisie-retrait du Collombier, dans' les papiers de la famille Dupont.


au mont d'Epître, où il suivait le parcours de la route nationale actuelle; Par le vieux chemin du Pont-de-Briques à Guînes, entrant dans le canton auprès du village d'Hesdres, pour se diriger vers son but par Wierre-Effroy, Rinxent, la Vallée-Heureuse, Elinghen, Beaulieu et Caffiers; 5° Par l'ancienne voie de Thérouanne à Wissant, qui entre sur le territoire du canton à Landrethun-le-Nord, pour se rendre directement à la mer par le Mont-de-Couple et le hameau d'Herlen; on lui donnait jadis sur cette partie de son parcours le nom de Chemin poissonnier; 6° Par l'embranchement d,u chemin de Leulène, venant de Gulnes pour aboutir à Estrouannes, en passant par Saint-Inglevert et Hervelinghen.



DE SAMER

Le canton de Samer est assis sur le cours de la Liane, dans la partie sud-ouest de l'arrondissement. Il est borné à l'ouest par la mer, sur une étendue d'environ seize kilomètres de côtes, depuis ses limites de Capécure-Boulogne, jusqu'à la ligne qui sépare la commune de Dannes de celle de Camiers, au sud par le canton d'Etaples de l'arrondissement de Montreuil, à l'est par celui de Desvres, au nord par celui de Boulogne-Sud. Le plus grand nombre des communes dont il se compose appartiennent au Bas-Boulonnais, mais quelques-unes, savoir Doudeauville, Lacres et Halinghen, font partie du Haut-Pays. Le canton de Samer ne représente aucune délimitation politique d'ancienne date. C'est une circonscription de justice de paix, créée de toute pièce par l'arrêté consulaire du 9 Brumaire an X.

CANTON


CARLY.

«

Le village de Carly, situé au nord du bourg de Samer, est une des plus anciennes localités du pays. Son nom de Quertliacus est probablement d'origine gauloise (1). J'y ai recueilli, pour en doter l'église de Menneville, une cuve baptismale qui est un chapiteau gallo-romain d'o/dre dorique, appartenant au IVe ou au Ve siècle de notre ère. Il m'a été donné par M. LeroyRiquest, l'un des héritiers de sœur Louise Thueux, qui l'avait trouvé dans la cour de sa ferme, où il servait d'abreuvoir aux pigeons; et l'existence de ce monument m'avait été signalée par un honorable antiquaire anglais, M. H. Longueville-Jones, qui l'avait découvert, et dessiné en 1865 (2).

Le 28 novembre de l'an 867, un homme nommé Héribert qui, avec sa femme Mégésinde et ses fils Ellembert et Egilbert, possédait un domaine à Campagne et un autre à Carly, avec annexes sur Liembronne et Menty, voulut se défaire de ces biens en faveur de l'abbaye de Saiut-Bertin, pour recevoir en échange le domaine d'Uphem, ou du Pen à Wierre-Effroy. L'acte qui fut passé à cette occasion entre le donateur et l'abbé Hilduin de Sithiu, stipule une amende de v;ngt onces d'or et de trente livres d'argent pour le cas où quelqu'un viendrait à rompre les conclusions de ce marché. Nous y voyons qu'en ce qui concerne Carly, les biens en question se composaient de vingt bonniers de terre, situés près du cours de la Liane, outre dix-neuf esclaves dont les noms sont donnés en détail dans leur forme saxonne (3).

(1) M. A. G. Chotin interprète cette terminaison dans le sens de domaine, propriété. Suivant lui, les Gaulois employaient le suffixe ek, latin acus, pour adjectiver un nom d'homme et en faire un nom de propriété. (Etym. du Hainaut, p. 22.)

(2) M. H. Longueville Jones a publié dans l'Archeologia Cambrensis plusieurs travaux fort estimés.

(3) Cart. S. Bert., pp. 112-113.


Il y avait à cette époque, et peut-être même auparavant, une église à Carly, sous le vocable de Saint-Martin. C'est ce que nous apprennent les actes de la vie de Saint-Wulmer, où nous lisons qu'un clerc nommé Marfride, qui en était le curé, eut la fantaisie de faire couper ses foins, dans les prés qui bordent la Liane, le jour de la fête du saint abbé; mais le Ciel lui donna, pour cette imprudence, un châtiment exemplaire, en envoyant un orage qui fit déborder la rivière, au moyen de quoi tous ses foins furent perdus (1).

Cette église de Carly fut reconstruite au XIIe siècle et consacrée solennellement par Tévôque de Thérouanne Milon Ier, en l'an 1133, comme nous l'apprenons d'une charte insérée dans la chronique d'Andres; car, après la cérémonie, tandis que le saint évêque était encore revêtu de ses habits sacerdotaux, Arnoul de Ferques, surnommé le Frouchard, accompagné de sa femme Agathe, se présenta devant lui pour faire à cette abbaye la donation de plusieurs alleux situés à Ferques et à Hardinxent (2). Il demandait en même temps à entrer, lui et sa femme, en société spirituelle avec les religieux, comme frère et comme sœur et aux libéralités précédentes il ajoutait la moitié du moulin de Guiptun, ou de Watremelle, à la condition que les revenus en fussent employés au logement des pauvres passants, malades ou non, qui viendraient demander l'hospitalité à la maison aumônière de l'abbaye. Tous ceux qui étaient venus assister le bienheureux Milon dans la dédicace de l'église de Carly signèrent comme témoins l'acte de cette donation. Nous y remarquons Baudouin Ier, abbé de Samer, Jean Ie' abbé de Notre-Dame de Boulogne, Herbert, archidiacre de Thérouanne, Gusfride, moine de la Capellle, au milieu de beaucoup d'autres, tant clercs que laïques.

L'autel de Carly, c'est-à-dire le droit de patronage pour la nomination des curés, appartenait à l'abbaye de Samer dès l'an (1) Vit S. Vulm., in Act. SS. Boll., T. V. Jul., p. 88, §23.

(2) Chruu. Aud., p. 804,2. L'acte se trouve en copie d'après l'original dans les papiers de Dom Grenier; ce n'est que la confirmation d'une libéralité déjà faite quelque temps auparavant. V. la chron., p. 800, 2.


1173; mais il n'est question de la dîme que dans la bulle d'Innocent III du 5 avril 1199 (1). Ces privilèges restèrent à ce monastère jusqu'à sa suppression en 1790. Le rapport du curé de Carly, adressé à l'évêque de Boulogne en 1756, nous apprend que la dime se partageait entre l'abbaye et le curé. La part de la mense abbatiale était affermée vingt-trois pistoles.On lit dans le même document qu'il y avait à Carly un revenu de dix écus par an en faveur des pauvres du lieu, « affecté sur un immeuble « de la paroisse par feu M. Fisset de la Halle le curé et le mar« guillier par un billet signé en commun faisaient la distribu< tion de cet argent, et les billets étaient ratifiés, à chaque red« dition de compte, par les paroissiens assistants. » Le dernier curé de Carly, avant la Révolution, a été M. Peudecœur des Carrières, Pierre François-Marie, né à Widehem le 31 mars 1745, gradué de l'Université de Paris, installé en 1773, ayant prêté le serment constitutionnel, resté à Carly comme desservant jusqu'au jour de sa mort (16 novembre 1824). Carly avait en 1725 une école mixte de garçons et de filles tenue par un maître nommé Pierre Lannoy, « veuf et vieil et fort âgé. » En 1756, c'était un nommé Jacques Bénard. La seigneurie de Carly appartenait aux barons de Lianne, qui étaient par indivis en 1756 M. de Montlezun de Busca, abbé de Longvilliers, et M. le baron du Blaisel de Wirwignes. Anthoine Lhoste, marguillier de Carly, représenta cette paroisse à l'Assemblée électorale de 1560. En 1789, ce furent Pierre Gomel et Louis-Marie Géneau de la Marlière. La paroisse comptait alors 40 feux. Elle dépendait du bailliage de Boulogne pour la partie de son territoire située en deça de la Lianne, du bailliage du Choquel et Bellefontaine pour le reste. Classée d'abord dans le doyenné de Boulogne, sous les évoques de Thérouanne, clic fut mise plus tard dans le doyenné de Samer. Le village de Carly ne possède, aucun autre monument que son église, construction irrégulière et fort caduque, où il reste quelques vestiges de l'architecture du XVI* siècle. Les fonts (1) Chartes do Samer. iv 8, 10 et 12.


baptismaux, qui son1 peut-être contemporains de l'évéque Milon Ier, sont ornés de sculptures d'un caractère très gracieux. Depuis la Révolution française, Carly fait partie du canton de Samer; et l'on y comptait en 1876 une population de 310 habitants, sur une superficie de 628 hectares (t).

Hameaux historiques

1° Houret, ferme et château, en 1466 propriété des Bournonville,chevaliers seigneurs de Houreeq, maintenant aux Chinot de Fromessent.

2° Le Pont d'Etienfort, qui rappelle l'existence du passage de la voie romaine d'Amiens à Boulogne à travers la rivière de Liane, s'effectuant en cet endroit sur un fond de pierres, Steinfort, ou Steenevoorde, gué pierreux.

La Basse-Ville, hameau où se trouve une ancienne ferme à tourelles, Canteraine, Contary, ferme ancienne, \'Enferi Hourquet, Lannoy, te.

COHDE11E

Le village de Condette (1068 habitants, 1626 hectares), est assis le long du rivage de la mer, entre Saint-Etienne et Neufchâtel. Il a été, de 1799 à 1801, chef-lieu d'un canton qui comprenait les communes de Dannes, Hesdigneul, Hesdin-l'Abbé, Isques, Nesles, Neufchàtel, Outreau, Saint-Etienne et SaintLéonard, toutes réunies au canton de Samer, depuis le 9 brumaire an X (31 octobre 1801).

Le nom de Condette a paru à M. L. Cousin être analogue à celui des divers Vondé de la carte de France, anciennement connus sous le nom de Condatum ou Condate, qui sont tous assis (1) Henry, dans son Essai hist. (p. 120), suivi par Bertrand (t. II p. 61), a imaginé de dire que Carly était autrefois une ville, dont il est parlé dans le traité de Brétigny. C'est une pure fable.


sur le passage des voies romaines (1). Je lui laisse la responsabilité de cette assertion, en constatant que le musée de Boulogne a reçu en 1850, comme provenant de cet endroit, un vase en terre du genre des poteries à relief, et que le cimetière de cette paroisse est établi sur l'emplacement d'une ancienne nécropole mérovingienne, ainsi que le fait a été révélé par les fouilles qui ont eu lieu sous la direction de M. l'architecte Bouloch, lors de la restauration de l'église de Condette, il y a quelques années. J'ai vu au musée de Boulogne quelques objets qui en proviennent et qui sont caractéristiques de l'époque.

Une opinion qui s'est produite dans le monde des numismates a voulu faire de Condette le lieu-dit Cunettum, où aurait existé un atelier monétaire à l'usage des roi8 pirates, vers l'extrême fin du IXe siècle, ou le commencement du Xe. Ce n'est qu'une conjecture, pour expliquer la légende cvnetti (2). Ce n'est qu'en 1112 qu'on trouve pour la première fois la men.tion de ce village, lequel appartenait alors à l'abbaye de Samer, sous le titre de villa, d'après la charte du comte Eustache III et celles de ses successeurs jusqu'à l'an 1210 (3). Il y est appelé, sous sa forme latine, Condeta ou Cundeta. Les chartes de SaintJosse-sur-Mer font mention de Gerbert de Condet, qui paraît avoir été un des seigneurs de cette localité vers l'an 1135 (4). Au siècle suivant (1208) nous trouvons l'autel de Condette {altare de Condela) parmi ceux dont le patronage appartenait à l'abbaye de Notre-Dame de Boulogne.

L'église de Condette, qui est sous le vocable de Saint-Martin, a conservé ses fonts baptismaux du XII" siècle, mais elle a été entièrement reconstruite au XVI", sans parler des restaurations dont elle a été l'objet, il y a quelques années. Le chœur est d'une <1) Trois voies rom. du Boul., br. in-8, 1859, p. 20. Je ne pen&e pas qu'il y ait lien de teuir compte du nom de Condeheoer que l'on trouve dans Malbrancq, et qui n'est qu'une mauvaise lecture de Condehaut. (2) Alex. Hermand, Rapport sur le concours de 1853 (Mém. des Ant. de la M. t. X, part. 2, p. 76, note).

.(3) Chartes de Samer, dans le t. XII des Mém. de la Soc. Acad. (1) Cartulaire inédit, aux Archives du département.


belle apparence.Danslanef setrouvent les restes d'une ancienne épitaphe, ou d'un ex-voto, consistant en deux statues, l'une de la Pietà l'autre de la Madeleine, sculptées en pierre blanche et placées dans une sorte de niche où il y avait jadis une inscription en style lapidaire du XIV» siècle, et des vestiges d'armoiries, qui ne se voient plus.

Après une cloche moderne, bénite en 1862, la tour de cette église en renferme une autre plus ancienne, fondue à Rouen en 1724 sur la commande d'un chaudronnier de Boulogne, nommé Jacques Perzel. Les parrain et marraine ont été Michel de Maulde, baron et seigneur de Condette, et Angeline-Françoisc de Riencourt, veuve de Charles du Blaisel de Florincthun (1). Laurent de Condèle fut abbé de Notre-Dame de Boulogne en 1281. Ce fut lui qui fit reconstruire le chœur de cette basilique, dont il posa la première pierre le 15 mai 1302. Jacques de Condète, fils de Simon de même nom, prit l'habit religieux dans l'abbaye de Saint-Bertin en 1348, fut élu abbé d'Auchy en 1380, et n'ayant pu prendre possession, fut appelé à remplacer le célèbre Ipérius sur le siège abbatial de Sithiu, où il fut bénit et installé par Pierre d'Auxy, évêque de Tournai, le 8 mars 1383. M. de La Plane a donné sa biographie dans son Histoire des abbés de Saint-Bertin (2). Jacques de Condète mourut le 20 février 1407 et fut inhumé dans le choeur de son abbaye. Un curé de Condette, François Desombre, natif de Colembert, installé le 5 décembre 1727, fut commissionné doyen du district de Samer, en 1739 ou 1740, après la mort de Pierre Boullart, curé de Bourthes, et il conserva cette dignité jusqu'à sa mort eu 1750.

La dime de Condette, qui se percevait à sept du cent, appartenait partie aux religieux de Samer, partie au curé, et partie au seigneur de Grand-Moulin. Les religieux louaient leur portion pour la somme de 380 livres, et le seigneur retirait de la sienne dix pistoles.

(1) Renseignements transmis à la Soc. d'agr. de B. en 1862, par M. Bodart, mairfide Condette.

(2) T. I, pp. 347-358,


Un maitre d'école, nommé Robert Berthebois en 1725, remplacé en 1756 par Jean Buret, instruisait les enfants de Condette, conjointement avec ceux d'Hesdigneul, son annexe. Il recevait (les paroissiens environ soixante livres pour son traitement. Les députés de Condette a l'assemblée électorale de 1789 ont été Jean-Baptiste Warnier et Antoine Bodart, pour une population de soixante-dix-sept feux.

Hameaux et lieux-dits historiques

Le Becque, ruisseau qui porte à la mer les eaux des marais de Condette. Il s'y trouvait un ancien moulin dont le propriétaire prétendait faire remonter l'origine au règne du comte Renard de Dammartin, et dont la démolition a été faite en 1850, à cause du dommage que sa retenue d'eau causait aux riverains (1). Il en est fait mention dans le compte de 1340. 2° Le Choquel, hameau toujours subsistant, chef-lieu, avec Bellefontaine, d'un des huit bailliages du Boulonnais. Il en est parle dans les comptes de Jeanne de Boulogne de 1340, comme étant alors affermé au sire de Hangest, moyennant une somme annuelle de 300 livres.

Le bailliage du Choquel, qui parait avoir absorbé celui de Hellefontaine, comprenait, je crois, les villages de Condette, Saint-Etienne, Hesdigneul, Carly au sud de la rivière, Verlincthun, Samer, Wierre-au-Bois, Neufchâtel, Nesles, et les ha-meaux de Florincthun, Haffringue et Escames, qui furent soustraits à la juridiction du bailli d'Etaples, en même temps qu'on lui retirait le titre de bailli du Choquel et de Bellefontaioe par l'édit de juin 1745.

3° Escames, hameau, déjà mentionné en 1294 dans les chartes d'Artois, puis décrit en 1352 dans les titres de propriété de la famille de Roussel de Préville.

Florincthun, château, déjà connu au XIII* siècle pour un de ses seigneurs, Ansel de Floringhetun, qui servait en 1297 dans la première connétablie des gens de pied du comte d'Artois (2). Il (1J J'ai sous les yeux un Mémoire signé par M. Millet, avpcal, imprimé, à Boulogne chez Birlé, in-4", sans date, avec plan.

(2)Ch. d'Art., A 143.


appartenait en dernier lieu aux Du Blaisel, et je trouve notamment Barthélémy Du Blaisel, sieur de Saint-Aubin et de Florincthun, mort à Saint Germain-en-Laie, d'une blessure qu'il avait reçue étant capitaine des gardes d3 M. le duc d'Aumont et maréchal de bataille dans le combat d'Etampes contre les princes révoltés, en 1652. Plus tard, d'après ce qu'affirme le D' Bertrand (1), ce château a été illustré par le séjour qu'y fit le prince Charles-Edouard, durant les préparatifs de l'expédition qui devait le replacer sur le trône de ses pères en 1745. Florincthun est aujourd'hui larésidence de M. Jules Morel de Boncourt, chef d'escadron d'état-major en retraite, qui avait épousé MarieAgathe Gabrielle de Belvalet d'Humerœuille, héritière de ce domaine, décédée prématurément le 28 avril 1874. 5° Grand-Moulin, ferme d'ancienne construction, dont le seigneur, Wyot de Grant-Moulin, est cité dans un acte du 13 janvier 1354, passé par-devant les maïeur et échevins de Boulogne (2). Les comtes de Boulogne y avaient des prairies qui ont produit trois mulles de foin, ou onze petites « caretées à la comtesse Jeanne en 1340. Jehan de la Rivière, seigneur de Grand-Mollin comparaît à l'assemblée électorale de 1560.

6° Hardelot, hameau formé autour du château -fort de ce nom résidence d'été des comtes de Boulogne. On y a trouvé des antiquités qui ont été remises au musée de Boulogne en 1827. Renaud de Dammartin y demeurait avec Ide de Boulogne son épouse, en 1194, lorsqu'il donna à l'abbilve d'Andres le bois de Hodenehout, on d'Odrenault (à Réty). C'est la première mention qui soit faite de ce château, sous le nom d'Ardrelo (3), car je compte pour fable ce qu'en dit Lambert d'Ardres à propos des méfaits du légendaire comte Régnier; et la forme de Hardrei locus par laquelle il traduit le nom vulgaire est de son invention (4). Renaud affectionna cette résidence. Je l'y retrouve en 1203, signant apud Hardrelo la première charte communale qui (1) T. II, p. 49.

(2) Ern. Deseille, Le Pays Boulonnais, p. 281. 1.

(31 Chron. And., p. 825. Mir. I, p. 399.

(♦) Cap. xx,


ait été écrite pour la ville de Boulogne. Cette prédilection était un fait tellement avéré que l'auteur du roman d'Eustache le Moine n'hésite pas à nous montrer Renaud faisant d'Hardelo, ou Hardello, son habitation favorite

je le conte trouverai i

Li uns respont à Hardello (1).

On a voulu dire que ce château avait été bâti par Philippe Hurepel. C'est là une assertion purement gratuite, puisqu'il existait auparavant, et c'est bien assez pour ce prince d'avoir construit les remparts et les châteaux de Boulogne et de Calais pendant la courte durée de son règne, sans qu'on lui attribue encore d'autres besognes du même genre.

Le château d'Hardelot, comme la plupart des habitations féodales du moyen âge, avait ses prisons, où les comtes faisaient renfermer les malfaiteurs. Eustache le moine faillit y être consigné sous le comte Renaud (2). Des échevins de Boulogne y furent envoyés en 1260, par le comte de Saint-Pol. Ce qu'il y a de curieux, c'est que le châtelain lui-même qui le gouvernait en 1309, y fut mis dans les fers, pour quelque offense dont nous ignorons la nature (3).

Les comptes de 1338-1350 contiennent beaucoup de renseignements sur Hardelot. Nous y voyons le détail des occupations d'Oste Cauwe, qui en était alors le châtelain. Elles portaient principalement sur la garde et l'exploitation de la forêt domaniale de ce nom, où l'on prenait alors des faucons et des aigles et où l'on chassait les chers (cerfs) et les sanglers. Il fallait aussi « faukier, faner, appareiller, carrier et tasser les fains de Har« drelo, « qu'on récoltait dans les marais qui avoisinaient la forteresse, surveiller le pacage des bestiaux, ou, comme on disait, « les pennages de kevax, de vakes et de veaus, enfin on ne devait pas oublier les garennes aux lapins, dont lenombre se multipliait au point de nuire beaucoup aux cultivateurs d'alentour. (1) Vers 785, p. 29.

(2) Et dit liquens, vous enverrons à Hardelot, v. 388, p. 15. f3) Chartes d'Artois, A 249, p. 238 de l'Inventaire de M. J.-M. Richard.


On les prenait par centaines, pour les envoyer à la comtesse, après les avoir préalablement salés; mais on avait beau faire, et le roi Jean fut obligé d'accorder aux riverains une remise de contribution, comme dédommagement, par un acte du 6 mai 1354 qui est aux archives d Artois (1).

J'arrête ici ces détails, qui m'ont trop attardé; mais j'ai besoin de dire que c'est à Hardelot que le comte Robert VII a signé, le 15 juillet 1324, l'acte de fondation de la chartreuse de Neuville, confirmé, au même lieu, par son successeur Guillaume XII, le 21 juillet 1325.

Ceux qui voudront conduire jusqu'à nos jours le récit des faits qui concernent ce hameau liront avec plaisir les Documents pour servir à l'histoire du château d'Hardelot et des châteaux circonvoisins, recueillis et mis en ordre par Camille LE Roy, br. in-8, de pp. 60, imprimée à Boulogne en 1859.

La forêt d'H^rdelot, appartenant au domaine de l'Etat, est située toute entière sur la commune de Condette et contient une superficie de 635 hectares 92 ares. Elle se divise actuellement en deux séries, celle du Pont-d'Aix et celle de la Claireau. Les comptes de 1338-1340 montrent qu'on y faisait alors des coupes régulières vendues chaque année au profit des souverains de la contrée. D'après la généalogie fabuleuse des comtes de Boulogne, cette forêt paraît avoir porté autrefois le nom de Conde haut, ou Condehout, nom qui n'est pas sans rapport avec celui de la commune de Condette.

7° Les autres fermes et lieux-dits de la commune de Condette sont La Cugnie, Le Cormoran, La Hérenguerie, etc., auxquelles se joignaient autrefois la Malmaison et La Vaquerie, ensevelies sous les sables mouvants qui ont couvert une partie du territoire. Cette dernière appartenait en 1208 au domaine de NotreDame de Boulogne, sous le nom de Vacaria. Gaufrois de la Vaquerie signe une charte de Saint-Josse, vers l'an 1135. On ne peut visiter le territoire de Condette sans admirer ies vastes plantations que M. Alexandre Adam, ancien maire de (1) A 86, p. 120 de l'inventaire de M. J.-M. Richard.


Boulogne, y a faites dans les dunes, pour arrêter le mouvement des sables et pour transformer en un domaine productif les landes stériles qui menaçaient d'envahir, comme un torrent dévastateur, toute la vallée d'Audisque et du Pont.de-Briques

DANNES

La commune de Dannes, sur le bord de la mer, entre Neufchâtel et Camiers, forme l'extrême) limite 'de 'l'arrondissement de Boulogne, au sud-ouest du territoire. Sa population est de 312 habitants, son étendue, de 1,024 hectares. Elle fait partie du canton de Samer depuis le 30 octobre 1801, ayant appartenu auparavant à celui de Condette.

On a trouvé dans les marais tourbeux qui existent dans cette commune, non loin des bords de la mer, d'intéressants vestiges de la faune quaternaire, des bois de cerfs, des ossements d'aurochs etc., qui ont été déposés au musée de Boulogne. J'aurais voulu pouvoir y joindre une très belle épée gauloise en bronze, analogue à celle d'un tumulus d'Hervelinghen, mais beaucoup plus longue, qui avait été recueillie dans une sépulture celtique du même endroit par un douanier nommé Varlet, que j'ai connu à Capécure, où il demeurait dans la rue d'Austerlitz et où il est mort il y a une douzaine d'années. L'administration du Musée, dont j'étais alors le président, en a offert dix fuis la valeur sans pouvoir l'obtenir je ne sais pas ce que cet otjet peut être ;jvenu aux mains des héritiers, qui le croyaient en or et qui y attachaient un prix inabordable.

L'époque romaine a aussi laissé des souvenirs à Dannes. Le 27 août 1823 on y découvrit une sépulture d'inhumation dans un caveau maçonné de pierres de taille, avec une lagena et des


lampes d'une bonne époque (1), à 600 mètres du clocher de l'église, près du chemin de Neufchàtel à Etaples. En outre, les registres du Musée mentionnent l'entrée dans cet ét iblissement, d'assiettes en étain, de fibules et de médailles (8 mai 1835), de clefs antiques et de médailles (17 juillet 1841), et enfin d'une monnaie gauloise en or (12 décembre 1846), le tout trouvé à Dannes. M. L. Cousin ajoute que l'on connaît dans ce village l'emplacement d'un cimetière romain à l'endroit nommé les Reliques (2).

Le village de Dannes est nommé pour la première fois sous l'an 1026,. dans le cartulaire de Saint-Bertin, à propos d'un échange conclu entre Baudouin évêque de Thérouanne et Roderic abbé de Saint-Bertin. Le village en question, Villa Dalnas, se trouva, en conséquence, passer du domaine de Saint-Pertin où il se trouvait sans doute avec le bénéfice de Cqfitmere, Camiers) depuis le 5 septembre 853), dans le domaine de l'église de Thérouanne (3). Il en est encore parlé dans une charte de l'évoque Drogon, de l'an 1043; mais on ne retrouve plus par la suite son nom dans les chartes ecclésiastiques de la contrée. Wistasse de Dansnes, bourgeois d'Etaples, est mentionné dans un titre du trésor des chartes d'Artois (4), du 21 décembre 1293. Robert de Dannes (alias de Dansnes) figure dans un arrentement original manuscrit de l'an 1323.

L'église de Dannes est une construction du XVI" siècle dans un assez bel état de conservation. On y remarque cette particularité, que la basse église, ou la nef, a été voûtée en pierres blanches comme le chœur, ce qui est une exception peut-être unique dans nos églises rurales. On y a conservé les vieux saints du temps passé, notamment un Saint-Christophe en bois sculpté, qui regarde les passants au sortir de la messe, pour les garantir, ce jour-là, de mort subite, suivant les croyances du (t) Mém. de la Soc. d'agr. de B. 1824, in-4\ p. 43 et et suiv. avec planche. Voir Bertrand, Précis de l'Hi8t. de B., t. Il, p. 45. (2) Observ. sur le projet de carte itin. de la Gaule, in-8- Caen, 1868, p. 22. r^iCart. Sith., p. 175.

(1) A 38, n1 76. M. J.-M. Jtichard a imprimé par erreur Dau*nog.


moyen âge; mais ce que j'y ai vu de plus beau, c'étaient les deux compartiments d'une haute grille à jour, composés chacun de six arcades, en chêne sculpté, du XVe siècle, que j'ai trouvés placés provisoirement aux deux côtés du maître-autel. Ils doivent provenir de la clôture du chœur, établie autrefois sous le crucifix de l'arc triomphal, à l'instar de ce qu'on appelle un Roodscreen dans l'ecclésiologie anglaise.

La balustrade du sanctuaire est aussi une grille en bois, sculptée dans le style Louis XIII.

Les fonts baptismaux sont une large cuve, supportée par un fût central entouré de quatre colonnettes, ayant tous les caractères d'un monument du XII* siècle.

Cette église, sous le vocable de Saint-Martin, était une dépendanco de la Maladrerie de la Madeleine à Boulogne, dont les administrateurs, c'est-à-dire d'abord les maire et échevins de la ville, puis les membres du corps de l'Hôpital Saint-Louis, en levèrent la dîme et en exercèrent le patronage jusqu'en 1790. Deux de ses curés, Boulonnais de naissance, furent honorés du titre de doyens du district de Samer, savoir, Jacques Sénéca, installé curé de Dannes le 12 novembre 1702, commissionné le 22 septembre 1717, et son successeur dans la paroisse, FrançoisMarie Lemaire, nommé à la cure le 17 décembre 1721, commissionné par Pierre de Langle, le 1er avril 1722, révoqué comme janséniste par Jean-Marie Henriau en 1724. Les curés de Dannes, avant la Révolution française, avaient pour annexe l'église de Widehem.

Un maître d'école (en 1725 François Masset, en 1756 LouisNicolas Gourlin), enseignait indistinctement les garçons et les filles sous l'approbation des évoques de Boulogne.

La seigneurie de Dannes appartenait à la famille Régnier d'Esquincourt en 1Ï56 mais il y avait eu litige avec les seigneurs de Longvilliers.

Jean-Baptiste-Pierre Duminy et Louis-Gabriel Pattin représentèrent aux élections de 1789 la paroisse de Dannes, qui comptait alors quarante feux.

On s'est intéressé beaucoup, de nos jours, à la conservation


et à la restauration de l'église de Dannes; et je relève dans l'Almanach de Boulogne deux donations de 100 fr. qui furent faites dans ce but par la reine Marie-Amélie, en 1842 et en 1845.

DOVDE1UVILLE

L'histoire du village de Doudeauville Dudellivilla (1), se concentre à peu près uniquement dans les notes relatives à son abbaye mais les origines en sont obscures et incertaines. Quel était ce personnage, nommé Dudellus, dont la, ra7Z<z fut le noyau de l'agglomération communale de ce lieu? A quelle époque vivait-il, et quelle était sa nationalité ? Questions insolubles.

Les seigneurs de Doudeauville sont peu connus. Il y en a un, Elie de Dodeville ou de Budeamlle, qui signe comme témoin au bas de deux chartes du cartulaire de Saint-Josse-sur-Mer, en 1172 et 1173. Un autre, Bauduin de Dodeauvilla, qui se trouvait à Compiègne, au mois d'août de l'an 1201, dans la compagnie du maire de Desvres, a eu i'honneur de signer au contrat de mariage de Mahaud de Boulogne avec le fils du roi de France,Philippe Hurepel,

Ce fief était une des douze baronnies du Boulonnais, dont les possesseurs, je ne sais à quel titre, s'intitulaient premiers barons du comté. C'était en 1550-1560 Jehan d'Estrées, chevalier de l'ordre du roi, maître et capitaine d3 l'armée de France et vicomte de Soissons, dont un descendant, deux siècles après, signe une commission de bailli en faveur de Jean-Marie-Antoine Grésy, notaire royal au bourg de Samer (20 février 1764). Comment et à quelle date précise, ce domaine passa-t-il aux mains (1) Feodum de Dudellivilla (Bulle du pape innocent III, de 1199, pour l'abbaye de Samer).


d'une autre famille, c'est ce que j'ignore. Je sais seulement qu'Ambroise-Polycarpe de la Rochefoucauld, duc de Doudeauville, grand d'Espagne de première classe, institua Daniel Monsigny en qualité de procureur fiscal de cette seigneurie,par acte du 3 septembre 1787 (1).

L'église de Doudeauville, sous le vocable de Saint-Bertulphe, est un monument du XVIe siècle, où il reste une chapelle latérale voûtée en pierres blanches. La cloche, qui date de 1608, a eu pour parrain messire Hannibal d'Estrées, marquis de Cœuvres, baron de Dotideauville, vicomte de Soissons et Virzi, chevalier de l'Ordre du Roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre, lieutenant général pour Sa Majesté en l'île de France, gouverneur des ville et citadelle de Laon (2). Les curés de Doudeauville, d'abord dans le doyenné de Frencq, puis dans celui d'Alette, étaient à la présentation de l'abbé du lieu. Je remarque dans le nombre Léonard Fourdin, originaire de Licques, installé à Doudeauville le 21 mai 1706, qui fut commissionné doyen de son district le 16 août 1717 et qui en remplit les fonctions jusqu'à ce qu'il fût transféré à la cure de Menneville (19 mai 1722), où il mourut le 1er mai 1740. On raconte de lui, qu'ayant été attaqué d'une maladie incurable, pendant qu'il était à Doudeauville, il se souvint d'invoquer M. Perrochel (évêque de « Boulogne, mort en odeur de sainteté), et qu'il fut aussitôt « guéri, suivant son certificat du 12 mars 1718 (3). » Les registres de l'évêuhé de Boulogne nous font connaître le nom de Jean Osmont et de LouisLeurette, successivement maître- d'école de Doudeauville en 1715 et 1725.

Les représentants de ce village aux élections de 1789 furent Daniel Monsigny et François Eurin, pour une population de soixante-treize feux; mais le hameau de Course députa séparément, pour son propre compte, comme nous le .verrons tout à l'heure. Aujourd'hui, la commune de Doudeauville, qui (1) F. Morand, Les derniers baillis, etc., p. 29.

(2) Renseignements transmis en 1862 à la Soc. d'Agr. de B. (3) Scotté de Velinghen.


fait partie du canton de Samer depuis 1790, compte 626 habitants sur 1374 hectares de contenance territoriale.

Hameaux et lieux-dits historiques

1° Beaucorroy, hameau dont le seigneur, Maurice de Belcauroi, est cité en 1203 dans le cartulaire de Notre-Dame de Thérouanne. On appelle Caureen patois boulonnais l'arbuste qui est connu en français sous le nom de coudrier, ou noisetier; un Cauroi doit donc être un lieu planté de Caures.

2° Course, importante section de cette commune, autrefois village, ou hameau indépendant, formant une communauté civile distincte de celle du chef -lieu.

On y a trouvé des antiquités romaines.Luto nousapprend que « le 4 mars 1644, en creusant un retranchement dans ce village pour arrêter les courses des garnisons espagnoles de St-Omer et d'Aire, on découvrit un ancien sépulcre en pierre de craie, de sept pieds de long sur trois de large et quatre de haut sous voûte. Il y avoit dans cette espèce de caveau un squelette accompagné de plusieurs bouteilles de verre, de différentes formes, dont une partie étoient cassées et trois seulement dans leur entier, avec un plat de belle terre rouge, cuite, fine et bien polie, au fond duquel on lisait le mot ALBVCIANI, marque du potier qui l'avait fabriqué. L'objet le plus curieux qu'on y recueillit fut plusieurs pièces de ferrailles, rompues et pleines de rouille,lesquelles, jointes ensemble, composoient une manière de siège pliant, qui pouvoit avoir dix-huit pouces de haut et quinze de large; les jambes du siège qui se croisoient étoient couvertes de clous de cuivre, de même que ceux qui les tenoient jointes ensemble (1). D'après une note conservée dans les manuscrits de dom Grenier, ce dernier objet est désigné comme étant un fauteuille de cuivre pliant (2). » J'ai vu au musée de Douai un meuble du même genre, venant de la même époque. Le nôtre était sans doute une sella curulis, ou tout au moins une sella cas(1) Luto, Mém. mss., p. 148. Dufaitelle, Puits artésien, 1839, pp. 380381.

(2) T. cic, fol. 111. Introd. à l'hist. de Pic., p. 236.


trensis, insigne honorifique du haut personnage qui avait été inhumé dans ce tombeau (1).

Luto signale en outre dans le village de Course « un viel « bastiment qu'on assure avoir été un temple de la déesse Diane, « dans lequel se distinguent encore quelques figures antiques et « singulières et des restes d'une chasse (2) » mais tout cela a disparu avec les ruines du vieux château dont les papiers de Dom Grenier nous ont conservé le plan et les dessios (3). L'ancienne motte féodale subsiste toujours dans les dépendances de la ferme.

C'est à Course, ou comme on disait autrefois, à Cors en Boulenois, que naquit le célèbre archipirate, connu sous le nom d'Eustache le moine. Son père, qui y résidait, était un des pairs du Comté; et l'on rencontre sa signature au bas de plusieurs chartes du temps. Gaufroi de Curs, frère de Baudouin de Longfossé, vivait sous le règne du comte Matthieu (4). Lambert de Curs est cité en 1170 dans une charte de Saint-Josse, et en 1199, il est appelé Lambert de Cors, dans les chartes de Samer. Cette variation dans la manière d'écrire le nom de cette localité a donné lieu à Lambert d'Ardres d'en chercher l'équivalent dans les mots latins Cursus, ou Cohors, ce qui dénote chez lui une singulière aberration du sens étymologique (5).

Course, sous le nom de Curs, a été autrefois une paroisse,distincte de celle de Doudeauville et de celle de Courset; car dans la répartition que les chanoines de Thérouanne ont faite en 1252 des patronages appartenant à leur église, nous trouvons l'autel de Course {altare de Curs), classé comme apanage de la trentequatrième prébende, avec ceux d'Isque et de Zermezeele,tandis que déjà l'autel de Courset, appelé aussi altare de Curs, appartenait à l'abbaye de Notre-Dame de Boulogne dont il n'a jamais été détaché.

(1) Voir le Dict. des Antiq. rom. d'Anthony Rich., verbo Sella. (2) Mém. Mss., p. 149. Dufaitelle, loc. cit.

(3) Vol. cité, fol. 109, 110.

(4) Duchesne, pr. de Guines, p. 97.

(5) Cap. cliv.


La communauté civile de Course, qui comptait trente feux en 1789, députa à l'Assemblée électorale de Boulogne deux représentants, qui furent Pierre Soudourel et Jean Grignon. 3° Crendalle, hameau, dont une ancienne famille boulonnaise a porté le nom. On yremarque une motte, probablement féodale, du pied de laquelle on a plusieurs fois arraché des pierres enduites de mortier. Le propriétaire y avait un jour commencé des fouilles qu'une terreur superstitieuse lui a fait, paraît-il, abandonner (1).

4o Plusieurs fermes, le Bois-Julien, Campagne, le Catelet, la Darrée, la Hunière, la Merdinchon, la Marcq ou Elmarcq, etc. ABBAYE DE DOUDEAUV1LLE. On ne sait rien de précis sur les origines de cet établissement religieux. Quelques-uns veulent en rattacher la fondation à Duda, ou Doda, mère de S. Wulmer de Samer, laquelle aurait eu une fille nommée Doctella, qui aurait établi ce monastère dans un pli de la montagne, à l'instar de ce que son frère faisait dans la plaine; mais ce sont-là de pures conjectures, qui ont uniquement pour base un vain rapprochement étymologique. D'autres pensent que l'abbaye de Doudeauville a été fondée vers l'an 1099 par les seigneurs du lieu, et c'est l'opinion la plus commune. Elle était sous l'invocation de Saint-Jean FEvangéliste. On n'en connaît aucun abbé, qui soit antérieur à l'époque de son affiliation à l'abbaye d'Arrouaise, c'est-à-dire, suivant Dom Gosse, aux environs de l'an 1142. La série de ces dignitaires ne nous est parvenue que très imparfaitement, et voici les seuls noms que j'aie pu recueillir après beaucoup de recherches (2).

1° Dom Gosse cite d'abord Anschelin, inscrit dans le nécrologe d'Arrouaise au 7 juillet.

2° Cinq autres étaient mentionnés sans date dans le nécrologe de Beaulieu. C'étaient Frameri, Anselme, Jean, Erardet Etienne. On connaît mieux quelques-uns de leurs successeurs (1) Renseignements transmis à la Soc. d'Agr. de B., le 21 juillet 1860, par- M. Levollant, maire de rmiideauville.

(2) Gall. christ., t. X, pp. 1610 et 1611. Gosse, Hist. d'Arrouaise, p. 364.


Ernulphe, qui souscrit en 1162 à l'acte par lequel l'évèque Milon II concède l'autel de Rebreuves à l'abbaye d'Arrouaise. 4° Pierre, anglais de nation, signe en 1189 la confirmation d'une vente faite à la même abbaye. Appelé à gouverner le monastère de Saint-Jean-de-Valenciennes en 1197, il devint ensuite, en 1201, abbé de Marœuil.

Je ne saurais dire quel a été l'abbé de Doudeauville (abbate de Doudeawile) qui assista dans la ville de Boulogne, vers l'an 1171, à un acte de l'évèque Didier de Thérouanne en faveur de l'abbaye d'Andres (1) ni quel fut le successeur de l'abbé Pierre. Tout ce que l'on sait, d'après Dom Gosse, c'est que l'abbaye était vacante en 1207, lorsque les prieur et religieux de cette maison passèrent une obligation en faveur de Robert, abbé d'Arrouaise, pour une somme de 100 livres parisis qu'il leur avait prêtée.

6° Simon, abbé de Dodellivilla, est cité en 1245 dans une charte de Thérouanne. On le retrouve an mois de janvier 1255 chargé d'une lettre et d'une commission verbale des religieux de N. D. de Boulogne auprès d'Alphonse de France, comte de Poitiers (2).

Le 6 septembre 1270, frère Arnold, vice prieur de S. Jean de Dodellivilla, écrit à l'abbé d'Arrouaise pour accréditer frère Raoul de Divcrnia (3) ou de Desvres, chanoine de cette maison à l'effet d'inviter l'abbé général de l'ordre à leur élection (4). Sous le règne de l'abbé Simon, la comtesse Mahaud de Boulogne fonda dans l'abbaye de Doudelvila une chapellenie qu'elle dota de 96 rasières d'avoine à prendre sur la dîme de Hove (Offekerque), à charge de prières pour elle, sa tille Jeanne, son père, sa mère et Gervais, son chapelain, 29 mars 1255 (5).

« Hues, par le souffranche de Diu abbés de l'églize de Saint(l)Chron. And., p. 820.

(2) Teulet, layettes du Trésor des chartes, t. III, n- 4136, p. 225. (3) Je rétablis le nom estropié par Dom Gosse, qui a écrit Dumnia. (4) Cet acte est imprimé intégralement dans les pièces justif, sous le n' xxix, p. 459.

(5;Ch. d'Art., A 13, n' 6.


Jehan de Doudieloile déclare envoyer Pierron de Hierli et seegneur Oudart, cartonnes de no églize, en qualité de procureurs auprès du comte d'Artois, 19 décembre 1296 (1).

8° Jean Fausart, dit Boucher, abbé de Doudeauville, fut inhumé le 8 septembre 1421, et à cette occasion les religieux convoquèrent l'abbé d'Arrouaise à leur élection (2).

9° Gilbert de la Fayette était abbé de Doudeauville en 1560, d'après M. E. de Rosny (3); mais je trouve ailleurs qu'à cette date Jehan Fourcroy était établi commissaire, « soubz lamain du Roy, » au régime et gouvernement de cette abbaye, « icelle vacante (4). Elle avait été brûlée par les Anglais en 1543 (5).

10o Godefroi Hardi, élève du Val-des-Ecoliers, conseiller et aumônier du roi, était abbé de Doudeauville en 1593. 11° Wàlerand Brenel, s'occupa de la restauration de l'église paroissiale en 1(115, mort en 1636.

12° François d'Estrées, clerc du diocèse de Paris, nommé par le roi le 5 juin 1636.

13° Claude Guillet, abbé en 1661 (6).

14° Etienne Dausse, 1673-1716 (7), à qui succède sans interruption

15° Jules-Augustin Nadal, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, secrétaire du duc d'Aumont, homme de talent, auteur de plusieurs travaux estimés, mort à Poitiers, le 7 août 1740.

16° Jean-Baptiste Fourdinier de Remortier, nommé sur la résignation du précédent, bullé à Rome, le 24 juillet 1730, mort trésorier du chapitre de Boulogne, le 7 décembre 1775, après (ljlbid., A 38, n-69.

(2) Gosse, p. 237.

(3) Etat ancien du BouL, p. 185.

(4) Procès-verbal des Etats, 25 octobre 1560 et 6 mars 1561. (5) Bulletin de la Soc. des Ant. de la Mor., t. II, p. 124.

(6) Etat ancien du Boul., p. 185.

(7) Le Gallia christiana introduit ici uu nouveau personnage, Juste Bergerat, nommé en 1682, puis de nouveau N. Dance 1698.


avoir laissé des legs testamentaires à l'hospice de Boulogne pour l'instruction de jeunes étudiants dénués de fortune. 17° Jean-Antoine d'Uzez de Lansac, aumônier de Madame Victoire et prêtre du diocèse de Bazas,. nommé par brevet du 27 décembre 1775, bullé le 31 janvier 1776, se démit en 1789.

18o Louis-Juennius Desgrigny, prêtre et vicaire général du diocèse de Bordeaux, demeurant ordinairement à Paris, nommé par brevet du 11 janvier 1789, bullé le 3 février suivant, prit possession par procureur le 9 mars, dans le jardin de la ferme, où apparaissent, dit l'acte, quelques vestiges d'antiquités (1). Ce fut le dernier abbé de Doudeauville, dont les revenus, mis en commende depuis le XVI" siècle, s'élevaient à peine à deux mille livres. Il avait le patronage de la paroisse, avec différentes portions de dîmes à Alettes, Bourthes, Camiers, Courset, Doudeauville, Lottinghen, à Parenty, au Verval et à Zoteux. Cette dernière p'aroisse, à ce que l'on prétend, était autrefois desservie directement par l'abbaye.

Les abbés de Doudeauville payaient un chapelain, chargé de résider et d'acquitter les fondations dans l'église de la paroisse.

nALl\GHE\.

L'histoire d'Halinghen n'est plus à faire, depuis que M. l'abbé François Lefebvre, son curé, a publié sa Notice historique et archéologique sur ce village (in-8° de pp. 184, Boulogne, 1875, chez Camille Le Roy). Mon rôle ici se borne à en donner une brève et sèche analyse.

(1) Ai-je besoin de noter comme uue fàble, je veux dire comme une fausse attribulion, la prétendue découverte qu'on y aurait faite en 1680 de monnaies d'or marquées do trois tourteaux, armes des comtes de Boulogne, avec la date de 769 (sic) ? 1


Halinghen (420 habitants, 553 hectares) appartient au HautBoulonnais. Il faisait autrefois partie du bailliage d'Etaples, et depuis 1790 il est entré dans le canton de Samer.

On y a trouvé des haches, des flèches, des coins et des couteaux en silex taillé, qui, avec les marges ou mardelles du HautPichot, témoignent de la station prolongée que les Celtes des temps préhistoriques ont faite sur ce territoire. Ces mardelles sont des cavités circulaires en cône tronqué, creusées de main d'homme et à ciel ouvert, qu'on regarde comme ayant formé la base des cabanes où se retirait la population, à cette époque reculée. J'en ai signalé de semblables au sommet du Mont-deCouple.

Il n'est pas un archéologue qui ne connaisse Halinghen comme station romaine, grâce à son autel de Jupiter, dont on avait fait une cuve baptismale. C'est un bloc de pierre, de forme cubique, creusé à sa surface, et portant une inscription d'après laquelle, probablement au premier siècle de notre ère, les habitants du village de Dolucum, ou Dolucus (VICVS DOLVCENSIS) ont dédié l'autel qui le surmontait aux Dieux de leur Patrie (Diis patriis) suivant la conjecture de M. Ernest Desjardins (1), et au Dieu Jupiter (ET DEO IOVI), avec la coopération du curateur Vitalis Priscus (cvra vitalis prisc). Il n'y a nulle part un plus ancien monument de l'art romain subsistant dans nos contrées (2).

Malgré ces lointaines origines, attestées par l'incorruptible témoignage des monuments, le nom d'Halinghen n'apparaît dans l'histoire qu'en l'année 1134, à propos de son autel (altare de Havelingueham) dont la possession fut confirmée cette annéelà aux moines de Saint-Josse-sur-Mer. Nous ne savons point à (1) Géog. hisi. et admin. de la Gaule romaine, 1876, p. 370. Dom Grenier, introd. à l'hist. de Pic.. p. 230; Henry, Essai hist., p. 240; L. de Givenchy, Notice, p. 1^1- (Mém. des Ant. de la Mor., t. \\j; On remarquera que M, Desjardius, comme Dom Grenier, a lu ET DEO et non EIDEO, en supposant que la première ligne n'existe plus.

(2) Je tiens à honneur de constater ici que l'ancienne administration du Musée de Buuiugue, sur ma proposition, a pu acquérir cette pièce incomparable, moyennant la bagatelle de 310 fr., versés dans le trésor de la fabrique d'Halinghen,avec l'autorisation épiscopale.


qui ces religieux furent redevables de cette donation; mais peut-être y avait-il longtemps qu'ils en jouissaient. M. l'abbé Lefebvre, en arrachant les fondements de l'ancienne église, y a trouvé de vieilles murailles très-épaisses, formées de silex noyés dans un ciment rose rempli de débris de coquillages et d'une dureté très grande, genre de maçonnerie qui ne dépassa guère dans nos contrées la période de l'occupation romaine. Près de là étaient trois caveaux, assez grossièrement travaillés, renfermant des squelettes couchés sur la face.

L'abbaye de Samer, dans ce même XII" siècle, avait à Eoelinghehem, c'est-à-dire, selon moi, à Halinghen, quelque propriété, dont la bulle du 5 avril 1199 fait connaître l'existence, sans en indiquer la nature (1). Tout ce* qu'il est possible de savoir à cet égard, c'est que cette antique abbaye possédait encore, au XVIiIe siècle, une portion de dîme dans cette paroisse, dont le patronage lui était échu, au lieu et place de l'abbaye de Saint-Josse (2). On ignore l'époque de cette substitution, qui doit être postérieure à l'an 1458; car, pour cette date, nous lisons dans les comptes de la seigneurie de Tingry que Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, recevait encore des religieux, abbé et couvent de Saint-Josse-sur-Mer, pour « leur terre de Hahnguehen, ung marcq d'argent au pois, estimé ̃ 6 livres 8 sous. »

La cure d'Halinghen était, dans les trois derniers siècles, annexée à celle de Frencq qui jouissait de la plus grande partie de la dîme du village proprement dit; mais l'église était réduite à l'état de masure informe, sans aucun caractère d'architecture. Aussi, de nos jours, fallut-il se décider à la reconstruire, ce qui fut l'oeuvre de son zélé curé, M. l'abbé Lefebvre, avec le généreux concours de ses paroissiens et de plusieurs nobles bienfai teurs. Le nouvel édifice, construit en briques et pierres dans le style du XIIIe siècle, sur les plans de M. Bouloch, mesure 28 mètres de longueur sur 7 mètres 60 centimètres de largeur et (1) Quelques chartes de l'abb. de Samer, Mém. Soc. Acad.. XII, p. 212. (Z) Rapport adressé à l'évèque de Boulogne, en 1756.


8 mètres 50 centimètres de hauteur. La première pierre en a été posée par M. Lecomte, grand doyen de Boulogne, le 5 août 1858; et moins de quinze mois après, le 27 octobre 1861, Mgr Haffreingue bénissait provisoirement ce sanctuaire que Mgr Lequette a solennellement consacré le 15 mai 1868. La construction de la nouvelle église d'Halinghen a coûté une somme de 29,820 francs.

Les seigneurs de cette localité n'ont pas laissé leur nom dans les chartes du moyen âge mais l'un d'eux, au XVIIP siècle, s'est acquis un grand renom dans l'histoire du Boulonnais. Je veux parler de Charles-François Dauphin, seigneur d'Halinghen, né à Etaples le 22 août 1702, mort à Boulogne le 10 août 1769 et inhumé dans l'église de l'Oratoire. C'est le plus grand magistrat qui se soit jamaIs assis sur le siège de président lien tenant-général en la sénéchaussée de Boulogne; et c'est aussi le plus violent adversaire que la municipalité de cette ville ait rencontré pour tout ce qui concernait la jouissance et le maintien de son indépendance vis-à-vis du pouvoir central. Son fils, Charles-Antoine, lui succéda en ses titres et fonctions, mais ne l'égala point en savoir ni en illustration.

D'après le rapport adressé à l'évêque de Boulogne en 1756 sur l'état de la paroisse d'Halinghen, nous voyons qu'il y avait alors dans ce village une école, dont le maître s'appelait Charles Prevost. Son traitement consistait en deux septiers et demi de blé, avec une somme de quarante livres en argent.

Les représentants d'Halinghen aux élections de 1789 furent Pierre Anquier et Jacques Provost.

Hameaux et lieux-dits historiques

lo Landacque, ou Landacre.

2° Haut-Piehot, hameau considérable, situé sur un des plateaux les plus élevés de la chaîne boulonnaise, passe dans la tradition du pays pour avoir été une ville, du temps des Romains. On y montre des levées de terre et des mottes, qui peuvent être les traces de quelque ancien campement, peut-être même d'un oppidum celtique. Les vestiges del'occupation romaine se rencontrent fréquemment dans ies champs qui avoisineut Haut-Pichot


et Halinghen. On y a même trouvé, vers 1855, en creusant un trou pour l'exploitation de la marne,un tombeau formédepierres brutes, renfermant avec des cendres et des ossements humains un grand vase en bronze, de forme basse, avec anses, d'autres vases, des soucoupes en terre et des lacrymatoires en -erre d'un gracieux travail. Cette découverte était due au hasard; mais M. l'abbé Lefebvre y a fait en 1859, de concert avec M. MaillardGéneau, une fouille régulière qui a mis au jour différents autres objets dont le détail est donné dans la notice citée (1). II est parlé de ce hameau, sous le nom de Haut-Pisot, dans une charte du comte Robert d'Artois, relative aux acquêts de l'abbaye de Longvilliers en 1294 (2).

Niembourg, hameau dont je n'ai trouvé nulle part le nom ancien, a possédé autrefois, si l'on en croit la tradition, une annexe, peut-être une Converserie des religieux Cisterciens de Longvilliers. C'était encore, au XVIIIe siècle, une seigneurie dont la pleine propriété appartenait à cette abbaye. Dans la déclaration des biens et des revenus de sa mense abbatiale, présentée à la chambre ecclésiastique de Boulogne en 1729 par Antoine-François de Montlezun de Busca, abbé de Longvilliers, figure en première ligne la ferme de Niembourt, contenant 240 mesures de terres labourables et quarante mesures de pâtures, affermée à Pierre Lelœu, pour la somme de 1,800 livres, puis le moulin à vent de Niembourt, affermé à Jean Louchet pour 450 livres, enfin des rentes et censives, assises à Niembourt et Hopichot,produisant une somme de 994 livres, ce qui faisait en tout un revenu de 3,244 livres, équivalant aujourd'hui à plus de douze mille francs (3). Outre ces droits seigneuriaux et temporels, l'abbaye de Longvilliers jouissait de la juridiction paroissiale dans ces deux hameaux. Le curé de Frencq y donnait les soins de son ministère pastoral, mais seulement à titre de desservant, ou de délégué du seigneur abbé; et, en signe de (1) Pp. 21, 22.

(2) Ch. d'Art., reg. A 2, fol. 29.

(3) Bulletin de la Soc. Acad., t. Il, pp. 413, 414, 418.


sujétion, les paroissiens de ce lieu étaient tenus d'aller tous les quatre ou cinq ans accomplir leur devoir pascal dans l'église abbatiale de Longvilliers. Cet état de choses ne prit fin que le 4 avril 1764, en vertu d'une ordonnance épiscopale qui prononça l'annexion de ces deux hameaux à la paroisse d'Halinghen, après avoir brisé, à la suite d'un arrêt du conseil d'Etat, les liens qui les avaient unis jusque.là au monastère des Cisterciens.

Au civil, les deux hameaux de Niembourg et Haut-Pichot, formaient une communauté indépendante, qni comptait en 1789, un effectif de trente feux (autant qu'Halinghen même), et qui députa séparément à l'assemblée électorale de Boulogne, où elle fut représentée par Augustin Martel et Antoine Leleu. C'est à Niembourg que naquit le 6 mai 1753 Jacques-Madeleine Bertout, d'abord missionnaire au Sénégal, puis restaurateur du séminaire du Saint Esprit, mort à Paris le 10 décembre 1833.

HENDIGI%EUL.

Entre les communes de Carly et de Condette, sur le cours tranquille et paresseux de la Liane qui s'attarde au milieu de vastes prairies, le village d'Hesdigneul s'asseoit gaiment au soleil, pour recevoir les trains de chemins de fer qui, à chaque heure du jour, s'élancent vers Paris, vers Boulogne ou vers Saint-Omer, après avoir séjourné quelques minutes dans sa gare hospitalière. On y comptait, en 1876, 245 habitants sur 336 hectares de territoire.

Le nom d'Hesdigneul, Hesdinol ou I-Iesdinoloe, paraît un diminutif de celui d'IIesdin-Labbé, son voisin. C'était, dans l'ancienne organisation du pays, une des douze baronnies du comté de Boulogne. Un Hp ses seigneurs, le plus ancien que l'on connaisse, Guillaume d'Hesdigneul (Wilhelrnus de Hcsdinulis), était


à la cour du comte Eustache III, lorsque ce pieux serviteur de Dieu publia son dernier acte en faveur du prieuré de Rumilly en 1125 (1). Eustache d'Hesdinol est cité dans une charte de l'évêque Didier, du cartulaire de Thérouanne, en 1175. Enfin, Arnoul d'Hesdingnol comparait comme témoin dans la rédaction de plusieurs titres relatifs à des donations que l'abbaye d'Andres reçut des seigneurs de Fiennes, en 1196, 1203 et 1207 (2). On l'y trouve dans la compagnie de Jean de Tingry, ce qui semble faire supposer que la baronnie d'Hesdigneul a suivi le sort de cette châtellenie célèbre, et qu'elle s'est fondue avec elle dans le vaste domaine de seigneurs de Fiennes. Quoi qu'il en soit, on retrouve constamment plus tard la baronnie d'Hesdigneul incorporée à la terre de Tingry, notamment en 1458 où les habitants paient de nombreuses redevances, principalement des fourches à foin, à Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, et en 1492, où cette terre est relevée conjointement avec celle de Tingry. Lors de la révision des coutumes du boulonnais en 1550, la seigneurie d'Hesdigneul était indivise entre le duc de Vendosmoys et le comte deBrienne. Ce dernier, qui était possesseur des domaines de Tingry et Hucqueliers, fut représenté à cette époque, aussi bien qu'aux élections de 1560, par Anthoine Le Voilant, son bailli.

Plusieurs autres personnages ont porté le nom de ce fief comme surnom de famille je ne veux citer parmi eux que Jehans de Ilesdingnuel, engagé au service du comte d'Artois en 1297 dans la septième connétablie des gens de pied (3). L'église de cette paroisse était annexée comme secours à celle de Condette, sous le vocable de Saint Elqi. Je ne lui connais aucune célébrité dans l'histoire; mais elle avait conservé jusqu'en ces dernières années quelques vestiges d'architecture romane, qui ont disparu lors d'une restauration qu'on lui a i^it subir. J'en ai vu un chapiteau de colonnette, qui était bien au(1) Martene, Thesaurus, t. I, col. 364.

(2) Chron. Andr., pp. 826, 832, 833, 835.

(3jCh. d'Art., reg. A 143.


thentiquement du XIle siècle. L'abbaye de Longvilliers, qui y dimait pour un tiers à l'encontre du curé, tirait 80 livres, en 1729, de cette branche de revenu.

Il n'y avait pas de clerc d'école à Hesdigneul en 1725 ni en 1756 les enfants de ce village fréquentaient l'école paroissiale de Condette.

Le village d'Hesdigneul faisait partie du bailliage de Bellefontaine ou du Choquel, et il entra en 1790 dans la composition du canton de Condette.

Ses représentants aux élections de 1789 furent Louis de Bove et Jean Bally, pour une population de trente-trois feux. Hameaux ou fermes Montaigu, Le Pont d'Aix, Le Quesnoy, etc.

IIE§DI\LABU£

Hesdin-l'Abbé (Hisdinium Abbatis) ainsi nommé pour le distinguer de la ville d'Hesdin et du village d'Hesdres, est une commune de 554 habitants et de 739 hectares de superficie, située sur la rive droite de la Liane, entre Carly et Isques. Elle ressortissait au bailliage de Boulogne, et elle a fait partie du canton deCondette, de 1790 à 1801.

Ses origines sont lointaines, si l'on en juge par les trouvailles qu'on y a faites, à ma connaissance, d'une monnaie gauloise en or et de plusieurs médailles romaines.

Pour ce qui est de la monnaie gauloise, je n'en puis rien dire, parce que je n'ai pas tenu note de sa signification mais, quant aux médailles romaines,je sais que c'étaient deux aureus,l'un de Tibère, trouvé en 1840, avec la légende TI. CAESAR. DIVI. AVG. F. AVG., au revers de Minerve assise, l'autre de Domitien, trouvé en 184o, avec la légende COS. VI. portant au revers deux mains enlacées avec l'inscription PRINCEPS. IVVENTV-


TIS(l), Ces deux monuments de l'antiquité ont été recueillis par M. l'abbé Noël, alors curé d'Hesdin-l'Abbé, qui a laissé une nombreuse collection de numismatique, formée principalement de pièces trouvées dans le Boulonnais.

Dom Grenisr, dans son Introduction à l'histoire de Picardie (p. 177) signale l'existence d'une tombelle celtique à Hesdinl'Abbé, située, dit-il, vis-à-vis Isques; mais si ce n'est pas celle dite de la Croix-Noire, détruite en 1856 ou 1857, je ne sais de quoi il peut être question dans l'indication transmise par le savant bénédictin. Celle que je veux dire était située à proximité du chemin, d'apparence fort ancienne, qui conduit de Baindhun à Carly par le Marais et le Mont-Pourri. Elle était de forme ovale mesurant 5 mètres de long sur 3 mètres de large. La première mention que je trouve d'Hesdin-l'Abbé dans l'histoire, est de l'an 1112, à propos de sa. villa qui était dans le domaine de l'abbaye de Samer. Son autel y était aussi, au moins dès l'an 1173; et l'abbaye le possédait encore en 1790, avec la dîme dont les chartes ne parlent point.

Les hommes d'Hesdin-l'Abbé,dépendant del'abbaye de Samer, ont été confirmés en 1211 par le pape Innocent III, dans le droit qu'ils avaient, d'après la coutume, de cueillir le bois mort et le bois vif, pour leur chauffage, dans la forêt de cette villa. L'église d'Hesdin l'Abbé, qui était une cure dans le doyenné de Boulogne, fut incorporée par la suite au doyenné de Samer, de récente création. Elle était sous le vocable deSaint-Wulmer, et fut mise à la fin du XVIIe siècle sous le titre de Saint Léger, à cause de la foire de Samer qui, tombant le 20 juillet,empêchait de célébrer convenablement la fête de l'ancien patron. Plusieurs îois restaurée, notamment en 1851, elle ne présente plus aucun caractère d'ancienne architecture. Parmi les nombreux curés qui la desservirent depuis la destruction de l'évéché deTLiirouanne, il convient de citer maître Robert Desannois, natif de Boulogne, nommé à cette cure le 15 janvier 1752, commissionné doyen de son district en 1761 ou 1762, et remplacé en cette qua(1) Rappori adressé à la Soc. d'Agr. de B., en 1862, par M. Dufour.mairç d'Hesdin-l'Abbé.


lité quelque temps avant la Révolution. La cloche d'Hesdin-l'Abbé date de l'an 1700, et l'on peut voir, à l'entrée de l'église, parmi les matériaux utilisés pour la construction du perron,une pierre tombale historiée, qui remonte à l'an 1611.

Jean Haigneré était clerc d'école à Hesdin-l'Abbé, de 1712 à 1725, et Adrien Dumont, de 1750 à 1756.

Les paroissiens d'Hesdin-l'Abbé députèrent à Passembléeélectorale de Boulogne, en 1789, un nommé Cauchois et LouisMarie de Guînes, pour une population de soixante-dix feux. Hameaux et lieux-dits historiques

Brucquedalle, hameau et seigneurie, appelé Blokendale, en 1208 dans une charte de N.-D. de Boulogne, et Brokeldale en 1210 dans une charte de Samer.Ce mot paraît signifier la Vallée marécageuse. Il s'y trouve aujourd'hui un château qui a été bâti sous Louis XIV et dont les jardins passent pour avoir été dessinés par Le Notre. C'est la propriété de M. Grandsire. 2° Landacre, propriété ou villa de l'abbaye de Samer, mentionnée en 1193.

Le Manoir, ancien château des seigneurs d'Isques, établi sur les bords de la Liane, et maintenu en état de défense au moyen de huit tourelles dont il ne subsiste plus que quatre. Des fossés pleins d'eau et une enceinte extérieure de murailles, dont on aperçoit encore la trace complétaient ces fortifications, faites du temps des Anglais. La date de 1668, inscrite sur la façade annonce une restauration antérieure à la paix de Nimègue, lorsque les pillards espagnols venaient fourrager jusqu'aux portes mêmes de Boulogne. Il y avait au château du Manoir une chapelle, qui était le siège d'un bénéfice ecclésiastique,fondé d'abord pour l'église d'Isques par disposition testamentaire de François, vicomte d'Isques, érigé par ordonnance épiscopale du 20 février 1688, puis transféré dans la chapelle Castrale du Manoir le 17 octobre 1695. Cette chapellenie était sous le vocable de SaintJean-Baptiste, et donnait à celui qui en était titulaire un revenu de 120 livres. Le dernier chapelain du Manoir a été André-Marie Dereuder, curé doyen de Colembcrt, décédé à Nordausque le 29 mai 1822.


Larronville, hameau presque enclavé dans la forêt (Latronum villa), déjà existant au XV" siècle, où Jehan de Larronville est mentionné dans le Matreloge d'Outreau.

5° Le Mont-de-Tune, hameau, sur le bord le la forêt de Boulogne, à l'entrée du chemin dit de la Villeneuve. dont il a été parlé dans l'article Baincthun, au tome II de cet ouvrage. Il existe au Mont-de-Tune des restes d'anciens retranchements que plusieurs antiquaires anglais, particulièrementM. le major Robert Luard, m'ont signalés comme présentant le caractère d'un oppidum celtique. Le nom de ce lieu concourt, du reste, à l'idée d'y voir une enceinte militaire car c'est la signification du mot Tun ou Tune, maintenant Town, dans la la.ngue anglo-saxonne. On m'a dit qu'on y trouve des silex taillés; mais je n'en ai pas vu.

Morlinghen, hameau, anciennement nommé Moringehem (1210) dans une charte de Samer.

7° Le Rieu ou le Rieux, château appartenant aux Du Blaisel, dont plusieurs membres en ont porté le nom.

8° Tinghen, hameau, dont le nom se trouve plusieurs fois dans les chartes de Samer, sous la forme Rctingehem ou Retinghem, de 1141 à 1210. C'était une des anciennes villas de l'abbaye. 9° La Commune Brûlée, la Communette, la Fontaine du Bousa, le Marais, le Mont-aux-Bancs, le Mont-Pourri, la Rue noire, le Vert-Gin.iau, etc.

10° C'est dans le château d'Hesdin-T\bbé, construit à la fin du dernier siècle, et appartenant aujourd'hui à M. Dufour, membre du Conseil général, qu'a été décidée le 3 fructidor an VIII (21 août 1805) par l'empereur Napoléon 1er l'abandon de l'expédition d'Angleterre, la levée du camp de Boulogne et l'immortelle campagne qui se termina par la bataille d'Austerlitz. Le château d'Hesdin-l'Abbé était alors la résidence du maréchal Berthier, major général de la Grande Armée.


ISQUES.

En sortant d'Hesdin-Labbé pour descendre le cours de la Liane, on arrive au village d'Isques, assis comme le précédent sur la rive droite de cette rivière, avec 251 habitants snr un territoire de 698 hectares. Il était autrefois du bailliage de Boulogne, entra dans le canton de Condette en 1790 et fut réuni à celui de Samer en 1801.

L'ancien nom de cette commune est Iseca, en roman Iseke, dont l'e, absolument muet, rendait la prononciation équivalente à celle d'aujourd'hui. On a eu tort de lui donner dans l'orthographe moderne la forme d'un nom pluriel.

Je ne vois pas d'analogie réelle entre le nom d'Iseca ou "Isca, et celui d'Itius ou Ictus, avec lequel plusieurs ont cherché à l'identifier. Pourtant, l'attribution est sérieuse, et elle a séduit des esprits d'une haute valeur, mais plutôt par des considérations topographiques, je pense, que par des raisonnements étymologiques (1).

On lit dans l'Introduction à l'histoire de Picardie de Dom Grenier que, suivant lui, « la rade de l'ancien port de Boulogne « s'étendait plus avant qu'aujourd'hui dans la vallée où coule la « Lianne. C'était, dit-il, dans cette rade vaste et spacieuse, au« jourd'hui comblée par les sables, que les vaisseaux se trou« vaient à l'abri des vents par la hauteur des montagnes et des dunes qui couvrent la péninsule d'Outreau ampla et tecta statio navium. Ce port avait près d'une lieue en longueur, suivant la critique des annales de Calais composée par M. Ber« nard (2), laquelle nous a été communiquée par M. Pigault, < receveur des traites à Calais, et s'étendait jusqu'àlsque, village (1) C'est une opinion trèsboulonnaise, qui a été professée jadis par Dom Ducrocq, par le P. Bertrand (de l'Oratoire), par M. Scourion, etc.Henry en parle dans les pages 18 et 19 de son Essai Historique. pour la contredire au moyen de raisonnements qui n'ont point d'autorité.

(2) Les éditeurs, ou le copiste, ont fait ici une confusion. Ce sont les Annales, et non la critique, que Bernard a composées.


« entre la Lianne et le grand chemin de Boulogne à Samer « c'était là que s'arrêtait la grande marée. On voit, en effet, par « d'anciens aveux du fief d'Audisque,queleposesseuravait droit «de vicomté sur les barques qui entraient au hable d'Isque on « nous a assuré qu'on avait trouvé des restes d'un bassin dans c ce lieu; mais quelque étendue que l'on donne à ce port sous t les empereurs romains, il est certain que la mer se portait « bien plus loin avant la rupture de l'Isthme (p. 58). » Mariette a dit, de son côté, dans sa Lettre à M. Bouitlet{ § V): «Un petit village, assis agréablement sur la Liane, à quelques « pas de Boulogne et de l'embouchure de cette rivière, annonce • des prétentions à porter encore le nom de l'Icius de César t c'est le village d'Isques, nom moderne qui paraît être un dé« rivé assez naturel du substantif latin. Interrogez les habitants « de ce village, et ils vous diront que la tradition du passage de César est encore vivante parmi eux; que la mer montait « autrefois jusqu'à Isques, comme elle y monterait encore sans « les moulins à eau du Pont-de-Briques et le Pont-de-1'Eclnse « de Boulogne, et que le lit de la Liane, bien plus large et plus profond qu'aujourd'hui, formait un port d'un abord facile et « d'autant plus sûr qu'il était protégé du vent par les côteaux « voisins. Voilà ce que vous dira la tradition conservée à Isques. »

Et enfin, M. Ernest Desjardins, dans le savant ouvrage qu'il a composé sur les antiquités romaines de la Gaule, n'a pas dédaigné de consacrer cette opinion par l'autorité de sa haute expérience et de son profond savoir.

« Il est indubitable, dit-il, que la Liane avait autrefois une « largeur et une profondeur triples. et que les navires pou« vaient la remonter sans difficulté jusqu'à Isques Le Por« tus Itius proprement dit n'était pas Gesoriacum, mais il devait « être plus avant dans la Liane et dans les mêmes conditions « de sécurité et de commodité qui ont été constamment requises « par les Gaulois et même par les Romains pour l'établissement « de leurs ports, à l'abri des vents et des coups de mer et à « portée des bois et des matériaux. Tels nous apparaissent sans


exception les ports Océaniens, Bordeaux très avant dans la « Garonne, Nantes, etc. Le Portus Itius dont Isques rappelle le « nom et marque la limite extrême dans la Liane, dut s'étendre « singulièrement vers l'embouchure par l'établissement de ces « vastes chantiers qui, en moins de six mois, permirent de « mettre à flot six-cents navires, ajoutés aux deux cents qui se « trouvaient déjà dans les ports. Il dut, en raison même de ce fait, s'allonger jusqu'à la ville gauloise de Gesoriacum. Nous ne connaissons pas, sur toute la côte un autre lieu que « l'estuaire et le cours inférieur de la Liane, représentant alors «un bassin abrité de huit kilomètres de long sur cinq cents «de large, qui eut pu offrir l'emplacement nécessaire à la « construction simultanée de six cents navires (1). » D'après M. Wauters, le nom d'/sca, qui est celui d'un village du Brabant, connu aujourd'hui sous la dénomination flamande d'Yssche, ou Overyssche, en français Isque, serait un nom d'origine celtique, dont il y a deux analogues en Angleterre, Isca Silurum (Carleon) et Isea Dunmoniorum (Exeter) mais on n'est pas d'accord sur la signification qu'il convient de lui donner (2). L'Isea 'Belge se retrouve fréquemment dans les chartes du moyen âge, où l'on voit, par exemple, Francon d'Isea et ses frères Godefroi et Amalric signer un privilège de Godefroi le Barbu, duc de Lorraine, pour l'abbaye de Bigaerden en 1133(3). Il faut sa garder de confondre ces personnages avec les seigneurs d'Isques en Boulonnais.

La première mention historique qui existe de cette localité concerne son église, laquelle, sous le nom d'Isecca, fut donnée par l'évèque Drogon au chapitre de la cathédrale de Thérouanne en 1069.Elle ne sortit jamais de ce patronage,dont les chanoines de Boulogne jouissaient encore en 1790, lorsqu'ils présentèrent à Mgr Asseline le chapelain de l'Hôpital, Jean-Pierre Framery, originaire de Desvres, pour remplir la cure d'Isques, où la Ré(1) Ern. Desjardins, Géog. hist. et adm. de la Gaule romaine, pp. 383, 384.

(2) Chotin, Etudes étym., Brabant, pp. 176,177.

3) Mir. I, pp. 99, 117 II, 1191, etc.

Boulogne m 22


volution le trouva fidèle aux instructions de son évêque. Plus tard, la cure d'Isques ayant été supprimée, J.-P. Framery devint curé de Parenty, où il mourut le 29 décembre 1830. L'église d'Isques, sous le vocable de S. Wulmer et de Sainte-Apolline, a été réparée en 1666. Elle ne paraît avoir rien conservé de très antique,àl'exception d'une charpante en berceau avec sculptures, dont il subsiste de fort beaux restes.

On connaît de longue date les seigneurs d'Isques, par Amalric de Iseca, témoin en 1084 d'une donation que Gérard de Bournonville faisait à l'abbaye d'Andres (1); et par Gozon de Isica, qui signe vers l'an 1135 une charte du comte Etienne de Boulogne pour l'abbaye de Saint-Josse-sur-Mer.

On trouve mention du village d'Isque(Iseca, Yseche) dans les chartes de Samer de 1173 et 1199, à propos des alleux que cette abbaye devait à la libéralité d'Arnoul de Longueville; et tous ceux qui ont la moindre notion de l'histoire de Boulogne savent que la famille des seigneurs de cet endroit, une des plus anciennes du pays, a donné de siècle en siècle des hommes de guerre à nos comtes, des gouverneurs à nos cités et des prêtres à nos églises. Je n'en citerai aucun leurs noms sont à toutes les pages de nos annales.

La seigneurie d'Isques a été érigée en vicomté par le roi Louis XIV en 1675, avec réunion des fiefs et seigneurie d'Echinghen, de la Tour d'Hocquinghen, de Hafïreingues et de Couppes en Outreau, domaines qui ont été réunis à celui de Colembert par le mariage de leur dernière héritière, dame Anne-LouiseMarié-Madeleine-Gabrielle d'Isque, mariée à Charles-PhilippeAlbert-Joseph, comte de Sainte-Aldegonde, en 1766. Le château d'Isque, ferme à tourelle, conserve le souvenir de ces anciens seigneurs. On y a trouvé des sépultures antiques, vers l'an 1840, mais le caractère n'en a pas été déterminé, non plus que celui de certaines pièces de monnaies recueillies sur ( ) Chron. And., p. 78*, â.


le territoire de cette commune et entrées, dit-on, dans la collection de feu M. le curé d'Hesdin-l'Abbé (1).

Le maître d'école d'Isque était en 1725 Jacques Marc « sort' du clergé de Saint-Léonard », et en 1756 FrançoisHénon. Les représentants d'Isques ont été, 1° aux élections de 1560, Jacques Routtier,marguillier,2° à celles de 1789 EtienneEurin et Pierre Lacloix (25 feux).

Hameaux et lieux-dits historiques

lo La Cauchic, ferme, dont le seigneur Jehan de la Cauchie de Yseke est mentionné dans une charte du trésor d'Artois en 1293 (2).

2° Hermerengue, où l'abbaye de Samer possédait des hôtes mentionnés dans les chartes de 1112-1161, des alleux provenant d'Hugues de Selles, confirmés par les bulles pontificales de 1173-1199 et conservés à titre de fief jusqu'à la Révolution française (3). L'abbaye de Notre-Dame de Boulogne avait à Hermarenges et à Isica des terres et un pré que lui confirma le pape Innocent III en 1208. Enfin, l'abbaye de Longvilliers jouissait au même endroit de quelque rente ou censive, homologuée avec celles d'Hodinghen (s;c) et d'Afringuo en 1729.

3° Herquelingue, ferme sur un mamelon fort élevé, nommé le Mont d'Herquelingue, Helkeninges en 1208, dans les chartes de Notre-Dame.

Quehen, château et ferme sur le plateau du même nom, nommé Cahem en 1208, où l'abbaye de Notre-Dame avait des terres et des revenus. Mathieu Le Prient était seigneur de Quehen en 1550-1560.

(1) Rapport adressé à la Soc. d'agr. de B. en 1862, par M. Laeloiy, maire d'Isques. Je ne sais quelle foi il faut ajouter aux conjectures de J.-F. Henry sur une certaine pagode, ou figure d'un Dieu accroupi, détruite par des ouvriers dans le lieu dit le Fond d'Isques. (Essat hist., p. 240.) (2) A 38, 51.

(3) D'après M. Chotin, la terminaison inghe, inge ou enge, dérivant du flamand, signifierait prairie. (Fland. occ. p. 34


LACRE».

Village du Haut-Boulonnais, sur le plateau qui confine aux communes de Tingry, de Samer et de Doudeauville, Lacres compte une population de 346 habitants sur une étendue territoriale de 823 hectares. Il appartenait anciennement au bailliage d'Etaples et il est du canton de Samer depuis 1790. L'église de Lacres, dont le nom n'a pas changé depuis le moyen âge, était en 1173 dans le patronat de l'abbaye de Samer, où elle est restée jusqu'en 1790; mais ces droits honorifiques ne pouvaient plus s'exercer, attendu que, par suite du malheur des temps, cette paroisse avait dû être annexée à celle de Tingry. L'église de Lacres n'a recouvré son indépendance, que par le décret Impérial du 12 février 1870, qui l'a érigée en succursale. Ce n'est pas un édifice monumental. La tour seule, qui est établie entre le chœur et la nef, a conservé ses voûtes d'arètes, avec sa vieille cloche de 1533, dont la marraine a été Marie de Luxembourg, dame de Tingry.

Les seigneurs de ce village n'ont guère laissé leur nom dans l'histoire. J'en excepte Wistasse de Lacres, Wale de Lacres et Pierre de Lacres compris tous les trois dans une quittance de gages payés par Moreau d'Anvin, capitaine de Calais, le 16 mars 1296. Perres de Lacres était en 1297 au service du comte d'Artois (1).

A la fin du XVIIIe siècle, Louis-Alexandre vicomte du Tertre, demeurant à Cormont, était seigneur de Lacres, où il nomma pour bailli Jean-Marie Lapie, avocat en Parlement, avec Antoine-François Lengagne pour procureur fiscal (2). Le clerc de Lacres était en 1725 Denis Boular, qui ne tenait point l'école « faute d'écoliers, » dit le rapport, et en 1756 François L'Epy.

(1) Chartes d'Art., A. 140 et 143.

(2) F. Morand. Les derniers baillis, p. 56.


Les représentants de Lacres aux élections de 1789 ont eté Jacques-Adrien Vauchel et Jean-Pierre Moulière (40 feux). Hameaux et lieux-dits historiques

1° Dalles, hameau et ferme, dont le nom (feodum de Dales), est mentionné en 1193 et 1199 dans les chartes de Samer. L'abbaye de ce nom en tenait la dîme (declmam de Dales) qu'elle avait achetée à Isaac de Bezinghem, et qu'elle garda jusqu'à la Révolution française. Josse de Hesmond, seigneur de Dalles, vivait en 1550-1560. Il y existe une ferme, appartenant à madame la comtesse de Clocheville, où se voient des meurtrières et les restes d'un moucharaby qui surmontait la principale porte d'entrée (1).

2° Sequière, hameau et ferme, dont la dîme (decimarn de Sekieses) appartenait à l'abbaye de Samer en 1193-1199. Charles de Wavrans était seigneur de Sequières en 1560. On me signale également à Sequière une ferme à tourelles qui est la propriété de M. Ivart.

3° Les Tornbelles, ou les Etombelles, lieu-dit, situé entre Sequières et la Verte-voye, où la tradition prétend qu'ont été inhumés les soldats morts dans une bataille qui se serait livrée autrefois dans la campagne environnante (2).

La Verte-voie, hameau, qui conserve le souvenir de la voie romaine, ou chaussée Brunehaut, qui y passait, venant de Recques par le bois de Longvilliers pour se diriger vers Tingry. Je ne m'arrête pas à contredire ici l'opinion qui fait de Lacres le Lutomagus des Itinéraires j'ai l'habitude, quoi qu'on en dise, de beaucoup pardonner à ceux qui pèchent par ignorance. Hugues Liégeart, sieur de Vertevoye, comparaît aux élections de 1560.

5° On cite encore Beauvoir et Fassurne, tous deux sur la voie romaine, Heurtevent, etc.

(1) Renseignements transmis à la Sjc. d'agr. de B., en 1862, par M. Bourguillaut de Kerhervé.

• (2) Renseignements adresses à la Soc. d'agr. de B., en 18G2, par M Quandalle, maire de Lacres.


LE PORTEL.

Ce port de mer, aujourd'hui si florissant, dont les hardis marins rivalisent avec ceux de Boulogne pour l'industrie de la pèche, était encore, il y a quelques années, un hameau de la commune d'Outreau. Son indépendance ne date que du 13 juin 1856, jour où un décret Impérial l'érigea en commune séparée, en lui attribuant une étendue territoriale de 253 hectares. Aussi, Le Portel n'a-t-il point d'histoire.

On l'a appelé Portel, c'est-à-dire petit port, par comparaison avec le port de Boulogne (1); mais c'était primitivement le port d'Outreau, où la pêche se faisait d'ancienne date, en concurrence avec la marine du chef-lieu. Il est question en 1272 du droit de suite (secutura, sieuterie) perçu trois fois l'an sur les pêcheurs d'Outreau par les religieux Augustins de Saint-Wulmer et nous avons encore le résumé d'un accord conclu entre ces mêmes maronniers d'Oultreyawe et les moines de Saint-Samer en Boulogne, par devant TassartMorsel, maïeur de la ville, les 18 décembre 1326 et novembre 1337 (2).

Ces mariniers d'Outreau, ou du moins le plus grand nombre d'entre eux, habitaient certainement alors sur le bord de la mer, au lieu-dit le Portel; car, dans le compte du domaine de Boulogne, rendu à Marguerite d'Evreux le 7 janvier 1339, il est parlé d'un four banal qui s'y trouvait, qu'on avait accensé à Perron Carnet et qui rapporta, pour le terme de Noel 1338, une somme de 45 sous. Il y avait un four semblable à Capécure; et la présence de cet établissement d'utilité publique indique en ces deux endroits l'existence d'un centre de population. Celui du Portel était alors le plus important des deux; car celui de Capécure (1) On en a fait le Portus Itius de César, qu'on veut mettre partout où il n'était pas.

(2) Terrier de S. Wulmer, H. 1 du fonds ecclésiastique des archives de Boulogne, cité par M. Ern. Descille dans son Histoire de laPêche. (Mém- Soc. Acad.III, p. 131.)


produisait seulement un revenu de 30 sous. Le bailli d'Outreau avait levé sur ces bateliers, du 29 septembre 1338 au 7 janvier 1339, 13 sous 5 deniers pour les menus tonlieux, 31 livres 12 sous parisis pour les sièges de nefs, 7 livres 5 sous 9 deniers pour les pissons de vicomte, et 17 sous 7 deniers pour les hérens, tous chiffres qui sont assez remarquables pour l'époque. Dans le compte de la ville de Boulogne pour l'an 1415-1416, il est encore parlé des maîtres de navires de l'île d'Outreaywe « allans en pesquerie, » qui devaient payer comme les bourgeois le droit de quatre sous établi pour l'entretien du foyer de la Tour d'Ordre (1); mais la ville se montra plus tard jalouse Je la part que ses humbles voisins prenaient à son industrie. Nous voyons, en effet, qu'en 1554 elle défendit do décharger des harengs du côté de Nœuf-Soutrain et de les mener au Portel. Elle intenta même un procès aux saleurs de cette localité, voulant leur interdire de faire harencq blanc et sor (1555), mesures excessives, qui démontrent l'état de souffrance dans lequel se trouvait alors le commerce boulonnais, mais remède inefficace à une situation désespérée (2).

La population du Portel, qui était de 120 feux en 1725 s'élevait à environ 150 ou 160 au milieu du XVIII0 siècle, lorsqu'elle fut éprouvée par un grave incendie (avril 1755), qui détruisit en un seul jour vingt-six maisons. Les pêcheurs qui y habitaient, ayant perdu en même temps leurs filets qui étaient leurs instruments de travail, tout le monde s'émut de leur situation. Les maire et échevins de Boulogne en première ligne, puis ceux de Calais, s'empressèrent d'organiser les secours les plus nécessaires pour permettre aux incendiés de prendre part à la pêche aux maquereaux, dont la saison approchait. Le ministre de la marine, M. de Machault, l'intendant de Picardie, Maynon d'lnvau, le duc de Penthièvre, grand amiral de France, envoyèrent des allocations qui permirent de remédier dans une certaine mesure au malheur qui avait frappé les pauvres Portelois (3). (l)Ibid. p. 135, et t. V, p. 27.

(2) Archives com. de B., reg. 10!3.

(3) Liasses 714 et 936.


Mais, après l'incendie, vint la guerre, le chômage et les mauvaises saisons. Cette fois, la pêche, cette moisson de la mer, resta stérile, et de nouveaux secours furent réclamés. Nous avons encore l'état de répartition qui servit à la distribution des sommes accordées en cette circonstance par le gouvernement aux populations maritimes de la côte. Les marins du Portel y figurent pour trente et un ménages, comptant ensemble cent un enfants, et se partageant cinquante-cinq parts (1).

Je ne puis dire au juste quelle était la population du Portel au commencement de ce siècle; mais elle était loin d'avoir pris alors les développements qui lui sont venus depuis. On y compte aujourd'hui 4,266 habitants, tandis qu'en l'an XIII Outreau tout entier, comprenant Capécure et le Portel, n'en avait que 1820. Cette progression merveilleuse est due aux succès persévérants du commerce et de l'industrie; mais elle est due aussi à l'indépendance civile et religieuse que cette localité a su conquérir au prix des plus grands efforts et des plus grands sacrifices. Dès 1825, à la suggestion de M. l'abbé Coze, alors curé d'Outreau (2), les Portelois se mirent à l'œuvre pour se bâtir une église. M. l'abbé Haffreingue dirigeait le travail, en qualité d.'architecte, et recommandait l'œuvre à tout le monde avec l'ardeur chaude et persuasive qu'il apportait dans toutes les entreprises de ce genre. On réussit, malgré les.obstacles, grâces au dévouement héroïque de la population. Spectacle attendrissant, dont les journaux de l'époque ont parlé avec admiration, on vit, pendant que les hommes étaienfà la mer, les femmes et les enfanfs aller chercher sur le rivage les pierres et le sable nécessaires à la maçonnerie de l'édifice, les monter sur leurs épaules dans leurs mannes au poisson et les apporter aux constructeurs Tant de zèle et tant de foi pieuse méritaient une récompense l'église du Portel fut bénite par M. l'abbé Leblond, vicaire de Saint-Joseph de Boulogne, faisant fonctions de pro-vicaire général, le 10 mai 1836. Erigée d'abord en chapelle vicariale, elle fut enfin élevée. (1) Liasse 939.

(2) Antolne Coze, a été curé d'Outreau de 1816 à 1826 il est mort à Boulogne, àgé de 83 ans, lo 9 mai 1847.


au rang de succursale par ordonnance royale du 31 mars 1837 (1). C'était le prenrer pas accompli par les Portelois dans la revendication de leur indépendance, le reste devait suivre. Lieux-dits 1° L'Aigle, plateau élevé, anciennement nommé Hcghes.

Al~rcck, autrefois Halleperette, pointe en mer, aujourd'hui fort oblitérée, mais bien plus saillante il y a quelques siècles. Ceux qui mettent le Portus Itius à Boulogne, font du cap d'Alpreck le promontoire Icien de Ptolémée. Pour moi, je ferai remarquer que ce n'est pas seulement une saillie de rivage, mais la montagne d'Outreau tout entière, qui doit être regardée comme formant, aux yeux des anciens, l'éminence requise pour être un vrai Promontorium (2). Pour celui qui la considère en se plaçant sur le rivage, la pointe du Grisnez est plus apparente; mais pour celui qui arrive à Boulogne par les routes de terre en longeant l'estuaire de la Liane, c'est à dire le bassin de l'ancien port, la montagne d'Outreau forme une masse imposante, qui se détache de la terre ferme pour devenir une sorte de presqu'île, un véritable mont au milieu des eaux.

3° Le M<~ ~e-CoM~e, où se trouve un fort bâti en 1807 par les ordres de Napoléon Ier sur les ruines d'une fortification plus ancienne.

Eriville, hameau sur les limites de la comran ne de Boulogne, connu en 1525 sous le nom d'Henry ville.

5° L'Heurt et l'Inheurt, masses de rochers en mer, qui représentent la base de l'ancien promontoire, beaucoup plus avancé qu'aujourd'hui au milieu des flots. Le fort de l'Heurt a été commencé le 24 mai 1803 (3).

(1) Rapport adressé à Mgr de la Tour d'Auvergne en 1839, par M. Deltour, cure du Portel.

(2) « Il ne faut pas oublier, dit M. Ern; Desjardins (p. 372), qu3 le cap d'Alprech, qui n'est qu'à 2 kilomètres et demi du portde Boulogne a 59 mètres d'altitude, et que la hauteur d'Equihen sur laquelle il s'appuie, en a 100. Le cap Gris-Nez n'en a que53.La saillie quecedernier présente est des plus remarquables, il est vrai, mais elle l'est surtout pour les modernes. Les anciens paraissant avoir tenu plus de compte de ce qui frappait leurs regards, n'ayant pu se faire une idée exacte de la forme des côtes. » (3) Renseignements transmis à la Suc. J'agr. de B., le 12 mars 18fiO, par M. Fourcroy, maire du Portel.


Thégatte, lieu-dit, où se trouvaient autrefois deux fermes. L'abbaye de Notre-Dame y possédait quelque chose (m Tegata) en 1208.

7° Tihen, contracté de Tinghen, hameau connu sous le nom de Letingehem dans les chartes de Notre-Dame en 1208.

NESLES.

Au pied des collines du Haut-Boulonnais, entre Neufchâtel et Verlincthun, se trouve le village de Nesles (505 hectares, 376 habitants). Il faisait partie, du bailliage du Choquel et Bellefontaine, et depuis 1790 jusqu'en 1801, il est entré dans la composition du canton de Condette.

Sur le territoire de cette commune, à quelques centaines de mètres du village de Neufchàtel, on remarque sur un mamelon élevé une fortification ancienne en forme de tumulus, qu'on appelle le Mont-Violette et qui a porté jadis le nom trop ambitieux de Camp de César (1). Près de là est située une pièce de terre nommée La Bataille.

Nesles se présente à nous dans l'histoire, en 1208, sous le nom de Nieles, à propos d'une terre que l'abbaye de Notre-Dame y possédait en ce temps-là.Nous ne savons rien de plussurses origines

D'après la chronique de Jehan Molinet, le village de Nesles a donné le jour à Jean Fauquet, homme c fort subtil, assez élo« quent et bien couchant par escript, qui fut l'âme d'un complot tramé en 1488 pour soustraire la ville de S ûnt-Omer à l'occupation française et la remettre sous l'autorité de l'archiduc Maximilien (2).

(1) Aveu du fief d'Audisque (Arch. nat., Q 901). Voyez aussi Luto, Mém. mss, pp. 153-154.

(2)H. deRosny, Hist. du Boul.,111, p. 17.


La seigneurie de Nosles était depuis longtemps réunie au domaine de Neufchâtel, dont elle a suivi les destinées. Son église, sous l'invocation de Notre-Dame, était annexée à la cure de la même paroisse, dont elle ne fut détachée qu'en 1850, pour être unie à celle de Ver! incthun. Le chœur appartient à l'architecture du X vIe siècle, mais n'a plus de voûte. Dans la nef, un reste de belle charpente apparente vient de disparaître.

Comme il n'y avait qu'un seigneur et qu'un curé, il n'y avait aussi qu'une école pour les deux paroisses.

Les députés de Nesles pour l'assemblée électorale de Boulogne, en 1789, furent les nommés De Vassal et Villain (35 feux).

Hameaux et lieux-dits La Bucqueuse, La Coharte, Longpré, La Neuville, La Haye. En ce dernier endroit se trouvait un temple de Huguenots, dont on voit encore les traces dans la grange de la ferme.

RfEUFCHATEL.

La commune de Neufchâtel, dont le territoire confine à la mer entre Dannes et Condette, est un village de 821 habitants sur une étendue territoriale de 2,088 hectares. Elle appartenait au bailliage du Choquel et Bellefontaine, et a été de 1790 à 1801 dans le canton de Condette.

Il est difficile d'établir quoi que ce soit sur les origines de Neufchâtel; car on ne sait ce que c'était que le Novum Castellum, ou Nouveau Château-fort, qui lui a donné son nom. J'ai entendu dire vaguement qu'on y avait trouvé des sépultures antiques en ouvrant la tranchée du chemin de fer, vers 1846 ou 1847 (1); mais je n'ai rien à en citer, sauf un fragment de meule (1) Une note communiquée par M. Courtois-Duflégard m'apprend que


« en agate brèche, vulgairement appelée poudin~ dont M. Dutertre-Ivart a entretenu la Société d'Agriculture de Boulogne en 1825 (1).

Neufchàtel est nommé pour la première fois en 1173 et en 1199 dans les chartes de Samer, à propos des alleux que Robert Cringeth et Gauthier Crolle y avaient autrefois possédés, et qui étaient devenus la propriété de l'abbaye. Les chanoines réguliers de Notre-Dame de Boulogne y avaient aussi des terres et des revenus en 1208.

C'était en ces temps reculés, comme aujourd'hui, une paroisse sous l'invocation de Saint-Pierre, dans le patronat de l'évèque diocésain. Son église, construction irrégulière de la fin du XVIe siècle,ne manque pas d'un certain cachet artistique, et elle conserve une cuve baptismale à colonnes, qui est du .XII6' siècle (2). Parmi les curés qui la desservirent je dois citer Jean Broussel, natif de Boulogne, qui fut installé en 1692, commissionné doyen du district de Samer, le 19 février 1713, et mourut dans sa cure en 1715.

Les seigneurs de Neufchâtél ne sont pas nommés dans les vieilles chartes du pays. Je n'en connais guôres que deux, Jakemes du NoefCastel, connétable d'une compagnie de gens de pied au service du comte d'Artois, et Jehans du Nocf Castel, soldat d'une autre compagnie, en 1297 (3).

Si l'on peut ajouter quelque croyance à l'auteur du roman d'Eustache le Moine, il y avait à Neufchàtel, peut-être dans les dunes actuelles, un château qui servait quelquefois de résidence des armes de différentes espèces, provenant d'un cimetière qui se trouvait près du débarcadère, sont conservées dans la collection de M. Maillard, à Samer. Je crois que le Musée en possède aussi quelque chose, parmi les objets qui lui ont été offerts à cette époque par M. l'ingénieur Bazaine.

(1) Procés-verbal de la séance pub. de 1825 p. 28.

(2) La chapelle de la Vierge, qui est peut-être un peu plus récente, a conservé une jolie tourelle latérale dont le clocher est encore couvert d'ardoises en bois. Dans la nef se trouve une charpente en berceau, convenablement restaurée (Renseignements communiqués par M. l'abbé F. Lefebvre, curé d'Halinghen).

(3) Chartes d'Art. A 143.


au comte Renaud de Dommartin; car, un jour, après avoir poursuivi le moine à toute outrance sans pouvoir le saisir, Li quens s'en vint au Nuef Castel,

Là commencha un plait nouviel

Wistasces, qui molt sot de gile

Entra après lui en la vile;

Les dras vesti à une dame,

A grant merveille sembla fame.

Serait-ce par hasard du château de Bellefontaine, qu'il serait ici question ? On y était près de la forêt d'Hardelot, où il y avait d'infects bourbiers dont parle le trouvère, à propos d'une aventure que je ne puis raconter.

Ces dunes et ces garennes, où le sable a semé la désolation, cachent à tous les regards des lieux autrefois habités. C'est là, je n'en saurais douter, que se trouvait le village dit des Flammes, ce prœdium Flammis d'où un adolescent malade est venu chercher la santé à Outreau, en 858, auprès des reliques des saints de Fontenelle (1). La bulle d'Innocent II pour NotreDame de Boulogne mentionne encore en 1208 une terre (in Flemis) qui doit être le même lieu, dans le voisinage de Neufchâtel. Il y en a sans doute bien d'autres.

La seigneurie de Neufchâtel, avec ses annexes de Nesles, Cohen, Bucamp, La Haye, Saint-Martin, etc., appartenait tout entière en 1776 à Louis-François-Marie de Patras, seigneur de Compaigno, sénéchal du Boulonnais, qui donna l'office de bailly à Nicolas-Constantin Destrée, notaire à Boulogne (2). Cette seigneurie laïque comprenait un personat inféodé, vestige resté d'une dignité ecclésiastique, accaparée par les anciens possesseurs de ce domaine.

Ce village etait, en outre, le siège dela Maréchalerie du Boulonnais, ancienne pairie du comté, assise sur une maison qu'un acte de 1651 appelle la Maréchaussée (3). Le titulaire en 1550(1) A et. SS. Boll., t. V Jul.

(5î)Fr. Morand, les derniers baillis, p. 78.

(3) Archives du Domaine (actes civils), reg. 63.


1560 était Antoine du Mollin, t seigneur mareschal hérédital de Boulongnoys; et cette dignité reposait en 1789 sur la tète de François-Achille de Willecot de Rinquesent.

Neuchâtel a donné un religieux à l'abbaye de Saint-Bertin, Jean Lesseline, mort en 1581 (1).

Il y avait dans cette paroisse à lafindu XVI' siècle un marché, où l'échevinage de Boulogne ordonna un jour de faire des publications d'intérêt public.

L'ancienne route royale de Boulogne à Paris passait autrefois par Neufchâtel, et c'est à cette circonstance que cette localité est redevable d'avoir servi de pied à terre à Louis XIV, pour y recevoir la noblesse du Boulonnais les 18 mai 1658 et 19 juillet 1680. En cette dernière circonstance, la Gazette de Renaudot dit que le monarque dîna à Neufchâtel, où il fut reçu par le duc d'Aumont « suivi de la noblesse du païs qui avoit pris un grand soin de paroistre en cette occasion. »

L'école du lieu était tenue en 1725 par François Parasolle, en 1756 par Antoine Boucher.

Les habitants de Neufchâtel députèrent aux élections de Boulogne pour les Etats-Généraux de 1789 Jean Rolland et Pierre Sagnier. La population était alors de cent feux.

Hameaux et lieux-dits

\a Bellefontaine, hameau enseveli sous les sables de la côte, depuis un temps immémorial. On ignore même l'endroit précis de son emplacement. C'était un château-fort, appartenant aux comtes de Boulogne, et j'ai dit dans l'article consacré à cette ville, que vers l'an 1160 le comte de Saint-Pol, possesseur temporaire du comté, y fit enfermer des échevins de Boulogne qui avaient outrepassé leurs droits en matière de répression criminelle (2). Ce manoir de Bele Fontainne dont il est parlé dans un accord conclu au mois de janvier 1192 entre le comte de Boulogne Robert VI et Jean Ier,comte de Dammartin (3), était contigu (l)De Laplane, les Abbés de S. B., t. II, p. 51.

(2) T. I, pp. 116,117

(3) Arch. nat., trésor des ch., J 1125, n° 10.


à une vaste garenne, nommée la garenne de Malevoisine ou de Maubuisson, dont on tira 898 connins (lapins) pour la comtesse Jeanne en 1340 (1). Sept ans après (1347), on envoyait encore « à Madame, à Paris, de la garenne de Malevoisine, 442 connins, « et de celle de Bellcfontaine,440. Nous connaissons pour cette époque le nom du « Castelain de Belefontene, qui s'appelait Jehan Marc.

Bellefontaine n'était pas seulement un château, une maison de plaisance des comtes, dans le voisinage de ces plantureux rendez-vous de chasse (2), c'était encore le chef-lieu de l'un des huit bailliages du Boulonnais; mais il n'y eut pas longtemps de titulaires de cet office, qui paraît avoir été déjà réuni à un autre, probablement à celui du Choquel, dès le XIV siècle. On n'en trouve aucune mention dans les comptes de 1338-1350. Après l'établissement de la sénéchaussée en 1478, le bailliage de Bellefontaine, ou du moins le titre nominal qui en représentait l'ancienne existence, fut réuni avec celui du Choquel au bailliage d'Etaples, puis supprimé par l'édit de 1745.

Une note, que l'on attribue à feu M. Ch. Henneguier, de Montreuil, dit que'le château de Bellefontaine était situé entre Etaples et Boulogne, sur un ruisseau du même nom, qui prend sa source au sud de la forêt d'Hardolot. < Ce château,dit-on, domi« nait un village populeux qui étendait ses deux cents feux du « bord de la mer à la voie romaine, ayant au centre du groupe « principal son église paroissiale dédiée à Saint-Martin. Plus tard, quand les sables eurent envahi ce village, aussi bien que celui du Choquel, « les deux bailliages choisirent pour commune retraite la paroisse voisine de Neufchâtel, située plus avant dans « les terres; et celle-ci, pour prix de son hospitalité,vit son église « s'enrichir des dépouilles du temple de Saint-Martin, et son « territoire s'accrut des dunes arides qui se sont roulées sur les a champs fertiles de Bellefontaine (3). »

(1) Compte de l'année dans les Mém. soc. acad. IX, p. 391. (2) Les garennes, de l'allemand Wahren, garder, étaient des parcs au gibier.

(3) Bulletin de la Soc. des Ant. de la Mor., t, V, pp. 253, 254. Luto s'exprime à peu près de la même manière dans ses Mem. mas., p. 18.


Tout ce que j'ai à dire à ce propos, c'est que je ne crois pas à l'existence de ce village de deux cents feux, assis sur le bord de la côte avec une église dont il n'est fait mention dans aucun titre. Le vocable de Saint-Martin, qu'on lui attribue., est précisément celui deséglises de Dannes et de Condette,avec lesquelles il me semble que l'auteur a pu faire confusion. Pour moi, Bellefontaine reste un simple hameau.

2° Cohen, ferme et seigneurie aux Campaigno.

Fort-Saint-Frieux, ou Mont-S.-Frieux, ferme du côté de Dannes, autrefois de cette dernière paroisse. S. Frieux, Sanctus Feriocus, était, dit-on, un ermite qui vécut sur cette montagne et y fut martyrisé par les barbares. On le regarde comme un Breton, de la famille de S. Josse (Judocus), de S. Winoc (Winnocus) etc.; mais il n'est connu que par la tradition de l'endroit. Il y avait sur le Mont-S.-Frieux une chapelle dont il subsiste encore quelques vestiges (1).

4° Pitendal, ferme, autrefois de la paroisse de Dannes, appartenant à l'hospice de Boulogne. C'était anciennement une Maladrerie, dont les revenus ont été attribués à l'Hôpital de Boulogne par arrêt du 30 novembre 1693; mais elle était déjà auparavant soumise à l'administration de l'Echevinage, qui en passa bail en 1550 pour trois, six, ou neuf années. Le Livre Vert l'appelle à cette occasion la Cense de Typendale; mais dans la suite ce nom est constamment écrit Pitendalle.

La Rivière, ferme d'ancienne construction, avec une maison de maître, domaine en 1550-1560 de Claude de Thubeauville, mineur et page à la suite de Mgr de Senarpont.

6° Sonnevillej autrement Essonville, ou Assonville, etc. (1) C. Le Roy, Docum. pour servir à l'hist. de Ch. cPHardelot, p. 49 et suiv.


OUTREAII

Ce village, ainsi appelé parce qu'il est outre l'eau par rapport à la ville de Boulogne et aux communes voisines, renferme une population de 2,912 habitants sur une étendue territoriale de 1255 hectares. Il était autrefois beaucoup plus considérable mais on lui a retiré de nos jours deux de ses principales sections, Le Portel pour en faire une commune indépendante, et Capécure pour en faire un des quartiers les plus importants de la ville de Boulogne.

Dans son intégrité primitive, la péninsule d'Outreau représente l'un des plus anciens séjours que l'homme ait habités dans notre pays. Ce plateau élevé, dominant la mer, où ses eaux se perdent et vers laquelle se dirigent de vieux chemins pour y atteindre des points aujourd'hui disparus (1), était séparé du reste de la terre ferme par le bassin de la Liane, vaste golfe, omnem sinum illum portus, dont la largeur autrefois très considérable pouvait passer pour un prolongement intérieur des flots de l'Océan. Aussi, les Anciens en avaient-ils fait un promontoire, le promontoire Icius, auquel Ptolémée donne la même latitude qu'au chantier naval auquel il servait d'abri, Gesoriacum navale Morinorum (1). Ceux qui veulent à toute force mettre le promontoire Ictus au Grinez, sont obligés de contredire l'assertion (1) Je fais remarquer particulièrement celui qui vient de Manihen par le village, pour tomber dans la mer, auprès de la butte du tir à la cible. Qu'on le prolonge avec le crayon sur la carte où allait-il t

(1) « Ptolémée, dit M. Ern Desjardins, place l'Itium promontorium avec la longitude 22* 15' et la latitude 53' 30 puis, immédiatement après, Gesoriacum, port des Morins, longitude 22° 30', latitude 53° 30'; c'est-àdire que, d'après lui, le port de Gesoriacum que nous savons être à Boulogne, aurait été à 15' à l'Est du Méridien, passant par le cap Ilium, et qu'il se serait trouvé exactement sur le même parallèle. 1? Itium promontorium ne serait donc pas le Gris-Nez, comme d'Anville l'a cru et comme tant d'autres l'ont répété (p. 371V » Il est certain, en effet, que la haute ville de Boulogne se trouve sensiblement sur la même latitui'e que la pointe de Chàtiliou prolongée en mer, au delà des Roches Bernard, tandis qu'elle en diffère d'une manière notable sous le rapport de la longitude.


positive du père de la géographie ancienne; mais, avec un pareil système, on va loin 1

Quoi qu'il en soit,pour ne pas m'attarder à ces discussions, je dirai que l'on a trouvé sur le territoire d'Outreau de nombreux vestiges de l'industrie préhistorique. Dès 1864, un éminent géologue boulonnais, M. Bouchard-Chantereaux, faisait présenter à l'Académie des Sciences,par M. de Quatrefages, trente échantillons de silex taillés, couteaux, pointes de flèches et pierres de fronde, recueillis par lui sur la plage de l'Ouest (1). Cette communication donna l'éveil. On chercha à savoir quel avaitpu être le gisement primitif de ces curieux instruments que la mer roulait anonymes au milieu des roches éparses de nos falaises, et bientôt MM. Emile Sauvage et Ernest Hamy purent signaler sur la terre ferme, non loin de la côte, sept gisements principaux de ces précieux débris, savoir Châtillon, Le Mont-de-Couple, Le Portel, Alpreck, Ningle, Equihen et La Salle (2). Je ne fais qu'indiquer ici ces découvertes, sans en donner le détail, ni en dresser le catalogue, pour ne pas me laisser entraîner hors des limites qui me sont assignées. On trouvera des renseignements plus étendus et même le dessin des objets dans les Bulletins de la Société Académique (3).

L'âge du bronze et celui de la pierre polie n'ont pas laissé de moindres empreintes dans le sol du village d'Outreau. Pour le bronze, je ne puis enregistrer que d'une manière générale,quoique avec certitude, la découverte d'un grand nombre de hachettes, du genre Scalprum, avec d'autres, en forme de coins à fendre le bois, qui paraissent avoir été fondus et dont l'intérieur est creux; mais, quant aux silex polis, je rappellerai ceux qui ont été rencontrés le 14 octobre 1867 dans une sépulture construite en forme d'allée couverte, au lieu-dit les Garennes d'Equihen. J'en ai publié le compte-rendu, en collaboration avec (1) Comptes-rendus des séances, t. lviu, n' 23.

(2) Etudes sur les terrains quaternaires du Boulonnais, br. in-8, Paris, 1866, p. 53.

(3) T. I, pp. 222 et suiv. (Mém. <)e M. Ern. Hamy, sur l'ancienneté de l'espèce humaine dans le Pas-de-Calais).


M. le Dr Em. Sauvage, dans les Bulletins de la Société Académique (1). Un en a trouvé d'autres ailleurs, notamment vers Gravois, dont je possède encore un échantillon.

Ces détails sont nécessairement fort incomplets; mais je ne puis me dispenser de dire un mot des tombelles qui existaient en divers lieux sur le territoire d'Outreau. Luto en signalait deux, placées, dit-il, sur le chemin d'Equihen (2). Il voulait sans doute parler de la tombe Fourclaine, que la Société Académique a fait fouiller en 1868, etqui s'est trouvée former un magnifique Cromlech, à l'intérieur duquel s'ëtageaient plusieurs sépultures d'un très intéressant caractère, suivant le compte-rendu publié par le savant rapporteur de la commission chargé des fouilles, M. le Dr Ern. Hamy (3). Les autres tombelles, connues aussi sous le nom de Mottelettes, dont la situation ne m'est pas indiquée d'une manière exacte, n'ont pas été explorées; mais, depuis mon départ de Boulogne, j'ai appris que M. Terninck avait pu étudier au Portel et au hameau de la Salle des dépôts coquilliers, qui paraissent être aussi des vestiges laissés par la population qui habitait ces localités dans les temps préhistoriques (4) J'ai été mis trop tard à même de constater les traces que l'occupation romaine a laissées sur la surface du sol de la presqu'île d'Outreau; aussi, ne puis-je parler que par ouï-dire des squelettes humains et des objets d'antiquité, découverts à Equihen en 1864, par les ouvriers que la maison Pinart, de Marquise, y employait à extraire du minerai. Je n'ai pas été mieux informé de ce qui se passait près du moulin de Gravois, au mois de septembre 1865, bien qu'on y ait rencontré, suivant ce qui m'a été assuré par M. Alb. Accarrain, « plus de deux cents urnes » en terre cuite, renfermant des débris humains brûlés et concassés; mais il y avait, paraît-il, des amateurs d'antiquités parmi les employés de l'usine,et les abords des chantiers étaient tellement bien gardés qu'on ne parvenait point à s'y introduire, même en (1) Ibid., p. 318 et sv.

(2) Méiu. mss., p. 153.

(3) Mém. de la Soc. Acad., IV, p. 209 et suiv.

(4) Bull. de la Comm. des Antiq., t. JII, p. 166.


faisant jouer la clef d'or pour essayer de forcer la consigne. Tout ce que j'ai pu constater en cet endroit, en observant les remblais, se borne à quelques fragments de briques et de tuiles à rebord, avec des dents de cheval et une monnaie de bronze très fruste, qui m'a semblé être du IIIe siècle.

M. Bouloch, architecte, a trouvé des débris de poteries romaines dans les accotements d'un chemin qui monte de la VerteVoye sur le plateau du Renard, mais je n'en ai pas connu l'endroit précis. Combien de découvertes du même genre sont perdues pour l'histoire

Le nom d'Outreau (Ultra aquam) est une dénomination qui s'applique à l'ensemble du territoire de cette commune, sans désigner un lieu-dit particulier. Le hameau central, celui où est l'église, s'appelait autrefois Wabcnghen. On le connaît d'ancienne date sous la forme plus allongée et plus primitive de Walbodegenij ou Walbodingehem.il existait déjà en 858, et déjà il possédait l'église, alors dédiée à Saint-Quentin, lorsque les moines de Fontenelle, fuyant à travers toute la Gaule avec les reliques de leurs vieux patrons, y vinrent chercher un refuge. On doit croire que les hautes terres de ce plateau offraient quelque chose d'inaccessible à la rapacité des hommes du Nord; car le dépôt sacré qu'on s'efforçait ainsi desoustraire à leur fureur, y fit un long séjour. Le bruit de l'arrivée des corps saints eut le temps de se répandre dans la contrée, et le don d'attirer vers l'église d'Outreau le concours des pèlerins. On y vint du Ponthieu, notamment des villages d'Airon (villa Agrona) de Tigny (villa Diglitis) et de Hrosan (Roussent ?). On y accourut du pays des Suèves,c'est à dire de Loon,près deDunkerque(w7to Laom); mais les visiteurs les plus nombreux furent ceux qu'envoya le territoire Boulonnais, de Turbinghen, hameau voisin, d'Heringen, localité inconnue, du village des Flammes (prœdio Flammis), du Wast (Wachonevillaro) et d'autres lieux dont la détermination est incertaine. L'auteur des actes de la translation de S. Wandrille, publiés par Mabillon et par les Bollandistes, racontent dans tous leurs détails les guérisons miraculeuses obtenues par les malades qui recouraient ainsi à l'intercession des


saints Abbés (1). Ce fut pour les gens d'Outreau l'occasion de changer le vocable de leur église, laquelle a été mise alors, pour rester jusqu'aujourd'hui, sous l'invocation de S. Wandrille.

Le comte Eustache III, dans sa charte de l'an 1121 pour les chanoines de S. Wulmer, confirme à ceux-ci la donation que son père Eustacheaux-Grenons et sa mère sainte Ide leur avaient faite de l'église de Walbinghen, ou Waubinghen, avec la moitié de la dîme entière des laines. Le mot d'Outreau n'est pas encore prononcé; mais on voit qu'il y a de l'hésitation dans l'énoncé de la dénomination territoriale, car plus loin, dans le même acte, à propos d'une terre de deux charrues que l'abbaye en question possédait au même lieu, ce'n'est plus de Wabinghen que parle le comte, mais de la paroisse de S. Wandrillc (2). Bientôt, dans les chartes de Samer de 1141 et 1145, libellées par les clercs du comte Etienne,la dénomination nouvelle apparaît dans sa forme latine de Ultra aquam, qui devient le nom définitif, Outreaue, avec toutes les variantes que comportent les transformations successives de l'orthographe française, Oultreaue, Oultreyaioe, et même, à l'instar du dialecte Wallon, Oultreaywe. Outreau fut le chef-lieu d'un bailliage, institué par les anciens comtes de Boulogne. Le ressort de cette juridiction était limité à l'étendue territoriale de la paroisse, y compris le seul hameau de Haffreingue, emprunté à la paroisse de Saint-Etienne(3).Laurent du Hil était bailli d'Outreau en 1338-1340. J'ai donné plus haut, à propos du Portel, le détail d'une partie de ses recettes. Le reste consistait en exploits, rentes et censives, et le tout se montait à 247 livres, 19 sous 10 deniers poitevins. Comme il est probable que les débiteurs étaient tous habitants de la localité, on apprendra avec intérêt la quantité de productions agricoles qui avec les droits prélevés sur la pêche servaient à former cette (1) Act. SS. Boll., t. V. Julii, cap. II, n" 18 à 22, et cap. III, n" 28, 30. (2) Bulletin de la Soc. Ac., t. I, p. 373.

(3) Le ressort de ce bailliage est défini en ces termes dans un ancien document <> Le Bailliage ri'Oultreaue, quy est une paroisse, et le hameau de Haffrengues, quy rcllève dud. bailliage dOuiln ^u, quy est de la paroisse de St-Estienne. »


somme c'étaient 15 poquins et 3 boisseaux de froment,8 poquins de blé de mouture, 19 poquins 5 boisseaux de bailliart, 141 poquins 5 boisseaux et demi d'avoine, 10 boisseaux d'avoine de relief, 2 boisseaux de fèves, 30 capons, 6 auwes (oies) et demi, et et 307 ghelines. Laurent du Hil fut remplacé par Willaume de Courteville, le 24 juin 1340.

Plus tard, lorsque Louis XI eut érigé le Boulonnais en Sénéchaussée, le bailliage d'Outreau fut réuni à ceux de Boulogne, Wissant et Londefort, pour être possédé par un seul titulaire, chargé de rendre la justice en se transportant successivement, pour instruire les affaires, au chef-lieu de chacune des juridictions. Le dernier bailly d'Outreau fut Me Antoine-Thomas Meignot d'Allet, nommé par lettres royales du 26 septembre 1735. Il tint sa dernière audience le 4 août 1745, et le lendemain fut proclamé l'édit de Louis XV qui mettait fin à l'existence de ce ressort judiciaire (1).

L'église d'Outreau n'a conservé aucun remarquable caractère d'architecture. Tout ce que j'en puis dire c'est qu'elle a été autrefois beaucoup plus vaste qu'aujourd'hui. Des fondations et des restes d'anciens murs trouvés tout à l'entour, dans le cimetière et même sur l'emplacement du presbytère, ont donné lieu de penserquecet édifice avait été construit au milieu des bâtiments claustraux d'un ancien établissement monastique. Si l'on voulait même en croire Philippe Luto, ces vestiges nous révéleraient l'existence d'une prétendue abbaye de Wabinghen, dont les moines, transférés dans la ville de Boulogne, au temps des invasions normandes, seraient devenus les premiers clercs de la collégiale de S. Wulmer; mais tout cela n'est qu'un tissu de conjectures. Ce qu'il est possible de supposer raisonnablement, c'est que les religieux de S. Wulmer, de qui dépendait la cure, y avaient construit une sorte de prieuré pour la desservir. Il existe encore dans les archives de la fabrique un ancien document qui est d'un grand intérêt pour l'histoire paroissiale du lieu. C'est le « Registre et Matreloge de l'Eglise et paroisse de (1) Notice historique sur les baillis d'Outreau, par Louis Bénard, brochure in-8, 1855.


« Sainet-Wandrille en l'isle d'Oultreawe, faict et extraict nouoellement en l'an de grâce 1542, selon le contente de l'anchien. » On y trouve un résumé curieux de toutes les fondations religieuses qui avaient été faites dans cette église par les habitants de la paroisse depuis l'an 1480, avec l'indication des terres et des revenus dont elle avait été dotée.Le nombre des lieux-dits qui y sont indiqués est très considérable et en y joignant les renseignements que nous a conservés le terrier de l'abbaye de S. Wulmer de l'an 1506, on pourrait arriver à reconstruire pour cette époque le cadastre du village.

Un renseignement donné par le Matreloge est relatif à la consécration de trois autels dans l'église d'Outreau par l'évêque de Julience, suffragant de Thérouanne

L'an 1483, le 19- jour d'octobre, Révérend Pore en Dieu mon sgr Mahieu, évéque de Inlucense (1), suffragant de Révérend Père en Dieu mon sgr Henry de Lorraine, évoque de Thérouanne, dédia en l'église mon seigneur Saint "Wandrille Oultre awe lez Boulogne trois hostels, est à sçavoir le grand hostel du chœur en l'honneur de mgr saint Wandrille, patron de ladite église le second au lez dextre dudit grand hostel en l'honneur de mgr saint Jean-Baptiste, et le tiers au senextre du grand hostel dessusdit, en l'honneur de mon sgr Saint-Pierre, apostre, en mettant aux dits hostels pour sanctuaire (c'est-à-dire pour reliques) le précieux corps et hostie de Notre Saulveur et Rédempteur IHS. Outre plus, donna à tous chrestiens et chrestiennes, nonfèy et repentants, quy visiteront lesdits hostols chacun an le l-r dimanche apprès la St-Luc, en commémoration de ladite dédication, et donneront de leurs biens, quarante jours de vray pardon, chacun an, à perpétuité. Présents, Laurent Maupin, doïen de chrétienté de Boullongne, Eustache Patel, dit Maubue, Louis Wacquelin,presbtres,et moi Etienne Dumont, presbtre, notaire publicque et secrétaire de la cour esperituelle de Thérouanne, tesmoins, mon seing manuel ay mis le jour et an dessusdit.

DUMONT.

(1) Je pense qu'il s'agit de l'évêque de Julience, titulaire de l'un des nombreux évèchés in partibus de Julia, probablement celui de la Rhétie II". Ce fut un évoque de Julienee, dont le prénom n'est pas donné, qui dédia la chapelle de l'Hôtel Dieu de Moulreuil, le 3 novembre 1<«75. Le même, ou un autre, qui s'appelait Jacques, et dont M. de La Plane a eu tort de faire un évAque de Juliers. a consacré l'église de l'abbaye de Clairmarais, le 20 juillet 146f.. Ce n'était plus alors Guillaume de Clunv. comme a pu le croire M. Ch. Henneguier. `


Si le vandalisme de 1793 a épargné l'intéressant Matreloge de la fabrique d'Outreau, il n'a pas manqué de détruire un autre monument d'antiquité qui était précieux à bien des titres, je veux parler des deux chasubles de S. Thomas de Cantorbéry qu'on y conservait depuis l'an 1170. C'était, au témoignage de Luto, d'après une note inscrite sur la marge de l'un des manuscrits relatifs à l'histoire de Boulogne (1), un don des marins du Portel. Ceux-ci les avaient achetées à Cantorbéry, lors de la vente qui y fut faite des effets du saint martyr, circonstance traditionnelle dont les historiens ne parlent pas. Elles étaient, dit-il, • d'une étoffe assez riche, faite dans l'ancien goût. »

Les curés d'Outreau, du diocèse de Boulogne, ont fourni un doyen rural à la circonscription ecclésiastique dont ils faisaient partie. C'est Claude de Neuville, que nous trouvons revêtu de ce titre en 1630, et qui, devenu chanoine titulaire de Boulogne en 1633, mourut en 1657.

Le maître d'école d'Outreau était anciennement le vicaire de la paroisse mais cette fonction fut donnée à un laïque par le curé Pierre du Quesne, au commencement du XVIIIe siècle. Nous trouvons dans les archives de l'évêché les noms de deux titulaires de cette école, François Guerlin en 1725 et Joseph Bourgois en 1756. Il n'y en avait pas encore au Portel; mais, trente ans plus tard,nous voyons que les habitants de cette localité pétitionnèrent auprès de l'intendant de Picardie pour obtenir qu'on établît en faveur de leurs enfants une école particulière^ que nous appellerions aujourd'hui une école de hameau. Leur instruction n'avait cependant pas été trop négligée jusquelà, si nous en jugeons par les signatures apposées au bas de ce document, où nous en voyons quarante-deux sur cinquante-cinq pétitionnaires. L'évêque de Boulogne et le curé d'Outreau ap(1) M» autrefois en la possession de M. Daguebert-Davault de Tihen, et dont une copie existe à la Bibl. de Boul., sous le n- 167. On en attribue généralement la rédaction au P. Le Quien.


puyaient vivement cette création, ce qui nous montre que le clergé n'était pas si ennemi des lumières (1) 1

Les représentants d'Outreau aux élections de 1789 furent les sieurs Davault de Tihen, Gonsart et Pierre Sauvage, pour «une population estimée à 260 feux. Antoine Gonsart, que nous venons de nommer, fut l'un des administrateurs élus pour former le Directoire du Département, en juin 1790.

Hameaux et lieux-dits

lo Battinghen, ou Bathinghen, ferme, appartenant en dernier lieu à la famille Moreau de Vernicourt. Elle existait déjà en 1506.

2° Bernard, ancien hameau, sur la côte du Portel, représenté aujourd'hui par les roches Bernard qui ne découvrent qu'aux marées de vive eau. Le Matreloge parle d'un chemin qui conduisait de Capécure à Bernard.

Berquen, lieu-dit, près de la ferme du Renard, une des plus anciennes possessions de l'abbaye de Samer,qui en a conservé la seigneurie depuis l'an 1112 jusqu'en 1790. Ce nom, que les chartes écrivent Berkem ou Berchem, a son homonyme en Brabant, dans le village de Berehem, dont M. Chotin interprète la signification par village sur le monticule (2), désignation qui convient parfaitement au Berquen d'Outreau. On y voit un vieux chemin, dit des Plates Pierres et des vestiges de tombelles.

Capécure, autrefois Capescure, nom dérivé, dit M. Chotin, de scura, skure, schure, en saxon grange, métairie, et d'un autre mot dont l'origine est à enquerre (3). Ce hameau d'Outreau, formé au bas de la colline, le long de la rive gauche du port, a été réuni à la ville de Boulogne par ordonnance royale du 26 février 1835. Le comté de Dammartin y avait un manoir en 1292.

5° Equihen, autrefois Enquinghen, ou Esquinghen, est un village assis sur le bord de la mer, à l'extrémité S. 0. de la commune d'Outreau. Comme le Portel, Equihen est habité surtout (1) Archives du Pas-de- C., liasse C 80.

(2) Etudes étym.

(3) Fland; occ., p. 94, sous le mot Lapscheure.


par des marins. Pendant que les hommes vont à la mer, leurs femmes cueillent sur le rivage d'excellentes moules dont elles font un bon trafic. J'ai entendu crier ces coquillages à Boulogne, sous le nom antique de moules d'Enquihen, qui rappelle la vieille forme du mot. C'était jadis un bien misérable quartier. Henry, au commencement de ce siècle, a dit qu'on l'appelait la république d'Equyhen, parce que les habitants en étaient si pauvres qu'on ne pouvait tirer d'eux aucune contribution, et qu'ils vivaient dans leurs chaumières dans une indépendance semblable à celle des castors et des loutres, auxquels on peut les assimiler à cause de leur position (1). On a dit encore de plus vilaines choses, que je ne veux pas répéter mais de nos jours Equihen s'est transformé, grâce à son église, à son presbytère, à ses deux écoles de garçons et de filles dont il a été doté par le dévouement des bonnes âmes sur l'appel de M. l'abbé Le Bègue, au commencement de l'épiscopat de Mgr Parisis. C'est maintenant un charmant village, qui n'a rien à envier aux localités les plus heureusement favorisées (2).

Le Fort, hameau, sur la crête de la colline, d'où l'on jouit d'une magnifique vue sur la ville, le port et les environs de Boulogne (3), doit son nom aux ruines du fort de VilleneufveMontplaisir qu'Henry II y fit construire durant l'occupation de Boulogne par les Anglais, en 1546. C'est là que fut signé le traité, dit de Capécure, où fut stipulé le retour de la ville de Boulogne sous la domination de la France (14 mars 1550). 7° Gravois, lieu-dit et moulin près duquel on a trouvé des antiquités romaines en 1865.

8° Laby, ou plutôt l'Abbie, maison qui garde le souvenir d'un ancien établissement religieux, nommé ailleurs l'Abbiette d'Enquinghen, que l'on prétend avoir été un couvent de filles, ruiné au temps jadis par les Normands.

(1) Essai hist., p. 132.

(2) Voir sur l'élise d'Equihen, jolie conception de M. Debayser, l'Annuaire de M. Robitaille pour 1866, p. 167.

(3) Voir Bertrand, t, Il, pp. 52, 53.


9° Manihen, anciennement M aninghem, dont la dîme appartenait au domaine des comtes de Boulogne en 1338-1340. 10° Ningle, anciennement Nlnghes, appelé aussi Linge, où il y a des moulins, près de la côte.

11° Le Nocquct, fief, au hameau d'Equihen, cité en 1504. 12n Le Noiroal, hameau, dont le titre féodal a été l'apanage des Gillon, qui ont donné un maïeur à la ville de Boulogne en 1714,un lieutenant général à l'Amirauté et plusieurs magistrats aux diverses institutions du pays.

13° Le Pont-Hamel, hameau déjà connu en 1506, où M. Ern. Hamy a découvert un gisement de silex taillés.

14° Le Renard, ferme antique, avec une tour qui domine au loin le paysage. C'est l'ancien domaine de Riehenacre, plusieurs fois mentionné dans les chartes de l'abbaye de Samer, qui y possédait des colons en 1112.

15 La Salle, ferme considérable, dont le nom a été porté par un ancien maïeur de Calais, Georges Seguin de la Salle, installé en 1605 (1). Cette famille, qui se fixa ensuite dans l'Ardrésis, émigra dans les Antilles vers l'an 1740. M. le comte de Chaban, conseiller de préfecture de la Somme avant la guerre de 1870, avait épousé l'héritière de ce vieux nom. Plus tard, par lettres patentes données à Paris au mois d'aoùt 1675, la terre de la Salle, unie à celles de Turbinghen, du Pout-de-Briques et de Haffrengues, fut érigée en vicomté en faveur de la famille Monet.

16° Turbinghen, petite ferme, située à quelques pas de la précédente, représente un des plus antiques domaines de la localité. C'est, en effet, le prœdium, ou la métairie, dite de Turbodingahem, qui appartenait en 858 à l'abbaye de Fontenelle (2), et (1) Le Febvre, t. II, p. 473. Ce Georges Seguin avait comparu en 1583 à l'assemblée faite pour la reconnaissance des Coutumes, à titre de capitaine de la compagnie des Arquebusiers de la Confrérie de Sainte-Barbe (Ibid., p. 398).

(2) Ne serait-ce pas de ce domaine qu'il serait question dans le diplôme d'Ansegise, comme fournissant à l'abbaye, vers l'an 8:33, pour les moines, une partie de leur approvisionnement en vêtements, en étoffes blanches pour se faire des chemises, en cuir pour se faire des souliers, en fêves.en fromages, en œufs, en cire et en suif, conjointement avec ce que l'on tirait d'un autre endroit, situé dans le pays de Thérouanne (Spicil. in-f- II, p. 283.)


d'où une femme qui l'habitait se rendit à Outreau, près des reliques des saints de ce monastère, afin d'y solliciter la guérison d'un mal dont elle souffrait. Turbodingahem veut dire métairie des fils ou du clan de Turbodes et ce même Turbodes, ou un de ses homonymes, avait de son côté sa métairie à Tubersent (Turbodeshem), comme nous l'apprennent les chartes de SaintBertin.

17° La Vertevoye, nom du cheminqui longe le pied du côteau, sur la berge de la Liane (rive gauche). Les maisons qui s'y trouvent bâties formaient un hameau, dont il est plusieurs fois parlé dans les anciens titres, sous le nom de la VerdeVoye. 18e Vilnie, maison, dont le nom est écrit Willenie dans le terrier de Turbinghen de la fin du XV6 siècle.

QUESTRECQU ES.

Questrecques, ou Quettre suivant la prononciation populaire, est situé sur le cours de la Liane, entre Wirwignes et Carly, touchant à Samer et à Wierre-au-Bois. C'est une commune de 262 habitants, dont le territoire se compose de 584 hectares, et qui fait partie du canton de Samer depuis 1790.

Quelques-uns, sur je ne sais quelle analogie étymologique, dérivent le nom de Questrecques de Castrurh romitis et veulent lui attribuer des origines romaines. Si ce village a gardé quelques souvenirs du pas.sage du Peuple-Roi, ce n'est pas dans la forme de son nom qu'il faut en chercher l'empreinte car ce nom, comme la plupart de ceux de nos contrées, est probablement d'origine saxonne, moins qu'il ne soit gaulois, comme Retheca (Réty) Kesseca (Quesqucs), etc. On devrait d'ailleurs écrire Questreques.


L'existence de Questrecques se révèle à nous pour la première fois en 1119, à propos de son église, qui était dans le patronat du chapitre de Thérouanne, auquel le pape Calixte II en confirme la possession, sous le nom de Kestreca. On lit Cestreca en 1157 dans la bulle d'Adrien IV pour le même objet (1). La bulle d'Alexandre III, de 1173 pour l'abbaye de Samer, imprimée comme les précédentes d'après une mauvaise copie, l'écrit Casireca mais le privilège d'Innocent III du 5 avril 1199, régulièrement transcrit sur l'original, présente ce nom sous une physionomie qui est, je crois, la véritable, en l'orthographiant dans sa forme romane, parochia de Kestreke. Il va sans dire que je n'en cherche en aucune manière la signification étymologique.

A cette époque, et même quelques années auparavant, il y avait dans cette paroisse des métayers (medietarii), qui avaient reçu des terres à cultiver, sous la condition de servir au comte de Boulogne la moitié de la récolte. Ces métayers n'étaient pas exempts de la dîme, dont la jouissance fut attribuée à l'abbaye de Samer, et c'est là ce que constatent les actes pontificaux dont je viens de parler.

Il y avait aussi alors à Questrecques des seigneurs particuliers dont un avait cédé à la même abbaye certains alleux qu'il possédait à Wicquinghem et à Ecaux. La bulle de 1199 qui nous apprend ce fait l'appelle en latin Hugo de Chestreca et en langue vulgaire Hugues de Kestreke (2). En 1297, [Jehans de Kestreke faisait partie de la septième compagnie de gens de pied, au service du comte d'Artois, dont la solde fut payée par Henri Le Marquis, capitaine de Calais (3).

La paroisse de Questrecques, appelée Quette en 1559 dans la Partition de Thérouanne, était annexée depuis longtemps à la paroisse de Wirwignes; mais elle avait un vicaire à poste fixe qui la desservait sous l'autorité du curé, et qui faisait l'école (1) Deux chart. inéd. du chap. de Thér., au t. XII des Mém. de la Soc. Acad.

(2) Qnplqnos rhartes de l'abbaye de Samer (ibid.)

(3) Chart. d'Art. A 143.


aux enfants. Son traitement consistait dans le revenu d'une ancienne chapelle de Saint-Germain, qui avait été fondée dans l'église et qui n'était point bénéficiale.

Le chœur de l'église de Questrecques, sous le vocable de StMartin, appartient au style ogival du XVIe siècle et la cloche qui pend aujourd'hui dans son clocher a été fondue en 1550 pour la Confrérie du Saint-Sacrement de la paroisse de Saint-Nicolas de Boulogne.

Les représentants de Questrecques (44 feux) aux élections de 1789, ont été Barthélémy-Jean-Jacques Duhamel et Jean-Marie Wallet.

Hameaux et lieux dits

Les Camps-Grelins, le Château, ancien domaine des seigneurs de Questrecques, Le Droret, Le Fort, ferme à tourelles, où l'on remarquait encore en 1826 les traces d'un fossé avec pont-levis, des meurtrières d'une forme particulière, etc. Tout en face, une autre ferme, qui appartint longtemps à la famille d'Héricault, et où l'on remarque un pigeonnier féodal en forme de tourelle, qui a servi de cachette à plusieurs prêtres sous le régime néfaste de la Terreur, jusqu'à seize, dit-on, en même temps. Puis, Le Grand Sart, fief aux Du Crocq, Le IIamel,la Halle, ancienne ferme à tourelles, Le Hocquet du Bois, Hurtevent, Lubecque ancien fief, La Pierre, La Ringoterie, La Rochelle et le Tienganne, qu'on interprète par le chien jaune, mais qui doit avoir une autre signification.

svivriiiswi;

Sur la rive gauche de la Liane, au sommet de la colline qui domine le hameau si connu du Pont-de-Briques, se dresse le caduque édifice que les anciens avaient dédié à Saint-Etienne, premier martyr, et qui a donné son nom au village. C'était jadis une localité de peu d'importance qui ne comptait encore que


348 habitants en 1805 et qui en possède aujourd'hui 1335. Ce n'est pas trop, du reste, pour ses 1405 hectares de superficie. Avant la Révolution française, Saint-Etienne appartenait pour le spirituel au doyenné de Boulogne, et pour le civil au bailliage du Choquel et Bellefontaine; puis, de 1790 à 1801, il a fait partie du canton de Condette.

Je ne connais rien qui permette de remonter, pour l'histoire de ce village, plus haut qu'à l'an 1121. C'est la date de la charte par laquelle le comte Eustache III confirma aux chanoines de S. Wulmer la possession de l'église de Saint-Etienne, avec le tiers de la dîme générale, un dîmeron établi sur un point particulier, et une terre d'une demi-charrue. On connaît aussi, comme existant à une époque très rapprochée de celle-ci, le hameau d'Ecaut (Hecout) où l'abbaye de Samer possédait des alleux qui lui avaient été donnés par Hugues de Colembert et par Hugues de Questrecques, antérieurement à l'an 1173; mais les documents du moyen âge ne sont pas prolixes en ce qui regarde cette paroisse, et j'aurai tout dit, je crois, quand j'aurai ajouté que d'après la charte de 1278, la limite de la banlieue de Boulogne, partant du Pont-de-Briques, se rendait droit à la mer par le Moustier Saint-Estevene, en suivant le rion de Minendalle, aujourd'hui le ruisseau du Merlier.

Les armées françaises qui, sous le règne de Henri II, piétinèrent pendant plus de cinq ans autour de la ville de Boulogne sans la pouvoir reprendre, campèrent plusieurs fois sur le territoire de Saint-Etienne, où l'on montre encore, près d'Ecaut, deux vastes plaines qu'on appella depuis lors, à cequ'on assure, le Camp et le Petit-Camp. On dit aussi qu'il y eut une bataille livrée entre les Français et les Anglais dans la vallée dite de la Cassaigne (1), mais toutes ces traditions n'offrent rien de bien précis et ne sont acceptables que comme effets de paysage, pour l'amusement des touristes.

L'église de Saint-Etienne, ruinée par les guerres du XVI" siècle, n'avait plus de chœur et se trouvait par conséquent ré(1) Bertrand, t. II, p. 50


duite à l'état de masure informe, lorsqu'un de ses curés, Louis Maquet, qui fut plus tard archidiacre et doyen du chapitre de Boulogne, fit reconstruire cette partie de l'édifice en 1630 avec le concours de ses paroissiens. Nous lisons que l'ouvrage coûta deuxmillelivres, dont le curé fournit la moitié. D'après le témoignage de cet ecclésiastique, il n'y avait alors que quarante maisons dans cette paroisse, « cinq grandes, onze moïennes et tout le reste petittes (1) Un autre de ses curés fut un personnage marquant dans le clergé boulonnais je veux parler de François-Martin Bernard, maître ès-arts de l'Université de Paris, d'abord aumônier de l'évêque Pierre de Langle, puis successivement curé de Saint-Etienne (17 août 1710), curé-doyen de SaintNicolas de Boulogne (10 novembre 1730), transféré le 12 juillet 1743 à Notre-Dame de Calais qu'il délaissa pour un canonicat de Boulogne la même année. Pendant qu'il était à Saint-Etienne, il eut la douleur d'y perdre son père, honorable homme, mes« sire Pierre Bernard, ancien mayeur et juge consul de la ville « de Calais et preuvost de la chapelle du Saint-Sacrement, admi« tré des sacrements de Pénitence, Eucharistie et Extrême« Onction, décédé le 30 mai 1721 et inhumé le lendemain dans « l'église, proche le bénitier. Une de ses filles, la sœur du curé, Jeanne-Alix, décédée le 20 septembre 1727, a été inhumée à ses côtés. Quant au chanoine Bernard, il mourut à Boulogne le 9 octobre 1758 et fut enterré dans la nef de la cathédrale. Le maître d'école de Saint-Etienne en 1725 était Jean Seguin. Le traitement de ce fonctionnaire était en 1756 de une livre par feu, avec environ trois septiers de blé. En 1789, sur un rôle dressé par l'intendant, on lui payait 75 livres 15 sous et 50 boisseaux de blé (2).

Les représentants de Saint-Etienne aux élections de 1789(06 feux) ont été les sieurs Dezotteux et Codez, qui ne sont pas autrement désignés dans le procès-verbal.

Hameaux et lieux-dits

(1) Reg. capitulaire G 34, f. 242, v.

(2) Archiv. du Pas-de-Calais. Liasse C 28.


1° Audisque, situé au bas de la montagne de Saint-Etienne, du côté de Pont-de-Briques. Ce nom, qu'on a écrit Odisque, est comme Audinghen par rapport à Inghen, comme Audessombres par rapport à Sombres; il signifie le vieil Isque, et c'est lui, je crois, qui, mieux que le village d'Isques, représente la station intérieure dj hable d'Icius. Les historiens locaux en font le siège d'un ancien hôpital, sous l'invocation de Dieu et de Mgr Saint-Nicolas, érigé pour donner asile aux pèlerins de NotreDame de Boulogne; et il existe en faveur de cet établissement une charte de Pierre, abbé de Saint-Wulmer du 13 décembre 1484.

2° La Cassaigne, fief aux Le Porcq, dont le nom est odieusement défiguré sur la charte de l'Etat-Major, où on lit La Cachaine.

Combeauville, ancien fief.

4° La Conversene, sur le plateau d'Ecaut, fief à Jehan de Haffrenghes avant 1480, rappelant l'existence d'une maison d'exploitation rurale, dirigée par les frères convers de quelqu'une de nos anciennes abbayes.

5e Ecaut ou Ecault, dont l'ancien nom d'Hecout rappelle l'existence d'un bois de chênes (Eck Holt) défriché par les moines de Samer. Ceux-ci en conservèrent la seigneurie jusqu'en 1790.

60 Fringhen, que la carte de l'Etat-major appelle maladroitement Eringhen, est une ferme qui existait en 1208 sous le nom de Froingehem, dans le domaine de Notre-Dame de Boulogne. C'était un fief aux Du Crocq, dont Antoine, sieur de Fringuehen, fut bailli d'Outreau en 1678-1700.

Haffreingue ou La Rue Haffreingue, hameau sur le penchant de la colline, dont le chef-lieu est une ancienne ferme construite en briques, appartenant à la famille Bonvoisin. On y a: trouvé, il y a quelques années, un trésor de vieilles pièces françaises du XVI' siècle (1). L'abbaye de Longvilliers y jouissait d'une rente en 1729.

(1) Rapport adressé à la Soc. d agr. de B., en 1862, par M. Bonvoisin, maire de St-Etienne.


80 Les Quenelets, hameau qui a aussi porté le nom de Basincourt, d'après l'énoncé de la carte de Cassini.

S AHVT-t,ÉOI\I ARD.

A l'extrémité S. 0. du plateau du Montlambert, sur le* penchant du coteau qui descend vers les rives de la Liane, le village de Saint-Léonard dresse son clocher, comme un belvédère curieux d'observer le cours de la rivière. C'est une situation pittoresque à tous égards, et qui marque dans le paysage, de quelque côté qu'on l'examine; aussi, les poètes ne lui ont-ils pas manqué. Je lis dans Y Annotateur de Boulogne en 1824 une brève légende, intitulée Ide et Olivier, dont l'auteur a placé une des principales scènes auprès de la chapelle de Saint-Léonard, desservie par un Ermite; et il est peu d'écrivains ayant traité de. l'histoire du Boulonnais, qui n'aient voulu en parler comme d'une résidence agréable, dans un site enchanteur.

M. François Morand a publié dans la statistique monumentale du Pas-de-Calais une notice sur l'église de Saint-Léonard, considérée surtout comme monument historique du moyen âge (2). Je voudrais n'avoir qu'à l'insérer ici car c'est un modèle du genre, mais l'espace me manque et je me résigne à la résumer, en y faisant quelques additions indispensables. Saint-Léonard est une commune de 292 habitants, avec une étendue de 344 hectares, longeant la rive droite de la Liane, depuis les contins du village d'Isques jusqu'à la rencontre du territoire de Saint-Martin. Elle faisait autrefois partie du bailliage de Boulogne, et elle a été réunie, de 1790 à 1801, au canton de Condette.

(1) Année 1824, 1" avril, pp. 9-17 avec pl. lith.

(2) Ce travail a été reproduit dans la Revue litt. de B., 1864, pp. 11-17.


Comme la paroisse de Saint-Etienne, à la cure de laquelle Saint-Léonard étaitjannexé à titre de secours, le nom de cette localité n'apparaît dans l'histoire qu'en l'an 1121, dans la charte d'Eustache III pour les chanoines de S. Wulmer. Il y est dit que la chapelle de H ocquinghem, ou mieux Hockinghem, était avec le tiers de la dîme la propriété de l'abbaye. Plus tard, en 1173 et 1199, les moines de Samer possédaient au même lieu (apud H okinghehem) une terre d'un.3 charrue; et les chanoines de Notre-Dame de Boulogne y avaient en 1208 des terres et des revenus qui ne faisaient qu'un avec ceux d'Echinghen (in Hockingehem et I ssingehem terras et redditus).

Plusieurs écrivains qui ne se sont pas assez préparés à traiter de ces matières, ont confondu VHocquinghen de Saint-Léonard avec son similaire du comté de Guînes mais, en présence de l'énoncé très précis d'un grand nombre de titres féodaux, il n'y pas lieu d'élever le moindre doute sur l'attribution que j'en ai faite, le premier, dans mon dictionnaire topographique de l'arrondissement. C'est bien de Saint-Léonard qu'il s'agit ici, puisque la croix de la Maladrerie, dans les environs de la ferme de Malbret, aux extrêmes limites de la petite banlieue, est dite en 1285, située à le moictié vers Hoklnghehem »,c'est à dire à michemin entre Foulogne et cette localité. C'est bien de SaintLéonard, ou si on l'aime mieux, de la vallée du Pont-Feuillet, qu'il s'agit ici, puisque les comtes de Boulogne y avaient des prairies (Les preis de H okinghehem) dont le batelier Jehan Bitaigne amène les foins à la grange du pont d'Outerauwe, après qu'on les a fanchés, râtelés, assemblés et emmuîlés, suivant les détails du compte rendu à la comtesse Jeanne en 1340 (1). Les documents qui concernent l'histoire de nos villages, même dans le voisinage le plus immédiat de la ville, sont trop peu nombreux pour que nous puissions savoir à quelle époque le nom du patron de l'église, saint Léonard, ou, comme on disait autrefois, Sainct Liénard, a été substitué à l'ancienne dénomination topographique de ce lieu. Il est seulement à présumer que (1) Mém. de la Soc, Acad., t. IX, pp. 25t, 331, 366, 377.


le fait s'est produit à l'occasion d'un certain renom plus qu'ordinaire, attribué à ce saint libérateur des prisonniers, dont l'image se présentait aux pèlerins avec tout le lugubre appareil des malheureux incarcérés, les pieds dans les ceps et les mains serrées dans les menottes. Chacun son temps de nos jours on ne connaît plus rien de tout cela.

L'église de Saint-Léonard, qui se composait autrefois de deux chœurs accolés, réunis par une seule nef à une vieille tour massive, a conservé de fort beaux restes de l'architecture ogivale du XVI° siècle. Ses voûtes d'arêtes sont superbes, avec leurs nervures ornées de pendentifs et de cordelières; mais le réseau des fenêtres aurait besoin d'être refait à neuf, d'après les anciens dessins. M. Fr. Morand y a signalé, dans quelques ouvertures cintrées de la tour, des vestiges d'architecture romane. On y conserve, au rez-de-chaussée, d'anciens débris de pierres tombales, dont une est anépigraphe, mais fort curieuse. Elle représente une végétation sculptée dont il y a peu d'exemples. D'après le dessin de pièces analogues que M. H. Longueville Jones a publiées en 1862 dans VArchœologia Cambrensis, ce doit être non une dalle funèbre, mais plutôt un couvercle de sarcophage (1), de style byzantin et d'une haute époque. Au sommet de ce clo ̃ cher, on voit une ouverture percée dans la muraille pour servir de campanile, où se balance une cloche, refondue en 1855 et remplaçant celle de 1626 dont M. Fr. Morand a publié l'inscription. On lisait sur cette dernière le nom du curé Louis Macquet, dont j'ai parlé dans l'article précédent; et d'après la supputation qu'il a insérée dans un de ses mémoires contre l'avocat général Willecot, ce village ne comptait alors que vingt-deux maisons, « dont trois grandes, sept moïennes et le reste touttes petites. » Cela n'a pas empêché néanmoins qu'on le détachât de celui de SaintEticnne, pour l'ériger en cure indépendante, ce qui eut lieu sous l'épiscopat de Mgr de Perrochel, le 3 décembre 1661. Son premier curé, à cette époque, fut Oudart Disquemue de Monguillain, qui mourut le 21 novembre 1693.

vl) Views of the antiquities of Wales and the marches, with some in Cornwall and Britanny, in 8, 18(52.


Il y avait à Saint-Léonard en 1725 un clerc d'école, qui s'appelait Jacques Lorge.

Les représentants de la communauté civile du lieu pour les élections de 1789, ont été François-Marie Lacloix, bailly, et JeanLouis Allant, pour une population de 28 feux.

Hameaux et lieux-dits

1° Le Pont-de-Briques, principal centre de l'agglomération communale, sur la route nationale de Boulogne à Montreuil, station du chemin de fer du Nord. Malbrancq traduit ce nom en latin par Pons lateritius, suivant l'opinion qui l'interprète dans le sens de pont construit en briques. Je sais bien qu'on a dit de même, pour certains lieux, le Pont-de-Pierres, le Pont-d'Ais, ou de planches mais je ne crois pas que tel soit le sens du mot Pont-de-Briques. Il est à remarquer que les anciens l'appellent constamment le Pont de le Brike ou de le Bricque, depuis la charte communale de Boulogne de 1278, où il est nommé pour la première fois, jusqu'au procès-verbal de la réformation des coutumes du Boulonnais en 1550, en y comprenant les énonciations du matreloge d'Outreau, du terrier de Turbinghen, du terrier de Saint-Wulmer, etc., etc. Or, le Brike, dans l'ancien langage teutonico-saxon de nos contrées, ne signifie pas autre chose que le Pont (anglais Bridge, allemand Bruche, flamand Brugge), et nous nous trouvons ici, je crois, en présence d'une tautologie. On a dû dire d'abord, d'une manière absolue, le Brike, le pont, parce que c'était là, à l'intersection des voies romaines, le premier passage d'une rive à l'autre, au-dessus de la rivière puis, quand l'ancienne langue se trouva oblitérée, et que le mot Brike n'offrit plus de sens à l'oreille, on joignit ensemble les deux idéesqui,réellement n'en font qu'une,etl'on dit Le Pont de le Brike, aujourd'hui devenu le Pont-de-Briques. Sa construction première, d'après un ancien manuscrit, n'eut pas seulement pour objet, de faciliter les communications, mais elle fut faite principalement pour « arrester les desbordemens de la mer (1). On est, en effet, unanime à dire qu'avant l'éta(1) Ancien document, dans le ms n° 9612, folio 231, de la coll. Du Chesue àlaBibl. nat.


blissement des barrages éclusés du port de Boulogne, la marée remontait jusqu'au Pont-de-Briques avec la violence et la furie d'un cheval fougueux. C'est pourquoi, quand on eut transformé en prairies fertiles toute l'étendue du Hable d'Audisques, on éprouva le besoin de les protéger contre les effets désastreux des inondations salines, et l'on éleva au travers de la rivière la chaussée et le pont qui devaient servir de barrière aux ébats de l'Océan.

La seigneurie du Pont de-Briques appartenait en 1550 à Robert de Montmorency, chevalier, seigneur de Wismes. Plus tard, le château qui en était le chef-lieu devint l'apanage de la famille Du Quesne de Cloche ville, dont les derniers représentants reposent sous les dalles d'un caveau monumental dans le cimetière de la paroisse. On sait que Napoléon I8r, pendant l'organisation des camps de Boulogne, en 1803 et 1804, habita le château du Pont-de-Briques., où il avait établi son quartier général. Une foire, dont l'époque de l'établissement ne m'est pas connue, se tient au Pont-de-Briques le 3 novembre.

Le Pont- Feuillet, hameau qui doit son nom au pont établi sur larivière d'Echinghen.pour le passage de la route Nationale. C'est le siège de l'ancien fief de Waincthun, si souvent associé dans les titres féodaux avec celui d'Hocquinghen. On a trouvé en 1860, à peu de distance du Pont-Feuillet, un cimetière mérovingien dont une trentaine de tombes ont été effondrées brutalement par des ouvriers ignorants. Le petit nombre d'objets qui ont été recueillis, a trouvé un asile au château de M. Bergonzy. J'ignore ce qu'ils sont devenus depuis la mort du propriétaire. Une fouille régulière, entreprise par les ordres de l'ancienne administration du musée, n'a amené d'autre découverte que celle d'une tombe de femme(3 mai 1860). J'en ai rendu compte dans mes Quatre cimetières mérovingiens du Boulonnais. 3" La Tour d'Hocquinghen est le nom d'une ferme, située dans la vallée du Pont-Feuillet, propriété de M. le Dr Gros; mais ce nom n'est plus guère connu du vulgaire et ne se trouve que dans lestitres.C'était un fief et une seigneurie, qui fut incorporée à la vicomté d'Isques en 1675.


svniit.

Le bourg de Samer, simple village de l'ancien Boulonnais, s'est acquis, depuis qu'il est devenu chef-lieu de canton, l'importance d'une petite ville. C'est un lieu tranquille et agréable, sur le penchant d'un côteau qu'échauffe le soleil de midi. Les maisons y sont élégantes et correctes, groupées autour d'une place assez vaste, sur laquelle autrefois les nombreuses dililigences qui faisaient le service des voyageurs entre Paris et Boulogne répandaient une animation extraordinaire. La création du chemin de fer du Nord, en déplaçant l'axe dé cette circulation, avait dépossédé Samer du bénéfice de tout ce mouvement mais l'ouverture de la voie du Nord-Est est venue rendre à cette localité sa prospérité première, en lui offrant des communications faciles sur tout le réseau industriel de la contrée. Outre le groupe d'habitations qui forme le noyau central de la commune, Samer possède un territoire rural extrêmement étendu, qui ne comprend pas moins de 1678 hectares. Sa population totale était de 2,056 habitants lors du recensement de 1876. Il s'y tient un marché hebdomadaire le lundi de chaque semaine, un franc marché le troisième lundi de chaque mois, et quatre foires d'un jour dans le courant de chaque année, les 19 mars, 20-23 juillet et 14 septembre.

Les origines du bourg de Samer remontent haut dans l'histoire. On le connaissait au commencement du VIle siècle sous le nom de Silviacus, mot hybride, composé d'un radical latin et d'und terminaison gauloise, signifiant pays des bois. C'était, en quelque sorte, une extension de la forêt de Boulogne, coupée çà et là de clairières et d'éclaircies, où se trouvaient des cabanes habitées par une population qui faisait la chasse aux animaux sauvages. Quoique perdus, pour ainsi dire, au milieu des buis-


sons et des broussailles, les hommes de cette localité avaient reçu la visite des missionnaires de l'Evangile. Ils étaient chrétiens et peut-être leur conversion remontait-elle à la prédication de saint Victrice dont l'historien nous dit qu'il avait peuplé d'églises les bois et les rivages de la Morinie (1).

Au moment dont je parle, c'est à dire avant l'épiscopat de Saint Omer, et vers la fin du règne de Clotaire II, une famille de race franque, composée du père et de la mère nommés Walpert et Doda, et de leurs deux fils, WalmereX Wulmer, vivait sur le territoire de Sdviacus, dont la plus grande partie était leur propriété. Or, il arriva que Wulmer, s'étant vu ravir par un compétiteur la gracieuse Osterhilda qu'il s'était promise comme fiancée, se dégoûta du monde et s'alla réfugier dans l'abbaye de Hautmont, que S. Maldegar venait de fonder en Hainaut.C'était aux environs de l'an 650. Après s'y être rompu aux exercices de la vie monastique, il y apprit à lire, fut fait prêtre, et s'enfuit ensuite dans les bois, emportant sur son épaule une hache de pionnier et un sac contenant les objets nécessaires à l'exercice du ministère sacerdotale ministerium sacerdotale et bipennem. Quand il eut pendant un certain temps pérégriné de place en place, logeant dans le creux des arbres et prêchant l'Evangile, il revint dans son pays,où son frère, dans une de ses excursions de chasse, le rencontra caché au fond de la forêt touffue qui formait sa part de l'héritage paternel. Sa mère vivait encore. Reconnu par ses parents qui le secoururent dans sa détresse, il résolut de fonder, à son tour, un monastère d'hommes dans sa propriété allodiale, in allodio suo, et bientôt ses prédications lui attirèrent un grand nombre de disciples, auxquels il bâtit des cellules auprès d'une église qui fut dédiée à la vierge Marie et à l'apôtre saint Pierre (2). On y travaillait encore à la fin de l'an 688 ou au commencement de l'an 689, lorque ('œadwalla, roi de Wessex, passant par Samer pour se rendre à Rome, laissa au (1) Ubi quondam cleserta slloarum ac littorum intuta advenee bârbari fréquenta ban nunc sanctorum chori urbes, opplda, silvas ecclesiis celebrant. (S. l'aulini Ep. xviii).

(2) Les moines de Samer faisaient r&monter la construction de cette église à l'an 668.


pieux fondateur une somme de trente sous d'or, applicable à la décoration de ce monument (1).

Non content d'offrir aux hommes cette retraite sacrée, le pieux anachorète établit, en outre, pour les femmes, une autre maison dans le voisinage, et il leur- donna pour supérieure sa nièce Héremberthe. Lui-même prenait soin des deux monastères et pourvoyait à tous les besoins de ses enfants spirituels. On ignore l'époque précise de sa mort.que l'on rapporte par conjecture à l'an 710. C'était, disent les anciens martyrologes, un homme d'une sainteté admirable; et nous trouvons son nom associé à celui des plus illustres, parmi les ouvriers apostoliques qui ont travaillé à l'évangélisationde la France. Les annales Védastines, rédigées aux environs de l'an mille sur des documents de date antérieure, célèbrent sa réputation et le mettent sur le même rang que saint Bertin et saint Riquier (2), avec saint Aubert de Cambrai, saint Orner de Thérouanne, etc., etc. Le rédacteur de la vie de saint Augustin de Cantorbéry s'exprime à peu près de même manière (3).

Malheureusement, tandis que la plupart des établissements monastiques ont conservé des cartulaires se trouve consignée leur histoire, l'abbaye de Samer n'a pu nous léguer d'autre enseignement que la vie et les miracles de son saint fondateur. En dehors de là, un silence absolu se fait sur les vicissitudes diverses qu'elle put avoir à subir jusque dans le cours du XIe siècle. Tout au plus savons-nous, par un document légendaire, fabriqué vers l'an 1314 et rempli de faits controuvés, que cet antique monastère fut détruit par les Normands, durant l'effroyable cataclysme dont la France entière fut victime au IXe siècle (4).

(1) Sur le voyage à Rome du roi Cœadwalla, son baptême par le pape Sergius, et sa mort arrivée le 30 avril 689, voir W.-B. Mac CaLe, A catholie history of England, Londres, 1847, vol. I, pp. 469, 470. (2) Bertinus abbas in Sithiu, Vulmarus in Bolonia, Richariusin Centula (p. 383).

(•<) Généalogie fabuleuse des comtes de Boulogne.

(4) E!mhnm: Ffixt. mon. S. Auq .Cantuar p. 210, sous l'an 740. Le pas- 1, sage est emprunté au récit des miracles de S. VaastfA.cl.SS. ftebr., I, p. 816).


Plus tard,en 1026, le cartulaire de Saint.Bertin nous fait connaître l'existence d'un abbé de Samer, Alfride, dont le règne fut de longue durée, puisqu'en l'an 1052 il était présent à la cérémonie de l'invention et de la reconnaissance du corps de saint Omer (1). L'abbaye s'était donc relevée de ses ruines, sans que nous sachions ni quand, ni comment cette résurrection s'est opérée. Meyer y fait intervenir, sous l'an 940, le grand restaurateur des monastères du Nord, saint Gérard, abbé de Brogne mais je ne vois pas que cette opinion, enregistrée par Luto, soit appuyée sur aucun témoignage formel des anciens auteurs. Tout ce qu'il y a de certain, c'est que les comtes de Boulogne, en particulier le comte Ernulphe, avaient contribué au relèvement de cette maison religieuse par leurs libéralités et leurs privilèges. Lambert d'Ardres, qui s'est fait l'écho des traditions de son époque, nous apprend que ce prince, improprement nommé Ernicule, ou Hernequin, y fut inhumé avec ses deux fils, Arnoul II et Eustache Ier. C'était, du moins, le bruit qui courait de son temps (2). La généalogie fabuleuse va plus loin. On y lit que Guis-à-le blance-barbe, dont on fait un fils du comte Régnier, « dona à l'église de Saumer-u-bos en aumosne por s'ame, de « l'assentement et de l'otriance de ses hoirs, tote le tere d'Estre« hem et tote le tere de Fossemes et tote le tere de le Haie-enCampagne; que le comte Gaufrois, petit-fils de Régnier, donna d^ son côté à la même église Fouhem et Couloigne en « aumosne » et que le comte Eustache-aux-grenons y donna de même la terre de Cluses, « pour le luminaire des lampes; » mais tout cela gagnerait beaucoup à être éclairé par des documents diplomatiques.

Pour moi, je n'en veux retenir qu'une chose c'est l'intérêt profond que les comtes de Boulogne portaient à ce monastère qui reçut la dépouille mortelle du mari de sainte Ide, ainsi que le constatent le texte formel d'une charte de son fils et l'asser(1) Car* sith., p. 176. Mém. de la Soc. des Ant. de la Mor., t. IV, p. xxxv, parmi les pièces justif. d'un Mora. de M. L. de Givenchy. (2) Apud S. Vulmarum de nemore vel de Silviaco sepultus esse dicitur (Cap. xv).


tion positive du moine du Wast, auteur de sa vie (1). Il est vraiment incroyable que les auteurs de l'Art de vérifier les dates aient bronché sur ce point. Quant aux autres comtes, ancêtres d'Eustache II, la généalogie fabuleuse dit qu'ils y furent également ensevelis, en notant particulièrement le faitpour Gui-à-lablanke-barbe et pour sa descendance, savoir, « li quens Gau« frois, li queus Baudouins de Flandres ses père, li quens Eus« tasse-à-1'Œil, sen frère, li queus Eustasses -as-grenons et li « quens Lambers ses frère, qui fut quens de Lens et d'Aube« marie. »

Nous ne savons pas quel fut le successeur immédiat d'Alfride sur le siège abbatial de Samer. Cette maison religieuse était alors dans un état moral qui laissait à désirer. Les moines vivaient dans le désordre et l'insubordination. Il ne faut pas oublier que c'était dans le dernier quart du XIe siècle, à la veille des Croisades. L'évoque de Thérouanne Gérard, l'archevêque de Hcims Renaud du Bellai, supérieurs de la communauté, crurent trouver un remède à la situation, en choisissant pour abbé un nommé Lantfride, moine du Bec en Normandie; mais cette mesure ne fit que compliquer les affaires. Lantfride n'accepta qu'avec répugnance le gouvernement des moines de Samer, et ceux-ci lui opposèrent un compétiteur dans la personne d'un nommé Héribert. Il est difficile de comprendre quelque chose à cette complication. On a deux lettres de saint Anselme, l'une antérieure, l'autre postérieure à l'année 1093, qui sont à la louange de Lantfride (2). Pour qui connaît les relations du saint archevêque de Cantorbéry avec sainte Ide et ses fils, il semble que ce soit une recommandation en faveur de ce religieux. Pas du tout Une lettre du pape Pascal II, écrite à l'évëque d'Arras Lambert de Guines, nous apprend, sous la date du 25 avril 1104, que Lantfride fut chassé de son monastère par le comte Eustache III, partisan d Héribert; et comme le moine dépossédé, porteur d'une lettre du chapitre de Thérouanne, était allé demander (1) Charte de 1107 (Gall. christ., t. X, instr., col. 396)- Vit. BIike, ul 12.

(2) S. Anselm. Ep. II, 49, III, 3 (Migne, CLVIII, 1204, CLIX, 58).


justice au Saint-Siège, le pape chargea l'évêque Lambert de faire une enquête à ce sujet, de concert avec Jean de Commines, évêque de Thérouanne (1).

Quel fut le résultat de l'information à laquelle se livrèrent les deux prélats, on ne le sait point. Il est seulement probable que les deux compétiteurs furent déposés; car trois ans après nous voyons le comte Eustache, d'accordavec l'évêque de Thérouanne et l'abbé de Saint-Bertin, soumettre l'abbaye de Samer à la juridiction de saint-Hugues, abbé de Cluny, ce qui termina pour toujours le différend (2).

A partir de ce moment, nous entrons en pleine lumière sur les destinées de l'antique abbaye boulonnaise. En effet, les comtes de Boulogne, Eustache III en 1112 et 1113, Etienne de Blois et sa femme Mathilde, en 1141 et 1145, Ide de Boulogne, veuve de Berthold de Zehringhen, leur petite-fille, en 1189, Renaud de Dammartin, quatrième époux de cette dernière en 1210 expédient en faveur de cet établissement des chartes de protection et de privilège, en même temps que Milon de Thérouanne en 1153, les papes Alexandre III (1173), Célestin III (1193), Innocent III (1199-1211) donnent le détail des propriétés dont elle jouissait et les mettent sous la tutelle des Saints Apôtres. Nous y voyons que l'abbaye de Samer possédait des villas, ou seigneuries,dans l'arrondissement de Boulogne à Berquen et au Renard sur Outreau, à Condette, Coulogne, Fouhen sur Hardinghen, à Halinghen, Hesdin-Labbé, Menneville, Menty, Pelincthun, SaintMartin-Choquel et Campagnette, Vieil-Moutier et La Calique; dans l'arrondissement de Montreuil, à Bernieulles, à Bezinghen et à Frencq. Elle avait des colons censitaires et certaines parties de terres labourables à Cluses, à Echinghen, à Hermerengues, à Hokinghen ou Saint-Léonard, et jusque dans l'arrondissement de Saint-Omer, à Réclinghem et à Upen. Ses titres lui attribuent la possession de trente maisons à Etaples. Nombre de seigneurs lui avaient donné des alleux en pleine propriété. On (1) Baluze. Analecta, t. V; Bibl. cluniac., p. 540 (Migne, CLXIII, 1£7 et CLXII, 673).

(2) Quelques chartes de l'abbé de Samer, I.


remarque ceux de Renier Caval à Alembon, d'Oilard de Bezinghen à Capelle-sur-la-Lys, d'Hatton de Ferchenes à Ferques, d'Huguss de Selles à Hermerengues, d'Arnoul de Longueville à Isques, de Robert Cringeth et de Gauthier Crolle à Neufchâtel, de Faramus de Tingry à Pelincthun, de Roger de Caïeu et de Gila sa sœur à Lottinghen, d'Hugues de Colembert et d'Hugues de Quectresques à St-Etienne et à Ecaut, sans parler de ceux de Giraud de Bécourt à Wicquinghem. Elle avait des redevances en blé froment à Herbinghen et à Saint-Tricat, une bergerie dans la terre de Merch, des pêcheries à Coulogne, qui ont fait l'objet d'une curieuse transaction conclue avec l'abbaye de Saint-Bertin en 1208, des redevances sur les salines d'Oye, des marais pour l'extraction de la tourbe dans le voisinage de Guînes, des rentes en argent à Baincthuo, Boulogne, Bouvelinghen, Camiers, Journy, Seninghem et autres lieux. Ses possessions s'étendaient jusqu'en Angleterre où elle jouissait de l'église de Fobinch et de la dîme de Ruiwale.

Les comtes de Boulogne avaient exempté les religieux de cette abbaye, ausst bien que leurs mandataires, de tout droit de travers, de péage, et de redevance coutumière dans l'étendue de leur domaine; mais ils s'étaient réservé le droit de chasser le gros gibier (majorem feram) sur les terres de l'abbaye. C'est-là, sans doute, ce qui a donné naissance à la légende des cerfs de Samer. On raconte, en effet que chaque année, une biche venait avec son faon assister à la procession de la Sainte-Croix, d'autres disent du Saint-Sacrement. Après la cérémonie, la biche retournait dans les bois, et le faon restait au monastère où l'on en faisait un festin succulent; mais les Samérois ayant un jour eu la cruauté de massacrera la fois la biche et le faon sur une pierre que l'on montre encore, et qui depuis ce temps-là conserve visiblement la trace du sang de ces pauvres animaux la biche ne revint plus l'année suivante. Plus tard, les comtes voulurent aussi se réserver la chasse des oiseaux de passage (francas aves) et il y eut contestation à ce sujet en 1292 devant la cour du Parlement (1).

(1) Olim, t. II, p. 339, n- XI.


Nous ne pouvons passer sous silence ses privilèges ecclésiastiques, notamment le patronage qu'elle exerçait sur les autels d'Auchy-au Bois, de Bailleul-aux-Cornailles, de Bonuingues lezCalais, de Carly, Coulogne, Frencq, Hesdin-Labbé, Lacres, Menneville, Saint-Martin-Choquel, Sainte-Gertrude, Servin, Tingry, Valhuon, Verlincthun, Vieil-Moutier, Wierre-au-Bois, auxquels elle joignit plus tard ceux d'Ambleteuse et de Bazinghen; puis ses dîmes, d'abord celles qui sont mentionnées pour la première fois en 1173, mais qui lui appartenaient antérieurement pour la plupart, Alincthun, Bazinghen, Bellebet, Bernieulles, Dennebreucq, Pelincthun, Questrecques, Sequières, Tingry, Verlincthun, Wirwignes, ensuite celles qu'elle acquit à l'occasion de la troisième Croisade, telles que Bezinghen, Boursin, Dalles, Frencq, Hubersent, luxent, Sainte Gertrude, SaintRiquier, Waringueval, etc. Je ne comprends pas dans cette ônumération la dime des oillas, ou des localités dont l'abbaye avait la seigneurie directe; car, la dîme étant seigneuriale, plutôt qu'ecclésiastique, l'accessoire suivait le principal.

Il ne faut pas omettre de dire que, dès le XIIe siècle, l'abbaye e de Samer fut assez florissante pour envoyer des colonies au dehors, témoin ce" prieuré de Bailleulet, aujourd'hui Barlet, hameau de Bailleul-aux-Cornaillès, dont l'existence remonte, diton, à l'an 1122. Il en est parlé dans les bulles pontificales de 1193 et de 1199. Le P. Ignace nous apprend dans ses Mémoires du diocèse d'Arras (t. III, p. 280) que l'abbaye-mère y entretint des religieux jusque vers l'an 1640, époque à laquelle ils durent quitter le pays à cause des guerres (1).

Tel est, en un tableau sommaire et rapide, l'état des possessions de l'abbaye de Samer durant le cours de cette glorieuse période du XII8 siècle, qui fut une ère d'incomparable prospérité pour l'Eglise chrétienne dans nos contrées du Nord. Les chartes qui nous en donnent le détail reconnaissent, en outre, aux religieux du monastère et aux hommes qui habitent sur leurs terres un certain nombre d'immunités et de garanties qui (1) Dict. du Pas-de-Calais, arr. de St:Fol. t. 1, p- 65.


les plaçaient en dehors du droit commun. On en trouvera l'indication dans l'introduction que j'ai écrite pour le cartulaire de cet établissement (tome XII des mémoires de la Société Académique). Il me paraît inutile d'y revenir ici, mais je ne puis me dispenser de dire un mot de ce que ces documents contiennent relativement à l'histoire du bourg.

Nous voyons dans les chartes que cette localité avait alors perdu son ancien nom de Silviacus, pour prendre le nom du saint, aux vertus et aux miracles duquel elle devait son illustration. Le diplôme d'Eustache III de l'an 1107 est daté Actum apud Sanctum Vulmarum, « fait à Saint-Wulmer, » et la charte de 1113 nous parle de la Villa Sancti Ulmari, « le village de Saint-Wulmer. Cette dénomination, contractée dans la prononciation usuelle, a fait en latin Saulmerium, en langue vulgaire Saumer, Sammer et définitivement Samer. On a dit quelquefois, en souvenir de l'appellation primitive, Samer-au-Bois, traduction de S.Vulmarus de nemore, pour distinguer l'abbaye rurale de son homonyme boulonnais, S. Vulmarus de Bolonia. Le village de Samer, qui avait groupé ses habitations autour des bâtiments de l'abbatiale, avait acquis, dès l'an 1112, assez d'importance pour qu'on y tînt une foire annuelle (forum) dont l'abbaye percevait les droits à son profit. Le pape Innocent III, en 1199, fait aussi mention d'un marché (mercatum), et il parle du droit de tonlieu qui y était attaché. Dans une bulle subséquente, en 1211, il confirme l'obligation où se trouvaient les vendeurs de payer des droits de vente (solvere vendam) à l'abbaye, pour toutes les transactions qui se faisaient durant la foire de Samer (m foro Sancti V ulmari), à moins que ce ne fussent des clercs ou des chevaliers,lesquels en devaient être exempts. Cette foire se tenait le jour de l'Exaltation de la Sainte-Croix (14 septembre), et elle est encore aujourd'hui très fréquentée. Le territoire rural qui entourait l'Area (1) où le saint fondateur avait établi son abbaye devait être dans un état de défrichement assez avancé, dès le XIIe siècle. L'ensemble des bois qui (1) Area ou Ilarea,est le nom sous lequel l'abbaye de Samer fut connue dans les premiers temps.


en couvraient jadis la surface s'était fractionné en bosquets divers, dont l'énumération se fait séparément dans les chartes. Nous y trouvons mentionnés, en effet, le bois de l'Eperche, ceux de Vurmesberk, de Sainte-Croix, de Lesdres, d'Hesdin-Labbé, des côtes de Menty, de la Calique etc.; mais la hache que Saint Wulmer avait léguée à ses disciples travaillait chaque jour à les abattre, pour en livrer le sol à l'agriculture. La preuve en est dans la chronique d'Andres, où nous lisons que l'abbé Itérius, vers l'an 1197, fit-venir des forêts de l'abbaye de Samer, sur des charrettes et des chars à quatrechevaux,une immense quantité de bois de charpente, destiné à la construction de l'infirmerie du monastère (1).

Les abbés qui gouvernèrent la colonie monastique à laquelle toute cette contrée est redevable du bienfait de la civilisation chrétienne, furent, après Alfride, Héribert et Lantfride, Baudouin Ior, cité dans diverses chartes de 1122 à 1135 (2); Guillaume Ier, signataire d'une charte de S. Josse sous le comte Etienne Henri Ier, dont on trouve le nom en 1142; Baudouin II mentionné en 1142 et 1145 Onoard, témoin d'un acte de Milon Ier pour l'abbaye de Saint-Amand; Pierre I^dont il est parlé dans plusieurs chartes de 1165 à 1188; Gerbodon, son successeur dès l'an 1192, régnant encore en 1210; Thomas Ier (1214); Erebald (1219); Guillaume II (1220-1226); Baudouin III (1239); Jehan Gales (12..); Robert Ier, dont le trésor des chartes d'Artois possède une attestation datée du 29 décembre 1293 (3); Thomas II (1298-1321); Gauthier de Gamaches, moine de Cluny, mort à Paris le 14 octobre 1337, inhumé avec une épitaphe dans le prieuré de Saint-Martin-des Champs Pierre II (1377-1378) Pierre III, dit de le Planque (8 avril 1434); Louis Ier, dit d'Oignies, qui fut fait abbé de Gembloux (mai 1440); Robert II, dit de la Viéoille, religieux de Saint-Bertin (4) Henri II, dit de (l)Chron. Andr., p. 827,

(2) Gall. christ., t. X, col. 1594-1598.

(S) Chart. d'Art, A 38. Le Gall. christ. insérè ici un 18' abbé nommé Boudouin IV, qui est inventé de toutes pièces.

(4) Les abbés de S. Bert., t., 1er, p. 268. Le Gall. christ. l'appelle Robert de Weiermille, mauvaise lecture du latin Veteri villa.


Monthery (1485); Adrien de Framezelles, mort en 1509 abbé de S. Lomer-le-Moutier, après avoir résigné à Charles de Framezelles son parent (27 juin 1504); et enfin Pierre IV, de la famille Disque, dernier abbé régulier, qui fut titulaire de N.-D. d'Arcisses au diocèse de Chartres, ainsi que de S.-Jean- au-Montlez- Thérouanne.

L'abbaye, à cette époque, était bien déchue de sa grandeur première. On venait de traverser des siècles malheureux. Tout le pays avait été sans cesse ravagé par les guerres. Les pauvres moines, pour se défendre, furent obligés de transformer leur pacifique retraite en une place forte. Je me la figure ceinte de murs crénelés, avec des tours percées de meurtrières et couronnées de mâchicoulis. En 1373, on y logeait un capitaine nommé Robert des Jardins, qui avait sous ses ordres dix-huit arbalétriers (1), troupe suffisante pour résister à un coup de main, mais incapable de tenir contre une armée. Edouard III d'Angleterre avait détruit le bourg, lors de son passage dans le Boulonnais après la bataille de Crécy (2), et les comtes de Warvic et de Kent « l'ardirent » de nouveau en 1412 (3). On n'avait pas le temps de respirer. Au mois de mai 1435 d'autres bandes d'incursionnistes se répandaient à travers le pays, semant partout la dévastation et l'incendie. Bois-Saumer, dit le chroniqueur, c'est-à-dire Samer au-Bois, fut encore une fois livré aux flammes (4). Que n'eut-il pas à souffrir des partis anglais qui sans cesse couraient la campagne On se défendait toutefois vaillamment, f.t l'histoire enregistre avec complaisance les exploits de ce bailli de Samer (n'était-ce pas un Disque?) qui en 1524 sut réunir un corps de 1,200 hommes, avec lesquels il seconda fort heureusement les opérations militaires du seigneur de Pont-Remy contre les impériaux (5). Malgré tout cela, la paix (1) Establies de Picardie, mss. de Dom Grenier, t. ccxxx.

(2) II. de Rosny, Hist. du Boul., t. II, p. 276.

(3) Le Fèvre de s. Remy, édit. de M. Fr. Morand, t. I, p. 69. (4) Vallet de Viriville, Hist. de Charles vii, t. II, p. 339,

(0) II. de Rosny, t. III, p. 73, 74.


ne venait jamais rendre pour longtemps la sécurité àla province. En 1544 nous retrouvons les Anglais s'attaquant une fois de plus, la torche à la main, aux bâtiments du bourg et de l'abbaye (1).

Après la prise de Boulogne, en cette même année 1544, ce fut bien pis. Pourtant, il y a lieu de suspecter d'exagération le bourgeois de Saint-Omer qui veut comprendre l'abbaye de Samero-bos parmi le nombre des établissements religieux dont les murailles étaient abattues, ou bien il faut admettre qu'on les releva fort vite; car la maison continua d'être habitée. Je le sais par le témoignage d'un curé-doyen de Saint-Nicolas de Boulogne, Richard Stevenois, qui était notaire apostolique et qui y alla instrumenter le 23 mars 1558. Il est vrai qu'il ne trouva personne au logis, si ce n'est un chapelain nommé Pierre Fourcroy; mais le lieu n'était pas désert. Les moines étaient sortis, qui d'un côté, qui de l'autre, étant allés les uns à leurs affaires, les autres à la chasse (abivisse venatum); ils n'avaient pas d'heure fixe pour célébrer leurs offices, et l'on ne pouvait dire le moment où ils rentreraient. Le doyen fut donc dans l'impossibilité de les aborder en personne, et il ne voulait pas s'attarder dans le pays, parce qu'il n'y pouvait trouver un logement sûr, à l'abri des fréquentes incursions qu'y faisaient les ennemis du royaume. Il ajoute qu'il avait, outre cela, beaucoup de malades dans sa paroisse, ce qui le déterminait à rentrer à Boulogne le jour môme (2). Ces détails peignent la situation sous tous ses aspects, et il n'est besoin d'aucun commentaire.

Le bailli de Samer, chargé de rendre la justice aux nombreux tenanciers de l'abbaye, était alors François de Ruberghes, qui comparut en cette qualité aux élections de 1560 avec Jehan de Raullers, son lieutenant, Jehan Poterie, marguillier de la paroisse, dom Jacques Lescuier, un des religieux, représentant son abbé pour lors malade. Comme on le voit, le bailli, fonctionnaire de justice, exerçait son droit de comparution conjoin(1) Bulletin des Ant. de la Mor., 1855, p. 1U.

(2) Reg. G I, du fonds ecclés. des arch. comm. de B.


tement avec le délégué de la communauté civile, le marguillier, dont les pouvoirs étaient distincts; mais cependant il n'existait rien alors, à Samer, qui ressemblât à ce que nous appelons aujourd'hui une municipalité. L'autorité du bailli y était prépondérante. C'était ordinairement lui qui se rendait aux assemblées générales du pays Boulonnais pour délibérer sur les mesures à prendre dans l'intérêt de la province, ainsi qu'on en a la preuve en plusieurs endroits du Livre vert de l'échevinage de Boulogne (1). Avec nos habitudes actuelles de centralisation, nous avons peine à concevoir comment s'opérait le fonctionnement de l'administration, dans un temps où le pouvoir central manquait absolument de représentants au milieu d'un groupe de population aussi considérable que l'était celle de Samer. Il est certain que les choses n'y marchaient pas aussi expéditivement qu'aujourd'hui, et que le gouvernement y rencontrait parfois de grands embarras. Ainsi, par exemple, la population de Samer ayant pris part à la révolte qui eut lieu en Ki62 dans le Boulonnais, à l'occasion de ce qu'on appelait le Quartier d'hiver (2), ce bourg se trouva au nombre des localités où la justice royale éprouva le besoin de faire une démonstration répressive. Eh bien, lorsque Louis de Machault, commissaire député pour faire exécuter le jugement rendu le 27 juillet 1662 contre les coupables de lasédition,se présenta le 4 août suivant dans le bourg de Samer, il ne trouva personne pour le seconder dans sa mission. Ayant fait mander le curé, il apprit de lui que les officiers de justice venaient de s'absenter avec la plupart des habitants, et il en fut réduit à convoquer lui-même ce qui restait de notables dans la paroisse, pour leur donner lecture du jugement avec injonction expresse de tenir la main à son exécution (3). Les cloches devaient être dépendues pendant un an, les foires et les marchés étaient interdits, une pyramide devait être construite (1) Reg. 1013 aux 30 mai et 29 octobre 1575, 9 juin 1604 etc. (2) On lit dans les registres de catholicité: « Le 20 juillet commença l'émotion populaire contreles Cartiersdans Samer, par des messieurs de Wierrp-Fffroy, de Qneaque et de Questrecque et autres.» (Communication de M. Maillard-Géneau).

(3) Ern. Deseille, éphémérides de la Saison, 4 août 1881.


sur la place, pour rappeler le crime des séditieux et la vengeance du roi. Cela fait, le commissaire se retira, sans que rien lui permît de sévir contre le bailli et ses hommes de fief, pour refus de service, alors qu'il s'agissait d'un ordre du souverain! 1

Au reste, tout n'est pas dit sur cette horrible répression de la guerre d0 Lustucru, dorït le souvenir importunait encore la conscience de Louis XIV, à ses derniers moments. Le peuple se soumit, mais il pleura ses morts et les honora. Le 9 août, à Samer même, on enterra solennellement dans la chapelle de NotreDame de l'église paroissiale le corps de Sébastien Darsy, sieur du Painaisme, lieutenant du bailliage, un des révoltés que Louis de Machault avait faire pendre et étrangler sur le marché (1). A cette occasion le curé consigna sur son registre une protestation qu'on raya plus tard, mais qui resta lisible. JI y disait que le défunt avait i péry malheureusement pour avoir vouleu soutenir l'intérest du bourg et du pays. >

Nous trouvons dans l'Almanach de Picardie pour 1789 la composition du bailliage seigneurial de Samer, l'un des plus importants qu'il y eût dans le ressort de la sénéchaussée. C'étaient les sieurs Duhamel, bailli; Sauvage, Dunan, Durieux, Clément, Lépine, De Guînes, hommes de fief; Grésy, procureur fiscal; Langagne, greffier, avec deux sergents, deux avocats, trois notaires et deux huissiers.

On y comptait en 1789 environ 2,000 habitants, qui se livraient aux travaux agricoles. La seule industrie qu'on y signale est la fabrication de la chaux, des tuiles et des poteries. L'Almanach de 1790 y indique la présence de deux chirurgiens, un bureau des postes, une milice nationale récemment organisée, à la tête de laquelle se trouvaient quatre capitaines, et enfin un Comité provisoire, formé par la voie du scrutin, premier essai de la constitution d'une municipalité locale. Le curé, le prieur de l'abbaye et deux de ses religieux, en faisaient partie, sous la (1) Notes de M. Le Roy de Lozembrune, dans la Revue litt. de B., t. II, pp. 8, 9. Reg. de cath. de Samer.


présidence de l'avocat Le Gressier de Belannoy,député suppléant du Boulonnais.

Les délégués du bourg de Samer pour les élections du Tiers Etat à l'assemblée de 1789 avaient été, à raison des 360 feux de la paroisse, Pierre Duhamel, François-Joseph-Alexis Le Gressier de Belannoy, Nicolas-Honoré Leleuet Jacques-François Langaigne.

L'abbaye, qui était alors en commende, y fut réprésentée par dom Pierre Mouton, prieur, l'un de sept religieux qui habitaient la maison conventuelle (1).

Le premier abbé commendataire avait été François Disque, président aux Enquêtes, protonotaire apostolique, grand archidiacre de Chartres, dont il est parlé dans des actes de 1539 et de 1548. C'est le 28e prélat qui figure dans le catalogue donné par le Gallia Christiana.

Ses successeurs furent

29° Bertin de Mornay de Buhi, doyen du chapitre de Beauvais, 1551, 1555.

30° Antoine d'Estrées, trésorier de la Sainte Chapelle de Paris, mentionné déjà en 1555 et que nous avons vu comparaître à l'Assemblée électorale de 1560, où il porte le titre de protonotaire du Saint-Siège Apostolique.

31° Jean II de la v'eissière de Cantonet, 1569.

32° Jean III, dit du Dois (2), prêtre du diocèse de Rouen,aumônier de Monsieur frère du Roi, bullé le 3 janvier 1579. 33° Nicolas Le Chevalier, qui confère la cure de Samer à un prêtre du diocèse Saint-Omer, nommé Jehan Chrestien, le 19 février 1587.

34° Louis II Gaucher, de 1610 à 1612.

35° Gabriel de Montluc-Balagny, fils du maréchal de ce nom, conseiller et aumônier du Roi (1612-1623).

36° Charles Le Prévost,doyen des conseillers au parlement de (1) Voir la liste nominative insérée dans les Alm. de Picardie de 1789, 1790.

(2) Je prends le nom dans un acte de collation à la cure de Boningues, du 15 mars 1584. Le Gall. Christ, écrit Le Dois.


Paris, bullé en 1623, après avoir permuté avec le précédent. II était en même temps abbé de Bonnevaux, et il agrégea ses deux monastères à la congrégation de S. Maur. En ce qui concerne Samer, cette agrégation fut prononcée le 15 juin 1658 sur les instances de Tévèque de Boulogne, François de Perrochel.Charles La Prévost mourut le 3 juillet 1661.

37° Louis-Auguste de Thou, nommé à la place du précédent, résigna l'abbaye à son frère qui suit, avant d'avoir obtenu ses bulles.

38° Jacques-Auguste de Thou, qui fit acte de jouissance des revenus de l'abbaye dès l'an 1666,ne fut bulléque le 26 juin 1667, à l'àge de quatorze ans, et tint le siège abbatial pendant près de quatre-vingts ans, étant mort à Paris le 17 avril 1746, âgé de quatre-vingt douze ans. Il fut en même temps abbi de N.-D. de Souillac dans le diocèse de Cahors.

39° TanneguyDuchatel, prêtre du diocèse de Tréguier, bachelier en théologie, licencié in utroque, nommé par brevet du 19 juin 1746, bullé à Rome le 16 septembre, prit possession de son titre le 28 du même mois par procuration, renouvela personnellement cet acte le 29 octobre 1747, et mourut en 1778. 40° René des Montiers de Mérinville, vicaire-général de Chartres, et aumônier de la reine Marie-Antoinette, bulle à Rome le 30 novembre 1778, prit possessionle8janvier 1779. Il fut nommé évêque de Dijon le 13 mai 1787, et, après avoir confessé la foi dans l'exil pendant la tourmente révolutionnaire, il mourut en 1829 chanoine de la basilique de Saint-Denis (1).

Les abbés de Samer, qui se qualifiaient comtes, parce que S. Wul mer était inscrit sous ce titre dans la généalogie fabuleuse des comtes de Boulogne, jouissaient d'un revenu qu'on a estimé aux environs de 8,000 livres vers la fin du dernier siècle (2). 11 en restait à peu près autant aux religieux car le partage des biens, des dîmes e: des rentes, avait été fait sur le pied d'égalité. C'était bien peu, en comparaison des richesses que (1) Baudot, Armorial des évêques de Dijon, 1869.

(2) Voir un tableau dressé par M. A. Granier de Cassagnac, dans son Histoire des Causes de la Révolution française, t. I", 1856, p. 269.


possédaient beaucoup d'autres monastères. Aussi, ne faut-il pas s'étonner de ce que les bâtiments de l'abbaye n'offrent pas le caractère de somptuosité artistique dont il y a tant d'exemple dans les anciennes maisons de ce genre. Ce qui en reste aujourd'hui, l'église ayant été détruite, est au-dessus de la vulgarité des maisons particulières; mais c'est tout (1).

Quant à l'église paroissiale de Samer, sous le vocable de Saint-Martin, elle était complètement distincte de l'église abbatiale. M. Louis Chauveau, dans son excellent Guide de la ligne du Nord-Est, la décrit comme un monument dont l'ensemble appartient au style flamboyant, avec des vestiges d'architecture du XIIIe siècle dans la chapelle de la Vierge. On y remarque des fonts baptismaux en pierre grise, maladroitement barbouillés de peinture rouge, qui sont d'une haute époque (2). M. J. M. Richard, archiviste du département, les a dessinés et décrits dans le Bulletin de la Commission des Antiquités (t. V, n° 1, 1879, pp. 41-44); mais il n'a pas réussi à en expliquer tout à fait le symbolisme. Les sculptures qui s'y voient, représentent deux groupes de personnages, dont l'un, le baptême de Notre-Seigneur, est le seul qui soit exactement défini. Le Christ, nu et imberbe, paré du nimbe crucifère, surmonté de la colombe évangélique, est assisté à gauche par un ange qui garde sa tunique, à droite par son précurseur, S. Jean-Baptiste, qui préside à la cérémonie de son baptême. Le deuxième groupe doit répondre au type du premier. Il se compose de trois personnages nus, qui se tiennent, comme on dit vulgairement, bras dessus bras dessous, dans une position assez mouvementée. La figure du milieu est celle d'une femme, les deux autres représentent des hommes qui semblent occupés à maintenir la première, et qui, pour avoir plus de force, ont enlacé leurs bras autour de deux colonnes ou de deux arbres. Près d'eux, et tout à côté de l'ange qui garde la (1) On a le plan et la vue à vol d'oiseau de l'ancien monastère dans le Monasticon Benedictinum publié par feu M. Peignée Delacour. (2) (Voir une note de M. I np%rhamps de Pas dans le Bulletin des Ant.de la M., t. I, 18Ô3, p. 110. L'érudit archéologue asssigne à ce monumont le XI ou le XI' siècle.


tunique du Christ, on voit un pontife portant la crosse et la mître, avec la main levée pour bénir. Evidemment, c'est là une cérémonie chrétienne, soit le baptême, soit l'exorcisme qui lui est préalable; et si l'on veut particulariser le sujet, rien n'empèche d'y voir S. Wulmer baptisant les premiers Simérois dans la forêt de Silviacus. Quoi qu'il en soit de ce dernier point, il suffit de lire l'article consacré par l'abbé Martigny à la symbolique monumentale du baptême dans le Dictionnaire des Antiquités chrétiennes (édition de 1865, pp. 70-71), pour se convaincre du caractère très archaïque de te curieux morceau de sculpture, qui est, je crois, fort antérieur même au Xe siècle. La cure de Samer, qui était d'abord dans le doyenné de Boulogne devint le chef-lieu d'un district séparé, formé aux dépens des doyennés de Boulogne et de Froncq, sous l'un des premiers évêques de Boulogne. Cette nouvelle circonscription se composa des paroisses de Camiers et Lefaux, Carly etjVerlincthun, Condette et Hesdigneul, Crémarest, Dannes et Widehem, HesdinLabbé, Isques, Longfossé, Neufchàtel et Nesles, Samer, Tingry et Lacres, Wierre-au-Bois et Sainte Gertrude, Wirwignes et Questrecques, soit 13 cures et 8 secours.

Le premier ecclésiastique qui ait porté le titre de doyen est Pierre Paulmier, curé de la paroisse depuis 1602, mentionné comme doyen pour la première fois dans le compte de la fabrique de 1623-1624, mort à Samer le 19 mars 1650. Sa commission fut donnée en 1646 à Pierre Anquetin, curé de Wirwignes; mais les curés de Samer en furent encore honorés par la suite et je trouve à citer comme doyens à leur tour, Claude Flahault, curé en 1674, commissionné en 1680, mort en 1699, Jacques Ringot, mort en 1751, et Jean-Baptiste Roussel, nommé curé le 22 mai 1776, commissionné doyen en 1784, exilé pour la foi en 1792, mort desservant de Wierre-au Bois le 22 septembre 1818. Une confrérie de charité sous l'invocation de S. Pierre, S. Adrien, S. Sébastien et S. Roch, avait été établie dans l'église de Samer, au mois de mai 1645, par une bulle du pape Innocent X. Elle était dans l'usage, dit l'Almanach de Picardie, de faire une célèbre procession, de trois ans en trois ans alternati-


vement, à Notre-Dame de Boulogne et à Saint-Adrien de Preures. La dernière s'est faite le 7 juillet 1789. Il y avait, outre cela, dans la paroisse, une confrérie du Saint-Sacrement et une du Rosaire.

D'après le procès-verbal de visite de l'archidiacre Abot en 1715, le maître d'école de Samer étaitalors Sébastien Compiègne, qui n'enseignait que les garçons et qui ne faisait pas les fonctions de clerc de la paroisse. En 1725, son successeur, Pierre Bouchel, cumulait les deux offices, aux émoluments de 191 livres, sans y comprendre la rétribution scolaire et une centaine de francs de casuel. Il y en avait de beaucoup moins bien partagés mais il faut dire qu'on ne le logeait pas et qu'il devait se procurer lui même, à ses risques et périls, le local nécessaire pour tenir sa classe. En 1756, le maître d'école s'appelait Louis Dufour.

Samer avait le rare avantage de posséder une école de filles, qui avait été établie vers l'an 1710 par l'abbé commendataire. On lit dans le rapport adressé à l'évêque de Boulogne, par le curé Jean-Baptiste Blojidel en 1725, que cette école était tenue alors par une fille (l'archidiacre Abot, en 1715, dit une sœur), nommée Jeanne de Guisne, native de Saint-Martin-Boulogne, à laquelle l'abbé de Thou payait cinquante écus, « son bois pour se chauffer et son longement. L'instruction qu'elle donnait était entièrement gratuite. Plus tard-, on la remplaça par des sœurs de la Charité de Nevers, que l'abbé de Thou y fit venir en 1737. Le contrat de fondation, passé à Paris par-devant notaires entre les parties contractantes est du 14 novembre 1736 (1).

Trois sœurs y furent établies,* pour soulager les pauvres malades, les panser, médicamenter et soigner suivant leur institut, sans être obligées néanmoins d'en veiller aucun, ni de sortir de leur maison la nuit, comme aussi pour tenir les petites écoles des jeunes filles et leur enseigner les principes de la religion chrétienne, à lire, à écrire, filer et tricoter. Elles y restèrent (1) Communication de M. Maillard-Géneau.


occupées à ces bons offices jusqu'à ce que la Révolution les releva de leur poste, en les obligeant à retourner dans leur pays, ce qui arriva le 30 décembre 1791.

L'Almanach de Picardie pour 1790 mentionne aussi l'existence à Samer d'une communauté de sœurs de la Providence, dont la supérieure était sœur Thérèse.

L'Aumônerie était un autre établissement dont jouissait le bourg de Samer dans le cours du XVIII8 siècle. D'après le rapport du curé, Sébastien Lagache, originaire de Questrecques, le revenu de l'Aumônerie s'élevait, en 1756, à la somme de 2,400 livres, sur quoi on prenait 600 livres pour la pension des sœurs de la Charité, 78 livres pourl'acquit de trois messes par semaine comme charges de fondations religieuses, 50 livres au clerc d'école pour enseigner gratuitement les enfants des pauvres, 40 livres au chirurgien pour les malades des hameaux, plus les frais d'entretien de la maison et dd l'apoticairerie des sœurs. D'après l'Almanach de Picardie, cette Aumônerie avait une chapelle, appelée l'Eglisette, sous l'invocation de Sainte-Madeleine, où tous les vendredis on disait la messe. C'était un reste de l'ancienne Maladrerie de Samer dont la fondation remonte à une époque inconnue dans le moyen âge.

Les plus anciens documents qui parlent de cette Maladrerie sont une bulle du pape Eugène IV, du 10 décembre 1433, et un arrêt du Parlement du 28 avril 1463. Nous voyons par ce dernier titre, que les administrateurs, à cette époque, n'en eonnaissaient plus l'origine. Ils alléguaient seulement que cette maison avait été établie et dotée par les gens de l'endroit, pour leurs besoins personnels, et ils prétendaient en exclure les étrangers. Un lépreux, qui n'était pas né dans le bourg, s'y étant un jour présenté et n'ayant pu s'y faire admettre, porta sa cause devant le bailly d'Amiens, siégeant à Montreuil, qui condamna les administrateurs à l'y recevoir, attendu sa qualité de lépreux et en considération de ce qu'il y avait vingt-six ans qu'il demeurait à Samer, où il avait été maître des archers du lieu. C'est l'objet de l'arrêt du Parlement, jugeant la cause en dernier ressort (1). (1) Communication de M. Maillard-Géneau.


J'ai trouvé dans un registre des archives nationales les noms de Pierre le Hennuyer, Pierre le Placier et Guillaume le Maire, gouverneurs de la léproserie de Sau Imer, cités dans une autre sentence du Parlement, du l'r février 1501, à propos de l'appel qu'ils avaient fait d'un jugement du sénéchal de Boulogne, relativement à une rente de vingt sols que Jean le Hennuyer avait vendue à cet établissement le 21 juin 1450 (1). On voit qu'en ce siècle-là les procès duraient longtemps.

La chapelle de la Madeleine, située au bas de la rue dite du Brœuil ou du Pont-à-Loques, dans un lieu dit le courtil de l'Aumônerie, a servi de prison sous le premier Empire, et elle a été vendue en 1810 au nommé Antoine Durieux, pour être démolie. Le pont du chemin de fer, sur la traverse de la rue ancienne de Montreuil, est établi dans l'emplacement qu'elle occupait, M. Maillard-Gcneau a recueilli quelques monnaies françaises et espagnoles, ainsi qu'une ancienne clochette, qui paraît avoir servi à l'exercice du culte dans ce modeste oratoire (2). Le bourg de Samer fut désigné en 1766 comme chef-lieu du quatrième des cantons électoraux de l'Administration provinciale du Boulonnais. Ce canton, qui diffère notablement de la circonscription actuelle de la justice de paix, se composait des paroisses de Samer, Bécourt, Bernieulles, Bezinghen, Camiers, Carly, Dannes, Doudeauville,Hesdin-Labbé,, Hubersept, Isques, Lacres, Lefaux, Nesles. Neufchâtel, Par'fenty, Tingry, Verlincthun, Wierre-au-BoiSj Widehem et Zoteux.

Dans l'organisation de 1790 qui dura jusqu'en 1801, le canton de Samer n'eut que neuf communes, qui furent celles de Carly, Doudeauville, Halinghen, Lacres, Questrecques, Tingry, Verlincthun, Wierre-au-Bois et Wirwignes. La circonscription actuelle date du 9 brumaire an X (30 octobre 1801). Hameaux

Bellozanne ou Bellozenne, hameau, ferme et moulin, sur un petit cours d'eau de même nom, qui se jette dans la Liane. (1) Reg. Jugés, X, 136, folio 139.

(2) La cloche de l'Eglisette est maintenant à l'hôtel de ville. Elle date de 1650.


2° Le Breuil, hameau où existe une tombelle de forme ovoïde, présentant une longueur de 50 mètres sur une largeur de 25. On y a trouvé en 1782 un grand nombre de sépultures. Les cadavres y avaient été déposés les pieds à l'est, couchés sur le côté, la tête appuyée sur une main, tandis que l'autre était étendue le long du corps. Depuis lors, vers 1840, le propriétaire du terrain, le sieur Leprêtre-Belloy y a encore découvert une vingtaine de squelettes. Trois blocs de pierre, d'un mètre d'épaisseur sur deux mètres de longueur, ont été rencontrés au sommet dis la tombelle. L'un d'eux en occupait à peu près le centre, et les deux autres, sensiblement plus petits, étaient placés de chaque côté, à quatre mètres de distance (1). Cette tombelle n'a plus aujourd'hui que peu d'élévation.

3° Les Cadeleux, aujourd'hui Les Ecarteleux, terres en rietz qu'un remaniement cadastral attribue maintenant àla commune de Lacres, avec quelques parties sur Samer, étaient autrefois un fief et un domaine de l'abbaye, que l'abbé Jean Du Dois aliéna en 1582. Le Gallia christiana les appelle solennellement Cadeleucorum prœdia.

Conteval, ou Condeval, fief aux Accary, qui le tenaient de l'abbaye avec ceux d'Œufet de Lassus.

5° Le Courtil à Potence, pièce de terre, tenue de l'abbaye à la condition de fournir la potence et d'y conduire avec chevaux et charrette les criminels'qui seraient condamnés à y être pendus par la justice seigneuriale du monastère moyennant quoi, ladite terre était exempte du droit de moutonnage, tonlieu, mort et vif herbage, et ses propriétaires avaient le droit de posséder « coulombier, étalon, taureau, verrat, etc. », sans être obligés à aucune redevance (2).

Le Crocq, L'Eperche, L'Epinoy, L'Etoquoy, Fortmanoir, ou Fourmanotr, hameaux et fermes, souvent mentionnés dans les anciens titres de l'abbaye.

(1) Renseignements transmis, le 18 juillet 1862, à la Soc. d'agr. de B., par M Courtois-Duflégard.

(2) Communication de M. Maillard-Géneau, d'après un ancien cueilloir de l'abbaye.


Lesdres, hameau et ferme, où se trouvait en 1193 un bois nommé Nemus de Sedena, cité dans la bulle de Célestin III, confirmative des propriétés de l'abbaye. Sedena ou Le Sedene, a fait Lesdres par contraction, avec incorporation de l'article initial. Longuereeque, dont le seigneur, Framericus de Langrehega est cité dans des chartes de 1113 et 1135.Eustache de Langrehege signe une charte de l'abbaye de Saint-Josse-sur-Mer en 1218. La ferme de Longuerecque, appartenant à la famille de Bazinghen, renferme une cachette où souvent les prêtres proscrits ont trouvé un asile assuré, sous la garde du fermier Leleu, durant les mauvais jours de la Révolution.

9° La Marbecque, ferme, peut-être le Nemus Vurmesberk des chartes de Samer (1211).

10° Milletrecq, fief, dont je n'ai pu préciser la situation. Gerbodon de Milestirch, signe la charte de 1113, relative à la bergerie de Neuenna. Baudouin de Milestrec est cité dans la bulle de 1199.

11° Le Molirwt, ou le Moulinet, Moyen-Bois, autrefois Moienbos, connu sous cette forme dans le compte du domaine de Tingry de 1458, Le Panèrne, anciennement Penesme, à la même date, dans le même document, Le Pillebois, La Queoallcne, La Ruelle, La Suze, ou Lassus, ferme à M. Ansart du Fiesnct, près du Pont d'Etienfort, La Tesearderie, Le Tournier, Vernicourt, La Vienne, La Zelicque, hameaux, fermes ou fiefs, qui ont un caractère historique dans les annales du pays.

TIll~GRY.

Au Sud-Ouest de la commune de Samer, se trouve le territoire de Tingry, situé en partie dans la plaine, en partie sur les hauteurs qui forment les limites de la Fo^r hr>iHnnna.is«. C'est un pays couvert de bois, comme l'était le vieux Silviacus, d'une


contenance de 1127 hectares, avec des hameaux çà et là disséminés. Sa population n'était que de 358 habitants en 1876. Tingry est un village bien ancien. M. H. Longueville Jones m'a signalé dans le cimetière de la paroisse une base de pilastre romain, employée dans la composition d'un monument funèbre de date récente. Je ne sais d'où provient ce débris. On a fait d'autres découvertes dans les champs qui avoisinent l'anciennevoie Romaine. En 1855, M.Maillard-Géneau,deSamer, y a ouvert un tombeau dans lequel se trouvait une sorte d'assiette en pâte multicolore avec une urne remplie d'ossements calcinés, des vases de verre, des poteries samiennes, une agrafe émaillée se terminant en forme de tête de serpent, des moyens bronzes de Postume, de Trajan-Dèce et de Maximin, des petits bronzes de Claude le Gothique, de Constantin le Grand et de Constant II, une massue en plomb, et des fragments de grandes tuiles à rebord (1). M. Louis Cousin, qui a parlé de ces découvertes dans un de ses opuscules, ajoute que, parmi les médailles qui ont été recueillies dans ces fouilles,il s'entrouve de consulaires, ce que je n'ai pas été à même de vérifier (2). Le nom de Tingry est cité pour la première fois, sous la forme primitive-et probablement gauloise de Tingriacum, dans le cartulaire de Saint-Bertin, vers l'an 830, à propos des donations que le moine Goibert avait faites à son monastère de Steneland. C'est une simple mention, sans détail, de biens qui s'y trouvaient situés, et dont il est parlé encore dans le privilège de l'abbé Adalard, où on lit Tingiaco, le 27 mars 857 (3). Sous le rapport féodal, Tingry n'offre pas de moins lointains souvenirs. C'était une des quatre chàtellenies du Boulonnais, dont l'institution doit remonter au temps des guerres normandes, comme je l'ai dit précédemment en parlant de Belle et de Fiennes. Pourtant, le nom de ses seigneurs n'apparaît qu'au XIIe siècle, à propos d'un chevalier qui paraît avoir joué un (1) Renseignements transmis le 12 juillet 1862 par M. Courtois-Duflégard.

(2) Observ. sur le projet de carte itin. de la Gaule, 1868, p. 15. (3) Cart. Sith., p. 80, 162.


certain rôle dans les annales de notre pays. C'est Pharamus ou Ferrannus de Tingri, l'un des pairs qui signent au bas d'une charte du comte Mathieu de Boulogne en 1161. Il possédait de grands biens en Angleterre, où il est permis de croire qu'il suivit le comte Etienne de Blois. Une bulle du pape Eugène III de l'an 1147 parle de lui, à propos d'une donation qu'il avait faite au monastère de Waverley. D'autres établissements, particulièrement ceux des Templiers, eurent part à ses libéralités, dont on trouve le détail dans le Motiastieon Anglicanum deDugdale(1). Je remarque qu'on l'y appelle constamment Faramus de Boulogne (2), au lieu de Faramus de Tingry. Il me parait avoir appartenu, du moins pendant que quelque temps, peut-être dans sa jeunesse, à l'ordre des Templiers; car ceux-ci, dans une énumération qui nous reste de leurs biens, lui donnent titre de Frère (3).

Revenu en Boulonnais, probablement dans ses vieux jours, il n'oublia pas dans ses libéralités les monastères de son pays natal. L'abbaye de Samer lui fut redevable d'un alieu situé à Pelincthun. Peut-être même est-ce à lui encore qn'elle dut cette dîme de Ruiwale qu'elle possédait en Angleterre, au propre lieu (Riwenhale) où étaient assis les biens donnés aux Templiers. L'abbaye de Saint-Josse, si favorisée par le comte Matthieu, sut gagner de même l'amitié de Faramus, qui lui donna, comme je l'ai déjà dit, la dîme de Sombres, par un acte daté de l'an 1171, confirmé par le comte de Boulogne et par l'évêque Didier de Thérouanne.On a remarqué l'intitulé de cette charte, où le vieil homme de guerre ne craint pas de confesser ses fautes, en déclarant qu'il redoute le jugement de Dieu, à cause de ses péchés Timens de peccatis meis. De la part d'un homme de son temps, c'est un aveu qui dénote une vie orageuse.

Quand Faramus mourut, il laissa une fille, S' by Ile de Tingry, H) T. III, pp. 135, 526, 53C, 532, 913, 953.

(2) La forme latine de son nom dans ces actes est Faramus ou Feramus, Faramusus et Faramusius.

(3Ï C'est ainsi que je crois devoir traduire, malgré l'opinion du P. Le Quien, le texte où on lit Ex dono fruiris Ferami de Bolonia. item, ex dono ipsius fratris Ferami, etc. (Dugdale. ibid., p. 530).


qui avait épousé Ingelram de Fiennes et porté dans cette illustre maison les vastes domaines qu'elle possédait, notamment le manoir de Clopham, dans le comté de Surrey, dont elle avait le titre seigneurial (1). On trouve d'elle dans le cartulaire de Saint-Josse, sous l'an 1219, un acte par lequel elle confirme à ce monastère la dîme de Sombres, en y ajoutant la possession d'un marais, situé près de la Grange que ces religieux possédaient dans la paroisse.

Le château qu'habitait Pharamus, et qui devint ainsi la propriété des sires de Fiennes, a laissé des ruines considérables qui sont les plus pittoresques de toute la contrée. Elles sont situées sur un des contreforts des collines du Haut-Boulonnais, au milieu des bois rabougris qui couronnent ces lieux solitaires. On y distingue facilement la trace des fossés, lu cour d'honneur, les avancées, avec l'emplacement des ponts-levis et des tourelles Il y existe encore deux étages de souterrains, creusés dans la craie et mis en communication l'un avec l'autre au moyen d'un escalier. Le plus profond est une sorte de corridor, de chaque côté duquel sont des caveaux de six pieds de long sur cinq de large, ayant dû servir de cachots ou de refuge, d'autres disent de sépultures (2). Tout le monde s'accorde à répéter que ce château a été construit en 1050 par Eustache-aux-Grenons, puis rebâti au XIIIe siècle par Philippe Hurepel. Je ne puis empêcher qu'on le dise, mais je voudrais qu'on en donnât une preuve, si minime qu'elle fût. Est-ce que les seigneurs de Tmgry n'étaient pas assez puissants pour b.âtir eux-mêmes leur donjon? Comme tous les châteaux-forts du moyen âge, le castel de Tingry eut ses vicissitudes. D'anciennes chroniques racontent qu'il fut rasé et détruit en 1320, à cause de la rébellion de Jean (1) Dans l'intitulé d'une charte par laquelle elle confirme à l'abbaye du Bec la donation que ses prédécesseurs lui avaient faite de una hida terrée inBalgeham,, Sibylle est appelée Sibilla de Tingrio, filia Farami de Bolonia, domina de Clopham (Dugdale, ibid., p. 953).

(2) Rapport adressé en 1845 au Comité historique des arts et monuments par M. E. Latteux.


de Fiennes contre la comtesse Mahaud d'Artois (1). Je ne suis pas sûr qu'on l'ait reconstruit. Il y avait à Tingry un autre château-fort, celui de Maquinghen, dans la plaine, sur l'emplacement de la ferme qu'on appelle aujourd'hui le Château Gris. Le connétable Robert de Fiennes y demeurait dans les intervalles de repos que lui laissaient ces occupations militaires il y a daté un acte qui est dans les archives de la ville de St-Omer (27 juin 1367), et que M. Alexandre Hermand a publié dans les Mémoires de la Société des Antiquaires de la Morinie (2). C'était-là que se trouvait en 1458, d'après un document de l'époque, le chef-lieu de la châtellenie de Tingry, appartenant à Louis de Luxembourg, comte de Saint-Pol, comme héritier de la branche aînée de Fiennes, tombée en quenouille. On y fit, cette année-là, des travaux confortatifs et d'embellissement dont le compte existe, et qui ne laissent pas de doute sur l'importance de cette demeure féodale, où résidait Jacques de La Broye, « chastelain « et receveur de la chastellenie de Tingri et Hucqueliers représentant le très redoubté Seigneur de tout ce domaine. On y voit que Maquinghen était un donjon, entouré de fossés que remplissaient les eaux de la fontaine Blinghem, avec des clôtures de fortes murailles et des ponts-levis. Aussi, mon opinion est-elle que le château de Tingry proprement dit, c'est-à-dire celui qui était sur la montagne, n'est pas celui qui a subsisté jusqu'au règne de Louis XIII mais que ce point d'histoire doit être attribué au Château Gris.

Quoi qu'il en soit, tandis que la châtellenie de Fiennes fut distraite de l'apanage des seigneurs de Luxembourg et vendue à des étrangers, Tingry resta comme l'un des plus beaux fleurons de la couronne féodale de cette famille et le roi Henri III, par lettres de janvier 1587, lui fit l'honneur d'ériger ce domaine en principauté, pour récompenser les services de François de (1) Ms n° 707 de la Bibl. de St-Omer, où on lit que le connétable de France, Gaucher Je Châtillon (j'ai dit par erreur Matthieu de Trie dans l'art. Fiennes) alla assegier un moult fort Castel qui fu appelé Tingry le prit après huit jours d'investissement etpuisfist tout le castel abatlre.

(2) T. VIII, p. 341.

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Luxembourg duc de Piney (1).Plus tard,Liesse de Luxembourg, sa petite fille, apporta en dot la principauté de Tingry à Henri de Lévis, duc de Ventadour (1626); et depuis lors cette terre n'a point cessé d'appartenir aux plus illustres familles de France, les Loménie de Brienne, les ducs de Richelieu et de Montmorency, et enfin les Noailles ducs d'Ayen, aux mains de qui la Révolution de 1789 la trouva pour en abolir le titre (2). Le ressort de la principauté de Tingry était très étendu. Il comprenait la châtellenie d Hucqueliers, la baronnie d'Hesdigneul, et de nombreux fiefs situés çà et là dans les paroisses environnantes. Un bailli,portant le titre dejuge gruyer (3), assisté par un lieutenant-général, un procureur fiscal et six hommes de fief, était préposé à l'administration de la justice. Le dernier bailli de Tingry, nommé le 1er octobre 1782, fut François-Joseph-Alexis Le Gressier de Bellannoy (4).

Aux deux châteaux de Tingry et de Maquinghen étaient attachés dans le moyen âge deux chapellenies, du genre de celles qu'on appelait castrales. Elles étaient dotées de quelques revenus, et classées parmi les bénéfices du diocèse. Au commencement du X VIII" siècle, l'abbé Nadal les possédait toutesles deux,et il les garda jusqu'à sa mort. Depuis la destruction des deux châteaux, ces chapelles, la première sous le vocable de Notre-Dame, la seconde sous l'invocation de Sainte-Anne, avaient été transférées dans l'église de Tingry, où s'accomplissaient les cérémonies de la prise de possession. Les deux derniers titulaires de, ces bénéfices' ont été successivement Charles-Nicolas de SaintAignan, vicaire-général de Lombez et théologal de Séez, déjà possesseur du prieuré de Cosne, puis Henri-Jacques-René Aprix de Bonnières, prêtre du diocèse d'Evreux. En 1458, le chapelain (1) Ces lettres sont insérées au vol. V, f» 26, des Reg. du Roy de la Sénéchaussée.

(2) On trouvera de plus amples détails sur ce sujet dans une notice de M. L. Cousin, sur le château de Tingry (Mém. des Ant. de laM., t. VII, 2» partie).

(3) La gruerie, du vieux mot allemand qruo, signifiant vert ou verger, était une juridiction forestière. On l'appelait aussi verderie. (4) V. Morand, les derniers baillis, p. 104.


de Saint-Anne de Maquinghen s'appelait Sire Pierre Maillot.

Non loin du château de Maquinghen-en-Tingry, à 150 mètres environ du moulin, du côté de l'église paroissiale, dans un pré qui se nomme encore le pré de l'Hôpital, il y avait une ancienne maladrerie dont les revenus ont été réunis à l'hôpital de Boulogne en 1696. Cet établissement était assez richement doté, si nous en jugeons par le détail de 79 mesures 14 verges de terre, à usage de pâtures, de labour et de hayeures, ou petits bois, qui lui appartenaient encore en 1764, d'après les terriers de la seigneurie (1).

L'église de Tingry, autrefois très délabrée, mais possédant encore des fonts baptismaux du XIIe siècle, a été complètement restaurée dans ces derniers temps (2). Elle est sous le vocable de Saint-Pierre. Son autel était, dès l'an 1x73, dans le patronage de l'abbaye de Samer, qui le garda jusqu'à la Révolution, avec les huit neuvièmes de la dîme. Les chartes de Saint-Josse ont conservé le nom de deux anciens curés de cette paroisse, Eustache en 1171, Pérégrin en 1219. Me Jacques de Verling, curé de Tingry et Lacres, son secours, comparut en personne a l'assemblée électorale de 1560 pour les Etats de Blois. Jchan Desmilleville, son successeur, nommé en 1562 ou 1563, demeurait à Boulogne en 1575. Cette cure était alors dans le doyenné de Frencq, mais elle en fut distraite plus tard pour être rattachée au doyenné de Samer, de nouvelle création. Son avant-dernier titulaire a été Jean Cornuel de Valdufresne, né à Boulogne, ancien curé de Nielles-lez-Ardres, installé à Tingry, le 2 février 1760, sorti du diocèse en 1771, qui devint chanoine de Boulogne le 6 juillet 1774, mort en 1781. Il fut remplacé par François-Marie Lemaire, originaire de Desvres, gradué de l'Université de Paris, ancien curé de Melain-la-Champagne, au diocèse d'Evreux, nommé à Tingry le 23 septembre 1771, qui prêta le serment constitutionnel en 1791, et qui, après le Concordat,fut maintenu (1) Communication de M. Maillard-Gcneau.

(2) Annuaire de M. Robitaille pour 1880, p. 195.


à titre de desservant dans sa cure, où il mourut âgé de 85 ans le 19 février 1828. C'était, je crois, le frère de Jacques-Alexis Lemaire, ancien prieur de Fécamp, qui fut vicaire-général, chanoine titulaire et écolâtre de la cathédrale d'Arras (1802-1814). Les paroissiens de Tingry, qui comptait une population de 47 feux en 1789,députèrent à l'assemblée électorale de Boulogne les sieurs Jacques Guy et Jean-Pierre Lheureux. Cette paroisse, qui appartenait avant 1790 au bailliage d'Etaples, fut réunie alors à la justice de paix du canton de Samer. Elle possédait depuis longtemps, une école publique, dont le titulaire en 1715 était Louis Leurette.

Hameaux, fermes et lieux-dits

1° Le Haut-Tingry, longtemps renommé par la présence de la Bergerie nationale qui y fut installée en 1859, et qui y prospéra sous l'habile direction de M. Florent Dutertre (1).

On a trouvé en 1851, dans les champs du Haut-Tingry, à l'endroit où, quinze ans auparavant, on avait abattu un vieux chêne, environ cinquante pièces d'or des XIVe et XV8 siècles, qui étaient presque toutes des nobles d'or de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, avec un salut d'or de Henri VI, roi d'Angleterre, un écu d'or de Charles VI, roi de France, etc., etc. Il s'y rencontrait également plus de cent pièces d'argent d'Henri V, roi d'Angleterre, au revers de Villa Calisie. M. Pigault de Beaupré a rendu compte de cette découverte dans le Journal de Calais de 6 octobre 1851.

Capre, ferme à M. Hacot, de Montreuil, ancien fief dont Baudouin de Caperneiz était seigneur en 1113. Mabilie de Caprenes est citée dans la bulle de Célestin III, de 1193 pour l'abbaye de Samer. Pol de Caprenes vivait en 1458.

L'Eberquerie, hameau dont la prononciation populaire a défiguré le nom, et qui s'appelait autrefois les Berqueries. La tradition veut que ce soit une ferme bâtie sur l'emplacement des (1) Voir l'Itinér. de Boulogne à Saint-Omer,psiv M. L. Chauveau, 1874, p. 96.


anciennes bergeries du château (1). La Cense des Berqueries est mentionnée dans le compte de 1458.

4° La Gloriette, ferme anciennement fortifiée.

La Haye d'Incourt, fief aux Patras de Campaigno, annexé à la seigneurie de Neufchâtel, de Nesles et de Cohen (2), et représenté par une maison qui est signalée sur la carte de Cassini.

Liembronne, ou Liembrune,que\quefo'\sNiembronne, hameau dont la seigneurie appartenait en 1560 à Jehan de la Wespière. Il est permis de penser que c'est le lieu nommé Broma, pour Bronia, mentionné avec Carly et Menty dans le cartulaire de Saint-Bertin en 867 (3). Les chartes de Longvilliers l'appellent Lienenbronne, ou Lieuenbronne en 1294 (4). On y remarque une butte de terre', qui a l'air d'une tombelle antique. Près de là est un lieu dit le Cimetière des Huguenots.

Il y avait à Liembrulle un temple où les religionnaires se réunissaient, à la fin du XVI' siècle, pour les exercices du culte réformé. Ce bâtiment, qui subsiste encore dans les dépendances de la ferme, a conservé un certain cachet d'architecture, notamment des meneaux de fenêtres en forme de croix (5). 70 Maquinghen, ou le Château Gris, ancien donjon féodal, dont il a été parlé ci-dessus, aujourd'hui remplacé par une simple ferme.

Le Moyen-Bois, hameau dont le principal tenancier en 1458 est connu sous le nom de Lœurens de Moienbos.

9° Le Panème, hameau, qui s'appelait Le Penesme en 1458. (1) Lettre de M. le Dr Dupont, maire de Tingry, du 24 oct. 1879. (î) F. Morand, les derniers baillis, pp. 51, 52.

(3) Cart. Sith., pp. 112, 113. V. ci-après, p. 407, note 2.

«)Ch. d'Art., reg. A 2, f 29.

(5) Renseignement communiqué par M. l'abbé F. Lefebvre.


VERL~NCTIIUN.

Entre le territoire de Samer et de celui de Nesles, au sud de Carly et au nord d'Halinghen, se trouve la commune de Verlincthun (702 hectares, 382 habitants). Elle appartenait autrefois au bailliage du Choquel et Bellefontaine, supprimé en 1745; et depuis 1790 elle fait partie du canton de Samer.Comme toutes les communes limitrophes de la chaîne du Haut-Boulonnais, Verlincthun s'étend à la fois dans la plaine et sur le plateau qui en couronne les abords, à 181 mètres d'altitude au-dessus du niveau de la mer.

Je ne connais authentiquement la forme ancienne de son nom qu'à partir de l'an 1199, où je le trouve écrit Verlinghetun et Werlingheturi (1). On a voulu en faire le Diorwaldingatun des chartes de Saint-Bertin, mais je n'admets pas cette attribution (2). D'après la bulle du pape Innocent III du 5 avril 1199, le fief de Verlincthun formait, comme aujourd'hui, la limite de la commune de Samer. L'abbaye en possédait alors l'autel et la dîme (altare de Verlinghetun cum tota décima), privilèges qui lui restèrent jusqu'en 1790. D'après la bulle du pape Alexandre III, elle en jouissait déjà en 1173.

M. Terninck signale sur la commune de Verlincthun l'existence d'un tumulus (3) dont j'ignore l'emplacement. Peut-être a-t-il voulu parler de la Motte, siège d'une seigneurie qui, à la fin du XVIIIe siècle, appartenait à Charles-Marie-Gaspard de La Fontaine Solar, comte de Verton, dont le dernier bailli a été le notaire Antoine Grésy, avec Jean Goulet comme procureur fiscal (4). Ce serait, en ce cas-là, une motte féodale, et non un tumulus. Le donjon qui y est assis a été reconstruit auXVIe siè(1) Quelques chartes de l'abb. de Samer, p. 205.

(2) Voyez ci-dessus, l'art. Hames-Boucres, in fine,

(3) Bull. dô la Com. des Ant., t. V, p. 65.

(4) F. Morand, les derniers baillis, p. 57.


cle il est orné, avec murailles de deux mètres d'épaisseur, salles et douves (1). Je n'ai pas rencontré le nom des seigneurs de Verlincthun dans le moyen âge. Le seul que je trouve à citer, est Louis d'Ongnies, chevalier seigneur de Chaulnes et de Vrelingthun, qui comparaît à l'assemblée électorale de 1560. L'église de Verlincthun possède des fonts baptismaux à colonnes, qui sont du XIIe siècle. La tour, qui est entre le choeur et la nef, a conservé ses voûtes d'arètes, ainsi que les deux chapelles latérales en bras de croix dont elle est accompagnée le tout appartient à la dernière période du style ogival. Cette église était annexée depuis fort longtemps à la cure de Carly. Un décret du 2 septembre 1850 l'en a détachée pour en faire une succursale indépendante.

Le clerc d'école de Verlincthun en 1725 était Charles Longbois, que les paroissiens payaient en blé et en argent, « à pro« portion de ce qu'ils ont, » ce qui pouvait alors lui valoir 60 livres, d'après la supputation du curé. En 1756, ce fonctionnaire était Joseph Tellier.

Les paroissiens de Verlincthun députèrent à l'assemblé électorale de Boulogne en 1789 Jean Goulet et Jean Vasseur, pour une population de 58 feux.

Hameaux, fermes et lieux-dits historiques

1° Masinghen, dont le seigneur, Enlard de Masinghem, est cité en 1392, dont le compte des Aides payées au comte de Boulogne, à cause du mariage de sa fille, la duchesse de Berry. 2° Menty, village appelé Minthiacus ou Menthiacus, dans la charte de Saint-Bertin du 28 novembre 867, à propos de l'échange des biens d'Uphem contre ceux de Carly (2). Les chartes de Samer lui donnent le nom de Mintinum ou Minthinum, en 1112 et 1141, dans l'énumération des villas qui appartenaient à l'abbaye. Il s'y trouvait, outre cela, des seigneurs laïques, dont un (1) V.-J. Vaillant, Guide-Merridew, 1879. p. 174.

(2) Si l'on n'accepte pas la proposition que j'ai faite plus haut du nom de Liembrune (Tin<xrv pour rnprARPtitflr ]e> Rrnnia de la charte Bertinienne. j'ajouterai qu'il se trouve sur Verlincthun même une terre qui porte encore aujourd'hui la dénomination de La Belle Bronne.


est cité dans la chronique d'Andres (1), sous le nom de Baudouin de Menti. Son fils, Henri, était propriétaire féodal de la dîme de Boursin en 1196 L'abbaye de Samer possédait encore au dernier siècle un bois de cinquante mesures, sur les côtes de Menty, mentionné déjà en 1193 dans le privilège du pape Célestin III. L'inscription du village de Minthy dans le pouillé d'Alard Tassard semble indiquer que ce lieu a jadis possédé une église, détruite probablement depuis fort longtemps, car le docte religieux n'en fait pas connaître le patronage.

Merlinguedal, hameau, dont il est parlé en 1458 dans les comptes de la châtellenie de Tingry. M. Louis Cousin avait eu la tentation d'y placer le Mellingasele des chartes de St-Bertin, mais il n'a point persévéré dans cette opinion (2).

4° Pelincthun, hameau souvent mentionné dans les chartes de Samer, pour un domaine que l'abbaye y possédait en 1112, quœdam pars Panningetum, et dont elle ne fut dépouillée qu'en 1790. La chronique d'Andres nous fait connaître le nom d'Hugues de Panningatum, témoin d'une donation d'Henri de Campagne en 1118 (3); et nous trouvons Aldemar de Paninghetum cité vers l'an 1135 dans une charte de Saint-Josse-sur-Mer.

5° D'autres hameaux, qui n'ont pas la même importance, sont La Blanc-Pignon, Le Cat-Cornu, La Croix-des-Leux La Sablonnière, La Sault, Vironcheaux, etc.

6° Il ne serait pas juste d'oublier ici le Crébert, ruisseau qui fait la séparation des deux communes de Samer et de Verlincthun. La bulle de 1199 l'appelle ricus de Cresberc. Ce ruisseau a donné son nom à un bois que l'on a quelquefois désigné comme le Bois du Quelbert ou d'Eykelberg,pa,rune de ces variations d'orthographe qui mettent si souvent la science étymologique en déroute, Le Crébert est aussi le nom d'une ferme, sur Carly, le long du même cours d'eau.

(1) Chron. And., pp. 826, 833.

(2) Le Monastère de Steneland, 1870, n° 29, p. 45.

(3) Chron. And., p. 795, 2.


WIEKItE-AU.BOIS.

La commune de Wierre-au-Bois (383 hectares, 203 habitants) est en quelque sorte la banlieue du bourg de Samer, à l'est duquel s'étend tout son territoire. Elle est située dans une plaine riante, sur le bord de la route qui conduit à Desvres, toute peuplée de villas et de maisons de plaisance, séjour favori des Boulonnais pendant la belle saison.

Quelques-uns pensent que le village de Wierre-au-Bois faisait jadis partie du domaine de Silviacus, et que c'est le lieu de naissance de saint Wulmer. La légende de sa vie est muette sur ce point. Tout ce qu'elle nous apprend, c'est que le saint anachorète établit sa cabane dans une forêt, puis son monastère au même endroit, in eadern eremo, non loin de la villa où il était né, approximativement à un mille de distance (1). Cette désignation peut très bien convenir au village de Wierre, qui n'est guère à plus d'un kilomètre de l'Abbaye. Mais, si nous considérons que l'auteur met également l'église de Carly à un mille distance du monastère (2), nous trouverons que les mesures données par l'hagiographe sont bien variables, et qu'on ne peut rien établir sur de semblables données.

Quoi qu'il en soit, tout le monde est d'accord pour placer à Wierre le monastère de femmes,fondépar le pieux abbé dans le voisinage de son abbaye d'hommes, suivant un ancien usage de la famille bénédictine (3) II en donna, comme chacun sait, le gouvernement à sa nièce Héremberthe; et, tant qu'il vécut, il se plut à visiter ses filles spirituelles, sur tous les besoins desquel.les il veillait avec une paternelle sollicitude. On ignore quel fut dans la suite le sort de cette maison religieuse, jusqu'au jour où, (4) Non longe a villa in qua natua fuerat. plane non plus uno milliario.

(5) /Edes beati Martini quse a monasterio B. Vulmari uno milliario adseptentrionem disiabat.

(6) Mabillon, Annales O. S. B., lib. XVII, p. 584, ad an. 687.


suivant la tradition consignée dans la généalogie fabuleuse des comtes de Boulogne, les Normands < déwastant tout le païs « dusqes à Saumer-u-bos, misent le glise en fu et en flame, et t arsent l'abze de Sainte -Héremberte deWirre, dehors Saumer-u« bos, ù noires nonains estoient à ccl tans. »

D'après le manuscrit de Dom Ducrocq, bénédictin de Samer, qui s'inspirait des traditions encore vivantes à son époque, l'emplacement de l'abbaye de Sainte-Héremberthe se trouvait à l'endroit qu'occupait alors la maison d'un gentilhomme nommé Longpré. On a cru le reconnaître, de nos jours, dans le terrain du cimetière communal, où se rencontrent les fondations de quelques anciens murs. D'autres veulent que l'église actuelle de Wierre, autrefois plus vaste qu'elle ne l'est aujourd'hui, ait été élevée sur les ruines de l'ancien Parthenon bénédictin. Tout cela est possible; mais nous n'en savons rien d'assuré.

Une chose qu'il importe de constater avant tout, c'est que Wierre-au-Bois, comme seigneurie, comme paroisse et comme village, avait, en 1199, une existence indépendante de celle du bourg de Samer. C'est ce qu'indique nettement la bulle d'Innocent III, qui donne pour limite à la villa de Samer la seigneurie de Wilra, relevant directement du comte Boulogne (1). Quant à l'église, son indépendance s'accuse par l'énonciation distincte de son autel, altare de Wilra, qui était en 1173 dans le patronage de l'abbaye, et qui en sortit plus tard, vers le milieu du XIII" siècle, pour rentrer sous la juridiction immédiate des évêques de Thérouanne. L'Abbaye de Samer n'y possédait plus rien dans les derniers siècles, à l'exception de la dîme, qui, du reste, avait été abandonnée au curé pour lui servir de pension. Dans ces conditions, il me paraît difficile d'admettre que la villa de Wierre ait jamais fait partie de la villa nuncupata Silviacus S. Wulmer a pris naissance, d'après l'énoncé précis de sa lé• gende.

La plus ancienne mention historique du nom de cette localité se trouve dans une charte du comte Eustache III de l'an 1113, (1) Feudum de Wilra quod a comite descendit.


pour l'abbaye de Samer, au bas de laquelle Hugues de Wilrei, a signé comme témoin. Plus tard, en 1173-1199, il est parlé de la dîme de WUra, mais je ne retrouve pas de seigneurs de ce village avant le XIVa siècle. Pépin de Wierre, chevalier au service du comte Robert d'Artois, donne à Mahaut, sa veuve, quittance d'une somme de 20 livres qui lui était due le 11 juin 1303. Un autre chevalier, nommé Ysaac, peut-être le fils du précédent, était un personnage fort considéré à la cour de la comtesse, puisque, d'après un document de l'an 1327, il reçut d'elle en gratification pour sa femme, le jour de ses épousailles, « deux dras « d'or pour faire un mantel et une cote, une fourrure de menus « vairs à fourrer ledit mantel, plus une chainture d'argent à « pelles, le tout estimé, dans les mises du receveur de l'hôtel, à la somme de vingt livres douze sous 6 deniers (1). Quelques historiens signalent la présence de Pépin de Wierre parmi les défenseurs de la ville de Calais en 1346. D'autres, comme l'abbé Le Febvre, estiment qu'il faut lire Pépin de Vere, descendant d'une ancienne famille anglaise de ce nom, exilée en France sous le règne d'Edouard II (2); mais je crois qu'ils se trompent et qu'il faut attribuer à la noblesse boulonnaise cette glorieuse participation à une défense qui fut héroïque.

Mon intention n'est pas de donner ici la généalogie des seigneurs de Wierre, ni même la succession des familles qui ont porté le nom de ce village comme surnom féodal, depuis Monsieur de Larroy, qui le possédait en 1392, jusqu'aux Bonnière de Wierre qui sont aujourd'hui les héritiers de l'ancien château. Tout ce que je puis faire, dans l'étroit espace où je suis confiné, c'est de dire que ce château, vrai monument d'architecture militaire, a conserve son donjon crénelé, ses souterrains, ses douves et jusqu'à ses remparts pittoresquement flanqués de guettes en encorbellement (3).

Le dernier bailli de la seigneurie fut Jean-Marie Lapie, avo(l)Chart. d'Art., A 193 et 458.

(2) Hisl. de Calais, p. 712.

(3) V.-J. Vaillant, Guide-Merridew, p. 178.


cat en Parlement, demeurant à Samer, nommé à cet office par Louis-Marie de Bonnière de la Luzellerie, seigneur de la terre et seigneurie de Wierre-au-Bois, le 29 mai 1776. Un acte du 24 février 1783 conféra la commission de procureur d'office à Antoine-François Langagne (1).

L'église de Wierre-au Bois, une des mieux conservées du pays, se compose d'un chœur et d'une nef, réunis par une tour carrée. La nef, comme partout ailleurs, manque d'architecture; mais le chœur et la tour appartiennent à la dernière période du style ogival, et se font remarquer par leurs voûtes d'arêtes, dont les retombées s'appuient sur d'élégantes colonnettes ornées de culots délicatement sculptés. Plus heureuse que bien d'autres, cette église garde précieusement sa grande cuve baptismale du XII" siècle, témoignage indubitable de l'antiquité de ses privilèges paroissiaux. Quoique toute voisine de Samer, et, pour ainsi dire, fille ou sœur de son abbaye, elle est pourtant sous le vocable de Samt-Omer mais seule au monde elle garde la mémoire de sainte Héremberthe, dont la statue, portant la crosse abbatiale, est placée au-dessus d'un autel, dans la nef, du côté de l'épître. Cette nef, qui paraît avoir été géminée, si l'on en juge par de hautes colonnes, encastrées dans le mur latéral de droite, présente à la vénération des fidèles et à la curiosité des artistes un autre monument de foi religieuse. Je veux parler de la statue équestre de Saint Gendulphe, ou comme nos villagsois disent à l'italienne, saint Gandoufe (2), costumé en chevalier de la Renaissance. « La dévotion à saint Gendulphe est grande dans le pays. De quinze lieues à la ronde on vient boire à sa fontaine, on y vient tremper les membres des pauvres petits qui ne peuvent pas marcher. C'est surtout lelundi de la Pentecôte « qu'on peut voir de longues files de pèlerins descendre le petit « sentier qui, à travers une maison habitée, conduit de l'église • à cette fontaine dont l'eau est légèrement ferrugineuse, un peu « saline, mais nullement sulfureuse (3). »

(1) Fr. Morand, Les Dern. baillis, p. 116, 117.

(2) San-Gandolfo.

(3) L. Chauveau, Itin. du chemin de fer de Boul. ci Si-Omer, p. 92.


On a parlé beaucoup jadis d'une autre fontaine que possède la commune de Wierre-au-Bois, et qui est connue sous le nom de la Fontaine de fer. C'est une source d'eau martiale ferrugineuse, dont l'analyse a été faite le 20 décembre 1785 par le Dr Souquet médecin pensionné de la ville de Boulogne. 11 ne paraît pas qu'on leur ait reconnu une grande valeur comme agent médicinal (1).

Le maître d'école de "Wierru-au-Bois en 1725, Louis Gransire, avait été approuvé par l'évêque de Boulogne vers 1710. Il était remplacé en 1756 par Jean-Baptiste Paucez, qui tenait l'école depuis huit heures du matin jusqu'à onze,et depuis deux heures après-midi jusqu'à cinq. Son approbation, délivrée par Mgr de Prcssy, datait du 26 janvier "*754. Le curé, Jean Lorgnier, de Réty, lui rend ce témoignage qu'il était exact à observer les statuts pour les écoles; « on est content de lui, dit-il; il se sert « du catéchisme pour y faire apprendre à lire aux enfants; il « fait, à son école, la prière du matin et du soir. » Les représentants de Wierre-au-Pois aux élections de 1789 furent Antoine Compiègne et Philippe Garbe, pour une population de vingt-cinq feux.

Ce village, qui appartenait au bailliage du Choquel et Bellefontaine, fait partie du canton de Samer depuis 1790. Hameaux et lieux-dits La Bagatelle, Le Bourquet, Le Brunquet, La Planche-de -Pierre, la Watine, etc.

VIABILITÉ CANTON AUE.

I. Le canton de Samer est traversé du Sud au Nord par deux voies romaines. La première est le chemin d'Amiens à Gesoriacum par Ponches, décrit dans l'Itinéraire d'Antonin. C'est (1) Observ. analytiques sur les eaux martiales froides de Rmilngnf»sur-Mer, de Wierre-au-Bois, près Samer, de Recques et do Desvres, br. in-12,1787.


un tronçon de la grande voie militaire de Rome à l'Océan Britannique, construite par Marcus Vipsanius Agrippa, suivant le témoignage de Strabon (1). Elle entrait dans l'arrondissement de Boulogne par la commune de Lacres, aux environs du tracé de la route actuelle de Montreuil à Samer. Dom Grenier nous dit qu'elle passait « plus près que celle-ci du village de Vertec Voie, Viridis Via, d'où elle tirait sur la gauche pour descen.« dre dans le Bas-Boulonois, vers Tingri, comme il paraît par « une coupure faite dans la chaîne des montagnes qui renferme « ce qu'on appelle la Fosse Boulonoise. Nous avons aperçu des « restes de cette chaussée à la faveur d'un filet d'eau qui avoit « formé un ravin au pied de la montagne de Samer, à trente pas »en deçà de la fontaine de Saint-Wulmer (2). La chaussée y « paroît enterrée de deux à trois pieds. On laboure dessus. Le « Stratumen, ou le premier lit est formé de morceaux de grés; « le second Rudus, de cailloux cimentés dans la glaise; le troi« sième d'une sorte de ciment placé entre deux lits de gra« vier le quatrième, Summum dorsum, de cailloux presque ré« duits en poussière, de l'épaisseur de près de deux pieds dans « le milieu. Le tout est soutenu sur les côtés par de longs et « larges grés, et peut avoir vingt pieds de large (3). On n'est pas d'accord sur la direction que cette voie suivait ensuite pour arriver au Pont-de-Briques. Quelques-uns la veulent mettre sur la rive droite de la Liane, qu'elle aurait traversé au gué d'Estienfort mais il est plus probable qu'elle laissait le bourg de Samer et la Liane sur la droite, pour se diriger par Hesdigneul vers le hameau d'Audisque (4).

A partir du Pont de-Briques, cette voie suivait quelque temps (1) Strab., Géogr., L. IV, in fine.

(2) Cette fontaine, au bas de la côte, dans le S.-O. de Samer. à l'O. de la route naiionale, est bien connue. On prétend que le saint y avait son hermitage, et l'on y avait jadis érigé un calvaire.

(3) Introd. a l'Hist. de Picardie, p. 445, 446.

(4) M. l'abbé Lefebvre vient de m'écrire qu'en déracinant des arbres dans un bois, au-delà de Verlincthun, vers Hesdigneul, on a trouvé des traces d'une voie romaine dont la direction paraissait venir de Tingry. C'est certainement un vestige du passage de la Via 8olemnis.


le tracé de la route nationale, jusqu'au château Muhlberque, où elle le quittait pour grimper par le vieux chemin de Boulogne sur la montagne de Saint-Léonard. De là, elle se dirigeait à travers champs vers le Pont-Pitendal, anciennement le Val de Diepen. dal, limite de la commune de Saint-Léonard et du canton de Samer. Les cultivateurs des terrains qu'elle traverse sur cette dernière partie de son parcours, notamment M. Blaquart-Leroy, m'ont affirmé qu'on en distingue très clairement l'existence, à la vue de la sécheresse exceptionnelle de la terre qui en recouvre l'empierrement.

II. Une autre voie, d'une importance secondaire, est celle que signale la Table de Peutinger, reliant Lillebonne à Gesoria.cum par Grainville. D'après l'opinion de Dom Grenier, elle entrait dans le canton de Samer à Neufchâtel, venant du Bac d'Attin par Frencq et Le Turne, traversait la forêt d'Ilardelot et les marais de Choquel, pour aboutir à Audisque, c'est-à-dire au Pont-de-Briques (1). Aucune découverte archéologique ne confirme ce tracé. J'aimerais mieux, avec M. Louis Cousin, chercher l'existence de cette voie le long des côtes, en venant d'Etaples par Camiers et Dannes (2). Interceptée par les sables qui ont recouvert le territoire de Bellefontaine, on la retrouverait à Neufchàtel dans le hameau du Chemin, et on la conduirait de là par Hardelot vers l'embouchure de la Liane, en traversant les dunes de Condette, Ecaux, Equihen et toute la presqu'île d'Outreau jusqu'au Portel,ou même jusqu'aux hameaux dont la mer a rongé le territoire en avant de Châtillon. Le Matreloge d'Outreau parle du Grand chemin royal qui maisne du Portel à Hardelo. D'autre part, il y a une tradition qui fait aboutir cette voie au Pont-de-Briques par le villag'e de Condette, à travers les dunes qui recouvrent cette partie du territoire. Un chemin communal servant de sortie à quelques maisons de Saint-Etienne, telles que la Cassaigne et la Converserie, représenterait, avec (1) Ibid., p. 494.

(2) Trois voies rom. du Boul., 18S9, p. 22. Observ. sur le projet de carte itin. de la Gaule au comm. du V. S., 1868, n° 15.


une partie de la route départementale, l'ancienne voie dont la direction est incertaine (1).

III. Outre ces deux voies romaines, le canton de Samer se relie aux contrées environnantes par d'anciennes routes, trèsprobablement celtiques, dont l'aboutissement, chose remarquable, semble avoir été le Pont-de-Briques, ou ses alentours immédiats. J'ai indiqué ailleurs (tome II, art. Wimille) l'existence de la Voiejlamengue, qui part des bords de la Liane, en deçà de l'église de Saint-Léonard vers Boulogne, et qui se dirige vers Guînes. Son caractère de chemin celtique s'accuse en ce que la ville de Guines, par sa foire d'antique origine, fixée au premier août, « le grand jour des foires gauloises (2) », semble avoir été un des centres les plus anciens des transactions commerciales entre les habitants du Pagus Boloniensis et ceux Pagus Mempiscus, ou de la Flandre occidentale. Une autre route, qui se détache de la voie romaine de Thérouanne à Boulogne, à l'entrée de la forêt, sur le territoire de Baincthun, traverse le village de Questinghen et se rend au Pont-Feuillet par la vallée d'Echinghen. Ne serait-ce pas aussi un ancien tracé celtique, dont les ingénieurs de Marcus Vipsanius Agrippa se seraient écartés afin de se diriger vers Gesoriacum, au lieu de prendre pour objectif le vieux havre d'Itius,au Pont-de-Briques? Ou bien, n'est-ce qu'un chemin stratégique, ouvert par les soldats de César pour aller chercher dans la forêt de Boulogne les bois nécessaires à l'approvisionnement de leur chantier maritime ? –Qu'est-cc aussi que ce chemin, certainement antique,qui descend du Mont-de-Tunevers Hesdin l'Abbé et la rivière? Les anciens documents du XVe et du XVIe siècle soulèvent d'autres problèmes, à propos, par exemple, des chemins d'Hesdin-l'Abbé, dont un est appelé le Quemin des Mitaudiers et un autre la Chaussée Brunehault qui maisne de Thmguehen à Boulogne. Il est impossible de s'y reconnaître, à moins d'avoir la patience d'étudier (\) Rapp. de M. Bonvoisin, maire de St-Etienne, adressé à la Soc. d'agr. deB., en 1862.

(2) Revue historique, t. xvn, p. 301, d'après les comptes-rendus de l'Acad. des Se. morales et pol., sept. 1880.


pédestrement tout l'ancien réseau du pays. J'ajouterai qu en considérant l'étoile itinéraire de Zoteux, envisagée comme carrefour de voies celtiques (l'opinion qui en fait des voies romaines n'est pas soutenable), on en trou\e e une qui se dirige vers Samer par Course, Bois-Julien et Fourmanoir et qu'en la continuant en ligne directe le long de la rivière de Liane (rive droite), on aboutit encore au Pont-de-Briques.

IV. De nos jours, presque tous ces anciens tracés ont été abandonnés, pour faire place à des voies nouvelles. Au lieu du chemin qui se dirigeait vers Montreuil par Condette, Neufchâtel, la vallée de Niembourg, de Le Turne et de Frencq, le seul que l'on suivît depuis longtemps pour se rendre à Paris et dont les Etats généraux du Boulonnais sollicitèrent en vain la conservation (1), un arrêt du Conseil d'Etat du 13 novembre 1731, ordonna la confection d'une autre grand'route, passant par le bourg de Samer, Cormont etc., conformément au plan dressé par le sieur Havez, ingénieur des pontset-chaussées de la province du Hainaut (2), qui amena des paveurs de ce pays pour travailler à l'empierrement de la chaussée. On s'occupa ensuite durant tout le cours du XVIIIe siècle, principalement sous le régime de l'Administration provinciale, de restaurer le plus convenablement possible les chemins de Samer à Desvres par Longfossé (1755), de Condette à Neufchâtel (1760), de Samer à Doudeauville, d'autres encore, de manière à entrer ainsi dans une voie de progrès que la Révolution allait interrompre, mais à laquelle notre époque devait donner un nouvel essor, pour la plus grande prospérité du pays.

Menneville, 18 février 1882.

b. HAIGNERÉ.

(1) Arch. comm. de B., reg. lun.

(2) Arch. dép.. liasse C. 60.



APPENDICE

ÉTAT DU MOUVEMENT LITTÉRAIRE, SCIENTIFIQUE ET ARTISTIQUE

DANS LES CANTONS DE GUINES, DE MARQUISE ET DE SAMER

Ballix, Jean-François-Maric, né à Isques, le 3 novembre 1757, mort curédoyen de Fruges, le 14 février 1828 Mémoires pour servir à l'histoire de la ville et du comté de Boulogne pendant la Révolution, ms de la Biblioth. de Boulogne n° 176, daté de Werden en Westphalie, 1794.

BEAuvois, François-Benoit-Joseph, né à Audresselles le 3 mars 1812, mort curé-doyen de Lens le 7 octobre 1872, a publié une Vie de S. Vulgan, Lille, Danel, in-8», 1858.

BEN-HAMY, François-Maric-Joseph, né à Hardiughen le 19 août 1802, mort le 6 décembre 1868, a laissé un volumineux manuscrit, très précieux pour les renseignements sur l'histoire d'Hardinghen et de Fiennes, sur les houillères et la verrerie de Réty, ainsi que sur les incidents les plus détaillés des mœurs et de la politique pendant les périodes révolutionnaires de 1789 et de 1848.

BOULANGER, Jean-Baptiste-Médard-Napoléon-Désiré, né à Hardinghen le 27 avril 1806, docteur en médecine, mort à Calais le 24 janvier 1859 Tra. vaux de statistique.

CozE, Pierre, né à Ambleteuse le 17 août 1754, mort doyen de la Faculté de médecine de Strasbourg le 22 juin 1822 auteur d'un grand nombre de mémoires sur l'art de guérir, sur la médecine vétérinaire et sur l'agriculture.

CozE, François-Martin, né à Ferques le 11 novembre 1794, docteur en médecine, mort à Saint-Omer le 17 mars 1867 Sciences médicales, nombreux travaux sur la météorologie, publiés dans le Mémorial Artésien. Uebonningue, Apollinaire, né à Guînes le 23 juillet t771, médecin, mort le 20 mars 1 841 a publié Esquisse de la vie, ou mon mince testament médical,


2 vol. in-8°, Calais, Leleux 1831;-Confession d'une girouette, ou la Révolution, 2 v. in-8°, ibid., 1832 – a laissé de nombreux mss relatifs à la politique, à la médecine, à l'histoire locale, et légué sa bibliothèque à la ville de Guines.

GUILLAUME d'Andrks, abbé du monastère dudit lieu, mort après l'an 1234, a écrit Chronicon Andrensis monasterii, ouvrage publié dans les deux éditions du Spicilège de Dom Dacbcry.

Haff&ein6Ue, Pierre, né à Audinghen le 15 septembre 1783, mort curé dudit lieu le 1er juillet 1859, a édité avec des additions la Science pratique du catéchiste, ouvrage rédigé par M. l'abbé Cossart, in-8°, Lille, Lefort, 1838. LAMBERT DE GUINES, chanoine chantre de la collégiale de Lille puis archidiacre de Thérouanne, sacré évêque d'Arras le 19 mars 1094 à Rome par le pape Urbain II, mort le 16 mai 11 HI. On lui attribue la rédaction des Gesta de restauratione episcopatus Atrebatensis, publiés au tome V des Miscellanées de Baluze. Il s'y appelle lui-même Domnus Lambertus, natione G/iisnensis.

LECLERCQ, Antoine, né à Wimille le 7 juillet 1718, mort curé d'Ambleteuse le 28 août 1790, a publié Histoire abrégée de St-Pierre d'Ambleteuse, in-12, St-Omer, Fertel, 1767 Cantiques en l'honneur de N. D. de Boulogne, dont je ne connais que la nouvelle édition in-12 de 24 pp., sans nom de lieu ni d'imprimeur, 1808.

LE Gay, François-Auguste-Casimir, né à Conteville le 9 janvier 1776, chirurgien major, mort à Boulogne le 12 juillet 1860.

MARCOTTE DE Quivières, Charles, né à Nantes le 25 février 1808, ancien directeur de la Monnaie, mort àCondettc le 25 septembre 1876, a publié Trois ans en Afrique.

Mathorez, Louis-Maxime, né à Saint-Léonard le 25 mais 1767, mort à Boulogne, le 25 septembre 1837, a publié Traité sur la culture des pépinières et des arbres de haute futaie Traité sur les vergers, les fruitiers à haute tige, les haies, les abris Traité sut la culture des terres, leurs engrais et leurs produits, etc., 2 v. in-8", Boulogne, V* Olivier, 1816. A laissé d'autres travaux mss.

Monteuuis-Broutta, Louis-Marie-Barlhélemy-Victoric, né à Marquise le 25 février 1774, maître de pension, mort le 27 mars 1849, a publié divers ouvrages pédagogiques plusieurs fois réimprimés. Je note Elémens de la Grammaire française, in-12, Boulogne, Leroy-Berger, 1812, 2" édit. 1816, 3" édit., Lille, Lefort, 1818 Mémoranda, ou traité des participes passés, in-18, Calais, Leroy fils, 1821 Notions sur les troisparties de cosmographie,


astronomie, géographie physique et géographie descriptive, in-12, Boulogne, J. Le Roy, 1827.

Monteduis, Isidore-Marc-Honoré, né à Marquise le 1" novembre 1800, nort curé-doyen de Guines le 13 mai 1876, îi publié quelques pages de poésies et quelques discours de circonstances, dont la bibliographie serait trop minutieuse pour être insérée dans cette simple notice.

Mobeau DE VERNICOURT, Louis-Antoin<?-Ai'mand, né à Outreau le 5 avril 1811. agronome, mort le 5 janvier 1879, a publié, comme secrétaire de la Société d'Agriculture, beaucoup de rapports sur des questions agricoles. NoEL, Arthur-Noël, né à Questrecques le 18 mai 1803, mort curé d'HesdinLabbé le 30 novembre 1873, numismate.

NOEL, Auguste, né à Questrecques, le juin 1792, mort à Hesdin-Labbé le 1" mai 1858, professeur, a publié divers ouvrages de pédagogie anglofrançaise Levizac's theoretical and practical grammar of the french tong, arranged upon an entirely new plan, in-12 de pp. 478, 1821 Nouveaux dialogues anglais et français, in-12, Paris et Boulogne, 1819 et 1825 – Conjugaison des verbes français, placard in-f° A sure and easy way to distmguish the genders of the substantives, etc. in-18, Boulogne, Veuve Olivier, s. d.

Pehrochaud, Paul-Henri-Antoine, né à Ambleteuse le 13 juin 1816, mort à Berck-sur-Mer le 23 octobre 1879 sciences médicales.

Rozé, François-Jean-Chrysostome, né à Licques le 28 octobre 1810, mort curé d'Hardinghen le 14 août 1867, a écrit un Mémoire sur la vie et les œuvres de Mgr de P?'essy, qui lui a valu une médaille d'argent au concours de l'Académie d'Arras en 18S6 Mémoire sur les pays d'Etat en général et sur les Etats d'Artois en particulier, qui a obtenu la médaille d'or au concours de 1858 et enfin une Notice sur Notre-Dame de Licques, présentée à la Société des Antiquaires de la Morinie dans la séance du 4 novembre 1861.


TABLE

DES NOTICES CONTENUES DANS CE VOLUME

Canton de Guines, par M. l'abbé D. Haigneré.

VILLE DE GUINES, les origines, les premiers comtes, établissements religieux, les comtes de la maison de Gand, institutions communales, domination anglaise, Gulnes sous l'administration française 1 à 63 Notices sur Alembon, Andres et son abbaye, Bouquehault, Boursin, Caffiers, Campagne, Fiennes, Hames-Boucres, Hardinghen, Hardinghen, Hermelinghen.Hocquinghcn, Licques et son abbaye, Pihen, Sanghen 63 à 155 Canton de Marquise, par le même

Notices sur Ambleteuse, Audembert, Audinghen, Audresselles, Ba zinghen, Beuvrequen, Ferques et l'abbaye de Beaulieu, Hervelinghen, Landrethun, Leubringhen, Leulinghen, Maninghen, Marquise, Offrothun, Réty, Rinxent, Saint-lnglevert et son prieuré, Tardinghen, Wacquinglien, Wierre-Effroy, W issant. 157 à 301 Canton de Samer, par le même:

Notices sur Carly, Condette, Dannes, Doudeauville et son abbaye, Halinghen, Hesdigneul, Hesdin-Labbé, Isques, Lacres, Le Portel, Nesles, Neufchâtel, Outreau, Questrecques, Saint-Etienne, SaintLéonard, Samer et son abbaye, Tingry, Verlincthun, Wierre-auliois 303 à 417 Appendice. Etat du mouvement littéraire, scientifique et artistique dans les cantons de Guînes, de Marquise et de Samer 419 à 421


AKtlAS, 1M1". SI EUl'UHARUUËYj I>E1 ITR-1'LALE, 20 ET Ï2