centralisation de ressources prodigieuse. Pour accroître celles que la charité publique lui procura, Césaire n'hésita pas à employer un moyen extrême que déjà saint Ambroise et plusieurs des plus saints évêques avaient employé dans des nécessités semblables, et il y consuma abso- lument tout le mobilier précieux de l'église. Calices, patènes, encensoirs, chandeliers, toute l'argenterie léguée à l'église par Eone et ses prédécesseurs y passa. La hache s'abattit sur les corniches et sur les balustrades, afin d'en détacher les colonnettes et les autres motifs en argent qui les ornaient. Rien ne fut réserve. Certaines personnes, des clercs, des évoques, trouvaient cette charité exagérée d'autres ne reculaient pas devant le mot de sacrilège. « Je voudrais bien savoir, répondait Césaire, ce que diraient ceux qui me critiquent, s'ils étaient à )a place des captifs que je rachète. Dieu, qui s'est donné Lui-même pour prix de la rédemption des hommes, ne m'en voudra pas de racheter des captifs avec le métal de son autel. » Le sacrifice auquel il venait de se résoudre l'obligeait de se servir pendant que)que temps d'ustensiles de matière commune pour la messe; il s'en justifiait en rappelant que !e Christ ne s'était pas servi de vases d'argent pour l'accomplissement de la Cène eucharistique. C'est ainsi qu'il vengeait la charité par le bon sens. Malgré toute l'énergie de ces mesures, il est clair que leur but ne pouvait être atteint en un seul jour. Le rachat de tant de personnes ne pouvait être complet qu'après beaucoup de temps. Césaire dut procéder au fur et à mesure de ses ressources, et tenir un service organisé. Cinq ans encore après le siège d'Arles~ nous voyons des clercs et des abbés placés par lui aux principaux endroits sur les deux frontières, afin de poursuivre et d'opérer le recouvrement des captifs de la province qui n'avaient pas encore été rendus à leur foyer.
Non content de donner le trésor de son église pour délivrer ces malheureux de la servitude, Césairc donnait, pour les préserver delà faim, les provisions de son cellier et de sa table, avec la même insouciance du lendemain. U lui arriva ainsi un jour, après avoir partagé toutes ses provisions de bouche avec une troupe d'hommes libres et de no- · bles qui attendaient, leur rançon payée, qu'on !cui' permît de partir, d'être complètement à court de vivres. Tous ceux, et ils étaient nombreux, qui vivaient d'ordinaire à sa table, se demandaient avec anxiété combien de temps leur jeune forcé se prolongerait, quand arrivèrent, avec un à propos qui parut l'effet d'un miracle, trois bateaux chargés de blé, que les rois Gondebaud et Sigismond adressaient à t'évêque d'Arles. Ce don de reconnaissance royale nous témoigne l'importance des services rendus par Cesaire aux sujets de ces rois qui avaient été prisonniers des Goths. 7