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Titre : Revue des livres anciens : documents d'histoire littéraire, de bibliographie & de bibliophilie / direction Pierre Louÿs ; rédaction Louis Loviot

Éditeur : Fontemoing & Cie (Paris)

Date d'édition : 1917

Contributeur : Louÿs, Pierre (1870-1925). Directeur de publication

Contributeur : Loviot, Louis (1885-1918). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32858610z

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32858610z/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 1917

Description : 1917 (T2).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k327407

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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Revue des livres anciens Tome 2 1917

REVUE

DES

LIVRES ANCIENS TOME II



LIVRES ANCIENS

PIERRE LOUYS

DOCUMENTS D'HISTOIRE LITTÉRAIRE DE BIBLIOGRAPHIE & DE BIBLIOPHILE

Direction

FONTEMOING ET C'< ÉDITEURS 4, RUE LE GOFF,

REV U E

DES

Rédaction

LOUIS LOVIOT

TOME II

AVEC VINGT FAC-SIMILÉS

QUATRE PLANCHES EN PHOTOTYPIE UNE CARTE

PARIS

t~i7



RABELAIS

À TRAVERS LES ÂGES

Il serait curieux de faire l'histoire du succès et de l'influence de Rabelais, et j'ai lieu de croire que deux excellents érudits s'en occupent. Voici quelques notes de lecture qui pourront peut-être aider à leur dessein. Il me paraît inutile de dire qu'elles n'ont pas la prétention d'épuiser le sujet.

1

XVIe SIÈCLE

Je n'ai presque rien à ajouter à ce qu'on sait déjà sur la vogue de Rabelais au xvie siècle. Je me contente donc de rappeler que la Légende joyeuse de maistre Pierre F~/gM par Charles de Bourdigné (dont la première édition est de 1532 et non de 1526, comme on l'avait toujours cru~) parle de Gargantua qui a chepveulx de piastre.

De même la Farce ~OM! très &OMM6 fort joyeuse à trois personnaiges, c'est assavoir Maistre Mimin, le gouteux, SOM varlet Richard le Pelé, sourd, et le c~a;Mss6i' fait allusion à un conte de Gargantua qui ne doit être ni les Grandes C~-o~c~Mes, ni les C~M'c~Mcs ~M~ë~s, mais qui est en tout cas assez répandu et connu de tout le monde pour que les spectai. Cf. Abel Lefranc, dans Revue des Études rabelaisiennes, 1905, p 210–1. 2. Dans ~eMK ~M~ /~MfaM de Viollet-le-Duc, 11, p. 176-188.

TOME II. i


teurs de la farce comprennent aisément les allusions qu'y font sans cesse les acteurs 1.

Toutefois, ce n'est pas du Gargantua de Rabelais qu'il est question ici, mais évidemment de quelque livret populaire comme il en existait une quantité, si bien que la plus ancienne mention connue de son roman est celle qu'on trouve dans 1'7~~<M~ de mes livres à lire, rédigé le 25 septembre 1533 par un bourgeois de Paris, Jacques Le Gros 2.

Vient ensuite la lettre bien connue, écrite à la fin d'octobre 1533, où Calvin fait allusion à la'condamnation de P~M~g/Mc~ par la Sorbonne 3. Puis le Grand Parangon des nouvelles MOMvelles de Nicolas de Troyes, composé en 1535-i536, où l'on remarque des emprunts au roman de Maître François Marot et Sagon, en 1537, et Paul Angier de Carentan, en 15~, citent Rabelais parmi les meilleurs ~o~es de l'époque, ce qui est étonnant. Plus tard, Du Bellay fera de même

Carle, Heroët, Sainct-Gelais,

Les trois favoris des Grâces,

L'utile doux Rabelais.

Et Étienne Pasquier « Car combien qu'il [Rabelais] ait escrit en prose des faicts héroïques de Gargantua et Pantagruel, si estoit-il mis au rang des poètes. ))°. Pourtant notre bon Maître semble n'avoir jamais composé d'autres vers que ceux qu'il a insérés dans son roman et ceux-là ne ressemblent guère à ce que nous appelons aujourd'hui de la poésie.

i. Lefranc, dans R. E. R., ~907, p. 45 sq.

2. Lefranc, Ibid., 1905, p. 216-217.

3. Herminjard, Correspondance des réformateurs dans les pays de langue /i'e)HfsMf, III, p. 110. Ca!Mft: opera, X, 2~ partie, col. 29.

4. Cf. H. C[louzot], dans R. E. R., 1909, p. 385-386.

5.Cf.Plattard,t6t~i9i2,p.S9isq.

6. A moins que l'on ne prenne au sérieux une phrase de Colletet A Fontevrault, dit-il, a on garde précieusement un livre manuscrit de Rabelais qui est un ample recueil de ses diverses poésies, comme je l'ay appris du fils de René Chartier, dccteur médecin du roy, qui l'a veu, leu et feuilleté sur les lieux ». En 1790, quand on transféra la bibliothèque de Fontevrault à Saumur, un bateau chavira et 5 ooo volumes disparurent dans la Loire (R. E. R., 1908, p. 410).


Reprenons la chronologie..Eustorg de Beaulieu, en 153~, parle des F~M~~M~M~s; le mot était donc répandu dès lors La même année, Voulté adresse une épigramme puérile et enroulée, dans le goût des humanistes, Ad .R&MocsM~, que voici

Qui rabie asseruit loesum, Rabeloese, tuum cor,

Adjunxit vero cum tua Musa sales.

Hune puto mcntitum rabiem tua scripta sonare

Qui dixit rabiem, die Rabeloese, canis?

Zoilus ille fuit rabidis armatus iambis,

Non spirant rabiem, sed tua scripta jocos

Et il le cite encore dans le même ouvrage

Civile de jure rogas quid sentio, Scaeva?

Hoc verum noster quod Rabeloesus ait s.

Je passe les vers latins de Salmon Macrin, de Dolet, de Sussanneau, de Jean de Boysonné, de Nicolas Bourbon de Gilbert Ducher s et autres qui nous montrent les relations que Rabelais entretenait avec les écrivains de son temps; mais il faut signaler que, le grave Réformateur Olivétan étant mort en septembre 1530, on a la surprise de trouver dans sa bibliothèque, qui ne contient guère que cinq ou six livres en français tout au plus, un exemplaire de Gargantua Hâtons-nous de disculper ce huguenot évidemment il ne conserve pas G~g~Ma: pour s'en amuser; n'est-ce pas dans son i" livre, en effet, que Rabelais montre quelque complaisance à la Réforme?

En 1530 encore, le r~om~ Très AsM~e puissante dame V. parle des « pantagruelines hystoires )) de « maistre Alcofribas Nasier' 7 ». Deux ans après, en 1541, on voit à Rouen, dans une fête burlesque, passer une bannière où ces

l..E..E..K.,i9ii,p.i72.

2. Voulté, jE~~faMW. lib. IV (l537), p. 61-62. 3. Ibid., p. 175.

4. R. E. R., 1911, p. go sq.

5.~6! 1903,p. 202-203.

6. Ibid., 1905, p. 221; 191°. P. 374'

7./M~i9o7,p.io5.


mots sont écrits « Alcofribas le disoit bien »; et, durant le dîner qui fait suite au défilé, un personnage habillé en hermite donne gravement lecture de jPaM~gTM~; ces faits, qui attestent la popularité de l'œuvre de Rabelais moins de dix ans après sa publication, sont relatés dans les TY~M~s l'abbaye des CoK~s~. Voici enfin paraître en septembre 1542 le 5oMgc de Pantagruel de François Habert, qui mériterait fort une étude critique.

Désormais les témoignages se multiplient; je ne cite que les principaux. Guillaume Postel, en 1543 six ans avant Puy-Hërbault 3 et dix ans avant Robert Estienne 4, attaque violemment Rabelais. Mais Jean Boucliet et Jean Brèche s'accordent à le regarder comme un des Tourangeaux qui font le plus d'honneur à leur pays (avant 1545) et la reine de Navarre lui est favorable °. Voici, enfin, la querelle des femmes, où Maître François a pris part au moyen de son Tiers Livre, comme on sait vers 1550, François Billon blâme Rabelais, contempteur du sexe féminin tandis que l'auteur de la ~OMCMgC des femmes, invention extraite ~M Commentaire de P~i'a~ sur l'Androgyne de Platon, le défend °, etc., etc. Nous approchons de la mort de Maître François. Une lettre de Denis Lambin le signale comme vivant encore en octobre 1552~ Le o janvier 1553, il résigne ses cures", et la

L'ouvrage était écrit en 1550. Cf. Lefranc, op. cit., p. 296-303.

o. Publié à Lyon, par Jean de Tournes, en 1551. Opuscule réimprimé « pour une Société de bibliophiles à 104 exemplaires. Il y est parlé de l'Abstractcur de Quinte Essence (p. 4 de la réimpression), de « l'ancien livre des Quenoilles » (p. :), de Maistre Alcofribas (p. 6), du calloier des isles Hieres (p. 9). L'Epistre de messire André Mysogy~ au seigneur P~itVf Theliarche qui !My avoit ~fHtaM~ conseil sur le ~fû~'< de se )Hi!<ff (p. 19 sq.) rappelle l'idée des consultations dePanurge au Tiers Livre.

I.

2.

3-

4.

S.

6.

7.

8.

10. R. E. R., 1903, p. 57-58.

II. B<X/EHt!~tO. S. Martini de ~<~C)M..

jR.E..R.,i9i:p.5o6.

J6M! 1910, p. 373. .Rft'. du JÏ'F7<' siècle, 1913, p. 259.

/6M., 1912, p. i sq.

Ibid., 1910, p. 188, 190. -Rev. du siècle, 1913, p. 260.

76t~ 1907, p. S~ sq.

Vers 1546. Ibid., 1905, p. 218.

A. Lefranc, Grands écrivains /~Kfa!'s de la Renaissance, p. 251 sq. Le Fort inexpugnable de <o;tM~<f)' du sexe féminin (Paris, L'Allyer, 1555).


tradition le fait mourir le 9 avril 1553 1. Antérieurement au l~ mai 1553, Tahureau et, avant le 27 novembre 1554, Ronsard lui composent chacun une épitaphe

Si d'un mort qui pourri repose

Nature engendre quelque chose, Et si la génération

Se fait de la corruption,

Une vigne prendra naissance De l'estomac et de la pance Du bon Rabelais, qui boivoit Tousjours ce pendant qu'il vivoit. La fosse de sa grande gueule Eust plus beu de vin toute seule (L'epuisant du nez en deux cous) Qu'un porc ne hume de lait dous Qu'Iris de fleuves, ne qu'encore De vagues le rivage more.

Jamais le Soleil ne l'a veu,

Tant fut-il matin, qu'il n'eust beu.

Mais quand fardante Canicule Ramenoit la saison qui brûle, Demi-nus se troussoit les bras, Et se couchoit tout plas à bas Sur la jonchée, entre les taces; Et parmi les escuelles grasses, Sans nulle honte se touillant, Alloit dans le vin barbouillant, Comme une grenoille en la fange.

Or, à en croire M. Laumonier, il paraîtrait qu'il n'y a dans ces vers de Ronsard qu'un « badinage dénué d'acrimonie », voire « un témoignage de la sympathie du poète des Odes pour l'auteur de Gargantua, et que Michelet a cruellement manqué d'esprit critique, s'il a fait preuve d'une imagination remarquable, en écrivant deux pages sur l'inimitié du jeune poète pindarique en quête de prébende et du vieux médecin-curé, i. R. jE..R., 1911, p. 4.60-461.

2. Ibid., 1903, p. 61-62.

3. Cf. Vaganay et LaumoMer, Ibid., 1903, p. 143 sq., 204, zos sq.


champion du naturel. Pour ce qui est de l'imagination de Michelet, je l'accorde. Mais quant à dire que Ronsard témoigne par ces vers-là de la sympathie pour Rabelais, c'est autre chose. J'entends bien qu'il ne faut pas prendre l'épitaphe au tragique et qu'elle s'inspire des épigrammes anacréontiques de l'Anthologie, comme beaucoup d'autres strophes où Ronsard chante le vin, la bonne chère, le cotignac et le porc salé

Sus, sus, mignons, aux confitures

Le cotignac vous semble bon;

Vous n'avés les dents assés dures

Pour faire peur à ce jambon.

Et je n'oublie pas non plus qu'il a dit

ou encore

De moy puisse la terre Engendrer un lierre, etc.,

Quand la mort me voudra tuer, A tout le moins, si je suis digne Que les dieux me daignent muer,. Je le veux être en fleur de vigne..

et aussi, dans son ode à Remy Belleau 1:

Tu es un trop sec biberon

Pour un tourneur d'Anacréon,

Bcileau.

Tout de même il y a une belle différence entre le ton qu'il sait garder dans ces poésies-là et le tableau qu'il fait de Rabelais, vautré sur l'herbe comme un porc, parmi les écuelles grasses. « Boy donques », dit-il à Belleau,

après le trespas,

Ombre, tu ne boiras là bas

Que je ne sçay quelle ombre noire.

Mais non, ne boy point, mon Belleau,

Si tu veux monter au troupeau

Des Muses.

i. Ed. BJanchemain, II, p. i~f).


J'admets que ce ne soit pas de l'antipathie, mais, à coup sûr, ce n'est pas non plus de L'admiration qu'il témoigne pour l'homme à la « grande gueule ». Au reste, ne serait-il pas étonnant qu'il ne sentît pas quelque dédain pour la littérature populaire de Maître François? Sans doute il est comme lui hellénisant, épicurien, voire grand mangeur et bon biberon; mais il chante sur un autre ton, et la veine familière, le style parlant, les dictons de Rabelais, tout cela doit sembler bien vulgaire à un poète convaincu comme il l'est de la hiérarchie des genres. A tout le moins, l'épitaphe laisse-t-elle deviner le mépris condescendant du poète pindarique pour le romancier populaire 1.

Elle nous montre par ailleurs que la légende de Rabelais ivrogne, goinfre et bouffon, s'épanouit très peu de temps après la mort de Maître François. Celle-ci n'est pourtant pas encore aussi répandue à la fin du xvis siècle qu'elle le sera plus tard. En 1555, Lodovico Arrivabene dans son Sylvius Ocreatus (en français D~~o~s 6o~e) met en scène l'auteur de Pantagruel sous les apparences d'un médecin vantard et charlatan mais dans les DM~o~M~s de Charondas (1556), il apparaît comme un philosophe de marque, qui dispute le plus subtilement du monde avec Cotereau et l'Ëcorché sur la tranquillité d'esprit, souverain bien. 3.

Encore un coup, je ne prétends point à passer en revue les témoignages que nous a laissés la seconde moitié du xvie siècle sur Maître François, n'ayant rien à ajouter à ce qu'a publié la i. Du Bellay connaissait bien Rabelais; voyez le CXXXV sonnet des~g~x. Baïf a dit

0 Pluton, Rabelais reçoi,

Afin que toi, qui es le roi

De ceux qui ne rient jamais,

Tu ais un rieur désormais.

Sur le témoignage de Louis Des Masures, cf..Rft'M<! des .B/Hto~x~MM, 1904, p. 129, note 4.

z. A. Heulhard, Rabelais, ses foya~s Italie, son exil M~x. p. 353 sq. Revue des Bibliothèques, XV, Ig05, p. 268 sq.

3. R. E. R., i<)03, p. 193 sq. Le médecin Jean Le Bon le cite aussi avec éloges en 1557 (~M., 1906, p. 75-76).


Revue des Études rabelaisiennes à ce sujet 1, et je laisse à ceux qui entreprendront l'intéressante étude de l'influence rabelaisienne sur notre littérature le soin de rappeler ces facéties, ces anas, ces farces, ces contes plus ou moins obscènes et populaires, depuis ceux des Du Fail et des Guillaume Bouchet jusqu'à ceux des Guillaume des Autels et des Béroalde de Verville, dont Sainte-Beuve compare sans indulgence la collection, qui brillait déjà dans l'or et le maroquin sur les rayons des bibliophiles, à quelque collection de tabatières rares, mais où le savoureux génie, « la drogue première de Maître François n'est plus ». Je noterai seulement, pour indiquer quelle est désormais la vogue de notre Maître, qu'en 1563 on lit Pantag~M~, au Louvre, au petit roi Charles IX, ce qui scandalise fort l'ambassadeur d'Espagne 4; et qu'on figure Rabelais jusque sur les émaux de Limoges 6. Aussi bien, Montaigne l'apprécie (1. II, ch. x), et sa réputation s'étend désormais dans toute l'Europe

II

EN ANGLETERRE

Shakespeare, qui savait apparemment le français puisque plusieurs scènes de Henri V sont .écrites dans notre langue, i. Cf. notamment sur Pierre Viret, R. E..R., 1908, p. 202; surScaliger, t'M~ i905,p.i2,eti9o6,p.28;surThevet,!aCo.Kog)'a~tfde celui-ci, 1575. II, p. 732; sur Et. Pasquier, R. E. R., 1906, p. 74; sur Marc de Papillon, ibid., 1904, p. 46 sq.On trouve le roman dans les bibliothèques bourgeoises d'Amiens en 1578, 1580 et 1582 (ibid., 1909, p. 518-519).

s. Rien n'est moins sûr, d'ailleurs, que l'attribution de la .'MWs/oM'f barragoMyxf Fanfreluche et GaK~'cAoM à Guillaume des Autels.

3. Tableau de la poésie française au .X'F'.f siècle, p. 275, n. I.

4. R. E..R., 1911, p. 442.

5. Ibid., 1910, p. 248.

6. Aux Pays-Bas (R. E. R., 1906, p. 924-5; 1908, p. 64); en Italie (Ibid., 1903, p. 157 sq.; 908, p. 398; 1909, p. 511-512; 1911, p. 470; P. Toldo, ~a'!(t~ de Molière et sa fortune en Italie, p. 201); en Allemagne (R. E. R., 1908, p. 399; 1909, p. 206 sq.r.Refxe des bibliothèques, 1904, p. 127 sq.); et jusque dans la littérature tchèque (R. E. R., 1911, p. 173).


Ben Jonson et François Bacon, eux, connaissaient~bien Maître François. Et l'auteur d'un tableau de la France vers 1508, publié en 1604, Dallington*, de même que Webster, en 1612 et Shirley en 1634 le citent. Mais le vrai rabelaisant de l'Angleterre, celui qui a su faire passer dans sa langue un peu de la verve, de la couleur, de la verbosité lyrique du Gargantua et du Pantagruel, c'est Nashe, le pamphlétaire, l'ennemi des puritains. C'était, encore un coup, un vrai écrivain rabelaisant, un homme qui choquait les mots pour le plaisir de les entendre. Marcel Schwob a su naguère traduire quelques-unes de ses phrases

2. Ibid., 1905, p. 218. Un Anglais, mort en 1546, possédait un Gargantua pn irançais. Revue <<M .X~<' siècle, 1913, p. 261.

avait-il lu Rabelais? Oui, disait M. Charles Whibley 1. Non, répliqua M. F. W. Smith Ce qui complique encore la question, c'est l'existence de la légende populaire de G~gYM~M où Rabelais, comme on sait, n'est pour rien. Peut-être, quand Francis Meres condamne en 1598 Ga~M~, ou quand Beaumont et Fletcher au cri de l'apprenti: St George for M~/ font répondre par le barbier Gargantua for M~/ –peut-être ces ` auteurs pensent-ils au héros du folklore, et non du tout à celui du roman. De même, le passage de As you like ?7 où Shakespeare cite Gargantua paraît plutôt faire allusion au géant des contes qu'au père de Pantagruel, et ce n'est point parce que Iago déclare à Brabantio « Votre fille et le More font la bête à deux dos » (are ~OM' making the beast with two backs) que nous admettrons que l'auteur avait lu Rabelais, puisque cette ingénieuse image était courante au xvie siècle. Mais il existe beaucoup d'autres passages, relevés par M. Smith lui-même, et par M. A. F. Bourgeois où Shakespeare pourrait s'être inspiré de l'oeuvre rabelaisienne; et j'estime, pour ma part, qu'il l'avait lue.

i. R. E..R., 1903, p. 2-3.

3. R. E. R., 1907, p. 80 sq.

4. Ibid., 1909, p. 130-131.

5. Ibid., igo5, p. 81.

6. Ibid., rgm, p. ya.

6. Ibid., i9ti, P. 172.

7. 7Kf~ 1903, p. 8-n.


Voici la dédicace de Have with you to Salfron ~FaM~M à un barbier:

Au très orthodoxal et révérend Correcteur de Cheveux Horripilés, sincère et finigraphique Raréfacteur de Prolixités rSdes et barbares, égrégissime et méritorissime Animadvertisseur de Moustaches errantes, Grand Décrotteur de Mentons et Capitale Personne de la Paroisse en laquelle il demeure, Surintendant spécial de toutes Superfluités Excrémentielles au Collége de la Trinité, en la cité de Cambridge, et (pour conclure) Notable et Singulier Bienfaiteur de toutes barbes en général, Don Richardo Barbarossa de Caesario, Tho Nashe offre le plus Haut de ses Biens, contentement .et félicité, avec Raccourcissement de tous ses ennemis 1.

Et voulez-vous maintenant le portrait de Maître Dives, qui aimait de tout son cœur la bonne chère?

Miserere mei, le gras rustre que c'est Il a, par ma foi, la bedaine grosse comme l'église ronde de Cambridge, la figure énorme autant que tout le corps d'une contrebasse, et ses jambes, si curieux étiez de les çreuser, vous pourriez loger dans chacune un moulin à vent'. Ou si vous préférez le tableau de l'arrestation de Harvey? Entrant donc en la chambre bien hardiment, comme deux grosses panses trop mieux bouffies et fanfaronnes, à trognes larges comme un dos de cheminée et grosses comme le pot à tripes de la ville, ensemble frappant sur l'épaule du docteur un bon coup, dont les genoux lui plièrent et le bedon lui cria couac « Ça, dirent-ils, sans méprendre (tonnant de la voix en la façon d'un vilain d'huissier), au nom de Dieu et de la Reine, nous vous arrêtons 3. )'

r, < To thé most Orthodoxail and révèrent Corrector of staring haires, the sincère and'finigraphicali rarifier of prolixious rough barbarisme, the thrice egregious and censoriaii animadvertiser of vagrant moustachios, c'ucfe scavinger of chins and principall Headmann of the parish wherein he dweus, spcciall supervisor of ail excrementaU .superfiuities for Trinitie CoHedgc in Cambridge, and (to conclude) a notable and singular benefactur tu ail beards in gênerait Don Richardo Barbarossa de Caesario, Tho. Nashe wisheth thc Highest Toppe of his contentment and felicitie and the Shortening of ail his ennemies.

2. Miserere mei, what a fat churl it is !Why lie hath a belly as big as thc Round Church in Cambridge, a face as hugp as the whole body of a bass viol, and legs that if they were hoUow, a man mighte kep a miU in either of t)tt-ui. w

3. Stept into the roome boldly (as they were two weU bunibasted swaggering fat bellies, having faces as broad as the backe of a chimney, and as big as a towne bagpudding) and clapping the Doctor with a lusty blow in thé shoulder, that made his legs bow under him and his guts cry quag again, by yonr leave, they said unto him (in a thundcring yeoman ushers diapason) in Cud's namp and the Qm'fft's we doo arrest you. »


En voilà assez pour qu'on sente ce qu'il y a de Rabelais dans Nashe si cet ennemi forcené des puritains avait horreur du piot, ce qui l'éloigne fort de notre bon Maître, du moins aimait-il l'ivresse des mots, et il savait, comme on voit, se les faire sonner aux oreilles. Il fut le premier et le dernier rabelaisant de l'Angleterre, au goût de M. Charles Whibley. Et il est certain que le moral et raisonnant, ah trop moral et trop raisonnant Swift, n'a point retrouvé la veine d~ ce Rabelais dont il a connu et exploité l'ouvrage Mais il serait injuste d'oublier Randle Cotgrave, parangon des lexicographes dont le savant dictionnaire, paru en 1611, offre une des plus remarquables gloses de Rabelais qui soient et l'Écossais sir Thomas Urquhart, médecin, et grand disciple de Maître François comme tout médecin qui se respecte, lequel publia en 16~3 et en 1603 une traduction de Gargantua et des deux premiers livres de Pantagruel que M. L. Sainéan regarde comme un chef-d'œuvre

III

XVII'" SIÈCLE

En France, à la fin du xvie siècle et surtout au commencement du xvn° siècle, on assiste à un triste spectacle celui de Rabelais honni par les Jésuites et à peu près adopté par les huguenots. La liste serait trop longue des insipides libelles où, sinon lui, ses personnages figurent. Et il y a aussi les livrets de Tabarin, de Bruscambille~ etc., les farces, les facéties qui se multiplient plus que jamais. De Rabelais ou de Béroalde de Verville procède la plus lassante et la plus ennuycusement grossière des littératures, que ne relèvent guère quelques ouvrages un peu méritoires comme les" .~o~~g~MM et les Escraignes ~'oMMOMes de Tabouret, ou les i..R. E. R., 1906, 295 sq.; 1907, p. a~ sq.

2. ~& igog, p. 137 sq.

3. /MJ., 1909, p. i7ssq.


.Bcos~MStM du comte de Caylus; et la liste de ces « gauloiseries » n'est, hélas pas close à cette heure.

Désormais neurit la légende du joyeux curé de Mcudon, buveur et glouton sans vergogne, que nous avons vu naître au lendemain de la mort de Rabelais, et le xviio siècle voit surtout dans Pantagruel et G~g~Ma un hymne à la joie, à la nature et à la « crevaille », avec quelque satire, mais rien moins qu'amère; on.ne songera guère à faire de Rabelais un « philosophe s et un prophète illuminé qu'à l'extrême fin du xvme siècle, en effet. Pour l'instant, ce ne sont que des gens bien grognons qui vont lui refuser le titre de grand écrivain parce qu'il a trop ri, et s'étonner, avec l'auteur de la Chasse aM vieil gTogM~aMi~M! (1622), qu'il ait jamais pu passer « pour homme illustre )'. Et il faut bien aussi que tout le monde lise le roman puisqu'on le réimprime sans cesse, en 1600, en 1602, en 1605, trois ou quatre fois en 1608, en 1613, en 1626, en 1650 (ou 1669), en 1663, en 1666, en 1675, en i6oi;, et sans compter les contrefaçons. Au Palais, Où nous verrons que Rabelais

N'a point dit tant de railleries

Qu'il s'y fait de friponneries,

tous les libraires l'offrent à leurs clients, en 1652; mais ils le leur vendent en cachette et « pour porter à la pochette » c'est Berthod qui nous l'apprend Des érudits s'occupent de l'œuvre avec passion les frères Dupuy, Paul Reneaume Perreau beaucoup d'autres. Colletet écrit sa vie. Tallemant recueille les traits que l'on conte de lui' L'enthousiaste Antoine Le Roy compose à sa louange les Rabelaesina elogia et le f7o~M?K ~A~oso~A~cMMt (1649). A la Cour, ses personnages sont les héros des fêtes. En 1622, on danse à Blois la mascarade de la Naissance de P<:M!'ag'~M~ où figurent

i.~?.B.i9o6,p.i95'

a.~6;i9o8,p.:77.

3. Ibid., 1906, p. 79.

4. Ibid., 1906, p. 59.

5. ~1909, P. 133; 1911, P. 44t.


Panurge, frère Jean, la sibylle de Panzoust, à côté du géant enfant et de sa nourrice; en 1627, 'au Louvre, le ballet des Quolibets dont les vers sont de Sigongnes et où l'on voit Maître Antitus des Cressonnières, le capitaine Riflandouille, etc.; en 1628, on danse celui des ~4K~OM!s; un peu plus tard, les deux ballets des Pantagruélistes, tirés tout entiers du Tiers Livre; en 1645, celui de l'Oracle de la Sibile de Pa?~oMs<; puis le Balet de la vénérable s~:7~ Pa~xoMs~ Rabelais, le Mariage de P~?~M~e, etc. 1; et, en 1668, un manège s'appellera encore « manège de Pantagruel », peut-être en souvenir d'une de ces mascarades Aussi bien, jusqu'au temps de Mlle de Fontanges on peindra les faits merveilleux des héros de Rabelais sur les éventails 3.

D'ailleurs Maître François est la source du burlesque. Somaize, cherchant un sujet de comédie ridicule, n'en trouve pas de meilleur que les Nopces de Pantagruel et prête au géant célébrant sa flamme ces vers qui font une parodie assez bonne des tirades précieuses

Ali je sens que l'amour, ce frétillant nabot,

Drisle dedans mon cœur comme les pois en pot;

Il virvolte, il se tourne, il y fait la patrouille,

Sautille comme en l'eau ferait une grenouille;

Il regimbe, etc.

Le cénacle philosophique de La Mothe Le Vayer, Gassendi, Gabriel Naudé, et autres, le goûte autant que Montaigne Guy Patin, le 6 février 1634, envoie son portrait à M. Belin, et en 1649, il écrit que Mazarin saura se défendre « comme frère Jean fit dans le Rabelais avec le baston de la croix, contre les ennemis qui vendangeoient le clos de Sevillé )). i..R..E..R., 1907, p. 90. 2. /Mtf., 1907, p. 22;.

3. Ibid., 1908, p. syo.

.t. CoHt&<' des pretieuses (iMo), éd. Livet, II, p. 3t. Ce n'est pas ia seule pièce où paraissent les personnages de Rabelais au xvn° siècle en 1654, Jacques Poussct, seigneur de Montauban, publie un .Ptt/t<<~Mc!; en 1674, il fait représenter un Panurge (R. E. R., 1904, p. 275).

5. L~'fs Gxy Patin, éd. Tnaire, I, p. 69-7o; 653.


Bernier lui consacrera en 1697 une savante étude critique Les conteurs s'inspirent de lui, comme Cyrano de Bergerac dans son Voyage s les romanciers, comme Charles Sorel le citent; enfin les goinfres, les précieux, les burlesques, les grotesques, tous les charmants poètes mineurs que Boileau a fauchés sont nourris de lui.

Je n'ai point su trouver son nom dans les vers du grand Mathurin Régnier, dont Sainte-Beuve dit si justement qu'il « mit en bouteille le vin du tonneau pantagruélique ?. Mais Saint-Amant, c'est au tonneau même de Maître François qu'il a bu. Aussi bien fallait-il qu'il sût son Rabelais par cœur ses poésies sont farcies des traits du roman, et son vocabulaire tout rabelaisien. Ne cite-t-il point, d'ailleurs, « le mocqueur Lucian et le fou Rabelais s ))? Ne parle-t-il pas de « l'an que Pantagruel desconfit les andouilles )) N'a-t-il pas chanté la N~ssa:Mc<! de PaM~gTM~ ~?

Le jour que je naquis on vit pleuvoir du sel

Le soleil, en faisant son tour universel,

De la soif qu'il souffrit beut quasi toute l'onde,

Et pensa d'un seul trait avaller tout le monde, etc.

Sarazin sait comment on rue en cuisine s, car lui aussi il a bien lu Maître François. Théophile le connaît moins, il me semble. Mais d'Assoucy, Scarron « Je ne vays point sans Rabelais », dit le premier, et il y paraît, car les souvenirs pantagruéliques affluent dans ses vers. Voici Pantagruel lui-même, Rodilardus, Grippeminaud, Croquelardon, Maître I. 7M~M~ t'< nouvelles 0&S~M!)'M;M sur les a'!<M'~ grecques, latines, toscanes et /<'a~-ots<< MtK~f François Rabelais, D. -V., o« t'iMaMf Rabelais réformé. Paris, 1697, m-12. Autre édition, 1699.

2..R. E..R., 1906, p. 295 sq.

3..FV<MCM)!, M. Colombey, p. 313; et aussi dans le Berger extravagant. 4. T<!M<au, p. 275.

S. ŒMt~ éd. Ch. L. Livet, I, p. 89.

6. Ibid., p. 185.

7. ~M., p. 178-179; ce sont des vers destinés à une mascarade.

8. ŒK:TM, éd. 0. Ulannc, p. 87.


Doribus, Lasdaller, les Dipsodes, la beste à deux dos, les jeux de Gargantua.

Ne suis-je pas un beau Satyru,

Un beau chévre-picd trepelu

Quant à Scarron, dès la préface du Virgile ~es~ (1648), il parle de « mots de gueule)); et il fait voir encore le héros du Ty~oH (1644) accourant à la rescousse, lors de l'attaque de l'Olympe, avec des géants cuirassés de pierres de taille, tel Loupgarou lui-même. Mais c'est le procédé même de son comique qui est tout rabelaisien ne montre-t-il pas, dans ;Tv~OM encore, les prêtres de Memphis apportant aux dieux de l'Olympe « quatre poinçons de vrai baume, des poissons du Nil, des crocodiles, des hippopotames, et deux paires de gants lavés »? Au reste, on sait assez que Rabelais est le premier des burlesques et que la visite d'Epistemon aux Enfers s'intitulerait à jnerveiUe l'c travesti ou quelque chose d'approchant.

')!

Sous Louis XIV, le temps n'est plus du ballet des ~M~OM?'&s, et le xvme siècle officiel ne saurait s'accommoder de la « bassesse » de Maître François. Le grand Condé, paraît-il, « ne put soutenir Rabelais que lui lisait Saint-Évremont ». Pourtant le Pantagruélisme n'est pas mort et la lignée des rabelaisants se prolongera durant toute la période classique, par Chapelle, Dufresny, Piron, Grosley et autres abbé Bordelon 2 ou d'Aquin de Chateaulyon C'est qu'au siècle de Louis XIV même, il y a deux aspects, comme on l'a souvent dit l'un noble, majestueux, c'est l'aspect officiel et d'apparat; mais l'autre paraît fort différent et l'on sait comment la veine libertine et i..K..E..E., içn, p. 437.

2. Go~Ht, ou !'AoMM):f ~o~'fM.t; (1711); cf. lc chap. UL

3. Contes en vers par i~ petit coMSM Rabelais (1775).


rabelaisienne s'y continue par les duchesses de Mazarin, de Bouillon et leur société, par Saint-Évremont, Ninon et leur école, par les Vendôme et leurs orgies du Temple et d'Anet. Il se fait là des plaisanteries et des farces dont le seul récit serait à donner des vapeurs à nos rabelaisants d'aujourd'hui, et la verdeur des réjouissances, comme le détail de ces repas et de leurs suites, que décrit abondamment l'abbé de Chaulieu entre autres, étonnerait nos plus déterminés pantagruélistes. C'est ainsi qu'il faut se garder d'imaginer les personnages du grand siècle tels que Rigault ou Largilière les ont peints il y a de terribles corps sous ces perruques, et une truculente liberté se dissimule sous cette politesse. En sorte que nous ne serons point surpris si les plus salés morceaux de Maître François ont trouvé des amateurs déclarés à ia cour même du grand roi. Par exemple à Versailles, et en 1702, Moreau, le premier valet de chambre de M. le duc de Bourgogne, ne craint pas de conserver l'image de Rabelais dans son appartement en 1715, un amateur lyonnais, ami de Brossette, en placera le portrait dans son cabinet, à côté de ceux de Molière, de La Fontaine, de Racine et de Boileau Enfin on connaît les plaisanteries scatologiques de Madame, la seconde duchesse d'Orléans; mais il y aurait de l'injustice à ranger cette pesante Allemande parmi les gens de chez nous « Le lévrier de M. de Meurles, tout éreinté qu'il étoit, en devint bien le premier lévrier de la province; pourquoi ne deviendrois-je pas aussi joli garçon qu'un ermite? » demandait Charles de Sévigné. Il connaissait bien son Rabelais, i. Coff~oM~Mf-f de ~A!~<, éd. Jaegle, I, p. 262. Elle trouve que Rabelais « a l'air très drôle

2. Correspondance de 7' B. KoMMMM et de Brossette, éd. Paul Bonncfon, I, p. 29. 3. Voici les premières lignes de la fameuse lettre de Madame à l'Electrice de Hanovre, 9 octobre 169.). « Vous êtes bien heureuse d'aller eh. quand vous voules, ch. dont tout votre chien de sou. Nous n'en sommes pas de même ici, ou je suis obligée de garder mon é. pour le soir. Mais il vaut mieux s'en tenir là. Les gens curieux de cette sorte de plaisanteries trouveront la lettre et la réponse de l'Ëiertrire, qui est surjb même ton, dans la seconde édition des ~K~Mc~t vont Ff~x~~iscAf~ .H'o/M., publiée en 1909 par M.Hans Helmot.~tsaM/tCyM~o~fMsB~/f aft.K~oHtKt von H~s und Anton Ulrich tWt Bf<tM)t'!c'!s'<g-Wo~~6~< (Annaberg in Sachsen.)


et, aux Rochers, il en lisait à la marquise des chapitres qu'elle trouvait « à mourir de rire ». Mais apparemment qu'il ne les lui lisait pas tous. Et c'est pourquoi Mme de Sévigné, qui savait par cœur tout Molière et Corneille, ou peu s'en faut, ne fait pour ainsi dire aucune allusion à Gargantua et à Pa?~gvM~ Si elle en avait entendu quelques morceaux, elle ne les avait point lus; c'est le cas de toutes les femmes sauf Catherine II qui (par l'esprit) l'était si peu. Car il y aura toujours antipathie entre les femmes et Rabelais, et pour cause. Mais il n'y en a point, certes, entre Maître François et Bussy-Rabutin; c'est pourquoi l'auteur de l'Histoire amoMyeuse des Gaules avait écrit sur un des murs de son château Curé de Meudon, ayant fait un livre qu'on n'estimoit pas parce qu'il était d'un savoir trop profond, composa cette folle et fine satire contre son siècle, qui eut ensuite un cours merveilleux et qui en aura toujours 3. e

s

Ne nous arrêtons point à Boileau qu'il ait fait ses délices de Gargantua et de Pantagruel, il est possible, mais il ne s'en vante guère à ma connaissance, n'ayant probablement jamais pu se justifier à lui-même d'un pareil goût; et arrivons à l'un des parents spirituels les plus illustres de Maître François, à Molière. On sait que, dans l'École des lemmes, Arnolphe rappelle à Chrysalde

Ce que Pantagruel à Panurge répond;

et que, dans l'Avare, La Flèche dit à Cléante « Je vous vois, Monsieur, ne vous en déplaise, dans le grand chemin justement que tenoit Panurge pour se ruiner, prenant argent d'avance, achetant cher, vendant à bon marché, et mangeant son blé en herbe. » Ce sont là, sauf erreur, les seules allusions directes à Rabelais. Mais le Perrin Dendin de Maître François n'auraitil pas donné son nom au Dendin de Molière? Et Frosine, pour R. E. R., 1912, p. 438. Sainte-Beuve lui trouvait presque une veine de Rabelais ». (JVoMfCHK.t Lundis, I, p. 294.)

2. Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, II, p. 223.

3. Gerard-Gaiily, Bussy-Rabutin (1909).

TOME M. 2


exprimer combien une chose est dimcile « Je marierois le Grand Turc avec la République de Venise », s'écrie-t-elle; c'est à peu près textuellement ce que Perrin Dendin dans le Tiers Livre dit à son fils Tenot

Quant à La Fontaine, on n'ignore certainement pas qu'il doit beaucoup à Rabelais, que les noms de Picrochole, messire Jean Chouart, Rodilard, Raminagrobis, Grippeminaud et autres reparaissent dans ses vers, que la fable du Bûcheron et Mercure est l'histoire de Couillatris, le conte de l'Abbesse celle des moutons de Panurge, et le Diable de Papefiguière emprunté aux chapitres XLV-XLVII du Quart Livre. Aussi bien, « le vieux langage, disait-il, a des grâces que celui de notre siècle n'a pas. Rabelais, nos anciens poètes nous en fournissent des preuves infaillibles » II le savait, ayant de longue date pratiqué G~g~M<ï dès 1687, dans une lettre à Saint-Ëvremont, il se proclame « le disciple » de Maître François et il écrit en octobre 1689 au prince de Conti « Y a-t-il encore au monde des Voitures et des Malherbes? Bonnes gens, je ne vous puis voir, comme dit Maître François dans son livre »

Enfin il y a Regnard. Celui-là est de la pure lignée rabelaisienne, et Sainte-Beuve n'avait pas tort de sentir dans ses vers « comme un rejaillissement de l'esprit de Rabelais )). Il s'écrie dans son Ëpître V

Je te garde avec soin, mieux que mon patrimoine,

D'un vin exquis, sorti des pressoirs de ce moine

-Fameux dans Ovilé, plus que ne fut jamais

-Le défenseur du clos vanté par Rabelais.

A son château de Grillon, non loin de Dourdan, où il menait joyeuse vie entouré des mêmes hôtes qu'il rassemblait à Paris, dans sa maison du faubourg Montmartre, on

i..X. jE. R., 1907, p. 222; igio, p. 2~2.

2. Avertissement des CoM~s, éd. H. Régnier, IV, p. 5. 3. Même éd., IX, p. 404.

~6Mf.,IX,;).<tS9.

5.7.KM~M,VI!,p..t.


dit qu'il se proposait de créer une succursale de l'abbaye de Thélème; en tout cas, il y chantait à ses amis tout un psautier qui n'était pas des plus tristes

Pour passer doucement la vie Avec mes'petits revenus, Ici je fonde une abbaye. Afin que nul frère n'en sorte Et fasse sans peine ses vœux Il sera gravé sur la porte Ici J'OK fait ce que l'on veut 1.

Je passe quelques témoignages sans intérêt et j'arrive au fameux jugement de La Bruyère qui est de 1690 Marot et Rabelaissont inexcusables d'avoir semé l'ordure dans leurs écnts tous deux avoient assez de génie et de naturel pour pouvoir s'en passer, même à l'égard de ceux qui cherchent moins à admirer qu'à rire dans un auteur. Rabelais surtout est incompréhensible son livre est une énigme, quoi qu'on veuille dire, inexplicable; c'est une chimère, c'est le visage d'une belle femme avec des pieds et une queue de serpent, ou de quelque autre bête plus difforme; c'est un monstrueux assemblage d'une morale fine et ingénieuse, et d'une sale corruption. Où il est mauvais, il passe bien loin au delà du pire, c'est le charme de la canaille où il est bon, il va jusques à l'exquis et à l'excellent, il peut être le mets des plus délicats 3. "'excellent,

Il ne faut point s'étonner si le prosateur non pareil qu'était La Bruyère a bien jugé de Rabelais comme de tant d'autres choses ni même si Molière, La Fontaine, Boileau et Racine –la douceur de Racine est une invention du xvme siècle ont fort goûté Maître François, car ceux-là sont des artistes et sensibles à la beauté où qu'elle se trouve et pour contraire à leurs théories qu'elle soit c'est même parce qu'ils n'y peuvent renoncer en aucun cas, voire quand il semble que la i. ~Joseph Guyot, Le poète A' clidteau de Grillon. p. 8y. 2. Mémoires de Primi Visconti, p. Mé;n. de La Fare, M. Ra S"p. R. E. R., i.)o7, p. 176; icoS, p. 399; 1909, p. 138, note.

qui~~ ouvrages de l'esprit. Ce paragraphe apparaît dans la cin-

quième édition.

4. Du point de vue du goût seulement; mais nous ne reprocherons pas à un contemporain de Boileau de n'avoir pas le sens historique. P~


« raison s le commanderait, qu'ils sont du parti des Anciens. Mais qu'un « Moderne », un pur cartésien, pour qui la littérature n'est que la notation rigoureuse et le fruit du «bon sens », qui ne conçoit même pas qu'elle puisse exister par elle-même, en dehors de la philosophie, pour qui la poésie n'est qu'une prose supérieure, plus élégante et plus ornée, bref le moins artiste des hommes, le plus sec, le plus pauvre de sensibilité, comme le plus élégant et le plus ;mi qu'un homme du XVIIIe siècle comme Fontenelle puisse aimer Rabelais, voilà qui surprend. 11

C'est un fait, pourtant. En 1683, le médecin hollandais Van Dale publiait deux pesantes dissertations en latin sur les Oracles. Fontenelle, les ayant trouvées bonnes, entreprit de les faire lire à ses contemporains, et pour cela de les rendre agréables. Il les traduisit, abrégea, para de mille traits, et les fit charmantes en effet c'est l'Histoire des Oracles, parue en 1686. Or, à un certain endroit, Van Dale, ayant parlé de la consultation des sorts virgiliens par Panurge, avait écrit Ac per lusum et jocum Doctissimus ille Gallus Rabelaesius cujus nugae saepius multorum Doctorum seria vincunt; in vita et gestis Gargantuae et Pantagruelis, tam docte meo judicio, quam lepide ac salse, étc.

Ce que Fontenelle paraphrase et traduit ainsi Icy mon Auteur se souvient que Rabelais a parlé des SorsVirgiliancs que Panurge va consulter sur son mariage, et il trouve cet endroit du Livre aussi sçavant qu'il est agréable et badin. Il dit que les bagatelles et les sottises de Rabelais valent souvent mieux que les discours les plus sérieux des autres. Je n'ay point voulu oublier cet éloge parce que c'est une chose singulière de le rencontrer au milieu d'un Traité des oracles, plein de science et d'érudition. Il est certain que Rabelais avait beaucoup d'esprit et de lecture, et un art particulier de débiter des choses sçavantes comme de pures fadaises, et de dire de pures fadaises le plus souvent sans ennuyer. C'est dommage qu'il n'ait vécu dans un siècle qui l'eust obligé à plus d'honnesteté et de

politesse

i. ~H~/f-c des O~des, éd. L. Maigron, p. 139-140


Donc Fontenelle trouve à Rabelais « beaucoup d'esprit ». Quarante et un ans plus tard, en 1742, il lui en trouvait apparemment encore, car il résumait fort soigneusement « un récit assez plaisant que le seigneur de Basché fait dans Rabelais », et qui est celui de frère Estienne Tappecoue et de la diablerie de Maître François Villon, K célèbre fripon et poète » (livre IV, ch. XIII). Mais, en analysant l'histoire, il lui ôtait précisément cette haute couleur et cette verdeur qui lui donne du prix à nos yeux, et, si vous voulez, par exemple, savoir ce que deviennent les plus étonnantes phrases de Rabelais, résumées par Fontenelle, voici

Rabelais Fontenelle

La poutre [jument] toute ef- La poutre le jeta bas mais frayée se mit au trot, à pets, à comme il ne put défaire de dedans bonds, et au galop, à ruades, fres- l'étrier, qui étoit de corde, son surades, doubles pédales et pé- soulier senestre, la poutre le traîtarades, tant qu'elle rua bas na au baudet au loin, et ne reporta Tappecoue, quoi qu'il se tînt à de lui au couvent que le pied droit l'aube du bas de toutes ses forces. et le soulier entortillé. Ses étrivières étoient de cordes

du côté hors le montoir son soulier

fenestré étoit si fort entortillé qu'il

ne le put onques tirer. Ainsi étoit

traîné à écorchecul par la poutre,

toujours multiplianté en ruades

contre lui, et fourvoyante de peur

par les haies, buissons et fossés.

De mode qu'elle lui cobit [martela]

toute la tête, si que la cervelle en

tomba près de la croix Osanière;

puis les bras en pièces, l'un ça,

l'autre là; les jambes de même;

puis des boyaux fit un long car-

nage en sorte que la poutre au

couvent arrivante de lui ne portoit

que le pied droit et soulier entor-

tillé.

Assurément, le morceau de Fontenelle est fort clair (sauf que le soulier « senestye » devient le pied droit à la fin). Mais al-


1er, quand on en cite tant d'autres, précisément résumer, ces phrases-là, ce n'est pas d'un homme qui ressent le génie verbal de Maître François. Alors qu'est-ce qu'il aime dans Pantag~M~, ce Fontenelle?

M. Henri Potez l'a fort bien dit Dès 1686, « à la suite de Van Dale, Fontenelle a malmené les oracles, et, sournoisement, derrière les oracles, toute légende et toute foi positive ». On sait quelle place la caricature des oracles tient dans le Pantagruel, et combien les abus de l'Église y sont raillés voilà ce que Fontenelle y apprécie. C'est ainsi qu'en Rabelais, où « les puissants artistes du XVIIe siècle vont chercher d'infinis trésors de vie et de réalité », les libres esprits du XVIIIe siècle « puisent des conseils de hardiesse et d'ironie ». Ce qu'on goûtera si fort dans son œuvre, désormais, ce ne sera plus la joie, la bouffonnerie lyrique, ni la philosophie naturaliste, ni même le bon sens et les idées sages, et moins encore la beauté de la langue ce sera tout uniment l'anticléricalisme; et, à cause de cela seulement. Maître François sera cité par les philosophes.

IV

XVIIIe SIÈCLE T

La première allusion que Voltaire fasse à Rabelais, c'est dans une lettre de 1716 que je l'ai trouvée. L'éprtre, en prose et en vers, est adressée au prince de Conti

L'un [l'abbé Courtin}, gras, rond, gros, court, séjourné, Citadin de Pa.pirna.me.

Porte un teint de prédestiné.

1

L'autre [Voltaire] dans Papefigue est né,

Maigre, long, sec et décharné~.

i..R.E.i9o8,p.362.

2. Ed. Moland, XXXIII, p. 39.


Comme on voit, c'est la satire religieuse de Pa~agTM~ qui l'a tout d'abord frappé. Quelle est alors son opinion sur l'auteur, nous ne savons. Mais le 2 février 1727, il écrit au sujet de Swift à son ami Thiëriot

C'est le Rabelais de l'Angleterre, comme je vous l'ai déjà mandé; mais c'est un Rabelais sans fatras, et ce livre [GM/t~] serait amusant par lui-même, par les imaginations singulières dont il est plein, par la légèreté de son style, quand il ne serait pas d'ailleurs la satire du genre humain 1.

Il est remarquable que Voltaire ait, durant toute sa vie, comparé ainsi le raisonnant Swift au luxuriant Rabelais, et cela nous fait d'abord sentir qu'il est toujours demeuré peu sensible à ce qui fait le génie de Maître François c'est le lyrisme. Au reste, et comme on voit, l'auteur anglais lui paraissait bien supérieur à son modèle. En 1732 encore, dans le 7~ ~M g'o~, décrivant la bibliothèque du dieu, où « presque tous les livres sont corrigés et retranchés de la main des Muses », Voltaire y place « l'ouvrage de Rabelais réduit tout au plus à un demi-quart ». Mais encore l'y place-t-il, et entre peu de livres, cette bibliothèque étant maigrement fournie, ce qui prouve qu'il a du faible pour Maître François. Il faut le dire, car on a presque toujours exagéré en parlant du mépris de Voltaire pour Rabelais durant cette première période de sa vie. Sans doute l'auteur de Candide ne sentait pas pour celui de G~gantua l'admiration qu'auront plus tard les romantiques; mais il le considérait comme nécessaire à la collection des plus fins connaisseurs en belles-lettres, et c'est assez pour montrer qu'il ne le dédaignait pas autant qu'on l'a dit.

Toutefois il paraît bien que ce qu'il goûtait surtout dans C~g~~M et P~K~K~, ce n'était pas tant la beauté littéraire que les opinions anticléricales de l'auteur. Il n'est pour s'en trouver assuré que de lire ce qui suit. Voici d'abord en 1734 les Lettres ~Mosc~/H~es.

i. Ed. Moland, XXXIII, p. 165. 2. Ibid., VIII, p. ~7.


.Ils [les Anglais] remercient Dieu d'être Protestans. Mais ce sont de vilains hérétiques, à brûler à tous les diables, comme dit Maître François Rabelais c'est pourquoi je ne me mêle de leurs affaires On remarquera l'allusion à un passage du Tiers Livre, chapitre XXII « Il est par la vertus Dieu haereticque; je diz haereticque formé, haereticque clavelé, haereticque bruslable, comme une belle petite horologe. Son âme s'en va à trente mille charretées de Diables. » Ailleurs, dans la treizième Lettre, Voltaire, raillant les Scolastiques, énumérera « le Docteur irréfragable, le Docteur subtil, le Docteur angélique, le Docteur séraphique, le Docteur chérubique, qui tous ont été bien sûrs de connoître l'âme très-clairement, mais qui n'ont pas laissé d'en parler comme s'ils avoient voulu que personne n'y entendît rien )). Or tout porte à croire qu'il a emprunté les Docteurs irréfragable, subtil, angélique et séraphique àBayle, Sprat ou plutôt Moreri; mais le chérubique, il a dû le trouver dans le catalogue de la bibliothèque de SaintVictor, 'au chapitre VII de Pantagruel. Et tout cela nous montre que, si Voltaire avait sur Rabelais une opinion, du moins était-ce pour l'avoir lu, en quoi il diffère de Victor Hugo et de plusieurs autres.

Le troisième passage des Lettres ~Moso~/M~Mës est intéressant. C'est une nouvelle comparaison de Swift à Rabelais. L'auteur explique d'abord que les livres contenant des plaisanteries théologiques nécessitent un commentaire pour ceux qui ne sont point parfaitement au courant du sujet, et que « la plaisanterie expliquée cesse d'être plaisante », vu que « tout commentateur de bons mots est un sot »; à quoi il ajoute

Voilà, pourquoi on n'entendra jamais bien en France les livres de l'ingénieux Docteur Suift, le Rabelais d'Angleterre. Il a l'honneur d'être Prêtre comme Rabelais, et de se moquer de tout comme lui; mais on lui fait grand tort, selon mon petit sens, de l'appeler de ce nom. Rabelais dans son extravagant et inintelligible livre a répandu une i. Cinquième lettre; éd. G. Lanson, I, p. 64 et 71.

z. Même éd., I, p. 167 et 180.


extrême gaieté et une plus grande impertinence; il a prodigué l'érudition, les ordures et l'ennui; un bon conte de deux pages est acheté par des volumes de sottises il n'y a que quelques personnes d'un goût bizarre qui se piquent d'entendre et d'estimer tout cet ouvrage, le reste de la nation rit des plaisanteries de Rabelais et méprise le livre. On le regarde comme le premier des bouffons, on est fâché qu'un homme qui avoit tant d'esprit en ait fait un si misérable usage; c'est un philosophe ivre qui n'a écrit que dans le temps de son ivresse. Mr. Suift est Rabelais dans son bon sens, et vivant en bonne compagnie il n'a pas à la vérité la gaieté du premier, mais il a toute la finesse, la raison, le choix, le bon goût qui manque à notre Curé de Meudon. Ses vers sont d'un goût singulier et presque inimitable; la bonne plaisanterie est son partage en vers et en prose, mais pour le bien entendre, il faut faire un petit volage dans son pays 1. Voilà donc quel est en 1734 le jugement de Voltaire à ses yeux, Maître François n'est qu'un bouffon grossier dont on rit tout en le méprisant, et Swift a pris de sa manière ce qui est bon. Cette opinion lui demeurera pendant plus de vingt ans. Une fois, en 1~44, il déclarera que « toute métaphysique ressemble assez à la coquecigrue de Rabelais, bombillant ou bombinant dans le vide )). Mais cela ne nous renseigne en rien sur ce qu'il pense de notre auteur. En 1752, dans le Siècle de Louis XIV, il en prononce le nom pour le mettre encore bien au-dessous de Swift

Il y a du doyen. Swift plusieurs morceaux dont on ne trouve aucun exemple dans l'antiquité c'est Rabelais perfectionnée En revanche, sept ans plus tard, il lui vient à l'idée de relire Gargantua et Pantagruel, et il y trouve cette fois beaucoup d'agrément, comme il l'explique à Mme Du Deffand (13 octobre 1750)

Que lirez-vous donc, madame? Le duc d'Orléans régent daigna un jour causer avec moi au bal de l'Opéra; il me fit un grand éloge de Rabelais et je le pris pour un prince de mauvaise compagnie, i. Ëd. G. Lanson,'II, p. 135 et 142.

2. Lettre au marquis d'Argemon, 15 avril t~, éd. Moland, XXXVI, p. a86. 3. Chap. XXXIV, éd. Moland, XIV, p. 560.

4. H faut donc ranger le Régent parmi les bons pantagruélistes.


qui avait le goût gâté. J'avais alors un souverain mépris pour Rabelais. Je l'ai repris depuis, et, comme j'ai approfondi toutes les choses dont il se moque, j'avoue qu'aux bassesses près, dont il est trop rempli, une bonne partie de son livre m'a fait un extrême plaisir. Si vous en voulez faire une étude sérieuse, il ne tiendra qu'à vous; mais j'ai peur que vous ne soyez pas assez savante et que vous ne soyez trop délicate Et le 12 avril suivant, à la même

J'ai relu, après C~'Me [~a~owe], quelques chapitres de Rabelais comme le combat de frère Jean de Entommeures et la tenue du conseil de Picrdchole (je les sais pourtant presque par cœur); mais je les ai relus avec un très grand plaisir, parce que c'est la peinture du monde la plus vive.

Ce n'est pas que je mette Rabelais à côté d'Horace; mais si Horace est le premier des faiseurs de bonnes épîtres, Rabelais, quand il est bon, est le premier des bons bouffons. Il ne faut pas qu'il y ait deux hommes de ce métier dans une nation; mais il faut qu'il y en ait un. Je me repens d'avoir dit autrefois trop de mal de lui 2.

En somme, ce qui lui a rendu Maître François agréable, Voltaire le laisse ici entendre c'est qu'il a « plus approfondi toutes 1es choses dont Rabelais se moque », entendez les choses religieuses. Les lettres qu'on vient de lire datent du temps où il était le plus occupé de combattre l'Église il est tout étonné et ravi de trouver dans le « curé de Meudon s un allié plus puissant qu'il ne l'aurait pensé. Il savait pourtant presque- par cœur la défense du Clos par frère Jean et la fameuse conversation de Picrochole et de ses conseillers; mais, en relisant Gargantua avec attention, il a été frappé d'y rencontrer des scènes si bonnes. Quel dommage que Rabelais ait manqué de mesure Tout de même. Voltaire, à cette époque, mettrait le livre à une meilleure place dans le Temple du Goût qu'il ne faisait jadis. Voici l'Ingénu on demande à ce naïf enfant de la Huronie s'il a jamais lu quelque livre Il dit qu'il avait lu Rabelais traduit en anglais et quelques morceaux de Shakespeare qu'il savait par cœur

i. Ed. Moiand, XL, p. ig-s-igs.

2. 7 M., p. 350-3:1.

3. Ëd. Fr. DtHaye, II, p. 192.


Quant à l'abbé de Kerkabon, « il savait assez honnêtement de théologie, et quand il était las de lire Saint Augustin, il s'amusait avec Rabelais; aussi tout le monde disait du bien de lui a. L'T~g~MM est de 1767, l'année même où parurent les Lettres à 5'. A. R. Monseigneur le prince de. sur Rabelais et sur d'autres auteurs accusés d'avoir mal parlé de la religion chrétienne Voltaire y expose plus longuement qu'ailleurs son sentiment.

La lettre première est « sur François Rabelais », et débute par cette déclaration

Puisque Votre Altesse veut connaître à fond Rabelais, je commence par vous dire que sa vie, imprimée au devant de Gargantua, est aussi fausse et aussi absurde que l'Histoire de Ga~a~Ma même. Puis, ayant fait justice de l'historiette de Rabelais jurant qu'il baiserait volontiers tout ce qu'on voudrait au Saint Père, voire le derrière, pourvu que Sa Sainteté commençât par se le laver, et autres contes du même acabit, il continue de la sorte

Son livre, à la vérité, est un ramassis des plus impertinentes et des plus grossières ordures qu'un moine ivre puisse vomir; mais aussi il faut avouer que c'est une satire sanglante du pape, de l'Église et de tous les événemens de son temps. Il voulut se mettre à couvert sous le masque de la folie. Il le fait assez entendre lui-même dans son prologue.

Suit la citation du passage que chacun sait et que je ne me refuserai pourtant pas le plaisir de reproduire ici dans son texte exact « Mais veistes vous onques chien rencontrant quelque os medulare? C'est, comme dict Platon, lib. II de Rep., la beste du monde plus philosophe. Si veu l'avez, vous avez peu noter de quelle devotion il le guette, de quel soing il le guarde, de quel ferveur il le tient, de quelle prudence il l'entomme, de quelle affection il le brise, et de quelle diligence il le sugce. »

i. Ëd. Fr. Dillaye, p. 180.

2. Ed. Motand, XXVI, p. 469 sq.


Mais reprend Voltaire qu'arhva-t-il? Très peu de lecteurs ressemblèrent au chien qui suce la moelle. On ne s'attacha qu'aux os, c'est-à-dire aux bouffonneries absurdes, aux obscénités aBreuscs dont le livre est plein.

Et il en vient à examiner les identifications fantaisistes qu'on a longtemps admises

Il est clair que Gargantua est François Ier, Louis XII est Grandgousier, quoiqu'il ne fût pas le père de François, et Henri II est Pantagruel. L'éducation de Gargantua et le chapitre des torcheculs est une satire de l'éducation qu'on donnait alors aux princes; les couleurs blanc et bleu désignent évidemment la livrée des rois de France.

La guerre pour une charrette de fouaces est la guerre entre CharlesQuint et François Ier. Il n'est pas possible de méconnaître Charles-Quint dans le portrait de Picrochole. On ne peut se méprendre à la généalogie de Gargantua c'est une parodie de la généalogie la plus respectable.

Suit une analyse du livre I où Voltaire fait ressortir les attaques de Rabelais contre l'Église. Et la lettre se termine par cette phrase

L'illustre M. Le Duchat a chargé de notes pédantesques cet étrange ouvrage' dont il s'est fait quarante éditions. Observez que Rabelais vécut et mourut chéri, fêté, honoré et qu'on fit mourir dans les plus affreux supplices ceux qui prêchaient la morale la plus pure. La seconde lettre est « sur les prédécesseurs de Rabelais en Allemagne et en Italie, et d'abord du livre intitulé E~s~ae o6scM~o~M~M virorum ». Voltaire ne doute pas que Maître François « ait eu sous les yeux ces Lettres des gens obscurs quand il écrivit son Gargantua et son Pantagruel ». Puis il énumère les « anciennes facéties italiennes qui précédèrent Rabelais ». Il attire l'attention sur Boccace, singulièrement sur « la confession de Ser Ciappelletto à l'article de la mort (voir la première nouvelle de la première journée), et sur Morgante de Pulci; puis il termine par des remarques sur l'incrédulité des Italiens aux xrys, xve et xvis siècles.

i. En 1731, Brossette trouvait au contraire les notes de Le Duchat fort sèches (Co~spo~NMff J.-B. Rousseau et de Brossette, éd. P. Bonnefon, II, p. 46).


Enfin la lettre cinquième traite de Swift, que Voltaire compare une fois de plus à Rabelais

Rabelais fut curé de Meudon, et Swift fut doyen de la cathédrale de Dublin tous deux lancèrent plus de sarcasmes contre le christianisme que Molière n'en a prodigué contre la médecine, et tous deux vécurent et moururent paisibles, tandis que d'autres hommes ont été persécutés, poursuivis, mis à mort pour quelques paroles équivoques.

Swift était bien moins savant que Rabelais; mais son esprit est plus fin et plus délié c'est le Rabelais de la bonne compagnie.' C'est par cette remarque, exactement semblable à celle qu'il faisait quarante ans plus tôt, que Voltaire termine son examen de l'œuvre de Rabelais, En somme, il n'a pas changé d'avis autant qu'on croit sur Maître François, et cette note de son Sotisier résume assez bien ce qu'on vient de lire On admire Marot, Amyot, Rabelais comme on loue des enfans quand ils disent par hasard quelque chose de bon. On les approuve parce qu'on méprise leur siècle, et les enfans parce qu'on n'attend rien de leur âge l,

Tout donne à penser que, si la nouvelle lecture qu'il fit de Gargantua en 1759 lui laissa une impression favorable, ce fut beaucoup parce qu'il était alors dans le plus fort de sa lutte contre l'Église. Il avait le goût trop fin et trop délicat pour supporter cette exubérance de la langue et des images, il était trop classique pour goûter pleinement Rabelais. Et là dessus, la plupart des écrivains de son siècle ont eu le même sentiment que lui.

Diderot, par exemple. Croyez-vous qu'il cite Rabelais dans la Promenade a!'M~ sceptique (1747) parmi ceux qui ont su se faire lire en combattant la « superstition » catholique. à savoir Bayle, Montaigne, Voltaire, Barclay, Woolston, i. Ëd. Muland, XXXII, p. 556.


Swift toujours Swift et Montesquieu? Point du tout. Néanmoins il le connaît, car un peu plus loin, parlant des dévots

En général, c'est bien la race la plus méchante que je connaisse, dit-il. Orgueilleux, avares, hypocrites, fourbes, vindicatifs, mais surtout querelleurs, ils tiennent de frère Jean des Entommeures, d'heureuse mémoire, le secret d'assommer leurs ennemi avec le bâton de l'étendart; ils s'entretueraient quelquefois pour un mot, si on avait la bonté de les laisser faire

C'est donc qu'il ne prend guère Maître François au sérieux. Ailleurs, il nous le montre qui, « entre deux bouteilles, oublie sa bibliothèque )). Pourtant il y a quelque rapport entre le naturalisme de frère Jean, par exemple, et celui du neveu de Rameau; c'est ce dernier même qui le déclare

La sagesse du moine de Rabelais est la vraie sagesse pour son repos et pour celui des autres. Faire son devoir tellement quellement, toujours dire du bien de M. le prieur, et laisser aller le monde à sa fantaisie. Il va bien, puisque la multitude en est contente. Si je savais l'histoire, je vous montrerais que le mal est toujours venu par quelques hommes de génie; mais je ne sais pas l'histoire parce que je ne sais lien.

A défaut de frère Jean, Panurge, lui, l'aurait sue, l'histoire, et c'est une bien bonne tirade toute farcie de citations qu'il nous aurait débitée sur ce thème-là.

L'abbé Galiani a eu sur Maître François un mot ravissant « L'obscénité de Rabelais est naïve, elle ressemble au c. ~d'un pauvre homme » On ne saurait mieux dire. C'est pourtant cette innocente ordure et ces grosses bouffonneries qui ont empêché le xvm~ siècle de mettre Pantagruel et Gargantua à la place qu'ils doivent occuper dans l'estime des honnêtes gens On essaya d'en débarrasser le roman la première i. L'allée des épines, paragr. 21.

2..R~/KMton suivie <& !'ot<tva~ ~<t«. intitulé ~'NoMt~M', éd. Assézat, II, P. 35S.

3. Cité par Sainte-Beuve, Tableau. p. 271, n. 2.

En 1709, Boursault constatait déjà qu'on ne voit pas le livre de Rabelais c dans les mains de personnes d'une vie réglée R. E. R., VIII, p. iuo.


édition expurgée est celle de l'abbé de Marsy en 1752; mais priver Rabelais de ses gravelures lyriques, c'est lui nuire considérablement. Quoi qu'il en soit, en mars 1776, la Bibliothèque des romans (p. 123) appelle l'auteur de Pantagruel « un auteur sans doute autrefois trop estimé, aujourd'hui trop méprisé ou trop parfaitement oublié ». Et il faut que les meilleurs lettrés eux-mêmes ne sachent plus guère leur Rabelais, puisque Brossette, en 1730, déjà le cite tout de travers 1.

Voici pourtant un lecteur qu'on ne lui aurait pas cru André Chénier. Sainte-Beuve nous avait appris qu'il possédait à fond le Pa:M~~M~ comme les Essais', et, dans les pages inédites qu'a publiées récemment M. Abel Lefranc, il assure que « ceux qu'on reçoit docteurs en médecine à Montpellier sont revêtus de la robe de Rabelais )). Au reste, durant tout le xvme siècle, s'il est méconnu des écrivains et des critiques, Maître François n'a point perdu son public 3 on le réédite encore, et Panurge, qu'on avait vu aux Italiens en 1720 reparaît sur la scène en 1785, dans un opéra-comique de Grétry Panurge dans l'île des Lanternes; mais l'auteur du livret se targue de n'avoir rien emprunté à Rabelais, en quoi il a eu tort, car sa pièce fit une chute, si l'on en croit Bachaumont à moins qu'elle n'ait remporté du succès au contraire et qu'il n'ait eu par conséquent raison En somme, la gloire de Rabelais subit une éclipse à la fin de l'Ancien Régime. La Révolution la rétablira.

i. Correspondance de /B..RoMSMM et de Brossette, éd. Bonnefon, II, p. ~80. 2. Nouveaux Lundis, III, p. 333.

3. Restif dela Bretonne, .Moms~K)- A~'cn;<M, éd. abrégée par John Grand-Carteret, Ml. P- 43, nous montre la mère Lebègue employant un certain mot c qu'elle avait tiré de Rabelais c'est c kalibistri

4. Dans une pièce de Jacques Autreau, Panurge à MM~ CM Coquetterie «)(:t'~i; Le même écrivit encore Panurge marié dans lis espaces imaginaires (R. E..R 11, 275; VII, ~4).

5. Ibid., II, 2~5! VII, 113

6. Henri Storch, Skizzen, Scenen MM~ .B<f)~tw~ auf eine Reise ~~eA Frankreich (1787), cité par Paul Babeau, Les voyageurs en France, p. 265, déclare avec indignation que les légers Français font marcher leurs régiments sur des airs d'opcracomique et qu'« il en a vu lui-mcme un qui dansait sur l'air de l'opéra deGrétry, Pa)t!«-g<' dans l'île ~.s~~)'Kf. C'est donc que cet air était populaire.


On a réédité l'ouvrage de Ginguené.D~ ~Mi'o~ deRabelais dans la'Révolution présente et dans la Constitution civile dit C~ë publié en 1791, et l'on a eu raison, car il ne manque pas de piquant. Ginguené commence par observer que « c'est une chose bizarre que le succès de ce joyeux, mais redoutable ennemi de la superstition dans un siècle dévot, et son décri dans un siècle de philosophie ». Quand Boileau, Racine, Molière et La Fontaine faisaient leurs délices de Rabelais, le « goût dédaigneux et timide )), la « fausse décence » du xvme siècle l'ont mis à l'index. Rien de plus injuste, ajoute-t-il, car il suffit de rompre l'os pour trouver la moelle, et une simple analyse suffit à montrer que, sous ses allégories, Maître François a, dès le xvis siècle, dénoncé les abus de la royauté et de l'Église.

C'est ici, sinon la première, du moins la plus caractérisée des tentatives qui aient été faites pour changer notre bon Maître en sybille. Il est clair pour Ginguené qu'en énumérant les prodigieuses quantités de nourriture et les énormes frais d'habillements de Gargantua, Rabelais a voulu marquer l'immensité des sommes que les rois coûtent à leurs peuples; que, si la première éducation du géant est à ce point sotte, c'est pour faire voir « combien de princes, nés peut-être avec de l'esprit naturel, sont devenus incapables 'de la moindre réponse par l'éducation niaise et insignifiante qu'ils ont reçue )); et quant aux enseignements de Ponocrates, ils sont bons, mais « ainsi ne furent jamais élevés nos fils de rois ». De même, « l'absurdité, la nullité des motifs qui occasionnent la plupart des guerres, l'éloignement qu'un bon roi doit avoir pour toute guerre inutile, la folle jactance d'un prince fanfaron. tout cela se trouve parfaitement représenté dans la guerre déclarée à Grandgousier, par Picrochole. )) l. Avec un avertissement d'Henri Martin (Paris, Jouaust, 1879). Gambetta appréciait fort cet ouvrage; voir ci-dessous.


Jusque dans la descente d'Epistemon aux enfers, « les sages trouveront quelque chose de philosophique », et des vues sur les « métamorphoses politiques ». Enfin « l'ancien ordre judiciaire » et financier, et surtout l'Église, du pape aux moindres mendiants, se trouvent violemment blâmés par Rabelais Celui-ci a prévu et souhaité, comme on voit, précisément ce que la Révolution semblait à Ginguené réaliser aussi n'estil que juste de reconnaître son « autorité ?.

Désormais, voilà donc Maître François passé prophète Et cette conception d'un génie surhumain qui a caché sous des bouffonneries tout le bon sens, toutes les grandes idées des siècles à venir ne manquera pas de séduire les romantiques

v

XIXe SIÈCLE

En 1797, Chateaubriand écrivait que « Rabelais, Montaigne, Mariana étonnèrent les esprits par la nouveautéetlahardiesse de leurs opinions politiques et religieuses Trente ans plus tard, en 1828-1829, à Rome, il tracera encore ces lignes L'homme est placé dans un tableau dont le cadre ne change point, mais dont les personnages sont mobiles. Rabelais était dans cette dSj/f le cardinal Du Bellay; il faisait l'office de maître d'hôtel de Son Emmenée; /~KC/M« présentait.

Rabelais, changé en frère Jean des Entomeures, n'est pas de l'avis de Montaigne, qui n'a presque point oui de cloches à Rome et beaucoup dans ,<“ Rabelais, au contraire, en entend beaucoup dans l'isle [Rome], doutant que ce fust Dodone

avec ses chaudvo~as $.

On voit par là que Chateaubriand, à la différence de beaucoup d'autres, connaissait très bien l'œuvre pour laquelle il p. i~ la ville de Chinon prendra le nom de c/M~. (~. R.,

p. 109).

a. Essai s.cr les Révol:!tions, ch. XLI; éd, Garnier, I, p. 581. Les mots en ita-

liques ont été soulignés par Chateaubriand. Garnir T ,B T

liques ont été soudes par Chate~riand

3. Mémoires XII, compusé en i8z8-29, revu en i8.t5, éd. Bir<,

V, p. 37.

TOME II.

3


professait une si grande admiration. Mais ce n'est guère qu'en 1836, dans l'Essai sur la littérature angloise, qu'il a détaillé quelque peu son jugement sur Maître François. Et il débute par cette remarque essentielle

Ces reproches [contre l'Église] perpétués de siècle en siècle, furent reproduits par Erasme et Rabelais. Tout le monde apercevoit ces vices, qu'un pouvoir longtemps sans contrôle et la grossièreté du moyen-âge introduisirent dans l'Église

Cela est fort juste, et il y a beaucoup d'abus et d'injure à faire de Rabelais un « protestant S'il fut partisan de la Réforme au temps qu'elle se confondait encore avec la Renaissance et où c'était, au moins autant que la vue des abus de l'Église, l'esprit scientifique qui poussait les humanistes à rejeter la carapace d'interprétations que quinze siècles avaient mise sur les Écritures' et à revenir aux textes, il est patent que l'esprit calviniste lui fut toujours contraire, et ses démêlés avec Calvin sont assez connus. L'Église a parfois préféré les indifférents, voire les libres-penseurs aux hérétiques; et Chateaubriand n'a probablement pas rangé sans satisfaction parmi les premiers son cher Rabelais

La mort de Rabelais n'avoit précédé que de quinze années la naissance de Shakespeare le bouffon eût été de taille à se mesurer avec le tragique

Il faut songer aux éloges qu'il donne à Shakespeare pour comprendre la valeur de ces lignes. Mais voici mieux Shakespeare est au nombre des cinq ou six écrivains qui ont suf& aux besoins et aux aliments de la pensée ces génies-mères semblent avoir enfanté et allaité tous les autres. Homère a fécondé l'antiquité; Eschyle, Sophocle, Euripide, Aristophane, Horace, Virgile sont ses fils. Dante a engendré l'Italie moderne, depuisPétrarque jusqu'au Tasse. Rabelais a créé les lettres françoises; Montaigne, La Fontaine, Molière viennent de sa descendance. L'Angleterre est toute Shakespeare, et, jusqu'à ces derniers temps, il a prêté sa langue à lord Byron, son dialogue à Walter Scott

i. Ëd. Garnier, XI, p. 545-

z. Ibid., p. 606.

3. Ibid., p. 614.


Voilà sur Rabelais le jugement par excellence du romantisme, comme la phrase de La Bruyère nous donne le sentiment général du xvme siècle. Chateaubriand lui-même tenait fort à ce morceau, puisqu'il l'a textuellement reproduit dans les Mémoires ~'OM~-yo~i; et Sainte-Beuve s'en souvenait'. L'histoire de la pensée résumée en quelques grands esprits, génies de l'humanité, c'est un thème qui a été souvent traité par les romantiques, et le mythe du Poète « marqué au front pour le malheur » s'y rattache. Parmi ces « animateurs », Chateaubriand a placé Rabelais; il y restera.

Naturellement l'auteur d' ne peut partager l'opinion de Voltaire et regarder Maître François comme un simple auteur gai, un anticlérical qui a écrit assez plaisamment. Il sent, lui, la beauté de cette langue, la force de cette santé morale et la grandeur de ce bon sens; il proteste aussi contre la comparaison avec Swift; tout cela est bien agréable. Jonathan Swift, né en Irlande, le 30 novembre 1667, est fort mal à propos appelé par Voltaire le Rabelais de l'Angleterre. Voltaire n était sensible qu'aux impiétés de Rabelais et à sa plaisanterie, quand elle est bonne; mais la profonde satire de la société et de l'homme, la haute philosophie, le grand style du curé de Meudon, lui échappoient, comme il ne voyoit que le petit côté du christianisme et ne se doutoit pas de la révolution intellectuelle et morale accomplie dans l'humanité par l'Évangile.

Le Tonneau où le Pape, Luther et Calvin sont attaqués; Gulliver où les institutions sociales sont stigmatisées, n'offrent que de pâles copies de G~K~. Les siècles où vécurent les deux auteurs mettent d'ailleurs entre eux une immense différence Rabelais commença sa langue; Swift acheva la sienne 3.

On ne saurait mieux dire.

~22, mais revu en 1845. Je crois que

c est Au 1. dernière date que Ch. a ajoute en ses mémoires le morceau que crois que

c'est à cette dernière date que Ch. a ajouté à ses mémoires le morceau que l'on vient

de lire; pourtant il se peut qu'il l'ait au contraire composé en 1822 et insère en 1836 dans l'Essai. Dans le même livre (p. 70), je note qu'il connaissait bien les gaudes pour en avoir mangé à l'armée de Condé, où on les faisait bouillir dans des bassines. 2. Lundis, XI, p. 502.

3. Loc. cit., p. 737. Gœthe, parait-il, goûtait beaucoup Rabelais. En 179~ il projetait d'écrire un roman en s'en inspirant, dont un fragment a paru en 1837. Cf. T~pM ~t ~['/c siècle', 1013, p.65 o f j/


Il n'est pas surprenant que l'incomparable styliste que fut Courier ait bien su son Pantagruel, et que ses lettres et ses pamphlets soient parsemés de traits empruntés à Maître François. On connaît au reste son goût particulier pour le xvie siècle.

2 novembre 1808. Je pense qu'il fait un peu comme l'écolier de Rabelais Nous /)'<!M/~t'OMS ~MaM pour viser les MM)'~t'CM/M. Celui-là latinisait, et Coray hellénisait

16 octobre. [A propos d'un manuscrit de Longus.] J'espère pourtant en venir à bout à grand renfort de besicles, comme dit Maître François

29 avril 1811. Je m'en vais ))!MMMi! et &<g'M<'K<~<~rM/, comme disait Rabelais, jusqu'à Naples

Et, dans le Procès de PaM7-LoM!'s Courier (1828)

Abrégeons son discours. Voici ce notable discours, brièvement, compendieusement traduit de baragouin en français, comme dit Panurge 4.

Charles Nodier, lui, était un rabelaisant passionné, et mériterait à ce point de vue toute une étude.

L'Histoire du roi de Bohême et de ses sept cM~~M~, qu'il publia en 1830 chez Delangle, est tout inspirée de Rabelais, autant ci plus que de Sterne; encore n'est-ce pas assez dire elle n'est rien de moins, le plus souvent, qu'un véritable pastiche de PaM~g~M~. Je ne puis songer à le montrer ici il y faudrait autant de pages qu'en renferme le livre de Nodier. Voici seulement quelques extraits de l'amusant chapitre où r l'auteur représente une séance de l'Institut de Tombouctou, lequel ressemble fort à cette classique Académie française que i. Mcwot'fes, cmTt's~oft~Mtc;! et optisciiles inédits, Paris, Sautelet, iSï8; t. I, p. ses.

2. /&tW., p. 343.

3. n'!t< II, p. 64.

.). CoKec;to;t ::oHt~t; des ~WM~7t~ ~t<M<ï. Bruxelles, 1827; p. 261.


le romantique Nodier trouvait, comme on va voir, bien ridicule en 1830, mais où il devait entrer volontiers en 1833 Il y en avait qui criblaient très méthodiquement les mots de la langue dans un grand sas académique.

Il y en avait qui les belutaient sophistiquement, et qui en tiraient un grand profit en vendant la recoupe a je ne sais quels malotrus fainéants pour en faire quelques lippées. Il y en avait qui épluchaient les pronoms, qui triaient des conjonctions, qui vannaient des particules, et qui écossaient des adverbes.

J'en vis un qui concassait grammaticalement des étymologies latines dans un beau mortier dcspautérien Dieu quelle riche opération

J'en vis un autre qui était parvenu à faire un rubis spinelle plus gros de moitié que le bloc d'ambre carabé d'où fut tirée la statue colossale de Topocambou, sans employer d'autre ingrédient que de la graine de pimprenelle soigneusement élaborée; mais je l'ai retrouvée depuis vendant des rosaires pour vivre et criant corone, corone, au parvis Saint-Antoine de Padoue.

Etc. Il ne faut pas s'étonner que Nodier écrivît si couramment dans le style de Maître François, puisqu'il avait copié trois fois, de sa main, Pantagruel et G~aMi'M~; du moins Mérimée l'affirme

Il avait entrepris, en collaboration avec Morellet et Auger, une édition de l'oeuvre, et l'on sait qu'il donna de bons renseignements à Eloi Johanneau préparant l'édition Variorum; j'ai retrouvé dans un catalogue de la librairie Charavay l'extrait d'une lettre inédite qui atteste leurs excellents rapports, et bien qu'elle ne parle guère de Rabelais, je demande la permission de l'insérer ici, en raison de sa grâce et de son agrément

Je vous sais gré de vous occuper de mon ami Apulée, auquel éditeurs et scholiastes n'entendent guères, et qui a été longtemps le linien de mes spéculations philosophiques. Mon ambition aurait été d'en donner une édition émendatissimo, car il est plein de fautes impures qui viennent de la mauvaise foi, de la fausse pudeur ou de l'ânerie des copistes. Mais .D<?MS MOK nobis Ao~c otia /fM/ Vous avez i. Despautères, grammairien assez connu.

2. D)sco<f)- de réception de A/<A' à l'Ac. /<'aMf<< cité plus bas.


bien raison de penser que je ne m'étais pas défait de mes rares éditions du Cymbalti;n. Ce livre me tient trop à cœur pour que j'y renonce, quoique vous m'ayez parfaitement convaincu que je n'y entendais que le sens et que vous ayez admirablement deviné les finesses de la lettre. Malheureusement, je ne crois pas qu'on puisse lui donner aujourd'hui, et de six générations par delà, un commentaire rationnel bien explicite; et je ne sais à quoi cela servirait dans le statu quo de. notre sotte civilisation. Voltaire en a parlé lui-même comme un franc étourdi qu'il était. Je ne l'imprimerai d'ailleurs à ma manière qu'après avoir 'traité avec vous de votre excellente clef, sous les rapports d'intérêt, et avec la réserve légitime de vous en rendre l'honneur. Cela me fait souvenir que vous prépariez un travail sur les clefs, qui serait inestimable et que j'aurais fort regret de vous voir abandonner. J'en ai d'assez singulières que je vous céderais volontiers, celle du Cy~~MW ~MKtK, que je n'ai pas trouvée, était la seule à laquelle mes études spéciales me fassent attacher beaucoup de prix. Je vous remercie de votre notice sur l'édition de Rabelais. Je ne l'avais pas attendue pour reconnaître l'endroit ubi defuit ~sKt~ magistri. Votre prétendu collaborateur [M. Esmengart] m'avait paru ce qu'il est !Kg'Mt'MW rarae ~M~MffM infimae COW~C/t'OKM.

Un érudit qui écrivait le français de la sorte méritait bien d'avoir une belle bibliothèque; mais on sait ce qu'était celle de Charles Nodier Il avait parmi ses Rabelais un exemplaire unique, sur Chine, de l'édition Variorum, orné de 12 dessins originaux de Devéria~ et un Tiers L~ annoté par Guy Patin". Quant à son avis sur maître Alcofribas, j'aimerais qu'il eût été celui de Théodore, le bibliomane

Il passait sa vie au milieu des livres et ne s'occupait que des livres, ce qui avait donné lieu à quelques-uns de penser qu'il composait un livre qui rendrait tous les livres inutiles, mais ils se trompaient évidemment. Théodore avait tiré trop bon parti de ses études pour ignorer que ce livre est fait il y a trois cents ans [sic; on peut relever les inadvertances d'un tel écrivain, cela ne mène pas loin]. C'est le treizième chapitre du livre premier de Rabelais

i. Voir les Catalogues de sa bibliothèque en 1827, 1829, 1844, et A. Guillois, Les livres A- Ch. Nodier (Extr. du Bulletin <y« Bt'Mt'o~Mc).

2. Plan, Bibliographie rabelaisienne, p. 136-137.

3. Un ttMtoMSKi', dans le Livre des CfH<7n, I, p. 92 nouvelle réimprimée dans les Contes /t!)!<a's<t9!«'s.


A ceux qui ne se rappelleraient pas le titre du treizième chapitre du 1er livre de Rabelais, je me contenterai de dire que c'est celui où l'on apprend à quelle invention Grandgousier connut l'esprit merveilleux de Gargantua. Voici maintenant le camp des ennemis de notre bon Maître. Il y a Sylvestre de Sacy qui déclare, en 1823, qu' « il en fait peu de cas 1 »; il y a le sieur Capefigue qui parle de « la méchante figure de Rabelais, aux joues saillantes, aux yeux ronds, à l'expression ignoble » (apparemment qu'il avait découvert un portrait authentique?), de la « vie bouffonne et crapuleuse » du « vieux sybarite de Meudon », des « étranges et fastidieuses bouffonneries », du « fatras d'histoires drôlatiques, écrites dans une langue inintelligible » (pour lui, Capefigue), du « pédant échiqueté d'universitaire et de fou royal » pour qui le Parle,.ment a été trop indulgente.. que sais-je? enfin il y a Lamartine qui ne pouvait souffrir le « boueux » Rabelais, non plus au reste que Montaigne et La Fontaine s, et à qui sans doute Rabelais, Montaigne et La Fontaine, peu sensibles à sa candeur lyrique, selon toute apparence l'auraient bien rendu.

Stendhal avait-il lu Gargantua et .Pa~g~<~? C'est peu probable. Il n'en parle que fort vaguement à ma connaissance Rabelais appelle Avignon la Ville sonnante

Erreur. Et dans sa Correspondance

16 juin 1832, à Di Fiore. Rien ne se passe naturellement, simplement, raisonnablement. Rabelais est appelé à délibérer sur chaque détail et ordonne ce qu'il y a de plus bouSon °. Stendhal en était resté à la conception du xvme si.ècle, comme on voit, et Rabelais n'était pour lui qu'un épais .farceur. Mais son ami Mérimée ne pensait pas de la sorte. Il serait d'ailleurs étonnant que Mérimée n'eût pas compté

i.N.E.V,4Si.

2. Diane de Poitiers, p. 25-26, 93, 146, 273-753. Sainte-Beuve, Z.M)t~M, 1, p. 26.

4.Me)KOt~t'S~'MM<Otf<S<<I,l).220.

g. Coff-~nH~aHM ~t-M/, <d. P~upe, 111, p. 76.


parmi les amis de Maître François; aussi en était-il; et, si je ne jurerais pas qu'il en faisait un prophète de l'humanité, du moins le goûtait-il comme un admirable écrivain. Il n'a pas manqué, dans son discours à l'Académie sur son prédécesseur Nodier, de faire l'éloge de Rabelais 1, et il faut reproduire ici ce morceau qu'on ne connaît guère t M. Nodier, m'a-t-on dit, copia trois fois de sa main Rabelais tout entier, afin de se l'assimiler en quelque sorte. En effet, pour un esprit si curieux de la perfection des détails, c'était le modèle par excellence. L'historien de Gargantua n'a pas, il est vrai, une seule page qu'on puisse lire tout haut, mais il n'a pas une ligne qui n'offre un sujet de méditation à qui veut écrire notre langue. Nul mieux que lui ne sut donner à sa pensée cette forme, je dirai si française que chacune de ses phrases est comme un proverbe national. Nul mieux que lui ne connut ce que la position d'un mot peut ôter ou ajouter de grâce à une période. Esprit cultivé par la connaissance la plus approfondie de l'antiquité classique, Rabelais, vivant à la cour, mais nourri parmi le peuple, savait de Platon que le peuple est le meilleur maître de langue. Sentiments élevés, finesse, bon sens. que manque-t-il à Rabelais ? une grande qualité sans doute. Satirique et railleur impitoyable, il ne connut jamais cette douce sensibilité qui établit un lien intime entre un écrivain et son lecteur. Mais il vivait dans un siècle rude et cruel. La guerre commençait contre la pensée et l'intelligence; les bûchers s'allumaient autour de lui; il combattait, et ce n'est pas sur le champ de bataille qu'il faut s'attendrir.

Né dans un temps plus malheureux peut-être, mais plus éclaire, M. Nodier n'emprunta à Rabelais que l'ingénieux mécanisme de son style.

Cela est de 1845, mais dès 1829, au temps où il écrivait la Chronique du règne de Charles IX, Mérimée était entêté de Rabelais. Au chapitre IV de son roman, on voit le capitaine Georges présenter à son huguenot de frère un livre richement relié. L

Mergy lut sur le dos jH~M~M la CoM~.

La reliure est belle, dit-il d'un air de dédain en lui rendant le

livr~

Le capitaine l'ouvrit et le lui rendit en souriant. Mergy lut alors I. P.9-~n. Cf. Sainte-Beuve, Chroniques ~WMMtMM, p. 300.


s~rU ornière page La vie très ~o~e ~< grand G~~M, père ~M. co;nposée M. Alcolribas, abstracteîtv de Quintessence. Et plus loin encore (chapitre XIV), Georges, « étendu sur un lit de repos, lisait, en attendant le déjeuner, la Vie très P~~ Mérimée, à cette époque, devait ouvrir Rabelais (tout au moins C<) aussi souvent que le faisait son héros l'épigraphe de son chapitre V en effet est empruntée au portrait de frère Jean (chap. XXVII, livre I)« bien fendu de gueule, beau depescheur d'heures, beau desbrideur de messes, beau descrotteur de vigiles; pour tout dire sommairement, vrai moine si oncques en fut, depuis que,le monde moinant moina de moinerie »; et celle du chapitre XIX n'est que le proverbe cité au XLIIe chapitre de C~g~t~M

Monachus in claustro Bene valet ova duo; Sed quando est extra Bena valet triginta.

Durant toute sa vie Mérimée s'intéressa à l'auteur de P~gïM~. En 1855, voyageant en Touraine, il demandait au maire de Chinon des renseignements sur le portrait de Rabelais par Delacroix et le 21 novembre 1860, il parlait encore à Panizzi des harnais de gueule de Maître François Comme Mérimée, c'est sans doute de Charles Nodier que Victor Hugo tenait son admiration démesurée pour Rabelais qu'il n'avait pas lu; ni peut-être ne lut jamais; en tout cas, il avait emprunté à Nodier son mot fameux l'~o~~ ~oM/fon. Et, bien qu'il ne connût guère ou point du tout le roman rabelaisien, il en place l'auteur parmi les quatorze grands génies de l'humanité. Car Victor Hugo, qui savait presque tout, inventait à merveille ce qu'il ne savait pas 3. i. F_Chambon A'c~ sur Mérimée, p. 335, note; cf. une lettre de 1856 dans Revue des Deux Mondes, i" mars 1896, p. 10.

2. Lettres 4 ~~t, I, p. 149. Dans une des lettres à Requien (A.t.. de Paris, 15 mai 1898, p. 249), il parle d'un. dîner pantagruélique », t.<

3. Cf. Rabelais et Victor .a< dans R. E. R., 1904, p. 203-224.


L'amour du juste et du vrai fait asseoir partout la liberté de la pensée Rabelais la trouve à son côté dans son pauvre presbytère, a dit à son tour Alfred de Vigny dans son Discours de réception à l'Académie (1846) et c'est ainsi que, un an après Mérimée, il prononça sous le dôme de l'Institut le nom redoutable. Il avait toujours été grand amateur de Rabelais, au reste (dont il ne faut point s'étonner, étant lui-même ce merveilleux prosateur). Dès 1820, il écrivait à Sainte-Beuve Vos vers, votre prose. m'enchantent, me ravissent, comme André Chénier et La Fontaine, comme Young et Rabelais 1. Mais c'est surtout dans Stello (1832) qu'il se montre véritablement inspiré par Maître François. J'y ai relevé un bon nombre de phrases d'un mouvement tout à fait rabelaisien, par exemple celle-ci que je citerai pour sa verve harmonieuse et sa grâce

Elle ne pensait pas une fois dans la journée ni à la veille ni au lendemain, ne s'informait jamais des maîtresses qui l'avaient précédée, n'avait pas l'ombre de jalousie ni de mélancolie, prenait le roi quand il venait, et, le reste du temps, se faisait poudrer, friser et épingler, en racine droite, en frimas et en repentirs; se regardait, se pommadait, se.fai~dt la grimace dans la glace, se tirait la langue, se souriait, se pinçait les lèvres, piquait les doigts de sa femme de chambre, la brûlait avec le fer à papillotes, lui mettait du rouge sur le nez et des mouches à l'œil; courait dans sa chambre, tournait sur elle-même jusqu'à ce que sa'pirouette eût fait gonfler sa robe comme un ballon, et s'asseyait au milieu en riant à se rouler par terre. Quelquefois (les jours d'étude), elle s'exerçait à danser le menuet avec une robe à paniers et à longue queue.

Voilà certes une belle transposition du chapitre De l'adolescence de Ga~~MS, et beaucoup plus rabelaisienne à coup sûr que l'« énumération », que Stello lui-même qualifie ainsi, quelques pages plus haut Ce ne sont pas les seules phrases rabelaisiennes de ce roman où l'on ne s'attendrait i. Cows/'OM~K~ éd. SakpUarid~, p. 25.

a. Ch. IH, p. 12-13.

3. Ch. II, p. q-io.


guère que Vigny se fût indirectement inspiré, même dans la forme, de Rabelais; que l'on relise les deux dernières pages de l'admirable .H~o~ ~~y B~ car je ne puis les citer

ICI.

!j< !);

Balzac maintenant. De tous les grands auteurs du romantisme, c'est peut-être le plus rabelaisant; aussi bien avait-il quelque raison de l'être, si déjà, comme le dit Théophile Gautier son père tenait de Maître François, autant que de Montaigne et de l'oncle Toby. « L'expression habituelle de la figure de Balzac était une sorte d'hilarité puissante, de joie rabelaisienne et monacale le froc contribuait sans doute à vous faire naître cette idée qui vous faisaient penser à frère Jean des Entommeures, mais agrandi et relevé par un esprit de premier ordre. » Au reste, il « ne craignait pas de temps à autre un ~OMpoM chiere lie », et en ce cas, après avoir mangé royalement et bu de la façon la plus théologale, il s'entendait mieux que personne à faire au dessert quelqu'un de ces contes salés, auxquels « Rabelais, Béroalde de Verville, Eutrapel, le Pogge, Straparole, la reine de Navarre et tous les docteurs de la gaie science eussent reconnu en lui un disciple et un maître ». Enfin il avait précisément « cette joie robuste et puissante qu'on suppose à Rabelais », et .même il était trop nourri de Gargantua et trop « pantagruélique » pour que, ayant à se plaindre de quelque vieille sorcière ou tireuse de cartes, comme il lui arriva un jour, ce ne fût point « tout ce que l'habitude des litanies de Rabelais pouvait lui suggérer de termes bizarres » qu'il grommelât en guise d'injures. C'est Gautier, bon rabelaisant lui-même, qui nous apprend tout cela Mais, à vrai dire, même si nous ignorions tout de la vie de Balzac, les CoK~es ~'o/a~~gs témoigneraient assez

i. Ch. XIV, p. 47-18.

2. Portraits contemporains, p. 59. 3./tt'p.4f).8y,9.t,iiR,i2f).


du goût qu'il avait pour Maître François Dès les premières lignes de cet ouvrage, il loue déjà son « digne compatriote, éternel honneur de la Touraine, Françoys Rabelais », et le prologue s'achève par une invocation à « nostre bon maître Rabelais, auquel nous debvons tous oster nostre bonnet en signe de révérence et honneur, comme prince de toute sapience et de toute comédie ». Quant à Maître François lui-même, il est le héros de l'une des nouvelles, le Prosne du joyeulx CM~ de Meudon. Mais tout le livre n'est qu'un pastiche de Gargantua et de Pantagyuel; tout y est rabelaisien, ou s'y efforce de l'être, depuis la langue archaïque (mais que l'on compare cette reconstitution du style de Maître François, lourde et sans ailes, à la vive et charmante imitation d'Amyot par Paul-Louis Courier !) jusqu'aux personnages et au sujet; et qui voudrait relever les emprunts des Contes drolatiques à Rabelais, il risquerait d'écrire autant de lignes qu'en comprend l'ouvrage même; c'est pourquoi nous nous contenterons de parcourir les autres principales œuvres de Balzac en suivant leur ordre chronologique.

D'abord la Physiologie du mariage. Dans l'Introduction (datée du 15 décembre 1820), l'auteur se montre fort sollicité d'écrire le livre par un démon familier qui « poussait, à la manière de Rabelais, un rire large et franc, et traçait sur la muraille d'une rue un mot qui pouvait servir de pendant à celui de Trinque seul oracle obtenu de la dive bouteille )). Et le pauvre Balzac eut beau se dire que la raison lui commandait de ne pas entreprendre un tel ouvrage, la Raison ne fut point écoutée; car dans le lointain la Folie agitait la marotte de Panurge, et il voulait s'en saisir. Quand il essaya de la prendre, il se trouva qu'elle était aussi lourde que la massue d'Hercule. D'ailleurs le curé de Meudon l'avait garnie de manière à ce [M'c] qu'un jeune homme qui se picque moins de faire un livre que d'être bien ganté ne pouvait [M'c] vraiment pas y toucher.

Deux ans plus tard pourtant, le jeune auteur si bien ganté s'efforcera de la brandir dans les Contes drolatiques, cette 1. R. E. R., III, p. n? sq.


marotte; et au reste n'était-ce point déjà s'y efforcer un peu que d'écrire comme il faisait dans la Physiologie Permettez-moi de vous dire comme Rabelais, notre maître à tous Gens de bien. Dieu vous sauve et vous garde! Où êtes-vous, je ne peux vous voir. Attendez que je chausse mes lunettes. Ah! ah! je vous vois. Vous, vos femmes, vos enfants, êtes en santé désirée? Cela me plaît.

Et encore

Ah c'est vous, buveurs très-illustres, vous, goutteux très-prétieux, et vous, croûtes-levez infatigables, mignons poivrés, qui pantagruélisez tout le jour, qui avez des pies privées bien guallantes, et allez à tierce, à sexte, à nones, et pareillement à vêpres, à complies, qui iriez voiremont toujours.

Ou bien

Vous, tas de sarrabaites [?], cagots, escargotz, hipocrytes, caphartz, frapartz, botinsurs, romipetes et autres telles gens qui se sont déguisés comme masques, pour tromper le monde! arrière, mastins, hors de la quan-iére! hors d'ici, cerveaux à bourrelet! De par le diable, êtes-vous encore là' ?

Etc.

A cette époque de sa vie, Balzac est véritablement hanté par Rabelais son roman de la P~M de chagrin, daté de 1830-1831, et qui fut donc composé entre la Physiologie et les Contes drolatiqztcs, est certainement celui où les souvenirs de Maître François sont le plus nombreux. Voici d'abord l'évocation d'une « joyeuse vie à la Panurge )); mais c'est surtout dans la scène du festin offert par Taillefer pour fêter la fondation de son journal que l'on surprend l'influence de Ga~~Ma. « Nous allons faire, suivant l'expression de maître Alcofribas, un fameux ~-oMpoM de chiere lie », dit Emile Blondet à Raphaël en arrivant; et certainement Balzac a pensé aux « propos des biens yvres )) en écrivant les pages qui suivent; malheureusement les « tartines » philosophiques (c'est son mot) i. Ed. Charpentier, 1839, p. 7.

2. Ed. Catman.ti-Lévy, p. ~9.


y remplacent bien lourdement les courtes et sonnantes répliques du modèle; c'est que,

entre les tristes plaisanteries dites par ces enfants de la Révolution à la naissance d'un journal et les propos tenus par de joyeux buveurs à la naissance de Gargantua, se trouvait tout l'abîme qui sépare le xixs siècle du xvie 1.

Hélas cet abîme, Balzac entreprend de l'expliquer par les discours de ses personnages, voilà le malheur. Quoi qu'il en soit, il évoque bien souvent Rabelais, dans ces pages Chacun mangea en parlant, parla en mangeant

Bah buvons Trinc est, je crois, l'oracle de la dive bouteille et sert de conclusion au .PaM/agTMf/

Aussi le grand abstracteur de quintessence a-t-il jadis exprimé ces deux systèmes en deux mots Ca~'MM~' cafyMMfCt. Tu me fais douter de la puissance de Dieu, car tu es plus bête qu'il n'est puissant, répliqua Émile. Notre cher Rabelais a résolu cette philosophie par un mot plus bref que Cc~K<~t, c<7fy)Kaff!, c'est f~M~e, d'où Montaigne a pris son Que M!s-/c

Et plus loin Raphaël, après la consultation des.médecins où s'est distingué le « Panurge de l'école autrement dit le docteur Maugredie

Le oui et MOM humain me poursuit partout Toujours le Ca~a~y, Ca~Kafa de Rabelais je suis spirituellement malade, cafyMar)'/ ou matériellement malade, M~tKafa 6!

Dans les Proscrits (1831), publiés avant les Contes drolatiques, je relève ce passage

Ce système vécut jusqu'au jour où Rabelais immola, l'ergotisme sous ses:terribles moqueries, comme Cervantes tua la chevalerie avec une comédie écrite

i. Ëd. Calmann-Lévy, p. 53.

2. Ibid., p. S9.

3. ibid., p. 58.

~TM. p. 88.

5. Ibid., p. 290.

6. Ibid., p. ~9~.

?. Ëd. de la « Renaissance du livre <, p. 156.


Dans les Contes &ts par une tête à ~y~~e~s (1832) Otez les tromperies de femmes, les ruses des moines, les aventures un peu breneuses de Ver ville et de Rabelais, où sera le rire'? Et dans la Fille aux yeux d'or (i83.).-35)

Mais que dirait le Gargantua de Rabelais, figure d'une sublime audace incomprise, que dirait ce géant tombé des sphères célestes, s'il s'amusait à contempler le mouvement de cette seconde vie parisienne dont voici l'une des formules '?

Désormais les passages où il est question de Rabelais du moins ceux que j'ai pu relever sont plus rares. Ce sont de simples citations, ou des formules admiratives, mais vagues. Par exemple, dans le Lys dans la Vallée (1835), une ferme des Mortsauf s'appelle la Rabelaye, et Balzac suppose que c'est l'hilarité des vendanges « dont le souvenir inspira jadis à Rabelais la forme bachique de son grand ouvrage 3 ». Dans le Ca&M~ des Antiques, il parle de « Figaro, cette seconde édition de Panurge )). Voici la « purée septembrale » et « la soûlographie, art bien estimé par le divin auteur du PantagTM~ »; le « sel chanté par Rabelais et qui, jeté sur la matière, l'anime et l'élève jusqu'aux merveilleuses régions de l'Art », et « ces paroles que Rabelais prétend s'être gelées et qui fondent < »; le « rire rabelaisien' 7 »; l'assurance que l'argot « contient un dizième des mots de la vieille langue romane, un autre dizième de la vieille langue gauloise de Rabelais », et que « cent mots au moins de l'argot appartiennent à la langue de Panurge qui, dans l'œuvre rabelaisienne, symbolise le peuple, .car ce nom est composé de deux mots grecs qui veulent dire Celui qui tout 8 ». Dans la deuxième partie d'Illusions 1 !7)tE conversation f);~ 0)t.M /;ei<)'M et minuit.

2 Ed. Bouteron-Longnon, XIII, p. 329.

3. Ed. CaImann-Lévy, p. 130.

4. Ed. Calmann Lévy, p. 281. Ce repas gargantuesque », ibid., p 318. 5 Illusions perdues, Ire partie (1837); éd. Bouteron-Longnon, XI, p. 187, 175 6. ~f)t~~ ))MSà'f des courtisanes; id., XV, p. 18, 24.

7 Une fille d.'Ève (1838) t~ IV, p. 110.

8~S~f.x~w ;HM~ courtisanes, 4e partie (1838 ou 1847), (XVI, p. 166-


~c~M~s, il parle des « grands poètes comiques comme Molière et Rabelais~)). Sa critique des A~M~~s de Musset où il reproche à l'auteur d'avoir pris des sujets trop simples et trop communs, et de manquer d'idées générales il aurait voulu dans Musset quelques « tartines beurrées à sa façon, apparemment est interrompue par cette remarque M. de Musset pouvait faire un de ces beaux livres, l'orgueil et la gloire des littératures. Rabelais, Cervantes, Sterne, Lesage ont doté leurs grands ouvrages d'une pensée de ce genre

Il n'est jusqu'à Nucingen qui ne se rencontre avec le jP~<!g'/H~ en parlant de ces « chénies zipaldernes » qui ont « tisse [dix] manières te gagner te l'archant ed tousses [douze] manières te le tébenser )).

En revanche, on est surpris de voir Balzac considérer Rabelais comme un glorieux poète en vers; depuis le xvie siècle, on a perdu cette habitude le passage qu'on va lire ne laisse pourtant point de doute là-dessus

De tous les poètes de ce temps, trois seulement Hugo, Théophile Gautier, de Vigny ont pu réunir la double gloire de poète et de prosateur [décidément, Musset n'est qu'un petit jeune homme sans importance] que réunirent aussi Racine et Voltaire, Molière et Rabelais En revanche, il faut l'approuver de n'aimer guère Mme Vermichel, si elle est vraiment « une terrible antagoniste de la philosophie rabelaisienne 5 ». Et, pour finir, je reproduis ce jugement, le dernier en date que je sache

Rabelais, le plus grand esprit de l'humanité moderne, cet homme qui résume Pythagore, Hippocrate, Aristopliane et Dante, a dit, i. 1839; id., XII, p. 77.

2..Rft'Mf parisienne, 25 septembre 1840, p. 363. Quelques pages plus loin (p. 366), il observe que « Panurgc, Gargantua, Pantagruel, créations supérieures et immortelles ont dû une partie de leur succès à ce qu'ils symbolisent quelques-unes des grandes préoccupations du xvt° siècle.

3. ~fM~Kf misères. z~ partie (1843-1844); éd. Bouteron-Longnon, XV, p. 225. `

4. Modeste -')/0)t (1844); id., 11, p. 6r. Plus loin, p. 122 Toute cette race de bouteilles, a dit Rabelais, contenant élixirs et baumes rares. »

5. Les Paysans (1845), cd. de la c Renaissance du livre p. 56.-Au t. 1 (1845) du Diable ti Paris, p. 174 Quelle franche lippée dirait Rabelais. »


il y a maintenant trois siècles « L'homme est un microcosme. Trois ~~n~omm: grand prophète suédois, disait que la

terre était un homme 1.

Laissons le microcosme, l'univers et les prophéties de Swedenborg, voire même Pythagore et Dante; il reste qu'en 1846-1847 Balzac considérait encore Rabelais comme un très grand homme. Peut-être n'était-il pas très au fait de sa vie 1; mais, ce qui vaut mieux, il s'était nourri de son livre, surtout de 1829 à 1832, ce me semble.

Et ici, il est une remarque à faire le premier témoignage de 1 admiration de Balzac pour Rabelais que j'aie trouvé est de 1829; de même pour Alfred de Vigny et Mérimée; Hugo en 1827, et Sainte-Beuve en 1828 (comme on verra tout à l'heure) proclament tous deux leur goût pour Rabelais et disent que Nodier l'appelait un Homère bouffon: ne serait-ce donc pas l'aimable auteur de 7~ qui aurait fait connaître Gargantua et Pantagruel à beaucoup de nos grands romantiques, ou du 'moins qui, par l'éloge enthousiaste qu'il avait accoutumé d'en faire, les aurait poussés à lire le roman?. Quoi qu'il en soit, tous en ont parlé; la plupart l'ont connu; mais celui qui l'a peut-être le plus passionnément goûté je crois bien que c'est l'auteur de la Comédie humaine.

George Sand témoigne qu'elle n'a jamais entendu qu'une seule fois Balzac parler d'un autre sujet que de celui-là qui l'intéressait exclusivement, c'est à savoir lui-même et ses livres; ce fut pour disserter sur Rabelais. Il fut « merveilleux, éblouissant, lucide », paraît-il~. Toutefois je ne suis point persuadé que ce soit lui qui ait inspiré à George beaucoup i. Le C.~ 7~ (i8~-i847) éd. Bouteron-Longnon, XVIII, p. ,33. 2. II a écrit « En dix minutes, les réNexions profondes, la grande et la petite morale, tous les quolibets furent épuisés sur ce sujet, épuisé dejà~~oP~~b~(~F~ 1500, c'est un peu

tôt.

3. Histoire de ma vie, IV, p. 127.

TOMEtt. +


de goût pour Pantagruel; en effet, elle blâme quelque part l'auteur des Contes drolatiques d'avoir écrit dans. le style et avec l'orthographe de Rabelais, ce qui fait de son livre, ditelle, un trésor « pour les seuls érudits » dont elle ne se piquait pas d'être. Pourtant Balzac travaillait de son mieux à lui faire apprécier la prose de Maître François il entreprenait de lui en lire, et un jour, même, ce fut en joignant à la prose des commentaires si salés que l'auteur d'Indiana les accueillit mal « Allez-vous-en, lui dit-elle, vous n'êtes qu'un gros effronté. Je vous obéis, répondit-il, mais en ce moment vous n'êtes qu'une bête et une chipie »

Apparemment, les objurgations de Balzac, ou celles de quelque autre eurent néanmoins de l'effet, car il est certain que Geojge Sand connaissait Gargantua et Pantagruel, et même fort bien. A preuve ce passage de Mlle de La Ç~MMf Il faut redoubler de courage, car l'homme de la nuit s'est armé de toutes pièces; il menace et il frappe, tenant aux pauvres d'esprit le discours terrible que tenait Editue en l'Ile Sonnante « Homme de bien, frappe, féris, tue et meurtris tous rois et princes de ce monde, en trahison, par venin ou autrement, quand tu voudras. Déniche des cieux les anges; de tout auras pardon; mais à nous ne touche, pour peu que tu aimes la vie, le profit, le bien, tant de toi que de tes parents et amis vivants et trépassés, encore ceux qui d'eux après naîtraient en seraient infortunés 1 Amis, ajoute le sage Editue pour expliquer une telle puissance, vous noterez que par le monde il y a beaucoup plus d'eunuques que d'hommes, et de ce vous souvienne

Ailleurs elle fait allusion à « l'immense nomenclature des jeux de Gargantua)), et aux notes d'Esmengard" elle possédait donc un exemplaire de l'édition Variorum. Puis elle parle de « cette île où Panurge se trouvait si bien et elle dit encore 1. Impressions et souvenirs, p. 33~-333. a 2 Ferry, Balzac et ses amis, p. 59-60. -G. Sand, Histoire de ma M< IV, p. 183, raconte la même scène, mais en la rapportant aux Contes drolatiques. 3. Latouche, qui eut beaucoup d'influence sur elle ? Il parle dans la P~<- aux T~s de « Châtillon dont Rabelais desservit joyeusement la cure ~) Ed. du Centenaire, Calmann-Lévy, p. 69-70.

5. Histoire de Ma vie, II, P. 396-39~. Elle avait les eunuques en horreur. 6. Ibid., III, P. 30.


Souvent fatiguée et obsédée de mes propres agitations, j'aurais volontiers dit, comme Panurge sur la mer en fureur « Heureux qui plante choux! il a un pied sur la terre, et l'autre n'est distant que d'un fer de bêche »

Mais il y a mieux elle avait projeté une édition de Gargan~M et Pantagruel. On lit, en effet, dans une lettre d'elle à Charles Poncy, datée du 14 décembre 1847 (Correspondance, II, p. 375-377)

Borie transcrit littéralement le style de Rabelais en orthographe moderne, ce qui le rend moins difficile à lire. En outre, il l'expurge de toutes ses obscénités, de toutes ses saletés et de certaines longueurs qui le rendent impossible ou ennuyeux. Ces taches enlevées, il reste quatre cinquièmes de l'oeuvre intacts, irréprochables et admirables; car c'est un des plus beaux monuments de l'esprit humain, et Rabelais est, bien plus que Montaigne, le grand émancipateur de l'esprit français au temps de la Renaissance. Je ne me souviens plus si vous l'avez lu. Si non, attèndez, pour le lire, notre édition expurgée, car je crois que les ~MMM~t'CM du texte vous le feraient tomber des mains. Ces immondices sont la plaisanterie de son temps, et le nôtre. Dieu merci, ne peut plus supporter de telles ordures. Il en résulte qu'un livre de haute philosophie, de haute poésie, de haute raison et de grande vérité est devenu la jouissance de certains hommes spéciaux, savants ou débauchés, qui l'admirent par son talent, ou le savourent pour son cynisme, la plupart sans en comprendre la portée, l'enseignement sérieux et les beautés infinies. Il y a vingt ans que, dans ma pensée et même de l'œil, en le relisant sans cesse, j'expurge Rabelais, toujours tentée de lui dire <t 0 divin maître, vous êtes un atroce cochon Maurice faisait le même travail dans sa pensée. Très fort sur ce vieux langage dont notre idiome berrichon nous donne la clef plus qu'à tous les savants commentateurs, il le goûtait très sérieusement, et il avait fait (et vous l'avez vue, je crois) une série d'illustrations, dessinées dès son enfance d'une manière barbare, mais pleines de feu, d'originalité, d'invention et du reste parfaitement chastes, comme le sentiment qui lui faisait adorer le côté grave, artiste et profond de Rabelais. Le temps me manquait pour réaliser mon désir. Borie s'est trouvé libre de son temps pour quelques mois, et je lui ai persuadé de faire ce travail. Il s'en tire à merveille; je revois après lui, et l'expurgation est faite avec un soin extrême pour ôter tout ce qui est laid et garder ce qui est beau. Maurice, qui dessine assez bien maintenant, reprend en sous-oeuvre ses

i./Md.,IV,p.6i.


compositions, en invente de nouvelles et fait sur bois une cinquantaine de dessins qui seront gravés et joints au texte. Ce sera un ouvrage de luxe. Nous aurons, je crois, rendu un grand service à la vérité et à l'art en faisant passer dans les mains des femmes honnêtes et des jeunes gens purs un chef-d'œuvre qui, jusqu'à ce jour, leur a été interdit avec raison. J'attacherai mon nom M tiers à cette publication pour aider au succès de mes jeunes gens et je ferai précéder l'ouvrage d'un travail préliminaire. Gardez-nous le secret.

Devons-nous beaucoup regretter que ce Rabelais expurgé n'ait jamais paru? Non, sans doute; et peut-être n'avons-nous pas beaucoup perdu non plus à ce que Mme Sand n'ait jamais écrit cette étude qu'elle annonçait ainsi en 1847. Notre bon Maître a l'ordure, si j'ose dire, poétique; nous avons trop vu de ces Rabelais châtrés. D'ailleurs il est bien naturel que George-Sand, étant femme, n'en ait pas jugé de la sorte. Il n'en faut pas moins, comme on voit, la ranger parmi les rares lectrices de Rabelais; avec Catherine II, elle ne sera point en mauvaise compagnie; et elle rejoindra son amie Louise Colet

Je ne sais si l'on jouait déjà en 1839 au petit jeu des auteurs préférés, mais si l'on eût posé à Musset la question d'usage, il eût répondu par les noms suivants « les classiques français du xvue siècle, Sophocle, Aristophane, Horace, Shakespeare, lord Byron, Gœthe, les quatre grands poètes italiens en un seul volume, Boccace, Rabelais, Mathurin Régnier, Montaigne, le Plutarque d'Amyot, et André Chénier »; à quoi il aurait ajouté plus tard le petit volume des poésies de Leopardi 1. Il plaçait donc Maître François à un bon rang dans la littérature, et, si l'on en doutait, il ne serait que de se reporter à la quatrième ~fMe f antastique, publiée par le Temps le 28 mars 1841 où l'on voit Pantagruel revenir sur la terre i. Celle-ci décrit l'albergo de l'Orso, à Rome, Rabelais a logé et où Montaigne passa deux jours ». (L'Italie des Mt'CMX, IV, p. 93-94.)

a. P. de Musset, B:og~e ~4. de Musset, éd. Lemcrre, p. 131.

3~ Réimprimée dans les Œtft~i! Aff~gt-s et critiques.


pour un essai de royauté constitutionnelle dont il se lasse assez vite; je ne résume point parce que. cela ne se peut guère, et parce que chacun prendra plaisir à relire ce classique morceau. Enfin je rappelle que, dans un billet de février 1836, le plus joli du monde, il appelle « Pichrocholine » avec deux h, c'est du moins l'orthographe de M. Léon Séché (elle doit être fautive) une certaine dame qu'il s'engage aussi à croquer prochainement

Sainte-Beuve n'a guère changé de jugement sur Rabelais, au cours de sa longue carrière de critique. Il en a parlé longuement à vingt-deux ans d'intervalle, dans son admirable TaM~M poésie française XV7e siècle, où il a porté tant de jugements définitifs, et au tome III des L~M~s'; beaucoup plus fréquemment il l'a cité son opinion demeure partout à peu près la même. Ce n'est pas lui, le plus fin, le plus sensé des esprits, qui aurait jamais pris Maître François pour un prophète apocalyptique dès sa première étude en 1828, il blâmait les commentaires historico-allégoriques qui étaient alors si fort à la mode parce qu'ils étaient si bien dans le goût romantique. Pour lui, l'œuvre est' avant tout un hymne joyeux à la vie, un poème du gros rire et de la santé de l'esprit, une vaste chanson à boire; mais il sait y discerner les idées hautes et raisonnables, -sur l'éducation par exemple; il admire l'universalité du génie de Rabelais et les miracles qu'il a fait faire à sa langue maternelle. Il y a toujours de l'impertinence à analyser des articles critiques de Sainte-Beuve comment rendrait-on mieux qu'il n'a su le faire son propre sentiment? Je préfère citer ce passage d'une lettre qu'a publiée M. Jules Troubat dans la Revue en ion L'autre jour [à l'Institut] les autres champs de bataille manquant, on en est venu aux mains sur Rabelais. Il s'agissait de savoir I. Correspondance, p. 129.

a. P. 1 sq.

3. Voir les deux tables des Lundis. Cf. aussi Chroniques parisiennes, p. 96, 259 300.


si l'Académie proposerait pour sujet d'étude le livre de ce grand cynique."M. Cousin, qui aime à voir Platon en toutes choses, y poussait de toutes ses forces et n'était pas fâché de prouver par là qu'il y a des esprits libres à l'Académie; M. Villemain, de qui l'on peut dire comme de Turenne qu'il devient plus hardi en vieillissant, penchait fort pour qu'on proposât le sujet; d'autres membres pourtant l'ont trouvé scabreux; M. Guizot a donné les bonnes raisons pour en montrer la difficulté et le peu de convenance en des temps comme ceuxci particulièrement. Je me permis d'entrer tout à fait dans cette pensée. Mais quoi s'écriait M. Cousin, interdire l'étude de Rabelais 1 passe encore dans l'Université, mais à l'Académie, c'est trop fort » A quoi l'on répondait qu'entre ne pas proposer l'étude de Rabelais et l'interdire, il y aurait un intervalle qui laissait le champ libre au public et aux amateurs.

Michelet, historien qui n'avait pas le sens de l'histoire, ne goûtait pas Rabelais à la sage façon de Sainte-Beuve et cela n'est point pour surprendre. M. Gabriel Monod a retrouvé dans ses papiers une des notes qu'il avait prises pour son cours de 183~ au Collège de France 1; la voici Rabelais plus fort qu'Aristophane et Voltaire. Aussi grand que Shakespeare, moins le côté tragique et le côté gracieux.

C'est l'épopée des Valois. Rabelais est leur Homère. Les Valois, l'homme fait Dieu.

Rabelais se peint lui-même à chaque page en même temps qu'il fait la biographie d'une dynastie. Aucun de nos écrivains n'a résumé son temps comme lui. Il en a donné la science et l'histoire.

Tout le moyen âge a été absorbé avec son pédantisme des formes barbares, sa dialectique, ses subtilités. C'est une encyclopédie. Voilà pourquoi- Rabelais est supérieur, même à Cervantes.

Le Rabelais de la troisième époque n'est pas venu. Ce n'est pas Voltaire. C'est l'ensemble de ses ouvrages qui est encyclopédique. Aucun, pris à part, n'est un monument; l'art n'est profond dans aucun. Aristophane et Rabelais, les deux choses gigantesques de la littérature, cela semble ridicule à un littérateur. Je suis historien. Les deux représentants gigantesques de l'antiquité et du moyen âge. Aristophane a par moments des mots qui dévoilent tout, des grandes pensées, des formules. Il formule une nationalité. C'est son caractère Rabelais est très français et il est européen.

Je lis Rabelais plus que Racine.

i. ~E. R., 190-7, p. us.


C'est ainsi que, dans les premières années du règne du roi-citoyen, déjà le poète Michelet affirmait des choses vagues avec la dernière violence; c'est en quoi, selon M. Maurice Donnay, consiste précisément l'éloquence. Mais, rédigeant vingt ans plus tard son exposé de la TP~/o/~c, l'auteur de l'Histoire de France a parlé plus à plain de Rabelais 1. Le morceau est assez connu, et il ne saurait être question de le réimprimer ici. Du moins, je tâcherai d'en indiquer le sens, car c'est l'un des deux ou trois jugements essentiels du romantisme sur notre auteur, non sans en citer le plus possible, pour le plaisir.

[Le Livre de Rabelais :] Le sphinx ou la chimère, un monstre à cent têtes, à. cent langues, un chaos harmonique, une farce de portée infinie, une ivresse lucide à merveille, une folie profondément sage. Quel homme et qu'était-il? Demandez plutôt ce qu'il n'était pas. Homme de toute étude, de tout art, de toute langue, le véritable .PaM-oMfg~M, agent universel dans les sciences et dans les affaires, qui fut tout et fut propre à tout, qui contint le génie du siècle et le déborde à chaque instant.

Il serait ridicule de comparer le Ga~M/tM et le Pantagruel à la Divine Comédie.

Car Dante « regarde vers le passé », et Rabelais vers l'avenir.

Où sont les précédents de Rabelais? « Il appelle son livre Utopie », un peu à la légère évidemment, assure Michelet. Pourtant il « ne doit pas un mot a Thomas Morus, ni à l'Éloge de la Folie d'Ërasme non plus.

Navigateur hardi sur la profonde mer qui engloutit les anciens dieux, il va à la recherche du grand P~ Il cherchera longtemps. Le câble étant coupé et l'adieu dit à la Légende, ne voulant s'arrêter qu'au vrai, au raisonnable, il avance lentement, en chassant les chimères. Mais les sciences surgissent, éclairent sa voix, lui donnent les lueurs de la Foi profonde. [Etc., etc.]

Plût au ciel qu'on pût faire une vie de Rabelais Cela est impossible.

t, E4. F~mmarion,

VIII, p. 361-371.


Pourtant, cette vie, Michelet l'esquisse aussitôt; c'est « l'existence des grands penseurs de ce temps, une vie inquiète, errante, fugitive, celle du pauvre lièvre entre deux sillons ». A l'apparition de Ga~tK~tM, tous crièrent d'horreur et de joie. Peu comprirent que c'était un livre d'éducation. Peu devinèrent le mot caché, qui est celui d'.É~M'~ « Reviens à la nature. Mais il ne part pas comme Émile d'une axiome abstrait. Il part du réel même de la vie, des mœurs de ce temps, de sa pensée grossière. Cela est fort bien vu. Malheureusement, tout aussitôt Michelet renchérit encore sur les commentateurs allégoriques à ses yeux, si Rabelais a fait de son héros un géant, c'est pour représenter le « peuple résumé dans un homme, la centralisation royale »; si Gargantua mange les pèlerins en salade, c'est qu' « un roi ne vit pas de peu ». Et « Gargantua est daté de l'année où François 1er mit l'impôt sur les vins, impôt qui fit révolter Lyon. Il s'ouvre plaisamment sur le mot Sitio ».

Suit une interprétation des idées de Rabelais sur l'éducation.

Il croit, contre le moyen âge, que l'homme est bon, que, loin de mutiler sa nature, il faut la développer tout entière, le cœur, l'esprit, le corps.

Il croit, contre J'~e moderne, contre les raisonneurs, les critiques, Montaigne et Rousseau, que l'éducation ne doit pas commencer par être raisonnable et critique.

On dira que cette éducation est trop riche, trop pleine, trop savante. Mais l'art et la nature y sont pour charmer la science. La religion y naît du vrai et de la nature pour réchauffer et féconder le cœur.

Cette éducation porte fruit. Gargantua,n'a pas été formé seulement par la science. C'est un homme, un héros.

Puis Michelet insiste sur ce que l'œuvre n'est pas « protestante s Rabelais « est évidemment pour Érasme contre Luther dans le parti du libre arbitre ».

Le succès de Gargantua fut immense. « Jean Du Bellay osa l'appeler Un nouvel ~~Mg~c, et d'un seul mot le Livre. » Mot excessif, au goût de Michelet, et vous devinez pourquoi


parce que Rabelais n'a pas été républicain. Son idéal, à ce pauvre Rabelais, n'est que celui des classiques l'honnête Aow~Me. Connaissez-vous rien de plus médiocre? En effet, il « élève un roi, un bon géant. Et le peuple, qui se charge de l'élever? » Et puis,

Rabelais, dans son mépris pour la pouillerie cléricale, pour Montaigu et les Bédistes, pour ces écoles de sottises dont le vieux Paris grouille encore, a bien vu JaMO/M.s, mais il n'a pas vu Loyola.

Michelet l'avait vu, lui, assurément.

Et voici maintenant Gérard de Nerval et son ami Théophile Gautier.

L'un et l'autre étaient nourris de Rabelais. Jusque dans les rues du Caire, Gérard songeait, en admirant le spectacle de la foule, aux « Songes drolatiques de Rabelais )), et, s'il consultait Soliman-Aga sur l'opportunité de prendre une épouse « Mariez-vous donc, de par Dieu 1 » lui répondait celui-ci, « comme Pantagruel à Panurge x. Mais c'est surtout dans la Main enchantée qu'il montre combien l'œuvre de Maître François lui était familière cette amusante nouvelle est pleine de souvenirs rabelaisiens. Dès la deuxième page apparaît « la gent chicanouse )) un peu plus loin « l'arquebusier se prit à rire comme MM tas de ?KOMc~<'s ~M so~ et c'est de coquecigrue et de ~c~oc~o~ que cet homme de guerre traite l'infortuné et pacifique Eustache 6.

Quant à Théophile Gautier, c'est lui peut-être, avec Vigny, qui, parmi les grands écrivains de ce temps, semble le mieux (je ne dis pas le plus) goûter Rabelais. On a étudié déjà les i. Voyage en Orient (Charpentier, 1889), I, p. 107-108, igo.

2. Publiée tout d'abord dans le CaM~f ~c<«~, en 1832, sous le titre de La Main de gloire.

3. Bo~K~ galante (Lpvy, i8M), p. 108.

4. P.130.

5. P. 133-


citations qu'il en a faites~, et c'est pourquoi je me contenterai de signaler les passages de ses œuvres où son admiration pour Maître François apparaît davantage

D'abord nous connaissons par Gautier lui-même qu'au temps où il faisait ses études à Charlemagne, il savait « par cœur Villon et Rabelais 3; aussi ne faut-il point s'étonner si leurs noms reviennent à chaque instant dans ses recueils d'articles et ses souvenirs écrits au courant de la plume, comme les Portraits contemporains, l'Histoire de l'art dramatique ou celle du Romantisme, etc. Il partageait ce goût pour les « vieux auteurs gaulois » avec les romantiques, ses contemporains mais il en a parlé mieux que personne c'est, par exemple, dans les vers où il prie Eugène de Nanteuil à venir passer la soirée chez lui; ils liront Clopinel, Chartier, Rutebœuf, Marot, la reine de Navarre, Villon, Rabelais enfin, ..L.Rabelais, cet Homère moqueur

Dont le sarcasme, aigu comme un poignard, au cœur De chaque vice plonge, et des foudres du pape N'ayant cure, l'atteint sous la pourpre ou la chape Car nous aimons tous deux les tours hardis et forts, Mais naïfs cependant, et placés sans efforts, L'originalité, la puissance comique

Qu'on trouve en ces bouquins à couverture antique, Dont la marge a jauni sous les doigts studieux De vingt commentateurs, nos patients aïeux.

C'e?t pourquoi il n'y a pas de meilleur usage à faire d'une soirée libre que de l'employer à lire Rabelais au coin d'un bon feu de bois; Albertus le sait bien

Donnez-moi la. pincette, et dites qu'on m'apporte

Un tome de ~aK~~M~

Dans les Grotesques, Maître François aurait pu avoir sa place; il n'y est pourtant point, mais tout le monde connaît les i. Mlle B. Rava, dans R. E. R., 1912, p. 185-211.

Les citations dont je ne donne pas les références sont empruntées à t'etude citée; tes autres ont échappé à Mlle Rava.

3. Cf. Sainte-Beuve, A'oMt'~M.i; ~,MMt!M, VI, p. 268, ~z~.


deux pages où Gautier compare Panurge à Villon. Au reste, même dans le pays le moins rabelaisien du monde, à Venise, ce sera encore à PaM~M~ qu'il songera en voyant l'inclination que marque pour la bouteille le gondolier Girolamo, et la soif que gagne celui-ci à chanter les vers de l'Arioste pour l'agrément de ses clients

Ayant le chant salé, il était obligé, disait-il, de boire beaucoup; chaque stance lui faisait l'effet de jambon, de caviar et de boutargue, comme à un chantre rabelaisien

Les Jeunes-France ont été publiés à une époque où Gautier était ençore tout près de ses souvenirs de collège, et savait à fond son Rabelais (1833). C'est ce qui paraît d'abord qu'on ouvre le livre. Car Onuphrius, non moins que le petit Gargantua, « croyoit que nues feussent paelles d'arin et que vessies feussent lanternes ». Et Ferdinand considère que « ces grands dégingandés d'hexamètres, qui s'en vont bras. dessus bras dessous comme des invalides qui reviennent de la guinguette, l'un portant l'autre et nous portant le tout, sont vraiment quelque chose de bien torcheculatif, comme disait Rabelais ». De même il n'ignore pas que « Trinc, c'est le mot de la dive bouteille et la résolution de toute chose », et il donne les plus utiles conseils à l'innocent Daniel Jovard sur l'art d'obtenir, « sans être Panurge », la meilleure réputation de poète polyglotte au moyen d'un habile choix d'épigraphes. Que si l'auteur entreprend de nommer les objets hétéroclites qui meublent ou emplissent la chambre de Philadelphe, après en avoir décrit une partie et énuméré une autre fort pantagruéliquement, et en colonne, il conclut, découragé « Que sais-je un fouillis, un chaos indébrouillable, à faire tomber la plume au nomenclateur le plus intrépide, à Rabelais ou à Charles Nodier. » Plus loin encore, il dit pour qualifier la cuisine qui se prépare chez Théodore « Sancho, Falstaff, Panurge et tous les moines goinfres de Rabelais auraient eu la

l. Voyage en Italie, p. i~g.


joie au cœur et se fussent léché les babines, rien que de manger leur pain à la fumée de cette cuisine. » Enfin lorsque, désespérant de composer un menu d'orgie suffisamment admirable, il a pris le parti d'emprunter à la Cuisinière bourgeoise celui d'une « table de quatorze couverts et qui peut servir pour vingt à dîner », s'arrêtant au bout d'une page « Au diable Je n'aurais jamais fini si je voulais dire tout. Et tout cet immense eritassement de gibier et de viandes pour quatorze personnes il y aurait de quoi nourrir, pendant quatorze jours, quatorze Gargantuas, toute une armée de dîneurs pantagruélistes. »

Deux ans après les jeunes-France, en 1835, parait Mlle de MaM~îM, et avec une préface bien rabelaisienne. On sent d'ailleurs que Gautier n'imite pas de propos délibéré; c'est tout naturellement qu'ayant à écrire un prologue, la manière de Maître François lui revient; il est vraiment inspiré par G~g'<!M~Ma'.

Le temps est à la pluie et à l'homélie; on se défend de l'une et de l'autre en ne sortant qu'en voiture et en relisant Pantagruel entre sa bouteille et sa pipe.

Mon doux Jésus 1 messieurs les prédicateurs, quel déchaînement, quelle furie Qui vous a mordus? Qui vous a piqués 1? que diable avez-vous pour crier si haut, et que vous a fait ce pauvre vice pour lui en tant vouloir, lui qui est si bon homme, si facile à vivre, et qui ne demande qu'à s'amuser lui-même et à ne pas ennuyer les autres si faire se peut?

Plus loin, il insère dans son prologue un conte, comme avait accoutumé de faire Maître Alcofribas, celui du barbier qui rasera gratis demain, et en style très rabelaisien, pour qu'on ne doute. Et voici encore l'abbaye de Thélème, Maître François lui-même, telle phrase qu'on croirait cueillie toute vive dans Pantagruel.

Enfin il y a le Capitaine Fracasse C'est, de tous les ouvrages de Gautier, le plus plein d'expressions pantagruélines,

1 Cf. GafgaK<Ma, ch. IX.

2. Il est surprenant que Mlle Rava ne l'ait point étudié.


celui dont le style rappelle le plus continûment Rabelais par son allure, sa truculence, son abondance verbale. Je citerai à titre d'exemple les propos des cuisiniers au chapitre XI « Passez-moi la muscade disait l'un; un peu de cannelle 1 s'écriait l'autre. Par ici les quatre épices remettez du sel dans la boîte les clous de girofle! du laurier! une barde de lard, s'il vous plaît, bien mince soufUez ce fourneau, il ne va pas éteignez cet autre, il va trop, et tout brûlera comme châtaignes oubliées en la poêle versez du jus dans ce coulis allongez moi ce roux, car il épaissit battez moi ces blancs d'œufs en père fouetteur car ils ne moussent pas saupoudrez-moi ce jambonneau de chapelure tirez de la broche cet oison, il est à point encore cinq ou six tours pour cette poularde Vite, vite, enlevez le bœuf! il faut qu'il soit saignant. Laissez le veau et les poulets

Les veaux mal cuits, les poulets crus

Font les cimetières bossus.

Retenez cela, galopin. N'est pas rôtisseur qui veut. C'est un don du ciel. Portez ce potage à la reine au numéro 6. Qui a demandé des cailles au gratin? Dressez vivement ce râble de lièvre piqué x Ainsi se croisaient dans un gai tumulte les propos substantiels et mots de gueule justifiant mieux leur titre que les mots de gueule gelés entendus de Panurge à la fonte des glaces polaires, car ils avaient tous rapport à quelque mets, condiment ou friandise 1.

Il n'est point de meilleure transposition des Propos des bien ivres, que je sache; c'est le rythme, la coupe même des répliques de Rabelais. Et lorsque Gautier nous montre Sigognac au château de la Misère, « accoutré comme un gueux de l'Hostière ou comme un cueilleur de pommes du Perche », ou le nez du Pédant « cardinalisé de purée septembrale, tout fleuri de bubelettes ') lorsqu'il nous parle de « frairie de Gargantua )), de « coquecigrues et chimères pantagruéliques '), ou de ces « lieues de pays, pareilles aux lieues qu'au bout de quinze jours durent marquer les stations amoui. Sd. illustrée par Doré, p. 279-280.

2. Ibid., p. 19; cf. p. 296.

3. P. 21.

4. P. 14.

5. P. 30.


reuses des couples chargés par Pantagruel de poser les colonnes milliaires dans son beau royaume de Mirebalais x; lorsqu'il fait tenir au Pédant, apercevant une mégère édentée, chassieuse, roupieuse, l'éloquent discours qui s'ensuit Oh l'horrifique, désastreuse et damnable vieille A côté d'elle, les Parques sont des poupines; elle est si connte en vétusté, si obsolète et moisie, qu'aucune fontaine de Jouvence ne la pourrait rajeunir. C'est la propre mère de l'Éternité; et quand elle naquit, si jamais elle vint au monde, car sa nativité a dû précéder la création, le Temps avait déjà la barbe blanche. Pourquoi Maître Alcofribas Nasier ne l'a-t-il pas vue avant de pourtraire sa sibylle de Panzoust ou sa vieille émouchctec par le lion avec une queue de renard?. [etc. ~.] bref, quand à presque chaque page du Capitaine F~casse (car toutes les citations que je viens de faire sont tirées de trois chapitres seulement, et l'on en pourrait encore cueillir des dizaines dans les autres) Théophile Gautier s'inspire si visiblement de Maître François, et qu'ailleurs aussi il nomme Engoulevent et Bringuenarille deux personnages de son « mystère », Une larme du diable, il n'est que juste de le ranger au premier rang du chœur des Pantagruélistes, ce me semble.

Je n'ai point la prétention, encore un coup, de composer ici le livre d'or de Rabelais ce serait un bien gros volume; mon dessein est seulement de donner quelque idée de son succès à travers les âges et d'aider en publiant ces notes à ceux qui entreprendront des dépouillements plus méthodiques que je n'ai eu le loisir de faire les miens.

Ils retrouveront certainement des dizaines de ces almanachs, de ces facéties, de ces poèmes gaulois, de ces contes, ? en vieux français a, plus ou moins scatologiques ou obscènes, mais invariablement d'une niaiserie remarquable tels la i. P. 49.

2. P. 54.


C/~o~o~MM CM l'art de c/î. 1, les Contes rémois du comte de Chevigné, les Brindilles rabelaisiennes, etc., etc. qu'on a placés sous le patronage de l'infortuné auteur de Ca~M~a. Et combien d'opuscules anciens du même genre n'a-t-on point réimprimés, en outre 1 Il sera plus intéressant de chercher les pièces de théâtre et les romans dont Maître François a fourni la matière, voire les journaux dont le titre a été inspiré par lui, comme le Rabelais de 1857 et le Panurge de 1882-1583 Il. L'examen des études d'esthétique ou d'érudition qui ont été consacrées à notre Maître et à son livre montrera les variations de la critique et le progrès de la science à son endroit. Enfin un relevé des éditions de son œuvre renseignera sur la faveur que le public lui a témoignée. Je pense qu'elle n'a jamais été plus grande qu'à cette heure. Car la fondation de la Société des Études rabelaisiennes en 1903 et le mouvement d'opinion qu'elle a suscité parmi les lettrés a réveillé le zèle des travailleurs et des éditeurs. Il n'en est de meilleure preuve que le nombre des éditions qui ont été publiées depuis dix ans. Et si chaque année paraît au moins une réimpression nouvelle, c'est que les libraires y trouvent leur compte assurément en sorte que tout donne à penser que, maintenant encore, il se vend plus de Rabelais en quelques mois qu'il ne se vendait, sous François Ier, de bibles en neuf ans. Voici seulement quelques anas, comme on disait jadis, qui m'ont paru intéressants

Eloi Johanneau, l'un des auteurs de la grande édition Variorum, était un jérudit gai. lien est. L'~4~M?Mde Grille publia en 1821 une Chanson sur Rabelais qu'il avait écrite durant un i. Poème didactique en quatre chants, par Charles R* (Rémard); Paris et Scoropolis, 1806, in-i2.

2. La librairie Dorbon annonçait, en avril 1906 le Triboulet, i à 16, Triboulet et Diogène, n° 17 à 20, le Rabelais, n° 21 à 70, exemplaire bien complet de ces trois journaux qui se font suite, du 7 mars au 4. novembre i8~7 (cf. F. MaiUard). Les 16 premiers numéros ont cinq pages, les 6-t suivants en ont huit. A partir du 17, chaque numéro est urné de bois ou de lithographies par Nadar, le plus souvent, mais aussi par Célestin Nanteuil, Régamey et autres.

3. Journal parisien illustré. Rédacteur en chef Félicien Champsaur. Administrateur Harry Alis. ? i, premier octobre 1882, no 29 (2° année), 15 avril 1883.


voyage en Touraine, et qui fut gravée, avec musique, en 1828. Plus tard, il composa encore une petite C/c/ en quatre couplets de Maître François. Nodier avait fait pour lui le prospectus de l'édition et Johanneau parlait avec plaisir de cette collaboration de l'auteur de Trilby, disant que le meilleur n'était pas de lui dans cette annonce « qu'on allait chercher au Palais-Royal comme un pamphlet du jour a. En 1832, Henri Heine cite Maître François

On aT dit en plaisantant que c'étaient des classiques qui, par haine contre .No~-D~MM Paris, roman romantique de Victor Hugo, avaient voulu s'en prendre à l'église elle-même et y mettre le feu. On a donc fait revoir le jour aux anciennes plaisanteries de Rabelais sur les cloches de cette cathédrale.

Il existe un portrait de Rabelais par Delacroix, daté de 1834, qui est « tout de convention », paraît-il (je ne l'ai jamais vu), et auquel Mérimée s'intéressait fort, comme nous l'avons dit. Or, l'on a remarqué que les traits de l'homme couché, dans le Massacre de 5ct'o, sont précisément ceux que Delacroix a prêtés à l'auteur de Pantagruel, et que Rabelais et l'homme couché, tous deux ressemblent curieusement à Petrus Borel Personnifier à la fois et Maître François et une victime de la fureur turque, c'est beaucoup pour un seul modèle, fût-il lycanthrope. Passe encore s'il s'agissait de représenter Panurge ne fut-il pas un peu tué par les Turcs, lui aussi, comme l'homme couché?

EnY835, « P. L. Jacob, bibliophile, membre de toutes les Académies » alias Paul Lacroix, fit paraître le Bon u~M~ temps, qui forme une suite à ses fameuses Soirées de Walter Scott. C'est un recueil de nouvelles parmi lesquelles il en est une, fort longue, qui met en scène Rabelais. Craignant le sort de bien des maris, Maître François hésite à épouser sa servante Guyenne, et consulte, tel Panurge, Guillaume Rondelet, i. Michel Salomon, Le Salon de ~M~Htt!, dans Revue de Paris, ier octobre igo6. Voir plus haut une lettre que Nodier lui écrivait.

z. De la France, lettre du 10 février 1832, p. 55.

3. R. E. R., VIII, p. 107.


Tiraqueau, le prieur Thadée Cavallo, Pierre Rebuffi et le fou du cardinal Du Bellay. Celui-ci lui donne le conseil de faire le mort. Il avale un narcotique, et l'imprudente Guyonne, qui le trompait avec tous ses amis, y compris frère Jean, le croyant défunt, révèle sa fourbe. Grâce à quoi Rabelais ne l'épouse point, échappe ainsi aux foudres de la Faculté de théologie qui s'apprêtait à le punir pour hérésie, et s'en va composer son Tiers Livre à Rome, près de Du Bellay, tandis que Guyonne meurt du mal de Naples. Une autre nouvelle, les Gaietés de Rabelais à Rome, publiée dans un autre recueil intitulé le Grand /~M~Mt7, rapporte un bon nombre des historiettes apocryphes qui courent depuis plus de trois siècles sur l'auteur de G~g~Ma. Et tout cela montre que le bibliophile Jacob aimait beaucoup Maître François, fort longtemps même devant que de l'éditer, mais aussi qu'il avait une imagination romanesque, dont au reste ceux qui se servent de ses ouvrages historiques sont payés pour s'apercevoir. Voici l'extrait d'une lettre inédite que Gustave Doré écrivit en 1858 à M. Simon, avec un peu trop de modestie, en lui envoyant l'admirable édition illustrée par lui un des plus beaux~livres du siècle que tout le monde connaît C'est une chose faite il y a près de quatre ans, lorsque je commençais à faire connaissance du bois. Je l'ai faite très vite et sans craindre et je crois ne devoir attribuer la réussite qu'elle a eue qu'aux inexpériences naïves dont elle abonde s.

Autre lettre, celle-là de Béranger à Mme de Solms (1856) Vous avez raison d'employer vos soirées à lire Montaigne et Rabelais; je les étudie depuis quarante ans et ils m'apprennent toujours quelque chose de nouveau. Malgré mon admiration pour Voltaire, je suis obligé de convenir qu'on pourrait lui contester la valeur littéraire de ses œuvres. Rabelais est bien plus original et bien plus naïf; s'il avait été moins austère (?) et aussi rusé que celui-ci, il eût conquis et conservé la première place parmi les réformateurs <. i. R. E. R., VI, 281.

z. Voir aussi le ~K' des Ce)t< t. l, p. 197.

3. Catalogues à prix marqués de Noël Charavay, septembre 1890 et septembre

1902,

4. À' V, p. 324-5.

TOME II. 5


(Tout de même, ce Béranger exagère).

Jules Janin s'indigne de la grossièreté de Falstaff, et qu'oppose-t-il à la verdeur de Shakespeare? La réserve, la plaisanterie modérée de Rabelais parfaitement Que les matelots de la Tamise et de la reine Elisabeth aient ri de bon cœur de ces vertes saillies, on le comprend. Le peuple et la reine étaient nés dans cet atticisme de carrefour. Mais, en fin de compte, que l'on nous donne cela, à nous, les enfants de Molière, dc Voltaire, et même les cnfans de Rabelais, pour de l'atticisme, pour de la gaieté d'honnêtes gens, en vérité c'est abuser de la patience du lecteur

Je rappelle que Veuillot ne pouvait souffrir Rabelais ni pardonner à Sainte-Beuve d'en avoir fait l'éloge; que Banville, dans ses Stalactites, a choisi pour épigraphe au Triomphe de Bacchos so?t ~OM~ des Indes quelques magnifiques phrases de ce chapitre XXXIV du Cinquiesme livre, qui n'a pu être écrit par un autre que Rabelais et qui suffirait à prouver moralement l'authenticité partielle du livre V; et j'arrive à Flaubert. La Revue des j~M~es rabelaisiennes s'est occupée à diverses reprises de noter les témoignages de son admiration pour Rabelais"; je ne rappellerai ici que les principaux d'entre eux.

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C'est à seize ans que Flaubert découvrit les joyeuses histoires de Maître François. On a relevé dans une lettre du 24 mars 1837 une phrase d'un tour tout rabelaisien, et les 13 septembre et 29 octobre 1838 il écrit à Ernest Chevalier qu'il lit ~( toujours Rabelais. C'est aussi vers cette époque, apparemment en 1839, qu'il composa cette étude sur l'auteur de Gargantua qu'on a retrouvée dans ses papiers de jeunesse; malheureusement il n'a pas été possible de remettre la main sur son exemplaire du roman, « tout bourré de notes et com-

i. Histoire de la littérature ~<tMMt<!9' III, p. 366. 2. 11, p. 27; IV, p. 77; VIII, p. 93; X, p. 2S8.


mentaires philologiques, bachiques, etc. », dont il parle à son ami Chevalier. La dissertation de 1839 n'a rien pour nous retenir on y apprend que Rabelais est « le père de cette littérature naïve et franche de Molière et de La Fontaine », et le parallèle de Gargantua, Falstaff et Sancho n'y manque pas. Passons, et arrivons à 1844.

Flaubert ayant, grâce à Dieu, renoncé au droit, revient à la littérature et à Rabelais. Et il n'y revient pas mollement. « On ne peut pas dire de moi comme de Pantagruel et puis estudioit quelque méchante demye heure, mais toujours avoit l'esprit en cuisine », assure-t-il.

J'aime par dessus tout la phrase nerveuse, substantielle, claire, au muscle saillant, à la peau bistrée; j'aime les phrases mâles et non les phrases femelles, comme celles de Lamartine. Les gens que je lis habituellement, mes livres de chevet, ce sont Montaigne, Rabelais, Régnier, La Bruyère et Le Sage.

Il part pour l'Orient. Mais à son retour, il. se reprend à Pantagruel. « Je ne délis pas Rabelais et Don (?M/c/M~, le dimanche, 'avec Bouilhet », écrit-il en 1852 à Louise Colet. Comme on voit, Louis Bouilhet est aussi des amis de Maître François. Et c'est peut-être de Flaubert et de lui que la belle Mme Colet tenait cette teinture de Rabelais qu'il semble qu'elle avait 1.

Ces lettres de 1852 et 1853 abondent d'allusions à l'auteur de Gargantua; Flaubert compose à cette époque Af"BoMn' Pourquoi cette phrase de Rabelais me trotte-t-elle dans la tête « L'Afrique apporte toujours quelque chose de nouveau? » Je la trouve pleine d'autruches, de girafes, d'hippopotames, de nègres et de poudre d'or.

Ou bien, il écrit au sujet de Pantagruel et de DoM Ow'-

C/ÏO~C

Quels écrasants livres Ils grandissent à mesure qu'on les contemple, comme les pyramides, et on finit presque par en avoir peur.

i. Voir plus haut; p. 52, note i.


Où-encore ce très beau passage

Ce qui me semble, à moi, le plus haut dans l'art (et le plus difficile), ce n'est ni de faire rire, ni de faire pleurer, ni de vous mettre en rut ou en fureur, mais d'agir à la façon de la nature, c'est-à-dire de faire rêver. Aussi, les très belles œuvres ont ce caractère elles sont sereines d'aspect et incompréhensibles; quant au procédé, elles sont immobiles comme des falaises, houleuses comme l'océan, pleines de frondaisons, de verdures et de murmures comme des bois, tristes comme'le désert, bleues comme le ciel. Homère, Rabelais, MichelAnge, Shakespeare, Goethe m'apparaissent impitoyables. Cela est sans fond, infini, multiple. Par de petites ouvertures, on aperçoit des précipices; il y a du noir en bas, du vertige, et cependant quelque chose de singulièrement doux plane sur l'ensemble C'est l'idéal de la lumière, le sourire du soleil, et c'est calme c'est calme et c'est fort!

Enfin il y a une longue épître en « vieux français » à Louis Bouilhet.

De 185~ à 1857, il ne nous reste que peu de lettres de Flaubert. Mais à partir de 1858, il recommence à citer Pantagruel. En i858, il déclare qu'il ne s'endort chaque soir qu' « après avoir lu un chapitre du sacro-saint, immense et extra-beau Rabelais ». En 1876, il recommande à sa nièce Caroline de donner « une pensée de respect et d'adoration » à Chinon, devant la maison de « l'Incomparable bonhomme ayant nom Rabelais », et il s'amuse encore (à cet âge) à composer une épître « en vieux français )\

Tout porte à croire d'ailleurs qu'il n'ouvre plus guère son G~/g~Ms ni son P~M~~Me~. M. Jules Lemaître a cru apercevoir_que, bien qu'il affirmât les savoir à fond, il ne les possédait pas très bien; mettons qu'il les avait un peu oubliés. Pourtant jusqu'à la fin il gardera son admiration et, le r9 février i88o, dans une de ses toutes dernières lettres, il rappellera et ratifiera encore le mot de Chateaubriand

Rabelais d'où découlent les lettres françaises.


Voilà pour Flaubert. Je suppose qu'il n'intéressera point passionnément d'apprendre qu'Alfred Delvau projetait une étude qui se serait appelée La morale de Rabelais ou l'E. Rabelais 1. Mais je veux dire un mot de Gambetta. Lorsqu'il mourut, on fit passer une note dans le Figaro pour annoncer qu'il laissait un ouvrage complètement achevé sur Rabelais; malheureusement cet ouvrage, s'il a jamais existé, on n'a pas pu le retrouver. Mais il y a des témoignages de l'admiration que le grand tribun avait pour notre bon Maître. En juin 1906, M. Étienne, alors ministre de la guerre, y faisait allusion dans un discours prononcé à Chinon. Et Mme la marquise Arconati-Visconti a communiqué à la 7~~ des ~M~s rabelaisiennes s des billets que lui adressa Gambetta en 1877-1870, où l'on voit qu'il goûtait beaucoup la brochure de Ginguené et les éditions de choix de Pantagruel. En voici, un, par exemple; il est du 30 septembre 1877, écrit par conséquent durant la période du 16 mai

C/M)~ des députés. ~fMt'HM, le. 1877. Ch. VIII. De l'ancien ordre judiciaire (esprit de Rabelais ou de l'autorité de Rabelais dans la Révolution présente).

Je sais aujourd'hui la malignité du inonde être tant aggravée que « Bon droit a bien besoin d'aide ».

RABELAIS.

Scritto alla mattina del trente settembre.

Gambetta savait son Rabelais par cœur, comme on voit; aussi bien, que n'avait-il dans sa prodigieuse mémoire? JACQUES BOULENGER.

i. J'en ai trouvé le projet dans ses papiers inédits.

a..?. E. R., 1906, p. 226.

3. 1904., p. 193-194-


LE PREMIER POEME

DE MALHERBE

(1587)

Les premiers vers que Malherbe publia, Les Larmes de

Saint Pierre, traduction libre ou imitation de quelques passages du poème italien de Luigi Tansillo, Li Lagrime S. Pietro, parurent en 1587. Ses œuvres comprennent deux pièces antérieures, un quatrain et des stances, qui ne furent imprimées que plus tard. Le quatrain, écrit à la réception du recueil contenant les pièces de vers français, latins et grecs, qu'inspira le portrait d'Estienne Pasquier, dont le peintre flamand avait dissimulé les mains 1, doit dater de 1584; il fut inséré dans la seconde édition de la Main, donnée en 1610 à la suite de la J~-MM~s~ d'Estienne Pasquier; les stances, dont le contexte permet de fixer la date de composition à 1586, ne furent imprimées qu'en 1611 dans le Temple ~o~o. Lorsque parurent les Larmes de Saint Pierre, Malherbe était donc encore un inconnu comme poète, et la petite plaquette de 1587, tirée sans doute à peu d'exemplaires, dut aller seulement'à des amis, et passer à peu près-inaperçue; c'est ce qui explique que ses éditeurs n'en aient jamais rencontré d'exemplaire et que Robert III Estienne ait pu donner, sous le même i. La Main Il Ov ~) Œvvres Poetiqves M Faits Svf La Main De ~) Estienne Pasqvier II Aduocat au Parlement Il de Paris. )) Pa~'s, M<c/t~ G<t(~<t, 1584. in-4" de n S. Itm., 43 ff. ch., i f. n. ch. (MAZARtNE, 10869; STE-GENEVtÈvE, 4° Y 445 R~ )


titre, une autre imitation de Tansillo en 1595. On connaissait seulement la date de l'édition originale par la mention que porte la réimpression de 1506 suyvant la co~'e imprimée en l'an 1587; Lefèvre de Saint-Marc, l'éditeur du Malherbe de 1757. dit ne l'avoir pas vue mais savoir qu'elle était de format in-~o; cette indication, qui est inexacte, a été reproduite par Brunet (V, 654), par Lalanne dans son Malherbe de la Collection des grands écrivains, et récemment par M. Lachèvre dans sa Bibliographie des recueils co~c~/s (I, p. 232, note i). La seconde édition n'est pas beaucoup moins rare que la première; Lefèvre de Saint-Marc l'a eue entre les mains; Brunet ne l'a pas vue et la cite d'après Lefèvre, et Lalanne, qui la mentionne en estropiant le nom du libraire, ne l'a certainement pas rencontrée non plus.

La bibliothèque Mazarine possède l'une et l'autre dans ses précieux recueils factices, elles sont toutes deux de format in-8o, comme la troisième de Rouen, Raphaël du Petit-Val, t5o8, et comme celle qui fut jointe, la même année, au Recueil de plusieurs diverses poésies publié à Paris par Nicolas Bonfons. Voici la collation des deux premières

Les Larmes )) De S. Pierre, Imitées Dv j) Tanfille. j) Av Roy. Il (Marque donnée par Silvestre, n° 1156, au nom de Martin Le Jeune.) Il A Paris, Chez Pierre Ramier, demeurant rue S. Iean jj de Latran, à l'enieigne du Serpent. jj 1587. Il In-8o; 2 ff. lim., 17 pp. ch., i p. bl.; sign. A-B par ~C par 3; le dernier f. du cahier C, probablement blanc ou omé d'un fleuron, manque; car. ital. Le verso du titre est blanc, au 2e f. ro Sonnet. )) signé I. Chrestien

Larmes ~Mt tefsnoignez de fi gTM/MM douleurs.

et quatrain sans intitulé, signé de Saint-Sixt

Non ie ne diray point ~MC fource feinte.

au v° Stances. six quatrains signés La Roque

M~/?OM nos ~t/?M y~M;~ avec ces ~KMyaï'KC/M~

i. M. Lachèvre, loc. cit., donne des renseignements sur ces trois amis de Malherbe, J. Chrestien, provençal, Charles de Saint-Sixt et Guillaume de La Roque, le seul


LES LARMES

DE S PI E R R Ë,

IMITEES D V Tan~lc.

R 0 y:

A PAKIS,

Chez Pierre Ramier, demeurant rue S. leaiï de .Lacran~ l'enfeigne d~Serpcnt.

i~ 87.


Le poème, composé de 66 sixains occupe les pages chiffrées, et prend fin à la page 17 par la signature ~o/?~ treshum ble & tresobeiffant 5~ & fubjet, Malerbe. )); au-dessous, visa de S. de Pierrerive, docteur en théologie. (MAZARINE, 37234.)

Les Larmes Il De Sainct Pierre Il Imitees Dv TanfiUe. ~) (Marque non dans Silvestre.) Il A Paris, jj Chez Lvcas Breyel, Libraire au Il Palais à la Gallerie ou l'on va Il à la Chancellerie. j) (f M. D. XCVI. jj Suyuant la coppie imprimée en l'an 587. & corrigee par luy mesme. j)

In-8°; 2 ff. lim., 17 pp. ch., i p. et i f. n. ch.; sign. A par 8, B par 4; car. ital. Mêmes pièces que dans l'édition de 1587, et même signature au bas de la page 17; le visa de S. de Pierrerive occupe la page non chiffrée; le dernier f., bl. au v° contient au r" F<!M<M furvenues c2 ~'MM~~OM. (MAZARINE, 23661.)

On remarquera que le titre porte corrigée mesme, sans que le nom de l'auteur y figure. Ces corrections sont peu importantes et, à part quelques modifications d'orthographe, Malherbe n'a changé que trois vers; au 5e sixain (vers 30), au lieu de

La troupe qui l'assaut et la veut mettre bas,

il y avait, dans l'édition originale

La ~OM~g qui S'~0/C6 ~6~'SM~ embas;

au zoe sixain (vers 116~, au lieu de

Que sa main qui le guide ois l'orage l'appelle,

il y avait

Que sa main qui le guide et /Mï sert de c~aM~ des trois qui se soit fait un nom comme poète. Les premiers essais de poésie de Charles de Saint-Sixt, futur évêque de Riez, doivent être les vers latins qu'il adressa

en 1579, alors qu'il était encore doctiss%mars adolescens et neorlidascalortesn ~riraipilus,

aux jeunes Charles de Gondy, comte de Retz, et Henry de Gondy, baron de Dam-

aux jeunes Charles de Gondy, comte de Retz, et Henry de Gondy, baron de Dam-

pierre; on les trouve,dans les pièces liminaires de sa première thèse Caroli A Il Sancto Sixto Il Avenionensis De pramuo fcientiarum Il Oratio. Il Habita Lutetiœ Pariftoru, in fuperioribus Artiu & Philofophias fcholis, pro primo Il Didafcaliœ gradu, anno Domini, 1579. Parisiis, Apud Henricum y/tt~y, M. D. LXXIX. !): in-8" de 20 ff. n. ch. (MAZARtNE, 20588.)


enfin, au 33e quatrain (vers 194), le vers

~0~ courre fortune aux orages monde

était, dans l'édition originale

Alloit bailler sa t'O!?~ aux /0~<M6S du monde.

Ces corrections sont heureuses et les éditeurs de Malherbe n'ont rien perdu à n'avoir pas connu le texte de 1587. Le poème, à côté de beaux passages, contient des parties très faibles; Malherbe, dit-on, le désavoua plus tard, mais il ne le désavouait pas encore lorsqu'en 1595 Robert III Estienne publia ses Larmes de Saint Pierre 1, car c'est évidemment à l'occasion de cette publication qu'il donna sa seconde édition pour que l'on pût comparer les deux poèmes, et qu'il rappela au titre la date de la première édition, pour réclamer la priorité. Robert Estienne n'indique pas la source où il a puisé et présente ses vers comme provenant de sa propre inspiration; son poème est également composé de sixains, qui sont au nombre de soixante-dix; il se tient plus près du texte que Malherbe et ne lui est pas toujours inférieur. Nous avons cru qu'il pourrait être intéressant de comparer l'un des huitains de Tansillo avec les sixains qu'il a inspirés aux deux poètes français; ce sont les derniers du poème chez l'un et chez l'autre.

TANSILLO

Crebbe il dolore, e crebbe la vergogna Nel cor di Pietro, à l'apparir del giomo; E benche non vegga altri, si vergogna Di se medesimo, e di ciô i' ha d'intorno; Ch'al magnanigno spirte non bisogna La vista altrui, per arrosir di scorno

i. Les 11 Larmes de Il Sainct Pierre, Il Et Avtres Vers Il Chrestiens Svr Il la Paffion. Par Rob. Estiene. )) Paris, M<tm~ Pa~sso~, 1595, in-S° de 2 ff. lim. et 14 ff ch (BiB NAT., Ye 3982 Rés.; MAZARINE, 49669); réimprimé en 1606: Les Larmes )) de S. Pierre, Il Et Avtres Vers )) Svr la Passion. Il Plvs Il Qvelqvcs Paraphrases Il Svr Les Hymnes de l'Année, j~ Paris, De r/M~t~~ Xo~ Es<tfMH< 1606, in-8" de Ef. lim. et 20 ff. ch. (BiB. NAT., Ye 21594.)


Ma di se si vergogna thalor, ch'erra.

Se ben no'l vede altre, che cielo, e terra.

· MALHERBE

Le.jour est déjà grand, et la honte plus claire De l'apôtre ennuyé l'avertit de se taire;

Sa parole se lasse, et le quitte au besoin;

Il voit de tous côtés qu'il n'est vu de personne, Toutefois le remords que son âme lui donne Témoigne assez le mal qui n'a point de témoin. Ainsi l'homme qui porte une âme belle et haute Quand seul en une part il a fait une faute, S'il n'a de jugement son esprit dépourvu,

Il rougit de lui-même, et combien qu'il ne sente Rien que le ciel présent et la terre présente, Pense qu'en se voyant tout le monde l'a vu.

ESTIENNE °

L'apôtre au point du jour, honteux, confus et blême, Ressentit son remords devenir plus extrême;

Tout ce qu'il voit l'étonne, il craint ses propres yeux. Aussi, sans l'œil d'autruy, ceux de qui l'âme est haute D'eux-mêmes condamués rougissent de leur faute, Quand même ils ne verraient que la terre et les cieux.

PH. RENOUARD.


DEUX PAMPHLETS INÉDITS DE PIERRE BAYLE

CONTRE

LE MARÉCHAL DE LUXEMBOURG (1680)

Le Maréchal de Luxembourg avait, comme tant d'autres, témoigné une curiosité imprudente pour quelques-uns des sorciers et des magiciennes qui tenaient de près ou de loin à la Voisin. Aussi, dès les premiers jours des poursuites engagées, sur l'ordre du Roi, devant la C/MM~ Ardente, son nom fut-il prononcé (mai 1679). Après plusieurs mois d'incertitudes et de racontars, son arrestation fut même résolue. Généreusement prévenu par le Roi, Luxembourg, pour montrer qu'il ne redoutait rien de la justice, se constitua volontairement prisonnier à la Bastille, le 24 janyier 1680. Cette galante conduite ne lui gagna d'ailleurs pas le public; on ne voulut pas d'abord voir dans ce désir d'être jugé une preuve d'innocence, et les plus vilains bruits continuèrent quelque temps à courir sur son compte.

Bayle, alors professeur à Sedan, avait, au cours du second semestre de 1679, fait un séjour à Paris, et n'y avait guère entendu parler que de magies, de poisons, et des soupçons qui planaient sur tant de nobles personnages. Aussi quand il fut de retour à son Académie, s'amusa-t-il, après l'entrée de


Luxembourg à la Bastille, à écrire une satire où le Maréchal, honni des protestants pour sa conduite en Hollande, serait pris à partie ainsi; d'ailleurs que toute la Société française. La pièce était achevée le 12 février, et, le 21 mars, Bayle la corsait d'une seconde partie. M. P. de Ségur, le savant historien de Luxembourg, a connu ces faits par la Vie de Bayle, à laquelle il a emprunté une sommaire analyse de ces deux pièces. Mais il a cru et dit que les pamphlets de Bayle parurent effectivement en avril 1680, qu'ils eurent un « grand succès de lecture », qu'on « se les arrachait dans les salons et dans les ruelles »; il a même reproché à Bayle « un procédé peu généreux envers un homme emprisonné, sous le coup d'une peine capitale 1 » affirmations gratuites, allégations téméraires; ces pamphlets sont restés manuscrits et furent complètement ignorés à Paris.

Peut-être Bayle avait-il songé à les publier. Ce qui est sûr, c'est qu'il voulut, sur ces pièces écrites de verve, l'avis d'un ami écouté. Le 2~). mars, il adressa la première pièce à Minutoli, sans se donner pour l'auteur, et il lui annonça l'envoi prochain de la seconde. Pour quelle raison Minutoli fit-il attendre sa décision? Le ier janvier 1681, Bayle lui réclamait « l'anai{o;MM des deux pièces sur le Maréchal de Luxembourg ». Enfin les manuscrits durent revenir à leur auteur, accompagnés du jugement. Mais que celui-ci ait été favorable ou non, Bayle ne pouvait plus songer à faire paraître des pièces désormais hors de saison. Depuis le i~ mai 1680, Luxembourg était hors de cause; de plus, le ler octobre, l'instruction générale de l'affaire « des Poisons » avait été, par la volonté du Roi, momentanément suspendue, et si la Chambre Ardente reprit ses séances en mai 1681, ce fut pour tout finir au plus vite. Bayle, occupé maintenant à composer et à publier ses P~Msecs sur la Co;M< obligé en juillet 1681 de quitter Sedan, dont l'Académie était détruite, garda par devers lui le manuscrit de ses satires.

i. P. de Ségur, Le ~M!f de A'o<)'<DaM< p. us.


Après la mort de Bayle, ce manuscrit se trouva dans les papiers légués par lui à son parent M. de Bruguière. Le premier curieux qui, après l'héritier, y mit le nez, fut Mathieu Marais, l'avocat parisien. Fidèle à son amitié pour Bayle, celui-ci fit vite la connaissance de Bruguière quand il vint à Paris, et put, grâce à lui, fureter dans les portefeuilles du grand homme défunt. En juillet 1700, il voit la Harangue, et il écrit aussitôt à sa bonne amie. Madame de Mérignac « Je ne puis vous exprimer la surprise que j'ai eue de la malignité et de la force de cette satire. Il n'y a point dans notre langue de pièce semblable, et depuis l'Apologie de Madame de Rohan pour Henri IV, je n'ai rien vu de pareil. Heureusement, M. de Luxembourg a bien fini, car sans cela cette pièce, si elle avait été donnée au public, le déshonorerait pour toujours. La moitié du genre humain y est bien maltraitée; notre nation y est en pièces l'amour de la patrie et du sexe fait que je m'oppose de toutes mes forces à la publication de cet écrit diabolique, où notre ami paraît avoir pris trop de plaisir à manier des matières délicates avec des termes peu délicats. Cela pourrait faire tort à sa mémoire. » Le 2~7 septembre suivant, Marais écrivait encore à Basnage, l'exécuteur testamentaire de Bayle, à propos des publications posthumes qu'il conviendrait de faire « Je ne parle point de la Harangue de M. de Luxembourg à ses /M~s qui est une pièce à supprimer, quoi que ce soit peut-être un des plus forts modèles de satire française en prose; mais il ne faut pas immortaliser ces haines et ces malignités » y

Marais est respectueux de l'ordre, et soucieux de sa propre i. M. Marais, /otf)')tf!! et .M~HO)' Ëdit. de Lescure, t. pp. in et 113. 2. Entendez les dames.

3. Lettre de Marais à Basnage, publiée dans la ~pM~ttXVtn'st~e~, igi~,?. 1~4: Quelques ~agM d'MMc correspondance inédite de M. Marais.


.tranquillité. Aussi a-t-il pour toujours son siège fait. Vingt ans, plus tard comme maintenant, il refusera de laisser imprimer la pièce. Il y va de la mémoire de son ami; il y va du respect que l'on doit aux têtes couronnées, car le pamphlet les maltraite quelque peu; surtout il y va de l'honneur d'une famille très puissante qui ne tolérerait point qu'on imprimât de telles insolences contre un glorieux ancêtre, et qui, à défaut de l'auteur, saurait faire retomber sa colère sur quiconque eût facilité l'édition des satires. Marais qui ne se fiait point à Bruguière, prit le moyen le plus sûr pour empêcher à jamais leur publication. Tandis qu'il rendait à l'héritier de Bayle les autres papiers que celui-ci lui avait prêtés, il garda le manuscrit original des pièces contre Luxembourg. Le lui avait-il acheté, l'avait-il subrepticement dérobé? Je ne sais. Le fait est qu'il s'enorgueillissait plus tard d'avoir cet autographe en sa biblio- thèque

Voilà le manuscrit précieux en lieu sûr. Marais le garde jalousement, mais il en parle. Quel est le bibliophile qui, possesseur d'un tel trésor, aurait le cœur de ne pas s'en vanter avec quelque mystère, de ne point faire admirer, d'un peu loin, la pièce unique qu'il possède, et même de ne pas consentir de temps en temps à la prêter à un ami plus cher, sous l'expresse condition qu'il n'en prendra point copie? La confiance de Marais fut une fois trompée. Il avait prêté son manuscrit à du Fay qui, malgré la parole donnée, le fit copier Cette copie fut communiquée à Sallengre qui eût bien voulu l'obtenir pour ses Afe;MO!s de jL~~M/c, cette sorte de Revue des Livres Anciens, où il publia vers 1715 quelques pièces inédites i. /OM~M< et Mémoires, t. n, p. ~ô J'ai la .HaiftHtgtM de M. jE.t(.~w6oMr{; à ses 7M~"s, et la Cf:M, écrite de sa main. » Bouhier, sur la copie manuscrite dont nous allons parler, a signalé que la pièce a été « copiée sur l'original même qui m'a été communiqué par M. Mathieu Marais

z. Il s'agit du bibliophile Cisternay du Fay, mort en 1723. Voir à ce sujet, une lettre inédite de Marais à Desmaizeaux, du 13 juin 1729. British Museum, .4fM. mss. 428~, fos 107,io8.


et des extraits d'ouvrages oubliés et rares 1. Mais Marais, veillait; dans sa juste colère il protesta énergiquement et fut écouté au dernier moment, Sallengre se vit refuser la copie promise Celle-ci resta donc discrètement dans la bibliothèque du baron d'Hohendorf pour qui elle avait été faite Quand Hohendorf mourut, Marais s'informa de cette copie dont l'existence l'inquiétait. On lui dit qu'elle n'avait pas été retrouvée dans les papiers du baron; Desmaizeaux, le biographe et l'éditeur de Bayle, avait entendu dire plus tard qu'elle était à Vienne, dans la bibliothèque de l'Empereur 4. Je ne sais si l'information était exacte, et si la pièce s'y trouve aujourd'hui 5.

Désormais Marais eut plus de prudence encore. En 1725, il consent bien à envoyer le précieux manuscrit, mais c'est à son cher Bouhier. Il autorise même le discret Président à en prendre copie, pourvu qu'il ne la montre à personne. Mais à Desmaizeaux qui préparait l'édition in-folio des (EMî~s diverses de Bayle, et qui à plusieurs reprises insistait pour obtenir communication de ces pièces, il refusait impitoyablement, « ne voulant en donner ni le gros, ni le détail, ni aucun extrait 6 ». Pourtant il lui en envoya un bref sommaire; c'est tout ce que Desmaizeaux en connut jamais; c'est ce qu'il dut se contenter de reproduire, tel quel, dans sa Vie de Bayle C'est aussi tout ce qu'en a connu M. de Ségur.

Nous sommes plus heureux, puisqu'un manuscrit de la i. Lettre inédite de Sallengre à Desmaizeaux, du 9 juillet 1717. British Museum, Id. 4287, f 284.

2. Lettre précédente de Sallengre, et lettre de Marais à Bouhier, du 6 mars 1735. 7o«f)!a< ;VJ);tO!f~x, t. m, pp. 302-303.

3. Hohendorf, ancien aide de camp du Prince Eugène, avait séjourné à Paris comme chargé d'affaires de l'Empereur d'Autriche.

4. Lettre de Marais à Bouhier, du 9 mai i729./oM)'M~! et Mémoires, t. IV, p. 27. 5. Est-ce cette copie, ou bien une nouvelle copie faite d'âpres elle, qui existait dans la Collection des Troussures, récemment dispersée? Dom Denis,qut a dépouille cette collection et publié, dans la Revue d'Histoire Z-tN~t~ de 1912 et 1913, les lettres inédites de Bayle qu'elle contenait, n'a point attaché d'importance à cette ~fa~~gMe et à sa Critique. Il a passé ainsi à côte de la plus curieuse de ses trouvailles.

6. Lettre inédite du 13 juin 1729, citée plus haut.

7. DM<toM)MK~ de Bayle. Edition in-folio, t. I, p. x.


Bibliothèque Nationale (f. franç. 25669) nous fournit la copie qu'en 1725, Bouhier en fit prendre, avec la permission de Marais. Quant à l'original, qu'est-il devenu? Marais, désireux de supprimer cette pièce qui l'avait toujours inquiété, qu'il ne s'était procurée que pour la cacher à tous yeux indiscrets, l'a-t-il fait disparaître avant de mourir? Était-elle au contraire parmi les papiers qu'en mourant il confia au même Président Bouhier? Et cet original est-il encore dans les papiers du Président, à la Bibliothèque Nationale ou ailleurs? C'est ce que je n'ai pu vérifier d'une façon sûre. Je donne le texte d'après la copie de Bouhier, il est vraisemblable qu'elle ne doit guère différer de l'original que par l'orthographe du copiste GEORGES ASCOLI.

HARANGUE

OU PLUSTÔT LETTRE APOLOGÉTIQUE, COMPOSÉE PAR Mr BAYLE, SOUS LE NOM DE Mr LE MARÉCHAL-Duc DE LUXEMBOURG, ACCUSÉ DE MAGIE, ET AUTRES CRIMES, POUR ESTRE ADRESSÉE A SES JUGES. ACHEVÉE LE 12. FEVRIER I680

Quoique les Crimes dont on m'accuse soient des plus propres à m'attirer l'aversion de toute la terre, je suis pourtant bien aise, Messieurs, que la malice de mes Ennemis se soit tournée de ce costé là, & je ne sçaurois nier desormais qu'il n'y ait une Providence, qui gouverne le monde, voyant que la plus noire calomnie qui fut jamais, se trouve accompagnée d'un aveuglement si prodigieux, qu'il me fournit mille moyens de la réfuter, & de lui faire promptement subir l'infamie qu'elle mérite.

Il n'y avoit rien de plus facile que de m'accuser avec beaucoup de vraisemblance. On pouvoit forger cent Calomnies attroces, où les apparences eussent esté contre moi. On pouvoit mesme 1. Je dois un remerciement spécial à la Direction de la Bibliothèque Nationale

qui a bien voulu faire mettre le manuscrit à ma disposition, dans les salles de la

Bibliothèque Municipale de Nantes, et à MM. Giraud-Mangin et Bott, conservateur et bibliothécaire-adjoint de cette Bibliothèque provinciale, qui m'ont rendu mon

travail aussi aisé que possible.

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m'accuser de plusieurs mechantes actions, dont je suis éffectivement coupable. Car je ne sçaurois nier que je n'aye toujours vécu d'une maniere à persuader facilement, que j'étois <capable> des plus~rands crimes, & j'aurois grand tort de prétendre à la qualité d'homme de bien. Avec tout cela mes Ennemis ont eû si peu d'esprit, qu'ils n'ont choisi dans une si vaste matiere d'accusations, que ce qu'il y a de moins apparént, et on diroit, que parce qu'il y a plus de malice à satisfaire sa haine par des fausses accusations que par des veritables, ils ont laissé tout exprès mes véritables crimes en repos, affin de m'en imputer d'imaginaires, au lieu que pour se vanger adroitement, il faloit se jetter sur mes veritables actions. Car on eut pu se couvrir du beau pretexte de l'amour de la Justice.

Admirés, Messieurs, la justesse de leur choix. Ils m'accusent de Magie, moi qui ai toujours vécu en homme qui ne crois ni Dieu, ni Diable. Cela seul les devroit faire rougir de honte. Mais pour mieux vous faire voir l'impertinence de leur accusation, il faut que je l'examine Article par Article.

Ils disent que je me suis donné au Diable 1° amn de jouir de toutes les femmes qui me plairoient. 2° affin d'estre toujours heureux à la guerre. 3° affin d'estre toujours bien auprès du Roy. ~o amn'de gagner tous mes procez.

Pour comprendre ma réponse au l~ point, je vous Supplie, Messieurs, de considérer qu'il y a très peu de personnes qui fassent du mal inutilement. Cela est si vrai que tous les jours, devant les Tribunaux de la Justice on croit montrer suffisamment qu'un soupçon est mal fondé, lorsqu'on fait voir que celui que l'on soupçonne n'auroit pu tirer aucun usage de l'action qui lui est imputée. Mais cette maxime est particulierement veritable parmi les personnes du grand monde à qui les manières de la Cour inspirent je ne sçais quelle affectation de prudence & de politique l'année; qui ne leur permet pas de s'engager dans des intrigues mal concertées, inutiles à leur fortune, & capables seulement de les faire passer pour dupes, ce qui est un reproche mille fois plus sanglant en ce Pays-là, que celui de n'avoir aucune conscience. Vous m'en croirés s'il vous plait, Messieurs, puisque je ne pretens pas me vanter par là d'un grand raffinement de vertu. J'aimerois mieux avoir fait cent meschantes actions avec quelque utilité, qu'une faute médiocre sans aucun avantage. Parmi tant de choses


que j'ai imitées des Italiens, je ne trouve rien de plus censé que cette belle maxime que quand nos Ennemis sont tombez dans un état ~'0~ ils se releveroient en f~H; MOKS, il f aut estre des premiers à leur tendre la ~s~, (ë- les y enfoncer <!M contraire, si nous avons assés de force, ~OM~ les empescher d'en sortir. Rien ne me semble plus sauvage, que d'aimer à faire du mal par ce que c'est du mal, & si j'avois trouvé dans le chemin de la vertu celui du plaisir & de la fortune, je m'y serois jetté sans répugnance. Mais quel moyen quand on a du cœur de s'attacher à une chose aussi stérile que la vertu, à peine y a t'il du pain à gagner à son service. Je pourrois vous alléguer cent occasions où j'ai esté homme de parole, par ce que la fourbe m'eût esté entièrement inutile, & cent mille autres, où je ne me suis servi de la trahison, et de l'injustice, que par ce que j'y trouvois mieux mon compte. En un mot commettre des Crimes hors de propos, & sans qu'il soit nécessaire n'a jamais esté mon fait, ni celui d'aucun honneste/homme.

Il n'en faut pas davantage, Messieurs, pour me justifier dans le ier Chef de mon accusation. Car je vous prie quelle necessité y a t'il de se donner au Diable, pour joüir de toutes les femmes que l'on souhaitte? par la grace de Dieu, je suis né dans un Pays où le beau sexe est la douceur & la tendresse même. Il s'humanise facilement, personne ne se poignarde pour sa cruauté. Il sent le pouvoir de l'amour et recourt au grand remede que la nature nous presente avec autant ou plus d'ardeur que nous, de sorte que ce seroit mesler le Diable où il n'a que faire, et où nous n'avons pas besoin de lui, que deTemployer à Héchir le cœur de nos Dames, & je ne scais si cet Esprit fier et glorieux ne dédaigneroit pas un Emploi si peu difficile.

Vous le scavés, Messieurs, vous qui vivés aussi bien que moi dans ce beau Climat, le plus commode de tous les Climats, où sans choquer la bienséance, on peut joindre la gravité de Sénateur avec la Coquetterie, où pour estre à la mode il faut regarder sa femme comme son pis aller, se ragoûter ailleurs du mieux qu'on peut, et la laisser toute entière dans la Liberté d'user de repressailles, et mesme de primer son mari, où la réputation de mari jaloux et capable de la sotte honte d'un Cocu chagrin passé pour un titre. de roture; où enfin les Filles se croyent en droit dez l'age de 14. ans de joüir des plaisirs de Ce monde au gré de leur passion amoureuse. Vous scavés dis-je, Messieurs, soit par la conduite de vos femmes


et de vos filles, soit par celle de vos Maitresses, combien il est facile de venir à bout de la chose pour laquelle on m'accuse grossierement de m'estre donné au Diable. On me connoit fort mal. Je le dis encore un coup, je ne suis pas capable de faire un aussi grand Crime que celui là sans aucune nécessité, & si j'avois à me servir d'un Ouvrier de cette importance, je le menagerois pour un besoin plus pressant.

Encore, si l'on disoit que j'ai demandé au Diable la vigueur nécessaire pour joüir de toutes les femmes qui me voudroient accorder cette faveur, diroit on quelque chose de plus probable. Car il est certain que l'artifice des hommes ne scauroit multiplier nos forces jfusques au point qu'il le faudroit pour répondre à la tendresse & à l'indulgence du beau sexe. Si bien qu'il semble qu'il y auroit lieu de recourir à la Magie pour cela. Ce seroit donc une accusation plus probable que la premiere, je l'avouë, mais neantmoins il me serôTt très facile de la refuter. Car ne vous imaginés pas, Messieurs, que le Diable voulut jamais entrer dans un engagement de cette nature. Il scait trop bien qu'il en auroit le démenti, & il est plus jaloux de sa réputation que l'on ne pense. Je veux que ce soit un trompeur. Mais il trompe avec esprit, et il n'est pas capable de fourber si grossierement. Il seroit le premier à nous dire qu'il ne nous est pas possible, à quelque Puissance infernalle que nous nous dévouions, de satisfaire tous les desirs amoureux, que nous pouvons exciter dans le cœur des femmes. Et quoi qu'il en soit, Messieurs, il auroit beau me le promettre, je découvre une si vaste étenduë dans cette affaire là, que je n'aurois aucune foi pour ces sortes de promesses.

Je passe au 2~ point. Messieurs, & je vous avouë que l'accusation qui m'y est faite, n'est pas si fort contre la vraisemblance que la premiere, quoi qu'elle soit également fausse. J'ai passé la meilleure partie de ma vie dans les armées; j'ai toujours eû l'humeur fort guerriere; j'ai servi ou un Roy, à qui le Ciel a donné l'ame la plus belliqueuse et la plus triomphante qui fut jamais, ou un Prince, qui est le plus grand Capitaine de l'Europe 1. J'ai sçeu qu'il falloit faire de grands Exploits pour s'en faire considerer. J'ai eû de l'ambition, ainsi il ne semble pas tout à fait improbable, que pour servir dignement ces grands foudres de guerre, et pour faire i. Con.de, à qui François de Montmorency-Boutteville, jeune encore, s'était attaché, au temps de sa défection.


une fortune qui repondit à mon inclination je me sois appuié de la faveur de quelque Esprit infernal. Mais, Messieurs, ce sont toutes apparences frivoles, et j'ai des moyens de justification mille fois plus forts, que je ne voudrois. Vous les scavés vous mêmes et la chose est trop publique.

Qui ne scait que j'ai presque toujours esté malheureux à la Guerre. La Samaritaine & le Cheval de Bronze en ont fait des railleries les Poëtes ne m'ont point épargné. Lés murmures ont esté généraux par toute la France. Je puis dire que j'ai esté cause de l'abandon qu'il a falu faire de nos Conquestes de Hollande. Car aiant manqué a secourir Naerden je laissai prendre un si grand vol aux Hollandois qu'ils ne songerent plus après avoir ainsi degagé Amsterdam, qu'à porter la guerre dans le Pays de l'Electeur de Cologne, dont ils s'emparerent conjointement avec les troupes que M. de Montecuculi avoit amenées d'Allemagne non sans beaucoup de confusion pour Mr de Turenne, qui avoit ordre de s'y opposer. Les malheurs de cet Electeur, allié de la France, causerent tant d'inquietudes à la Cour, qu'on y resolut de ne plus garder les places que nous occupions sur les Etats généraux. Ce fut moi qui commençai la Retraite', et je la fis avec si peu de conduite, que je vis l'heure que je perdrois et mes Soldats & l'immense butin que j'amenois de ces Pays là. Le Roy, dont la vigilance remedie à tout me tira d'affaire par les bons ordres qu'il donna pour me degager, qui firent craindre au'Comte de Monterey fort méchant homme de guerre, et au Prince d'Orange ébloui par des prosperitez où il n'estoit pas accoutumé, de se voir enfermés eux mesmes. J'avouë que j'ai eu assès de credit pour faire condamner le gouverneur de Naerden, mais il n'a pas laissé de faire voir dans un Manifeste, que toute la faute doit estre rejettée sur moi

Dira-t'on que j'ai eû' le bonheur de faire lever le Siege de i. On trouvera quelques-uns de ces ponts-neufs, cités dans le livre de M. de Ségur, Le Maréchal de Luxembourg et le Pft'MM d'Orange, p. 404. à p. 406.

2. Septembre 1673. En réalité, la ville avait été rendue par son gouverneur, Du Pas, trop vite pour que Luxembourg eût le temps d'arriver. Le 20 octobre, le Roi ordonnait d'évacuer la Hollande.

3. Le 16 novembre. Le 20 janvier 1674, Luxembourg faisait sa rentrée à la Cour où il recevait un accueil magnifique.

4. Dans le mémoire qu'il présenta devant le Conseil de Guerre réuni pour le juger, et qui a été imprimé M~MO! servant à la ;'<M<<e<ott de PM~e de Procé, ~c«)~)-, seigneur du Pas, ci-devant eoMtMttM~aftf à Naerden, touchant le siège et la rendition de la ville à Son Altesse A~g~ Prince d'Orange, in-i2.


Charleroy'? On auroit tort. Il faut dire qu'on le leva devant l'Armée que je commandois, mais que ce fut à cause que Mr de Louvois chargé des Ordres et des Instructions de nostre victorieux Monarque, dont le nom seul et le seing jettent une terreur panique dans les Troupes Ennemies, m'avoit joint quelques jours auparavant. Depuis qu'il fut parti je voulus forcer un misérable poste, entre Bruxelles & Anvers, où je ne fis rien qui vaille, et c'est la seule entreprise que j'aye formée de mon chef en Flandres pendant la dernière guerre.

Le Combat de Mons m'eut ruiné sans ressource, si ce n'est qu'on ne voulut pas donner aux Ennemis le plaisir d'avoüer si hautement que j'avois eu du dessous. Il faut que j'avouë que je ne songeais à rien moins qu'à me battre ce jour là. Car j'avois lié une partie de divertissement avec des Chanoinesses, qui comme chacun sçait sont les meilleures filles du monde et de la meilleure composition. Ainsi ce trouble feste de Mr le Prince d'Orange me vint prendre sans vert, de sorte que sans la prodigieuse valeur de nos troupes, qui suppléa au defaut de ma vigilance, le desavantage eut esté beaucoup plus grand qu'il ne fut.

La paix est venuë le plus à propos du monde pour moi. Car si on eut, continué la Guerre, je doute fort que mes amis ou les Ennemis ,des autres Maréchaux de France eussent pu induire le Roy à me continuer le Commandement de la principale de ses Armées, après une avanture comme celle là

Je ne dis rien du vieux tems, ni de la Bataille des Dunes*, où je fus pris prisonnier. Je voudrois mesme étouner dans mon âme et dans celle de tout le monde le souvenir de la Malheureuse Campagne de Philisbourg dans laquelle j'ai laissé prendre à la teste de 40. mille hommes une forteresse, qui nous ouvroit toute l'Allemagne. Mais ce sont des faits trop publics et trop nouveaux pour esperer que la memoire s'en perde sitost, et cela mesme me dispense d'entrer dans aucun détail, quoique j'en pusse tirer de fortes preuves de mon innocence. On se souvient assés qu'on m'avoit i. Août 1677.

a. La bataille engagée par le prince d'Orange en 1678, quand la paix de Nimègue était dpjà signée. Le bruit-s'était vite répandu dans le public que Luxembourg avait été surpris; on l'avait dit jusque dans la Gazette de France.

3. Luxembourg reçut pourtant une lettre flatteuse et cordiale du Roi. 14 juin 1658.

S Juin 1676.


donné la plus nombreuse armée Françoise qui ait jamais paru sur les bords du Rhin, que j'avois à la Cour un Patron tout puissant, qui me faisoit fournir toutes les choses necessaires avec une exactitude, que mon predécesseur n'avoit pas expérimentée. On se souvient qu'après de longs et de grands préparatifs je marchai vers les assiegeans et que je ne trouvai aucun chemin pour en venir aux prises avec eux, quoiqu'on m'eut assuré que j'en trouverois autant que j'en voudrois 1. On se souvient que je me retirai avec beaucoup de promptitude, non pas tant pour éviter la honte d'estre venu au secours d'une place seulement, affin d'estre le témoin de sa Capitulation, comme nous en avons souvent raillé le P~ d'Orange, que pour empescher que l'Armée ne périt entièrement ou faute de vivres, ou par le choc des Ennemis, dans un Pays que je ne connoissois pas. On se souvient que Mr le Prince de Lorraine eut l'honnêteté de ne'nous point inquieter dans nostre retraite, dont bien en prit aux Soldats, qui n'étoient point trop affamez, ni trop foibles. Car pour les autres ils périrent en grand nombre dans les chemins, On se souvient qu'après avoir repris mes Esprits dans l'Alsace, je voulus passer le Rhin pour couvrir un peu ma honte; mais que mon Ëtpile se purgepit si terriblement, que tous les jours nos Partis étoient battus, de sorte que je repassai sans avoir fait autre chose que gâter des Vignes. Tout cela est si connu qu'il seroit inutile de s'y arrester et d'y considerer scrupuleusement toutes les circonstances qui justifient que la fortune m'a esté contraire. Car qu'on dise tant qu'on voudra que j'ai esté un malhabile homme de trainer une si nombreuse armée dans un Pays ruiné sans avoir mieux reconnu le terrain, et que Mr de Turenne dont j'occupois la place ne s'en fioit pas comme cela à la bonne foi d'autrui~; Que je devois me faire tuër comme il a fait à force de vouloir tout scavoir par moimesme. Il sera toujours vrai, Messieurs, soit que j'aye manqué de prudence, soit que je n'aye pas esté assés vigilant, que j'ai esté malheureux.

i. M. P. de Ségur soutient que la Cour seule fut responsable de tous les retards, et l'on sait que Louvois et Luxembourg étaient dès cette époque en assez mauvais termes.

2. Allusion assez précise aux difficultés rencontrées par Luxembourg, qui fut arrêté par un bois épais, impénétrable, < un bois maudit », là où il ne pensait trouver qu'un bois « clair comme les sapins de Vincennes ».

3. Cf. ce que Mme de Sévigné écrit ironiquement, le 19 août 1676: Jamais M. de Turenne n'eût prévu ce bois; aussi l'on doit se consoler de plus en plus de sa perte. »


Quoiqu'il en soit, voila les plus fortes preuves & les plus fâcheuses-à dire que l'on puisse alléguer pour sa justification. Je n'ai pas esté heureux à la Guerre, pourquoi donc veut on que je me sois donné au Diable pour y estre heureux 1? Est ce ainsi que l'on raisonne? Ne dit-on pas au contraire un tel est venu à bout des choses les plus difficiles, donc il s'étoit donné au Diable pour y reussir. En verité si j'avois fait pacte avec quelque Esprit infernal, il faudroit que ce fut le plus miserable petit Diable qui soit dans les Enfers. Car il n'auroit pû me servir qu'au Siege de Woerden s et au saccagement de cinq ou 6. petits Villages de Hollande, et il m'eut abandonné dans le Dessein le plus Diabolique qui soit jamais monté dans le cœur de l'homme. Car j'avois resolu de faire à la Haye et par toute la Hollande le même carnage que j'avois fait à Boden-Grave Le dégel m'en empescha. Jugés, Messieurs, si ayant un Diable à ma poste, qui eut valu quelque chose, je me fusse veu reduit à essuier un si facheux contretemps. Jugés vous mêmes s'il ne m'eut pas autrement secondé dans un dessein, qui lui devoit estre extremement agréable. Mais c'etoit peut estre un Diable Huguenot, qui vouloit empêcher la ruine de la Hollande. Vraiment si ç'eût été un Diable huguenot, ou il n'eut pas permis que je fisse tant de ravages dans les Terres de son département, ou il s'en fût vangé d'une façon exemplaire (Car un Diable Huguenot doit estre furieusement terrible). Il m'eût fait perir sans Confession dans les glaces, qui se rompirent sous mon Cheval. Aussi bien avois-je assés corrompu la Ville d'Utrecht par un grand nombre de vices énormes qui y étoient inconnus auparavant, pour ne mériter pas d'estre conservé affin de la corrompre davantage.

i. C'est ce qu'avait exprimé un couplet, un peu antérieur, cité par M. de Ségur. Le Maréchal de Luxembourg, etc., p. 406

La gloire ne fut point le but

De son pacte avec Belzebuth.

Mais il est bien plus vraisemblable

Que ce fut l'argent ou l'amour,

Car pourquoi se donner au diable

Pour laisser prendre Philisbourg?

2. Ville prise en quelques jours (ï67:).

3. Il écrivit au Roi (janvien6?3) < Enfin, Sire, tout a réussi excepté que le temps ne nous a point permis d'aller brûler La Haye, comme j'y aurais marché, après avoir assuré ma retraite par la prise des forts, si la gelée eût continué. » Son historien, M. de Ségur, pourtant bien favorable, reconnaît qu'en la circonstance, « à plaisir il s'amusa ternir sa gloire, à souiller cyniquement l'éclat d'un acte héroïque ».


Après tout, si quelque Démon m'a favorisé, ce n'est point assurément le Démon de la fortune militaire, c'est plustost celui de la fortune marchande. Car pour dire les choses comme elles sont, si je n'ai pas acquis beaucoup de gloire, j'ai du moins amassé beaucoup de bien. J'ai pillé, j'ai rançonné, je me suis servi de concussion et de violence sans aucun scrupule, m'imaginant que c'estoit autant de pris sur les Ennemis de la foy ou de mon Roy. J'espere, Messieurs, que vous vous contenterés de cette Apologie, & que vous serés fort édimés de l'humilité avec laquelle j'avouë mes infortunes.

Pour répondre au 3e Point, je me -servirai des mesmes Réflexions, que je viens de vous representer. C'est à dire, Messieurs, que j'avouë encore ici qu'on m'intente une accusation qui est plus vraisemblable que la premiere, mais que l'experience réfute manifestement aussi bien que la seconde. Notre Grand et Victorieux Monarque est si digne d'estre aimé, il s'est acquis une gloire si brillante, ses vertus sont si fort au dessus des idées que les plus vives imaginations ont jamais'pû se représenter, qu'on verroit la France toute pleine de Temples et d'Autels consacrés à l'adoration de son nom, si la Religion Chrestienne, souffroit cette sorte de Culte. Ceux qui ont l'honneur d'approcher de sa personne, et de tenir à lui par les charges, qu'il a plû à Sa Majesté de leur donner trouvent tant de douceur à le servir, qu'ils voudroient estre condamnés à demeurer éternellement à son service. Et s'il leur estoit possible ils en feroient volontiers un'Dieu, à condition qu'ils seroient toujours honnorés de son amitié. Mais peut estre que je juge des autres par moi mesme, et qu'il vaut mieux que je me raproche de mon sujet.

Je dis donc, Messieurs, que j'ai toujours regardé le malheur de perdre les bonnes graces de nostre Monarque comme la plus funeste cheute qui me pût precipiter dans le neant, et que dans cette veuë si j'eusse été capable d'entrer en commerce avec les Démons pour me procurer quelque avantage, c'eût esté pour me conserver celui d'estre bien auprès de Sa Majesté. Mais il paroit bien que je ne me suis pas servi de cet Expedient, puisque je suis en prison par ses Ordres, abandonné aux rigueurs de la Justice, et décheu de l'honneur de sa protection. Je dis bien plus, c'est un Prince qui aime si fort la belle gloire, et qui peut si peu souffrir qu'on y aille par de méchans moyens, que tout incapable que


j'aye esté .de remords de conscience, je me serois fait un scrupule de me servir pour me conserver ses bonnes graces, d'un moien que j'aurois cru qui lui eût fait de l'horreur.

Si je n'avois pas de grandes mesures à garder pour les personnes de vostre caractère. Messieurs, je me deffendrois contre le ~e Chef d'accusation de la manière que je me suis deffeildi-i contre le premier. Mais je n'ai garde de le faire en l'État où je suis. Ainsi au lieu de dire que ce n'est pas la peine d'importuner le Diable pour gagner des procès, qu'il ne faut pour cela que pouvoir faire des presens aux Juges, s'engager dans les petites intrigues des femmes qui les gouvernent, se servir adroitement des interests de leurs amourettes et choses semblables, au lieu dis-je d'avancer une réponse si peu de saison; je prens la chose d'un biais, qui est beaucoup plus glorieux à la robe, c'est, Messieurs, que j'ai toujours oui dire que le Diable ne peut rien dans les affaires qui sont entre les mains de la Justice, comme il paroit par l'exemple de tant de Sorciers que l'on fait brûler tous les jours,sans que le Diable vienne les sauver, ce qu'il ne manqueroit pas de faire si cela lui estoit possible, veu l'interest qu'il a de maintenir la reputation de ses forces et de s'attirer un grand nombre de sujets en faisant voir qu'il est capable de les protéger contre les poursuites des Magistrats.

La raison de ce grand privilege de M~ de la Justice ne m'est pas trop bien connuë. Les Railleurs nous disent que le Diable laisse faire les Juges affin de se mieux vanger dans l'autre monde, où il les attend à coup seur, et qu'il leur laisse prendre ce petit avantage affin que sa colere en devenant plus furieuse, il trouve plus de plaisir à les chastier. D'autres disent que c'est une faveur particuliere que Dieu accorde aux Magistrats pour le bien general du monde.

Quoiqu'il en soit, Messieurs, (car je n'entre point dans la discussion de ces raisonnemens, qui sont trop profonds pour moi) j'ai crû bonnement cette Tradition, et cela estant je vous laisse à penser si j'ai pû estre assés simple pour mandier le crédit du Diable affin de gagner mes procès. Il y a beaucoup d'apparence, Messieurs, que vous vous choquerez du procedé de mes Adversaires. Car ils veulent vous derober le privilege glorieux que la voix publique vous donne ils vous exposent au caprice du Démon; ils supposent qu'il est capable de vous faire juger contre le Droit, et l'equité.


Vous en userés comme il vous plaira. Mais si vous m'en vouliez croire vous les chatieriez de telle sorte qu'ils ne seroient jamais en état de me nuire, et vous me renvoyeriez absous à pur et à plein en considération du zele que je temoigne pour la conservation de vos privileges. Je suis si persuadé que vos Arrests sont plus forts que le Diable, que si vous me condamnés à la mort, et que le Roy vous laisse faire, je suis seur que toutes les Puissances de l'Enfer ne me sauveroient pas. Quant au reste, je ne serois pas fâché que mes Ennemis pûssent aporter pour preuve de leur accusation un Arrest de vostre Chambre, qui me mit hors de Cour et de procès sans depens. Je leur laisserois croire tout ce qu'ils voudroient pourveu que je rentrasse dans mes charges, & franchement parlant, j'aurois plus de joye de recevoir l'absolution de mes Crimes devant vostre Tribunal, que de la recevoir dans celui de l'Ëglise, fût ce de la bouche d'un Légat La~~ ou du Pape même.. Et si je croyois de l'obtenir de vous, en vous faisant une confession générale, j'entrerois dans le détail de ma vie avec la mesme ingénuité, qui m'a fait m'accuser en gros d'avoir esté fort méchant. Mais helas ce détail seroit si horrible qu'il vous pousseroit assûrement à. je n'ose achever. Brisons là, Messieurs, je vous en conjure.

Je trouve encore ici que mes Calomniateurs m'ont imputé une chose qui choque le sens commun. Car il faut qu'ils supposent que j'aye ignoré ce que toute la terre attribue à la justice, et ils ont eu d'ailleurs l'imprudence de s'en prendre aux Magistrats, & de les vouloir déposséder de leurs immunitez pour les Livrer à tous les Diables, comme s'ils n'avoient pas deja assés de Corrupteurs, au grand dommage du public. Voilà, Messieurs, ce que j'avois à dire pour convaincre mes Ennemis, non seulement d'une lâche malignité, mais aussi d'une bêtise très grossière. Ce n'est pas que je prétende les accuser de manquer d'Esprit en toutes choses, je sçais qu'ils en ont; mais la providence de Dieu a permis qu'ils n'en ayent point eu en cette rencontre, pour me donner d'autant plus de jour à convaincre leur méchanceté.

Ils n'ont pas esté aussi mal habiles dans les pieges qu'ils ont tendus à quelques Dames de la Cour. Car ils ont trouvé moyen de faire dire contre elles des choses, qui sont peut-estre fausses, mais d'ailleurs assés vraisemblable. Et voyez un peu, M", le fonds de leur malignité. Ils scavoient que vous estiés pleinement


instruits des Crimes de la Voisin, et que vous aviés passés par tous les degrez de ses abominables pratiques. D'abord ses secrets ne consistoient qu'à fournir un fard d'une vertu singuliere pour reparer ce que la Nature n'a point donné au visage, ou ce que l'age lui a deja osté, cet importun Ennemi des graces et des appas qui vient toujours sans qu'on l'appelle. On passa bientost à vendre certaines eaux distillées propres à faire croitre les tetons, ou à durcir ceux, qui pour avoir esté trop maniez, ou pour d'autres raisons encore plus deshonnestes avoient perdu tous leurs agrémens. Peu après on se vanta de sçavoir si bien rajuster et rehabiliter un pucelage perdu, que le Mari le plus experimenté s'y tromperoit. On trouvoit du.profit à ce petit métier là à cause du grand nombre de personnes, qui en avoient besoin. Le profit augmenta l'avarice. On se vanta d'un autre secret plus officieux, & plus lucratif encore que tous les autres. On dit que l'on possedoit l'art des avortemens dans la plus fine subtilité. Grande ressource pour tant de jeunes veuves, pour tant de femmes dont les Maris sont absens, pour tant de filles qui succombent au pouvoir de l'Amour, & qui en portent des marques qui deviennent de jour en jour plus dificiles à cacher. On ne manqua pas de recourir à ce beau remede. La Foule fut merveilleuse, jamais pelerinage ne fut plus couru. Mais aussi que ne fait on pas pour s'ouvrir un chemin à satisfaire les desirs de la nature sans se commettre avec la médisance ?

La multitude des chalandes croissant de jour en jour, on chercha de nouveaux moyens de leur complaire. On leur mettoit en main de quoi se defaire de ceux qui les importunoient, et de quoi se faire aimer de ceux pour qui leur convoitise etoit furieusement embrasée. Disgrâces de celui-ci, successions d'un autre, avancement d'un 3e, tout estoit à vendre chès la Voisin. Les Démons ne juroient que par Elle, et n'attendoient que ses Ordres pour mettre tout sans dessus dessous.

Je serois trop long si je voulois m'étendre sur tous les degrez de ses artifices, & d'ailleurs, Messieurs, il n'y a personne qui les doive mieux sçavoir que vous. Nos Ennemis donc sçachant que vous étiés instruits de cette épouvantable suitte d'abominations, et qu'outre cela on avoit débité dans le monde, qu'on verroit bien encore d'autres choses, ont tasché de faire mettre les noms de plusieurs Dames sur le Livre de l'Empoisonneuse, se persuadant


que vous autres Messieurs, et le public aussi en croiroit plus qu'on n'en diroit. Ils ont trouvé leurs accusations si plausibles à cet égard qu'ils ont crû que celles qu'ils intenteroient contre moi passeroicnt pour convaincantes, en si bonne Compagnie, et c'est ce qui les a éblouis jusqu'au point qu'ils l'ont esté sur mon chapitre. Je finirois ici, Messieurs, si je ne me croyois obligé de vous representer que vous devez pour l'honneur de la France étouffer toute cette affaire ci. Car que diront les Étrangers s'ils apprennent par les Arrests de vostre Compagnie, que le Duc de Luxembourg a renoncé à son bapteme, lui qui est le premier Baron Chrestien lui qui fait mettre ce glorieux titre à la teste de tous les Actes, Passeports, et Sauvegardes qu'il signe, lui enfin qui a receu tant de marques de l'estime et de l'amitié du Roy. Ne diront-ils pas qu'il faut bien que le Christianisme soit malade parmi la Noblesse Françoise, puisqu'il a rendu le dernier soupir dans le Premier Baron Chrestien? N'accuseront-ils pas de flatterie tant d'Epitres dédicatoires, de Harangues, de Relations & de Panégiriques, qui disent que la pénétration du Roy à connoitre les gens va jusqu'à l'infaillibilité, et que ses faveurs et son estime sont une preuve incontestable de la vertu et du merite de ceux qui en sont honnorez.

Voyés, Messieurs, où cela va, voyés que c'est mettre en compromis la Sagesse presque infinie du Roy, que tout l'Univers admire. Mais que ne diront ils pas s'ils apprennent par vos Arrests qu'une infinité de personnes de la Cour et de la ville ne cherchent qu'à sauver les apparences, et que pourveu qu'elles se puissent cacher aux yeux du public elles s'abandonnent à toutes les fureurs de la lubricité, de l'avarice, de l'impieté et du Sacrilége? Ne diront ils pas que la Congregation de Propaganda F~g, est bien negligente de n'envoyer pas à la Cour du Roy très Chrestien des Missionnaires pour y planter la Foy, comme elle en envoyé au Japon et à la Chine? Ne diront ils pas que la ville de Paris a autant de besoin qu'elle en eut jamais d'un S*' Denys l'Aréopagite pour la faire chrestienne. Menagez l'honneur de la Nation, je vous en conjure, Messieurs, en qualité de premier Baron Chrestien du Royaume, du Roy Tres Chrestien, & du fils aisné de l'Église.

N'exposez point la France aux Satyres des Italiens et des Espai. Comme l'atné des Montmorency.


gnols. Ne le donnés point si beau aux grosses invectives des Peuples du Septentrion, des Anglois et des Allemands. Vous devés sçavoir qu'ils ne nous aiment pas et que la gloire de ce regne les irrite furieusement contre nous aussi bien que la possession où sont nos Ecrivains de ne louer que la France, et de parler avec mépris de tout le reste du monde. Si je ne fais point mention des Hollandois en particulier, c'est de peur de vous faire songer que par mon suplice vous justineriés nostre Nation des horribles cruautés, que nous exerçeames Boden-Graven. Car vous feriés voir par là que ce n'est pas aux françois qu'il s'en faut prendre, mais à tous les Diables d'enfer, & cette considération vous pouroit induire à faire un sacrifice de ma personne. Mais ne vous y trompés pas, Messieurs, vous ne justifieriés pas pour cela nos Troupes. Car quoique j'aye extremement approuvé tout ce qu'elles ont commis de barbare, il est pourtant vrai que je ne leur avois point prescrit de point en point tout ce qu'elles ont fait, & par consequent chaque soldat a. esté aussi méchant Diable que moi, si bien que ma mort ne sçauroit disculper nos Armées, et ne serviroit au contraire qu'à faire dire à la Hollande que toutes nos Victoires sont bien moins duës à nostre valeur qu'à nos Enchantemens, ce qui seroit d'une conséquence terrible.

Et qu'on ne me dise pas que puisque mes gens font plus que je ne leur commande, il s'ensuit que je suis un Diable. Car outre que ce seroit raisonner sur un quolibet dont des testes aussi sages que les vostres, n'ont garde de faire conte, ce seroit accuser tous nos Generaux d'etre des .Diables incarnés. Car il n'y en a point dont les soldats ne fassent mille fois plus de mal qu'on ne leur commande, et ainsi on prouveroit que M~' de Turenne a esté un Démon, ce qui seroit du dernier extravagant. Car qui est-ce qui sera bon Chrestien si Mr de Turenne ne l'a pas esté? Mr de Turenne, dis-je, ce grand Convertisseur d'Hérétiques, ce puissant Propagateur de la foy Romaine, ce fameux Conquerant d'ames Huguenotes, qui efface toute la gloire de nos Missionnaires, puisqu'au lieu de paroles et de lieux communs, qui ne leur coutent rien & qui ne servent de rien non plus pour convertir les Heretiques, Mr de Turenne -donnoit de l'argent, des charges et des pensions aux Nouveaux Convertis, toutes choses qui lui estoient necessaires pour soutenir sa nouvelle Dignité de Prince dont il estoit idolatre, et qui sont les seuls argumens capables d'éclairer l'Esprit des Huguenots, et de prouver


la verité de la Stc Eglise Catholique, Apostolique & Romaine. Pardonnés moi cette petite disgression, Messieurs, & souffrés que je continue à vous representer que vous ne sçauriés faire un plus grand plaisir à la Hollande, que de me faire trancher la teste, et que si vous revelés la turpitude de la France, vous devés estre assurés que les Cabarets et les Comptoirs des Provinces unies retentiront des bons mots et des injures qu'on y dira contre nous, sans compter les traits piquans de leurs Gazettes.

Et au fonds, Messieurs, que pretendés vous gagner par vos chastimens? Croyez vous par ce moyen inspirer une chasteté de Lucrece à toutes les femmes de France? Vous seriez dans la plus grande erreur du monde si vous vous imaginiés cela; Et si vous en veniés à bout vous seriés les premiers à vous en plaindre. Scachés, Messieurs, que la nature est plus forte que vos Loix, et qu'une femme qui sent les aiguillons de sa convoitise se satisfera, quoi qu'il en coûte.

Et bien, dirés vous, qu'elle se satisfasse, mais qu'elle se garde bien de défaire ce qu'elle aura fait une fois. Oui nous repondrontElles, nous le ferons très volontiers, pourveu qu'il vous plaise de vostre autorité Magistralle abolir Certaines Loix de l'honneur dont vous autres hommes vous vous estes dispensés hautement pour nous y tenir seules assujetties. Délivrés nous de ce joug importun, qui nous fait tant soupirer, & vous verrés que la Voisin & ses semblables n'auront plus de pratique.

Le remède seroit pire que le mal, Messieurs, car que seroit-ce si une femme qui auroit eu 4. ou 5. Enfans illegitimes à la vue de tout Paris se produisoit par tout avec la mesme assurance que si elle estoit cruë d'une chasteté incorruptible? Ne vaut-il pas bien mieux, quand il en devroit coûter la vie à plusieurs Enfans, que le Sexe rende ce petit hommage à la chasteté, mesme dans la prostitution, d'avoir quelques égards pour la renommée? Outre que la moitié du plaisir seroit perduë pour nous autres hommes, si vous délivriés les femmes du joug insupportable de l'honneur. Car comme vous scavés, Messieurs, leurs petites façons, les petites craintes qu'elles temoignent avoir pour l'avenir, dont pourtant elles nous font un Sacrifice, sont un merveilleux assaisonnement dans ces affaires là. Je ne m'explique pas davantage. Vous m'entendés à demi mot. L'expérience est un grand Maître, et le temoignage d'un homme comme moi aussi, qui assurément n'est pas venu à l'age de 50. ans


sans avoir goûté des unes et des autres, de celles qui s'abandonnent au premier venu avec la dernière effronterie, et de celles qui se font longtemps prier affin de mieux reveiller l'appetit.

Pour le reste, j'ai trop bonne opinion de vostre Sagesse pour croire que vous ayés dessein de changer les Loix de la bienséance, quelques complaisans que vous soyez pour le beau Sexe. Que faire donc? c'est qu'il faut laisser aller les choses leur train ordinaire et empescher seulement qu'on ne puisse prouver par des temoignages aussi authentiques que le sont les Arrests de la Chambre ardente, que la France, qui d'elle mesme n'invente rien, perfectionne merveilleusement les inventions des autres Pays, et surtout celles d'Italie, de telle sorte que les Italiens mesmes sont obligés de venir parmi nous pour en apprendre le fin. Ou si vous croyés qu'il y va de l'honneur de vostre Compagnie de faire voir qu'elle ne punit pas seulement des Laquais et des Soubrettes, mais,aussi des personnes de la première qualité, condamnés au bannissement quelques unes de ces Dames, dont les galanteries ont esté si criminelles, & relegués en quelques autres à Nérac

Il en reviendra deux grands avantages. Le 1er que ces illustres bannies infecteront tellement les Pays Etrangers par la communication de leurs vices, qu'on ne pourra plus à l'avenir reprocher à la France de se distinguer de ce costé là. Le 2e. que ces illustres Réléguées pourront avec le tems acquérir le Don de continence dans une Ville qui se souvient encore avec tant d'édification de l'incomparable chasteté de la Reine Marguerite, & de la continence exemplaire de son Epoux, le Roy Henry le Grand. Il n'y a point de doute que l'air de ce Pays là ne soit encore plein de la bonne odeur qui y fut laissée par une Cour aussi pudique, et qu'il ne puisse servir de correctif à la fragilité humaine.

Mais c'est trop discourir pour un homme, qui s'est plus exercé au Métier de la guerre, qu'à celui de l'Eloquence. Je finis donc, Messieurs, en vous suppliant de me laisser mourir par les mains de la nature, ou plus tost à la teste d'une armée. Qu'il vous suffise de ce qui est arrivé au brave Comte de Boutteville mon pere, le plus grand Duelliste de l'Europe". Laissés moi dégénerer dans la i. Nërac était depuis quelque temps entre les biens des Bouillon, et c'est là qu'en février 1680, le Roi avait jugé bon d'exiler la Duchesse, après la séance fameuse où elle avait tourné en ridicule les magistrats de la Chambre Ardente. a.' Ce souvenir obsédait alors tous les esprits, et l'on se demandait si le fils était destiné à une fin terrible comme celle du père.


maniere de finir mes jours. Ce faisant, vous m'engagerés à estre toute ma vie

Messieurs

Vostre très humble et très obligé serviteur. `

Le Marêchal Duc de Luxembourg i<-r Baron Chrestien.

RÉPONSE DU MÊME Mr BAYLE A LA HARANGUE PRÉCÉDENTE, SOUS LE TITRE DE

LETTRE ECRITE DE PARIS A UN PROVINCIAL. LE 21. MARS 1680.

Je ne scais, Monsieur, à quoi vous pensés de vouloir à toute force, que je vous écrive mon sentiment sur une certaine Satyre, qu'on fait courir sous le Titre de le DMc ZM~&OM~ ses /Mj~s. Vous faites assés connoitre par là que vous la croyés digne d'estre luë avec attention, & j'admire qu'un homme d'aussi bon goût que vous fasse cas de si peu de chose. Pour vous temoigner ma complaisance, j'ai pris la peine de lire cette pièce là avec quelque soin, & voicile jugement que j'en fais.

L'Auteur a quelque feu d'imagination et quelques saillies d'esprit. Mais il est encore fort Novice dans le Métier dont il se mesle, & dès là je ne le scaurois plus souffrir. Qu'un petit Ecolicr s'amuse à faire des Panegiryqucs, je le lui pardonne. Mais qu'il ne s'avise pas de s'ériger en Censeur, qu'il se garde bien de profaner par de miserables coups d'essai un travail qui ne demande que des coups de Maitre. Peu de Gens sont capables de médire de bonne grace; il faut des talens extraordinaires pour cela, & c'est tout ce qu'ont pû éxécuter Molière et Despreaux que d'approcher un peu de la perfection.LaSatyre est un Ouvrage où il faut payerd'un discernement fort exquis et d'une grande connoissance du cœur de l'homme, et du goût des honnêtes gens. Il faut que les Epines y soient adroitement cachées sous les fleurs et qu'il y ait comme dans les Comettes un poison imperceptible sous un grand éclat de lumiere 1. En un mot c'est une des productions de l'esprit, où il faut se posséder le plus. Or tout cela manque à celui qui a composé cette Satyre. Sa passion saute aux yeux de tout le monde. Il affecte d'étaler une i. L'aimée suivante, Bayle n'accordera plus aucune propriété mystérieuse aux ~omctes.

TOME H. 7


envie generale de mordre toute la terre. Il en fait venir l'occasion, à force de bras et de machines. Il fait des peintures outrées au dernier point. Il n'entre jamais dans le vraisemblable, et en général il n'observe aucune des regles que les bons Maitres nous ont laissées. Il n'y a rien de plus mal imaginé que d'attribuer au Duc de Luxembourg une Confession si forte de sa mauvaise vie. Rien de plus extravagant que de lui faire prononcer un discours d'une heure plein de railleries piquantes contre ceux à qui il parloit, & qu'il regardoit comme les Arbitres de sa vie ou'de sa mort. Rien de plus froid que les plaisanteries qu'il débite contre les Femmes. Rien de plus déraisonable que les disgressions malignes où il s'abandonne. On ne scauroit discerner aucun caractere dans cette prétenduë Apologie, ni s'imaginer un cas où ce Discours puisse avoir esté prononcé. Tout ce qu'on peut connoistre, c'est que l'Auteur est un Sophiste sans jugement, qui entasse pesle mesle des réflexions morales, des Eloges pompeux, des médisances puériles, des pensées bouffones, des sentimens profanes, et fait un Composé monstrueux de cent choses opposées.

Pour M'' de Luxembourg, on n'a garde de le reconnoitre dans cette belle Harangue. Il a beau dire des vérités qui lui conviennent. La manière dont il les dit a si peu de raport avec son caractere, qu'on ne le croira jamais capable de parler ainsi, ni en prison, ni hors de prison, pour peu qu'on sçache quel homme c'est. Je crois aussi bien que vous, Monsieur, que cette Satyre est une production HoUandoise. La Hollande est un Pays où la mémoire du Duc de Luxembourg excite des idées si affreuses qu'on en fait peur aux petits Enfans comme ailleurs du Loup garrou, & on n'y oublie rien de tout ce qui la peut faire détester à jamais. Car outre les Rélations artificieuses qu'on a publiées en toutes Langues de ce qui se passa à Boden-Grave, on a eu soin d'en faire faire une infinité de Tableaux et deTailles douces, et d'en remplir les Ecrans, les jeux de Cartes, et les Almanachs 1. Je m'étonne qu'on ne se soit avisé de faire marquer ce point d'Histoire sur tous les jettons et les gobelets. Car comme ce sont des bijoux, qu'on manie bien plus souI..L'~MS fidèle <!M-~ t'f)-;Y<!Ht"! HoHttxAtM, <OMC~K< ce 9«: s'est passé f~ns les vil~M Bodegrave et de StMMHtfr~Mt, < véritable réquisitoire fortifié de pièces authentiques, qui parut en double édition, l'une de luxe, l'autre à bon marché; Romain de Hooghe, le célèbre graveur, v adjoignit huit grandes eaux-fortes, reproduisant les scènes les plus attvces de tueries, de viols, d'orgies de toute espèce. (Ségur. Le Af~eM~' Luxembourg, etc., P. 197.)


vent en Hollande, que des Cartes & des Ecrans, ils eussent beaucoup mieux servi l'intention publique. Si c'étoit un Pays à Litanies, je ne doute pas qu'on n'y fit chanter tous les jours processionnellement, /M;'o;'g ~M~Mt&M~ libera Ko~Dowt?~, comme autrefois en France, ~/M~o~No;'MM?M~M~. La joye, qu'on y ressent de la disgrace de ce Maréchal seroit la plus grande du monde sans les craintes qu'on y a qu'il ne vienne aux Juges quelques uns de ces ordres Souverains de trouver les gens innocens, qui font évanouir tous les Crimes 1. Quelle apparence donc, qu'on ait laissé échaper une occasion aussi favorable d'insulter à un Ennemi comme celui-là. On sçait que l'esprit Republiquain est mille fois plus porté à la satyre que tout autre & que la Hollande s'est signalée de ce costé là un peu à son dam. Ces considérations, et plusieurs traits, qui sont repandus dans la harangue, me persuadent qu'elle est sortie de h plume de quelque gros Hollandois.

L'auteur a voulu se déguiser en louant magnifiquement nostre invincible Monarque. Mais il s'est trahi lui-mesme. Car, pour peu que vous y preniés garde, Monsieur, vous verrés qu'il y a du venin dans ses Eloges, et qu'il veut insinuer que les François ont un entestement pour leur Prince, qui va jusqu'à la Superstition; que peu s'en faut qu'ils ne portent leur culte dans tous les excès du Paganisme, qui Elevoit des Temples aux Empereurs, et les deïfioit avant mesme qu'ils fussent morts. Vous verrés qu'il insinuë que tous nos Panegyristes tranchent net, que le Roy est infaillible, et presque aussi Sage que Dieu.

Si ce ne sont pas là des Louanges empoisonnées, je ne sçais où on en pouroit trouver. Car n'est-ce pas dire que le Roy souffre dans son Royaume un commencement d'Idolatrie pour sa personne? N'est-ce pas l'accuser de prester l'oreille à des flatteries qui font tort à sa veritable gloire, et qui attentent à celle de Dieu? N'est-ce pas accuser les François de se laisser emporter à des excès de loüanges indignes d'un homme de jugement. C'est donc unHollandois passionné, qui a fait ce Libelle diffamatoire; c'est un Satyrique qui médit, lors mesme qu'il semble louer, & qui en veut à toute la Nation en général. Car aiant crû qu'il passeroit pour François, pourvû qu'il parsemast ses médisances de quelques magnifiques r. Comme cela s'Etait vu pour Madame de Bouillon et quelques autres dames. 2. C'est ce que Bayte reprochera plus tard à Juricu et aux Réfugiés de HoUandf dans![!'M<tM,<f/M~t~.


Eloges du Roi, il fait assés connoître quelle est à son sens la maladie generale de nostre Royaume.

On ne sçauroit épuiser le fonds de malhonnesteté qui regne dans tout son Ecrit. Il n'épargne ni les morts ni les vivans, ni les particuliers, ni les Têtes couronnées. Voyez, je vous prie, comme il va déterrer la Reine Margueritte, et le Roy Henri IV, pour leur faire tout de nouveau des reproches d'impudicité, que le tems avoit fait évanouir de la mémoire des hommes.

Pourquoi croyés vous qu'il suppose contre toute sorte de vraisemblances, qu'un prisonnier qui ne voit personne, sçait neantmoins que Madame de Bouillon a esté réléguée à Nérac? C'est parce que cela lui fournit un moyen de flétrir d'un seul coup la réputation d'une Duchesse pleine de vie, & la mémoire d'un Roy et d'une Reine, que le respect de la Majesté Royale, et celui des Tombeaux devroient rendre inviolables aux plus farouches Républicains. Il ne s'est pas contenté de cela. Il a falu pour satisfaire son humeur satyrique, que toute la Cour du Roy de Navarre se ressentit du coup qu'il vouloit porter à Made de Bouillon. C'est un des Endroits, qui m'a le plus fait connoitre, qu'il n'a pas encore achevé son Noviciat en médisance. Car un plus habile que lui se fut bien passé de parler de la Cour, après avoir parlé du Roy et de la Reine. On sçait assés la force d'un Exemple de cette nature. La plus vertueuse de toutes les Reines a eu des filles d'honneur, qu'il a falu licentier à cause de leurs Déréglemens. Jugés ce que ce doit estre sous des_Reines galantes.

Mais que dites vous, Monsieur, de son déchainement contre Mr de Turenne. Pour moi, je vous avoue, que rien ne me choque davantage. Il a allongé tout exprès une période, & l'a embarassée d'un colifichet, qui ne sert de rien à son raisonnement, affin de pouvoir reprocher à ce Héros qu'il avoit trouvé son Maitre en la personne du Comte de Montecuculi, & qu'il avoit trompé l'espérance de la Cour, qui s'étoit promise qu'il seroit plus fin, que le Général des Troupes Impériales. En un autre endroit il nous représente Mr de Turenne comme un composé bizarre d'un Bigot, et d'un Prince de nouvelle Création, assés disetteux, mais pourtant fort jaloux de sa Principauté Titulaire. Il nous le represente comme un homme qui sollicite tous les Huguenots à changer de Religion, et qui prévoyant bien que la dispute ne seroit d'aucun fruit, laisse là toute la Controverse, menace ceux qui s'obstineront à demeurer


hérétiques de les faire casser aux gages par tout où il les trouvera, & promet à ceux qui se convertiront des biens par dessus la teste, à un Sergent une Sous-Lieutenance, à un Officier subalterne une Compagnie, à une Servante de la marier incessamment, à un Laquais de lui faire apprendre un bon Mestier, ou de le mettre dans la Maltote avec de si bonnes recommandations, que des gens d'importance diront quelques années après

U est de mes amis,

Je l'ai connu Laquais, avant qu'il fut Commis.

Quelle indignité, bon Dieu, qu'un Héros, qui a esté enterré parmi les Rois de France après cent Victoires, paroisse sous une forme si ridicule Ce n'est pas tout, Monsieur, le mesme trait qui frappe Mr de Turenne, attaque cruellement quatre ou cinq sortes de choses. Lisez l'endroit, vous verrés qu'on y raille nostre Religion de n'avoir pour toute preuve de sa Divinité que des pensions et des charges; Qu'on y suppose que ceux qui s'employent efficacement à ramener les Huguenots au giron de l'Eglise ne se mettent guère en peine de leur convaincre l'esprit, pourveu qu'ils emportent leurs corps par la tentation des biens de ce monde, et que tant de personnes qui abandonnent l'hérésie en France ne le font que pour ameliorer leur fortune, quelque soin qu'ils prennent de demander des Conférences et des Instructions. Ce sont de vains pretextes, vous dira l'Auteur de la Harangue, ou affin de se faire mieux achetter, ou affin de garder quelque ~cco~M~, à peu prez comme quand le Gouverneur d'un Château promettant de le livrer aux Ennemis, se fait promettre qu'ils amenneront du Canon pour l'attaquer dans les formes. Voila bien des médisances en peu de mots, & il faut es're furieusement ma in pour mordre tant de gens d'un seul coup.

J'avouë, que cet Auteur rend plus de justice à Mr de Turenne en un autre endroit. Car il nous fait entendre qu'il s'est fait tuer à force de s'exposer, pour s'instruire de tout par lui mesme, et que ses bons succès estoient d'autant plus admirables qu'il avoit des Ennemis à la Cour qui le traversoient secrettement en ne lui faisant pas fournir tout ce qui lui estoit necessaire. Mais ne vous figurés pas, Monsieur, qu'il ait quitté pour cela sa malignité Satyrique. Prenés y garde, vous verrés qu'il ne loue Mr de Turenne que pour blâmer le Roy. J'aimerois bien mieux qu'il eut rendu moins de jus-


tice à ce Général, et qu'il n'eut pas insinué, que les Ministres de France satisfont leurs passions particulieres aux depens de la gloire de leur Maistre, sans que ce Prince le remarque.

Cela, et ce que M'' de Luxembourg dit quelque part que les Ennemis des autres Marechaux de France n'auroient pas eu le credit de lui faire continuer le commandement de l'armée de Flandres si la paix ne se fut point faite après la Bataille de Saint-Denis me confirment fort dans ma premiere conjecture, qui est que l'Auteur de ce Libelle n'a pas eu dessein de louer le Roy, de quelque haut ton qu'il s'y soit pris en quelques endroits. Car vous voyez bien, Monsieur, que ce qu'il dit ici n'est gueres obligeant pour cet incomparable Monarque. Disons plustost qu'il y a eu du dessein dans les Eloges du Roy, qu'il a repandus par toute sa piece d'un air assés. magnifique. On diroit qu'il a voulu nous préoccuper de son zele pour la gloire de cet illustre Conquerant, affin que les atteintes qu'il s'efforceroit d'y donner dans l'occasion ne nous parussent point suspectes de médisance. Au lieu que partout ailleurs, il est si prolixe qu'il donne le tems à tout le monde d'apercevoir ses hyperboles, on voit qu'ici il coule son venin en 3. ou 4. mots sur r ce qu'il y a de plus essentiel à un grand Prince.

C'est là jouer d'adresse & tromper avec art,

Et c'est avec respect enfoncer le poignard.

Je gagerois tout ce qu'on voudroit qu'un Plus habille homme que l'Auteur de cette Piéce a mis la main à ceci.

Ces Remarques générales vous doivent suffire, Monsieur, pour sçavoir mon sentiment sur ce Libelle. Ainsi je ne m'engagerai point à l'examiner plus en détail, ni à faire l'Apologie de ceux qui y sont attaqués. Je laisse M'' de Luxembourg entre les mains de ses Juges, à qui seul appartient le Droit de l'absoudre, ou de le condamner. Je laisse Mess' les Magistrats entre les mains de leur conscience. C'est à eux de voir si leur conduitte donne lieu. aux railleries qu'on fait par tout de leur inclination à coquetter.

M' de Turenne n'a pas besoin de ma plume pour se soutenir contre les traits de la médisance. Sa gloire est dans un si haut point d'élévation, que la plus furieuse calomnie n'y sçauroit atteindre, & cela mesme, dont on lui fait un procès est un des plus beaux i. Ou Mons.


endroits de sa vie, et releve merveilleusement la Sainteté de l'Eglise Catholique. Il a eû du zéle pour la conversion des Huguenots et affin d'achever de les déterminer quand il les a vû chancelans, il leur a promis d'avoir soin de leur fortune temporelle; il a soûtenu leur foi en mettant la main à la bourse pour eux. Il a laissé un fonds pour l'entretient et pour le mariage des pauvres Converties, que Dieu se contente, pour des raisons qui lui sont connues, d'attirer à la vraye foi, sans leur oster l'envie d'avoir un Mari. Il a crû qu'il falloit s'accommoder à l'infirmité de l'homme, qui n'aime pas à faire credit à Dieu de l'abandon ;de ses Erreurs, & qui est bien aise de toucher dès cette vie la recompense de sa foy, surtout quand il souhaitte de s'assurer de sa prédestination par un passage formel de l'Ecriture (comme font les Huguenots) tel que peut estre celui qui porte que la ~t'a~ a les promesses de la vie ~s~f, celle qui est à venir. En un mot Mr de Turenne a cru que par une sainte condescendance il faut prendre les Gens par leur foible et les arracher au méchant Party à quelque prix que ce soit. Qu'y a t'il de blâmable dans tout cela? N'est-ce pas ajouter à la gloire d'un Capitaine victorieux et triomphant, le plus beau fleuron qui la puisse rendre parfaitte, je veux dire la pieté & l'amour de Dieu qui se trouve si rarement dans l'ame des Héros, & qui sont neantmoins le veritable prix de toutes les autres vertus? N'est-ce pas une chose bien digne de remarque pour la gloire de la Religion Catholique que Mr de Turenne, qui avoit esté toute sa vie plus froid que glace pour les interests du Calvinisme, & en general pour les devoirs du Chrestien, n'ait pas plus tost mis le pied dans l'Eglise, qu'il s'est trouvé plein de zéle pour la gloire de Dieu, et pour la conversion des Errans, prest à sacrifier ses biens pour une œuvre si charitable et à s'exposer à la réputation de petit esprit, Bigot et Monachal, qui est neantmoins regardée dans le monde comme une espece d'ignominie pour les personnes de qualité? Cela est si fort qu'il seroit très inutile de répondre aux froides railleries du Hollandois contre ce grand & illustre Converti. Il seroit de mesme très superflu de repousser ce qu'il a dit contre ce qu'il appelle les Lieux communs des Missionnaires. L'Eglise Catholique n'a pas besoin non plus de ma plume pour prouver solidement sa Divinité, et odnr remplir de confusion les profanes et les impies qui osent gloser sur la maniere dont Elle s'agrandit tous les jours. L'application du Roy à voir par lui mesme tout ce


qui se fait dans son Royaume & l'absoluë dépendance de ses Ministres, sont des choses si généralement reconnuës, qu'il est également inutile de prendre les devans pour affaiblir cette persuasion et de refuter les artifices de la médisance. Aussi, Monsieur, je n'ai qu'une seule chose à faire pour m'acquitter entièrement de ce que vous avés exigé de moi.

Vous vous interessés fort à la gloire du beau Sexe, et moi aussi. N'êtes vous pas donc d'avis que tant pour l'amour de vous que pour l'amour de moi je rompe une lance en faveur de nos Dames avec cet impertinent Satyrique qui les a raillées à toute outrance. L'entreprise vous paroîtra téméraire & vous craindrez avec raison que je n'y succombe N'importe, il ne faut pas abandonner les interests d'un sexe à qui les François ont tant d'obligation, et je ne puis souffrir qu'il y ait tant de gens qui soupirent pour cette belle moitié du genre humain, & si peu qui entreprennent sa deffense contre ceux qui en médisent. Au contraire vous voyés presque toujours que ceux qui en ont esté les plus idolatres et les plus favorisés, sont ceux qui en disent le plus de mal. Qu'on dise tant qu'on voudra qu'il est malaisé de reussir à faire l'apologie des femmes, que c'est un poste très difficile à garder et choses semblables, je ne reçois point de telles excuses, et je crois que plus la chose est malaisée, plus un homme de cœur la doit entreprendre. C'est ce que je m'en vais faire en peu de mots.

Pour y proceder méthodiquement, je dis en i~ lieu, que l'on ne sçaurois trop louer l'esprit & l'adresse des femmes de France. Car elles nous ont persuadé la chose du monde la plus difficile à croire, sçavoir ~M'~S étoient capables de se conduire, et qu'on pouvoit s'en fier à leur bonne foi. Voilà où nous en sommes. Nous les abandonnons à leur propre conduitte, & nous nous imaginons que leur vertu naturelle est le meilleur Rempart que l'on puisse opposer au Tentateur. Ailleurs on a esté plus incredule, soit qu'on ait mieux connu la fragilité du sexe, soit qu'on ait eu plus à cœur de l'avoir sain & entier, soit que les femmes n'aient pas eu assés d'esprit pour vaincre l'incrédulité du bon sens. Or quoiqu'il semble que je ne me deffende pas du costé que l'on m'attaque, je soûtiens que c'est dejà beaucoup que d'avoir établi que les Françoises ont de l'esprit infiniment, & qu'elles se sont procuré le Droit de se conduire comme elles l'entendent. Vous l'apprendrés par ma derniere batterie. A cette premiere remarque, j'en ajoute une seconde qui n'est


pas de moindre considération. Il n'y a point de femmes sur la Terre plus propres à se faire aimer que celles de France. Leurs manieres vives et pleines de feu, leur civilité, leur douceur, leur enjouement sont des charmes qui reveillent les passions les plus endormies, d'autant plus que ce sont de grandes marques d'un temperament qui s'échauffe bientost. D'autre costé il n'y a point de gens au monde aussi galans que les François, ni qui attaquent aussi finement le coeur d'une femme. Les caresses, les complaisances, les flatteries, les petits soins, les presens, les fêtes, les cadeaux, tout est mis en œuvre d'une maniere qui attendriroit un cœur de Roche. Cela estant que M'" le Hollandois me reponde s'il peut. Ou les femmes Françoises sont sages ou elles ne le sont pas. Si elles le sont il n'y a point de femmes en toute la Terre qui meritent plus d'Eloges. Car qu'y a t-il de plus étonnant que de resister tout à la fois au panchant de la Nature et aux tentations si engageantes qui nous viennent du dehors, sans que la défiance de vos Superieurs, leur Exemple, leur opposition vous aident à vous tirer d'affaire. Si Elles ne le sont pas, elles sont fort excusables. Car le moien de resister tout à la fois à la nature qui vous crie incessament qu'il faut profiter du tems, que la vieillesse ne viendra que trop tost vous oster le goût des plaisirs, et aux pressantes sollicitations d'un galant homme qui vous adore, qui vous promet une longue enchainure de divertissemens, qui se consomme en frais pour l'amour de vous, qui enfin vous attaque par des endroits extrêmement sensibles, sans qu'il vous vienne des troupes auxiliaires comme dans les autres Pays où les jeunes femmes sont gardées à veuë de peur de séduction. De plus il faut considerer que parmi nous on commence de très bonne heure à prester l'oreille à la fleurette. On vous empaume une jeune fille à son avenement au monde avant qu'elle ait eu le tems de se fortiffier par l'expérience et par la réflexion. On lui parle des plaisirs de l'amour comme de la chose la plus delicieuse du monde. On lui dit que la nature qui l'a faite si belle ne l'a faite assurement que pour donner de l'amour et pour en prendre. On lui proteste que si elle n'est sensible aux soupirs d'un Amant, elle le verra expirer à ses genoux. Que voulés vous qu'elle fasse dans cet Etat? Voulés vous qu'elle donne un démenti à tous ceux qui lui tiennent ce Langage? La civilité y repugne. Voulés vous qu'elle n'en croye rien? La Docilité et l'humilité que l'on doit avoir au sortir de l'Enfance s'y opposent. On doit alors se laisser persuader à ceux


qui prennent la peine de nous instruire, & soumettre ses petites lumieres aux leurs, autrement l'opiniatreté et l'orgueil nous diffameroient pour toute nostre vie. Ainsi une jeune creature est fort excusable de croire ce que tant de gens plus agés qu'elle lui disent concernant les plaisirs de l'amour, et le croiant ainsi, il est fort naturel qu'elle en veuille faire l'essai en sauvant la vie à un homme qui lui persuade qu'il meurt pour ses beaux yeux. Elle en prend donc sa part, s'y voiant sollicitée par des personnages qu'elle juge qui sçavent bien ce qu'il faut faire, & qui lui font l'honneur de l'aimer au péril de leur vie, & trouve la chose comme on le lui avoit dite, voire mesme au delà. Dans la Suitte elle ne regarde que comme des verités réelles tout ce qu'on lui promet de plaisirs. L'espérance d'un bien deja éprouvé et qu'on sçait estre infaillible est difficile à vaincre. La raison & la vertu viennent trop tard à nostre Secours. La nature a pris son Parti. Il n'y a plus rien à faire pour la Sagesse. Pourquoi donc n'excuseroit-on pas les Françoises qui se divertissent avec leurs Galans?

Autre raison. Nous autres François nous sommes les plus commodes du monde. Le Cocuage ne nous étonne pas, comme l'a fort bien remarqué nostre Auteur. C'est pourquoi les femmes de France ne font scrupule de rien. Car ayant beaucoup d'esprit et de bon sens. elles n'ignorent pas que quand on peut s'accommoder sans incommoder les autres, il faut le faire. Elles sçavent bien aussi qu'on est indigne de posseder une chose quand on ne sçait pas s'en servir, d'où elles concluent que puisque les hommes leur donnent la liberté de vivre comme bon leur semble, elles seroient dignes de la berne, ou tout au moins de tomber dans l'esclavage, si elles ne tiroicnt pas de l'etat où elles se trouvent toutes les commodités qui s'en peuvent tirer. L'Auteur de la Harangue qui a tant prosné qu'il ne faut point faire des crimes inutilement, voudroit-il que les femmes eussent inutilement pris la peine d'accoutumer leurs maris à estre commodes.

Mais je me souviens d'avoir oui dire à une Dame de ma connoissance qu'elle trouvoit infiniment plus de crime à tromper un Mari, qui vous laisse sur vostre bonne foi, qu'un Mari, qui vous donne des Gardes du Corps. Car, disoit-elle, l'honnêteté de l'un vous exhorte continuellement à la fidelité conjugale, au lieu que les soupçons de l'autre vous donnent des envies continuelles de vous vanger en les rendant légitimes. Si bien que si vous lui devenés


infidelle, comme cji n'arrive que trop souvent, vous y trouvez un double plaisir. La tentation est donc plus forte, il est donc plus excusable d'y succomber.

Cela fait contre moi, Monsieur, qui me suis chargé de plaider la cause des femmes de France, & j'avouë que je ne vois pas bien comment je me tirerai d'un si mauvais pas. Un Poëte invoqueroit à moins toutes les Divinitez du Parnasse. Mais je ne sçais si ce seroit un secours assés puissant. Je m'en vais tascher de rapeller dans ma mémoire ce que j'ai oui dire à une Dame de vostre Pays sur cette question. Je le tiens. Le voici.

On se trompe fort, disoit elle, de penser que les femmes de France soient plus obligées à vivre vertueusement que les femmes d'Italie, sous pretexte que les François leur donnent une entiere liberté. Car s'ils le font parce qu'ils ne prennent aucun interest à la conduite de leurs femmes, c'est signe qu'ils les méprisent extrêmement, et ce mepris ne doit pas demeurer impuni. Sils le font, par ce qu'ils sont persuadés que toutes leurs précautions seroient inutiles, & qu'il n'y a point de captivité qui soit capable d'empescher de mal faire les femmes qui en ont envie, c'est un jugement si desavantageux qu'il est digne de punition Capitale. Si au contraire cette grande liberté qu'ils leur donnent n'est qu'un rafinement de contrainte; s'ils prétendent par là les remettre à la garde de leur propre vertu, qu'ils s'imaginent' devoir estre plus sévère que tout autre surveillant, c'est signe qu'ils encherissent sur les Italiens, et qu'ils nous veulent tenir sous un Esclavage plus dur encore que celui des femmes d'Italie. Ainsi nous avons plus de sujet de nous vanger que les Italiennes, et par consequent nous sommes plus excusables quand nous le faisons. Les Italiennes ont le plaisir de voir qu'on souhaitte passionement que leurs faveurs ne deviennent pas communes qu'on ne les croit pas tout à fait incorrigibles; qu'on leur donne des Gardes, qu'il est infiniment agréable de tromper, au lieu que la conscience qu'on nous donne à nous autres Françoises pour Espion est une maniere de Garde qu'on ne peut corrompre sans des retours incommodes, de sorte qu'il semble que nos Maris nous ayent envié jusques au plaisir de tromper leur dénance et après de telles supercheries on s'étonnera que nous les fassions Cocus. Ah quelques niaises i

En voila ce me semble assés, Monsieur, pour justifier les femmes Françoises des reproches sanglants -que leur a fait l'Auteur de la


Harangue Satyrique. Si vous avés d'autres raisons, faites les moi sçavoir, je vous en conjure; car pour moi je n'ai pu imaginer autre chose, après y avoir pensé et repensé. J'ajoute seulement que je ne tombe pas d'accord de tout ce que cet Auteur suppose; mais je lui montre qu'à prendre la chose au pis, je n'ai pas laissé de faire une très forte Apologie de nostre beau sexe. Quand je n'ai point distingué les nlles d'avec les femmes, je vous prie de croire que j'ai pourtant songé à leur justification. Car je scais qu'elles en ont* bon besoin. Appliqués leur, je vous prie, toutes mes erponses en rabatant ce qui ne convient qu'aux femmes qui ont des Maris.

Au reste, je trouve fort plaisant qu'un Hollandois entreprenne de railler sur la Coquetterie des femmes de nostre Nation. Il veut sans doute l'opposer à la chasteté des femmes de Hollande, ce qui est très mal à propos. Car comment Diable ne seroient-elles pas chastes, faites comme elles sont, et parmi des hommes qui ne leur demandent rien? Apparemment vous avés oui dire le bon mot du dernier Prince d'Orange, que les femmes de son Pays estoient beaucoup plus propres à faire un prisonnier de guerre, qu'un prisonnier d'amour. Vous scavés bien aussi que les Hollandois n'ont la teste remplie que de Lettres de change, de Foires et de Contrats; Qu'ils manqueroient plus tost au rendez-vous d'une Maîtresse, qu'à un Encan, et qu'ils ne quitteroient pas l'emballage de leurs marchandises, pour aller coucher avec la plus belle femme du Monde. Se faut-il étonner après cela que les femmes de Hollande ne fassent pas mal parler d'elles & y a t'il là de quoi tant se glorifier ? Je sçais de bonne part que les officiers François qui se sont veus réduits, faute de mieux, à se rabattre sur ces grosses Bedondaines, n'ont eu aucune peine à les apprivoiser. Signe évident que toute leur vertu ne vient que de celle des hommes de leur Pays. Pour les railleries que l'Auteur nous fait d'estre des mêchans Chrestiens, je me contente de lui dire que c'est un reproche qui est dû à meilleur titre à la Hollande, & je m'étonne bien qu'un homme de ce Pays là ait osé parler des Missionnaires que le Pape envoye à la Chine et au Japon, et qu'il n'ait pas craint de reveiller par les plaintes atroces qu'on a faites contre les Hollandois, non seulement de ce qu'ils n'ont jamais eû soin de convertir les Infidelles, mais aussi de ce qu'ils ont fait chasser les Catholiques de plusieurs Endroits où ils avoient planté la foy. Du reste je le renvoye au


Livre de la Religion des Hollandois 1, qui lui fera voir que jamais Nation n'a eu plus de besoin que la sienne d'estre convertie, je ne dirai pas à la vraye Religion de Jesus-Christ, mais au Christianisme en général.

Pour les autres menaces qu't nous fait de la part de toutes les Nations de l'Europe, qu'il nous represente toujours prêtes à faire des invectives contre le déréglement de nos mœurs, je n'ai autre chose à lui dire, sinon qu'elles ayent à rengainer pour le coup toutes leurs moralités. La Chambre ardente ne trouve pas le mal aussi grand qu'on l'avoit dit, et leur donnera la mortification de faire sauter peu de têtes, et de plus elles doivent songer qu'il ne fait pas bon écrire contre des gens qui ont la force en main, et qui les iroient fulminer au milieu de leurs Remparts sur le moindre pretexte. Qu'elles profitent des malheurs de la Hollande; Qu'elles nous laissent vivre aussi criminellement qu'il nous plaira. Je finis avec un dégoût extrême d'avoir travaillé sur un sujet qui en estoit si peu digne. Vous l'avés ainsi voulu, Monsieur, cela suffit pour me consoler. Tout à vous.

J'oubliois à vous parler du style de la Harangue, sur quoi vous voulés sçavoir mon sentiment. Il est passable pour un Hollandois. Mais il n'a pas la force que demande la Satyre; il est trop diffus & trop énervé. La passion de médire possédoit tellement ce prétendu Harangueur, qu'il s'est, mis à entasser phrases sur phrases, ce qui a rendu inutile le dessein qu'il avoit de diffamer les gens. Car à force d'amplifier les choses, on les rend incroyables. Il faut laisser deviner au Lecteur la moitié de ce qu'on veut dire pour le moins, et il ne faut .pas craindre qu'on ne nous comprenne pas. La malignité du Lecteur va souvent plus loin que nous mêmes. Il faut s'en remettre à elle, c'est le plus seur.

I. La Religion des Hollandais, représentée en /'hM)'t'MM lettres écrites par Htt o~te~)- de ~'afMM du Roy à MM pasteur et professeur M théologie de jB<-)'))<ParM,!673, plusieurs éditions. L'auteur J. B. Stouppa était lieutenant-colonel dans l'armée de Luxembourg. Il a écrit, à l'instigation et, dit-on même, avec la collaboration du Maréchal, de nombreux pamphlets destinés en 1673 à détacher le peuple Hollandais de Guillaume. (P. de Ségur, Le Maréchal de jLM.tfMt&ott~g, etc., p. 206.)


MADAME DE MONTESSON

ET SES

OEUVRES ANONYMES

Charlotte-Jeanne Béraud de la Haie de Riou, marquise de Montesson, naquit en 1737 d'une famille distinguée de la Bretagne. Sa figure, sans être jolie, était agréable, bien qu'elle eût une épaule plus grosse que l'autre, ce qui rendait son dos défectueux quand rien ne déguisait ce défaut; fort jeune elle épousa le Marquis de Montesson, lieutenant général des armées du roi, plus âgé qu'elle de cinquante-deux années, fort laid et singulièrement dégoûtant. Elle ne tarda pas, s'il faut en croire Collé, à vivre comme si son mari n'avait point existé. Le duc d'Orléans, petit-fils du Régent, la poursuit de ses assiduités et, enthousiasmé par l'aimable façon dont elle joue la comédie en société, commande à Collé, en 1766, une pièce à ariettes qui devait être jouée à Villers-Cotterets. Le duc, qui rendait avec naturel et finesse les rôles de paysan et de financier, jouait la comédie avec des femmes du grand monde Mesdames de Ségur et de Barbentane. « Madame la Marquise de Montesson jouera le principal rôle, écrit Collé; et suivant toute apparence, elle en joue dès à présent un qui lui paraît mille fois, je pense, plus intéressant. La Cour et la Ville veulent i. jL' So)t;KHt<e, comédie avec ariettes en 3 actes de Collé, musique de Mousigny.


qu'elle soit à présent la maîtresse du prince » La marquise semblait être au désespoir des bruits qui couraient à la cour et à la ville; elle jurait qu'elle ne mettrait plus le pied au Palais-Royal et ne persuadait personne; le temps seul la pouvait justifier. n

En 1768, Collé arrange la Mère Co~M~e de Quinault selon le désir du Duc qui, toujours plus amoureux, avait aménagé pour la marquise le théâtre de Livry (il venait d'acheter la terre du Raincy au marquis de Livry). « Depuis qu'il est amoureux de Madame de Montesson, qu'on assure qu'il n'a pas, ce qui paraît un miracle dans ce siècle de lumières, qui n'y croit pas, depuis ce temps là tout se passe sur un plus grand théâtre et à très grands frais. Tous les gens de la Cour de M. le Duc d'Orléans jurent sur leur grand Dieu que ce prince est auprès de cette femme comme un novice, un amant transi, comme un écolier; ils en sont confondus, et ils ne sont pas moins surpris de l'excessive coquetterie et de la prodigieuse adresse de cette Madame de Montesson, à laquelle ils n'ont jamais connu d'amant couchant ce qui leur paraît un autre miracle auquel pourtant ils sont, disent-ils, forcés d'ajouter foi, malgré eux ? »

A la mort du Marquis de Montesson, en 1760, la jeune veuve se rendit à Paris, et, présentée à la cour de Versailles, y fut bientôt vivement recherchée. Un mariage secret l'unit en 1773 au duc d'Orléans. « L'honnêteté des moeurs de la dame, écrit Madame du Deffand à Horace Walpole 3; la pureté de ses sentiments, ou, si vous l'aimez mieux, son ambition, lui ont fait faire une résistance qui a déterminé le duc à l'épouser. » Ce fut un mariage clandestin, visiblement caché, à la célébration duquel n'assista que le nombre de témoins nécessaire, et dont la réputation de la marquise n'eut point à souffrir; le roi donna son consentement verbal, à condition que la marquise ne prendrait jamais le nom de duchesse d'Orléans ni les armes

i. Jottfna! Historique de Collé, Octobre 1766. 2. 7&!W., Septembre 1768.

3. Lettre du 23 mai 1773.


de la famille. Elle n'en habita pas moins le Palais-Royal, mais la famille royale s'abstint d'assister aux spectacles organisés par le duc d'Orléans. Celui-ci, selon un mot de l'ambassadeur de Naples, ne pouvant faire Madame de Montesson duchesse d'Orléans, s'était fait lui-même M. de Montesson. La Marquise était une des quatre femmes à la mode à qui Chamfort qui n'était point indulgent accordait le mérite d'être des actrices accomplies. En dépit d'un embonpoint qui l'obligeait à se serrer trop la taille, elle jouait les rôles de jeunes amoureuses. Jamais le talent de jouer la comédie n'avait t été plus accueilli ni plus répandu. Les femmes quittaient leurs navettes et leurs tambours pour apprendre les rôles que leur copiaient des jeunes gens assidus. Toutes les nouveautés du Théâtre Français et du Théâtre Italien furent représentées par les soins du duc d'Orléans chez Madame de Montesson. Elle joua à l'Ile-Adam un opéra de Monsigny Baucis et Philémon qui ne fut ni gravé ni joué ailleurs, et que le compositeur, w devenu dévot, brûla par la suite. La musique en était charmante, dit Madame de Genlis. Le Jugement de Midas d'Hèle et Grétry ne fut présenté aux Italiens qu'après avoir affronté la rampe du Palais-Royal. C'était surtout pendant le carême, les théâtres étant fermés, que la Marquise montait ses spectacles de société, fort supérieurs aux autres, sinon par le choix des pièces,-et la manière dont elles étaient jouées, du moins par le rang des acteurs et par l'éclat de l'assemblée, car les personnes les plus distinguées de la ville et de la cour s'y trouvaient en été on jouait à Villers-Cotterets, à l'Ile-Adam et au Raincy. Les principaux acteurs de cette illustre troupe étaient, outre les deux amphytrions, le Vicomte du Gard, le Comte d'Ornésan, M. de Ségur, la Comtesse de Lamarck et la marquise Ducrest, belle-sœur de Madame de Genlis.

Bien qu'elle fût, nous dit Grimm, parvenue jusqu'à l'âge de quarante ans, sans avoir songé même à se faire expliquer les règles de la prosodie bien qu'elle fût d'une ignorance extrême et qu'elle n'eût pas la moindre instruction, nous dit Madame de Genlis en ses Mémoires, Madame de Montesson


eut l'idée singulière de devenir auteur. Peut-être rêvait-elle d'acquérir une gloire nouvelle qui effaçât celle de Mesdames de Boufflers, de Beauvau et de Grammont, ses compagnes, et qui frappât d'une respectueuse admiration l'esprit timide et indécis du duc. Elle n'imagina rien de mieux pour illustrer son entrée dans la carrière littéraire que de partager la Mdrianne de Marivaux en cinq actes, en émondant le roman de toutes les parties non dialoguées. Encouragée par l'enthousiaste succès d'estime obtenu, elle écrivit d'autres comédies en prose Robert Sciarts (1777), qui met en scène la célèbre anecdote de Montesquieu rachetant un esclave dont il a découvert le fils; l'Heureux Echange, joué la même année; la Femme Sincère et l'Amant ~OMMMes~, joués en 1778, devant M. de Voltaire qui, par deux fois, honora le spectacle de sa présence et qui y reçut des applaudissements aussi vifs qu'à la Comédie Française; Madame de Montesson, avec le Duc d'Orléans, le reçut dans une loge spécialement aménagée; elle releva l'illustre vieillard qui s'était mis à genoux, l'embrassa et lui dit « Voilà le plus beau jour de mon heureuse vie. x En 1779, elle donna l'Aventurier comme il y en a peu, comédie en un acte et en prose, la plus supportable de ses pièces, grâce à la brièveté, et aussi à un certain enjouement répandu dans le rôle du principal personnage. Durant l'hiver de 1780 deux ou trois représentations eurent lieu régulièrement chaque semaine; Madame de Montesson fit représenter Sourd Volontaire, comédie en trois actes et en vers, et les Frères Généreux, drame en cinq actes et en prose, imprimé sous le titre de l'Héritier Généreux; l'activité avec laquelle elle s'étudiait à divertir ses hôtes ne l'empêchait point de s'inquiéter de projets plus sérieux elle réussit à intéresser le Duc d'Orléans à la fondation d'un hospice de charité dans la paroisse Saint-Eustache. En 1781, la marquise, après un premier essai heureusement accueilli, s'adonna aux pièces versifiées, et ~Ho~M 7~<;s! et la Fausse Vertu témoignent abondamment des efforts et de l'application que lui coûtèrent les contraintes de la-prosodie. Vers 1780 ou 1781, Madame de Montesson fit imprimer TOME [I. a


en deux volumes ses ŒM!~s choisies. Cette édition faite au compte de l'auteur dans une imprimerie particulière, et tirée à un nombre très restreint d'exemplaires, se divise ainsi Tom3 I. Marianne. –LaiMa~MMe Sainville.

Tome II. Robert Sciarts. L'Heureux Échange.

Fm Elle ne fut pas mise dans le commerce et nous n'en avons trouvé aucun exemplaire. L'auteur, encouragé par un accueil aimable à poursuivre la publication de ses oeuvres, fit éditer en 1784 six volumes de ses œuvres dans un format grand in-8°, sur papier d'Annonay. Chaque volume fut tiré à douze exemplaires, qui, distribués aux amis les plus intimes de la marquise, ne furent pas mis dans le commerce. Faut-il voir dans cette réserve un trait de cette avarice que Madame de Genlis s disait être le défaut dominant de Madame de Montesson, ou un signe de modestie raisonnable et justifiée? L'auteur n'inscrivit pas son nom, se contentant du titre ŒM~~s Anonymes, et ne laissant deviner ses préférences que par la mention ajoutée au tome VI, qui parut trois ans plus tard (EMî~s chéries. Cette édition se divise ainsi

r- TOME I. i f. bl. i f. faux-titre Théâtre Tome Premier.

1 f. titre ŒMt~M Anonymes Thédtre Tome Premier. Un Ëeuron représentant un amour offrant une rose à un génie, dessiné par Jombert et gravé par B. L. Prévost. fafM De l'imprimerie de Didot ~t~ MDCCLXXXII, 1-V pp. Marianne ou l'Orpheline, comédie en cinq actes en prose. Avant-Propos. 6-136 pp. Marianne. 137-215 pp. La Marquise de Sainville OM La Femme Sincère, comédie en trois actes en prose. i f. bl. n. ch. ToME II. i f. bl. faux-titre, i f. titre. 1-V, pp. Robert Sciarts, comédie en cinq actes en prose. Avant-Propos. 6-12~ pp. Robert Sciarts. 125-196 pp. L'Heureux Échange, comédie en trois actes, en prose, sujet tiré du Spectateur. ï f. bl. n. ch. TOME III. i f. bl. i f. faux-titre, i f. titre. i-iiô pp. L'Amant Romanesque, comédie en cinq actes en prose. iiy-iy~. pp. L'Aventurier comme il y en a peu, comédie en un acte en prose. ToME IV. i f. bl. i f. faux-titre, i f. titre, 1-122 pp. L'How)M6 Impassible, comédie en cinq actes en vers. 123-228 pp. L'HériGénéreux. i f. bl. n. ch.


TOME V. i f. bl. i f. faux-titre, 1-124 pp. La Fausse Vertu, com~' en cinq actes en vers, PP- Le Sourd Volontaire, comédie en deux actes en vers. 2 ff. bl. n. ch.

TOME I des Mélanges (qui forma en '785, lorsque la collection des Œ Anonymes fut complète, le tome VIII et dernier). i f. bl. f. faux-titre, i f. titre.68 pp. Pauline, roman. 69-118 pp. Rosamonde, poème en cinq chants. 119-122 pp Conte allégorique. ,,3. pp. Les dix-huit tiré

des fabliaux. 141-146 pp. Lettre de Saint-Preux d Mylord

S~S"'

En 1783, la Marquise acheva sa première tragédie en cinq actes en vers, bien entendu La Comtesse de Bar, pièce romanesque, qui ressemble beaucoup sans la rappeler le moins du monde à Phèdre, et que jouèrent au Palais-Royal les Comédiens Français Molé et Brizard, Mesdames Vestris et Sainval. Cette tragédie ayant provoqué d'unanimes éloges, Madame de Montesson, enchantée d'obtenir des suffrages en un genre que sa timidité et sa modestie l'avaient empêchée jusqu'alors d'aborder, donna l'année suivante Agnès de Méranie, dont le sujet est tiré des Anecdotes de la Cour de ~M~s~ (par Mademoiselle de Lussan), et dont le succès fut égal à toutes les pièces précédentes. Car toutes les pièces de cette aimable femme obtenaient un succès égal En instamment la Marquise de donner au Théâtre-Français Comtesse de Chazelle, comédie en cinq actes en vers, imitée des Liaisons Dangereuses, non encore représentée ses amis, même les plus intimes, ignoraient que Madame de Montesson fût l'auteur de cette pièce. Elle consentit à être jouée publiquement, à la condition de n'être point nommée, et la Comtesse de Chazelle fut annoncée sans nom d'auteur. On savait seulement que l'ouvrage était d'une personne d'un rang distingué, et on l'attribuait au Marquis de Montesquiou, à M. de Ségur, à la Comtesse de Balby, et même à Monsieur, frère du roi. Ainsi l'événement, quel qu'il fût, ne pouvait me causer aucun embarras. Mais, plusieurs jours avant la représentation, tout le public m'a nommée. J'ignore par quelle indiscrétion ce secret a été pénétré. Enfin, quoiqu'on


désignât en même temps deux ou trois autres personnes, les idées du grand nombre ont paru se fixer sur moi. Je crus cependant qu'il suffirait de ne pas en convenir pour remplir les égards que je devais à ma position, bien décidée à ne jouir qu'en silence du succès de cette pièce, si elle obtenait celui dont les comédiens se croyaient assûrés. Sa chute semblait m'imposer encore plus.la loi de garder l'anonyme, mais mon caractère ne pouvait se prêter à la fausseté continuelle dont il aurait fallu m'armer pour sauver mon amour-propre Car, hélas si dans les salons du Duc d'Orléans, on avait su gré'à Madame de Montesson de parler agréablement le langage des Muses sans en avoir acquis l'habitude de meilleure heure, et si l'on appliquait aimablement les vers élogieux de ses pièces aux personnages qui les jouaient, il n'en fut pas de m~me à la Comédie, où les mêmes spectateurs semblèrent vouloir se dédommager des applaudissements que la politesse leur avait fait prodiguer. La représentation fut orageuse. L'auteur n'osa point y assister. Elle était au Raincy, dit Grimm, dans des transes que n'éprouva jamais un jeune poète qui attendrait du succès de sa pièce et sa fortune et sa réputation Dès la première scène, raconte Meister =', alors que la comtesse de Chazelle dit à son amant « Pouvez-vous me cacher votre cœur quand j'ai tant de plaisir à vous ouvrir le mien? quelques mauvais plaisants, pensant aux C~ du Chevalier de Boumers, ricanèrent indiscrètement, et bientôt tout le public rit aux éclats. C'est pourquoi, la pièce ayant été jugée non seulement méchante, mais encore immorale, Madame de Montesson se décida enfin à s'en déclarer l'auteur, espérant que son nom, sa réputation, et le respect que devaient inspirer les liens secrets qui l'unissaient au duc d'Orléans suffiraient à détruire l'injustice d'une pareille accusation. Jugeant aussi, d'après les récits de ses amis, la représentation trop tumultueuse pour que la pièce eût été bien entendue, elle fit imprii. Avant-propos à la Comtesse de Chazelle.

z. Correspondance, mai 1785.

3. Id., note.


mer l'infortunée Coasse Chazelle dans le tome VII de ses œuvres qui, ainsi que le tome VI, parut en 1785 et ne fut également tiré qu'à douze exemplaires.

TOM& VI. i f. bl. i f. faux-titre, i f. titre avec l'inscription Œ~f~ Chéries, 1-141 pp. L'Amantmari, comédie en cinq actes, en vers. 1-84 pp. La Comtesse de Bar, tragédie en cinq actes en vers. Un f. séparé n. ch. contenant les vers sur le prince Henri à qui l'auteur lut la pièce.

ToM~ VII. i f. bl. r f. faux-titre, i f. titre. 8 pp. n. ch. titre:La Comtesse de Chazelle, comédie en cinq actes en vers Avant-Propos. Personnages. 1-104 pp. La Comtesse de Chazelle. 1-80 pp..4g~ Méranie, tragédie 1.

Le duc d'Orléans étant mort en 1785, Madame de Montesson vécut dans la retraite et renonça aux joies de l'amourpropre flatté et aux applaudissements de son petit cénacle d'amis. Elle ne put se retenir d'écrire encore, mais en cachette ses deux tragédies manuscrites, E~~ et La Prise de Grenade, et deux comédies, citées par Quérard, sont inconnues et probablement perdues. Elle ne fit pas imprimer le tome II de Mélanges qu'annonçait la désignation de tome I mise au titre du dernier volume de ses Œ'M~s anonymes. Durant le rigou reux hiver de 1789, Madame de Montesson se fit remarquer par son empressement à secourir les pauvres; point inquiétée durant les premières années de la Révolution, elle fut emprisonnée pendant quelques semaines en 1794. S'étant liée avec Joséphine de Beauharnais, elle obtint, sous l'Empire, grâce à celle-ci, le paiement de son douaire; sur ses instances, dit Madame de Genlis, Napoléon consentit à augmenter les pensions des membres de la famille d'Orléans. Madame de Genlis, dont le mari, le comte de Valence, fut le légataire universel de

i. Un exemplaire des Œ«~ anonymes de Madame de Montesson a été vendu à la vente d ~T et un exemplaire des Mélanges ~p~, (~ ,S),~ le roman de Pauline. Le premier provenait des bibliothèques d'Ant. Aug. Renouard et du comte de la Bédoyère. Sept figures ou frontispices par Mari~ Choffard y avaient été ajoutés. Un autre exemplaire des six premiers volumes a figuré au bulletin de la librairie Morgand, mars .913. L'exemplaire de la Bibl. Nat. porte la cote Réserve, Yf 3425-3~! le tome VI manque.


Madame de Montesson, choyait fort la pauvre marquise et l'appelait sa ~M& elle se divertit ensuite à la peindre en ses Mémoires comme une vaniteuse et hypocrite petite personne. Elle nous dit même, et cela est dommage, que sa tante jouait fort mal la comédie parce qu'en cela comme en toute autre chose elle manquait de naturel.

Nousespérions que la lecture desŒ~cs anonymes démentirait cette assertion un peu cruelle. Mais, hélas 1. PAUL CHAPONNIÈRE.


NOTICES

Les éditions parisiennes des « Propos rustiques ». 1547 & !548.

Dans une thèse récente sur La vie et ~Mf~ Noél du Fail (P., Champion, 1914, in-8"), M. E. Philipot, maître de conférences à la Faculté des Lettres de Rennes, a étudié le vieux conteur breton avec une science et une ampleur admirables. Il a écrit un livre fondamental, sympathique, facile à consulter comme à lire, et sa thèse complémentaire Essai sMf style et la langue de Noël du Fail (id.), apporte une contribution de haute valeur à cet indispensable dictionnaire de la langue française au xvie siècle que de telles monographies permettront de réaliser bientôt.

M. Philipot est surtout philologue; son étude repose sur la bibliographie établie par ses devanciers, sans recherches nouvelles. Pour les Propos rustiques, il suit La Borderie (P. Lemerre, I878, in-12) qui, connaissant trois éditions primitives de ce charmant ouvrage, reproduit scrupuleusement l'édition originale de Lyon, Jean de Tournes, 1547, et note en appendice les modifications apportées au texte par l'édition « reveue et ampli&ée par l'un de ses amys de Paris, Étienne Groulleau, 1548, et celle « reveue, corrigée et augmentée par luy mesme x de Lyon, J. de Tournes, 1549. Or, les catalogues de la collection française de Wolfenbüttel (no 1578) et de la bibliothèque Lignerolles (n° 1883)' ont fait connaître une édition publiée à Paris, dès 1547, par Étienne Groulleau

DISCOVRS Il D'AVCVNS ~0-fj POS RVSTIQVES. Paris, Estienne Groulleau, 1547 (voir ~).

~°~ sign. A-K par 8; caract. ital., lettres ornées. Au va du~ titre, dixain de G. L. H. à l'auteur; à la fin, devise Puis ~'a~M est; au V du dernier f., devise d Iitienne Groulleau et marque de Denys Janot (Silvestre na 27).

Avant de l'avoir eue entre les mains, j'étais tenté de tenir cette i. Cet exemplaire fait aujourd'hui partie de la collection personnelle de M. Rahir. Un autre, que M. Ph. Renouard a bien voulu me signaler, figure sur les catalogues de Sainte-Geneviève sous la cote Y 409t, mais n'a pu être retrouvé.


DI SCOVRS D'~f~c~~v~ p~ot0~ ~T'JB~fc/M~ ~~<?~M~e

~CfC~f/o~

DE MAISTRF LEOH: Ladulj& Cham-

penois.

p~f~.

P~y E~t'M~c GroMSMM ~MoMf~ M

rue Neuue noftre D~Mf,

/c'nc/4Mt 1~ B~~c.

1 5 4 7

édition pour la première, puisque M. Philipot n'a recueilli aucun document témoignant d'un séjour à Lyon, en 1547, de Noël du Fail: assez vraisemblablement, on peut supposer que celui-ci demeurait alors à Paris. Mais on reconnaît bien vite une seconde édition revue, corrigée, de plus petit format que l'originale de Jean de Tournes, avec titre amplifié. Ne serait-elle pas la même que l'édition précédemment connue, publiée par le même libraire Étienne Groulleau, l'année suivante 1548, dont voici la description

DiscovRS )) D'AVCVNS PROPOZ )) RVSTIQVES. Paris, Estienne Groulleau, 1548 (voir f~o~.).

In-i6, 95 ff. n. ch., sign. A-L par 8, M-7; caract. ital., lettres ornées. Au v" du titre, dixain de l'Angevin aux lecteurs signé de la devise Probè T<:ct/ à la fin, devise Jouyr ou rien; au vo du dernier f., même marque que ci-dessus. (BIBL. PART.)'. Ces deux éditions imprimées avec les mêmes caractères et à peu près la même justification 1548 va jusqu'à reproduire ligne pour i. Ex. provenant de Nodier (1844, n" 874), Baudelocque, Turner, Lebigre et A.Willems.Un autre eï., mais incomplet, à i'Arsena) (B. L. t8 too-S°).


DI SCO VRS

D'~fF-C~~V~ P~OPOZ ~7'7~ f~C~<'7~ J<'y?/yo-M/ ~cc~f~f/o~Jc mai ~F Z.co~Z~C~<t~Mo~. REVEVZ ET AMPLI-

Ëe~parrvndcfes amys<

~f* P~T~

Pitr E~tfK ?:c G)'o«Rc~~ ~fMoMf~~t rue Nc~c no~rc Ddme << ~!s

/c~Mf'~Mt I~M Bap~~

t 5 4 8.

ligne l'épître de 1547 offrent la même apparence, mais la première est bien moins complète que la seconde, laquelle compte d'ailleurs un plus grand nombre de pages. La première a sa propre individualité et donne un texte intermédiaire entre l'original de Jean de Tournes et celui de 1548 amplifié par une main étrangère, par un certain angevin en qui M. Philipot a fort bien su reconnaître le polygraphe Jean Maugin. Si l'on confronte les deux éditions de 1547, on remarque tout d'abord qu'elles ont chacune leur orthographe particulière, que Tournes écrit /M~!& ~M~ox~ .sMMec~, par exemple, et Groulleau l'ombre, ~M~o~ suiet; on remarque aussi des variantes (Tournes, A2 v°, 1. 23 M ~t'Moye~, chioyent, faisoyent la beste à deux dos, Groulleau A3, 1. 13; M purgeoient ~Mf ventre et exerçoient les <BMt~M nature; T. A5 v°, 1. 20. Timon., G. Ay v°, 1. 16 Timon, pelles <&- ~'tM~a'M.f.; T. Ay v°, 1. i8 Rommant de la Rose., G.B2 v°, I. 17 2?o~aK< la Rose, Matheolns, Alain Chartier, et autres.), d'utiles corrections d'archaïsmes ou de coquilles (T. A~ v°, 1.6:~ MM ~os/, en signe, G. A~ v" 1. 16: en MK ~o~~M en signe; T. A~ v°, 1. 24 ait moment, G. A6,1. i8 ait monument). Bornons à l'épitre et au premier cha.pitre ce rapide


examen, mais notons-que l'importante adjonction qui termine en 1548 le chapitre VIII figure déjà en 1547 où cependant ne figurent pas encore les chapitres supplémentaires.

Noël du Fail eut-il part à l'édition de Groulleau 1547, ou bien celle-ci est-elle déjà due à l'intervention de Jean Maugin qui aurait poursuivi son œuvre l'année suivante? Je n'ose certes pas en décider. Je me borne à penser que l'édition originale de Jean de Tournes, en raison de ses fautes, ne fut pas imprimée sous les yeux de l'auteur, mais sur un manuscrit, et que les éditions parisiennes donnent des corrections trop utiles pour les négliger, comme l'a fait La Borderie qu'aveuglait une véritable fureur contre « l'interpolateur » de 1548. Jean Maugin ne mérite pas cet excès de haine, ses adjonctions ne sont pas à ce point disparates qu'il faille lui en tenir une implacable rigueur. Mieux vaut, comme Noël du Fail en a donné l'exemple, lui être indul- · gent. Plutôt que de suivre strictement l'édition originale, La Borderie eût donné un meilleur texte en adoptant celui de 1549. Il faut souhaiter une nouvelle et prochaine publication des Propos ~M~WM M. Philipot n'est-il pas tout particulièrement qualifié pour l'entreprendre ? qui, afin d'être à coup sûr complète, exacte et définitive, amalgamerait en un seul corps le texte des quatre premières éditions, tout en différenciant, par un procédé graphique quelconque, les additions propres à chacune d'elles.

L. L.

Les amours de L. C. 1561.

LES AMOURS jj deL. C. Reccorrigees depuis la derniere j) imprefsion, & illustrées de jj commêtaires non moins pro jj fitables qu'vtiles j) Par Ma~RocoMMa~, j) Co~o~o/t'M. j[ 1561.

In-8", 10 ff. n. ch., sign. par 8 et 2 (BiBL. NAT., Rés. Y' 2539).

Cette pièce, qui me semble inconnue, est écrite en style rabelaisien. Elle débute par La vie de L. C. M~fa!C~ des co~M~eM~t'fM deGuillot le .PoM~o' poète dythirambique. « L. C. autheur de ce livre (ainsi qu'on soubsonne) est natif de Lutece en Parisis, pays de France en chrestienté, situé en l'Europe, entre les montaignes Pyrenees, Alpes, le fleuve du Rhein, et la grand mer Oceane entre la concavité du ciel et le centre homogenique lequel dés son jeune aage fust amplement instruit en l'art Xyoderrique, fille aisnée de Chiquanourrois, dont les louanges sont amplement descrites, copieusement, et ad longum sine require, au 4. livre des annales Pantagruelines, auquel ayant conpetemment profité, veu la petite portee de son esprit asses mal rabotté, et de substance Lythiaiique, fust envoyé ab equis ad asinos, a comestorio ad praesepe,


pour aquerir une entiere et parfaitte Encyclopedie enthelechizee és apophyses vermicùlaires des ventricules posterieurs de sa benoiste cervelle, là où il profita si bien que invita Minerva, au lieu d'estre droict conseillant, luy indigne, fust metamorphosicabilitudinitativement sans avoir songé sur le mont doublement encorné, et sans avoir gousté les eaux Pegasiennes, changé soubdainement in instanti et sans delay, en poete dythirambique seculier. En quoy il a si bien fausé la nature juxta illud, gutta cavat lapidem etc qu'il a esté des premiers asnes couillus de ce regne. De sa mort je n'en diray rien, n'estant asseuré en quel element il doit mourir, et laisseray ceste question pour plus amplement estre traittee et enuclee en la cronique exoterique du Tigneux. Son epitaphe a esté nostradamifiquement presagié par Marot quand il dict, 7ey gîra, s'il n'est pendu

Ou si en la mer il ne <uMt&g. »

Un commentaire sur Les Amours de L. C. vient ensuite a Lecteur, de t'asseurer au vray qui est l'autheur de ces amours, je ne pourrois pas, et pourrois par adventure aussi tost mentir que dire vray pour autant qu'elles me semblent estre bastardes, c'est à dire faittes de plusieurs pieces mal raptassees, recousues et raboblinees mais de cecy je te puis bien acertainer que le poete resent encore de l'ancienne versification dythirambique laquelle luy a esté communiquee comme de main en main, ou de teste en teste, par Chipartou poète seculier. CROY SON LOZ. Cecy est l'anagramme du nom de l'autheur, lequel lycophronizé signifie OYSON ci.oz, c'est à dire en mue vray est qu'il nous est encor demeuré une R, laquelle a esté expliquee par Rabelais en son livre de la forestdesc. à lalouenge du dieu Priapus lequel estoit anciennement signifié par R. R. R. R. R. o Suivent six sonnets dont voici les premiers vers

Sur tous les bons propos de ta bouche partis.

Son soubriz et douceur apparente j'aimoy.

Amour jusqu'icy mensonger estimoy.

Son doux accueil, sa franche contenance.

Longtemps convient déliberer.

Claude, longtemps devant que le joug nuptial.

Nous y apprenons que l'amie de l'auteur a pour anagramme GARDE D'AMANT ELEVE, et chaque sonnet s'accompagne de gloses facétieuses. Assez facilement, on peut découvrir le nom de L. C. par son anagramme nous obtenons CROY SON Loz = Loys CROZON. La famille Crozon eut, au xvis siècle, plusieurs représentants dans la basoche parisienne et, si nous poursuivons nos recherches, nous rencontrons i. Un certain Robert Crozon a écrit De dialectica ars miKaf medica, P., Dion. a Prato, 1569 in-4" (BiBL. NAT., Rés. R. 770).


à la Nationale (P. 0. 947, dossier 20822) deux quittances de rente au nom de Magdaleine Averdet, veuve de feu noble homme me Loys Crozon laisne, luy vivant avocat en la court de Parlement, qui portent les dates du 14 février 1370 et du 9 janvier 1576.

Nous remarquons aussitôt que GARDE D'AMANT ELEVE = MAGDALENE AVERDET et comme, d'autre part, nous trouvons aux Archives Nationales (Y 102, art. 6008) un acte portant mention d'une donation mutuelle entre Loys Crozon, avocat en la cour de Parlement, et Madeleine Averdet, sa fiancée, acte daté du 14 janvier 1561, nous connaissons le secret sentimental de cette curieuse plaquette.

L. L.

Notes complémentaires sur Olényx du Mont-Sacré. Une étude approfondie sur Nicolas de Montreux ou Olényx du Mont-Sacré n'est pas nécessaire pour saisir l'évolution littéraire du xvie siècle. Toutefois, ce personnage dont l'histoire est liée à celle de l'un des plus beaux types d'ambitieux qu'ait produit la France le duc de Mercœur, vaut bien qu'on s'y attarde quelque peu. Son nom figure dans nos histoires littéraires, Sainte-Beuve lui-même n'a pas dédaigné de s'intéresser à Olényx et lui a consacré quelques lignes dans son Tableau de la Littérature française au XVIe siècle. M'autorisant d'un si haut patronage, j'ai publié il y a quelques années une étude sur Nicolas de Montreux 1; je souhaite actuellement rectifier et compléter sur quelques points la bibliographie des œuvres du protégé de Mercœur. N'ayant pu retrouver une traduction du seizième livre de l'Amadis des Gaules parue en 1577 sous le nom de Nicolas de Montreux, j'avais emprunté à Brunet le renseignement qu'il donnait sur cette première œuvre du grand homme. Quelques jours s'étant écoulés après l'apparition de cette notice sur Olényx, je reçus de M. Pierre Louys une lettre par laquelle il me mandait détenir l'introuvable volume et m'offrait de me le communiquer. Ayant accepté son offre, je parcourai le travail d'Olényx et pus constater qu'il ne s'agissait nullement d'une traduction mais d'une œuvre originale ou presque, et véritablement stupéfiante étant donné qu'elle était sortie du cerveau d'un jeune homme de seize ans.

« Ce seizième livre d'Amadis ne peut faire suite avec la version de « Chappuis, tout y est changé et abrégé, particulièrement l'Aventure « de l'Ile ~M /~M, car Nicolas de Montreux n'a suivi que son imagi« nation pour seulement faire connaître qu'il était bien capable de i. J. Mathorez. OMtty~ du Mm<-Stn~, MMMMMtM du ~Kc AfoY-a-K; B'° du Bibliophile et du Bibliothécaire, année tgn.


« fabriquer des histoires de chevalerie. Au reste, son style est véri< blement plus doux et plus agréable que les autres traductions « d'Amadis de Gaule et par conséquent ce livre doit être autant et « plus estimé que ceux des autres versions et d'autant plus vivement « que c'est une histoire pour ainsi dire à part des livres d'Amadis. » Telle est l'opinion du propriétaire ancien d'un second exemplaire que je décrirai tout à l'heure et qui me fut signalé par M. Lachèvre comme appartenant à la Bibliothèque Nationale. Les deux exemplaires que j'ai connus, celui de M. Pierre Louys et celui de notre grande Bibliothèque sont entièrement semblables, sauf toutefois sur un point. Le premier porte comme marque de libraire celle de Jean Poupy, spécialiste d'éditions d'oeuvres cabalistiques et démonologiques, le second a paru chez Jean Parant.

Au vrai, la soi-disant traduction d'Amadis semble bien ressortir du domaine de la démonologie; l'œuvre d'Olényx est assez inconcevable, si l'on songe surtout qu'elle fut composée par un tout jeune homme. Montreux y institue une religion selon laquelle l'Amour est dieu, mais dieu du sang et de la mort plus encore que de la volupté. On martyrise puis on égorge des victimes devant son image; on lui offre le sang de la torture et c'est à ce prix qu'il exauce les vœux des sacrificateurs.

Voici la description de ce curieux ouvrage

LE Il SEIZIESME LIVRE D'AMADIS j) DE GAVLE traictant les plusque humaines et admi-jjrables prouesses et amours des invinci-~bles et incoparables princes Spheramo-j~de et Amadis d'Astre avec la delivrance Il du Roy Amadis de Gaule, d'Esplâdtam Il de don Royal et de Fortune. Il Mis en lumière /~KfOMg ~af NICOLAS Il DE MOVTREUX gentil- hom-~j me du Mans. A PARIS, chez Jean Parant, rue Sainct Jacques j~, MDLXXVII Il Avec privilège du Roy.

Petit in-8" de 249 pp. chiffrées, plus au début 10 pp. non chifMes puur les pièces liminaires et in fine 8 pp. pour les tables et d'autres pièces (BiBL. NAT Rés. V 1426) 1.

Les pièces liminaires sont fort nombreuses. Tout d'abord on relève une dédicace à Madame de Vassé, s~M~ Minerve, Hotesse de vertu et Co<Mp<Mg'K<' de douceur et libéralité. Cette épître dédicatoire est datée de Paris, le 26 août 1577.

Suit une épître au lecteur, puis vient un sonnet à Madame de Tessé. Les vers de jeunesse d'Olényx ne valent pas mieux que ceux dont il gratifiera plus tard ses protecteurs, aussi bien est-il préférable de ne pas y insister. L'auteur s'adresse ensuite à son précepteur R. Le Roy i. D.ms t'Mition de la Bib. Nat., le nom de MONTREUX est partout imprimé MovrMux.


et pour ne point demeurer en reste avec son élève, celui-là lui décoche une ode où je relève ces vers

Tu rendras ton nom glorieux

De ta douce et belle veine

Tu feras détester le Maine

D'un Virgile, d'un Ciceron

D'un Théophraste et d'un Homère.

Le Roy fier de son disciple ne peut trop louer un génie naissant dont les premiers essais sont comparables à ceux des plus nobles gloires des temps antiques; aussi après avoir vanté Olényx, prône-t-il son œuvre au lecteur bénévole

Partant te pry que de l'autheur le nom

Dedans ton cœur emburiné demeure

Qui tendre d'ans fait offre de ce don.

Un compliment obligé à M. de la Mesnerie, conseiller et premier~ maître des requêtes de Monsieur frère du roy, père de l'auteur suit l'avis au lecteur. Enfin Charles Loppe, s'adressant à Nicolas de Montreux l'encense en ces termes

Tu n'es pas du Mans, tu es du céleste lignage

Le Mans n'est ton pais, tu es parnassien

Ny ton père Mançois, c'est un Dieu délien.

Non satisfait, Charles Loppe s'exalte encore en vers latins Ad NtcoJsMM Montreux adolescentem, tel est le titre d'une pièce qui en précède une autre intitulée: Claudii Februarii .Rc'~o~ag~MM's carmen. J'ignore quel est ce Claude Février qui promet à Olényx l'éternité Semper eris s'écrie l'humaniste protecteur du jeune écrivain. Cette longue série de pièces enfin close, le texte des soixante-six chapitres du XVIe livre de l'Amadis se déroule. Mais nous ne sommes pas quittes des éloges envers l'auteur. A la fin de son œuvre, nous retrouvons un sonnet à lui adressé par E. Le Vayer, un autre sonnet signé G. B. et qui se termine par ces mots

Heureux doncques le père noble Mançois,

Qui veoit de quinze ans latin et françois

Brusquement se lancer en toute place.

Enfm, l'auteur d'un épigramme à Nicolas de Montreux n'a pas voulu se faire connaître, il dit

S'il est rocher, ville, rivière ou plaine

Qui de tous se' puisse juger heureux

C'est sur Sarthe, le gay costeau du Maine

Qui pullule si nobles Montreux.

Le volume se ferme sur le privilège signé Le Cointe et daté du 28 août 1577.


Cette description d'un seul volume est longue sans doute, mais il a paru curieux de la faire complète, car l'ensemble de ces pièces liminaires ou finales est caractéristique de cette époque. Il est même rare que l'on en rencontre un tel nombre dans les ouvrages du xvie siècle. Il semble que, sa vie durant, Olényx a eu la spécialité de se faire encenser par ses amis et ses relations; ses œuvres, à dire vrai, avaient bien quelque besoin de cette réclame car elles sont généralement d'une platitude désespérante.

Dans la notice que j'avais consacrée à ce Manceau, devenu Nantais par occasion, j'avais eu l'occasion de parler des sonnets qu'il avait adressés aux principaux ligueurs de la ville de Nantes et dont le recueil est connu sous le nom des Regrets d'Olényx dit MoK~Sac~. Avec son obligeance coutumière, le baron de Wismes avait bien voulu me communiquer l'exemplaire qu'il possède et que l'on estimait être unique: Depuis l'apparition de mon travail, M. Lachèvre m'a signalé à la Bibliothèque de Versailles un second volume contenant ces sonnets si curieux pour l'histoire de la société nantaise au xvie siècle. Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai déjà écrit sur cette œuvre mais il convient peut-être de donner la description du volume conservé à Versailles sous la cote E. ~.33 C. fonds ancien, ou mieux G. 133. Réserve

LES REGRETS D'OL-)JLENIX DV MoMT-)~ SACRÉ, GENTILHOMME DV jj MAYNE. jj A Très-illustre, vertueuse et Catho-illique Princesse, Madame Marie j~ de Luxembourg, Duchesse de j~ Mercœur et de Peinthièvre, com-j~tesse de Martigues. A NANTES [j par Nicolas des Maretz et François j~ Faverye, Imprimeurs 1391.

In-8" grand de marges, non cMSré, signé A-Rüj.

Cet ouvrage contient les 232 sonnets d'Olényx et est précédé d'une épître dédicatoire à la Duchesse de Mercœur; tK fine, l'auteur dit que c'est par la grâce de M. Bardin que son ouvrage a été mis sous presse. Pour l'analyse de cette œuvre curieuse je me permets de renvoyer à l'étude déjà parue dans le Bulletin du Bibliophile.

Avec les Regrets a été reliée une œuvre d'Olényx que j'ignorais et que je n'ai rencontrée nulle part'. Les bibliographes ne la mentionnent pas plus que M. Hauréau dans son Ilistoire littéraire ~M Ma:'Me. Cet ouvrage porte le titre suivant

LA MIRACULEUSE DÉ-~j livrance de Monseigneur j~ le Duc de Guyse, Henry jj de Lorraine, n'aguères prisonnier au Chasteau de Tours Il. A Monseigneur le duc de Mercœur j~ et de Peinthièvre, Pair de France,

i. I) en existe un exemphiro dMS la collection Leber. Cf. CitiM~tM de tt! CoH-'etMM L<&ef.


Prince du Sainct Empire et de j~ Martigues, Gouverneur de Bretagne. II A NANTES Il chez Nicolas des Maretz et François Faverye j) 1591' In-8" non chiffré, signé A-Dij.

En décrivant plus haut l'Amadis, j'ai analysé quelques-unes des pièces liminaires consacrées à la gloire d'Olényx adolescent. Parvenu à l'âge d'homme, sa vanité littéraire fut sans bornes et si, libelliste besoigneux et famélique, il déploya à l'égard de Mercœur un zèle que rémunérait le gouverneur de Bretagne, il sut aussi se faire encenser par d'autres qui moins heureux que lui, sans doute, espéraient glaner quelques reliefs des régals dont le duc gratifiait son thuriféraire favori. On en pourra juger par les extraits qui suivent. Patrice Martin lui offrait un sonnet et un quatrain; je lis dans la première pièce Thèbes, Trace, Lesbos succombent en leur gloire

Car Olényx Sacré obscurcit leur mémoire

Les hommes ravissant par ses doctes esprits.

Quant au quatrain, il ne le cède en rien au sonnet

La Grèce a son Homère et Rome son Virgille,

Vendosme son Ronsard, le Mainne son Garnier,

Poictou tire son loz de la Roche gentille,

Nantes à Olényx présente le laurier.

Les orgueilleux sont souvent plats. Olényx était d'une obséquiosité sans égale vis-à-vis de Mercœur, de la duchesse et de M. et M" de BoisDauphin. Cette nouvelle œuvre du poète s'ouvre par une dédicace au duc dans laquelle Olényx écrit « Deux choses engendrent le don; l'une l'espoir de récompense, l'autre la vertu. La première ne m'a point incité de vous faire cestuy ceux ne peuvent donner qui sont obligez car vous m'avez donné avant que je vous aye rien offert. » La Duchesse de Joyeuse, Marguerite de Lorraine, était trépassée. Olényx ne pouvait se dispenser de lui tresser quelque couronne; un sonnet de lui célèbre ses vertus

Belle âme au brasier de la foy espurée

Chaste esprit addonné au service de Dieu

Ta gloire ne vit plus en ce terrestre lieu

Elle est dedans les cieux près de Dieu retirée.

Duchesse de Mercœur, comtesse de Martigues, Bois-Dauphin sont les amis d'Olényx, il leur offre plusieurs pièces liminaires. Au maréchal il dit

Du feu de ta valleur, ma muse ore inspirée, Par mille chastes vers en veut chanter les faits Les actes des héros comme les tiens parfaicts Sont le sacré sujet de la Muse honorée.


Sur l'œuvre d'Olényx il n'y a pas lieu de s'étendre longuement. En des alexandrins pénibles et heurtés, le poète ligueur vante les vertus des Guises; le Balafré, le Cardinal, Charles de Bourbon roi de la Ligue sous le nom de Charles X, sont louangés, prônés, encensés, couronnés de Beurs Rien n'égale les vertus de cette maison de Lorraine sous le joug de laquelle n'ont pas voulu se ranger les Français. Feu Henri III est vilipendé

Un poltron n'est jamais en asseuré repos

Il ne laissait de craindre et mille peurs mortelles

Furetoient au travers de ses lasches mouelles.

Quant à Henri IV qui « emprisonne donc Charles, nostre bon roy », il est quelque peu malmené par Olényx qui s'exalte en faveur de Rome et s'écrie

Vous résistez au Pape et par mille forfaicts

Vous taschez à ruiner celuy qui vous a faicts

Mais quoique vous faciez à l'Eglise la guerre

Vous ne ruinerez jamais la chaire de Saint-Pierre

Lorsque, postérieusement à l'année 1598, Mercœur et le roi se furent réconciliés, Olényx aurait sans doute voulu supprimer les vers qu'il avait écrits sur le roi de France. Bien que la plume du poète eût été acerbe à son égard, Henri IV ne lui tint pas rigueur, il fit œuvre pie en accordant à. Olényx un pardon qu'il sollicita d'ailleurs en prose et en vers; puis, ce qui valut mieux, illui fit donner la riche cure de Barenton en Normandie. Bien rente, Olényx put consacrer à la mémoire du duc de Mercœur et à l'éloge de son nouveau maître toute la puissance de son imagination fertile à découvrir les épithètes élogieuses qu'il avait coutume de décerner à ceux qui l'obligeaient.

J. M–z.

Les proprietez de l'écuelle. S. d.

[Titre de départ :] ~BS .P.NO.P~JET.EZ, ET ~j Vtititez, e~- A~ce/Mi~ U ~EC~.E~.E.[A la fin :] l'Ecuelle fe fë~ygM~ <Ms Paris par le Boiteus. In-i2, 6 ff. (12 pp. ch.), sign. A-4, B-z. (BiBi.. PART.)

Si~'on consulte ,1'Estoile (VIII, pp. 268, 269, 276, 333), on voit que le poète appelé Boiteux était Jacques de Fonteny, pauvre diable ayant pour spécialité la confection d'anagrammes lucratives. Sa bibliographie est assez copieuse, mais l'Estoile vante surtout son talent de céramiste et parle avec admiration des plats émaillés dont Fonteny

1. Eug Saulnier. Le rôle politique ~K C~.M~ de Bourbon (Charles X), 1523-1590. (Paris Chamdes renseignements circonstanciés sur la majeure partie

des personnages de la Ligue. e.

TOME II. 9


lui faisait présent. L'importance du témoignage de Pierre de l'Estoile n'a pas manqué d'être relevée A. de Montaiglon (cf. Fournier, Variétés, t. V, p. 62) pensait que certaine F placée sous une assiette de fruits émaillée, conservée au musée du Louvre, pourrait bien être l'initiale de notre Fonteny.

Ce poème à la louange de l'écuelle, d'allure vive et de faconde souvent heureuse, prendrait donc une importance spéciale du fait qu'il aurait pour auteur un céramiste disciple de Palissy mais on le retrouve dans le Banquet des Muses de Jean Auvray (éd. orig., 1623, pp. 226-239) où il débute ainsi

Qui loge l'amour dans son âme

Souspire l'amoureuse flame,

Qui voudra d'un ton Spandéen

Le Cothurne Sophocléen

Faire haut rententir et bruire.

tandis que, dans l'édition isolée, les deux premiers vers sont supprimés. Rendons à Auvray ce qui lui appartient et remarquons que l'expression « L'Écuellese vend seule dans Paris par le Boiteux » doit simplement signifier que Jacques de Fonteny s'était fait, à Paris, le dépositaire du poème anonyme de son confrère normand.

L. L.

:t

Les tablettes amoureuses. S. d.

LES )] TABLETTES )) AMOVREVSES. Rouen, Pierre Calles, s. d. (voir rep'od.)

In-i6 oblong, 40 ff. n.ch. (BIBL. DE WOLFENBUTTEL, Fc~. <<<!)- /~<M..LtM., n''4734)

iL. S

TABLETTES AMOVKEVSES.

0~ FOJL<r~EJ: ~?~CP~

À RovEN, Chez Pierre Calles.

La dédicace de ce petit recueil, adressée « A Mademoiselle ma maîtresse », est signée N. P., initiales que Quérard signale comme celles


du romancier Nicolas Piloust. M. Pierre Louys, qui examina le volume, reconnut l'exactitude de cette attribution. Les Tablettes amoureuses comprennent 36 [37] pièces de vers assez libres (certaines sont imitées d'autres recueils) qui permettent d'ajouter le nom de Nicolas Piloust à la liste des poètes satyriques.

Selon M. Lépreux (G~'a ~o~a~KM, III, ier vol., p. l'exercice de Pierre Calles s'étend de 1601 à 1617.

L. L.

Maître Guillaume.

Depuis l'apparition de la notice que j'ai consacrée à. Ma< Guil~M~f, il m'a été donné communication d'une nouvelle pièce parue sous le nom de ce fou et que je n'ai pas décrite. Ce libelle fait partie d'un recueil collectif de pamphlets, il constitue une satire des mœurs de la cour au début du xvue siècle et en voici la description L'ESTONNEMENT )j DE Il Me GVILLAVME jj SVR LE CHANGEMENT )j DE LA COVR. Il MDCXXIV, in-8°, 12 pp. chiffrées.

L'auteur se gausse des habitudes de paraître qu'ont contractées les Parisiens et gens de cour.

Venons un peu à ses cadets Que l'on voit dessus des bidets Paroistre par toute la ville

Je croy qu'il en est plus de mille Qui font les riches et vaillans Et n'ont pas quatre sols vaillans Mais ils espèrent la fortune Quelque jour leur estre opportune.

Ce pamphlet que je n'ai pas rencontré dans les dépôts publics appartient à. M. Pierre Louvs.

J.M–z.


VARIÉTÉS

Jean de La Garde, libraire à Paris. 1512-1542. Le Parlement de Paris poursuivait, en 1538, pour crime d'hérésie et blasphèmes exécrables, Etienne Sabran, étudiant en l'Université, maître René Petit, maître Thierry Serval, maître Guillaume Paris, Jacques Nicolas, valet de taverne, et deux libraires, Jean Morin et Jean de la Garde

On connaît le sort de Jean Morin, condamné, le 17 juin 1538, aux peines du pilori et du bannissement perpétuel « pour avoir fait imprimer en sa maison » le Cymbalum Mundi.

Quant à Jean de La Garde, dont la condamnation à mort fut connnnée, sur appel, le 25 avril, est-il bien le libraire-juré du même nom qui exerçait depuis 1512, et qui est surtout connu pour avoir donné les deux mêmes adresses qu'Antoine Vérard « Sur le Pont Nostre Dame, à l'enseigne S. Jehan l'Evangeliste, et au Palais, au premier pillier, devant la chappelle où l'on chante la messe de messieurs les Présidens. » L'identification ne m'avait pas semblé douteuse 2, mais j'ai trouvé récemment, aux Archives nationales, un acte du 18 février 1542 (n. st.) par lequel Jean de La Garde, l'aîné, libraire-juré, requiert la mise en adjudication de vignes sises à Montrouge, appartenant à l'un de ses créanciers, Jacques Boursette s. Faut-il en conclure que l'arrêt de mort ne fut pas exécuté ou qu'il frappait un homonyme, également libraire?

Les sentences du Parlement ne donnent pas au condamné la qualification de juré et l'acte de 1542 concerne Jean de La Garde ~M~; il semble donc que ce soit la seconde hypothèse qu'il faille adopter et que l'arrêt ait visé un autre Jean de La Garde, le jeune.

i. Arch. Nat., X;z B 5. (Documents sur les /m~H)M!t~ Libraires. 1901.) 2. Imprimeurs parisiens, Libraires. i8g8.

3. Arch. Nat.. Y 3371, P 54 V.


Ces qualifications, l'aîné et le jeune, servant ordinairement à. distinguer un père et un fils, ou deux frères ayant le même prénom, ce qui était fréquent, on pourrait admettre qu'ici il s'agit d'un fils du librairejuré. Le père, frappé moralement lui-même par la poursuite et la condamnation, se serait vu forcé de renoncer à son commerce. En effet, si le libraire-juré vivait encore en 1542, il ne semble pas que son nom ait figuré sur aucun volume après 1536.

La carrière de Jean de La Garde est très mystérieuse, et avait été certainement traversée déjà par quelque événement fâcheux en 1521. En 1512, il est déjà qualifié libraire, habitant rue des Marmouzets, lorsqu'il prend à bail la 21 maison du Pont Notre-Dame reconstruit à laquelle il donne pour enseigne l'image Saint-Jean-1'Évangéliste. Le premier livre que j'aie vu à son nom est de 1514; c'est un ouvrage de droit ecclésiastique de Pierre de Perusio, seul volume latin qu'il ait publié, et qui ne porte que son adresse au Palais.

A partir de mars 1515 (n. st.), il se lance dans la publication d'éditions en français, presque toutes illustrées, sur lesquelles il met les deux adresses bien connues d'Antoine Vérard avant la chute du Pont Notre-Dame, et dont il fait, comme Vérard, tirer des exemplaires sur vélin. Il débute, semble-t-il, par le Cuer de philozophie, dont Vérard avait donné une édition antérieure, et publie plus tard les r~'M~K~M de Pc~ac~M~ que Barthélemy Vérard avait aussi fait imprimer. Faut-il ne voir là qu'une coïncidence, ou croire qu'il cherchait à créer, chez les acheteurs de ces livres, une confusion en sa faveur? Dans une de ses notes inédites, Silvestre remarque, sans faire de commentaires, que les caractères des volumes de La Garde sont les mêmes que ceux des volumes de Vérard.

Brusquement, en 1521, la série de ces éditions s'arrête; La Garde, qui avait renouvelé son bail de la maison du Pont Notre-Dame le 25 juin 1521, y est remplacé, dès le mois de septembre suivant, par un nouveau locataires, et son nom ne reparaît qu'en 1526, sur un volume fort recherché aujourd'hui, mais en lui-même de peu d'importance, les .Fo~/MMfs et ~~t~s!7M de Jehan Regnier, l'adresse au Palais y figure seule. Son nom disparaît encore pour reparaître de 1531 à 1533 sur des éditions partagées avec d'autres libraires, et enfin, en 1536 sur une plaquette de 8 feuillets. L'adresse du Palais et la qualification de libraire-juré, qui avait paru pour la première fois sur les Triumphes de Petracque en 1519, indiquent bien qu'il s'agit toujours du même Jean de La Garde.

Le 15 mars 1549, un acte passé par le libraire Galliot, du Pré nous i. Arch. Nat., Q/i io99/i<)7 A, f" 92 v°. (D<MHK<i'M<t. 1

Arch. Nat., Ibid., f° t82. (Documents.)

3. Arch. Nat., Y 3374., à la date


apprend qu'il était alors substitué aux droits d'une veuve Jean de La Garde; était-ce la veuve du libraire-juré?

Voici la liste succincte des volumes que j'ai trouvés à son nom

1. j~i~ (sans date privilège du 27 octobre 1514.) PETRUS DE PEpusm. Compendium. de unione beneficiorum una cum tribus aliis opusculis prius non visis nec impressiont commissis. In-8"; goth.

2. 1514 (s mars 1515, n. st.). Le cuer de philozophie translate de latin en îramcoys a la requeste de Philippes le Bel roy de France. In-M.; goth.; fig:

3. 1515 (3 mai). SiMPHORiEN CuAMPlER. La nef des dames vertueuses. contenant quatre livres. Le premier est intitule la fleur des dames. In-4"; goth.

4. 1516 (28 novembre). VIRGILLE. Les Bucoliques. avec cinq autres livres par luy composez. translatez nouvellement de latin en francois par Guillaume Michel dit de Tours. In- goth.; fig.

5. 1516 (27 mars 1517, n. st.). SIMPHORIEN CHAMPiER. Les grans Croniques des gestes et vertueux faictz des. ducz et princes des pays de Savoye et Piemont. In-M.; goth.; fig.

6. -1517 (privilège du 4 mars 1516, 1517 n. st.). Les grandes coustumes generalles et particulieres du royaulme de France, (pour lui et Pierre Le Brodeur). In-fol.; goth.

7. j~iy (g mai). Le voyage de la sainte cite de Jérusalem. Avec la description des lieux, ports, villes, citez et autres passaiges fait lanmil quatre cens quatre vingtz. In- goth.; fig.

8. j[5i8 (sans date; privilège du 2 juillet 1518). GUILLAUME MICHEL. Le penser de royal memoire. (pour lui et Pierre Le Brodeur). In-4°; goth.; Sg.

9. --1519 (9 juin). FRANÇOIS PETRAcsuS. Les triumphes. translatez de langaige tuscan en francois. In-fol.; goth.; fig.

10. 1519 (20 juin). Les grandes coustumes generales et particulieres du royaulme de France. (imprimé pour lui et Pierre Le Brodeur, par Pierre 17't~otf~). In-4°, goth.

H. i;20. ROBERT GAGUIN. La Mer des Croniques et miroir hystorial de France.(&M<0!t~a:f<ag<~ avec M~c~c ~/[)t<G<«'SsM)MeCAaM~!t~).Infol. goth.

12. ig2o. Le Violier des histoires romaines moraliseez. In-fol. (d'après Du Verdier).

13. i~2i (6 avril). Le Violier des histoires romaines moraliseez. In-fo! goth. fig.

H. 1526 (25 juin). JEHAN REGNIER. Les fortunes et adversitez. In-8°; goth.; fig.

15. 1~31 (16 mars 1532, n. st.). VINCENT. Le premier [-cinquiesme] volume de Vincent miroir hystorial. (édition ~sg& avec Jehan Petit et GalHot dit Pré). 5 tomes in-fol.; goth.; fig.

1g. 1~31, ou 1532 (12 mai). NICOLLE GILLES. Les treselegantes et copieuses Annales. (fM~'oM~~ag~- <!pe<-7~~Mtt Petit et Jehan Longis, imprimée ~ff Gilles de Goiirinont). 2 tomes in-fol.; goth.


17. Sans date (vers 1533). THUCYDIDE. Lhystoire. de la guerre qui fut entre les Peloponesiens et Atheniens translatee en langue francoyse par. Claude de SeysseL.. (imprimé par Gilles de Gourmont). In-fo! goth. tS. i536(sansdate;privaègedu6janvieriS35, i536n.st.).–0rdonna!ice. pour asseoir, coctiser et imposer a la taille les francs archiersde ce royaulme. In-4. goth.

Des numéros 2, 3, 4, 5, o et 13, on connaît des exemplaires sur vélin. PH. R.

Les courtisanes de Paris en t634.

Paul Lacroix, par une note du cat. Soleiune (11° IIq), semble le premier qui ait attiré l'attention sur une comédie de 163~, Le ;Ma<ot's mary, traduite de Salas Barbadillo ou Baruadillo. Le traducteur reste inconnu les noms de Vion Dalibray et de Le Métel d'Ouville n'ont pour soutien que l'opinion hâtive de Paul Lacroix. D'ailleurs, il s'agit surtout d'une adaptation du texte espagnol « aux pratiques et façons de faire de Paris », comme le dit le libraire dans un avis aux lecteurs, et comme le titre même le déclare nettement LE jj MATOIS jj MARY, Il OV LA jj COVRTIZANNE jj ATTRAPEE. Il Comédie en Proie. Il 7~ d'un liure Efpagnol, t'M~M~, jj El iagaz ftacio marido cxaminado. jj Et appropriée aux pratiques de Paris. Il [fleuron] jj A PARIS, )j Chez PIERRE BILLAINE, rue fainct j) Iacques, à la Bonne-Foy, deuant S. Yues. jj jj M. DC; xxxim. jj Auec Priuilege du Roy. In-8", S. n. ch., 278 pp. et i f. blanc. Privilège pour six ans accordé à Pierre Billaine, le 13 juin 1633 (ARS., B. L. 11031 Ms-8°).

Ce qui touche les mœurs parisiennes peut seul intéresser à, travers cette histoire assez terne et déplaisante d'une courtisane cherchant un mari d'une absolue complaisance pour donner à sa vie une régularité apparente. Elle se laisse prendre aux manières d'un bonhomme qui tourne casaque sitôt le mariage célébré cette union était pour lui la conséquence d'un vœu, il entend que sa femme suive le droit chemin. Contrairement aux habitudes des auteurs contemporains, cette courtisane, Larisse, n'est pas une fille de la rue comme les malheureuses dont le comte de Cramail expose la condition lamentable; non, il s'agit d'une véritable courtisane « J'ay pris party avec une des plus riches pécheresses de la Cour dit en parlant d'elle un des personnages de celles qui ne portent que la soye et le clinquant, je veux dire de celles qui sont enroollées dans la Cavalerie, qui ne vont qu'en caresse, qui ne se laissent vaincre qu'à l'esclat des diamants ou de l'or de celles, dis-je, qui paroissent de fois à autre à. la fenestre de leur logis avec la guytarre à la main, dont elles amassent plus de monde qu'un tambour de baste-


leur, et qui font le mesme effet que la devise d'une enseigne d'hostellerie Ceans a bon logis. » Cependant, elle n'est pas tranquille, la police l'inquiète « Justice de qui l'ombre par la presence d'un Commissaire du Chastellet m'épouvente à toute heure, et donne mille inquiétudes à mon cœur 0 la malheureuse vie que c'est de ne pouvoir vivre en repos et qu'il se faille cacher de maison en maison, et rauder de çà et de là, tantost coucher chez Madame Charlotte aux faux-bourgs S. Germain, chez Madame Caliste aux faux-bourgs S. Victor, et tantost chez Madame Anchize aux Marais du Temple. » Ce sont là les ennuis d'une situation précaire; une courtisane ne se trouve en sûreté que sous la garde d'un amant qui lui offre pour la distraire des promenades en carosse à Gentilly, Cachan, Saint-Cloud, ou le spectacle des comédies. Mais, pour plaire, il faut réunir bien des qualités, veiller surtout aux soins de toilette, une extrême propreté étant appréciée avant toute autre chose.

Dans cette comédie, on peut noter encore le dialogue de deux filous du Pont-Neuf qui parlent de < trouver le Cap de finibus terre au milieu de la Greve », et d'aller « à Mont'-à-regret )'. A un moment, l'un d'eux nomme Angoulevent, prince des sols, et l'autre demande s'il n'est pas mort depuis longtemps; il reçoit cette réponse « Cestui-cy est petit-fils de celuy que vous dites, et c'est à luy que la substitution de Proto-pacient apartient aujourd'huy, en laquelle il y a une clause que tous ceux qui succèderont porteront le nom d'AngouIevent. Et afin que les Historiographes ne se trompent point, et que les faits héroïques des uns ne soient point confus avec ceux des autres, on y adjouste Angoulevent troisiesme du nom, quatriesme du nom, etc. »

L. L.

Le G~!K< PAUL CHAPONNIÈRE.


HÉLISENNE DE CRENNE

Naguère, M. Gustave Reynier rendit justice à Hélisenne de Crenne* en montrant tout l'intérêt d'une œuvre qui doit occuper dans l'histoire littéraire du xvie siècle un chapitre privilégié, puisque Hélisenne fut la première femme de lettres française ou, pour mieux dire, la première femme qui se soit racontée elle-même, avec sa sensibilité propre, donnant ainsi à notre littérature son premier roman sentimental. Hélisenne de Crenne n'était connue jusqu'alors que comme « escorcheuse » de latin. On a depuis longtemps révélé l'erreur d'Étienne Pasquier qui crut voir en elle le prototype du fameux écolier limousin; mais il faut bien avouer que notre femme de lettres fut un terrible bas bleu dont les latinismes rebutèrent bon nombre d'admiratrices, ses contemporaines, au point qu'en 1550 Claude Collet dut revoir le texte d'Hélisenne et traduire quelques passages. Nulle part, ce souci de latiniser n'est plus accentué que dans le plus rare et le plus ignoré de ses ouvrages, dans sa traduction de l'~MS~

LES QVATRE PRE-entiers liures des~Eneydes du Il trefelegat poete Virgile, Tra-jjduictz de Latin en proie Frâ-j~ coyfe, par ma dame Helifenne, A LA TRADVCTION DESQVELZ Y A PLVRA-jJLITE DE PROPOS, QVI PAR MANIERE DE l. Le Roman sentimental avant l'Astrée, P., 1908, in-go, pp. 99-122. Voir aussi un article de J. Marie Guichard, Hélisenne de C~~f, dans la Revue du xtx* siècle, du 2 août i84o, pp. 276-28~.

TOMZH.


PHRASE Y Il font adiouftez ce que beaucoup fert à l'elucidation & decoration defdiâz Liures, dirigez à trefillu-~re & trefaugufte Prince Francois pre-j)mier de ce nom inuictifsime Roy tj de France. )j De Crenne. [~~?Ms StJ~s~ M" 27, aMC devise Patere aut abstine. Nul ne s'y frotte.] Auec Priuilege. )) S~* On les vend à Paris, en la Rue neufue noftre Dame à l'enfei-Ilgne fainct IEHAN Baptifte, pres faincte GENEVIEFVE des Ardens, par )j Denys Ianot. [verso du dern. ] Fin de la Traduction du ~) QVATRIESME LIVRE DES ENEYDES Il DE VIRGILE, NOVVELLEMENT IMPRIME A II Paris, par DENIS lanot Imprimeur & Libraire, Il Demourant en la rue neufue noftre Dame à Il l'enfeigne iaina: IEHAN Baptifte, Il pres fainae GENEVIEFVE Il des Ardens. Il De Crenne. Il [même marque que sur le titre.]

In-fol., 4 ff. lim. n. ch., le dern. blanc, et 102 ff. ch., sign. à par 4 et A-R par 6; fig., manchettes. Privilège pour trois ans accordé à Denis Janot le 8 mars 1541. Dédicace au roi François I°". (ARS., B.-L. 26~1-fol.)

Ailleurs, son style côtoie toujours le latin, sans devenir jamais aussi obscur qu'on a bien voulu le répéter. Hélisenne est fort instruite, l'antiquité et son paganisme lui sont familiers, elle fait volontiers étalage de son savoir; elle estime que son récit, habillé à la latine, paraîtra plus noble, plus poétique, plus littéraire. Il faut lui pardonner ce système qui lui valut bientôt un oubli complet on ne sut même plus son nom, on contesta son existence et, pour comble, une opinion fantaisiste dont Quérard s'est fait l'écho découvrit dans Hélisenne de Crenne un pseudonyme de Jean Dorat 1

On ignore encore tout de sa vie. La seule indication exacte est fournie en 1555, dans le Fort inexpugnable de l'honneur du sexe ~MtïM~, par François de Billon, qui félicite la Picardie de lui avoir donné le jour. Rien de plus. Cependant son nom est connu, mais, ce nom, il faut l'aller cher-


cher dans la chronique latine de Nicolas Rumet où l'on rencontre ce passage 1

Anno 15~0, mense Maio, ~~oc~ mulier, ortu quidem ~&~M7~, nomen Af~ habens(vulgo discebatur Helisenna C~MM~, gallico poemate coruscabat ~M~ insignem Parisiorum Augustam.

MARGUERITE BRiEl, ainsi se nommait donc Hélisenne. La famille Briet possédait plusieurs fiefs en Ponthieu, mais nous ne pouvons mieux préciser l'état civil de notre femme de lettres, ni l'identifier avec la seule Marguerite Briet que mentionnent les généalogistes, fille de Daniel Briet, échevin d'Abbeville en 1516, mort en 152~, et de Marguerite de Galonnée. Ce Daniel Briet eut sept enfants; or, en parlant d'elle-même dans les Angoysses douloureuses qui ~c~~ d'amours, Hélisenne déclare être née « au temps que la déesse Cibele despouilla son glacial et gelide habit et vestit sa verdoyante robbe tapissee de diverses couleurs et que sa naissance fut une grande joie pour ses parents désespérés de n'avoir point encore de descendance. A un an, elle perdit son père et resta fille unique; sa mère l'éleva avec tendresse, surveillant de près son éducation. Elle venait seulement d'atteindre sa onzième année et déjà plusieurs gentilshommes sollicitaient sa main elle épousa l'un d'eux qu'elle ne connaissait pas parce que dit-elle il y avoit grande distance de son pays au mien ».

Un acte que je reproduirai plus loin nous fait connaître le mari d Hélisenne, je veux dire le mari de Marguerite Briet il s'appelait Philippe Fournet, écuyer, seigneur de Cresne. Le fief de Cresne était situé au voisinage de Coucy3;il tirait son nom d'un petit château tout proche de Coucy-la-

i. Nicolas et Franposs Rumet, historians d'Abbevilte au am· saècle. De Abba-

villd capite conaitatus Pontivi. publ. par Ernest Prarond, P., 1902, in-~o, p. 37.

2. L.-E. de la Gorgue-Rosny, Recherches généalogsquas sur les comtés de Pon-

3 vol. in-8·, t. I, p. 264.

tJ.f~ depuis longtemps on

trouve mention (BlBL. NAT" P. O. 1223, dossier 27~39) d'un Guillaume Fournet

bailli de Coucy-le-Château en i~ GuU!Mm. Foum.t


Ville, aujourd'hui simple ferme que le Dictionnaire des postes nomme « Cranne » et le Dictionnaire ~~og~~A~c de l'Aisne « Craone ». Le pseudonyme adopté par Marguerite Briet, dame de Crenne, Cresne ou Cresnes comme l'on écrivait indifféremment au xvi" siècle ne dissimulait guère sa personnalité.

C'est à Crenne que Philippe Fournet conduisit sa très jeune femme après son mariage. Celle-ci commença par aimer son époux. Mariée avant l'heure, elle était de santé fragile, mais se développa rapidement; à treize ans, si son visage avait eu la grâce de son corps, elle eût passé pour une des plus belles femmes de France. Elle était charmante, cependant, et François 1~ entendit parler d'elle au cours d'un séjour à Coucy. Il vint à Crenne pour la voir, mais Philippe Fournet, redoutant un tel séducteur, éloigna sa femme pour accueillir seul le souverain. Un procès survenu à l'occasion d'une terre força le jeune ménage à se rendre dans une ville voisine de cette terre Abbeville, je suppose pour soutenir ses intérêts. Là, Hélisenne ne tarda pas à remarquer le beau Guenelic, élégant cavalier de vingt-deux ans, mais de condition inférieure à la sienne. Le mari découvre l'intrigue, entre en fureur, menace de se séparer et finalement, pour couper court, emmène sa femme dans son château de Crenne qu'BLélisenne nomme pour la circonstance Cabassus où il l'enferme dans une grande tour, sous la garde d'une personne sûre. ,)

Le premier livre des Angoysses s'achève sur le récit de cette claustration. Le reste du roman expose l'entreprise de Guenelic et de son fidèle ami Quezinstra pour délivrer Hélisenne. Sous l'appareil chevaleresque et quelque peu fabuleux d'un voyage imaginaire, on discerne aisément la-réahte cetteexpéditionhéroïque se réduit au simple voyage d'Abbeville à Coucy. Les localités mentionnées appartiennent toutes au Ponthieu ou au Soissonnais. L'épisode principal consiste dans un séjour à Goranflos dont le seigneur reçoit somptueusement les deux chevaliers. Or Goranfios n'est autre chose


qu'un nef peu éloigné d'Abbeville, situé dans le canton d'Ailly-le-Haut-Clocher, que possédait alors Jeanne Briet, femme de Jean de Ballen, écuyer, conseiller du Roi en la sénéchaussée de Ponthieu 1. Au tournoi donné à Goranflos, Hélisenne réunit à plaisir ses parents, ses amis, les seigneurs voisins de Crenne; nous remarquons le seigneur de, Teulfle (Nicolas de Fontaines, écuyer, seigneur de Toeufles, canton de Moyenville, arr. d'Abbeville), le duc de Fouquerolles et le comte de Marlieu (Merlieux-et-Fouquerolles, canton d'Anizy-le-Çhâteau, arr. de Laon), le duc de Locres (Locq, commune d'Anizy-le-Çhâteau), le comte de Housen (Houssen, commune de Coucy-la-Ville), le seigneur de Courval (Courval, communes de Landricourt et de Quincy-Basce, canton de Coucy-Ie-Château), etc. De même on peut identifier d'autres noms cités au cours du voyage Eliveba (Abbeville), Hennerc (Crenne), Basole (Bassoles-Aulers, canton d'Anizy-le-Çhâteau), Bouvacque (La Bouvaque, canton d'Abbeville, fief appartenant à Marguerite de Maupin, femme de François Caudel, maïeur d'Abbeville), Gennes (Gennesen-Ponthieu).

Parvenus à Coucy, les deux compagnons tiennent conseil, se ménagent des complices à Crenne même, délivrent la malheureuse captive, l'enlèvent. Ils sont poursuivis. Guenelic et Hélisenne ne tardent pas à succomber, victimes de leur excès d'amour.

Cette fin romanesque ne correspond nullement à la réalité. Hélisenne se réfugia sans doute à Paris où, le 11 septembre 1538, Denis Janot obtint un privilège pour imprimer les Angoysses ~OM~OM~MS~s* et, le 18 octobre 539, un i. R. de Belleval, Les fiefs et les seigneuries du Ponthieu et du Vimeu, P., 1870, in-4*. La famille Briet possédait, dans le voisinage immédiat de Goranflos, les fiefs d'Alliel et de Domqueurrel, ainsi que celui de Mautort, près d'Abbeville. 2. L'édition originale des Angoysses est fort rare. Dans les bibliothèques publiques, on ne cite que l'exemplaire de Besançon (B.-L. 4263) et celui du British Museum (1073 b. i). -Ce serait une erreur d'invoquer l'Inventaire de mes

K~M d K~ de Jacques Le Gros (A~w. /<! Soc. <'M~. ~f « A.

livres à lire de Jacques Le 294-296) pour conclure de l'hist. de Paris et de l'lie de la première. L'inventaire est daté du pour conclure que l'édition de les cent n'est pas

la première. L'inventaire est daté du 25 septembre r533, mais, sur les cent articles


autre privilège pour les ~~M et le Songe. Par la lecture des j~t~s, nous apprenons qu'Hélisenne est séparée de son

"X

Les angoyf~ SES DOV~OVREVSES Q~! PROCEDENT

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Cohtenatztroy. parties, Compoi'eM pat D-tmeHclifeane: La(jue!}?exhor te toutes perfonnes ne fuyure fo'He Amour.

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uicfue des Ardens'par

Denystanot.

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mari qui j lui jeproche~de n'avoir publié les Angoysses que de la liste, seuls les n" i à 65 correspondent à cette date. Les n" 66 à 100 ont été ajoutés plus tard, comme l'a fait remarquer L. Delisle, c'est-à-dire vers 1542 ou 154.3 puisqu'on y trouve mentionnés Les gestes du Roy, de Estienne Dollet (15~0) et <fOM!'<'SM~ d'Amadis (1542). Les /ttt$oyMM portent sur la liste le n* 99.


pour étaler avec complaisance le scandale de sa vie privée. Elle s'en défend, mais elle entend vivre à sa guise et dit vertement son fait à certain habitant de Icuoc (Coucy) qui jugeait l'œuvre d'Hélisenne trop intelligible et qu'elle aurait dû ~MS obscurement parler, sans ainsi /a~ designation des lieux.

Nous ignorerions complètement le sort de Marguerite Briet et celui de son mari si l'utile Inventaire des registres des insinuations du C~ Pa~s, rédigé par MM. Campardon et Tuetey, ne nous apprenait l'existence de deux actes intéressant nos personnages. Le premier', daté du jeudi 9 août 1548 et insinué le samedi 15 septembre suivant, est une donation faite par Philippe Fournet, écuyer, seigneur de Cresne, en faveur de son fils Pierre Foumet, étudiant en l'université de Paris et demeurant au collège de la Marche, d'une rente de 80" pour « qu'il ayt a l'advenir mieulx dequoy vivre et soy entretenir a l'estude et en icelle acquerir degre ». Le second est également une donation, datée du jeudi 25 août 1552 et insinuée le lendemain, faite par « damoiselle Margueritte de Briet, femme de Philippes Fournel (sic), escuier, seigneur de Crasnes, et de luy sepparee quant aux biens, demeurant a Sainct Germain des Prez lez Paris )) en faveur de Christophe Le Manyer, écuyer, demeurant pour lors à Paris, « pour les bons et agreables services et pour remuneration des sallaires et seances que ladicte damoiselle Margueritte de Briet dict avoir receuz dudict Le Manier ». Cette donation porte sur la nue propriété d'acquêts dont l'énumération nous renseigne assez bien sur la fortune d'Hélisenne de Crenne

C'est assavoir cent trente sept livres seize solz tournois, faisant moictie de deux cens soixante quinze livres douze solz tournois de rente, de la condition qu'elle est constitue sur les biens et heritaiges de Françoise Cauvin, dame d'Etechy, veufve de feu noble homme Adrien de Massancourt, de laquelle rente noble homme Charles de i. ARCH. NAT., Y 9~, fol. ~i.

X. ARCH. NAT., Y §8, fol. 40.


Massancourt est charge comme 61z et heritier desditz defunctz; Item, trente livres tournois aussi de rente constituee et assignee sur maistre Jehan de Cailouet, prebstre, cure de Remancourt, de la condition qu'elle est;

Item, quinze livres tournois aussi de rente faisant moictie de trente livres tournois de rente constituee sur Marie Hurpin et feu Claude Loys, aussi de la condition qu'elle est toute ladicte rente assignee sur quatre maisons et deux jeux de paulme scituez hors la porte Sainct Jaques, comme plus a plain est declare es lettres de constitution de ladicte rente;

Item, la moictie d'une maison et ses appartenances assise hors la porte Sainct Jaques, rue des Postes, où pend pour enseigne la Corne de beuf, tenant d'une part aux heritiers feu Michel Le Meilleur et d'autre à Me Geoffroy du Boys, aboutissant d'un bout par derriere à Chrestien de Bordeaulx et d'autre bout par devant à ladicte rue des Postes en la censive de Monseig' de Saincte Geneviefve, et chargee toute ladicte maison de cinq solz parisis de cens;

Item, la moictie d'une aultre maison assise en ladicte rue des Postes, où pend pour enseigne l'ymaige Sainct Estienne, tenant d'une part à Anthoine Dumetz et d'aultre aux heritiers de deffunct Loys Barsonnet, aboutissant d'un bout par derriere à Jehan Michelet et par devant à ladicte rue des Postes en la censive de dudict seignr de Saincte-Geneviefve, et chargee envers luy de six deniers parisis de cens;

Item, la moictie de quatorze livres tournois de rente de la condition qu'elle est due par les heritiers de feu Michel Le Meilleur, assignee sur une maison où pend pour enseigne l'ymaige Saincte Barbe, assise en ladicte rue des Postes, comme plus à plain est declaree es lettres de constitution d'icelle rente;

Item, la moictie d'autres quatorze livres tournois aussi de rente de la condition d'icelle rente qu'elle est deue par Anthoyne du Metz lequel à ce faire auroit oblige et ypotecque une maison où pend pour enseigne la Souche, assise en ladicte rue des Postes, comme plus à plain est declare es lettres de constitution de ladicte rente; Item, la moictie de douze livres tournois aussi de rente de la condition qu'elle est due par Hugues Clairet, pour seurette de laquelle rente auroit oblige une maison où pend pour enseigne le Plat d'argent assise en la grant rue Sainct Marcel, comme plus à plain est declare es lettres de constitution d'icelle rente;

Item, la moictie de dix livres tournois de rente aussi de la condition qu'elle est due par Dominique Poiret qui au paiement de laquelle rente auroit oblige et ypotecque une maison à luy appartenant assise [un blanc]


Item, la moictie de sept livres dix solz tournois de rente de la condition qu'elle est due par Gratien Desloges qui au paiement de laquelle auroit oblige et ypothecque ung jeu de paulme à luy appartenant, assis rue des Bernardins, ainsi que plus à plain est declare es lettres de constitution de ladicte rente

Item la moictie de cent solz tournois aussi de rente de la condition qu'elle est deue par Jehan Mynot, laboureur, demeurant à Gentilly

Pour desdictes choses cy dessus donnees joyr, user, et possedder par ledict Manyer donataire, ses hoirs et ayans cause au temps advenir, comme de sa propre chose, vray et loyal acquest, à la reservation de toutesfoys de l'usuffruict desdictes choses donnees que ladicte de Briet donataire a retenu et reserve à elle pour en joyr par elle par maniere de suffruict sa vye durant.

Des indications aussi succinctes ne sauraient suffire pour un auteur de l'importance d'Hélisenne de Crenne. Il faudrait connaître Guenelic et Quezinstra, anagrammes probables. C'est à un érudit de Picardie qu'il appartient maintenant de poursuivre ces recherches, de les compléter au mieux et sans doute aussi de rééditer les Angoysses pour mettre tout à fait en lumière, à la place qui lui est due, l'ancêtre des Staël et des George Sand.

LOUIS LOVIOT.


HUBERTUS SU~~NN~M

HUBERT DE SUZANNE

Niceron a consacré à la biographie d'Hubert « Sussanneau », Hubertus SMSMMM~Ms ou Susannceus, un article intéressant, dont tous les éléments ont pu être tirés de la lecture de ses œuvres~ la chose était assez facile car « Sussanneau a un tel besoin de se raconter, qu'il va jusqu'à vanter sa belle barbe blonde, ou parler de la maladie vénérienne qui l'a momentanément défiguré, mais dont un célèbre docteur a su le guérir. Toutefois Niceron, comme le prouve la bibliographie dont il accompagne sa notice, ne connaissait qu'une partie des œuvres ou des pièces liminaires de « Sussanneau celles qui lui ont échappé fournissent de nouveaux renseignements biographiques qui permettraient de rectifier et de compléter son récit'. Nous n'en retiendrons ici que quelques-uns.

En premier lieu nous y trouvons que « Sussanneau », dénomination française sous laquelle il est connu, n'est qu'une interprétation faite après coup du nom latin « Sussannœus par lequel il avait traduit son nom patronymique, de Suzanne.

i Niceron, M~ t. XXXVIII. P., i737- in-12, pp. 3~-3~. Les articles consacrés à < Sussanneau » dans le dictionnaire de Moreri, et plus récemment dans la Biographie Michaud, ne sont qu'une démarcation de la notice de Niceron. 9 La bibliographie donnée par Niceron ne comporte que i; articles.


C'est ce nom, Hubert de Suzanne, qu'on trouve à la préface d'une édition de l'Internelle Consolation imprimée à Paris par Nicolas Savetier en juin et juillet 1531 « Hubert de Suzanne à sa tante, ma dame Estiennette Deduict, tres religieuse Abbesse de Sainct Estienne lez Soissons, felicité. » Un autre volume, daté d'octobre 1531, Terentiani Mauri. de literis, syllabis, ~~&Ms metris, contient une pièce de vers « Hubertus a Susanna lectori. » Hubert de Suzanne et Hubertus à Susanna doivent bien être le même personnage, mais peut-on l'identifier avec Hubert Sussanneau, dont les premiers écrits cités par Niceron sont aussi de l'année 1531 et le désignent sous le nom, toujours adopté depuis, d'JSM&~MS ~MSMMM~MS Suessionensis? La réponse à cette question nous est donnée dans un poème sur les vies des saints Gervais et Protais que « Sussannseus » fit imprimer chez Simon de Colines en 1543; la description de Soissons en occupe tout le second livre et l'auteur ne pouvait laisser passer une aussi belle occasion de parler de sa famille qui en était originaire.

Ënumérant les nombreuses abbayes de Soissons et de ses environs, il arrive à celle de Saint-Ëtienne

Ast quartum Stephani signatur nomine fanum

Rure, sacrum puro virgineoque choro.

Praesidet huic pridem matertera nostra puellae

Ex illa exemplum consiliumque petunt

Jam casto soror in cœtu meditatur Iesum

Agnes, illœsse virginitatis amans.

Et, en marge, il explique « Stephana Deduict, S. Stephani Abbatissa. Agnes Sussannsea ».

Ainsi Hubert de Suzanne et Hubertus Sussannseus sont bien le~même neveu de la tante Estiennettel; il faut donc i. La Gallia Christiana (t. IX, p. 299, col. i, Liste des abbesses de St-Estiennelez-Soissons) est très sobre de renseignements sur Etiennette et cite seulement son nom, sans mentionner de dates Stephana de Duict rexisse dicitur viginti aut viginti uno annis, tum permutasse cum sequenti » l'abbesse qui lui succéda mourut en 1571 après avoir tenu le siège zi ou 24 ans Etiennette aurait donc résigné ses fonctions en 1547 ou i;~i.


répudier le nom de Sussanneau pour rendre à notre poète son véritable nom d'Hubert de Suzanne.

La Croix du Maine est le seul biographe qui lui ait donné un nom approchant, Hubert Susan, mais son commentateur La Monnoye fait remarquer que Susan aurait été traduit en Susanus; les vers signés Hubertus à Susanna qui lui sont connus lui laissent cependant un doute.

Du Verdier ne l'a pas mentionné; La Croix du Maine dit seulement « Il a écrit quelques choses en françois desquelles je n'ai pas cognoissance. » La lettre mise en tête de r/M~nelle Consolation est-elle le seul morceau français qu'il ait fait imprimer ? On pourra juger par ces deux passages, le commencement et la fin, qu'il maniait la prose française avec autant de facilité que la poésie latine

Ces jours passez (ma tres chere tante) me trouvay chez ung imprimeur, auquel demandant qu'il imprimoit de nouveau me respondit qu'il achevoit ung livre intitulé et inscript Consolation Internelle, lequel (selon mon jugement) est plain de ce que son nom porte. Ce sera ung livre fort conduissant aux religieuses commises en vostre charge et fort delectable et consolatif, lequel elles ne liront pas seullement a toutes heures, mais aussi apprendront par cueur et y pourront prendre deduictx, et vous aussi pour soulager votre esperit. A Dieu.

On pourrait lui reprocher de présenter l'Internelle Consolation comme une nouveauté; une dizaine d'éditions imprimées depuis 1514 n'avaient sans doute pas encore, pénétré à Soissons quand il quitta cette ville. Quant à l'imprimeur, Nicolas Savetier, qui en avait déjà donné une édition l'année précédente, datée des 14 juillet-13 mai 1530, il semble moins excusable.

Hubert de Suzanne, né à Soissons en 1512~, était fils de Pierre de Suzanne et d'Isabelle Deduict; il avait, outre sa sœur Agnès, religieuse en 1543 au couvent que régentait i. Cette date est donnée par lui-même dans son poème Peronna o&M!M;Bayte l'a mal interprétée et dit 1514. Rigoley de Juvigny voulant rectifier Bayle à la suite de Niceron, le fait nattre en 1~36 La Croix du Maine dit qu'il florissait en i;ao.


sa tante, un frère cadet, Guillaume, qu'il appelle « Sussanseolus » en 1536. Son arrière-grand-père, Charles de Suzanne, l'un des chefs de la noblesse de Soissons, avait accompagné Charles VIII en Italie

Carolus hinc proavus felici nascitur ortu

Quondam urbis primus nobilitate suae.

Parthenopen princeps cum Marte reposceret altar-i

Carolus, et Cereris pinguia rura piae,

Nobilium numero proavum monimenta loquuntur

Accensum, regis qui sequerentur iter.

En marge « Carolus Sussannseus. Carolus rex hujus'nominis octavus~. » Cet arrière-grand-père était peutêtre fils de Gobert de Suzanne, chevalier, qui commandait seize écuyers à la montre de 1410'.

Hubert ne laissait pas oublier à ses lecteurs la noblesse de sa famille; il plaçait dans ses ouvrages un bois représentant ses armoiries, un chevron accompagné en chef de deux roses et en pointe d'un lion passant, avec la devise Ver rosa juge notat, fortia corda leo.

Une pièce de vers leur est consacrée le lion et les roses I. Vita martyrum. Prothasii et Gervasii fratrum.

a. BiM. Nat., Pièces originales, voL 2739 De Suzanne, Soissonnois Les tables de l'inventaire des Archives du département de l'Aisne mentionnent un certain nombre d'actes concernant la famille de Suzanne à la fin du xvi* siècle et au commencement du XV!


rappellent la valeur de ses ancêtres, mais la couronne de laurier qui encercle l'écu le concerne personnellement; c'est lui qui l'a conquise à la pointe de sa plume 1

Il cite deux des maîtres de son enfance à Soissons, Jean « Demarethus » qu'il eut comme professeur à l'école St-Nicolas', et auquel il facilita plus tard l'impression de deux petits traités de grammaire par Simon de Colines, et Pierre « Ruguaeus » qui professa depuis à Paris, et chez lequel il logea quand il y vint à son tour pour la première fois. Dès l'âge de 18 ans il expliquait en public, étant de passage à Poitiers, les poètes latins, mais ce n'est que beaucoup plus tard qu'il étudia la langue grecque; il l'avoue franchement dans une pièce adressée à Martin de Bésard, correcteur chez Simon de Colines chez lequel tous deux furent collègues de 15~.2 à 1544, époque à laquelle il signe ses préfaces Ex ~t&Ms Simonis Colinaei

Me quando, Martine, suas Colinaeus in aedes Ascivit, socium jussit et esse tibi,

Ignarus fermé graeci sermonis, et expers, Ut plané verum confiteamur, eram.

In nos ut confers operam, bona graeca sonare Possumus, atque suis explicuisse locis. Jam versus fundo graecos ex tempore; nostram Non aspernetur docta Corinna phrasin. Hinc tibi debebo semper, persolvere quantum Difficile est; memorem me tamen usque scies. Interea, dum graecismum meditamur, habeto Romanum grateis quod tibi carmen agit 2.

Les séjours qu'il fit à Paris furent fréquents, mais généralement de courte durée; ses vers ou ses préfaces nous le montrent agité d'un besoin continuel de courir les routes; il est tantôt à Poitiers, à Amboise, à Blois, à Nantes, à Angers, à Bourges, à Lyon, à Montpellier, à Turin, à Pavie, à Mantoue, à Dijon, à Avignon, à Narbonne, à Toulouse, à Bori. Jean Desmarets, principal des écoles de Soissons et chapelain de la chapelle St-Nicoias « ad scholares (Coyecque, Rec. d'Actes notariés, t. n" 1253.) a. ~nMo<<t<M~)M in contextum artis f<es<o~<<B Jo. D~e«<f<'<t, 154~.


deaux, à Agen, à Grenoble où il se marie, à Romans, etc. A peu près partout il professe, et partout il se fait des relations dans le monde enseignant, ce qui donne à ses recueils de vers un grand intérêt par les personnages rencontrés sur les chemins, auxquels il les adresse. La chronologie de ces voyages aurait besoin d'être rétablie; les dates données par Niceron, quelquefois modifiées par Moreri, ne sont ordinairement pas exactes, notamment celles de ses deux rencontres avec Rabelais la pièce Ad 2?aM~SM<M, cum esset in Monte Pessulano ne peut se référer à un séjour d'Hubert de Suzanne dans cette ville en 1533, Rabelais étant alors à Lyon, et leur entrevue de 1538 n'eut pas lieu à Montpellier, mais à Bordeaux. Ce n'est pas en 1533 non plus, mais en 1535, que de passage à Lyon il corrigea quelques ouvrages de Cicéron et les œuvres d'Horace et de saint Cyprien pour Sébastien Gryphius, chez lequel il fit la connaissance de Dolet, l'Odletus inferni ~og~~MS auquel il adresse en 1542, après sa première condamnation, ce distique assez mystérieux

Quid sine fortunis hominem, sine re, sine lege

Expiet, et sine spe qui sit, et absque fide.

La vie privée d'Hubert de Suzanne est loin d'avoir été exempte de tous reproches; ce sont ses propres récits qui nous en donnent l'écho. Sa belle barbe blonde lui rendait faciles les conquêtes des hôtesses poitevines, qui devaient lui laisser de cuisants souvenirs, ou celles des grandes dames qui lui valurent une épigramme mordante de Théodore de Bèze, dont il se trouva le rival. Il n'avait aucune fausse honte, et les pièces dans lesquelles il raconte ses aventures sont souvent placées dans les livres destinés à ses élèves, comme ce récit peut-être un peu fantaisiste de son mariage avec une enfant de douze ans. Appelé en Italie par le cardinal du Bellay, il s'arrête à Grenoble, où on le retient comme professeur; des amis, pour le fixer dans la ville, lui conseillent fréquemment de faire une fin et de se marier,


ce qui lui évitera de nouvelles mésaventures avec de nouvelles hôtesses; il leur répond en plaisantant qu'il accepte. Un beau soir on le convie à un festin; les mets sont plus délicats et les vins plus généreux que de coutume, il se grise horriblement; ses amis lui demandent alors s'il est disposé à tenir sa promesse; laquelle? il ne le sait plus, mais il répond, dans les fumées du vin, que s'il a fait une promesse il la tiendra. Deux avocats le prennent alors chacun sous un bras, le mènent à l'église où toute la ville était conviée et devant plus de trois mille personnes on lui fait prononcer les paroles sacramentelles. On le conduit ensuite en cortège, au son des flûtes, à la chambre nuptiale, où il tombe endormi du plus lourd sommeil. Stupéfaction à son réveil de n'être pas seul,

Experrectus at ipse simul cum sole, jugales Attonitus miror floridulosque thoros,

Attonitus mecum qubd nuda puella jaceret Exhorreret adhuc quae pudibunda virum. Vix bis sex annos complerat parvula, nobis Omine cum primo virgo jugata fuit

Signa etiam illaesae tum virginitatis habebat. Non potuit menses utilis esse decem.

Tandem persensi me scilicet esse maritum, Quaeque prius fugi, frena recepta mihi. Solor vincla, mihi quem virgo tenerrima nupsit, Serva qubd ulla suo non ita paret hero.

Et pendant qu'il écrit ce récit, sa femme, à laquelle il a enseigné les belles-lettres, vient regarder par-dessus son épaule, se fâche de ce qu'il plaisante sur elle, lui arrache le papier et le brûle. Il a heureusement bonne mémoire et le morceau n'est pas perdu.

De ce mariage naquirent plusieurs enfants, Pierre, le premier né, mourut au berceau

Immatura mihi mors charum pignus ademit

Quod peperit primo casta Sibylla toro.

Auctus filiolo, Craesos superare videbar,

Syderaque admota celsa ferire manu.


Plus tard, il écrit à un ami que Sibylle va lui donner un nouvel enfant.

La carrière d'Hubert de Suzanne fut de courte durée, on ne trouve plus son nom après 1550 et on ignore ce qu'il est devenu. Comme il est peu probable qu'il se soit astreint tout d'un coup, à ne plus écrire et à ne plus parler de lui, on peut supposer, avec Niceron, qu'il était mort; peut-être aussi pourrait-on retrouver sa trace à Genève, où il aurait suivi son ami Bésard.

Voici la liste de ses ouvrages et des volumes pour lesquels il écrivit des préfaces ou des pièces liminaires depuis 1531. c'est-à-dire depuis l'âge de 10 ans; on pourra la substituer à celle qu'a donnée Niceron 1

1531- 1. Le livre intitulé Internelle Consolation. Paris, Nicolas

Savetier, 10 juin-17 juillet. In-8°. Préface à Estiennette Deduict, sa tante.

S. Terentiani Mauri. de literis, syllabis. Nicolao Briss~o Montivillario commentatore et emendatore. ~a~MMS, Simon Colinaeus, ier octobre. In- Pièce de vers.

3. Apologia Petri Sutoris, adversus damnatam Lutheri hseresin, de votis monasticis. Parisiis, Poncetus Le Preux (Nicolaus Savetier, exc.). In-8". Préface à Guillaume Bibant, prieur de la Grande-Chartreuse (Paris, collège de Presles). 1532. 4. Diadema monachorum. [venerabilis Patris Smagardi]. [P~s/M], /oa!MM~s Parvus et Jodocus Badius, 5 novembre. In-8o. Préface à Noël Beda.

(i533. n. st.). 5. Vitae Grœcorum Romanorumque illustrium autore Plutarcho. -P~Mt'M, /oaMKM Parvus, seu Ambrosius Girault (Nicolaus Savetier exc.), mense februario. In-fol. Préface à Jean « Hegus », professeur au collège Montaigu. 1534. 6. Petri Rosseti. Christus, f~MtM, Simon Colinaeus, juin. In-8°. Préface à François I" (Paris, 153~); pièce de vers.

1536. T. DictionariumCiceronianumauthoreHubertoSussa.nnseo Suessionensi, ubi uno in conspectu positœ definitiones plurimœ, et vocabulorum multorum interpretationes videbuntur. Epigrammatum ejusdem libellus. Parisiis, Simon Colinaeus. i. Nous n'y avons pas indiqué les réimpressions, assez rares d'ailleurs.

TOMEH.


In-B". Préfaces à Philippe de Cossé, évêque de Coutances, et à Jean du Ruel, docteur en théologie (Paris, collège de Reims, calendes de mars). A la un, premier recueil de vers (presque tous reproduits dans les Ludorum ~6f<).

I537. 8. P. Rosseti. Paulus, denuô in lucem œditus, et emaculatius explicatus à P. H. Sussanseo. Parisiis, Nicolaus Buffet. In-S". Préface à Jean Morin, lieutenant civil (Paris, collège des Lombards) pièce de vers.

9. Nicolai Marcomvilli. in Ecclesiasticum illud, Memento Homo quia cinis es, etc. elegiacum. Parisiis, Ludovicus Cyanaeus. In-8°. Préface à Jean Amédée, des comtes de « Valspergia ». -10. Julii Cœsaris Scaligeri adversus Des. Erasmi. dialogum Ciceronianum oratio secunda. Lutetiae, P. Vidovaeus. In-8°. Préface à Hubert « Fradinœus » (Bordeaux, nones de juin).

1538. 11. Huberti Sussannsei legum et medicinx doctoris Ludorum libri nunc recèns conditi atque œditi. JPa~MMS, Simon Colinaeus. In-8°. Recueil de vers en 4 livres; à la suite « Enodatio aliquot vocabulorum, quae in aliis Dictionariis non reperiuntur, aut si forte paucula, aliter explicantur, ex collectaneis P. H. Sussannasi », et à la fin le poème latin « Peronna obsessa ». Préface à Jean Morin, lieutenant civil (Paris, collège de Coqueret).

18. Virgilius. Parisiis, Simon Colinaeus. In-i6. Pièce de vers; il se qualifie professeur au collège de Presles. 13. Jo. Vulteii Rhemensis Hendecasyllaborum libri. .P<M'!M's, Simon Colinaeus. In-i6. Pièce de vers.

14. De ratione componendorum versuum. In-/j. (D'après Niceron.)

16. Oratio laudatoria pro Francisco Valesio, rege Francorum. per L. Campestrum [Laurent Van der Velde]. In fine addita Europse lamentatio ad regem christianissimum carmine heroico eleganter scripta, authore Huberto Susannaso, Suessionensi, mire orationi alludens. S. s. n., s. d. [préface de l'auteur datée de novembre 1538]. In-4".

1539 (1540~ n. st.). 16. Alexandri [Villadei] quantitates, emendatœ à Sussanaso cum ~lii Nebrissensis carmine de accentu. Parisiis, Simon Colinaeus. In-8°. Préface à Georges « Combanus », principal du collège du Fourchaud, à Bourges (Paris, 3 des calendes de mars 1539) vers.

1539-1540- 1?. Pub. Virg. Maronis opera omnia, diligentia

P. H. Sussannaei quàm emendatissimè excusa, Joannes MacaeKs (Petrus G~OMO~ cxc.). In- Pièce de vers.


1542. 18. Ammonii Hormis, in prœdicamenta Aristotelis commentarii, per Bartholomœum Sylvianum Salonensem nuper latine conversi. Parisiis, Simon Colinaeus, 13 septembre. In-fol. Pièce de vers.

19. Quantitates Alexandri Galli, vulgo de Villa Dei, correctione adhibita ab Huberto Sussannso locupletatœ Accesserunt accentuum régulas omnium absolutissimœ, ex variis doctissimisque autoribus collectœ, per eundem Sussannœum. Additus est elegiarum ejusdem liber. ~'a?'M!M, 3t~KOM Colinaeus, In-8°. Préface à Jean Morin, dauphinois, professeur au collège de Navarre (5 septembre 1542). A la fin troisième recueil de poésies. Vers à lui adressés.

30. Amy lecteur qui cerches les mesures,

Et quantitez des lignes et figures,

Et de tous corps, par art de geometrie,

Avoir te fault ce livre, qui fut faict

Dedans Noyon par Charles de Bouvelles,

Paris, Simon de Colines, 7 décembre. In-4". Vers (latins) sur Oronce Finé.

Zl. Annotationes Huberti Sussannaei, in contextum duorum librorum artis versincatoriœ Jo. Despauterii ubi multa, non trivialia illa quidem, neque extrita reperientur. Adjecta est historia captivi monachi, ex prosa D. Hieronymi in elegum carmen conversa, cum aliquot odis. ~at~MMS, Simon Colinaeus. In-8°. Préface à Michel de l'Hospital; épithalame et pièces de vers.

32. In P. Virg. Maronis Moretum scholia, ex prasstantissimis quibusque scriptoribus, maximè ex Jo. Ruellii Suessionis. hue transposita, per H. Sussanœum. Parisiis, Simon Colinaeus. In-8°. Préface à Antoine « Tempestivus de Soissons pièces de vers.

33. Orontii Finaei Delphinatis, de mundi sphaera, libri V. Parisiis, Simon Colinaeus. In-8°. Vers sur Oronce Finé, différents de ceux placés dans la G~o~t~M de Charles de Bouvelles l'édition in-folio donnée cette même année par Simon de Colines ne les contient pas.

1543. 34. Probse Falconiœ de fidei nostrœ mysteriis è Maronis carminibus excerptum opusculum. F~MM's, Franciscus Stephanus. In-8°. Préface à Guillaume Mustel, chanoine de Soissons, principal du collège de Beauvais (de la maison de S. de Colines, 17 août 1543).


1543- –35. Petri Rosseti. Christus secunda aeditio. Parisiis, Simon Colinaeus, octobre. In-8°. Préface à François I"' (de la maison de S. Colines, 18 octobre 1543) pièces de vers. –26. Politicorum libri octo. Œconomicorum duo. Parisiis, Simon Colinaeus. In-fol. Pièce de vers.

37. Basilii illius Magni de liberalibus studiis. Parisiis, I.M~)U!CM$ Grandin. In-8°. Préface à Guillaume Mustel. 28. Periarchon grammatices opusculum. authore Jeanne Demaretho. Padsiis, Simon Colinaeus. In-8°. Pièce de vers. 29. Syntaxis Jo. Despauterii, a Sebastiano Duisburgensi. redacta. Parisiis, 5't~oK Colinaeus. In-8°. Pièce de vers. 30. Annotationes Huberti Sussannaei, in contextum totius artis versincatoriae, quam Jo. Despauterius carmine complexus est. Adjectum est epithalamium D. Michaëlis Hospitalis et D. Marise Morinse. Item ecloga Sylvius inscripta, et carminum farrago. Secunda seditio. Parisiis, Simon Colinaeus. In-8°. Préface à. Michel de l'Hospital, différente de celle de l'édition de 1542. Quatrième recueil de vers.

31. Brevissima. conficiendarum epistolarum formula, per Des. Eras. Roterodamum. Parisiis, Simon Colinaeus el Franciscus ~aMMS. In-8°. Pièce de vers.

32. Divi Germani quondamAltissiodorensis episcopi vita. autliore Herico benedictino Altissiodorensi. Parisiis, Simon Colinaeus. In-8°. Pièce de vers.

38. Tabulae Joannis Murmellii Ruremundensis in artis componendorum versuum rudimenta. Parisiis, Simon Colinaeus. In-8°. Pièce de vers.

34. Lucanus. Parisiis, Simon Colinaeus. In-i6. Pièce de vers.

35. Patelinus, nova comœdia, alias Veterator, è vulgari in latinum traducta per Alexandrum Connibertum. Parisiis, Franciscus Stophanus (Simon Colinaeus, exc.). In-8°. Pièce de vers.

36. Vita martyrum clarissimorum Gervasii et Prothasii fratrum, cum luculenta civitatis Suessionensis (cujus illi sunt Divi tutelares) descriptione, per H. Sussannasum ejusdem loci dveni. Parisiis, Simon Colinaeus. In-4". –Préface à Guillaume Mustel; poème en deux livres.

37. Valerius Maximus. Parisiis, Simon Colinaeus. In-i6. Pièces de vers.

38. Laurentii Valise elegantiarum adeps, per Bonum Accursium Pisanum. collectus. fa~tM, Simon Colinaeus. In-8°. Pièce de vers.


1543. 39. P. V. Maronis Tityrus ecloga, allegorica interpretatione illustrata, per Ioan. Bello&lium. J'a~tSM's, Simon Colinaeus. In-8°. Pièce de vers.

1543 (~544' n. st.). 40. Horatius. Nicolai Perotti libellus. de metris odarum Horatianarum. fa~Mt's, Simon Colinaeus, janvier. In-i6. Pièce de vers.

i543'i544' Ciceronis Orationes Parisiis, Simon Colinaeus. In-i6; 3 vol. Pièces de vers.

]:E~. 42. Orontii Fmaei Delphinatis, quadratura circuli.

Lutetiae Parisioru;n, Simon Colinaeus. In-fol. Pièce de vers.

43. Georgii Trapezontii dialectica. Parisiis, Simon Co/!Ma'~M~. In-8°, avril. Pièce de vers.

44. De resurrectione domini nostri Jesu Christi carmen, quo animorum immortalitas validis scripturn: sacras testimoniis asseritur, authore Hub. Sussannafo. Parisiis, Simon Colinaeus. In-4". Poème précédé d'une dédicace en vers à Michel « Granarius », professeur au collège du Plessis.

46. Disticha moralia, titulo Catonis inscripta. Parisiis, Nicolaus Buffet. In-8". Pièce de vers.

46. Eruditissimorum virorum vetustissima epitaphia, in M. T. Ciceronis mortem. Parisiis, CÂM'SMtM Wechelus. In-4°. Pièce de vers.

i~y. 4'7. De communibus octo partium orationis accidentiis. per Bernardinum Quercinum tholosatem. I.Mg'~<K! yo~MMe~ Pidier. In-8°. Pièce de vers à ses élèves de Romans, en Dauphiné.

I548. 48. Connubium adverbiorum id est elegans adverbiorum applicatio, et mirificus usus ex omnibus Ciceronis operibus, ordine alphabeti demonstratus, locis unicuique assignatis. Lutetiae, TVt'c. Dives. In~8". Préface à François [II], dauphin; à la fin « Sepultura christianissimi regis Francisci Valesii, principis Delphini, et ducis Aureliani » (12 vers).

49. Accentuum ratio brevissima ex Huberti Sussanaei collectaneis adauctis et locupletatis, cum distinguendi ratione. Parisiis, Reginaldus Calderius. In-8°.

1~0. 50. In obitum incomparabilis Margaritae, illustrissimae Navarrorum reginse, oratio funebris, per Carolum Sanctomarthanum. accessere eruditorum aliquot virorum, ejusdem reginœ epitaphia..Pa~'M'M, Reginaldus et Claudius Calderii. In-4.°. Epitaphe.

61. Probae Falconiae. centones, de fidei nostrse mysteriis. Ps~M!M, Prigentius Ca/MftM~s. In- Préface à Claude


Chomard, seigneur de Chamfort, prés Vienne-en-Dauphiné (Paris, 31 mai 1550).

1550- 5S Proverbia gallicana a Jeanne ~gidio latinis versibus traducta, correcta et aucta par H. Sussanaeum. ~*a~M«s, Prigentius Ca/fa~t'MMs. In-8°.

Enfin, on trouve des vers à lui adressés dans Philadelphiarum seu lusus fratemorum libri duo, authore Hieronymo Rupeo M. Castellano. Parisiis, P. Vidovaeus, 1537, in-4°, et dans Theodori Bezae Vezelii poemata, Lutetiae, ÇoK~~MS Badius et ~o~e~Ms 5'aMMS, 1548, in-8°, recueil dans lequel une pièce « ad Hubertum » le concerne. PU. RENOUARD.


L'ÉDITION ORIGINALE D'UNE FABLE DE LA FONTAINE

La Fontaine n'a pas emprunté le sujet de toutes ses fables à Pilpaï, à Ésope, à Phèdre et autres auteurs anciens quelques-unes lui ont été inspirées par des événements contemporains.

Une des fables du Livre VII, Le Curé et le Mort, fut composée à la suite de l'accident tragique arrivé aux funérailles du frère aîné du maréchal de Boufflers. Cette aventure macabre mit en émoi la société du temps et, le 26 février 16~2, Madame de Sévigné écrivait à sa fille « M. de Bouf« ners a tué un homme après sa mort il étoit dans sa bière « et en carrosse, on le menoit à une lieue de Boufflers pour « l'enterrer, son curé étoit avec le corps. On verse la bière « coupe le cou au pauvre curé. »

Sans tarder La Fontaine se mit à rimer sur ce singulier sujet et le o mars suivant Mme de Sévigné écrivait de nouveau à M°°" de Grignan « Voilà cette petite fable de La Fon« taine, sur l'aventure du curé de M. de Boufflers, qui fut « tué tout roide en carrosse auprès de son mort cet événe« ment est bizarre; la fable est.jolie, mais ce n'est rien au « prix de celles qui suivront. Je ne sais ce que c'est que ce « pot au lait. »

La fable avait donc été envoyée à Madame de Grignan,


mais sous quelle forme, manuscrite ou imprimée ? Les différents éditeurs de La Fontaine ont posé la question sans la résoudre, la fable Le Curé et le Mort n'apparaissant que dans le troisième volume des Fables de ZLa Fontaine daté de 16~8. Nous avons eu la chance de trouver l'explication du passage demeuré obscur de la lettre de Madame de Sévigné en mettant la main sur un petit opuscule en deux feuillets de format in-8" contenant la fable imprimée séparément. La Fontaine, son poème terminé, avait fait tirer pour quelquesuns de ses amis les vers qui lui avaient été inspirés par la mort étrange du pauvre curé.

La pièce n'a qu'un titre de départ, imprimé en caractères italiques, précédé d'un en-tête typographique (un vase entre des branches de feuillage).

La fable occupe trois pages et le verso de la dernière est blanc. Le texte présentant un certain nombre de variantes avec celui revu et publié par La Fontaine en 16~8, nous transcrivons en entier le texte original

LE CURÉ ET LE MORT

Un mort s'en alloit tristement

S'emparer de son dernier giste

Un Curé s'en alloit gayment

Enterrer ce~mort au plus viste.

Nostre Défunt estoit en carosse porté, Bien et dûment empaqueté,

Et vestu d'une robe, hélas 1 qu'on nomme Biere,

Robe d'Hyver, Robe d'Esté,

Que les morts ne dépoüillent guere, Le Pasteur estoit à costé, j

Et-recitoit à l'ordinaire

Maintes devotes Oraisons,

Et des Versets et des Réponds, Et des Pseaumes et des Leçons'

Dans l'édition de 16~8, ce vers est placé avant celui qui précède, s


Monsieur le mort laissez-nous faire;

On vous en donnera de toutes les façons

Il ne s'agit que du salaire.

Messire Jean Choüart couvoit des yeux son mort, Comme si l'on eust pu~ luy ravir ce tresor.

Et des regards luy sembloit dire";

Monsieur le mort vous me vaudrais*

Tant en argent, et tant en cire,

Et tant en autres menus frais*.

Il fondoit là-dessus l'achat d'une feüillette

Du meilleur vin des environs.

Certaine niepce assez propete,

Et sa chambriere Pasquette g

Devoient avoir des cotillons.

Sur cette agreable pensée

Un heurt survient; adieu le char

Voila la Biere renversée"

Voila Messire Jean Choüart

Qui du choc de son mort a la teste cassée.

Le Parroissien en plomb emmeine'' son Pasteur Messire Jean suit son seigneur~

Tous deux s'en vont de compagnie.

Proprement toute nostre vie

Est le Curé Choüart qui sans son mort contoit", Et la farce'" du pot au lait.

w

Les modifications apportées au texte montrent avec quel soin La Fontaine perfectionnait son œuvre.

i.deui~~tOtt~MM.

a. sembloit luy dire id.

3. Monsieur le mort j'auray de vous id.

4. Et tant en autres menus cousts; id.

5. Pâquette id.

6. Ce vers est supprimé dans l'édition de 1678.

7.entratne;M?'

8. Nostre Curé suit son Seigneur; id.

o. qui sur son mort eomptoit; id.

lo.iaNe;

<


On ne citait, jusqu'ici, qu'un seul exemple d'une fable imprimée séparément la fable intitulée Le Soleil et les G~MOMtHës, qui se place à la suite du douzième livre'. La pièce est une satire politique dirigée contre la Hollande et elle a probablement été distribuée dans ce pays. On en connaît deux éditions différentes qui ont été décrites par M. le comte de Rochambeau jBtMï'og'y~Ate des ŒM!M La Fontaine, Fables, n°' 11 et 12.

Un seul conte de La Fontaine les Troqueurs, a été signalé comme ayant été publié en livret isolé. C'est un petit opuscule de quatre feuillets dont on ne cite que deux exemplaires, celui de la Bibliothèque Nationale et celui ayant appartenu à Walckenaer et au comte de Lignerolles (C'" de Rochambeau, Bibi. de Za Fontaine, Contes, no 100). La rareté de ces plaquettes permet de penser que La Fontaine n'a pas souvent fait imprimer ses Contes ou ses Fables isolément. Les bibliophiles sont trop à l'affût de ces curiosités pour qu'elles puissent échapper à leur attention et des découvertes de cette nature seraient rapidement signalées. ÉDOUARD RAHIR.

l. Une fable portant le même titre se trouve dans le VI' livre.


LA PREMIÈRE

TRADUCTION FRANÇAISE

DU

LAZARILLO DE TORMES

(1560)

L'ancêtre des romans picaresques, le fameux Lazari'lo de Tormes, fut longtemps attribué à Hurtado de Mendoza par les bibliographes, mais cette opinion rencontra des adversaires décisifs, comme M. Morel-Fatio', et récemment M. Julio Cejador y Frauca~ proposa de reconnaître l'auteur du Lazarillo dans un certain Sebastian de Horozco qui mourut après 1578, ayant passé son existence à Tolède où il exerça une charge de judicature et d'administration municipale. Sebastian de Horozco est l'auteur d'un Cancionero et de Refranes glosados en verso; en prose, d'une jRcco~MO~ ~MS y adagios comunes y vulgares en Es~a et d'une Co~cMOM de varios sucesos. Pour justifier son attribution, M. Cejador y Frauca établit des rapprochements entre le Lazarillo et divers passages du Cancionero; il retrouve dans i. Études sur ~'B~gM~, 2* éd., P., 1895, iti-S", t. I, ch. 11, pp. 109-166. a. La vida de Lazarillo de 7'oymM y de sus fortumas y s~MM!'ds~s, edicion y nota; de /!<Ko C~'a~o~ y Frauca, Madrid, tgi~ M-8" (Clasicos castellanos, ediciones de la Lectura *).


les deux oeuvres des expressions semblables, des allusions aux mêmes événements, la mise en scène des mêmes personnages et le même esprit hostile au clergé.

Quel qu'il soit, l'auteur de ce roman est justement considéré comme l'un des plus remarquables de la littérature espagnole où il apporta une formule nouvelle, celle du roman picaresque, du roman national. Peu de temps après son apparition, le Lazarillo fut traduit en français, mais cette traduction venait avant l'heure, elle détonna dans l'ambiance littéraire contemporaine et passa inaperçue de lecteurs n'acceptant que les seuls Amadis. Cependant elle est bien digne de mémoire, cette vieille traduction qui fit connaître pour la première fois à la France un roman d'une composition toute moderne et d'un réalisme singulièrement simple. Elle vit le jour à Lyon en 1560

LES FAITS MERVEILLEUX, ENSEM-Ilble la vie du gentil Lazare de j) Termes, Lyon, Jean Saugrain, 1560 (v. ~~o~.). [A la fin :] Imprimé à Lyon par Iean Pullon, dit de Trin.

Pet. in-8", 76 ff. ch. et 2 ff. n. ch., le dernier blanc; sign. A-I par 8, K-6; lettres ornées, manchettes, une fig. sur bois. Au v° du titre, huitain au lecteur; épître de Jean Saugrain à Sébastien de Honoratis; f. 77 [n. ch.], petite figure représentant un paon et pièce de seize vers intitulée Le ~t~oMef d'orgueil <Ma~ par le naturel ~M Paon, cômmença.nt ainsi Le superbe Paon regardant son plumage. (BIBL. PART.) 1.

Dans l'épître que le libraire Jean Saugrain adresse à son confrère Sébastien Honorat, on remarque ce passage A ceste raison voulant commencer selon ma petite force et pouvoir, vous monstrer partie de l'obligation à quoy je vous suis tenu Ne sachant comme mieux le pouvoir faire sinon le redigeant par escrit, afin que tous eussent cognoissance, à l'exemple et imitation du grand Roy Alexandre, lequel ayant destruit Daire le i. Cet exemplaire, seul connu, a figuré à la vente du comte de Bt-hague (cat. i88o, n" nos) où il fut acquis par son possesseur actuel, M. EmmanuelBocher, qui a bien vou!u m'en donner communication.


grand Roy des Perses, et ayant trouvé entre les despouilles, et riche Thresor d'iceluy un Escrin tout estophé de pur or et pierres precieuses de prix incomparable, sur lequel plusieurs des Princes ces familiers amys luy donnoyent avis de l'employer à divers usages, chacun selon la phantasie de la tresprecieuse chose qui digne luy sembloit d'estre enclose en ce precieux coffret. Toutesfois comme

LES FAITS MERVEILLEVX, ENSEMble la vie du gentil Lazare de. Tommes, & les terribles.

.maniures à luy aue-

nues en diuer&

~eu&.

t~M/Off~d~Ht <&M?<:Mf, <<M~M~Mt <C)-M MM~ft tt~M notables Û* propos Aft* <&<<«. <<r < MMtot~MMt <)'~ <A«<Mn. Traduit nounefIemeKt d'Espagnol enFMn~oy~p~t I. G.~e L

A LYON,,

Par lean Sâugrai~ t o..

personnage belliqueux et endurcy aux armes, ne se souciant d'onguentz, fards ne parfums Soit,' dit-il, ce tresriche thresor approprié à la garde de la tresnoble et riche poësie d'Homere, afin que le plus precieux œuvre de l'esprit humain soit conservé et gardé dans le plus precieux ouvrage de la main d'homme. Laquelle chose faisoit Alexandre pour eterniser la memoire de si grande richesse. J'ay aussi voulu la recognoissance de vostre liberalité, procedante de vostre singuliere vertu envers tous et principalement envers moy apertement manifestée, reduire à continue memoire, et jaçoit que


non en livre semblable ny moins approchant à la moindre partie de la dignité de ceux d'Homere Neantmoins tel que la lecture d'iceluy pourra donner plaisir et contentement à plusieurs. Chacun aussi ne se delecte, ny prent plaisir en lecture de faictz héroïques. J'ay mieux aymé, veu qu'autrement ne le pouvoye faire, remercier vos plaisirs et honneurs en mon endroit, vous offrant et dediant cette telle quelle traduction Esperant que la prendrez (dequoy faire je vous supplie) en bonne part attendant de moy meilleur et plus comble service, quand mauvaise fortune qui me chasse trouvera moins de lieu en mes affaires.

Cette traduction réunit au premier Lazarillo espagnol un chapitre de la seconde partie qui complète fort bien la première. L'année suivante, elle eut à Paris une nouvelle édition

L'HISTOIRE ~) PLAISANTE ET Il FACETIEVSE DV Lazare de Termes Efpagnol. ETV LAQVELLE ON PEVLT Il Recongnoifbonne partie des meurs, vie e~ conditions des Efpagnolz. [marque analogue à Silvestre, n° 282] Il PARIS, Il Pour 7aM Longis &~ Robert le Mangnier Libraires, en ~M~ boutique au Palais, en la g~~M ou OM va à la Chancellerie. j) AVEC f2:IV/rEGE.

In-8", 39 ff. ch. et i f. 'n. ch. pour le privilège sign. A-G par 8, H-~ manchettes, bandeaux, lettres ornées. Privilège pour six ans accordé à Vincent Sertenas le 24 avril 1361. (Ans., B.-L. 176968°)'.

Le titre, on le voit, est complètement modifié; les libraires insistent sur le caractère étranger de l'ouvrage. Pas plus que la précédente, cette édition n'obtint de succès, mais le texte subsista'et servit encore pour les traductions, augmentées de la seconde partie, publiées à Anvers en 1~94 et en 1598. i. Un autre exemplaire, réuni à l'édition originale des Propos rustiques dans une reliure de maroquin vert aux armes de J.-A. de Thou et de Marie de Barbançon,' sa femme, a figuré en dernier lieu à la vente du comte de Lignerolles (cat. 1804, 1882). Il provenait de Sir Richard Heber et de J.-Cb. Brunet.


Du Verdier* ignore l'auteur de cette traduction. La Croix du Maine2 l'attribue au libraire Jean Saugrain, ce que Brunet (III, col. 385) confirme de son autorité Aucun n'a eu sous les yeux l'édition originale, sans quoi la mention T~duit nouvellement d'Espagnol en François par I. G. ~Z,. leur eût évité de faire intervenir Jean Saugrain dont l'épître dédicatoire est si gauchement tournée qu'une légère équivoque a pu tromper Brunet sur son rôle véritable. La Monnoye, en note de La Croix du Maine, a déjà rectifié cette erreur et proposé Jean Garnier de Laval dont les initiales correspondent à celles qui figurent sur le titre de l'édition de 1560.

Que I. G. de L. puisse se lire Jean Garnier de Laval, cela est incontestable, mais c'est aussi la seule valeur de cette conjecture. Le poète Jean Garnier, « sieur de la Guiardiere, natif de Laval au Maine )) n'est connu que par un court article de La Croix du Maine et l'hypothèse de La Monnoye en sa faveur me semble fort précaire. Avant de recourir à Jean Garnier, ne faut-il pas rechercher dans le milieu littéraire lyonnais ou parmi les auteurs des régions voisines un nom qui corresponde aux initiales indiquées? Le lieu d'origine étant plus fréquemment exprimé par un adjectif, ne faut-il pas penser que de L. désigne un nom propre? Je venais d'abandonner des recherches demeurées infructueuses quand j'ouvris un volume daté de 1560, Le premier livre des vers de Marc Claude de Buttet 3. Le hasard voulut que ce fût précisément à la page où se lit l'ode à JEAN GASPARD DE LAMBERT, gentilhomme savoisien, lequel répliqua par une ode latine que l'on trouve plus loin dans le même volume.

i. Ëd. Rigoleyde Juvigny, t. II, p. 6~7.

z. M., t. II, p. s8S.

3. P., M. Fezandat, 1560, m-8*, S._i9 v* et 75 v°.


Jean Gaspard de Lambert, né à Chambéry, était fils de Denise de Pollier et de Pierre de Lambert, seigneur de la Croix, conseiller et président de la Chambre des Comptes de Savoie, qui fut chargé d'ambassades importantes de 1523 à 1538 et laissa des Mémoires sur la vie de Charles duc de Savoie publiés dans la collection des Monumenta A~o~~ i! On ne sait à peu près rien de sa jeunesse"; les vers que lui adresse Marc Claude de Buttet donnent à penser qu'il cultiva le droit et l'éloquence, puisque Calliope eut pour lui des attentions particulières

La restauration du duché de Savoie changea brusquement le sort de Jean Gaspard de Lambert. Quelques mois après le traité du Cateau-Cambrésis, le duc Emmanuel Philibert le nommait ambassadeur en Suisse. Jean Gaspard de Lambert, conseiller de Son Altesse et gentilhomme de sa i. Cf.C'* de Foras, Armorial et nobiliaire de l'ancien duché de Savoie, Grenoble, in-M., t.III, 1893, pp. 2:3-226;– Fr. Capré, Traité historique de la Chambre des Comptes de Savoye, Lyon, 1662, in-4", p. 252; Monumenta historia: patrice, Scriptorum tomus I, Turin, 1840, in-fol., pp. 8~.0-920.

2. Fr. Mug~ier, Marc Claude de Buttet, poète savoisien, et ses amis, P., 1896, in-8', pp. 10~-900.

Quand bien jeune tes guides

Les saintes Pegasides,

Desirant te loger,

Sus leur haut mont te mirent Et en dormant t'y firent Leurs beaux secrets songer. Entre elles Calliope

Te baisant, enveloppe

Du rameau triomphant L'or crespu de ta teste, Comme propre conqueste De son tant cher enfant. Car le ciel qui l'ordonne Ains que sois en Automne T'a rendu fructueux

Faisant de ta jeunesse

Une sage vieillesse

Tant es tu vertueux.


Chambre, seigneur de la Croix et seigneur de la Colliette en partie, figure comme ambassadeur ordinaire aux Ligues de décembre 1559 à 1565. Il joua en cette qualité un rôle assez actif, ainsi qu'en témoigne sa correspondance diplomatique conservée aux archives de Turin 1. On trouve encore son nom comme ambassadeur dans les lettres patentes du 28 janvier 1565, mais il n'occupait déjà plus son poste à cette date, car le ier janvier 1565, Emmanuel Philibert nommait Gauvain de Beaufort agent intérimaire en Suisse. C'est vers cette époque qu'il dut mourir, et le testament de Pierre de Lambert, prince-évêque de Maurienne, nous apprend qu'il expira en Guyenne, à Bazas, au cours d'une mission'.

Le iM février 1565 [v. s.?] les deux filles qu'il avait eues de son mariage avec Claudine de Belly étaient sous la tutelle de leur grand-mère, Denise de Pollier. L'aînée, Denise-Françoise, baptisée le 4 octobre 1561, épousa Claude-François Pobel, seigneur de Pressy; la cadette, Jeanne, baptisée le 31 mai ou le 3 octobre 1563, épousa par contrat dotal du 13 novembre 1582 Jean de la Forest, seigneur de la Barre. Claudine de Belly se remaria avec Raymond Pobel, président au Sénat de Savoie, et testa le 22 juin 16223.

LOUIS LOVIOT.

i. Lucien Cramer, La .SftgM~f~f de Genève et la maison de Savoie de ~.M9 à 1603, Genève et P., 1912, in-8", t. p. 68 et passim.

2. Il avait déjà été envoyé en mission en France, à Ortéans, en décembre 1560. 3. C'* de Foras, c.

TOMBtt. i~


NOELZ NOUVEAUX

POUR L'ANNÉE

Chaque année, aux carrefours et sous le porche des églises, on vendait pendant le mois de décembre d'humbles livrets contenant les noëls nouveaux composés sur l'air des chansons à la mode. On entendait crier

A deux liards les chansons tant belles 1.

Les noëls, comme les almanachs et les pronostications, étaient des publications périodiques répandues entre toutes les mains. Il est facile de comprendre combien peu de ces livrets du xvie siècle sont parvenus jusqu'à nous, selon cette loi qu'un imprimé a d'autant moins de chances de conservation qu'il est tiré à plus grand nombre et vendu à un moindre prix. Aussi je considère comme une bonne fortune de ma carrière de bibliophile la découverte du petit recueil dont voici la description

NOELZ NOV-))VEAVX. Paris, Jean Bonfons, 1562 (~. reprod.).

In-8°, 8 ff. n. ch., sign. A-B par fig. sur le titre, lettres ornées, caract. ronds. (BIBL. PART.).

i. Chanson nouvelle de tous les cris de Paris, sur le chant de la volte de Provence (Sommaire de tous les recueils des C/)<!)MO)M. P., Nicolas Bonfons, 1576, in-i6, f. 64).


MOELZ NOVV E A V X.

Satie chant des Chantons de cc~ présente Année, M.Hcinqcen$ {bixaMe & deu~, donc les

noms s'enfuyuenccy &

près en la Table.

A PA.KIS,

PpupYcan Ëonfbns, ruenenueno~re

D'amer r~~eïgMjMn~Nicoïas.

Il renferme cinq noëls

i. Noel nouveau sur la. chanson

Elle est tant belle

Et ~a~/at'C~ à mon gré.

Or chantons tous Noel

Pour la vierge pucelle,

Qui le Roy Eternel

Nourrist de sa mamelle,

Elle est tant belle

Et parfaicte à son gré,

Que pour mere et ancelle

La voulu honnorer.


2. Noel nouveau sur le chant

Ha la voila la belle qui s'en va,

Elle dict qu'elle est malade,

Qu'elle ne dancera ~~S.

Joseph cherchoit logis

En Bethléem jolye,

Menant avecques luy

Son espouse Marie,

Il la menoit la belle par la main, Elle estoit fort malade

De son fruict souverain.

Ha le voila nostre Dieu qui est né Chantons trestous ensemble

A haute voix Noel.

3. Noel nouveau sur la chanson de Pienne, chant

nouveau.

Une vierge debonnaire,

Tant honneste

De la lignée de Syon

Estant dans son oratoire, En priere

Luy vint grande vision. (bis)

4. Deploration de la mort de Jesus Christ. Sur le chant du bel Adonis.

Cessez de plus implorer

La muse Caliopée,

Et vous autres de pleurer

Le desastre de Pompée. (bis)

5. Noël nouveau sur le chant Des ~i't'c/!<MM; à la reistre, Sus debout Bergerottes

Et tous les Pastoureaux.

Tous ces noëls sont inconnus~, ainsi que leurs timbres, i. Une bibliographie générale des noëls reste à faire. On trouvera d'utiles indications dans la thèse de M. Lôpetmann, Das Weihnachtslied der FfSMM~tt und


sauf le chant de Piennes' et celui du bel Adonis~ que l'on rencontre assez fréquemment dans les chansonniers contemporains. Il faudrait reproduire tout le recueil; je me contente de transcrire la dernière pièce, charmante par sa naïveté

Sus debout Bergerottes, Et tous les Pastoureaux, Laissons dedans les grotes Repaistre noz Thoreaux, Allons trestous

En Bethléem Judée, (bis) Nostre Dieu y est né

La chose est asseurée.

Perrin prens ta houlette, Avec ton flajollet,

J'ay dedans ma mallette Encor un pain mollet.

Gaignons le pas

Pour voir le filz Marie, (bis) Qui est né icy bas

Dans une bergerie.

J'ay ouy à ceste heure

L'Ange du ciel, qui dict Jésus, c'est chose seure, Ainsi qu'il est predict,

Est arrivé

Pauvrement en ce regne, (bis) Allons chanter Noel

Sans craindre nostre peine. Michaut tu me fais rire, Avecques ton baston

De demourer derriere

Comme un vieux rogaton,

der übrigen romanischen Wôlker (Berlin, 1913), publiée dans les Romanische Forschungen, t. XXXIII.

i. Les amours malheureuses de Jeanne de Halluin, demoiselle de Piennes, fille d'honneur de la reine, avec François de Montmorency, firent grand bruit en 1556 (cf. Alph. de Ruble, François de Montmorency, dans les Mém. de la Soc. de l'Hist. de Paris et de <Ff<!ttc<, t. VI, 1880, pp. 200-234). La chanson se trouve dans le Recueil et eslite de plusieurs chansons. Anvers, 1576, in-16, f. 153; elle a été reproduite par Le Roux de Lincy, Recueil des chants historiques français, P., 184.2, 2 vol. in-12, t. II, p. 204..

2. La Deploration du bel ~4~oMM Laissez la verde eoM~Kf. est un poème fort connu de Mellin de Saint-Getais (éd. P. Blanchemain, 1873,1.1, p. 127).


Et toy Noollin

Qui fais ceste gambade, (bis) Tu auras de Collin

Une joyeuse aubade.

Sus sus que Ion debusque

Pastoureaux de leans,

Cheminons encor jusque

Nous verrons Bethléem,

Tiens le voicy

Entrons dans ceste grange, (bis Je voy desia icy

Ce que nous a dict l'Ange. Alors Michaut s'avance

Met la main au chapeau,

Faisant un tour de dance

A la main d'Ysabeau,

Ilz vont au son

D'une grand Cornemuse (bis) Mais le jeune enfançon

A ce jeu ne s'amuse.

Entre les bras sa mere

Doucement allaicté

Le grand Roy de la terre

Fut en ce poinct traicté,

Prions le tous

Qu'a la fin il nous maine (bis) Avecques luy lassus

En son heureux demaine.

LOUIS LOVIOT.


FRANÇOIS DE LOUVENCOURT SEIGNEUR DE VAUCHELLES

(1568-1638)

Dans le supplément au catalogue de sa Bibliothèque poétique, Viollet-le-Duc signale de façon particulièrement engageante un auteur très ignoré, François de Louvencourt, dont les ouvrages sont d'une rareté extrême « Contre l'usage des poètes de son temps, dit-il, Louvencourt est plein de naturel et de naïveté. »

Il n'en fallait pas davantage pour me décider à le lire et à entreprendre sur ce gentilhomme picard quelques recherches biographiques. J'ai rencontré plus de documents que je ne l'espérais~ il s'agit d'un personnage assez considérable dont l'œuvre disparate mérite à plus d'un titre de retenir l'attention.

f

Je suis d'une famille aussi riche de biens

Qu'il s'en puisse trouver dans la ville d'Amiens.

Cette assertion de notre auteur est parfaitement justii. Une excellente notice lui a été consacrée par J.-J. de Court dans ses M~fMOM'M chronologiques qui peuvent servir !'A:S<OM'< ecclésiastique et civile de la ville d'Amiens (BIBL. NAT. Ms. fr., Picardie i-z, t. II, pp. 579-581); celle du P. Daire dans son Histoire littéraire de la ville d'Amiens (P., 1782, in- pp. oi-o<t) est moins précise et celle de Guillaume Colletet est aujourd'hui perdue. La notice biographique de M. Lachèvre (Les recueils collectifs de poésies libres et satiriques, P., 1914, in-4°, pp. 273-276) est malheureusement erronée.


née les Louvencourt comptent parmi les plus importantes familles de Picardie et leur nom se retrouve à chaque page de l'histoire d'Amiens où ils vinrent habiter vers le milieu du xve siècle, quittant le village de Louvencourt et celui de Vauchelles-lès-Authies, dans le canton d'Acheux, à quatre lieues au sud-est de Doullens 1. François de Louvencourt, qui portait ~'o~ trois têtes de loup arrachées de sable, posées deux et une, naquit vers le mois d'avril 1568. Son père, Jean de Louvencourt, écuyer, seigneur de Vauchelles, conseiller au bailliage d'Amiens, mourut le 13 juillet 1568 quand son fils unique n'avait encore que trois mois~ et, l'année suivante, sa veuve, Jeanne de Sacquespée, demoiselle de Selincourt, se remaria avec un autre conseiller au bailliage, Jacques Picard, écuyer, sieur de Souvillier, qui fut ensuite lieutenantgénéral criminel d'Amiens de 1587 à 1601 et soutint pendant la Ligue un rôle assez difficile. Le jeune François devait conserver une grande reconnaissance à son beau-père pour les soins dont celui-ci l'entoura dès le berceau, malgré qu'il eut d'autres enfants. Par la suite, il remercia le brave homme dans un Discours en vers où il rappelle son enfance et sa jeunesse"

Le jour vous me mettiez à table aupres de vous

Et la nuit où le Somme avec son pavot doux Charme l'ceil, vous vouliez comme en sujet qui touche Qu'on meist mon petit lit tout pres de vostre couche. Il me souvient d'avoir mille fois entendu

Que de peur que je fusse en dormant morfondu Vous vous leviez du lit et d'une ardente cure Restendiez sur mon corps la froide couverture. Quelquefois vous m'alliez prenant entre vos bras Et me portiés dormant prés de vous en vos draps, Puis me pressiez, foiblet, tant que la chaleur forte Jusqu'à l'Aube du jour rendist ma froideur morte

i. Cf. Comte A. de Louvencourt, Notice sur les familles nobles existant actuelle)K6?t< dans le département de la Somme, Abbeville, 1909, in-8", t. I, pp. 221-225 et les références indiquées par l'auteur; A. de Cardevacque, Le canton d'Acheux, Amiens, 1883, in-8' pp. 273-279 et 385-386.

2. Amours, f. 48 r°; Daire, c., p. 563.

3. Amours, 1~.9-155.


Lors de mille gaitez dont parlant et sautant Je pouvois m'adviser, je vous rendois content. Nul tant hardi fut-il ne m'eust point ausé nuire, Ne m'eust point auzé battre, ou point auzé mot dire, Vous vouliez que chacun s'accordast avec moy Nul ne vous eust prié d'aller manger chez soy Que je n'y fusse allé, vous suivant par derriere, Comme le jeune Ascagne alloit suyvant son pere. Qui peut imaginer le plaisir que prenoit

Avec Astyanax Hector quand il venoit

Du conseil pour la guerre ou quand tout clair de gloire Il rentroit remportant des Grecs quelque victoire Tel il croira qu'estoit le soulas et l'esbat

Que vous preniez de moy retournant du Sénat. Ore un procés civil où l'on ne voyoit goutte, Et ore un criminel vous mettoit l'âme en doute, Vous alloit chagrinant, et tantost au parquet Un plaideur vous alloit gesnant de son caquet Si tost que vous aviez jette sur moy la veuë, Aussi tost comme on voit disparoitre une nue, Ces procès, ces chagrins, et ces bruits de devant Vous sortoient de la teste et s'en alloient au vent.

Le passage n'est-il pas charmant? Viollet-le-Duc a raison, de semblables tableaux intimes sont bien peu nombreux chez les poètes du xvi~ siècle.

Quand le jeune garçon fut à l'âge de l'étude, son beaupère le confia aux soins de deux précepteurs l'un, Godebert, lui apprit la morale et la piété, l'autre, Jean des Caurres i, ami de Ronsard, de Belleau, de Jodelle, de Dorat, d'Amadis Jamyn, lui enseigna le français, le latin, le grec, et guida ses premiers pas sur le chemin du Parnasse, au grand désespoir de Jacques Picard qui ne voyait pas sans appréhension le goût de plus en plus vif que son beau-fils manifestait pour la poésie. Afin de mieux le prévenir, le brave homme lui faisait lire, écrire, et répéter les vers dans i. Jean des Caurres, principal du collège et chanoine de Saint-Nicolas d'Amiens, écrivit de nombreux ouvrages (cf. La Croix du Maine, éd. R. de J., I, p. 472 Du Verdier, id., II, p. 373). Il mourut à Paris le 17 mars 1587 et son ancien élève composa une épitaphe à sa louange (Amours, f. 187 r°).


lesquels Ovide rapporte que son père lui représentait sans cesse la pauvreté d'Homère–rien n'y fit 1 François s'enfermait fréquemment dans sa chambre pour écrire un sonnet et, chaque nuit, il en composait deux ou trois sans chandelle, avant de s'endormir, qu'il dictait le matin à un valet faisant office de secrétaire. Étant écolier à Paris, au collège des Chollets, il fit quinze ou seize odes latine? fort courtes et de différentes mesures qu'il adressa pour étrennes à ses parents et amis le i~ janvier 1586 selon le témoignage de J.-J. de Court, ces odes furent réunies en recueil et imprimées cette même année sous le titre ya~Ma~M.

Cependant la poésie ne l'absorbait pas tout entier; il avait quelque dix-huit ans, menait joyeuse vie, dépensait largement, passait une bonne partie de son temps au jeu de paume, dînant aux meilleurs cabarets avec la jeunesse dorée d'Amiens

Nous avons ce malheur au moins en Picardie

Que s'un homme ne boit ou s'il n'est au tripot,

On ne fait cas de luy tout non plus que d'un sot

Il ne tarda pas à devenir amoureux et les vers où s'épancha son amour juvénile parurent dix ans plus tard chez le libraire parisien, Georges Drobet 2

LES j) AMOURS ET Il PREMIERES ŒWRES Il Poëtiques. Paris, Georges Drobet, 1595 (~. ~~o~.).

In-8"; R. lim. n. ch., le dernier portant au verso le portrait de l'auteur, signé T. <L. 193 ff. ch. et 7 ff. n. ch. pour l'erratum et la table, le dernier blanc; sign. à, A-Z, Aa-Bb par 8.

Ff. lim. Dédicace à la princesse de Longueville, Catherine d'Orléans sonnet de l'auteur à la même; sonnet de A. Le Vasseur, conseiller en la cour de Parlement; anagr. de l'auteur Tu es un roc, un roc <~ Foy et sonnet de Jean de Boufflers, seigneur de Rouveray, gentilhomme picard; sonnet de Paul Juge, gentilhomme lyonnais; I. Amours, f. 46 V".

2. Ce libraire-relieur ne savait pas signer son nom (Ph. Renouard, Imprimeurs parisiens, P., 1898, m-8°, p. M3 n.). D'après J.-J. de Court (!. c.), le volume fut imprimé par Léger de Las.


pièce latine de J. Daynval, gentilhomme amiénois, seigneur du Maucreux anagr. de l'auteur Fleu-yo-n d'un docte sçavoir et pièce de S. du Fresne, d'Amiens; anagr. de l'auteur Tu tus au ciel co~OMM~ ~'o~ et L E S

AMOVRS ET

PREMIERES OEVVRES Poëtiques deFRANcoisdc Louuencourt Seigneur de

Vauchelles.

.d r~t~yR~, BER~E, ET t;fr('<f<t/<- Pr<Mf< Mdf!nt!0)/eH< I.OM?M-~t& C A THEMNZ D'ORLEANS.

A PARIS,

Chez GtoRez D n o ? t T,Libraire & Rclieor du Roy, rue S. laques, au Sofol d'or, &: en fa boutique au Palais en la gticde allant à la Chancellerie.

M. D. X C V.

~HC( Pf;«;~f du Ruy.

sonnet de P. Mottin, de Bourges; sonnet italien de Renato Grossi, seigneur de San Geoirio, gentilhomme piémontais sonnets signés Dat cura quietem. C. D.; quatrain signé D. D.; dans le cours du volume sonnets de du Monin (R. 19 et 60 r°) de R. Digouart (f. 61 v°) de Charles de Flandres (f. 175 r°) de À. de la Morlière, chanoine de


N. D. d'Amiens (f. 17~ v°) à la fm sonnets de R. Va.uquelin, gentilhomme de Caen en Normandie; de F. Langlois, secrétaire de M. de Souvray; de I. E. D. M. PP. [Jean-Edouard du Monin, poète philosophe].

L'auteur adresse ses vers à M. Boullet; Fergon; M. Tardieu, secrétaire de Mgr de Longueville; au Roi entrant en la ville d'Amiens; au duc de Longueville; au comte de Saint-Pol; à M*" de Longueville; à Mgr d'Humières, lieutenant du Roy au Gouvernement de Picardie; à Mgr le vidame d'Amiens [Ph.-E. d'Ailly]; M'"° de Maubuisson; M"" Diane d'Estrée; M. Le Fèvre, seigneur de Caumartin, président du Grand Conseil; M. Picard, écuyer, sieur de Souvillier, conseiller du Roi et lieutenant-général criminel d'Amiens, son beau-père; M. de Selincourt, abbé de St-Evroult, son oncle; M. de Selincourt, gouverneur et bailli des ville et château de Montargis, son oncle M. de Selincourt et de Thesy, gentilhomme servant du Roi, son oncle; M. de Lan, trésorier général de France en Picardie, son oncle; M. Le Vasseur, conseiller à la Cour; M. de Herte, trésorier général de France en Picardie; M. Scorion, sieur de Bugueudet, procureur du Roi à Amiens, son oncle; M. de Lauzeray, gentilhomme picard; M. Daynval, écuyer, sieur du Maucreux, et M. du Gard, écuyer, sieur de Susanneville, ses beaux-frères; M. Dormy, prieur de la Madeleine; M. L'Anglois, secrétaire de M. de Souveray, gouverneur de Tours; M. de Boufflers, seigneur de Rouvray, gentilhomme picard; Paul Juge, gentilhomme lyonnais; Jean de Bourgogne, gentilhomme brabançon; Charles de Flandres; A. de la Morlière Mil. de Jars ou de Gournay; M. Le Scellier, fiscal de la ville d'Amiens; M"° de la Ramée; M. Raganne, secrétaire de M"" de Longueville L. D., avocat en Parlement; Jacques Gargan, sieur d'Autiulle, prévôt de Doullens; J. Boullet; M. de Louvencourt, prévôt du Roi à Amiens, son oncle; épitaphes de Mgr le duc de Longueville; M. de Saisseval, écuyer, sieur de Sailly, son cousin; M. de Glisy, écuyer, sieur de Ravenel; Jean Descaurre, après l'édition de ses CEMffM morales; Titeau, chien de M. de Selincourt et de Boissy, son oncle; Philippe de Sacquespée, mort à un mois, fils aîné de M. de Thezy, gentilhomme servant du Roi, son oncle; ;M"°Lorfeuvre, d'Abbeville M"s Marie Jouglair; M. Delessau, greffier de MM. de la ville d'Amiens. (ARs., B.-L. 66~1-8°, Rés.BESANÇON,B.-L. 2~.63). Les Amours et premières <~M!~s poëtiques sont divisées en quatre livres terminés tous quatre par la devise de l'auteur, i. la-complet du portrait de l'auteur; le portrait isolé se trouve à la BiM. Nat., Ms. fr., Picardie 2, p. 578 bis. Un exemplaire complet a figuré aux ventes Nodier [18~.4, n° 459), Viollet-le-Duc (1853, n" ~o) et Lignerolles (1894, n° ion).


~4~ës muerto que mutado. L'amante du poète n'est désignée que sous le nom d'Aurore et les vers composés à son sujet constituent les deux premiers livres; dans sa dédicace à M" de Longueville, François de Louvencourt déclare que les vers à Aurore ont été écrits les uns avant le voyage qu'il fit en Italie, les autres au retour, et qu'il se décide à les publier « espérant faire voir à la Seine et à la Loire qu'on fait aussi l'amour sur la Somme en Picardie, et si ce n'est avec d'assez belles parolles, comme ceux de ces quartiers là l'ont sçeu faire, c'est en eschange avecq beaucoup d'affection ». Ailleurs, il parle de son style « Je suis dit-il d'un naturel fort impatient aux vers, et que tels qu'ils coulent de ma plume, tels il faut que je les laisse, ayant peur que s'ils clochent de nature, au lieu de les guerir je ne les fasse boiter des deux hanches ou, s'ils vont droit, qu'en les replastrant tant de fois, ils ne ressemblent des poupées. » Accordons à Louvencourt le mérite d'une sincérité spontanée, mais reconnaissons que son premier amour s'exprime

par une littérature bien agaçante. Lisons ceci' 0 sein plus blanc que ne sont ces oiseaux

Qui vont chantant sur les bords de Meandre, Beau sein pour qui je trouve que Leandre Eust bien cent fois retraversé les eaux. Œil plus flammeux que ces astres jumeaux Qu'on voit leurs rais si clairement espandre; Bel œil, vrai nid où mille Amours nouveaux Tous les matins vont leur naissance prendre. Et vous tetons fermement arrondis Si je n'avois les doigts tant engourdis, Si je pouvois chanter ainsi qu'Homère, Sein, tu serois un pur estang de lait, Œil un Soleil, et toi, mont jumelet, Un vrai Parnasse au mignon de Cythère.

Quelques pages plus loin, le poète continue' Lors que sus un lit verd à demi corps panchée, Le chef sur le bras droit vous alliés sommeillant, I. Amours, f. 26 V".

2. Ibid., f. 31, r°.


.Et que vous faisiés place au Soleil violent,

Tenant de vos beaux yeux la lumière cachée, Je veis de votre sein sortir une nichée

D'Amours nouveaux esclos dont l'aisleron branlant Alloit autour de vous folastrement volant Vous 'qui m'avez au cœur mille traits decochée. Mon penser se meit lors à voler ainsi qu'eux, .Ores sur votre bouche, et or sur vos cheveux, Mais il ne preveit point la fin qu'il devoit prendre Car l'un de ces Amours, jaloux d'un si grand heur, Vous veint ouvrir les yeux et feit que leur ardeur Meit ses aisles en feu pour les réduire en cendre.

Portrait gravé par Thomas de Leu.

Que ces vers, choisis à dessein et si différents de ceux précédemment cités, n'aillent cependant pas faire accuser trop vite notre Louvencourt de parler phébus et de se montrer poète saugrenu. Non, il sait se rattraper par ailleurs, mais il faut bien avouer que ses longues et monotones


Amours, sans action qui les soutienne, avec leur vain et froid appareil littéraire, découragent le lecteur le plus patient. Ils sont nombreux, à la fin du xvie siècle, ces jeunes continuateurs des poètes de la Pléiade qui poussent au paroxysme les allures de leurs devanciers et dont l'amour s'épanche en des vers singulièrement abondants. Aujourd'hui, leur style semble odieux, mais les contemporains le jugeaient charmant et du meilleur goût. Avant de condamner ces jeunes poètes qui écrivaient de la sorte à dix-sept ou dix-huit ans, il faut se rappeler la mode de l'époque et le succès que rencontra le terrible Jean-Édouard du Monin 1, intime ami de Jean des Caurres, le précepteur du jeune François. L'intrigue éphémère que noua Louvencourt avec celle i. Le succès de Jean-Edouard du Monin ne dura guère; on reconnut bien vite l'extravagance de son oeuvre.. Pierre de Laudun d'Aigaliers écrit dans son Art ~o~'<?Ke franpois (P., du Breuil, 1597, in-i6, p. 247) « Un grand esprit ne voudras pas s'aller rompre la teste à expliquer les fantasies mal exprimées de leurs testes mal rabotées et, comme l'on dist à du Monin qui se glorifioit n'estre entendu que des doctes, il faudra donner à entendre leurs escripts au feu. Quelques année: plus tard, Vauquelin de la Fresnaye, pensait de même et mettait les jeunes poètes en garde contre le style affecté (Diverses poèsies, Caen, Macé, 1605, in-8", p. 72) il faut comme en la Prose,

Poète n'oublier aux vers aucune chose De la grande douceur et de la pureté Que nostre langue veut sans nulle obscurité o Et ne recevoir plus la jeunesse hardie A faire ainsi des mots nouveaux à l'estourdie, Amenant de Gascongne ou de Languedouy, D'Albigeois, de Provence, un langage inouy, Et comme un du Monin faire une parlerie Qui nouvelle ne sert que d'une moquerie.

Sur du Monin, cf. le chapitre que lui consacre M. Emile Picot dans ses Français italianisants au xvi' siècle (P., 1906-07, z vol. in-8",t. II, pp. 229-240). A la bibliographie donnée par M. Picot, ajoutons le RECVEIL II D'EPITAHES [sic] jj EN DIVERSES LANGVES COMPOSEZ II par plufieurs doctes hommes de Il France & autres, fur le trefpas de Jean Edouard du Monin, & de Jean Il des Caurres Principal du college )) d'Amiens, tous deux intimes amis, & fauants perfonnages. Il [fleuron] II A PARIS, II Chez Eftienne P~Mo/iteaM Libraire e~' .fMt~))~ demeurant au cloz Bruneau, ~fM puits Certain. Il M. D. L. XXXVII. Il in-12, 9~ pp. et 1 f. bl. [BiBL. NAT., Ln~ 6670]. Une épitaphe de ce recueil est composée par François de Louvencourt.

Voir aussi le sonnet Mo?t:M enfante-vers, dont la voix Pharamonde. (Cabinet satyrique, 1618, p. 566).


qu'il nomma Aurore est antérieure au mois de novembre 1586, c'est-à-dire à la mort de du Monin qui eut l'occasion d'apercevoir Aurore à l'église et félicita aussitôt le jeune amant par un sonnet débordant de l'admiration la plus vive~. L'aventure dura sept mois; elle eut pour cadre la ville d'Amiens. La belle n'était point libre, un « vieil Tithon » la s~veillait et son amant ne pouvait guère lui parler qu'à l'église, au bal, dans les réunions mondaines ou, par chance, le soir, à la brune, sous le porche de sa maison. Parfois, dans une île qu'encercle la Somme aux faubourgs de la ville, ils s'asseyaient à l'ombre d'un frêne sur le tronc duquel ils avaient gravé leurs noms si bien entrelacés qu'eux seuls pouvaient les lire. Un jour, elle lui donna un bracelet où deux cœurs réunis, percés d'une même flèche, souffraient d'une même blessure. Mais quelques baisers furent le seul gage de leur tendresse et si, certain soir, notre amoureux crut entendre sonner l'heure du berger, il hésita et n'alla pas plus avant.

Aurore ne tarda guère à porter ailleurs son souci. Louvencourt exhale sa douleur tout au long d'un second livre qu'il intitule les Amours de Z~co~e, jugeant impossible de conserver plus longtemps à l'infidèle le trop beau nom d'Aurore. Passons ces lamentations cependant supérieures au début du volume et où se rencontre à certaines pages une émotion simplement exprimée pour arriver au troisième livre, les Amours de Mellide, où la personnalité de l'auteur n'est plus en jeu. Le poète s'est ressaisi, le ton change, devient aussi naturel qu'il était alambiqué dans les Amours d'Aurore, et c'est, fort clairement conté, la tragique histoire d'une dame qui tant aima qu'elle mourut.

Pourvue d'un mari déplorable, Mellide accueille l'hommage d'un galant cavalier nommé Clephis. Tout favorise leur intrigue jusqu'au jour où le mari, ayant fait mine de partir en voyage, revint inopinément tandis que Clephis occu-

i.~MMM~.f.igr*.


pait sa place au logis. L'intervention d'une servante adroite sauve la situation; Clephis peut s'enfuir sans dommage, mais l'équipée refroidit considérablement son ardeur et, pour éviter le retour de semblables ennuis, il décide que le plus simple est de renoncer à sa maîtresse. Mellide met tout en œuvre pour ramener à elle l'indifférent, elle lui écrit les plus touchantes lettres, mais bientôt, voyant l'inutilité de ses efforts, elle commence à dépérir. Elle s'affaiblit de plus en plus et, comme consolation suprême, désire apercevoir son amant une dernière fois. Il y consent. L'infortunée se fait porter en chaise devant sa demeure, dans la rue. A la fenêtre, Clephis se penche un instant, mais, comme l'importune ne poursuit pas son chemin, il referme brusquement la fenêtre, excédé. La pauvre Mellide ordonne alors qu'on la reconduise chez elle, se regarde un instant au miroir et rend l'âme.

Cette aventure que Louvencourt donne pour véritable, se serait passée selon une allusion facile à entendre~–sous le règne de François II et Mellide serait la compatriote de l'auteur. Le récit est aisé, les personnages se meuvent dans un cadre familier au conteur, leurs sentiments sont réels, observés avec une intelligence adroite. Louvencourt ne subit plus l'influence de sa brumeuse Aurore, il abandonne le style de ses premiers essais. A cette nouvelle manière appartiennent également les Meslanges qui forment le quatrième et dernier livre des Amours et premières <xM!~s. Ces Meslanges se composent de vers aimables adressés à des parents ou à des amis, mais on y trouve aussi des pièces de nature assez variée, écrites au hasard des circonstances. Louvencourt y parle tout ensemble de son voyage d'Italie, de sa chienne Servante, du pigeon familier venant i- Au temps du jeune Roy sous lequel prit naissance

Le malheur ruineux qui gesne encor la France

Jeune Roy que la mort saisit aussi soudain

Que le ciel luy eust mis le sceptre dans la main.

Amours, f, 100 r°.

TOME II. j-


manger les petits pois qu'il lançait sur les passants à l'aide d'une sarbacane pour se reposer d'écrire les tourments de son amour malheureux.

C'est là surtout que l'on rencontre le Discours à Jacques Picard, son beau-père, si précieux pour la biographie de notre auteur.

=~

Bientôt, François de Louvencourt quitte Amiens et prend le chemin de Bourges

où de maint autre endroit

Chacun alloit apprendre et l'un et l'autre Droit.

Là, le docte Cujas, seul vray Soleil du monde,

Expliquoit Julian d'une langue faconde

Et là, le cite-lois et l'éloquent Mercier

Interpretoit le Code et estoit le premier.

Pendant vingt-deux mois, il étudia le droit à l'université de Bourges où il connut Pierre Motin le satirique, puis il obtint sa licence et devint avocat au Parlement. Mais les Pandectes ne furent pas son seul souci certaine belle fille l'aida à passer allégrement le temps et ne contribua pas peu à libérer son esprit du souvenir d'Aurore., Écoutons l'un des « baisers » qu'il lui adresse~

C'est par trop diReré, je ne puis plus attendre 1

Il faut passer par là, c'est un cas arresté.

Ça., viste ceste bouche et ce col argenté

'Plus vermeil et plus beau que celuy de Cassandre. Pourquoy vous cachez-vous? Que sert de vous deRendre Et de me refuser un bien tant merité?

Estimez-vous qu'après avoir tant resisté

Vous ne soyez contrainte en la fin de vous rendre? Non, ne le pensez pas; je suis plus fort que vous. He bien 1 que sert cela de feindre un tel courroux? Ne cognois-je pas bien que c'est votre coustume? Sus, déportez-vous doncq et vous laissez baiser. Aussi bien tost ou tard faudra-t-il appaiser

Par force ou par amour ceste ardeur qui m'allume. 1. Amours, f. 1~2 r"


Quelle ardeur, en effet Qu'est donc devenu l'amoureux transi d'Aurore, sa timidité, son langage fleuri? Aurore est oubliée. Tout à la joie de vivre, le jeune homme dit crûment son plaisir et le sonnet que l'on vient de lire semble d'un ton bien réservé à côté de ceux qui lui font suite. Cet épisode voluptueux s'achève, dans les Amours de 1595, par trois « énigmes » trop aisément déchiffrables fort dignes, en vérité, de prendre place parmi les Satyres bastardes où se retrouvent anonymes deux sonnets de Louvencourt 1.

Diplôme en poche, le licencié se dirige vers Paris, premier barreau de France, où son beau-père désire qu'il fasse figure, nourrissant l'ambition de le voir devenir tôt ou tard sénateur. Il ne séjournait à Paris que depuis cinq mois quand le roi fut assassiné à Saint-Cloud, le i~r août 1580. Tout est bouleversé; la Ligue déchaîne ses ravages. Louvencourt retourne à Amiens, mais la Picardie bouillonne, elle aussi, Amiens surtout, qui retient prisonnière la duchesse de Longueville, et notre poète juge le moment favorable pour entreprendre un voyage d'Italie. Tout comme Montaigne et bien d'autres contemporains, il écrivit le journal de son voyage. Au xvnie siècle, J.-J. de Court en possédait le manuscrit aujourd'hui disparu. Nous devons nous contenter des allusions contenues dans les Amours pour suivre ses pérégrinations.

Il chemine tranquillement, laissant parfois ses compagnons le devancer, arrêtant son cheval pour écrire quelques vers sur le carnet qu'il porte toujours à l'arçon de sa selle. Il traverse le Tyrol, pénètre en Vénétie, séjourne à Padoue, retenu sans doute par la célèbre université de cette ville, mais aussi par l'intérêt qu'il porte à certaine « jeune beauté ') rencontrée dans une église. Il fit à son ami Paul Juge une jolie confidence de ses amours padouanes, s'excusant de s'être laissé aller à rimer en italien pour mieux plaire à sa maî-

i.Cf.F.Lachèvre,e.,p.2~6.


tresse. Avant de quitter Padoue, il ne manqua pas de se rendre au village de Arqua pour saluer pieusement le tombeau de Pétrarque, puis il passa par Vérone où il eut à se plaindre d'un mauvais gîte, gagna Rome, rêva dans le jardin du cardinal d'Esté, descendit jusqu'à Naples, en revint par Fondi et Terracina, et rentra en France par Rome et Florence après avoir franchi les Apennins sous un soleil torride.

Quand François de Louvencourt se retrouva dans Amiens, les troubles de la Ligue continuaient de plus belle. La situation de son beau-père, le lieutenant-criminel Jacques Picard, le mettait en butte à la malveillance des partisans du duc d'Aumale. On le savait dévoué à lacause royale, il avait mauvaise presse comme il avait le teint sanguin, on l'accusait d'être sanguinaire. Après la prise de Laon par les troupes du roi, Jacques Picard fut retenu prisonnier à l'évêché pendant la journée du 28 juin 1594, à la grande inquiétude de son beau-fils qui craignait à tout moment qu'il soit jeté à la Somme. Enfin, au milieu de la nuit, on le conduisit sous bonne garde hors la ville, sans lui permettre de rien emporter. Après un exil de six semaines, les événements changeaient de face; Jacques Picard revenait dans Amiens escorté par son beau-fils et les amis de celui-ci. Le 18 août 1594, Henri IV faisait son entrée dans Amiens où le recevait une délégation des jeunes gens de la ville. Cette délégation se rangeait sous les ordres de François de Louvencourt, seigneur de Vauchelles désigné comme l'un des plus beaux hommes de la province qui décerna au souverain, en humble hommage, un sonnet de sa façon'.

i. Amours, ff. 152-155 et 1~6 r"A. de Calo!ine,s<o!~< Bt'Hd~ttKMHS, Am. et P., 1899-1906,3 vol. in-8', t. II, pp. 96-216 ~sss:Mt Daire, Histoire de la ft'H~ d'Amiens, P., i757,2 vol. in-4", t. I, pp. 321-322 et 335; -A. Dubois, La Ligue, documents relatifs à la Picarcke, d'après les registres de l'échevinage d'Amiens, Am., <!oeMtM<tt<ï A. Dubois, Entrées royales et Princières dans Amiens pendant les 1859, in-8"; A. Dubois, .EMtf&'s foya~s ~MMCMfM ~MM ~MM~s ~M~<Mt< !<H xv° xv:" siècles, Am., 1868, in-8", pp. 54-62.


Après ces événements, François de Louvencourt put se livrer tout entier aux plaisirs et à la littérature; il'entretint des relations amicales avec ses confrères en poésie et publia une traduction, ou plutôt une imitation de l'Historia de duobus amantibus Ewy~o Lucretia d'~Eneas Sylvius, laquelle vit le jour à Paris en 1598 chez Jean Gesselin, successeur de Georges Drobet

LES )j AMANTS )) DE siENES .jj Où les Femmes font mieux l'amour jj que les Vêtues & les Filles, jj ~.R Il FRANÇOIS DE LOVVEN-JJCOVRTSC~MSM~ Vauchelles. Il AVX AMANTS DE Il LA M.4~VCE. jj [Beuron] jj A PARIS. jj Chez IEAN GESSELIN~ ruë S. Iacques j) àl'emëigneS. Martin, & en fabouti-jjque au Palais en la gallerie Il des prifonniers. jj jj M. D. xcvm. Il AVEC PRIVILEGE DV ROY.

In-i2, i~ ff. ch. (le dernier eh. 1~2 par suite d'une erreur de numérotation dans le dernier cahier), sign. A-M par 12. Au vo du premier f., sonnet de Normandel, gentilhomme normand; au vo du dernier f., privilège pour six ans accordé à Jean Gesselin le 5 août 1598. (ARS., B.-L. 130~-8°).

Cette traduction qui eut en 1706 l'honneur d'une réimpression hollandaise débute par un avant-propos de soixante pages où Louvencourt, comme Brantôme, examine cette question de savoir s'il vaut mieux avoir pour maîtresse une jeune fille, une veuve ou une femme mariée; il conclut en faveur de celle-ci parce que les difficultés sans nombre que rencontre son amant donnent à ses faveurs une valeur toute particulière «les fleurs qui croissent dans les prez ne sont point si curieusement cueillies que celles d'un jardin. » A i. On trouve en 1598 un sonnet de lui en tête des Premieres pensees de Jean Hays (cat. J. de Rothschild, n° 763) et en 1601 une ode en tête de La Floridea de Pierre Bricard (Ë. Picot, JF~MpsM italianisants, t. II, p. 317). 2. A. Leyde, chez Frederik Haaring, ~M~MM' libraire dans le Kloksteeg, in-8°, 3 S. lim. n. eh. et 199 pp.–(Aps., B.-L. 13046-8')


vrai dire, on trouve là, sous la plume de Louvencourt, un véritable guide du parfait libertin. Avec complaisance, il examine tous les problèmes de la galanterie, cite l'Hepta?M~OM, Boccace, Bandello, Giraldi et ses propres Amours de M~M~/iI donne aux novices d'adroits conseils sur la manière de courtiser une belle et à nous, par surcroît, des renseignements fort curieux sur l'art de la galanterie au xvie siècle On peut se servir de certains noms de Roys, et Roines, de Princes ou de Princesses, comme de lieux communs, quelquefois de personnes particulières, voire de petits enfans, et sous les fortunes, les complexions et les volontez d'iceux et d'icelles, comprendre et communiquer les siennes. Alors les amants ont mille plaisir de voir chacun discourir à la franche marguerite sur ce sujetaposté.et se servant des mesmes termes et des mesmes paroles comme d'amoureux caracteres, s'entre-respondent l'un à l'autre leurs mutuels desirs et leurs flammes. J'en ay veu de qui l'invention estoit si ingenieuse, Amour esveillant leurs esprits comme la necessité fait les arts que trouvant un livre ou des heures par rencontre en compagnie, dans le même livre et les mesmes heures, ils se faisoient lire l'un à l'autre leurs desseins et leurs responses, y prenoient leurs assignations et s'y faisoient la cour sans plume, sans encre, au milieu et dans les yeux des plus clairvoyants voire et chacun apres eux prenant le livre ou les heures et lisant les mesmes pages, les mesmes mots et les mesmes syllabes sans s'en apercevoir. Avec ceste mesme ruse, on peut si l'on est absent escrire au mari, de peur qu'un tiers n'ait point assez d'accortise, et faire en sorte qu'une mesme lettre et les mesmes mots luy parlent d'affaires et de choses qui se doivent traitter, et parlent d'amour à sa femme. De sorte que ny l'alun de plume, l'ambre gris, ny le laict d'Espurge, ny le sang de Rubettes, ny les oignons blancs, ni le sel Ammoniac destrempé en l'eau pour cacher l'escriture n'y sont plus trop necessaires. Et est ceste voye plus seure et plus aisee pour se faire entendre à ce que l'on aime, que ne seroit d'envoyer ses lettres dans le ventre des connils, dans un baston creux, dans un pasté, dans une boette de dragees ou dans un bouquet; les escrire sur la teste rase d'un messager, ou les tirer avec une flesche dans une chambre, un jardin, une gouttiere ou les laisser choir en passant dans une cave.

Comme recommandation suprême, il conseille d'avoir deux maîtresses, l'une pour le monde, l'autre pour soi ainsi l'opi-


nion publique, trompée par l'apparence, laisse l'amant poursuivre en paix ses amours véritables.

Un aussi fieffé libertin, en dépit de ses allures, ne devait pas tarder à rendre les armes. Louvencourt se maria, non pas une, mais trois fois Cette conversion débuta par une crise religieuse. En 1601, il se rendit seul avec un laquais au jubilé d'Orléans et, chemin faisant, composa une ParaPhrase et traduction en vers du ~S~M~Sf de S. Augustin à sa M~ Saincte Monique qui ne fut imprimée que vingt-six ans plus tard. Au mois d'avril 1602, il écrivait trois sonnets du Mes~s f ol amour, acte de contrition du pécheur repenti 1: Amour, qui fait la loy

Aux esprits qui sont fols et qui sont sans lumiere, M'a retenu dix ans captif soubs sa banniere, Me nourrissant tousjours entre l'aise et l'esmoy.

Pardonne moy, Seigneur, les offences mortelles, Dont mon cœur dereglé t'a si fort irrité, Je sçay que j'ay la Mort et l'Enfer mérité, Et que j'en doibs souffrir les douleurs eternelles. Ainsi la Magdelaine ardant des estincelles Du repentir prioit du Sauveur la bonté,

Et versant de ses yeux un grand fleuve argenté Lavoit le marbre blanc de ses plantes jumelles. De mesme je larmoye ayant fort offencé, Et me jette à ses pieds pour en estre exaucé, Le priant de noyer son courroux dans mes larmes Et changeant mon desir trop charnel en un pur, Je luy fais un serment d'avoir au temps futur En horreur et l'Amour, et le Monde et leurs charmes

Il avait trente-sept ans quand, le 2 octobre 1605, il signa à Abbeville où il demeurait depuis quelque temps, devant le notaire Doresmieux, un contrat qui l'unissait à Marie de Maupin, fille de Jean de Maupin, écuyer, seigneur de Bellencourt, Mouflières, la Bouvaque, Goranflos, etc., maïeur d'Abbeville en 1574, conseiller ordinaire du roi, et de Mar-

I.<f<M~,p.5I.


guerite Le Conte, son épouse. Deux années plus tard, ils venaient habiter Amiens, dans la paroisse Saint-Georges, où François de Louvencourt était nommé commissaire des pauvres. Ainsi commençait pour lui une vie nouvelle, beaucoup plus sage, une honorable carrière de fonctionnaire et de magistrat.

Cependant il n'abandonnait pas tout souci littéraire. Un ami de son oncle le défunt abbé de Saint-Evroult, M. de Saint-Simon, seigneur et baron de Courtomer, ayant entre les mains le récit des voyages du célèbre Francis Drake dont un de ses sujets avait été le compagnon, communiqua cette relation à Louvencourt qui s'empressa de la traduire et de la'publier~

LE Il VOYAGE DEL'ILLVSTRE ) SEIGNEVRETCHE-jjualier François Drach Admirai Il d'Angleterre, alentour du Il monde, Il A Monfieur de S. Simon Seigneur e?" Il Baron de Courtomer. )) [marque Silvestre, n° 610] )) A PARIS,)) Chez IEAN GESSELIN, ruë S. Iacques à l'Ai-~gle d'or, & en fa boutique au Palais, en la Il Gallerie des Prifonniers. Il M. De. XIII. )) Auec ~M!7eg'6 du Roy.

In-8", 4. R. n. ch., go pp. et i f. n. ch. pour le privilège de six ans accordé à Jean Gesselin le 22 juin 1613; sign. â-4, A-E par 8, F-6.(BMTISH MUSEUM, G. 6~l8)..

Augmentée de la seconde partie, cette traduction fut éditée à nouveau par Jean Gesselin en 16272 et réimprimée page pour page en 1641 par Antoine Robinet

De 1616 à sa mort, François de Louvencourt~ exerça la charge de président-trésorier de France et général des i. La traduction fut certainement faite d'après le texte latin des Grands voyages, de Th. de Bry (~Me~'e~ pars VIII, Francfort, 1599, M.), car rien ne permet de supposer que Louvencourt sût l'anglais.

2. BIBL. NAT., G 22828 bis.

3. BiBi-. NAT., G 22829.

.t. Comte A. de Louvencourt, Les trésoriers de France de la généralité de Picardie ou ~ttt:~M, Am., 1896, in-8', pp. 114-115.


Finances en la généralité d'Amiens'. Il fut en outre maïeur d'Amiens en 1624-25 et présida en cette qualité aux fêtes données le 7 juin 1625 en l'honneur de la reine, de la reinemère et de la reine Marie de France, sœur du roi, mariée par procuration à Charles 1~ d'Angleterre. L'historien Adrian de la Morlière qui nous a conservé le souvenir de ces fêtes vante le talent oratoire du maïeur, son ami". Pendant sa magistrature, un couvent d'Ursulines s'installa à Amiens dont une Françoise de Louvencourt fut la première supérieure, sous le nom de sœur Catherine de Saint-Augustin. C'est à elle que son parent dédia, en i627,saP~se~s~s~MMMs~.S'<MM~~M~M~M qu'une circonstance fortuite tira de l'oubli PARAPHRASE ET TRADVCTION EN VERS jj DV PSAVLTIER DE S. AVGVSTIN jj à fa Mere Saincte Monique. jj P~ FRANÇOIS DE LOWENCOURT, Sr de Vauchelles, Il Confeiller duRoy, 7~<?/b~ France, General de fes Il /~MC6s P~oMî'Mcc de Picardie, e~ ancien Premier jj ville d'Amiens. Il A la Reuerende Mere & Superieure du Conuent des Vrfulines Il de ladite ville Sœur CATHERINE DE S. AVGVSTIN. jj [fleuron encadré de pièces d'ornements typographiques] Il A AMIENS, Il Chez lACQVES HvBAVLT, Imprimeur & Libraire jj demeurant deuant le beau Puits. )j Il M. De. XXVI.

In-4", 64 pp., sign. A-H par -Pièces adressées à Sœur Catherine de St Augustin; à M"' Elisabeth Trudaine, fille de M. Trudaine, sieur d'Oisy, trésorier de France en Picardie; sur un tableau appartenant à Nicolas Sellier, procureur fiscal de la ville d'Amiens. (BIBL. D'AMIENS, B.-L. l68y.)

François de Louvencourt mourut le 4 avril 1638, jour de Pâques, âgé de soixante-neuf ans, et fut inhumé dans la nef des Ursulines.

i. On trouve s~ signature autographe en cette qualité à la Bibl. Nat. (P. 0., 1~62, dossier ~.0812, pièce 42).

2. ~M<t~'&M, histoires et choses plus remarquables de la ville d'Amiens, troisième édition, P., Denys Moreau, 1627, in-4*, pp. ~.28 et 132. On trouvedans ce volume, P. 557, un sonnet de Louvencourt, ainsi que dans l'ouvrage d'un autre Amiénois, Benoist Bauduyn, Les tragedies de L. A. S<Me?M< traduites <? vers /~Mj:oys, Troyes, Noël Moreau dit le Coq, 1629, pet. in-


Selon le témoignage de J.-J. de Court, outre la relation de son voyage en Italie, il laissait un certain nombre de poésies manuscrites et une comédie en vers intitulée les Retrouvés.

Après le décès de sa première femme Marie de Maupin, il s'était remarié avec Marie Josse, fille de Pierre Josse, maître des Comptes à Paris, puis, une troisième fois, vers 1622, avec Charlotte Clapisson, fille de Pierre Clapisson, échevin de Paris, député du Tiers-état aux États-généraux de 1506, laquelle, après la mort de son mari, épousa en secondes noces le seigneur d'Aubercourt. De ses trois mariages, François de Louvencourt eut plusieurs enfants, entre autres Antoine, bénédictin à Meaux où il prit habit le jour des Innocents de l'année 1638, et une fille, Marie, sa seule héritière, qui épousa Jean d'Aguesseau, trésorier de France.

LOUIS LOVIOT.


NOTICES

La première traduction française du « De tnstitutione foeminae christianae », de J.-L. Vivès et son auteur Pierre de Changy. 1543.

L'institution Il DE LA FEMME Il CHRESTIENNE. j~ Tant en son Enfance, que Mariage, & Viduiié. Auec l'office du Mary. Il Le tout composé en Latin, par Loys )j Viues, Et nouuellement traduict Il en langue Françoise, par Pierre de Il Changy Escuier. Il [Marque Silvestre n" 187] Il A LYON, ~j Par Iean de Tournes, ~) M. D. XLIII. [1543]. In-i6 de 328 pp. chiff. Romain.

Titre, v* blanc.-P. 3 SIMONIS RoMYGLEt Andegavensis [S. Romilly Angevin] ad lectorem Carmem (13 distiques). Pp. 4-6 < BLAsn DE CHANGY autoris nui ad lectorem Exastichon « Eiusdem ad fratrem suum lacobum de Cbangy vtriusq; iuris doctorem Epigramma (4. distiques) <PETM PESSEMERE Antissiodorensis ad defensionem interpretis, Sapphicon»; < DiONYsn BREMANDI Parisiensis, ad Petrum Grenerium Epigramma (7 distiques) Dixain du susdict PESSELIERE à Blaise de Changy curé d'Espoysse, sus la mort de son pere traducteur du present livre ». Pp. 7-g, Table des chapitres. Pp. 10-11, épître du traducteur « A Marguerite ma fille et signée < Ton Pere de Changy Pp. 12-16 « Praeface ou prologue de l'autheur », dédicace adressée par Vivès à Catherine d'Aragon, reine d'Angleterre, première femme de Henri VIII. Pp. 17i2i, livre 1 de la Vierge chrestienne. Pp. 122-229, livre II des Femmes mariées. Pp. 230-259, livre III des Vefves. Pp. 290-324, livre IV de l'Office du Mary. Pp. 325-328, < Epistre de Messire lAQUES DE CHANGY, Escuier, pocteur es droicts, Aduocat à Diion, à ma damoyselle de Villesablon sa sœur ». ARCHIVES DU CHAPITRE DE S:ON (Valais), ex. incomplet des pp. 325-326. COLL. A. CARTIER (m. bl. Mercier).

Ce volume rare, l'une des premières publications de Jean de Tournes, a échappé aux recherches de l'auteur du AfaMM~. A côté des deux exemplaires que nous venons de mentionner, nous n'en connaissons que trois adjudications Coulon, 1829, 396; Maugé, 1862, n" 178, et 01. Barbier, 1883, 8i8.

Les réimpressions données par notre typographe en 15~5, 1547 et 1549; sont plus difnciles encore à rencontrer.


On sait que l'édition originale du traité de Jean-Louis Vivès, De Institutione foeminae christianae, est celle d'Anvers, apud Michaelem Hillenium, 1524, in-4°j(Brunet, V, 1333). Le célèbre humaniste se trouvait alors à Bruges', d'où il se rendit à. Oxford, pour enseigner les belles-lettres à la princesse Marie, fille de Henri VIII et de Catherine d'Aragon, mais son opposition au projet de divorce du roi ne tarda pas à le mettre en disgrâce. Jeté quelque temps en prison, il jugea prudent, aussitôt libéré, de quitter l'Angleterre (1528). C'est à Bruges, où il s'était rétabli, qu'il fit paraître le De of ficio mariti, imprimé par Hubert Crook, pour Simon de Molendin, 1529, in-8° (Brunet, V, 1333).

Quant à la traduction de Pierre de Changy, elle a été publiée pour la première fois, à Paris, chez Jacques .Ken~, 1542, in-8°. C'est ce texte original qu'a reproduit Jean de Tournes, à la seule exception d'une épître du traducteur à son filsBlaise de Changy, curé d'Époisses, qui se trouve en tête du traité de l'Of fice du Mari, dans l'édition de Kerver. L'imprimeur lyonnais, qui se montra toujours partisan déclaré d'une j udicieuse réforme de l'orthographe, a simplifié, d'autre part, celle de l'éditeur de 1542 et remplacé, par des locutions usuelles, certains mots inutilement forgés du latin par Pierre de Changy. C'est ainsi que l'on trouve, dans l'édition tournésienne esprit pour esperit, escrire pour escripre, autoritez pour auctoritez, laine pour laynne, matrone pour matrosne, de même que laide est substitué à turpe, malsains à egrotans, caqueteuses à garruleuses, etc.

Les quatre réimpressions de Jean de Tournes ne sont pas les seules; nous en avons relevé d'autres, faites à Paris et à Lyon, en sorte que la bibliographie de l'Institution de la /j*M~Ks chrestienne pourrait s'établir sur les bases suivantes

1. Paris, Jaques Kerver, à l'enseigne des deux Cochetz, 1542, in-8". Première édition (réimprimée avec préface de A. Delboulle, Havre, Lemale et C", 1891,pet.in-8°).

2. Paris, Jaques Kerver (imprimé par J. Fezandat), 1543, in-8' (Bibl. Nat., Rés. D 61286). -Bayle (Dict., art. P. de Changy), qui avait le volume sous les yeux, remarque que cette édition contient un petit traité intitulé Très briefve et fructueuse Instruction de la vertu ~MMt!'H~. Avec une Epistre de Sainct Bernard touchant le Negoce et Gouvernement d'une maison. 3. Lyon, Jean de Tournes, 1543, in-i6.

4. Lyon, Sulpice Sabon pour Antoine Constantin, s. d. [vers 1543], in-8° (BiM. Nat., Rés. D 54643 Baudrier, II, 31).

5. Paris, Jaques Kerver, 1545, in-8" (Suppl. au Manuel, II, 92:). 6. Paris, Galliot du Pré,(impr. par Denis Janot), 1545, in-16 (Cat. A. Seilliere, ~890, n° 149).

7. Lyon, Jean de Tournes, 1545, in-i6 (Cat. Veinant, 1860, n" 126). i. C'est en effet de Bruges et du 5 avril 1523, que Vivès a daté la dédicace du De ~K~MtpM~ /MMt'M<M ~M~'aMS~ à Catherine d'Aragou.


8. Ibid., Jean de Tournes, 1547, in-i6 (Cat. Perreau, 1885, n" 28). 9. Paris, 154.9, in-8 (Brunet, V, 1334).

10. Lyon, Jean de Tournes, 1549, in-i6 (Aix-Méjanes).

M. Paris, P. Cavellat, 1579, in-16 (Brunet, V, 1334).

D'après du Verdier (Bibl. franç., V, 2~7), cette dernière édition contiendrait l'Instruction de la M~~M d'humilité, signalée plus haut dans celle de Paris, 1543, in-8".

La famille de Changy doit son nom au village de Changy près d'Époisses, arrondissement de Semur (Côte-d'Or). D'après les recherches de M. DelbouIIe', le traducteur de l'Institution de la Femme chrestienne serait le petit-fils de Michel de Changy, d'abord écuyer tranchant, puis premier maître d'hôtel de Philippe-le-Bon, et le fils de Jean Andras, écuyer, seigneur de Changy, lequel, selon d'Hozier, vivait en 1~.91.

Les pièces liminaires, jointes au volume, fournissent d'autre part

quelques renseignements biographiques sur notre auteur. Simon Romilly en particulier, nous apprend, dans son Ca~M~M ad lectorem, que Pierre de Changy, après de nombreuses campagnes, était rentré dans sa maison, malade et paralytique au point de ne pouvoir porter ses aliments à sa bouche

Hunc mille affligit morbis comitata senectus,

Ne lecto possit tollere membra suo.

Pleno ore ut pullis jejuna ministrat hyrundo,

Sic aliena cibos portat in ora manus.

1

Me miserum (aiebat) qui bella ferocia gessi

Pro patria, corpus dum juvenile foret.

C'est pour faire diversion à ses maux, qu'il entreprit, âgé de plus de soixante ans et à l'intention de ses filles, la traduction de l'ouvrage de Vivès

Qui sexaginta aut plures evasit ad annos,

In lecto nec vult dilituisse suo.

Natabus praacepta suis castissima vertit.

On voit aussi, par l'examen de ces diverses pièces, que Changy avait plusieurs enfants Blaise, curé d'Époisses, Jaques, docteur en droit et avocat à Dijon, une fille, Marguerite, qui n'était pas mariée au moment où son* père lui dédiait sa traduction, et une autre qui avait épousé un M. de Villesablon. C'est à celle-ci que Jaques de Changy, son frère, adresse la lettre qui termine le volume. En écrivant à sa fille Marguerite, l'auteur a insisté lui-même sur les motifs qui l'ont engagé à traduire l'ouvrage de Vivès i. Préface de la réimpression faite au Havre, iSar, pp. vi-vtt.


« De la. librairie du Seigneur Sainct Anthot, dit-il, conseiller en nostre souveraine court à Digeon, ton frère maistre Jaques, docteur es droicts, m'a apporté à Changy ung livre en latin, composé par homme eloquent, contenant honneste érudition de la Femme chrestienne, divisé en trois livres particuliers, selon les trois estats, que peult avoir une femme. Et pour ce qu'il m'a semblé bon & utile pour livre domestique, je l'ay traduict et translaté en françois pour ton instruction, & lecture de nos parentes, esperant que par la recordation des enseignemens d'icelluy, tu augmenteras ta vertu, tant en l'aage nubile auquel tu es de present que en autre estat, quant tu y parviendras. »

Il écrit, d'autre part, à son fils Blaise 1, qui poursuivait alors ses études en Sorbonne

« Monsieur le Curé d'Espoisse, après avoir traduict' en langue maternelle le livre escript de l'Institution de la Femme chrestienne, vous m'avez envoyé de Paris le livre de l'Office du mary, composé par le mesme aucteur en plus parfonde matiere, pour le joindre avec le précèdent; mais d'icelluy m'avez requis estre mis en françois. J'ay pris le plus commun, empesché de vieillesse et maladie, selon mon petit entendement. »

Prévoyant que l'essai de Pierre de Changy serait l'objet de vives critiques, Pierre Pesselière, religieux de Saint-Germain d'Auxerre, voulut en prendre la défense On pouvait reprocher en effet à ce non veau venu dans la république des lettres, d'avoir trahi son auteur et de n'avoir pas su rendre l'élégante latinité du modèle. Il est certain que la main du bon écuyer était plus habile à jouer de l'épée qu'à manier la plume; son style sans apprêt, et parfois un peu rocailleux, est fort éloigné de la rhétorique savante de Vivès, mais, suivant la juste remarque de M. Delboulle cette traduction est presque une œuvre originale, en ce sens que Changy abrège, supprime les longueurs du texte, et lui prête aussi un charme de bonhomie et de naïveté qui n'est point le fait du judicieux, mais un peu verbeux humaniste espagnol.

Au reste, les neuf réimpressions faites coup sur coup, de 1543 à 1549, montrent suffisamment que le grand public, se prononçant pour le traducteur contre ceux que Pesselière qualifie de Zoïles, accueillit, t. P. :99 de la réimpression de l'édition originale de Paris, 1542 (Havre, 1891, pet. in-8"). 2. C'est à dire après que j'eus traduit.

3. Pièces liminaires: Ad detensionem interpretis Sapphicon. Sur Pierre Pesselière, cf. Du Verdier, V, 314, et Papillon, Biblioth. des auteurs de Bourgogne, II, p. 146. On connaît, de ce religieux, une traduction du Traicté de Saint Jean Chrysostome que nul n'est o~msf sinon par soy-mesme, Paris, Adam Saulnier, t543. tn-S" (Bibl. Arsenal, Th. 3560-8°) et Lyon, Jean de Tournes, 1543, in-i6 (BiN. Nat., C 5985).

4. Préface de la réimpression du Havre, 1801, p. ix.


avec une faveur peu commune à cette époque, la première version française des deux traités de Vivès.

Une dernière édition donnée en 1579, par le libraire parisien Pierre Cavellat, trouvait encore des lecteurs, mais le besoin d'un texte plus littéral se faisait néanmoins sentir, et c'est pour y répondre que deux traductions nouvelles parurent presque simultanément à cette époque l'une, par Antoine Tiron, publiée à Anvers, chez Christophe Plantin, 1579, in-8"; l'autre, par Louis Turquet, sieur de Mayerne, qui en confia l'impression à son concitoyen et ami, Jean II de Tournes (Lyon, i58o, in-i6).

A côté de l'Institution de la Femme chrestienne, on doit encore à Pierre ,'de Changy un Sommaire des singularitez de .P&'Me, extrait des seize ~MM'~s livres de sa naturelle histoire, imprimé d'abord à Paris, 15~2, in-8" (Bib. Nat. S 9650), puis à Lyon, Jean de Tournes, 1546, (Cartier, exempl. de Peiresc) et 1551, in-i6 (Cat. Gosford, 1882, 86), et de nouveau à Paris, Richard Breton, 1559, in-8° (British Museum, 7002 (a) i). D'autre part, Du Verdier (V, 257), suivi par Papillon (Biblioth. des auteurs de Bourgogne, I, 129), lui attribue une Instruction chretienne pour Femmes et Filles, mariées et à marier,. De la paix et union qu'elles doivent ~oy~MM~ entretenir en mariage, imprimée à Poitiers, 1545, in-i6.

Pierre de Changy aurait même, suivant le témoignage de Simon Romilly, achevé, au cours de ses campagnes, une traduction de six livres (bis i~s J~o~ de la Naturalis historia. Il nous paraît évident que cette version intégrale ne peut être, comme le croit M. Delboulle 1, le même ouvrage que le Sommaire extrait des seize premiers livres de Pline, publié en 1542, et qu'elle doit être demeurée inédite.

« Selon les uns, ajoute le même éditeur, Pierre de Changy mourut en 1553, selon les autres en 1563. Brunet prétend que ses ouvrages avaient été publiés après sa mort par son fils Blaise, curé d'Epoisses; on voudrait savoir sur quels documents il appuie cette affirmation. » Si M. Delboulle avait examiné les pièces liminaires jointes à L'Institution de la femme chrestienne, il y eût trouvé sans peine les « documents » qu'il réclamait. Il aurait constaté tout d'abord que Pierre de Changy n'était mort, ni en 1553, ni en 1563, mais au plus tard, dans les premiers mois de 1542, sinon même en 15~.1 et, en tout cas, avant la publication de ses ouvrages, puisque l'édition originale de l'Institution, parue en 1542, contient précisément le dixain adressé par Pierre Pesselière à Blaise de Changy « Sus la mort de son père, traducteur du present livre ». Il aurait vu aussi, par l'épigramme i. Préface de la réimpr. du Havre, pp. vn-vi;i.


composée pour Jaques de Changy par son frère Blaise, que c'est bien ce dernier qui a publié l'Institution

A patre suscipias versum, Germane, libellum,

Proque tua expressum commoditate legas.

Or, M~~MM~ ne peut se traduire ici que par reproduit ou édité. D'ailleurs, s'il eût été besoin d'un complément de preuve, M. Delboulle l'aurait trouvé dans l'épître dédicatoire de ce Sommaire ~M singularitez de Pline, paru la même année 1542 et dont M. Delboulle dit avoir vu un exemplaire à la Bibliothèque de Rouen. Cette épître, adressée par Blaise de Changy au Cardinal de Meudon, contient en effet le passage suivant, qui est décisif

« C'est un petit ouvrage paternel, c'est un petit labeur de mon pere, qui apres son décès (entre ses autres labeurs) est tombé en mes mains; c'est un sommaire des singularités de Pline. dont la matiere est si exquise et si convenable à l'homme, que j'ay pensé la publicacation d'icelle, estre merveilleusement necessaire aux lecteurs, et ne voulant defrauder l'autheur d'icelle proffitable traduction, je me suis Cj~O~ faire divulguer. »

L'auteur du Manuel ne s'était donc point prononcé à la légère en attribuant à Blaise de Changy la publication posthume des écrits paternels, et l'on doit rendre hommage, une fois de plus, à l'érudition si sûre, et si sobre en même temps, de l'illustre bibliographe. ALFRED CARTIER.

« La deffense civile et militaire des innocens et de l'Eglise de Christ », et l' « Apologie de Charles Du Moulin '). 1563.

Apologie de M. Charles Il du Moulin, j~ CoM~c vn Liuret, intitulé, La detfense ciuile e~' militaire des innocens < de l'Eglise de CHRIST. S A laquelle est adioustee l'ordonnan-~ce de Monseigneur de sovBiZE, Cheua.lier de l'ordre du Roy, sur Il ledit Liure ensemble la Censure des Ministres de la parole de Dieu Il en ceste ville de Lyon. Il A LioN )) PAR IAN DE TOVRNES, ~) M.D.LXIII. [1563]. In-8° de z8Jpp. chiffr. et 2 ff. blancs, signat. A-D par 4 fi. Romain.

Titre, v° bl. Pp. 3-4., épître dédicatou-e de « Charles du Moulin ancien Docteur és droits, lurisconsulte de France et Germanie, Conseiller & maistre des Requestes ordinaires de l'hostel de la Royne de Nauarre, à Monseigneur Iean de


Monluc Euesque et Comte de Valence, tres-illustre & tres-feal Conseiller du Roy en son priué conseil », épître datée « de Lyon le xxm. luin M.D.Lxn: )'. Cette pièce est imprimée en caractères de civilité. Pp. 5-24, texte de l'Apologie. Pp. 25-26, ordonnance « de par le Roy et le seigneur de Soubize, cheualier de l'ordre de sa maiesté datée de « Lyon le onzieme de Iuin 1563 P. 27, déclaration du crieur public, datée du < samedi douzieme iour du mois de luin 1563 », et signée « Ravot ». Cette déclaration est suivie de celle de l'exécuteur de la haute Justice à Lyon, en date du même jour, et signée < Gasteron P. 28, La Censure des Ministres de l'Eglise reformee de la ville de Lyon, sur le liure que dessus signée Pierre Viret, I. de Semidde, laques Roux, L'Anglois, la Roche, de Mesmes, Payan, PeUet, P. Pagès, Micaël ».

BiBLIOTH. NATIONALE, Ld '6. B:BMOTH. DE GENÈVE, Ba. 4374. En juin 1563, au moment même où le célèbre jurisconsulte Charles Du Moulin 1 se trouvait en séjour à Lyon pour la publication de son Ca~cAM~< paraissait dans cette ville, sans nom d'auteur, ni d'imprimeur, un libelle intitulé La ~~M~e civile et militaire des innocens et de l'Eglise de Christ.

Autant qu'il est permis d'en juger par la réfutation de Du Moulin, l'auteur de cet écrit, rigoureusement supprimé dès son apparition, s'efforçait de montrer, non pas comme le prétend La Croix du Maine (1~ 383), « qu'il est loisible de tuer et Roy et Roine, ne voulans obéir à la religion prétendue réformée et porter le parti des Protestans », mais que de nombreux exemples tirés de la Sainte Écriture autorisent les sujets à résister par les armes, lorsque le prince opprime les consciences et « commande quelque chose contre Dieu ou contre la parole d'iceluy ».

Quelques semaines avant que ce factum courût sous le manteau, les Protestants, maîtres de Lyon depuis le 30 avril 1562, avaient rendu cette ville au roi, comme gage de leur adhésion à la paix d'Orléans (19 mars 1563). Il leur importait dès lors, en de telles circonstances, de répudier ouvertement les doctrines professées par l'auteur anonyme de la Dg~eKM civile et de témoigner par là que s'ils entendaient maintenir leurs revendications dans le domaine religieux, ils n'en reconnaissaient pas moins la légitimité du pouvoir royal fondé sur le droit divin.

M. de Soubise, demeuré gouverneur de Lyon « pour le roy », bien qu'il eût été appelé à ce poste, en juillet 1562, par la seule autorité du prince de Condé, chef du parti protestant, n'hésita pas en conséquence à réclamer l'avis des ministres à l'égard des thèses contenues dans l'ouvrage suspect. La réponse ne pouvait être douteuse en présence des conjonctures que nous venons de rappeler « Certifions et tesmoignons, déclarent les ministres, iceluy estre plein de fausse et r. Voir sa biographie par Julien Brodeau, en tête des O~-M, éd. de Paris, i68r, in-f°, I, p. ~l Nicéron, Mém., XXXIII, 70, et Fronce prot., éd., V, 783.

TOME! j~


mauvaise doctrine, conforme en aucuns points à celle des Anabaptistes, induisant les hommes à sedition, rebellion et desobeissance des Rois et Princes, contre l'expres commandement et ordonnance de Dieu, et d'autant plus que l'Autheur d'iceluy abuse de plusieurs tesmoignages et exemples des Escritures Sainctes, lesquels il applique très mal à son propos, contre le vray sens et saine intelligence d'icelles comme nous sommes prests le monstrer et maintenir par la parole de Dieu. Au moyen de quoy desirons, et en tant que besoin est, requerons, que le dict livre soit totalement aboly à fin que les hommes ne soyent infectés de telle sedicieuse et pestilente doctrine ». La Sorbonne elle-même n'aurait pas témoigné plus de zèle, mais cette censure, qui fixait la doctrine par l'organe des interprètes autorisés de la parole de Dieu, répondait sans aucun doute aux intentions des chefs politiques et c'est ce que montre aussi la rigueur des mesures arrêtées par Soubise, sur le vu de l'avis des ministres. Par une ordonnance adressée au prévôt de camp de Lyon, en date du i juin', il enjoignait en effet très expressément « à tous ceux qui auront devers eux ledit livre, de le porter et mettre és mains dudit Seigneur de Soubise, dedans vingt quatre heures après la publication de ces presentes, et defense à tous Marchans, Imprimeurs, Libraires, et autres, d'aucunement vendre, ne s'entrecommuniquer ledit livre, le distribuer, transporter, ou faire transporter hors ceste dicte ville en quelque sorte et maniere que ce soit, le tout sur peine, à ceux qui s'en trouveront saisiz, qui les auront distribués, ou qui les auront et retiendront devers eux après ceste publication, d'estre pendus et estranglés sans aucune forme et figure de proces et sans esperance de grace, ne moderation de peine. Pareillement est commandé à tous ceux qui en auront ia mis hors ceste ville, de venir declairer les lieux et personnes où ils les ont envoyés. Et ce pendant feront leurs diligences de les retirer et remettre par devers ledict Seigneur. Autrement où ils se trouveront en faute ou demeure de ce faire, ils seront punis de la mesme peine. Et à fin que l'autheur et l'Imprimeur soyent chastiés selon leurs demerites, celuy ou ceux qui les reveleront, seront remunerés comme bons, loyaux et fideles serviteurs de Dieu et du Roy autrement ils seront punis comme criminels et convaincus de leze maiesté divine et humaine, où il se trouvera qu'ils l'ayent sceu sans le reveler audit Seigneur ». Enfin, Soubise ordonnait au prévôt de camp de faire brûler le livre en quatre des principales places de la ville et renouvelait ses précédentes défenses d'imprimer, faire imprimer et exposer en vente aucun livre sans le privilège du roi ou sa propre permission. i. Apologie, p. s8.

s. Ibid., p. 25.


Le lendemain, 12 juin, l'ordonnance était « leue, criée et publiée à haute voix, cri public et son de trompe », dans tous les carrefours de la ville, par le crieur public Claude Ravot 1, et le même jour, les exemplaires saisis étaient brûlés par l'exécuteur de la haute justice à Lyon, « à sçavoir és places et deux descentes du pont de Saone, places des Cordeliers, Confort, puits pellu, et puits de la sel ». En même temps que le livre était supprimé on en recherchait activement l'auteur. Charles Du Moulin, qui après avoir suivi la doctrine calviniste, lui avait préféré celle de Luther et s'était rendu par là odieux aux ministres, venait de les irriter encore par la publication de son C~cAt' Ils saisirent l'occasion et le dénoncèrent comme l'auteur de la D~M civile. Tout, dans l'existence déjà longue, comme dans les écrits du Jurisconsulte de France et Germanie, du Maître des requêtes de la reine de Navarre, démentait cette imputation et c'est à bon droit que lui-même insiste sur ce point dans son épître à l'évêque Jean de Monluc

« Ce meschant livret, dit-il, n'a aucun nom, ny lieu, ny commencement ny fin et comme il est sedicieux et pernicieux, il est contraire et repugnant à. toute ma vie et conversation, qui est ja de plus de soixante et deux ans, et cognue aux plus grans et plus vertueux de ce Royaume aussi contraire et repugnant à tous mes livres, qui sont ja plus de trente-six imprimés dès et depuis l'an M.D.XXXVIII. Il n'y a aucun de mesdits livres imprimés et à imprimer qui ne tende à l'honneur de la couronne de France, conservation et entretenement de la police et estat public d'iceluy, comme dès ma jeunesse j'ay tousiours esté et suis à cela affecté pource il ne pourroit estre cheut en ma pensée de faire acte contraire, et outre je n'aurois garde de faire aucun livre sans y mettre mon nom, à fin que pour le moins le nom et honneur m'en demeurast: car je n'ay et n'attens autre chose de tous mes anciens labeurs. »

M. de Soubise ne voulut pas, sans doute, qu'on pût lui reprocher la moindre négligence dans la recherche du coupable et Du Moulin fut arrêté le I9 juin3, 3, mais le gouverneur de Lyon était homme de « droite justice et équité* il refusa de sévir sur la seule dénon).h~ Apologie, Ravot, qui était protestant, a exercé aussi la profession de libraire (voir Baudrier, BtMto~. lyonnaise, IV, 290 et ss.).

2. La destruction a totale et nous ne croyons pas qu'aucun exemplaire soit par-

venu jusqu'à nous.

3. C'est la date qu'il indique lui-même dans sa Défense contre les calomnies des Calvims~ (0~, éd. de 1681, in-fo, V, 619) publiée en i~. D'autre part, il avait ëc~aje~ de Monluc, le 23 juin ~63, en lui adressant l'Apologie, que l'accusation dirigée contre lui s'était produite le .juin. Il se serait donc écoule dix jours entre la dénonciation et l'arrestation, ce qui paraît singulier, eu égard aux pratiques judiciaires de l'époque. Peut-être Du Moulin a-t-il eu un défaut de mémoire en écrivant sa réponse aux Calvinistes, et faut-il lire o juin ? Ce sont les expressions de Du Moulin lui-même dans la Défense précitée (0~ éd. de

1681. V, 619).


ciation des ministres et donna des juges à l'accusé. Celui-ci avait aussitôt préparé sa défense et n'eut d'ailleurs pas de peine à se disculper. Après une détention de vingt jours et quatre comparutions, il obtenait son élargissement~. Malgré les instances de ses amis, il refusa d'intenter une action à ceux qui l'avaient accusé, mais la rupture était définitivement accomplie et, peu avant sa mort, survenue le 17 décembre 1566, Du Moulin retournait à la foi catholique. L'épître à Jean de Monluc étant datée du 23 juin 1563, on voit que l'Apdlogie a été composée pendant que l'auteur se trouvait en prison. Au reste, ce titre d'Apologie répond mal au cqntenu de l'ouvrage, qui n'est nullement une défense personnelle, mais une dissertation juridique et théologique, destinée à montrer que l'auteur de la De~Me civile a constamment détourné de leur sens véritable les nombreux passages de la Bible sur lesquels il prétend fonder son argumentation.

L'auteur du mémoire sur la ville de Lyon, inséré dans l'Histoire ecclesiastique des Eglises reformées au royaume de France (éd. Reuss, III, 294.), s'est efforcé, par des réticences habilement calculées, de jeter le doute sur l'innocence de Du Moulin et sur la sincérité de ses dénégations, mais l'acharnement avec lequel les Calvinistes l'avaient poursuivi durant sa vie n'avait pas désarmé après sa mort et le parti pris apparaît trop évident pour ne pas rendre suspecte la valeur de ce témoignage.

D'autre part, en qualifiant la Deffense civile de livre <( forgé vrayement en la boutique de quelque esprit malin et sedicieux », le même anonyme a dû causer quelque embarras à Théodore de Bèze, sous la direction duquel s'est faite la publication de l'Histoire Ecclesiastique, parue en I580. Du même coup, c'était atteindre en effet sans y songer ce fameux Traité du droit des magistrats sur leurs sufets, imprimé en 1574, à Lyon probablement, et dont nous avons démontré que l'auteur est Théodore de Bèze en personne~ « Toute résistance du sujet contre son supérieur n'est pas illicite ni séditieuse. Juste résistance par les armes n'est pas contraire à la patience ni aux prières des chrétiens. Étant persécuté pour la religion, on se peut défendre par armes en bonne conscience. »

Telles-sont, dix ans après la publication de la Dc~-MM civile, les doctrines proclamées par le chef spirituel des réformés de France, et s'il les présente sous une forme plus spécieuse et plus habile, s'il a soin de réclamer, avant toute résistance armée, la décision des États, c'est-à-dire des représentants élus de la nation, qui sont « par i. Dépense contre les calomnies des Calvinistes, ubi supra.

2. A.CMtter, Les t~ politiques A: riMo~M de B~,dan-)But).de)aSoc.d'Hist.etd'Aj-ch6ot. de Genève, t. H, p. 187.


dessus les rois », on ne voit pas que l'auteur du factum de 1~63 ait rien avancé de plus « malin » ni de plus « séditieux ». Mais, à examiner les circonstances, cette contradiction, qui semble tout d'abord si évidente, n'a pas dû arrêter Bèze la D~MM civile a été écrite au lendemain de la paix d'Orléans, le Traité du droit des magistrats, au surlendemain de la Saint-Barthélemy. Alor~, il convenait de donner des gages de loyalisme et d'esprit de concorde; maintenant, il s'agissait de défendre sa vie et de sauver les restes du parti.

Longtemps après le procès intenté à Du Moulin, un ministre d'Orléans, Hugues Sureau, dit du Rosier, fut accusé d'être l'auteur de la D~eKse civile'. Il parvint, lui aussi, à s'innocenter et fut renvoyé absous, après avoir pu démontrer, pour employer les expressions de l'Histoire Ecclesiastique (éd. Reuss, III, 297), « qu'il n'estoit lors à Lyon, ains à Orleans, ne sachant non plus ce qui se faisoit lors à Lyon que le gouvernement des Grandes Indes ».

L'édition originale de l'Apologie est devenue fort rare, mais le texte en a été réimprimé dans les éditions des oeuvres de Du Moulin, et notamment dans celle de Paris, 1681, in-fo 2.

ALF. C.

L'édition originale du « Catounet gascoun ». 1607. Aucun éditeur moderne n'a eu sous les yeux l'édition originale du Catounet gascoun de Guillaume Ader, un des premiers et des plus curieux textes imprimés en patois gascon. Tous se sont bornés à reproduire l'édition de 1611 conservée à la bibliothèque de l'Arsenal (B.-L. 9~94-8°) et le dernier (Poésies de Guillaume ~4~, Toulouse, Privat, 1904, 8°), après avoir relevé dans le texte de 1611 d'énormes fautes tendant à prouver qu'il ne s'agit pas d'une édition princeps, consacre un appendice intitulé « La prétendue édition du Catounet gascoun publiée en i6oy » à démontrer que cette édition n'existe pas. Dans un compte rendu (Revue de Gascogne, 1905, p. 236), M. Ch. Samaran écrit à ce propos « A vrai dire, j'étais persuadé à l'avance (pour avoir fait déjà une enquête personnelle) que cette édition n'avait jamais existé que dans l'imagination de Brunet. »

En effet, Brunet cite l'édition de i6oy d'après le catalogue Heber et ses continuateurs mentionnent, d'après le catalogue Burgaud des Marets (1873, n° 924), un exemplaire rogné à la lettre, relié en veau

r. Voir FfSHCf prot., IX, 3~9, art. Sureau. 2. T. V, p. xv.


violet, qui avait figuré précédemment à la vente Viollet-le-Duc (18~.9, n° 1053). Une édition mentionnée par trois catalogues peut res-

LOV

CATOVNET GASCOVN.

Si?% <~f<7~ FONTARA!L L ES.

A THOVLOVSE.

Perla keuze deÏACQ~ES CoLOMiBZj &:R.AMOND CoLOMlEZ, imprimaires deu Rct.

M. DC. V~ï.

ter introuvable, mais la déclarer imaginaire, c'est aller un peu loin 1 Je n'avais pour ma part jamais douté de son existence lorsque, au mois de mai 1914, je reçus le catalogue d'un libraire du Puy. Untélé-


gramme, et deux jours plus tard j'avais la joie de posséder un exemplaire parfait, non rogné, de l'introuvable édition

Lov jj CATOVNET jj GASCOVN. Toulouse, Colomiez, i6oy (v. y~o~.). In-8", 32 pp., sign. A-B par 8. Dédicace à M. de Fontarailles datée de Gimont, le i octobre i6o7. [BtBt.. PART.].

Cette édition originale ne comporte du reste aucune différence essentielle avec celle de 1611 qui a, jusqu'ici, été .prise pour type mais, comme il est naturel, elle présente généralement un texte plus correct.

L. L.

Q. L. de Montgentil, poète satyrique. 1615.

LES NVICTZ jj SANS SOMMEIL j) DE Il G. L. DE MONTGENTIL jj Bourbonnois. jj Dediées a la REYNE MARGVERITE Il Ducheffe de Valois. Il ~4~ e~- marte Il In t~M~M~ paratus. Il [neuron] Il A PARIS Il Par Claude Percheron Imprimeur, de-jj mourant ruë Galande aux Chappelletz. jj M.D.c.xv.

In-8", 105 pp., sign. A-N par 4. Dédicace de la première partie à la reine Marguerite de Valois, de la seconde partie (p. 53) à Messire Antoine Ruzé, chevalier, seigneur de Fiat, Longjumeau, Chailly, Mommartin et du Miny-Molay, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roy, écuyer de sa Grande Ëcurie, Grand-Maître, Super-Intendant et général réformateur des Mines et Minières de France pièces adressées à Mlle Diane Hilaire de Saint Héran; Mlle Jeanne de Beaufort-CaniIIac Mlle Charlotte de Saint Auban Mlle Françoise de Couseran, ayant pour anagramme sa Face est Reyne de nos CfKMfs; Mlle Gabrielle des Serpentz M. de Saint Héran M. le vicomte de Canillac à la fin, pièces encomiastiques de La Roche, gentilh. auvergnat Joan. Chenebrab. Molinensis Pet. Chenebr. Molinensis; de Barbatte, bourbonnais, cousin de l'auteur. [BIBL. DE VBRSAil-LES, E 504°, ex. incomplet des ff. A3, A~. et E<t].

Livre complètement inconnu que ces ~VMK~ sans sommeil, et leur auteur ne l'est pas moins. Écuyer, il place toute son ambition dans l'exercice de son métier, il ne tire de ses vers aucune vanité De jour je dresse les chevaux

Et la nuict j'entretiens la Muse.

.Si je ne veux pourtant qu'on me nomme Poete

J'ayme bien mieux porter une espée au costé,

Des esperons, à la main la baguette,

Plus braves destriers faire à ma volonté,

Que de rendre ma vie à la Muse sujette.


Dans la première partie du volume, l'écuyer épanche son amour malheureux pour l'insensible Cloris; dans la seconde partie, il tourne casaque, se moque de Cloris assez vilainement et adresse d'aimables madrigaux aux jeunes filles de sa connaissance. On trouve dans cette seconde partie un ballet tragi-comique, Le triomphe ~'aMOMf, une chanson Thyrsis ce Berger /o~s~ ayant pour refrain Marion, si tu veux,

Marions-nous nous deux.

et une quinzaine d'épigrammes dont six sont reproduites dans le Recueil des plus excellans vers satyriques de 1617, savoir

Janeton fait bien la farouche. Ne parlez plus d'Ysabeau. Brifaut ce bon beuveur.

Cesse de te rompre la teste. Ma foy Margot me faut rire. Janeton ma Nymphe au bel œil..

Ces épigrammes figurent dans la liste des pièces anonymes dressée par M. Lachèvre (Les ~CM~~s collectifs de poésies libres et satyriques, P., 191~ in-) qui n'a pas rencontré les Nuictz sans sommeil. Le bourbonnais G. L. de Montgentil ne me semble pas connu par ailleurs et mes recherches sommaires ne m'ont pas permis d'établir son exacte personnalité.

L. L.


VARIETES

Les recueils de pièces gothiques de la collection du comte de Lignerolles.

Dans une notice sur le comte de Lignerolles publiée en r895 (Notes sur un grand bibliophile d'hier par un petit 6!&~O~At/e d'aujourd'hui), Jules Le Petit raconte l'acquisition faite en commun par le baron de Lacarelle et le comte de Lignerolles, d'un précieux recueil de pièces gothiques de la bibliothèque de J.-Ch. Brunet. Chacun des amateurs devait posséder le volume pendant six mois et le passer ensuite à l'autre; le survivant (qui fut le comte de Lignerolles) devait en rester le propriétaire sans nouveaux frais.

Cette anecdote était une de celles de sa carrière de bibliophile que le comte de Lignerolles, généralement très fermé, aimait à raconter, mais cet accord s'était produit à la vente des livres du baron J. Pichon faire en 1869 et il s'agissait de l'achat du Recueil de Pièces joyeuses (n° 485 du Catalogue) qui ne contenait pas moins de dix-huit opuscules imprimés en caractères gothiques, qui fut adjugé 3.900 francs et les frais. Ce recueil était dans son ancienne reliure en maroquin vert. Si l'on recherche ce précieux volume dans le catalogue de la bibliothèque du comte de Lignerolles, on ne le retrouve pas, mais on aperçoit, disséminés dans le catalogue, les divers opuscules qui composaient le recueil Pichon.

Le libraire chargé de la vente, Ch. Porquet, plus habile négociant que bibliophile, et n'ayant aucun amour pour les livres, a brisé le recueil précieux, sans égard pour son ancienne couverture et a fait relier séparément les dix-huit plaquettes qui le composaient. Qu'aurait pensé le comte de Lignerolles s'il avait vu ainsi détruire le volume qui lui donnait tant de joies

Et ce crime de lèse-bibliophilie ne fut pas le seul commis par le libraire chargé de disperser les volumes de la collection du célèbre bibliophile.

M. de Lignerolles possédait plusieurs recueils de pièces gothiques.


A la vente J. J. De Bure, en 1853, il avait acquis le 612, contenant huit pièces; ce recueil en ancien maroquin rouge provenait de la bibliothèque du duc de La Vallière. A la vente Brunet, en 1868, ce sont les noS 273 et 277, contenant chacun quatre pièces, achetés, le !< pour 1.520 francs, le 2" pour 1.000 francs. En 1869 a lieu l'acquisition du recueil de la vente Pichon. En mars 1870, à la dispersion des livres de la librairie Potier, M. de Lignerolles devenait possesseur d'un recueil de cinq pièces gothiques provenant de Richard Heber et du prince d'Essling (n° 1970 du catalogue adjugé 3.650 francs). De ces cinq recueils, trois en reliure ancienne et deux reliés par Trautz, on en découvre un seul au catalogue Lignerolles (n° 1099), c'est le n° 273 de la vente Brunet qui a tronvé grâce devant le libraire-expert; tous les autres ont été brisés, les pièces reliées séparément par ChambolleDuru et dispersées dans le catalogue. Nous avons entrepris d'en faire le récolement, espérant être utile aux bibliographes de ces sortes de livres.

I. RECUEIL DE BURE, 61 du Catalogue, adjugé 1.099 francs. Cat. Lignerones. Adjugé.

i. Le débat du vieulx et du jeune. n°* :no 140 fr. 2. Le débat de l'homme et de la femme (incomplet).. 864 i6 » 3. Leblasondumoysdemay 916 6 231 » 4. La lonenge et beaulté des dames (4° partie) 397 6o n 5. Le granttriumphe. des dames de Paris 1198 230 p 6. Le double des lettres des verds gallands 1124 132 » 7. Le moyen de soy enrichir 891 z 65 » 8. Les rues et églises de Paris 2983 560 » II. RECUEIL BRUNET, n° 277 du Catalogue, adjugé 1.000 francs. I. Complainte et épitaphe du feu roy Charles n"' 1174 152 < 2. Lepistre de Mme la Daulphine 1187 225 e 3. Larmee du roy qu'il avoit contre les Veniciens. 2565 460 o 4. La translation de la bulle de la croisade. 3185 40 « III. RECUEIL J. PICHON, 485 du Catalogue, adjugé 3.900 francs. i. Sensuitlesermon des frappe culz. n" 1504 159 » 2. Sermon joyeux d'un despucelleur de nourrices. 1518 75 » 3. Sensuit le traicté des eaux artificielles 562 155 » 4. Le gouvernement de mesnaige 494 75 » 5. Ladoctrinedupèreauniz 1122 112 » 6. Le doctrinal des bons serviteurs. 1114 70 » 7. Les erreurs du peuple commun 1515 5 125 » 8. Le chemin de lospital. 443 ii2 z » 9. Le baptesme de Mgr. le Daulphin 2618 115 » 10. La bénédiction du pape. 2617 zoo » 11. Coppie des lettres nouvelles du camp du roy. 2626 38 a


Cat. Lignerolles. Adjugé.

12. Lepistre et ordonnance du camp de Mgr. d'Alençon. n°' 1189 402 fr. 13. LarépliquedubourgoysdeMézières. 1190 252 » 14. Chanson de la folle entreprise des Henoyers 1333 13; n i$. Le Pater noster des Flamans 1191 199 n 16. Lave Maria des Espaignols. 1193 izi i 17. Larescriptionduroyde Portugal. 2218 500 n 18. Les lettres du roy de Hongrie 3157 y 140 n IV. RECUEIL POTIER, n" 1970 du Catalogue, adjugé 3.650 francs. i L'ordonnance et ordre du tournoy, 1520. n" 2625 1.400 » 2. La description et ordre du camp 2624 1.020 » 3. Le livre et forest de Bernardin Rince 2621 352 e 4. Oraison en la louange de la paix. 2623 179 n 5. Le livre et oraison à la louange du mariage de

Mgr. le Dauphin 2622 272 x Le résultat de la vente de ces quatre recueils ne fut pas très favorable acquis pour 9.640 francs, ils ne produisirent ensemble que 8.319 francs et la reliure des 33 volumes avait coûté un millier de francs. Il est probable que, vendus sans être brisés, ces volumes auraient fourni une somme équivalente et la destruction en était inutile. Ce sont des recueils de cette nature qui ont assuré la conservation des nombreuses pièces gothiques publiées aux xve et xvi~ siècles; les livrets séparés ont été rapidement détruits.

Ces recueils ont souvent l'avantage de réunir des ouvrages sortant des mêmes presses, ce qui permet parfois d'identifier, par rapprochement, le nom des imprimeurs de pièces anonymes.

Sur les cinq pièces du recueil Potier, quatre au moins sortaient des presses de Jean de Gourmont ou de son successeur -P~g~ Calvarin, qui avait épousé sa veuve. (Voy. Cat. Lignerolles, nOS 2621 à 2624.) Le recueil Pichon était formé de pièces imprimées par la veuve T~)~~ Jehan Jehannot; leurs noms étaient mentionnés sur la huitième pièce et leur adresse ou leur marque de l'écu de France, se trouvait sur le titre de plusieurs plaquettes (nos 3, 4, n, i~). Le libraire Porquet aurait pu invoquer pour sa défense qu'il n'était pas le premier ayant commis un pareil méfait.

Que sont devenus les précieux et nombreux recueils des ventes La Vallière et Richard Heber ? Dans cette même Revue (I, pp. izy` 128), M. Seymour de Ricci nous a fixé sur le sort d'un recueil de quatre pièces gothiques de la vente Heber, dont les épaves sont présentement au musée Condé à Chantilly.

Un recueil composé de pièces imprimées vers 1340 par Jean Lhomme de Rouen, trouvé par M. Ernest Quentin-Bauchart, a été divisé et les pièces reliées séparément par Trautz-Bauzonnet ont été décrites dans le catalogue de la bibliothèque de cet amateur (Mes


livres, Paris, 1881), sous les nos 63, 64, 65, 67 bis, 201 à 207. La condition primitive de ce volume était des plus médiocres et les plaquettes séparées, bien reliées et conservées dans des bibliothèques soigneusement entretenues, ont maintenant la chance d'être protégées contre la destruction.

Le même fait s'est produit pour deux ou trois recueils qui depuis une trentaine d'années ont été recueillis dans la bibliothèque du musée Condé et dans celle du baron James de Rothschild. (Voyez notamment les recueils décrits par M. Emile Picot dans le Bulletin de la librai~M D. Afo)'g'N;K~/ le premier sous le n° 7762, composé de vingt-deux pièces imprimées par Jacques Moderne de Lyon, aujourd'hui dans la bibliothèque Rothschild; le second comprenant surtout des pièces publiées à Paris, dans l'officine « à l'escu de France », mentionnées sous les n°'17832,17862,17937,17938,17939 &M,17962,17970,17983, 18002, 18028, 1803~, 18071, 18072, 18152, 18193, 18206, 182~5, 18268, 18305, 18312, 18351, 18356, 18358, 18366, 18391, 18392 et 18398 de ce même Bulletin, volumes maintenant à Chantilly.) Ces recueils étaient dans des anciennes couvertures en très mauvais état. Les bibliothèques publiques sont encore riches en recueils analogues et ces assemblages facilitent la conservation de nombreuses plaquettes.

Un précieux volume de cette nature, renfermant seulement des pièces imprimées au xve siècle, par Jehan r~ Petit Laurens, Pierre Le C~OM, etc., est celui conservé à la bibliothèque de la ville de Nantes (n° ~.0988 du Catalogue), provenant de l'ancienne bibliothèque des Oratoriens de cette ville. Il ne contient pas moins de vingtsept pièces, presque toutes relatives à l'expédition de Charles VIII en Italie

Le recueil débute par les Lunettes des princes de Jehan Meschinot. C'est probablement ce poème d'un auteur breton qui aura été la cause de la conservation de ce volume dans une bibliothèque nantaise. Une énumération des vingt-sept pièces se trouve dans Chotard, Mémoires sur Charles VIII et l'expédition d'Italie, Paris, 1866, in-8; Brunet en parle aussi dans son Manuel, II, col. 991, à la suite de la description d'un recueil analogue, provenant de la bibliothèque de Richard Heber, acquis par la Bibliothèque Nationale, en 1854, à la vente de M. J.-L.-A. Coste. Des volumes de ce genre sont rares aujourd'hui dans les bibliothèques particulières, ce qui permet d'espérer que ce qui s'est passé pour les recueils de la collection du comte de Lignerolles a peu de chance de se leproduire. ÉD. RAHIR. t. La SoettM des BiblioPhiles /M)tfoH se propos d'en donner la reproduction par les soins de MM. ~mite Picot et Paul Laeombt.


La trouvaille d'un bibliophile en 1725.

Lorsque M. L. Bollioud-Mermet, secrétaire perpétuel de l'Académie de Lyon, écrivit une brochure de cent onze pages pour dénoncer le ridicule et la vanité de la bibliomaniel, il eût bien dû éviter le ton de la déclamation et de la méchante humeur. Hé monsieur, ce n'est point là de ces sujets qui demandent le feu de l'éloquence et l'énergie du sentiment! Fréron, je le sais bien, dans l'article élogieux qu'il vous consacra, déclara que, de toutes les maladies de l'esprit dont son siècle était amigé, la bibliomanie n'était pas une des moindres qu'on dût s'efforcer de corriger mais Fréron était un critique, obligé par sa profession de toujours sacrifier au bon sens et qui ne pouvait se montrer indulgent à une douce folie.

C'est fort bien de dauber le Fermier Général qui fait visiter ses écuries, ses serres et sa bibliothèque dont il ne connaît que le nombre des volumes ou le prix des plus rares, et qui ne prétend pas être initié aux mystères des choses qu'elle contient. Mais n'allons pas non plus imiter ce vandale de Falconet, qui déchirait dans un livre tout ce qui n'était pas bon, c'est-à-dire tout ce qui ne lui plaisait pas parfois il ne gardait que six pages d'un ouvrage en douze volumes c'est à lui et à ses tristes adeptes que l'on doit de rencontrer sur les quais tant de livres superbement reliés en maroquin ou en veau, qui s'ouvrent tout seuls à l'endroit où il leur manque quatre-vingts pages.

Selon M. Bollioud, la Bibliomanie est le comble du ridicule pour ceux qui n'ontni les dispositions, ni la volonté de faire un usage sérieux des livres. Ce goût bizarre et libertin qui fait donner la préférence à certains ouvrages où tout ~M~M'6 frivolité et la licence, est un travers d'esprit odieux et méprisable, un dérèglement de 6<XM~ consommé, digne de la rigueur des lois et des anathèmes.

Oui, M. Bollioud, vous avez la partie belle. Que l'on se moque de votre sermon, vous ne vous en souciez guère. Vous l'avez composé dans toutes les règles, animé du louable dessein de régénérer.l'humanité. Vous vous appuyez sur l'autorité de votre siècle utilitaire, dont le bon sens suppose, à chaque acte, un résultat tangible et immédiat. Un livre vaut ce que vaut son contenu. Est-il bon ? Est-il méchant ? Que rapporte-t-il au lecteur ? De quoi est-ce que cela guérit ? Mais le charme du livre ancien qu'on lit entre les lignes, car le titre, les remarques, les gravures, le papier même, vous évoquent une époque lointaine dont le parfum vous arrive insensiblement, un peu mêlé, un peu évaporé, et pourtant enivrant encore une époque dont i. De la Bibliomanie. A La Haye et à Paris, ehs Lambert, tKttft'HMM?'-H~f:<M, rue e< à côté de la Comédie-Française. In-i6, réimprimé chez Jouaust, par Paul Chéron.


les personnages se dressent soudain devant vous, raides, comme embaumés ? Mais le plaisir si pur de l'amateur, trouver le livre rare, peut-être près de disparaître, le tenir enfin, l'emporter, le garder de tout mal, prolonger par des soins habiles une existence dont nul autre ne soupçonnait la valeur, en faire, pour ainsi dire, sa créature ?. Bagatelle ou folie, répondrez-vous. Voltaire l'a dit « Un livre rare n'est jamais un bon livre. » Et Sénèque ne s'est-il pas moqué des gens qui recueillent les ouvrages des auteurs grecs et latins sans aucune connaissance de ces langues, ni des choses contenues dans ces écrits ? qui, incapables de se nourrir des pensées solides que renferment ces -livres, se repaissent du singulier plaisir d'en voir les dos et les titres bien dorés, les volumes rangés avec art et symétrie ? Ausone n'a-t-il pas écrit sur les collectionneurs ignares de son siècle l'épigramme suivante

Emptis quod libris tibi bibliotheca referta est,

Doctum et grammaticum te, Philomuse, putas.

Hoc genere et chordas et plectra et barbita conde

Omnia MMM:~MS, 6~<M citharaedus ~M.

Aulu-Gelle a également daubé les bibliomanes, et Pétrarque a écrit dans ses Épîtres familières « Si ces livres pouvaient parler aussi facilement qu'ils présentent aux yeux les signes de la parole, quelles plaintes sur leur sort ne nous feraient-ils pas entendre 1 Combien témoigneraient-ils de regrets d'être condamnés pour longtemps à une inutilité si odieuse, à un esclavage si violent et si honteux » »

On raconte que Louis XI, apprenant qu'un homme sans lettres avait acquis une ample bibliothèque, dit «Voilà le vrai portrait d'un bossu qui porte sur le dos une superfluité de nature, et qui est hors d'état d'y jeter les yeux. »

Je voudrais passer sous silence l'homme de La. Bruyère qui fait peindre les endroits vides de sa galerie de manière qu'on y croit voir de vrais livres car, celui-ci, en vérité, me semble devoir être absous comme irresponsable, son cas étant du ressort de la médecine et non de la morale.

Il y avait donc de si furieux bibliomanes au xvme siècle ? Cela est vrai. On sait qu'à partir de 1750, le goût des beaux livres naquit avec les délicieux volumes à vignettes où les Cochin, les Eisen, les Gravelot, les Moreau, les Marillier prodiguèrent leur talent. Les auteurs cherchèrent aldrs à s'imposer par le luxe de leurs publications à l'attention des lecteurs. Dorat n'est pas le seul qui se soit sauvé par les Planches de l'océan de l'oubli. Les éditions en grand papier furent recherchées. En 1751, la traduction française de l'Éloge de la Folie est


imprimée dans la forme d'un in-12 sur du papier in-4° l'MiMtOM de Jésus-Christ, imprimée au Louvre, en grand format et en gros caractère, devient une pure curiosité de cabinet. Mais même dès la première moitié du xvme siècle, il y eut de passionnés bibliophiles, que leurs études sur les auteurs du xve et du xvie siècle amenèrent tout doucement à l'amour du livre de cette époque tels La Monnoye et Du Fay. Ceux-ci, cependant, n'ont guère écrit sur le livre, considéré comme objet de collection le livre était pour eux le coffret où un trésor est enfermé.

C'est pourquoi il nous paraît intéressant de rappeler un singulier opuscule contenu dans les ~a~s/M JtS~aW~, recueil latin anonyme, imprimé en 1725, à Francfort et à Leipzig, opuscule qui porte ce titre Notitia Libri rarissimi sub ~s<s Typographie MM; initiis excusi. L'auteur, dont nous n'avons pu trouver le nom, nous y révèle les transports qui le saisirent à la découverte d'un incunable xylographique bien connu d'ailleurs, et dont Brunet donne la description Ars memoyandi notabilis per figuras Evangelistarum hic est ~0~ ~-SC~~tK quam diligens lector diligenter legat, et practicet per signa localia ut in practica experitur, etc.

La description que notre auteur inconnu en donne, tient moins de place dans sa notice que l'expression de sa joie de bibliophile La nature nous a /0~!M presque tous de MMM~ que nous ressentons le plus grand plaisir, lorsque nos yeux peuvent voir et que nos mains peuvent toucher quelques restes vénérables de l'antiquité. Le sentiment de volupté que nous ~fOMUOMS alors est d'autant plus doux, que ces monuments, ~cAa~~ aux injures du temps, sont ~~MS rares, et que nous nous attendions moins à les voir et à les toucher. C'est ce qui m'arriva, il y a quelque temps, lorsque ma bonne fortune me fit tomber 6M~ mains un K!~ peu considérable par son étendue, mais auquel sa rareté et son excellence donnaient le plus grand poids.

Je le trouvai par hasard, lorsque j'y pensais le moins, C<tC~ dans un coin où, jusqu'alors, il avait été en proie aux teignes et aux cloportes, insectes vils et malfaisants. A peine pus-je me contenir que je n'imprimasse dessus le plus tendre 6<:M~ lorsqu'à la première vue je soupçonnai tout le ~ft~ ~OM!' était. Je ne fus retenu que par la poussière dont il était couvert, et que par la ~Ma!~f0~ qui s'était amassée sur sa reliure. L'opinion que j'avais prise de sa valeur était fondée. A peine l'eus-je examiné d'un tB!~ attentif, que je découvris qu'il avait été imprimé dans le temps où la typographie, cet art divin et inestimable, sans lequel Apollon et les Muses S~~MMi! tombés dans l'oubli, était encore au berceau. Il n'y a point d'enfant, même parmi ceux qui sont le moins instruits, qui ne sache combien des J~fM S6M&~&/M sont précieux et faits ~OM~ placés


avec soin dans les cabinets littéraires. Le nombre de ceux qui existent égale à peine celui des Portes de Thèbes CM des embouchures ~M 7~!7. EM vain en C~~6/M-<-OM cette eS~CCë dans les ~'J'MS augustes bibliothèques, dans celles qui renferment les trésors les plus dignes d'envie. Jules César Scaliger eut autrefois en sa possession l'Horloge de la bienheureuse Vierge Marie, !)M~f~ sur ~M parchemin, avec des ~/aM6~s bois gravées. Les lettres en étaient liées et jointes ensemble. Ce livre avait droit < mis au nombre de ceux du plus grand prix, mais un chien de chasse le déchira. Scaliger en fut longtemps affligé et eût donné beaucoup pour ~)a~ ~6)'~ qu'il avait faite.

Nous allons donner une notice, aussi claire et aussi exacte ~M' sera possible, de cet ouvrage que personne n'a, de notre connaissance, examiné 7MS?M'~ ce jour MOMS allons vous f aire partagernotre joie.

Mais notre bibliomane est si fier de ce qu'il nous va découvrir qu'il s'arrête encore pour jouir de notre impatience, comme on défait lentement un paquet devant l'enfant dont les yeux brillent de curiosité. Eh quel plaisir n'est-ce pas de rassasier ses yeux d'une vue aussi agréable et de ~OMt'0!)' contempler les ~~Mt~~ essais de cet art divin. La rudesse même des caractères, la forme noire et massive des lettres, af fectent ~HCMMS~~<eM< les sens et j'y vois tracé, comme avec les couleurs les plus vives, les chemins qu'a tenus l'Art de l'Imprimerie, ~OM~ arriver à la ~f/ee<tOM dont elle brille aujpurd'hui1.

Nous ne suivrons pas notre auteur dans sa description minutieuse autant que naïve d'un incunable fort connu. Mais nous croyons que les quelques pages citées sumront à lui assurer une place, non pas parmi les vulgaires curieux dont parlait M. Bollioud, mais parmi les amateurs. Car sa trouvaille lui est précieuse à d'autres titres que sa seule rareté. Il y a su voir la genèse et l'enfance de 1'~ Divin, et comme un père s'attendrit en suivant les premiers pas de son enfant, il en a suivi les essais avec une joie candide et touchante. Ce livre, rude et mal fait, avec ses lettres qui bavent leur encre et ses gravures symboliques dont il ne saisît pas bien l'exacte signification, il a failli l'embrasser dans le premier mouvement de sa joie il l"a sauvé des vers et des souris, il lui a donné la vie une seconde fois en le soignant et en le célébrant dans les ~Mta~M~M .Lt~fa~ Soyons juste il était digne, à tous égards, de posséder, pour y regarder tout à loisir l'objet de son amour, le jardin dont parle Cicéron Si hortum cum bibliotheca /M&M. nihil deerit.

P. €?.

l. La traduction de cet opuscule a paru dans le Conservateur. Février I7S7.

Le Gérant PAUL CHAPONNIÈRE.

J'~ris. Typ. PHlUPpE RENOUARD, 19. rue des Stints-Peret. S3'°''


SIMPLES NOTES SUR RONSARD

ET

SON LIVRE DES ~/06~

(1552-1553)

La caractéristique essentielle des vieilles archives des notaires parisiens, particulièrement celles du xvie siècle, réside dans leur extrême variété variété dans la nature des actes, variété dans leur objet. Ouvrons au hasard une liasse ou un registre de minutes et nous rencontrons successivement une vente de bien rural, une donation, un marché, une renonciation à hypothèque, un titre nouvel, une vente de terrain à bâtir, deux procurations, un règlement de compte, etc., etc. la personnalité des parties et leurs qualités, l'objet des contrats et le détail des conditions de leur exécution nous introduisent dans tous les mondes et dans tous les milieux, dans toutes les professions et dans tous les métiers, comme ils nous mêlent aux affaires les plus diverses le mari d'une Canaye vend à un Gobelin la teinturerie de la Cloche, rue de la Vieille-Pelleterie, sur les bords de la Seine; l'ingénieur en chef de la voie publique, comme nous dirions aujourd'hui, rétrocède à un bourgeois un terrain qu'il a lui-même acheté un an auparavant à l'abbaye de Saint-Victor et qui représente un démembrement du clos abbatial; les conditions de la première vente, mises naturellement à la charge du

TOME il. 15


nouvel acquéreur, sont à citer obligation d'élever des constructions dans un délai de deux ans; en cas d'aliénation, l'abbaye se réserve un droit de préemption; si elle n'en use, elle recevra du nouveau propriétaire trois écus d'or soleil à titre de bienvenue; la charge d'établir un premier pavage au droit de la propriété, et de l'entretenir, est imposée à l'acquéreur, qui devra, en outre, établir des cabinets d'aisances dans la maison à édifier, ne pas installer de jeu de paume ni pratiquer de vues sur le couvent. Le prix de la première vente par l'abbaye avait été de 104 1. t., représenté par une rente de 17 1. t., raclietable pour la plus grande partie, mais non en totalité, soit à concurrence de 121.15 s. t., sur le taux du denier douze; en vendant 325 1. t., Denis Pasquier, maître paveur juré du Roi, réalisait, en moins d'un an, un bénéfice de 31 1. t. la veuve d'un menuisier met en apprentissage, pour quatre ans, son garçonnet, âgé de douze ans, chez un fabricant de balles pour jeu de paume; Pierre Galland, principal du collège de Boncourt, met son neveu en service chez un tailleur de la rue des Arcis, au Petit Puits Saint-Jacques; la belle-sœur d'un ecclésiastique de Freneuse, au diocèse de Chartres, mariée à un maçon, actuellement absent, sous-loue à un épinglier partie de la maison de la Pomme-de-Pin, rue d'Ablon, à Saint-Marcel, propriété du prêtre, à charge notamment par le locataire de fermer la porte sur la rue à 9 heures du soir en hiver et au plus tard à 10 heures en été; suit le testament d'un prêtre savoyard, logé au collège de Montaigu, qui, en cas de décès à Paris, élit sépulture en l'église Saint-Merry; l'affermage de sa cure, pour trois ans, par le curé de «Botteaulx », moyennant un loyer annuel de 40 1. t., outre la moitié des charges; le testament d'un apothicaire, grand bedeau de la Faculté de médecine, qui lègue 100 s. t: pour les travaux en cours de l'église Saint-Étienne-du-Mont. Voici des contrats où il est question du droit du seigneur à Champcueille, de la traite des nègres en Afrique et aux Antilles, d'un Saint Ëloi avec cheval et donateur, exécuté en terre cuite par


André Pilon pour l'église de Fresnes, de la gravure et dorure d'une armure, de travaux de maçonnerie, menuiserie, peinture et sculpture aux Carmes de la place Maubert; voici des marchés pour l'impression des livres liturgiques du diocèse de Bayonne, pour celle du De ~s~M~'o~ tK Mt~MM de Jean de Saint-Morice et des livres de luth de Guillaume Morlaye voici des actes concernant les Grecs du Roi et une collation de vieux exemplaires de Pline par Charles Estienne pour son frère, Robert; en voici d'autres, enfin, capables de préciser et de compléter la biographie de personnages célèbres, François Clouet, Nicolas Houel, François Vatable, Jean Cousin, Jean de Gaigny, Jean Dorat et Pierre de Ronsard.

Le tome II de notre jRec~ d'actes notariés relatifs à l'histoire de Paris et ses 6M!~OMS au XVle siècle ~J.?dont il ne reste plus à imprimer que la table et l'introduction, et d'où sont tirés les exemples cités ci-dessus, renferme quatre documents intéressant le chef de la Pléiade.

Le 26 août 1552; Ronsard afferme, pour trois ans, sa cure de Mareuil-lès-Meaux. Qu'advint-il d'imprévu? Le vicaire fermier, modifiant ses projets, demanda-t-il et obtint-il la résiliation du bail? ou celle-ci fut-elle la conséquence normale d'un décès fortuit et prématuré? Toujours est-il que onze mois plus tard Ronsard passait un nouveau bail, d'une durée de cinq ans, avec un bénéfice annuel de 40 1. t. sur le prix du loyer, porté de 320 à 360 1. t. Entre temps, le 26 avril 1553, Ronsard, ayant reçu ce qui lui revenait dans la succession de ses père et mère, donnait son adhésion aux cessions immobilières consenties par son frère Charles à leur frère aîné, Claude, et à la vente par celui-ci de sa seigneurie de Sarceau'.

Le quatrième contrat représente, au dire d'un juge pari. H. Longnon, Pierrede .Ro;Ms~, pièce justificative, n'XXVI (p. 502).


ticulièrement compétent, le plus ancien document actuellement connu concernant les droits d'auteur; il est daté du g mai T:553 la seconde édition du livre des ~~îOM~s est sous presse/l'éditeur obtiendra pour elle un privilège de six ans le 18 mai; cette édition se distingue de la première par une « augmentation », soit l'insertion de quatre pièces, deux chansons et trente-neui sonnets qui ne nguraient pas dans la première de septembre 552, et par le commentaire de MarcAntoine de Muret ce sont les honoraires de l'un et de l'autre que le libraire éditeur acquitte, 23 I. t. à Ronsard et le double à Muret, en même temps qu'il reconnaît le droit intégral du poète sur son œuvre. A noter, en passant, que Ronsard n'a pas encore perdu l'habitude de faire suivre son nom de la qualité de seigneur de Sarceau, à laquelle depuis quinze jours au moins il n'a plus aucun droit.

Nous accompagnons ci-dessous l'analyse 'de ces quatre pièces, de celle de deux autres qui concernent seulement Claude de Ronsard.

I. s6 août 1552. KscMs~ ~c., II, 499.

<

6155. Bail, ~0~ trois ans, de sa cure ~Ma~M!7 ~esMeaM~, par Pierre de Ronsard, ~'CM~-CM~ de CourCheverny et curé de Ma~ËM!7, Jean Co~M, c~ Afa~K!7, ;MoycKMaMi!j2o t. ~a~- an, payables <: Paris, NM domicile du M~M; CC~M:-C!: gardant à sa charge le droit de MOM-~S!?:C6 obligation ~)OM~ preneur de fournir, dans le ~O~'S, la caution solidaire de Pierre .BM~-a~ ï)~M~OM, à Afa~M!7, et de Nicolas Cottin, même ~~ssto~ Ma~y-oH~, et aussi de faire, le cas échéant, l'avance des décimes, dons gratuits ou autres sM&s~s royaux.

En ;Ka~-ge, constitution de ~{ caution solidaire par Pierre Bureau, ~~OM~K~ Ma/6~7, et ~:e?:K6 Co~M, i. K.Lung[ion, 7';<;f~ 7<o~MtK't. p. 417,


même ~0/6SS!'OM, Magny-le-Hongre, ~H date 2 mars

II. 15 juillet 1553. Ibid., II, 534.

6346. Bail de sa cure, ~OM~ t: ~~s, ~a~ Pierre de Ronsard, curé de Mareuil près Meaux, étudiant en l'Université, à Nicole Guérin, prêtre, à Villeneuve-leRoi, moyennant j6o t. par an et à charge de faire ,f l'avance des décimes ou dons g'~a~M'~S éventuels et de fournir, pour la Noël, la caution solidaire de laïques ou de verser un terme d'avance, imputable sur le dernier terme de jouissance.

III. 26 avril 1553. Ibid., II, 525.

6296. Adhésion de Pierre de Ronsard, ecMy~, à la vente consentie par son frère aîné, Claude de Ronsard, C~ë! S~g'K6M~' de La Poissonnière, par acte 23 octobre JJ'~7, passé en la cour royale de yo?~s, par le notaire Martin Porthais, à Catherine Dalizon, ~?M~ des MoM~'MS, a~~M~n~ T'OMIS, ~~s~H~ par Ma~M~'M GM~O~'S, clerc, de la seigneurie de « 5'6~CMM » ou « 5'aff6a« », les droits ~M'<7 pouvait avoir sur ce ~o~a~'Mg ayant fait l'objet d'un accord avec son frère; en conséquence, il se désiste de l'action ~ïi'CM~e par lui contre ladite Catherine Dalizon devant le COMSe~ai; des privilèges ~Oy~M~ !7M~ë~ ~OM/ entrer en possession de la moitié de ladite terre, et consent à l'exéCM~'OM de la sentence rendue par le lieutenant ~M sénéchal ~M Maine à C~aM-~M-Zo~ CK faveur de ladite Catherine Dalizon; en outre, Pierre de Ronsard rati fie la vente faite par son frère, Charles de jRoMSa~, archidiacre de Chartres, à leur frère ~MC, Claude de Ronsard, de métairies et héritages énumérés dans l'acte, passé <'M la CO~ jB~S Vendômois, par Faissart, notaire en la cour de MoM~O~g, 27 mars Jr~7, dont !7 ~COMK~~


~t'O~~OMC~ la moitié ~~n' ~COM~MC les adhésions par lui données à MM~ terre de « .Sa~c~M à à Catherine Dalizon par actes passés devant Périer et Fardeau, le j' avril 1548 ou devant ledit Martin Porthais, le mai 5~ dans l'héritage de ses père et mère lui ayant été délivrée.

IV. g mai 1553. 7M., II, 527.

6307. ( Pierre de Ronssart et Ma~c ~4M~O!M de MM~, led. de Ronssart s'' de Sarceau et led. Muret bachellier en droict civil, t~C~MOM~MS Paris, confessent .avoir. ~'CCëM de. Katheriné Z% ~e/fe de feu. Maurice Dc~a~O~ libraire. par les MMtMS ~~ë~oys Delaporte, soM /ac~M~ ~~oc~~M~ trente escuz ~'<M'SO~Ï~ vallans ensemble soixante neuf livres tournois, c'est assavoir led. de Ronssart, vingttrois livres ~0!~MOM ~OM~ l'augmentation par led. de Ronssart faicte 67t son livre qu'il a composé des Amours, devant imprimé par lad. vefve, et led. de MM~ quarente six livres /OM~MO~'S ~'OM/ ~~0! COMM!CK~ led. livre d'Amours. et en ce /~ï's~M~ a promis. led. Delaporte, tant ~'OM~ luy que ~'OM~ sad. mère, de M'M! CM faire imprimer doresenavant led. livre sans l'exprès consentement de ~OMSS< »

V. –11 décembre 1552.–76~ II, 511.

6218. r'eM~ par C~e Ronsart, chevalier, seigneur de « ~jPoSSOMMy~e » et de La C~GaMgain, pays de Vendômois, ~'MM des cent gentilshommes ordinaires de la maison du Roi, demeurant à La Poissonnière, et par René de Verdelay, écuyer, seigneur de Coulonges, même ~ys, conseiller et général ëM la cour des aides et finances de Paris, ~Më « de /g//aN P)'~0~ », Ma~~M~ Oger, veuve de jean F~tï!?, tailleur de ~0&6S autres habillements, aux faubourgs de Paris,


~.ZE-Y ~fA-fO~J-

DE P. DE RONSARD VANDOMOIS, N 0 Vuellemenc augmecees par lui, &: commentées par Marc Antoine de Muret.

Plus quelques Odes de L'auteur non encor imprim ées.

TÏ~V~~ 'r~v~Tt~r' e!M'fjttoMy,&arV)'a:

Nvvrâ~xsr,vûr ,1 ~~aoyvvii~ ~Qertlt.

~NCyT~VH)f~ Tt~O')'W!~ t't7R<. Av~<yS.

AVEC PRIVILEGE DV ROY. A P A R. î S.

~.C~c~ "~c~c ~M'cc ~c Po~

S 3'


sur les fossés, entre les ~o~s Saint-Marcel et Saint-Vicmaison à l'enseignede l'Ange, d'une rente de ~0 t. S~~ les seigneuries ci-dessus mentionnées, moyennant ~00 t., prix du rachat éventuel à réaliser en une seule fois; 6Mg'a~;KeK~ de C/aM~ Ronsard de faire ~a~~c~ cette constitution par sa /gMW~, ~4MM6 r~~Cë~'M, dans les deux mois.

VI. il décembre 1552. Ibid., II, 512.

6219. Engagement par ledit C/aM~e de Ronsard de ~~M~<? sa charge la totalité de ladite rente, dont il a ~OMC~6 totalité ~M prix, René de P'ef~C~y M'~aM~ intervenu qu' « très grande prière, ~M~g pour /a~ ~M~ aud. S"~OMSSa~i' »

ERN.COYECQUE.


LE BLASON DE~ ARMOIRIES

ET SON AUTEUR

JÉRÔME DE BARA

Jérôme de Bara, peintre verrier, « parisien », comme il se désigne lui-même', devait être né, si l'on en juge par les documents qui vont suivre, aux environs de 1540, et se trouvait à Genève dès 1569. Le 4 mars de cette année, il présentait au baptême, avec sa femme Michée, un fils nommé Jean et, le 27 mai 1571, un second fils Abrahams. Moins d'un mois après la mère succombait à la suite de ses couches et, le 4 janvier 1573, Bara contractait une nouvelle union avec Claude, veuve de Pierre Merlin 5. Il en avait un fils, baptisé le 25 décembre 1574 et appelé aussi Jean comme son frère consanguin. En 1576, deux jumeaux, Jean et Pierre, venaient augmenter les charges paternelles7. On peut donc croire que notre personnage dut accueillir avec reconnaissance la libéralité dont il fut l'objet,' quelques années après, de la part d'un autre peintre retiré à Genève, François Du Bois, dit Sylvius, natif d'Amiens, lequel, par i. Titre de départ du Blason des Armoiries, éd. de i58r, p. r.

2. Archives d'Ëtat, Genève, registre des baptêmes, parois~ de Saint-Gervais. 3. Ibidem.

4. 7&)K, registre des décès, 1571, 23 juin.

3. /M~w, registre des mariages, Saint-Pierre.

G. Ibidem, registre des baptêmes, Saint-Gervais.

7. 7&!WfH:. y


son testament daté du I9 août 1584, « donne et lègue à Jerosme de Bara, paintre et vitrier, son bon amy, demeurant en ceste cité, la somme de cent florins' On trouve enfin l'artiste mentionné pour la dernière fois dans un acte du 7 avril 1585, par lequel il prend à bail une maison située rue de la Cité, pour Je prix de 32 florins par an'.

En venant s'établir à Genève, Jérôme de Bara témoignait de son ferme attachement aux principes de la Réforme, car il ne pouvait ignorer qu'il trouverait, dans cette ville, un milieu peu propice à l'exercice de sa profession. Menacée de toutes parts, serrée de près par le duc de Savoie, son ennemi héréditaire, qui lui coupait les vivres et arrêtait son commerce, Genève ne pouvait songer qu'à sa défense et c'est au maintien de ses libertés que durent être avant tout consacrées les faibles ressources de l'État, autant que celles des particuliers.

Il est probable que Bara eut l'occasion d'exécuter sur place quelques vitraux à la manière suisse, mais les commandes ne semblent pas avoir été bien nombreuses, puisqu'on le voit se charger, en 1584, des modestes besognes d'un peintre d'enseignes et c'est au dehors, pensons-nous, qu'il dut fréquemment chercher l'emploi de ses talents

Nous savons au surplus qu'il comptait à Lyon de puissants protecteurs et qu'il y fit en I579 un séjour prolongé, i. Le testament de François Du Bois a été publié par Henri Eordiar, dans les M~MMtf~s la S" d'Histoire et d'Archéologie de Genève, série in-<t°, t. I (i8~8), P. 7.

2. Archives d'Ëtat, Genève, minutes d'Et. de Monthouz, notaire, vol. z, 13~ v". 3. A l'occasion des fêtes qui furent données à Genève, en 158.}, pour célébrer la conclusion de l'alliance perpétuelle de cette ville, avec les cantons de Berne et de Zurich, Jérôme de Bara fut chargé d'exécuter en lettres dorées, une inscription commémorative et de faire la peinture d'une fontaine allégorique. Cf. A. Cartier, Les snonttnaents de l'Alliance de 158~, cottservés à Genève, dans les Mévt. ~le L~s MOHMMMK/s d'Archéologie, série .?M~, t. IV d Gf~t' dans et les M~m. t~ /a S" ~'77~o/ d'-4t'cAMog; série in-.)°, t. IV (1915), p. 131 et ss. 4. A l'exemple du peintre-graveur bien connu, Pierre Cruche ou Eskrich, dit Vase, que l'on trouve alternativement à Genève et à Lyon, entre les années 1552 et 156~. Cf. N. Rondot, Gf<!feK~ sur bois à .Lyo~t au ~7' siècle, Paris, i8~S, ia-S et notre article sur Pierre Cruche, dans le Di'M!Hait~ (~s Artistes suisses.


puisque c'est dans cette ville et sous cette date qu'il publia, chez le libraire Claude Ravot et dans le format in-folio, un ouvrage héraldique Le blason des ~MOt~'fs, dont le succès est attesté par plusieurs réimpressions successives.

Cette première édition n'est connue jusqu'ici que par le témoignage d'Antoine Du Verdier', mais il est certain que ce bibliographe a eu le volume sous les yeux L'existence de l'édition de 1570 est confirmée d'ailleurs par la date (10 mars 1570) de l'Ëpître dédicatoire dont nous allons parler, et par de Bara lui-même dans l'Avis au Lecteur qu'il a joint à la réimpression de 1581 « Or, dit-il, outre ce qui concerne les blasons que j'ay amplifiez de beaucoup, j'ay augmenté mon livre, en ceste seconde edition, de plusieurs armoiries particulieres et anciennes. »

On connaît en revanche plusieurs exemplaires de cette réimpression, dont voici le titre et la description LE BLASON DES ARMOIRIES, Il Auquel est monstrec la manière de laquelle les Anciens & Moderjjnes ont vsé en icelles. ~j Traicté, contenant plusieurs Esc~s ~~Ms, ~r moyen ~S~M~S on peut discerner les ~M~S, dresser CM blasonner les Armoiries. Reueu, Corrigé Amplifié par l'auteur aucc augmentation de plusieurs armoiries, tant anciennes que modernes il [Armes de France et de Pologne, accolées et surmontées d'une couronne royale.] ~) A LYON, Il POVR BARTHELEMI VINCENT Il CI3. 13. LXXXI. [1581] AVEC PRIVILEGE DV ROY. Pet. in-fol. de 6 ff. prélim. non chiff., 247 pp. chiff. et i f. non chiff. Lettres rondes, figg. s. bois.

Collation le titre, dont le v° est orné d'un écusson, surmonté i. Bibliothèque /W)tpn:'se, éd. Rigoley de Juvigny, t. IV, p. 219. Le savant auteur de la Bibliographie i'.)'oM):<:t'M du .X')~7* siècle, notre ami regretté, M. Julien Baudrier, nous écrivait à ce propos, peu avant sa mort « Je n'ai constaté la présence du volume de 1579 dans aucune bibliothèque à ce jour. u

2. Le titre est transcrit tout au long; il présente en outre des différences avec celui de l'édition suivante de rgSi. Enfin, Du Verdier travaillait, précisément à cette époque, à la publication de sa Bibliothèque française, parue en igSs et se trouvait en relations constantes avec les libraires de Lyon.


d'un heaume avec lambrequins. On lit au dessous, le quatrain suivant de F. BEROALD

Lecteur, tu vois icy, du temps des peres vieux

Et du present, les traits de la marque estimee

Que portoyent les vaincueurs, qu'ores la renommee

Rend apres leurs grands faits, du temps victorieux.

F. ij, épître dédicatoire de HiEROSME DE BARA « à Monsieur Monsieur de Langes, seigneur dudit lieu et de La-Val, conseiller du Roy nostre Sire & Lieutenant general en la Seneschaussee de Lyon », épttre dat ée de Lyon, ce 10 de mars, 1579. –Ff. uj-iiij r". Avis au Lecteur. F. iiij v°, sonnet de L. M. S. « à Hierosme de Bara sur son Livre des Blasons. » F. [v r°], sonnet de N. PiTHou, seigneur de Chamgobert, accompagné de la devise F~ efficere; autre sonnet de N. LE DIGNE, terminé par la devise Heur de L~~M~. F. [v v°], ode française en vingt strophes de 5 vers heptasyllabes, par F. BEROALD, avec la devise Af~sa /tC!~as altera. F. [vi r°], ode latine de 20 strophes (Asclépiade I), par N. Di&NUs B. [Le Digne], avec la devise Uovo; s'KtMvo;. F. [vi v°], « Extrait du Privilege », accordé pendant dix ans, à Hierome de Bara, pour « faire imprimer où bon luy semblera, un livre intitulé le Blason des Armoiries avec aucunes figures d'icelles, par luy recueilli et composé ». Ce privilège est daté de Paris, le huitiesme iour du mois de luillet, l'an de grace M.D.LXXVIII [1578] et signé: par le Roy en son conseil, Brulart. Un quatrain de l'auteur, dont la devise était En vie, enalgré eMt~'e, se lit au-dessous de l'Extrait du privilège et clôt la série des pièces liminaires. Les pp. 1-135, contiennent un traité du blason et les pp. I36-2/J.2 (chiffrée 22~), un recueil de diverses armoiries. On trouve ensuite, p. 2~3, un sonnet dePiERRE MANSON au lecteur. P. 2~, les armoiries de.l'auteur, portant pour cimier la figure d'Apollon terrassant un dragon, et accompagnées de la devise .EM vie, MM/g~ Envie. -P. 245, armoiries dans un encadrement de fleurs et de fruits et se blasonnant de. à trois écussons de. à une fleur de lys de. posée en abîme; devise ~Mf: P~M~ Comes. Pp. 2~6-2~.7, « Table des noms d'aucuns auteurs desquels l'auteur s'est aidé en ce livre des Blasons ». Le bas de la p. 2~.7 est occupé par un Errata. Enfin, le r" du dernier f. non chiffr. porte un « Achevé d'imprimer le xi de febvrier l'an M.D.LXXXI », dans un cartouche rectangulaire, et le v° est blanc.

BiBLIOTH. NATIONALE, Rés. V626. BRITISH MUSEUM, 605 f. I. BIBLIOTH. DE GENÈVE, Ga 720.

En examinant de près le volume, nous avons constaté que Barthélemy Vincent, son éditeur, l'avait fait imprimer, non pas


L E B L AS 0

DES ARMOIRIES~ Auquel e~ montrée ma.merc de hqueiie les Anciens& Modet-

nés ont vfe en iceltes.

7?~?~ ~j5/?~ ~/<?~<?)f~<a~ ~f~f~ ~~f~ ~r<?~f~ ~~M/~j. Reueu, Cordgc Amplifié' par l'auceu!' auec augmentation de pluncurs~rmoiries, tant anciennes que modernes.

A LY 0 N,

POVR BARTHELEMI VINCENT

CID. 13. LXXXI.

A VE C PRIVILEGE DV R.OY,


à Lyon, mais à Genève, par Jean de Laon, l'habile typographe auquel Théodore de Bèze avait confié, l'année précédente, l'exécution de ses Icones'. Ce n'est point là d'ailleurs un fait exceptionnel et l'on en pourrait citer de nombreux exemples analogues pendant une bonne partie de la seconde moitié du xvie siècle, les libraires de Lyon ont eu très fréquemment recours aux ateliers des imprimeurs genevois qui, fortement protégés contre l'esprit turbulent et les exigences des compagnons, favorisés au surplus par les habitudes de travail et d'économie qui résultaient de l'austérité du milieu, se trouvaient en situation d'offrir à leurs clients des conditions beaucoup plusavantageusesque cellesdeleurs concurrents lyonnais. La meilleure partie de l'ouvrage de Jérôme de Bara est son traité du blason, que l'on peut encore consulter aujourd'hui il y a peu de chose à tirer, en revanche, du recueil d'armoiries qui occupent le reste du volume et dont beaucoup sont de pure fantaisie celles, par exemple, de Nemrod, de Ninus et de Sémiramis, du roi David, de Thésée, de Jules César, du roi Artus, des chevaliers de la Table ronde et bien d'autres. Les seules armes qui aient quelque valeur documentaire se trouvent aux pages 192 et suivantes Pairs de France, Royaumes, Duchés, Marquisats, Comtés, Vidames et Seigneurs. On peut dire que le Blason des ~o~s est, à l'héraldique, ce que le .P~OM~Ma~e des Médailles de Guillaume Rouillé" est à l'iconographie, mais la publication de Bara venait à son heure et la matière en parut nouvelle. On ne possédait guère alors que le traité, déjà bien vieilli, de Sicile, héraut du roi Alphonse d'Aragon, le Blason de ~oM~s armes et ecutz, publié à Paris en 1~95 et notre peintre eut i. GeMCt'ae, s~K~ ToftMMfM .LaoMt'MMt, 1580. in-4°. Les caractères, romain et italique, sont les mêmes dans les deux ouvrages; le bandeau de la p. 20 et celui de la p. 246 du Blason se vérifient snrcpux des ff. Fa r", et Li r" des Icones, mais la preuve décisive est faite par l'encadrement des armoiries de la p. 245, qui est celui du portrait de Savonarole, f. Ba v" des Icones et par le cartouche de l'achevé d'imprimer du Blason qui, dans les Icones, sert de cadre à l'emblème XIV, f. Mm~ r". 2. Lyon, 1553, in-4". -Cf. Baudrier, Bibliographie lyonnaise, t. IX, p. 205. 3. Ce traité a été plusieurs fois réimprimé au xvt* siècle. Cf. Brunet, t. I, col. 966 et s3.


la satisfaction de trouver, dans les suffrages du public, la récompense de ses peines. Il paraît en effet n'avoir rien négligé de ce qui était en son pouvoir pour étendre ses recherches et recueillir partout des matériaux utiles « J'ay, dit-il, dans l'Avis au lecteur, outre ce qui se void ès anciens auteurs, recherché beaucoup de vieux enseignements, genealogies, pancartes et choses semblables, estans ès librairies, grottes, cabinets et reserves de divers lieux. » De Bara nous apprend d'autre part (p. 136) qu'il trouva, auprès de quelques-uns de ses amis ou de ses protecteurs, un concours empressé à lui fournir des documents inédits « Un certain gentilhomme François m'a envoyé et fait tenir plusieurs memoires de ses recherches qu'il avait tirees de diverses librairies et bibliotheques d'Alemagne, comme il faisoit un voyage en Pollongne, par le moyen duquel j'ay esté fort esclarcy de quelques points, lesquels j'allois seulement comme tatant. Monsieur Pithou, sieur de Chamgobert, gentilhomme champenois, m'a de sa grace grandement favorisé, me communiquant et faisant voir quelques choses qui m'ont rendu plus ferme et asseuré que je n'estois. »

Les nombreuses figures qui accompagnent le texte ont été sans doute dessinées par de Bara lui-même. Nous serions fort disposé toutefois à reconnaître la main de Pierre Eskrich, dans la grande planche de la page 244, représentant les armoiries de l'auteur; la figure d'Apollon, qui forme le cimier, est caractéristique en effet de la manière de ce maître, alors si réputé comme vignettiste et comme peintre-graveur. Il était établi à Lyon depuis 1564'; de Bara pourrait fort bien, dès lors, s'être adressé à lui pour l'exécution de cette pièce exceptionnelle, dont le dessin et la taille sont d'une qualité très supérieure à celle des autres figures du volume. La date du privilège (8 juillet 1578), celle de l'épître dédicatoire (10 mars 1570) et les termes mêmes dans lesquels l'auteur présente son travail à M. de Langes~ suf&raient à

i. Voir plus haut, p. 226, n.

2. « J'ay prins la hardiesse de le vous presenter o~t'MM.


démontrer l'inexistence d'une prétendue édition de Lyon, Claude Ravot, 1511, in-~o, indiquée par le P. Le Long', si l'on ne savait par ailleurs que l'activité professionnelle du libraire Claude Ravot, protestant comme de Bara, s'est exercée à Paris puis à Lyon, seulement à partir de la seconde moitié du xvie siècle".

En revanche, nous pouvons citer de source certaine les réimpressions suivantes Paris, 1597, in-fol. Lyon, 1604, in-4" Lyon, Jean de Gabiano et Samuel Girard, sans date (mais entre 1602-1611), in-fol. et enfin Paris, Rolet ~oMi'OMKë, 1628, in-fol., qui doit être la dernière~ elle a été revue, corrigée et augmentée par B. R. D. E. L. R. et son existence montre qu'un demi-siècle après la première édition, l'ouvrage de Jérôme de Bara, lequel était mor't sans doute depuis plusieurs années, trouvait encore de nombreux lecteurs

En faisant hommage de son livre à M''de Langes, l'auteur n'aurait mieux pu s'adresser. Le lieutenant-général de la sénéchaussée de Lyon n'était pas seulement un haut personnage et un magistrat éminent; c'était encore un érudit, un lettré délicat et un bibliophile. Il prenait plaisir à grouper i. BfM:'o~<<' historique de la France, t. III, n" 30 f)81. L'auteur de l'article consacré à Jérôme de Bara dans la G~MtA- EMe~do/'e~~ (V, 326), mentionne, sans doute d'après le P. Le Long, la prétendue édition de 1511, ce qui l'oblige à placer la naissance de notre peintre généalogiste à la fin du xv siècle, soit vers 1480 au plus tard, si l'on veut qu'il ait publié, dans les premières années du suivant, un ouvrage exigeant de longues recherches. De Bara aurait donc été presque centenaire au moment où il devenait père, en 1576, de deux jumeaux. En réalité, il a dû naître vers 15 to, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut.

2. Baudrier, ouvr. cité, t. IV, p. 290.

3. Bibliothèque Dodiéienne.

4. British Museum, 605, g. 7.

5. Bibliothèque Nationale, V, 4.t. l,

6. ~6;'t/ V, 434S et ex. coiori. Rés. V, 627 British Muséum, 990. 1. CI. Brunet, .U~tt<f/, I, 642.

7. L'article déjà cité dB la G~!)t~.EMf:yf-/f)~tWf mentionne en outre quelques éditions dont nous L'avons pu vérifier l'existence, savoir L.)'«)t, 1580, in-fol., qui nous paraît plus que douteuse, celle de 1581 étant désignée comme la seconde, par l'auteur lui-même; Lyon, isgo, in-fol. (d'après Le Long, ouvr. cité, t. V, 399~4) et Paris, r58r, 1587 et 1638, in-fo). L'indication de cette dernière doit résulter probablement d" quelque erreur d'impression (16~8 et non 1638).


EN V 1 MALGRE ENVIE. TOMBtÏ. 16


autour de lui l'élite intellectuelle de Lyon et à la recevoir dans sa belle maison de Fourvières, dite l'Angélique, où il avait réuni une collection importante d'inscriptions antiques et son gendre Balthazar de Villars qui lui succéda, tint à honneur de maintenir jusqu'à sa mort, survenue en 1627, les traditions hospitalières que son beau-père lui avait léguées'. 1. D'après Du Cange~ et Papire Masson', Nicolas de Langes descendait en ligne directe des empereurs byzantins dont il portait le nom et dont le premier, Constantin Lange, épousa en 1118 Théodora, quatrième fille de l'empereur Alexis Comnène. De Lyon, il passa au parlement de Dombes dont il fut premier président et mourut dans un âge avancé. Rien n'autorise sf croire que de Langes ait incliné vers la réforme, mais c'était un esprit tolérant, dont la bienveillance pour ceux mêmes qui professaient les nouvelles doctrines est attestée par ses relations avec l'imprimeur Jean 1~ de Tournes, par la protection qu'il accorda au fils de celui-ci* et par les sentiments de reconnaissance que lui exprime Jérôme de Bara, en termes dont l'accent contraste avec la banalité emphatique de tant d'épîtres dédicatoires

a D'autant qu'il m'a semblé, écrit-il à M' de Langes, que ce mien labeur pourra apporter quelque proufit au public et qu'il aura ceste faveur de vous estre agreable, j'ay prins la hardiesse de le vous presenter imprimé. A quoy faire m'a incité la bonne affection laquelle de vostre bonne grace, vous me portez, comme vous m'avez fait apparoir par tant de plaisirs que j'ay receu et reçois encores journellement de vous. a

i. On prit l'habitude d'appeler l'Angélique, cette réunion amicale de savants et de lettrés, mais l'Académie de Fourvières ou de l'J~tg~i~K~, soi-disant fondée à la fin du xv' siècle, n'a jamais existé, comme telle, que dans l'imagination du P. de Colonia, l'auteur de l'Histoire littéraire de la ville de Lyon (voir part. 11; p. <(6P). Communication de M. J. Baudrier.

9..HM~t'ft B~Mh~Kt, Paris, 1680, in-fol., part. p. zi~.

3. Elogia, Paris, 1638, 2 vol. in-8.

4. Notice manuscrite sur Jean I" et Jean II de Tournes, rédigée au commencement du siècle dernier, d'après des papiers de famille, par Samuel de Tournes, l'un de leurs descendants.


Parmi les auteurs des pièces encomiastiques du Blason des ~o~~s, nous trouvons Nicolas Pithou, seigneur de Chamgobert, l'un des nombreux frères du célèbre jurisconsulte Pierre Pithou. Né en 1524 Nicolas exerçait à Troyes la profession d'avocat et fut le chef reconnu des protestants de cette ville, mais les violences auxquelles ceux-ci étaient en butte, le contraignirent à l'abandon de sa demeure et de ses biens, pour mener une vie errante qui le conduisait à Genève eu 1377. II revint cependant à Troyes, vers la fin de sa carrière, et c'est là qu'il mourut en 1508

C'est aussi en fugitif que François Beroald, dit plus tard de Verville, alors « escolier » de 18 ans, arrivait à Genève, le 8 septembre 1573 2. Il était encore dans cette ville en juillet 1576, au moment de la mort de son père, Mathieu Beroald, qui avait succédé à Joseph-Juste Scaliger dans la chaire de philosophies. Le futur auteur du Palais des citrieux devait se sentir tout naturellement porté vers les quelques artistes et artisans d'art que l'on pouvait rencontrer alors dans le milieu austère de la Rome protestante. François Beroald avait en effet un esprit singulièrement ouvert et, de bonne heure, il montra l'étendue de ses connaissances. Cultivant les sciences, autant que versé dans les belles-lettres, il fut mathématicien, alchimiste, orfèvre et horloger, poète, historien et philosophe, avant de revêtir, pour gage de son retour à la foi catholique, le camail de chanoine de Saint-Gatien de Tours*.

Au dire de La Croix du Maine", Nicolas Le Digne, sieur de L'Espine-Fontenay, était Champenois. Bien que nous n'ayons pas trouvé trace de son passage à Genève, nous croyons cependant qu'il a dû résider, quelque temps au i. Sur Nicolas Pithou, voir .F~Mff protestante, t. VIII, p. 251.

2. Archives d'Etat, Genève, Registre des Habitants.

3. Cf. Charles Borgeaud, ~M~;t;<: de Calvin, Genève, ~900, in-4, p. 177. 4. Sur François Beroald de Verville. dont le véritable nom de famille était Brouard, né en 1556, mort en 1612, voir Niceron, .t/~ot'~M, t. 34, p. 22~ et France protestante, 2' éd., t. II, p. 406.

5..BtMto</t. /)'a~o:'s< pp. 154-ISS'


moins, dans cette ville. C'est là en effet qu'il a pu rencontrer, non seulement Jérôme de Bara, en l'honneur duquel il a écrit l'ode française et l'ode latine dont nous avons fait mention plus haut, mais aussi Beroald de Verville, lequel a inséré, dans ses .SOM~/S ~MOM~M.~ un Discours satyrique de ceux qui escrivent ~'a~OMT, dû à la plume de notre Le Digne Si ce dernier était d'origine champenoise, comme l'affirme La Croix du Maine, on pourrait peut-être donner à l'initiale qui accompagne sa signature latine, la signification de.Ba~cKs:'s (deBarsur-Aube ou de Bar-sur-Seine).

Le Blason des ~4y?MOî'sne saurait plus guère intéresser aujourd'hui que les bibliophiles, mais à l'époque où il fut donné au public, ce traité constituait un notable progrès dans ~a littérature héraldique et méritait la faveur qui l'accueillit dès le début. Il fallut, pour l'en déposséder, l'apparition, cinquante ans plus tard, du célèbre Indice armorial, de Louvan Geliot 3.

C'est à ce titre que nous avons cru pouvoir rappeler ici 'e souvenir de l'ouvrage qui nous a conservé le nom du peintre-verrier Jérôme de Bara et solliciter en même temps, pour l'auteur, une modeste place au tableau des artistes français du xvie siècle.

ALFRED CARTIER.

i. Paris, 1583, in-12 (Brunet, t. I, col. 804).

z. Nicermi, ouvr. cité, t. 34, p. 227 et Brunet, ubi s«~M. 0.1 trouvera, d'ailleurs, la bibliographie de N. Le Digne, dans l'ouvrage de M. F. Lachèvre, .R<'<:Ke!'< de ~o&M libres et satiriques, Paris, i<)i4, !n- pp. 265-269.

3. La premi&H édition, d; cet ouvrage est ce)b de Paris, 1635, m-fol. Cf. Brunet, II, i5':9.


LES VOYAGES DE VILLAMONT

(-1595)

On voyageait beaucoup au xvie siècle les marchands pour leurs affaires, les jeunes gens pour leurs études, les fonctionnaires pour le service de leurs charges. Tout homme d'une certaine culture avait plus ou moins parcouru la France et l'Italie, s'accommodant sans trop de peine des nombreusesdifncultcs que nous dépeignent avec complaisance les relations contemporaines. Écrites par des pèlerins de Terre Sainte qui, après avoir déposé le bourdon, prirent la plume pour consigner de leur mieux ce qu'ils avaient vu et les circonstances de leur itinéraire, c'est grâce à elles que nous savons comment on voyageait à cette époque, par terre et par mer. Sans remonter jusqu'à Mandeville et Breydenbach, souvent saugrenus, il faut citer Jacques Le Sage (vers 1520), Denis Possot(i536), Antoine Regnault (1573), Giraudct (1585) et aussi le Père Castella (z6oo) comme ayant fourni sur leur pèlerinage les détails les plus utiles'. Ces braves gens ont voulu écrire un guide donnant des conseils pratiques à ceux i. Chy sensuyttent les gistres repaistres et ~s~eHS que Moy Ja~Mf Le Saige, marchand de draps de soye, dernourant Do;(ny ay /<tt'e< de DoUsy a TfoMMf, Nostre DsHtC de Lorette, a F'f)t!M, et de la ~t samc~ cite de .HY~MM~Ht, fleuve Jourdain et autres !e;<.f, izesques ait retour ~M~e< Do«cy, Cambray, Bonaventure Brassart, s. d., in-;). goth.; 'Tf<'sa;n/ abondante description du coya!~ de la terre saincte, ~yM!M~)!< CO)MH:CMM .L<M de grace Alil cinq cens trente deux. Le tout ~~)M!frfH«';t< escript f~7!~Mt)HCM< redige en forme ~'<!f Messire Denis Possot ~s6~ns<t Coulemiers. P., [Regnault Chaudière, 1536], m-.fgoth.; Discours t~( voyage d'outre mer au 5<t!'HC< Sepulcre de /~fMsa~M, et autres lieux de la terre Saincte. Par ~)t<~0!'t< ~<gM<t!<H bourgeois de Paris, Lyon, 1573, in-4°;-


qui comme eux entreprendraient le voyage de Jérusalem par piété ou par goût des aventures. Voyage assez coûteux, d'ailleurs, mais relativement organisé, en ce sens que l'itinéraire ne variait guère on s'embarquait quelquefois à Marseille, plus souvent à Venise et l'on savait d'avance l'argent et le temps nécessaires.

Tous ces guides sont curieux à lire; aucun n'approche cependant la relation publiée en 1~05 par Jacques de Villamont, après un voyage qui avait duré plus de trois ans LES Il VOYAGES DV SEIGNEVR DE VILLAMONT, Cheualier de l'ordre de Hierufalem, gen-~tilhomme du pays de Bretaigne. D~M!~ en trois Z~M~s. )' Le PREMIER contient la defcription des villes & forte- refies de l'Italie, & des antiquitez & chofes fainctes & modernes qui s'y voyent. Av SECOND eft amplement traicté de la Sclauonie, Grece, Turquie, Moree, Cephalonie, Candie, Chypre, Hieru- falem, & de tous les Saincts lieux où noftre Seigneur le-jjfus Chrift a faict des miracles Auec la croyance des Chreftiens Grecs, Armeniens, Syriens, Georgiens, Abyf-~fins, & autres Chreftiens de l'Afie & Affrique. Et au TROISIESME eft la defcription de Syrie, de Da-~mas, Phenicie, ~gipte, Damiette, du grand Caire de Ba-~bilone, des Anciennes Piramides, & Mommies auec la Il defcription de l'Empire du Grand Turc, & leurs couftu- mes & croyance.l! ~?!M&~ M~<~ e~ c/!aMg'c~MCH~ des ~MOMMOyCS qui Je ~ëM~M!' CM tous les 7?Oy~MM!CS < .P;'oM!ces cy ~~<s. Plus vn Abregé de la defcription de toute la France Et les Ordonnances des Roys & Empereurs de France Grads-~maifrres & chefs de l'ordre des Cheualiers du Sainct Sepulchre de Hierufalem. A PARIS. PAR CLAVDE DE MONSTR'OEIL ET lEAN RiCHER.)) M. D. XCV. II AVEC PRIVILEGE DV ROY.

DMCoto's voyage d'outre-mer au saint Sepulchre de /~f!<s<t. Par Gabriel Giraudet, de la ville du Puy en Velay, prestre ~f:'cfoso~y)n!<a!'K. P., Th. Brumen, 15~5, m-8°; Le sainct voyage de Hierusalem et mont Sinay, faict en l'an ~M g'fttH~ jubilé ~NOO, par R. P. F. Henry Castela Tholosain, Bordeaux et à P., thez L. Sonnius, 1603, pet. m-<).°.


In-8°, 54 ff. n. ch.et 312 N. ch.; sign. a, par 8, par 6, A-Z, Aa-Qq par 8. Dédicace à. Guy d'Espeaux, [= de Secpeaux], duc de Beaupréau, comte de Chemillé, vicomte de la Hardouynaie et de Miniac, etc. [BiBL. NAT. G. 30008, ex. inc. de 40 6.]. Lè succès en fut considérable on relève vingt à vingtcinq éditions publiées entre 1595 et 1620 à Paris, Arras, Lyon, Rouen et Liège 1.

Jacques de Villamont reste bien mal connu nous ignorons son exacte origine bretonne. Nous savons seulement qu'il dut naître vers 1558, un portrait le représentant âgé de trente-huit ans en 1596. Une pieuse curiosité le poussa seule à entreprendre le pèlerinage de Terre-Sainte, et non l'obligation d'un vœu ou le désir d'une vaine gloire. Il voyagea tout à loisir, en observateur attentif, s'attardant où bon lui plaisait. Le froid résumé qu'on va lire n'indiquera que bien peu l'abondance des renseignements pittoresques, des détails ethnographiques, des descriptions précieuses que l'on rencontre à chaque page de son récit. Villamont écrit pour son propre plaisir et pour le profit des lecteurs, comme il le déclare lui-même « Quoy que soit, je me suis tant pieu en mes voyages, et en la souvenance des choses rares que j'y avois veuës avec très-grande peine et frais presque i. Cf. R.Rôhricht, BiLliotheca geographica P~M~M-, Berlin, 1890, in-8°,n°8i2, pp. 215-216.– La seconde édition parue en 1596 chez Claude de Monstr'œil et Jean Richer, contient un privilège disant que Villamont ayant déjà fait imprimer son livre par Claude de Monstr'œil, libraire et imprimeur, sous le nom duquel il avait obtenu un privilège pour dix ans le 24 mars 1595. malgré quoi < aucuns se sont ingérez de l'imprimer et exposer en vente l'auteur a demandé et obtenu le 26 avril 1596, un nouveau privilège pour dix ans, au benéËce de Claude de Monstr'œil, valable tant pour la première édition que pnur la seconde. L'édition parue chez les mêmes libraires en 1604 donne, sur le titre, un portrait de l'auteur et contient certaines additions qui se retrouvent dans la plupart des éditions subséquentes, c'est-à-dire un itinéraire par étapes auquel est adjoint, au livre I, une description de Marseille et de la Sainte-Baume, ainsi qu'un guide pour visiter Rome; au livre II, la nomenclature des Saints Lieux et la liste des indulgences qu'on'peut obtenir en les visitant, plus un vocabulaire turc-français; au livre lit, un appendice à l'histoire de Bragadino, et une relation de la visite au mont Sina!, empruntée à Nicole Le Huen et au R. P. Henry Castela, religieux observantin [BIBL. NAT., G 30 014].

L'édition de P., Jean Richer, 1609, in-S", la seule qui contienne le second voyage et 1~ dessein du troisième, sera décrite plus loin.


insupportables, qu'estant enfin retourné sain et dispos en mon pays, j'ay voulu contenter plus longuement mon esprit et contempler du port asseuré auquel je me trouvois, la mer fracassee des vents et tempestes en mes périlleuses rencontres, me representant ceux qui sont encor en leurs perigrinations, et ay mis par escrit ce que j'ay veu et cogneu de singulier et rare par tout où j'ay esté, dont un autre qui sera employé en meilleurs affaires que je ne suis, pourra faire son proffit. »

f

C'est au mois de juin 1588 que Jacques de Villamont, alors âgé de trente ans, quitta le duché de Bretagne pour entreprendre le voyage d'Orient. A Paris, il convertit la moitié de son numéraire en une lettre de change sur Rome, mais il regretta par la suite d'avoir conservé le reste qui faillit lui être confisqué à plusieurs reprises, les voyageurs allant de Lyon à Rome n'ayant pas le droit de porter sur eux plus de quatre-vingts écus, tant pour leur propre entretien que pour celui de leur cheval. Tout voyageur doit donc se munir d'une bonne lettre de change, mais prendre garde qu'il y soit bien spéciné que l'argent sera remis à lettre vue, en écus d'or or et de ~ot~s, pour éviter le risque d'attendre longtemps et de n'obtenir qu'une monnaie de moindre valeur.

De Paris, moyennant six écus, Villamont prit place dans le coche allant par Dijon à Chalon-sur-Saône où il s'embarqua pour Lyon. Il voulut profiter de son passage dans cette ville pour descendre le Rhône jusqu'à Vienne et y visiter les souvenirs de Pilate, mais à quatre lieux de Lyon une telle tourmente s'éleva qu'il craignit un naufrage, fit aborder la rive et continua son excursion par la terre ferme. Le mauvais temps le retint deux jours à Vienne, après quoi il revint à Lyon pour s'entendre avec un guide, un ~M~OM, qui le conduisit à Turin. Le marché conclu au prix de six écus, il


dut se munir d'un bulletin de santé, papier indispensable pour voyager en Italie et qu'il faut renouveler à chaque étape. Villamont entra en Savoie par le Pont-de-Beauvoisin, traversa la région d'Aiguebelette, dangereux repaire de voleurs heureusement bien surveillé, passa par Chambéry, Montmélian, Aiguebelle, franchit le Mont Cenis, fut retenu en quarantaine à Novalèse, au seuil du Piémont, dut envoyer un exprès à Turin pour obtenir son exeat et, pour tromper l'attente, entreprit l'ascension de Notre-Dame de RocheMelon~ Un carrosse le transporta de Turin à Milan pour deux écus d'or, le cocher se chargeant d'acquitter tous les péages fluviaux, sans que le voyageur soit dispensé de donner « la courtoisie » aux gabcleurs qui sévissent dans la plupart des villes d'Italie, importunant particulièrement leurs compatriotes, tandis que les étrangers fléchissent la consigne en donnant à chacun deux ou trois sols. Le dimanche z). septembre 1588, notre voyageur eut la bonne fortune d'assister à la montre générale de toute la gendarmerie du duché de Milan, puis il fit marché à deux écus d'or avec un voiturier pour le trajet jusqu'à Bologne, en quatre jours, d'où un autre le mena jusqu'à Rome, en six jours, pour six écus. Villamont fit son entrée à Rome le i~. septembre 1588. Il y demeura jusqu'au 15 janvier 1589, se promenant, étudiant, observant, puis il se rendit à Naples d'où, en compagnie d'un Provençal 'et d'un Allemand, il visita le tombeau de Virgile, la grotte du Chien, les forges de Vulcain, Pouzzoles, le lac Averne, etc. Les trois excursionnistes revinrent à Naples pour prendre part aux premières fêtes du Carnaval, et Villamont regagna Rome juste à temps pour y retrouver ces fêtes dans tout leur déploiement il était fatigué de la mauvaise chère subie dans le royaume de Naples, excédé de ne rencontrer que des lits plus sales que ceux des hôpitaux, avec un seul matelas jeté sur quelques planches, i. Cf. Comte de Marsy, Une ascension à Roche.Melon en 7.M.S ~'a~ une relation de t; seigneur de Villamont, P., iSgC, in-8", 7 pp. (extrait deI'~MM~ <<!< CM Alpin Français, t. XXII, 1895).


sans draps. D'ailleurs il était temps pour lui de songer à poursuivre son voyage. Mais avant de pousser plus loin, il fallait se mettre en règle, obtenir licence du pape de visiter le Saint-Sépulcre tous ceux qui partent de Rome ou de Venise pour se rendre en Terre Sainte encourent l'excommunication s'ils ne sont munis de cette licence, tandis que, chose singulière, ceux qui s'embarquent à Marseille reçoivent sans difficulté l'absolution du patriarche de Jérusalem. Jacques de Villamont obtint après quelques jours d'attente le précieux papier qui ne portait pas moins de onze signatures, avec celle du pape qui ajouta de sa propre main Fiat M~ ~M~, fiat /<lix. Muni de cette licence, d'un bulletin de santé et de lettres de recommandation adressées à divers consuls, notre pèlerin quitta Rome le 22 février 1589. Un voiturier accepta de le conduire pour seulement deux écus d'or jusqu'à Notre-Dame de Lorette, en passant par Spolète, Montefalco, Assise, Tolentino et Macerata. Ce parcours s'effectua en compagnie de deux Français, deux Limousins, un ecclésiastique, messire Léonard de Corbiac, et un gentilhomme, François de Rovyères, sieur de Brignac, qui entreprenaient également le voyage de Jérusalem. A Lorette, Villamont s'enquit avec grande curiosité des miracles qui s'y étaient accomplis et il en rapporte plusieurs, presque contemporains, dont bénéficièrent le marquis de Bade, cousin du duc de Bavière; le marquis de Villars, fils de la duchesse de Mayenne; Pierre de L'Estain, médecin lyonnais; la femme d'un gentilhomme de Grenoble nommé Pierre d'Argentrey.

Après être demeurés à Lorette pendant trois jours, nos voyageurs en partirent le 28 février. Pour trois écus d'or et demi, un voiturier les conduisit jusqu'à Ravenne, c'est-àdire au prix d'un écu d'or par journée de voyage. De Ravenne, moyennant un demi-écu par personne, ils prirent passage sur une barque qui, après une halte à Chioggia, vint aborder à Venise le 4 mars. Ils descendirent à l'hôtel de la L«M6 où, comme dans tous les hôtels vénitiens, les voyageurs ne sont pas tenus de prendre leurs repas à table d'hôte,


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mais dépensent ce que bon leur plaît; la chambre coûte quatre sols, valant environ dix-huit deniers de France. Tout en visitant Venise, Villamont fit marché pour son passage-avec un certain Candide de Barbary, patron d'une nave en partance pour Tripoli de Syrie, au prix de quaranteneuf livres par mois (valant six écus sept sols et demi de France) pour la nourriture, et trois écus de sept livres (valant trois écus et demi) pour le passager Le patron remit son départ de jour en jour; un gentilhomme vénitien conseilla au pèlerin de s'entendre avec l' « écrivain M de la nave pour savoir de lui le jour exact du départ, ce personnage ayant coutume d'embarquer le dernier. En attendant, Villamont veilla à se pourvoir de tout le nécessaire. Le patron d'une nave traite les passagers à sa table avec un ordinaire de poisson, viande salée, lentilles, fèves, riz, biscuit, du vin coupé d'eau, et pour dessert des noix et du fromage, mais les voyageurs prévoyants ne manquent pas d'emporter des provisions destinées à améliorer l'ordinaire et à leur permettre de s'y accoutumer peu à peu. Pour remédier au mal de mer, il faut se munir de gingembre confit, de noix muscade, de canelle et autres épices; en outre, si l'on craint que le mal de mer empêche de s'asseoir à la table commune, il sera sage d'emporter une livre ou deux de sucre, quatre ou cinq livres de raisins de Damas, cinq ou six livres de gros pruneaux et autres fruits que l'on trouve en abondance à Venise. On y ajoutera encore, par prévoyance, un bon baril de vin et un autre d'eau. Il suffit de le réclamer à l'avance pour obtenir de loger au meilleur endroit de la nave, sur la poupe, où le vent souffle de tous côtés, il est vrai, mais l'on est assez bien préservé de la pluie, du contact des marins couverts de la vermine qui pullule en de tels i. Giraudet (1. c., p. io) écrit à ce propos que pour être à la table du patron, on paye six écus le mois; à la seconde table, celle des officiers, on paye quatre écus, sans rien d'autre pour le passage; ceux qui préfèrent subvenir eux-mêmes à leurs besoins payent deux écus le mois, le patron étant tenu de leur fournir l'eau potable et le buis de chauffage nécessaire à leur cnisine.


bateaux, sans parler de la puanteur ambiante. Mais celui qui voyage par mer doit savoir tout supporter. Pour contenir son bagage et ses provisions, Villamont fit construire un coffre long de cinq pieds, large de deux, qui lui servit également de couchette, une fois recouvert d'un matelas approprié, en laine de Chypre. Il se munit encore d'une assez grande abondance de linge et, pour moins attirer l'attention, acheta une de ces longues robes légères à la mode turque qui dissimulent tout ce que l'on porte sur soi, même les chapelets, couteaux et aiguillettes que les Turcs et les Arabes cherchent à dérober dès que ces menus objets ont retenu leur attention. Villamont ajoute d'autres conseils utiles aux pèlerins; il leur recommande de se bien garder de porter du vert, cette couleur étant réservée aux seuls descendants du Prophète, et de cacher soigneusement leur argent. Une somme de cent ou cent vingt sequins d'or de Venise suffira à celui qui ne compte pas s'attarder en route, mais trois cents sequins pour le moins (valant trois cent cinquante écus de France) seront nécessaires à qui voudra revenir par l'Égypte ou par Constantinople. Il est préférable de s'embarquer à Venise au printemps, pour être de retour avant l'hiver 1.

Le mercredi 10 avril 1589, Villamont monta sur la 7~ F~ grand bâtiment de neuf cents tonneaux. Ils étaient sept pèlerins notre homme; François de Rovyères; messire Léonard de Corbiac; messire Denis Jacquemin, curé Denson ville [==d'Hausson ville?] en Lorraine; le R. P. Christoforo Saradello de Gastionc, de l'ordre de Sancta Maria da Servy en Lombardie, qui avait déjà fait

i. Possot (~. c., f. Pij rO) dit Somme nous mismes a faire ledit veayge depuis le unziesme jour de Mars MDxxxij jusques au jour sainct Martin diver ensuyvant [il novembre], et fusmes de sejour ung moys a Venise, xv; jours en Hierusatem et environ xv jours en aultres lieux; qui estoient deux moys de sejour et au reste pouvoient estre six moys par chemin. A mon partement, j'avois cinq cens escuz en or, quarante livres en monnoye; je rappnrtay cinq cens livres, et pour cent escuz de chevauJx et aultres bagues Regnault (l. e., p. i) conseille d'emporter deux cents ducats de Venise, dont cent cinquante pour le prix du voyage et cinquante pour parer à imprévu.


deux fois le voyage; le seigneur Hieronymo Bosquccti, gentilhomme de Brescia; et le seigneur Juan Maria de Ponticy, gentilhomme genevois. La première nuit à bord fut pénible, toute troublée par le brouhaha des portefaix chargeant les marchandises. Le lendemain matin, la nave leva l'ancre, remorquée jusqu'à la pleine mer par six barques de six rameurs. Le voyage commença sous l'invocation de Dieu. La nave emportait de nombreux passagers de toutes nationalités, mais surtout des Vénitiens joueurs de luth, d'épinette et de cistre, qui aidèrent à passer le temps. Quoiqu'on en ait dit, les marins ne font pas mille avanies aux pèlerins sans doute ils sont voleurs, grossiers, mais on peut circuler sans crainte parmi eux. Le premier soin de Villamont fut de s'enquérir des dimensions de la nave, de sa construction, de ses moyens de défense contre les pirates, et d'étudier les mœurs des marins. Les jours s'égrenèrent. Chaque soir, tout le vaisseau chantait l'Ave Maria, le samedi les litanies et le Salve RcgtM~; le matin, les mousses disaient la prière à haute voix avant de donner le bonjour au patron et à toute la compagnie.

Le voyage débuta sans encombre. Villamont raconte avec complaisance les escales, les bateaux rencontrés, les menus incidents, par exemple une pêche de sardines qu'on lui présenta comme les meilleures du monde et que peutêtre par la faute du cuisinier il ne trouva nullement comparables à celles de Douarnenez, sur les côtes de Bretagne. Le 11 mai, la nave parvint en vue de Chypre et croisa un bâtiment suspect contre lequel plusieurs coups de canon furent tirés. Elle mouilla en rade de Limisso, puis à Salvie où elle rencontra une autre nave portant la nouvelle peu surprenante que la peste sévissait actuellement à Tripoli, faisant chaque jour une centaine de victimes. Enrayés, les pèlerins-se concertèrent et résolurent de changer leur route, c'est-à-dire de gagner Jérusalem par Jaffa. Une petite frégate stationnait justement dans le port, en partance pour Jaffa; le patron s'engageait à les y mener, à les y attendre le temps


nécessaire, puis à les conduire jusqu'à Tripoli où l'épidémie serait sans doute apaisée et où ils s'embarqueraient pour regagner l'Europe. Le prix convenu fut de vingt-cinq sequins payables un quart de suite, un quart à Jaffa, le reste à Tripoli. Les pèlerins quittèrent donc la Na~ Ferra, laissant leurs bagages qu'ils devaient retrouver plus tard, n'emportant chacun qu'un simple matelas et trois ou quatre chemises, aussi mal vêtus que possible, selon le précepte qu'il ne faut point aller « brave )) en Jérusalem. Le mercredi 17 mai, ils montèrent sur la frégate qui ne tarda pas à lever l'ancre. Ils y furent plus mal logés encore que sur la nave, n'ayant pour se reposer que leurs matelas étendus sur le plancher. Le patron leur donna sujet de méfiance et tous multiplièrent les prévenances envers lui et ses hommes pour éviter un incident fâcheux. Malgré la tempête, ils parvinrent à Jaffa le 23 mai, trente-quatre jours après avoir quitté Venise. Quand ils eurent distribué de nombreux pourboires, ils mirent pied sur la Terre Sainte qu'ils baisèrent dévotement, selon la coutume des pèlerins, puis en attendant que tout fût prêt pour leur départ, ils ne surent mieux employer leur temps qu'à pêcher à la ligne. Ils cheminèrent vers Jérusalem sous la conduite du drogman Atala, montés sur des ânes, payant chacun de fréquents tributs pour s'assurer le libre passage, à l'exception des deux religieux, car les gens d'Église ne payent que demi-droit en territoire turc, et les cordeliers ne payent rien. Harcelés par la mendicité insolente des gens, ils parvinrent à Jérusalem et descendirent au couvent du Saint-Sauveur dont les religieux ont pouvoir d'absoudre tous les péchés, sauf l'hérésie et la falsification de l'écriture papale. Ils produisirent leurs licences; on inscrivit leurs noms; ils acquittèrent les droits d'usage et, pendant quinze jours, visitèrent pieusement les lieux saints sous la conduite des religieux. Villamont et le seigneur florentin furent créés chevaliers de l'ordre de Jérusalem en grande cérémonie ï. Possot (~. c., f. Puj v°) donne le texte d'une lettre de chevalier du Saint-


puis tous repartirent pour Jaffa le 13 juin, munis de leurs patentes du Saint-Sépulcre; Villamont emportait précieusement une bouteille d'eau du Jourdain ainsi qu'une soixantaine de chapelets qu'il avait fait bénir par le pape et toucher les Saints Lieux.

De nouvelles péripéties les attendaient à Tripoli où la peste redoublait d'intensité. Ils auraient bien voulu repartir au plus vite, mais aucun bateau n'était prêt à mettre à la voile et force leur fut d'aller loger au monastère de SaintJacob, à une lieue de la ville. Villamont résolut de profiter de ce séjour forcé pour visiter Damas, distant de trois journées de cheval. Il se mit en route le lundi 9 juillet, accompagné d'un janissaire, mais malgré son désir et qu'il offrît vingt écus, un maître-forgeur de Damas refusa de lui vendre une épée. Ensuite, il excursionna au mont Liban sous la protection de trois archers, assista à l'arrivée d'une caravane de douze cents chameaux venant d'Alep, et prit congé de trois pèlerins, le seigneur de Brignac, Léonard de Corbiac et Denis Jacquemin qui s'embarquèrent pour Marseille au début de septembre, payant dix écus d'or par personne, nourriture comprise, tandis que de Marseille à Tripoli la navigation est moins longue et le prix de cinq ou six écus seulement. Villamont qui désirait voir le Grand Caire d'Egypte tomba malade en attendant un bateau propice pour le conduire à Damiette et pendant la traversée la chaleur lui donna un nouvel accès de fièvre. Il resta couché sur son matelas; les passagers turcs l'insultaient, le piétinaient, parlaient même de le jeter à la mer. Il se rétablit tant bien que mal, et comme le navire mouillait devant Limisso, il put descendre à terre où, jusqu'au 6 octobre, il acheva de se rétablir avant de prendre passage sur un meilleur vaisseau~.

Sépulcre Regnault (!. c., p. i;7) donne copie du certificat de visite aux Saints Lieux.

i. Villamont fournit d'abondants renseignements sur les mœurs des Turcs, mais alors, sans l'avouer, il reproduit textuellement les Ohsffttah'oM de Pierre Belon


Grâce au vent favorable, il arriva cinq jours plus tard à Damiette et descendit chez le vice-consul de Venise pour lequel on lui avait remis une lettre de recommandation, puis il remonta le Nil jusqu'au Caire dans une germe où l'on allumait la nuit quantité de fumerons pour faire croire à des mèches d'arquebuse et tenir en respect les pillards. Au Caire, notre voyageur logea chez le consul Vente et rencontra un compatriote renégat, le baron de La Faye qui, complètement ruiné, s'était fait turc. Ce personnage singulier lui servit de guide il vit les pyramides et les momies de Memphis, puis il quitta le Caire le 10 mars 1590 et de Boulacq gagna Rosette et Alexandrie pour trouver un navire qui le ramenât en la chrétienté. La fièvre le reprit de plus belle à Alexandrie; chacun lui conseillait de rentrer en France au plus vite « Je pensay en moy-mesme écrit-il que j'avois veu toutes les choses qu'un homme pourroit desirer voir, et qu'il ne me restoit désormais que de retourner en ma patrie. » Il s'embarqua le 22 mars sur une nave vénitienne nommée Z~MM~M, ayant fait marché à six écus d'or et demi par mois, sans compter le passage tarifé huit ducats. Le séjour fut fort pénible à bord de cette nave le patron, un Grec de l'île de Zante, nourrissait les passagers de salaisons corrompues, de biscuit véreux arrosé d'un vin détestable et, les jours maigres, il ne leur donnait que des fèves cuites à l'eau; les marins se révélaient de francs coquins qui dérobaient la nuit les malheureux passagers rendus tous malades par le régime qu'ils subissaient et dont deux, un Flamand et un cordelier français, succombèrent et furent jetés par-dessus bord. Les vents contraires poussèrent la nave vers la côte de Barbarie, près du cap de Bon Andrea; tous tremblèrent de tomber aux mains des pirates (i553). Ces Observations sont un livre tout à fait remarquable; on y rencontre des détails amusants qui fournissent en même temps de précieuses indications, comme celui-ci, à propos des muezzins < Ils crient d'une voix estante comme un oblieux qui a perdu son corbillon qui nous faisoit souvenir des pastourelles qui chantent es landes du Maine entour Noel, car les Turcs chantent en faucet n. TOME II.


barbaresques pour nnir leurs jours en esclavage, mais le patron lança un Agnus Dei à la mer, vouant la nave et ceux qu'elle portait à la protection de Notre-Dame de Scopo, dans l'île de Zante, et à Saint-Marc de Venise, si bien que la tempête s'apaisa et que, le 10 mai, à l'aube, un petit vent se leva qui permit à la nave de gagner le large et de naviguer favorablement jusqu'au 27 où elle atteignit Corfou. Le 6 juillet, la nave jeta l'ancre au port de Quieto; là, selon la coutume, l'écrivain du bord prit une barque pour gagner directement Venise, emmenant avec lui les passagers qui, pour abréger le voyage, payaient un ducat de supplément. Villamont débarqua à Venise le 7 juillet, après une navigation de cent huit jours aggravée de mille privations. Retenu au lazaret jusqu'au 14, Villamont échappa miraculeusement pendant cette quarantaine à la piqûre d'un scorpion. Il put ensuite circuler librement dans Venise où il demeura jusqu'à la fin de l'année pour se reposer complètement de ses fatigues et rétablir sa santé. Durant son séjour, il recueillit l'histoire d'un certain Antonio Bragadino, alchimiste qui émerveillait les Vénitiens par son faste et il alla visiter Padoue, prenant passage moyennant seize sols vénitiens (valant six sols français) sur une des barques qui font quotidiennement le trajet de Venise à Padoue. La ville universitaire le surprit par la quantité d'étudiants venus de tous les points de l'Europe pour y apprendre les lettres, les sciences, les arts d'agrément ou les exercices militaires. Les rixes y sont fréquentes car à Padoue, contrairement à la coutume de bien d'autres villes, les étudiants étrangers, fort querelleurs portent librement l'arme blanche le meurtre est rarement puni de mort, mais du simple bannissement hors de l'État vénitien.

Le 4 mars 1591, il quitta Padoue pour Mantoue où il i. Dans l'édition de 1604, ainsi que dans la plupart des suivantes, on trouve en appendice au livre III un passage emprunté au Mercurius gallo-belgicus < en son troisiesme volume de l'histoire de nostre temps », racontant la mort de Bragadino à Munich en 1597.


passa le temps du carnaval de là, il gagna Crémone où l'on prétendit lui faire payer la gabelle pour les Agnus Dei et les patenôtres qu'il rapportait, puis, en passant par Pavie, Alexandrie et Aoste, il parvint à Turin où il rencontra à la Rose rouge des Français dont il avait fait la connaissance à Naples et à Rome, en compagnie desquels il chemina jusqu'à Lyon. Là, chacun ne songea plus qu'à rentrer chez soi au plus court, mais les troubles de la Ligue rendaient les chemins de France plus redoutables que tous ceux par lesquels Villamont était passé jusqu'alors. Vêtu en pauvre paysan, il fit seul la route de Lyon à Roanne où il se joignit à un groupe de marchands de Nevers pour descendre la Loire en bateau; de Nevers, il accompagna jusqu'à Corbeil un gentilhomme qui regagnait l'armée, puis un autre gentilhomme de Corbeil à Angers d'où il rentra chez lui, ayant voyagé pendant trente-neuf mois et parcouru cinq mille six cent cinquante-huit lieues de pays, sans compter les détours.

Villamont, à son'retour, se trouva quelque peu mêlé aux ligueurs bretons, s'il s'agit bien de lui dans cette lettre, datée du 3 avril 1592, où il est parlé d'une mission confiée « à un gentilhomme de M. [François de Carné, seigneur] de Rosampoul, qui s'appelle Villamont )). Il se reposa en écrivant le récit de ses aventures puis, en 1602 au plus tard, il se maria. Les actes nous renseignent alors sur sa situation il était écuyer et gentilhomme de la chambre du roi, maître d'hôtel du prince de Condé. Il épousa Jacqueline Bouju, fille de Michel Bouju, sieur de la Sorinière, conseiller au parlement de Bretagne, et de Françoise de Surguin, fille de Jacques de Surguin et de Jacquine Poyet 1. Après son mariage, il vint habiter les terres de sa femme et demeura au château i. G. de Carné, Co~-M~o~att~ du duc-de ~M~a! des ligueurs &~o;M a~e l'Espagne, Rennes, i8gg, 2 vol. m-4. t. I, p. 163.

s. BIBL. NAT., Cabinet de d'Hozier, 33~, dossier 9387.


de la Fremondière', à neuf lieues au sud-ouest d'Angers, manoir rectangulaire nanqué de quatre tours rondes, qu'au milieu du XVIIIe siècle on apercevait encore debout, dominant tous les alentours. Les actes de baptême de la commune de Neuvy conservés aux archives de Maine-et-Loire enregistrent, de 1603 à 1611, la naissance de cinq enfants de Jacques de Villamont tenus sur les fonts baptismaux par les plus hauts personnages du pays.

Entre temps, Villamont était retourné en Italie, comme nous l'apprend une édition de ses voyages publiée en 1600 LES VOYAGES Il DV S' DE VILLAMONT. Augmentez en ccfte dernière Edition de fon Secôd qVoyage, & du deffein de fon Troifiefme. [~] )j A PARIS, Par IEAN RICHER, ruëS.leandeLatranàjjl'Arbre Verdoyant, [j !j AVEC PRIVILEGE DV ROY. 1609.

In-?", 24 ff. n. ch., 142 et 276 S. cit., 22 ff. n. ch. pour les tables. Dédicace primitive à Guy de Scépeaux et nouvelle dédicace à Marie de Rieux, sa veuve. [BiBL. DE CLERMONT-FERRAND, 45579]. Cette édition renferme différentes additions étrangères à l'auteur que l'on trouve depuis 1604 dans presque toutes, mais c'est la seule qui contienne le second et le troisième voyage. A une époque qu'il ne précise pas, Villamont avait repris pour la seconde fois le chemin de l'Italie, ne mettant que vingt et un jours pour aller de Paris à Rome par Turin, Gênes, Pise et Sienne, sans utiliser la poste. Selon son habitude, il décrit exactement ce qu'il a vu, les villes où il a séjourné il s'étonne du bon marché des moyens de communication, car pour se rendre de Pise à Rome, il a loué un cheval et s'est fait, comme toujours, accompagner d'un guide, payant pour le tout quatre ducats et demi (valant onze livres cinq sols), nourriture comprise, alors qu'en France il en coûterait plus du double. De Rome, il était retourné à i. Commune de Neuvy, canton de Chemillé, arrondissement de Cholet. Cf. C. Port, Dict. hist., géogr. et biogr. de Maine-et-Loire, P. et Angers, 1878, 3 vol. in-8°, t. II, p. 204.


Notre-Dame de Lorette puis, par Ravenne et Ferrare, à Venise d'où il revint en France par Milan.

Quant au troisième voyage dont il donne en 1609 le « dessein », il attendit l'année 1628 ou les premiers jours de l'année suivante pour le réaliser'. Il s'agit d'un voyage au Paradis « C'est au ciel où je veux~aller, et où j'espère voir choses plus excellentes, plus riches et plus belles. » Les Voyages ne sont pas la seule œuvre littéraire qu'ait laissée Jacques de Villamont; nous avons encore de lui un petit manuel d'escrime traduit de l'italien

TRAITE' jj OV INSTRVCTION jj POVR TIRER DES )j ARMÉS, DE L'EXCELLENT jj Scrimeur Hyeronime )j Caluacabo, Bo-jj lognois. j) Auec un difcours pour ~w ~'e/~ seule, fait (j par le ~MMi! Pa~MO/f~~ 7?o~M. j) Traduit d'Italien en François par le Sei-jjgneur de Villamont, Cheualier de l'ordre jj de Hierufalem, & Gentil-homme Il de la chambre du Roy. jj [~cr~t~] j~ .XOF~V, Il Chez Claude le Villain, Libraire & Relieur jj du Roy, demeurant à la rue du Bec, jj à la bonne Renommée, [j jj 16og.

In-iz, <~g pp. P. 69, nouveau titre DISCOVRS EXCELLENT DE j~ LA CHASSE POVR Il facilement prendre toute for-lite de gibier, & oyfeaux, par les quatre faifons de l'annee. Il Fait e- experimenté ~~f Sieur jj de Stroffe Il [marque] II A 7i'OFE~V, II Chez Claude-le Villain, Libraire & Relieur )) du Roy, demeurant à la ruë du Bec, jj à la bonne Renommee. II jj 1609.

Dédicace de Villamont au comte de Brissac, maréchal de France. [BiBL. NAT., R. 2~0~].

Villamont avait tiré grand profit personnel des préceptes de Girolamo Cavalcabo; il les traduisit pour les mettre plus aisément à la portée de ses compatriotes et Claude Le Villain réédita le volume en 1610, 1614 et 1617.

LOUIS LOVIOT.

i.C.Port,e.,t.III,p.7M.


ISARN

(1630-1672)

C'est quelque chose de passer à la postérité sous les traits d'un joli garçon et avec la réputation d'un bel esprit, mais encore faut-il que les renseignements réunis sur le personnage soient exacts. Autrement sa silhouette resterait un peu falote. Nous allons rendre à Isam, grâce à la découverte d'un curieux document qui le concerne, le service de remettre sa biographie au point. Commençons par celle qu'on lui a prêtée jusqu'à présent.

1

~BIOGRAPHIE

On a commencé par parler d'Isarn sans en rien savoir, si bien qu'un jour M. A. T. Barbier, ancien secrétaire des bibliothèques de la Couronne et neveu du célèbre auteur du Dictionnaire des Anonymes, a déclaré tout net qu'il n'avait jamais existé. M. Barbier se basant sur la comparaison d'une pièce écrite par Ménage avec la Relation d'une afaM~c ait bord de la Seine signée Isar le pensifs, avait fait de Ménage et d'Isarn un seul et même personnage. Le bibliophile Jacob (Paul Lacroix) protesta avec vivacité contre l'assertion de A. T.Barbier en s'appuyant sur de solides raisons. A. T.Barbier répliqua en envoyant par exploit d'huissier au Bulletin ~< i. Dans le JE~f'tfe~ de Conrard.


Bouquiniste, dans lequel avait paru l'article de Paul Lacroix, le sixain suivant

AU BIBLIOPHILE JACOB

Sur M longue plaidoirie en faveur a!'7'M~'K, ~M~/O~M~ par lui en

chamois, et ~~MS honnêtement en lM:)'M par Sarazin, comme Ménage nous /'a~~K~ /M!-M~K~ dans le manuscrit de CoM~f/ en T ~J~ et non en jC~O.

Vous prétendez qu'Isarn vive Trois ans avant que d'être né Plus malicieux que l'abbé Rive, Vous seul l'avez imaginé. Autrement que Ménage habila Vous feriez parler un lapin, Et plus sorcier que Thrasile Sans y perdre votre latin.

La querelle menaçait de s'envenimer quand la mort y mit un terme en tranchant les jours de M. A. T. Barbier. Après A. T. Barbier et P. Lacroix, M. Édouard de Barthélemy consacrait à Isarn (Zenocrate) une partie de son ouvrage 5'o, /e Mage de Sidon, Zenocrate. Étude sur la société précieuse d'après les lettres inédites de Mademoiselle de 5'cM~y, Godeau et d'Isarn. Paris, ~~o.

A la page 6~, Samuel Isarn, le cadet, serait né du mariage (1605) de Jean II Isarn, greffier de la Chambre de l'Édit de Castres, et de Jeanne Balaran.

A la page qui suit, Samuel Isarn n'est plus que le rejeton du second mariage (23 juin 1623) de Jean II Isam et d'Isabeau de Vigères (?); Jeanne Balaran la première femme est transformée en Jeanne Balurand.

Pas un mot n'intervient pour expliquer ces deux assertions contradictoires.

Dans une note de 1'7M~/?K~M! des Chercheurs et CM~M~ signée C. V. P., Samuel serait le second enfant de Jean III Isarn et de Suzanne de Ranchin, veuve de Jean i. Jean III Isam, fils de Jean II et d'Anne Balaran, d'après C. V. P.


de Portes, fille de Jacques de Ranchin, conseiller, et de Suzanne de Grefeuille (15 septembre 1636), son frère aîné Benoist aurait été présenté par Jean Balaran, référendaire, et damoiselle femme de M. de Ranchin, conseiller à la Chambre de l'Édit (de Castres) le 15 août 1637'. Nous pourrions continuer, mais arrêtons-nous Isarn d'abord n'a pas existé; il tient ensuite le record du Phénix avec deux pères et trois mères, c'est assez pour un seul homme 1

On est toujours le fils de quelqu'un suivant que l'on choisira l'un ou l'autre père, il serait né soit vers 1608 (fils de Jean II Isarn et de Jeanne Balaran), soit vers 1625 (fils de Jean II Isarn et d'Isabeau de Vigères (?), soit vers 1638 (fils de Jean III Isarn et de Suzanne de Ranchin). Voilà pour la naissance.

Passons au mariage. M. Marion écrit « Le salon de Mademoiselle de Scudéry va se dépeupler et se fermer, Isarn retourné dans le midi se convertit et se marie 2. » M. Éd. de Barthélemy ajoute « Nous sommes réduit à ignorer le nom de la femme de Zénocrate et même à douter très sérieusement de la réalité de son mariage. » Et pour cause. Nayral, dans sa.Btog'AM castraise (t. II, p. 301), commet une erreur pire que celle de M. Marion: il prend notre Isarn pour un autre et lui refuse le titre d'académicien. Après avoir parlé de l'auteur du Louis ~'<~ et de son frère Benoît. il ajoute « Un autre membre de cette famille, nommé Izarn Grezes, avocat, fut élu membre de l'Académie de Castres le 22 février 1656 à la place de M. de Tournadous qui était mort depuis peu de jours. »

Terminons par la mort

M. Ëd. de Barthélémy « Nous trouvons. dans une lettre de madame de Sévigné, du 17 février 1672, où elle i. M. C. V. P. a confondu Benoist, fils de Jean II Isarn et d'Anne de Balaran avec le Benoist, un des quatre fils de Jean III Isarn, sieur de Capdeville, et de Suzanne de Ranchin. Ce dernier Jean III se remaria en 1640 avec Marthe Le Clerc.

2. Sapho, le Mage de S)~o)t, par Ed. de Barthéfemy, p. 149.


raconte la mort subite de madame de Boufflers, ce passage « M. Isam, un bel esprit' est mort de la même sorte. Il s'éva«nouit dans une chambre où il avoit été enfermé par mégarde «et y mourut faute de secours. a.Il paraît que ce triste événement, précise encore M. de Barthélemy, se passa dans l'hôtel de M. de Seignelay auquel il était demeuré attaché. Le Ana (Calotiniana) ou Bigarrures calotines le fait mourir en 1673 « Isar périt malheureusement dans une chambre dont les laquais du marquis de Seignelay avoient emporté la clef, et cela sans qu'Isar qui fut attaqué de foiblesse ait trouvé moyen d'appeler du secours, dans l'Hotellerie où il avoit été logé. Cet accident arriva vers l'an 1673 )) Telle est, à l'heure actuelle, la biographie familiale d'Isarn, d'après les travaux les plus récents'.

Nous ne pouvons pas dire autant d'assertions, autant d'erreurs. Une seule indication dans tout l'exposé ci-dessus était en partie exacte

Samuel Isarn est issu du second mariage de Jean II Isarn avec Isabeau de Vignes (et non de Vigères), ainsi qu'il appert des lignes suivantes

« Item, l'original en papier d'ung conctract passé par devant le dict DjJibert, notaire royal audict Caste (Castres) presens les tesmoins y nommez le vingt septieme janvier XVI<= soixante trois (sic), faict entre dame Isabeau de Vignes, veuve de Mr maistre Jean Isarn, vivant escuyer, conseiller du Roy en ses Conseilz et greffier en chef de la chambre de l'édit de Languedoc, et le dict deffunct sieur de Grezé, par lequel contract et pour les raisons y deduittes ladicte dame a faict don, par donnation entre vifz irrevocable, audict sieur de Grezé, son filz, de tous et chacuns ses biens, droitz, voix, noms et actions, meubles et immeubles présens, et advenir aux reserves, clauses et conditions y portées inventorié au dessoubz des signatures dudict contract contenant quatre roolles d'escripture, etc. » i. Troisième recueil, 1733. P. 7.

a. Ajoutons cependant que M. Alquier, professeur de quatrième, a pris Isarn comme sujet du discours de la distribution des prix du collège de Castres (1910). Ce discours charmant et spirituel nous donne le vrai Isam. M. Alquier a cependant ignoré le travail de M. de Barthélemy et, bien entendu, le document que nous publions plus loin.


Il serait né en 1630~, alors que son frère du premier lit, Benoist, avait déjà plus de vingt ans

L'ami de Madeleine de Scudéry n'a jamais été marié; son testament est très net à cet égard, Samuel fait son frère aîné Benoist Tson héritier ou, à défaut, le fils de ce frère, Jean IV Isam, sieur de Varagnes, son neveu. C'est bien Samuel Isarn Grezes qui a été de l'Académie de Castres"; celle-ci n'a pu, il est vrai, lui assurer une immortalité qu'elle n'avait pas elle-même, elle s'était dissoute moins de deux ans avant la mort de notre Gascon, le 15 avril i6yo, tous ses membres en ayant oublié le chemin. i. D'après une généalogie de M. de Capdeville, celle de Varagnes et de Grèze (arrêt de la Chambre de l'Ëdit de Castres du 31 janvier 165?), Samuel Isam aurait eu 25 ans en 1655.

z. Né du mariage de Jean II et Anne Balaran célébré le 15 décembre 1605. 3. Il y avait à cette époque à Castres une Académie composée en grande partie de magistrats, d'avocats, de pasteurs, tous fin lettrés et désireux d'égayer par des causeries vives et spirituelles la monotonie d'une existence toute consacrée à de graves devoirs professionnels. Fondée en 164.8 sous l'impulsion probable de Polisson, elle se réunissait régulièrement tous les mardis. Dans ces séances, les divers membres parmi lesquels, à côLé de Polisson, de Rapin de Toyras, de Pierre de Ranchin, du prédicateur Gaches, nous retrouvons souvent Benoît Isarn se communiquaient leurs diverses productions, M proposaient des sujets de discussion sur des problèmes de morale, de littérature ou même de galanterie. On y lisait aussi parfois des lettres ou des pièces de vers adressées par les beaux esprits de Paris à leurs amis de province.

C'est à cette Académie que Samuel Isarn adressa ses premiers essais littéraires. Dès 1652, nous lisons dans le procès-verbal de la séance du 27 août « M. de Pélisson a lu trois pièces de poésie française de la façon de M. Izarn-Grezes, avocat en la cour, l'une burlesque, et les deux autres morales, lesquelles ont été examinées. Le 3 décembre et le 24 décembre de la même année, on examine encore une élégie, un sonnet et une relation burlesque du même Isarn-Grèzes. Puis pendant trois ans son nom n'apparaît plus guère dans les procès-verbaux des séances. Isarn en effet est à Paris où il a trouvé des relations flatteuses et où il fréquente des célébrités qui lui font oublier la petite Académie provinciale. Cependant en 1656, pendant un séjour qu'il fait dans sa ville natale, Isarn ne dédaigne pas l'honneur d'être élu membre de l'Académie castraise à la place de M. de Tournadous et il est reçu le 27 février après avoir « témoigné la satisfaction, avec laquelle il agréait son élection, et promis d'observer exactement tous les règlements et tous les ordres de l'Académie ».

Jusqu'à la 6:1 de cette même année 1636, Samuel Isarn fut assez assidu aux séances. Il y communiqua des sonnets, des madrigaux et autres pièces de sa façon, par exemple des vers faits par lui et par Pélisson sur un poëme de M. Sarrazin intitulé: La délaite des !M~s f:)H~ ou encore des vers faits par lui et par Pélisson et par eux mit dans un tronc pour les pauvres gardé dans une rue par deux demoiselles. (Alquier.)


Quant à la mort de Samuel Isam, elle a eu lieu en Angleterre à Londres vraisemblablement en février 1672 et non à Paris dans l'hôtel du marquis "de Seignelay. Quittons maintenant le terrain des dates et des actes notariés pour rappeler en quelques lignes la vie de ce bel esprit.

Faisons d'abord amende honorable à M. de Barthélemy. S'il a commis quelques erreurs, nous les avons rectifiées il est le premier qui ait consacré un travail exact et consciencieux à Isarn. Il a le grand mérite d'avoir cherché, découvert et publié toutes les pièces intéressantes, lettres et autres d'Isarn ou adressées à Isarn du Recueil de Conrart. Il semble avoir épuisé ce que cette mine si riche en documents possédait sur son héros.

L'histoire d'Isarn est tout entière dans celle de ses amours et de ses amitiés féminines. Des premières nous savons peu de chose, il fut le discret par excellence, à faire douter de son origine gasconne. Sur les secondes nous sommes mieux renseignés.

A dix-huit ans Samuel Isarn était un fort bel adolescent doté « de toutes les qualités physiques et intellectuelles; beau comme le jeune président de Lamoignon, galant comme Pellisson, gai comme Voiture, amoureux plus qu'eux tous, inconstant comme lui seul, poète agréable, prosate ur élégant )), il méritait de devenir la coqueluche du sexe le plus difficile à fixer, aussi eut-il l'heur de plaire à la belle marquise de Castelmoron, héritière de la noble maison de Vicose, en Gascogne; riche et bien faite, mariée au dernier fils du maréchal de la Force, pauvre, lourd et mal bâti, n'ayant rien de recommandable en lui que d'entendre bien la chasse. Sur ce qu'ont été les relations d'Isarn et de la marquise, croyons ou ne croyons pas Tallemant « Isarn fit connaissance avec elle à Toulouse, il avait déjà esté plusieurs fois à Paris. Je ne

i. Ch. Livet.


doute pas qu'il n'en ait eu toutes choses, » A Paris, Pellisson fut le patron d'Isam où il arriva, probablement après la Fronde, au moment où mademoiselle de Scudéry fondait son salon. Il partagea son temps entre cette ville et le Midi où l'appelaient quelquefois ses intérêts plus encore que ses amours.

Malgré ses absences assez fréquentes il joua un rôle important dans les fameux Samedis de Mademoiselle de Scudéry'. S'il a été près de Madeleine le rival de Pellisson qui abusait de la permission qu'ont les hommes d'être laids 2 cette dernière ne se faisait aucune illusion sur son compte; dans le Cyrus elle le représente comme le type de l'inconstant, tour à tour amoureux de plusieurs belles, mais se défendant énergiquement d'être volage par une distinction subtile entre l'inconstance et l'infidélité. Il ne quittait pas de son gré et par légèreté, disait-il, comme on le lui reprochait, les dames auxquelles il adressait ses hommages, mais par leur faute à elles, pour des causes venant d'elles et non de lui. Ce sont elles qui le forçaient à changer, tandis que si elles l'eussent voulu, il aurait étonné le monde par sa fidélité". Dans ces conditions la galanterie française nous obligerait à taire leurs noms, réserve facile à observer puisque nous ne les connaissons pas.

Une telle existence ne paraissait guère devoir laisser i. Il était présent à la soirée du 20 décembre 1653 que l'on a appelée la Journée des Madrigaux. Ce jour-là P/tt7<u;~K~ (madame Arragonais) ayant reçu un cachet de Conrart voulut le remercier par un madrigal. Mais elle ne crut pas de sa dignité de le composer elle-même, et elle en demanda un à Pellisson. Celui-ci ayant modestement réclamé un délai, elle insista, s'adressa à la compagnie, et immédiatement tout le monde se piqua au jeu. a Isarn, pressé de rimer à son tour, répond en vers qu'il lui faut un délai d'une quinzaine et proteste qu'à l'avenir il aura toujours des impromptus dans sa poche. » La soirée se passa en reparties piquantes: « Ce n'était, dit Conrart, que défis, que répliques, qu'attaques, que ripostes. La plume passait de main en main et la main ne pouvait suffire à l'esprit. L'épidémie de petits vers gagna jusqu'aux valets de la maison [AIquier]. 2. Mot de Guilleragues répété par Madame de Sévigné.

3. Voir sur cette longue querelle, dit M. de Barthélémy, le t. VII de Cy~Mï. M. Cousin n'hésite pas à reconnaître sous le nom de Thrasyle le « beau et léger » Isarn, bien que la clef ne le dise pas.


place à d'autres préoccupations qu'à celles de l'amour, quelques traverses qui l'accompagnent

Qu'une impatience amoureuse

Est un supplice rigoureux

Qu'une heure qu'on attend et qui doit être heureuse

Cause de momens malheureux

Cependant à trente ans Isarn abandonna la Réforme pour passer dans le giron de la religion romaine (1664) le sacrifice n'a pas dû lui coûter beaucoup avait-il rencontré de trop revêches huguenotes? C'est possible; en tout cas, il était depuis longtemps en correspondance suivie avec Éléonore de Rohan-Montbazon, abbesse de Malnoue. Peutêtre la belle abbesse, dont la foi était vive et la vie irréprochable, ne fut-elle pas sans influence sur la résolution de son ami d'abandonner le protestantisme. Sa conversion ne pouvait qu'augmenter la bonne opinion qu'on avait de lui à la Cour. Aussi fut-il désigné pour accompagner, avec le neveu de Mignard et François Blondel, architecte, le propre fils de Colbert, le marquis de Seignelay, dans divers voyages destinés à compléter l'instruction de ce dernier. Tous quatre s'embarquèrent à Toulon le 23 février 1671 pour revenir au mois de mai. Isarn fit également, en juillet suivant, le voyage de Hollande et celui d'Angleterre; mais à peine était-il arrivé à Londres probablement, qu'il s'éteignit brusquement vers le 18 février 1672 dans une chambre de l'hôtel où il était descendu.

Voici le document qui a jeté quelque lumière sur la vie de notre Castrais c'est l'inventaire fait le 16 février 1672 de l'appartement qu'il occupait dans l'Hôtel Colbert rue Neuvedes-Petits-Champs

16 févrLr 1672.

L'ait -YP'.f'= SOt.MMi'C douze, le seiziesme /OM~ febvrier, dit ~M<<, à la ~MM~! Ma Benoist 7M~H, conseiller f~ Roy, gref fier en chef ~e i. Suite du Recueil des plus beaux vers M!! etc e/MH<, III* partie. Ce couptet est signé M. Is~r.


la Chambre de l'édict de Castres de presant establie CtM~M~M~t~ ~We!<faM?0~Ma!CK< audit C~MSM~~y en Languedoc de ~~S6M< à Paris logé en la maison du sieur de f-N~, ~tM St Nicaise, paroisse St Germain ~? l'Auxerrois, habile M dire et porter seul et unique heritier de ~MM< Charles Samuel Isarn, son frère, vivant CSCMy~ ~MM~ de Greze et ~~WMf commis de monseigneur Colbert, ministre et secrétaire d'<, et creancier de la succession dudict deffunct, à la conservation-des droitz dudict Benoist Isarn et de qui il appartiendra, par les notaires du Roy à Paris soubsignez a esté faict inventaire et description des biens meubles, livres, papiers et autres choses estans de la succession dudict ~~MM< sieur Isayn, trouvez et estans en l'appartement qu'il OCCMpoit en l'hostel de mondict seigneur Colbert, sis Fa~S rue M'~M/fe des Petits C~NM~, montrez et enseignez aztsdicts MO~t~S par ledict sieur Isarn apres ouverture par luy faicte de la premiere porte dudict appartement dont il avoit les clefs, et serment aussy par luy faict de n'en receler aucune, sur les peynes de droict à ce introduites; la prisée des$MC/.y biens meubles sera faicte par Z.O:HS Paztpardin, huissier, sergent à verge et juré priseur-vandeur de biens meubles a!M~!C< Chastelet, ainsy qu'il a promis en sa conscience, eu e!g'S~~ au cours du temps present. Et ont signé PAUPARDIN. ISARN.

CLEMENT.

DE BEAUVAIS.

Premierement, en une-chambre au premier estagc ayant veue sur la court dudict hostel, une petite paire de chenetz de fer, une pelle, pinssette et tenaille aussy de fer, prisés ensemble XXX s. Item une couche à haultz pilliers de,bois de noyer garnye de son nécessaire [?], paillasse piquée, matelas de fustayne, des deux costez remply de crain, un lict et traversin de coustil rempli de plume, quatre rideaux, deux bonnes graces, deux cantonnieres, trois paules de ciel, fonds et dossiers, et fourreaux de pilliers, le tout de damas de Luques j aulne, garny de frange et crespine de soye meslée, la housse dudict lict de serge jaulne à deux anvers; quatre fauteuils et deux chaises de bois de noyer tors, garnyes de crain avecq les housses de pareille serge jaulne, prisé ensemble IIe 1111~ 1. Item cinq pièces de tapisserye de Flandres brodées, contenant seize aulnes ou environ de cours, faisant le tour de ladicte chambre, prisé la somme de 11° 1. Item une table de bois de noyer à cinq colonnes torces et deux tiroirs fermans à clef et deux gueridons mesme bois aussy tors, prisé ensemble XVIII I.


Item un miroir à glaces de Venise garny de sa bordure de pareil bois de noyer, avecq ornemens et chapiteau de cuivre doré, P~sé. LX 1. Item une armoire de bois de noyer à deux guichets fermans à clef, garnye de fil de laiton par le devant, prisés. XXIIII 1. Item un bureau de bois de noyer à placages sur huict colonnes torces garnyes de sept tiroirs fermans à clef, prisé. XXX Item un grand fauteuil de bois de noyer garny de croisetz (ou crochets) dorez, couvert de brocatelle à fleurs rouges et blanches, fasson de Venise, prisé. XII 1. Item une pendulle avecq sa montre par le devant à boette plaquée de cuivre doré, prisée. XXXVI 1. Item trois grandes cartes dont deux de genealogies et l'autre du monde, et un pied de bois de noyer avecq son escran de petite estoffe de fil, prisé XII 1. Item deux pièces de tapisserie de Bergamme faisant six à sept aulnes de tours, prisées. VI 1. Dans ung petit cabinet.

Item une petitte table de bois de noyer à quatre colonnes torces avec ung tiroir fermant à clef et ung petit tapis de cuir vert, prisé. XV L Item neuf aix de sapin servant de tablettes, ung rideau de serge d'Aumalle aulne servant à la fenestre avec sa tringle de fer, six aulnes ou environ de tapisserie de Bergame capiton, faisant le tour dudict cabinet, ung rideau de brocatelle de fil à fonds blanc avec sa tringle de fer, prisé le tout ensemble la somme de. XII I. Item six fauteuils de bois de noyer tourné garnis de jong couvertz de matelas servant de fonds et dossier de damas coulleur de gorge de pigeon à fleurs prisé ensemble. XL 1, Item une cassette de bois de sapin prisé XX s. Item s'est trouvé dans ladicte cassette deux couvertures de toille de coton picquée, de deux aulnes de long sur deux aulnes de large chacune, prisées ensemble. XL 1. Item un morceau de pareille toile picquée de deux aulnes de long sur demie aulne de large, quinze aulnes de toille de cotton peinte de plusieurs façons, et cinq morceaux de differentes longueurs et largeurs, une toillette de pareille toille, prisé ensemble. XX 1. Item ung pavillon de lict de pareille toille de cotton peinte, contenant quinze aulnes de tours ou environ, prisé XXIIII I. Item une robbe de chambre de toille de cotton à grandes fleurs garnye d'houatte, doublée d'ung taffetas rouge, prisée XVIII 1


Item cinq mouchoirs de toille de cotton peinte, prisez.. XL s. Item deux escharpes de soye, l'une bleue et l'autre blanche, de trois aulnes de tours chacune, prisées. XV 1. Item ung cordon d'or traict, prisé XL 1. · Dans ung autre petit cabinet.

Itf-m deux tapis de Tabis, l'ung bleu et l'autre Isabelle, brodez de soye platte à grandes fleurs, à bandes de g~ze, brodées de mesme, lesdicts. tapis de deux aulnes et demye de long sur une aulne et demye de large, prisé ensemble 1111~ 1. Item deux petitz, morceaux de tapisserie de brocatelle de fil à fondz blanc, ung aix servant de table à ung tiroir fermant à clef, une petitte tablette de bois noircy, servant à mettre livres et quatre petitz aix de sapin servant de tablettes, prisé ensemble. 1111 1. Item les œuvres de Plutarque en deux volumes rellié en veau, Tite Live en ung volume, l'histoire de la maison de La Chasteigneraye, le code de Sens, l'histoire de Provence, l'histoire d'Avila, l'histoire de SI Louis, l'histoire des connestables, l'usage des nefz, les Antiquitez d'Amiens, les ordonnances de Neron, les cartes geographiques de Sanson, Opera Cornelii Taciti, les tables généalogiques des ducs et pairs, deux volumes de la Drogmaticque de Sanson, le dictionnaire deMonet, Lexicon, la guerre des Juifz, l'iustoire de Bethune, Calepin, Tite Live en deux volumes et la Republicque de Platon, le tresort de Nizouice (ou Nizolius), Mémoires du Tillet, Cassiodore, Mémoires du Clergé, traicté troisiesme, le tout in-folio, relié et couvert de veau prisé ensemble la somme de s;x vingtz livres, cy VI~ I. Item deux autres volumes in-folio couvertz de parchemin l'un de carte3 géographes et l'autre le Flambeau de la mer, prisez ensemble XII 1. Item v.'ngt neuf volumes in quarto reliez et couvertz de veau de differentcs histoires et autheurs, prisez ensemble XXX 1. Item soixante seize autres volumes in octavo aussy reliez et couvertz de veau de differentes histoires et autheurs, prisez cnssmble XXXVIII 1. Item-quatre vingt quinze autres volumes in douze aussy reliez et couvertz de veau de differentes histoires et autheurs prisez ensemble. XXXVI 1. Item une boiste de bois blanc dans laquelle s'est trouvé une courte pointe, trois soubzbassements, deux bonnes graces, les housses de quatre feuilletz (sic) et deux chaires, quatre pommes de lict, le tout de damas de Luques jaulne garny de frange et moletz de soye de plusieurs coulleurs, prisé ensemble, avec douze morceaux de tapisserie au point par bander non achevé, la somme de L 1.


Item trois petittes cassettes couvertes de cuir,rouge, chacune à. une serrure fermant à clef et quatre petittes cartes de géographie, prisé ensemble. III 1. Item ung petit chandellier d'argent, prisé XXVIII 1. Item deux bources de velours l'une rouge et l'autre verte, dans chacune desquelles sont cent jettons d'argent, prisé le tout ensemble, à. sa juste valleur et sans crue, la somme de CXLIIII 1. Dans ung garderobbe au second estage.

Item ung lict de sangle, garny dung matelas de fustaine et toille, ung traversin de coustil remply de plume et une couverture de leyne blanche, prisé. X 1. Ce faict, et après avoir vacqué jusqùes à midy sonné à l'inventorié de ce que dessus, le tout a esté baillé et laissé en la garde et possession dudit sieur Isarn, qui s'en est chargé en son propre et privé nom pour le représenter s'il en est besoin cy après, l'assignation continuée pour la confection dudict présent inventaire à cedict jour, deux heures de reUevée et a signé

ISARN.

Dudict jour, deux heures de reltevée, en continuant par lesdits notaires la confection dudict inventaire a esté inventorié ce qui ensuit

Ensuivent les tiltres et papiers

Premieremeat une feuille de papier de moyenne grandeur sur laquelle est le codicille faict par ledict deffunct sieur de Gresé, soubz son saing à Toloze le septième mars MVIc soixante trois, a son testament du premier du mesme mois faict en la ville de Castre, recognu devant Galida, notaire audict Castre, le deuxième dudict mois, par lequel codicille ledict deffunct sieur de Grese substitue ses biens audict sieur Isarn, son frere, ou à maistre Jean Isarn filz sieur de Varagne, son nepveu, apres ledict sieur son pere, ainsy qu'il est plus au long porté audict codicille, signé sur la page verso du premier feuillet Ysarn de Gress; sur la moitié de l'autre roolle de laquelle feuille est l'acte de recognoissance faicte par lodict sieur de Grezé de sondict codicille par devant Bessier, notaire de Tholoze, presens tesmoins, le huictiesme jour dudict mois de mars audict an, signé dudict sieur de Grezé, Routié, Combjs prenons, et dudict Bsssié, et cacheté de cinq cachetz des armes dudict deffunct, ainsy qu'il est porté audict acte, dont deux aux costez et trois au bas dudict acte, inventorié au dessoulz de la signature dudict codicille et en marge dudict acte. Ung. TOME Il.


Item l'original en papier d'ung contract passé par devant ledict Dalibert, notaire royal audict Caste (sic), presens les tesmoins y nommez, le vingt septieme janvier XVI° soixante trois, faict entre dame Isabeau de Vignes, veuve de Mr maistre Jean Isarn, vivant escuyer, conssiller du Roy en ses conseilz et greffier en chef de la chambre de l'edit de Languedoc, et ledict deffunct sieur de Grezé, par lequel contract et pour les raisons y deduittes ladicte dame a faict don, par donnation entre vifz irrevocable, audict sieur de Grezé, son filz, de tous et chacuns ses biens, droitz, voix, noms et actions meubles et immeubles, presens et advenir aux reserves, clauses et conditions y portées, inventorié au dessoubz des signatures dudict coniract contenant quatre roolles d'escripture, et en la première marge de premier roolle d'icelluy Deux. Item deux pièces attachées ensemble, qui sont deux comptes fait z doubles soubz seing privé entre lesditz sieurs Benoist et Charles Samuel Isarn, freres, le premier en datte du quatorze janvier XVIc soixante six de toutes les sommes que ledict sieur Benoist avoit receues dudict sieur Samuel Is~rn, provenant des emolumentz du greffe dont le tiers appartenoit audict sieur Samuel, debtes et autres chosBS y contenues par lequel compte, au moyen du payement faict par ledict sieur Benoist audict sieur Samuel Isarn de deux livres qu'il debvoit pour le relliquat, ilz se sont respectivement quittez de touttes choses jusques audict jour, en marge duquel sont escriptz ces motz « Ce compte final a esté faict devant notaires; D'Alibert l'a signé et est sur son registre le (sic) mars XVIc soixante six, ensemble y a dudict jour une déclaration comme j'ay dix huict cens cinquante livres sur la mestairie de la Bartelle »; et le second sur une feuille de papier en placard, signé double desdicts Isarn, le septieme juillet XVIc soixante sept, la recepte et despence faicte par ledict sieur Isarn pour ledict deffunct sieur son frère en conséquence de sa procuration depuis le premier avril mil six cens soixante six jusques au dernier mars XVIc soixante sept; par la closture duquel compte appert qu'il estoit deub par ledit deffunct audict sieur son frere cent septante quatre livres, que les lettres de change ont esté rendues audict deffunct et que les billetz luy doibvent estre rendus ainsi qu'il se veoit par les apostilles mis a costé d'aucuns des articles dudit compte inventorié accosté de la signature dudict sieur Benoist Isarn, estant seulle au bas dudict premier compte et au dessoubz de celles desdictz sieurs Isarn freres estans au bas de l'arresté du second, l'ung comme l'autre Trois. Item deux autres pièces attachées ensemble, la première desquelles est ung autre compte arresté entre lesdictz sieurs Isarn fieres depuis le premier juin XVI<= soixante huict jusques au treizieme juillet


XVIc soixante dix de ce qu'ilz se doivent l'ung à l'autre, au bas duquel compte signé dudict sieur Benoist Isarn, datté du treizieme juillet XVIc soixante dix, il se voit que ledict deffunct doibt audict sieur son frère deux mil quatre vingt dix sept livres dix solz; et la deuxiesme est ung escript soubz seing privé signé Isarn de Grezé, datté dudict jour treiziesme juillet XVIc soixante dix, faict entre lesdicts sieurs Isarn frètes en conséquence du compte cy dessus, par lequel escript a esté convenu que ledict sieur Benoist Isarn prendroit pour son remboursement de ladicte somme de deux mil quatre vingtz dix sept livres dix sept solz à luy deue par ledict compte, pareille somme sur ce qui leur reviendroit de bon de la ferme des greffes de la chambre de l'Edit de Castre, qu'ilz ont pris à moitié, et dont le bail a commencé le premier janvier mil six cens soixante dix; mais, parce que, dans ledict bail, ils estoient obligé de faire une advance de deux mil livres et qu'il avoit esté faictz des deniers dudict Benoist Isarn, ledict deffunct sieur de Grezé auroit consenty que ledict sieur son frere la retire à la fin de ladicte ferme avecq les intherestz d'icelle somme sur le revenant bon de ladicte ferme, inventorié sur chacune desdites pieces l'une comme l'autre. Quatre. Item ung escript soubz seing privé signé Isarn, faict à Castre le vingt ung mars XVI" soixante six, par lequel ledict sieur Isarn declare que ledict deffunct sieur de Grezé son frere a dix sept cens livres qui luy appartiennent pour sa moitié dans la somme de trois mil quatre cens livres qu'ilz ont dans l'office des taxes de greffe avec les sieurs y nommez; laquelle somme ledict deffunct retirera avec luy lorsqu'ilz compteront avec leurs associez, inventorié a costé de ladicte signature. Cinq. Item coppie d'ung billet signé De La Barre datté vingt six may XVI' soixante deux de la somme de quatre mil livres payable à Monsieur Hure dans ung an dudict jour valleur receu de monsieur le comte d'Appremont, au bas de laquelle coppie est l'original d'une recognoissance faicte soubz seing privé signé Hurez, datté à Paris le vingt huit juin XVIc soixante deux, par lequel ledict sieur Hurez recognoist avoir l'original dudict billet et declare que desdictes quatre mil livres il en apartient le tiers à Mr Isarn, greffier en chef de la chambre de l'Edit de Languedoc, montant à la somme de treize cens trente trois livres six solz huict deniers, laquelle somme il promect rendre audict sieur après en avoir receu le payement, inventorié au bas Six.

Six.

Item un escript soubz seing privé non datte, signé Isarn, par laquelle (sic) le soubzsigné confesse avoir receu de M'' Isarn, son oncle, cinq cens livres pour sa subsistance, s'esquiper et faire le voyage de Candie, inventorié Sept.


Item ung escript soubz seing privé, signé Guilleragues, datté du quinze janvier XVI~ soixante sept, par lequel le sieur soubzsigné promect payer à M'' de Forteville le premier jour de mars lors prochain, la. somme de sept cens livres contenue dans ung billet pur et simple que ledict deffunct Isarn luy a faict; laquelle somme il rccognoist que ledict sieur Isarn luy a mis entre les mains; au dos duquel escript est .ung receu dudict deffunct sieur de Grezé, datté du cinquiesme octobre ensuivant, de la somme de deux cens quatre vingtz dix sept livres receue dudict sieur Guilleragues sur le contenu dudict billet inventorié au bas dudict receu Huict. Item ung escript soubz seing privé signé N. de Hally, abbé, datté duneufiesme janvier XVIe soixante quatre, par lequel le sieur soubzsigné doibt audict deffunct unze cens dix livres qu'il luy a prestez et qu'il luy promect rendre toutesfois et quantes; sur lequel escript sont-trois receuz, le premier de trois cens livres, le second de soixante six livres, le troisième de cinquante livres, dont a esté baillé billet t et au bas dudict troisième sont escriptz ces motz « Plus, l'abbé d'Hally a. baillé trente livres pour moy a Bois Martel inventorié au dessoubz dudict escript Neuf. Item une promesse soubz seing privé .'signée Magdelaine de Scudery sans datte, par laquelle la soubzsignée prie ledict deffunet de luy faire la grace de bailler à Soubzbrié, s'il en avoit afaire, dix pistolles qu'elle promect rendre; au dos de laquelle promesse est ung receu soubz seing privé signé Soubrié, du treiziesme febvrier XVI" soixante trois, dudict deffunct de la somme de cent unze livres en sept louis d'or et unze_escus blancz; au dos du second feuillet de la feuille,~ sur le premier roolle de laquelle est ladicte promesse, sont escriptz ces motz « Lettres de Me de Scudery; dix louis d'or donnés pour. elle ,1e treiziesme febvrier XVI" soixante trois. Memoire que j'ay encorre donné dix louis àBenovez, inventorié au bas dudict receu. Dix. Item ung escript soubz seing privé, signé de La Rivoire, datté à Paris du vingtiesme febvrier XVI~ soixante sept, par lequel le soubzsigné confesse que ledict deffunct sieur Isarn luy a faict compter par Mr Cardon bancquier à Paris la somme de cent livres, dont il a tiré lettres de change sur monsieur Gahbert; et, en cas que ladicte lettre de change ne soit pas acquittée au temps y porté, il promettoit la faire payer incessamment; avecq lequel escript sont trois pieces les deux premières sont missives signées l'une comme l'autre Claire de Bonnafous, adressantes audict deffunct sieur Isarn, par lesquelles ladicte soubzsignée, entre autres choses, prie ledict deSunct de payer l'hostesse de son filz et qu'elle le remboursera de tout ce qu'il aura fourny; et la troisième est ung certificat signé de Lajoux, datté de Paris le dix neufiesme febvrier XVI" soixante sept, par lequel le


s~ubzJgné certif fie que ledict sieur de Grezé a an'esté ung cheval et payé soixante quinze livres pour la conduite de Mr de La Rivoire de Paris à Tholoze; et au bas est escript, de la main dudict deffunct sieur de Grezé, ainsy que ledict sieur Isarn a dict, que, sur la procuration qu'il a de la veuve de La Rivoire, il a faict bailler à son filz .deux cens soixante et quelques livres pour son hoste, neuf livres pour degager son mantheau de campagne, neuf livres pour une valise, dix livres pour sa blanchisseuse, quinze livres, payé le port de ses hardes, cent quarante livres pour desgager ses habitz qu'il a donné de tout cela ung ordre à Mr Galonnier; plus qu'il a faict donner cent livres par Mr Cardon qu'il a pris en une lettre de change tirée sur Galibert à. Castre, payable à Dutour, et que la procuration de La Rivoire est retenue par Galibert, notaire de Castre, le dernier decembre XVI" soixante six, dont il a dellivré la coppie avecq une déclaration au bas comme M*' Galonnier avoit fourny une somme pour payer le huitiesme denier de la charge de juge; toustes lesdictes pièces au nombre de quattre cottées et paraphées par première et dernière, inventorié sur chacune d'i,elles l'une comme l'autre. Unze. Ce faict, après avoir vacqué jusques à six heures du soir à l'inventorié de ce que dessus, a esté le tout baillé et laissé en la garde et possession dudict sieur Isarn comparant qui promect le représenter quand il en sera requi? à qu'il (s<c) appartiendra a signé ISARN.

CLEMENT.

DE BEAUVAIS.

Et le lendemain, dix septiesme jour desdicts mois et an, est comparu es estudes desdictz notaires ledict sieur Isarn, es noms et: qualitez par luy prises en l'intitulation de l'inventaire cy dessus, lequel a dit et declaré que, le lendemain du depart dudict deffunct sieur son frère de cette ville pour son voyage d'Angleterre où il est decedé, il luy fut mis .'es mains par monsieur Hosdier, de l'ordre de mondit seigneur Colbert, une somme de trois mil livres; de laquelle mondict seigneur faisoit don par gratiffication audict deffunct sieur son frere, ainsy que ledict sie~r Hosdier luy dit lors, et que ledict sieur comparant l'a reconnu par le receu qu'il en a baillé audit sieur Hosdier; laquelle somme de trois mil livres a esté par luy employée, suivant l'ordre verbal qu'il en a receu depuis dudict deffunct sieur son frere, au payement de plusieurs sommes qui estoient par luy deues à divers particuliers ausquels en avoit faict ses promesses et billets qu'il a retirez, lesquels payemens ont esté faicts sçavoir à monsieur Belinzany, sept cens cinquante livres, à monsieur Rolinde,


huit cent cinquante livres, à luy qu'il a. retenu par ses mains sept cens cinquante livres qu'il avoit avancez et prestez audict deSunct pour subvenir aux frais de son voyage, ledict jour veille de son despart; à monsieur de Saint Amant cent quatre vingts dix huit livres, à l'hoste de la maison où ledict deffunct avoit partye des meubles cy devant inventoriés, la somme de cent cinquante livres pour reste de loyers, à madame Mouy hostelière à Saint Germain cinquante cinq livres, pour despenses de bouche faite chez elle par les valletz dudict deffunct au sieur Isarn de Monder nepveu dudict deffunct cent trois livres, à son vallet de chambre pour son retour d'Angleterre à Paris, cent deux livres quinze sols, aux valletz dudict deffunt soixante et quinze livres pour faire leur despence, faisant ledict sieur comparant la presente declaration pour sa descharge en ladite somme de trois mil livres, dont et de quoy il a requis et demandé acte ausdicts notaires, qui luy ont octroyé pour luy servir et valloir en temps et lieu ce que de raison esdictes estudes les jour et an devant dicts, et a signé

ISAR.N.

CLEMENT.

DE BEAU VA! S.

Minute originale'sur'papier.

II

BIBLIOGRAPHIE

I. La ~) pistole parlante, ou la. metamorphose du louis d'or. Dédiée à Madem. Descudery A Paris, Chez Charles de Sercy, au Palais, à la bonne Foy Couronnée. M.DC.LX (16Go). Avec privilege du Roy. In 12 de 48 pp. chiff. (Arsenal, 16821 B.L.) Id. A Paris, Chez Charles de Sercy, au Parais, à la bonne Foy Couronnée [j M.DC.LX ~1660). Il Avec privilege du Roy. In 12 de 48 pp. chiff. (Arsenal, 14499 B.L.)

Tirage diËérent du précédent.

Le Louis d'or, à. mademoiselle de Scudéry. Paris, Estienne Loyson, 1661. Eeiit in-i2 de 46 pp. (Brunet).

Nous n'avons pas rencontré cette édition. Elle ne contiendrait: pas les 8 vers suivants qui terminent La pistole j&a~K~ Mais pour ce Louis d'or que j'aurai de vous,

Je trouve que sou sort est agréable et doux.


De n'estre plus sujet de l'agréable fortune

Par une grace peu commune,

H ne craint plus le temps, la rigueur, ni l'effort,

Car puisque notre esprit rend sa gloire immortelle H se mocque du sort,

Et n'appréhende plus la touche et la coupèle.

De plus, un vers trop libre aurait été supprimé à propos des amourettes sans conclusion

Texte du Louis ~'o~

Ce n'est qu'un pitoyable jeu

Et tout se passe en bagatelle.

Id. de la Pistole ~a~a~

On pourroit se vanter que ce jeu

Ne sçauroit valoir la chandelle

Et tout se passe en bagatelle.

Le Lottis d'or a été réimprimé dans

Elogia Julii Mazarini Cardinalis. Parisiis. Excudebat Antonius Vitré, Regis et Cleri Gallicani Typographus. M.DC.LXVI (1666). In folio de 6 H.; 2~.0 pp. chiff. (poésies latines); 71 pp. chiff. (poésies ital.) 292 pp. chiff. (pièces franç. dont le Louis ~'o~ sig. Isar); et ff. (B. N., Ln~ 13900).

2° Recueil de pièces galantes en prose et en vers de Madame la comtesse de la Suze et de monsieur Pelisson. Augmenté de plusieurs pièces nouvelles de divers auteurs. A Paris, chez Gabriel Quinet. 1680. vol. in-12.

Le Louis d'or se lit dans le T. I.

Cette édition a été réimprimée en 168.)., i6gr, 1693 et 1698. Le Louis tf'of se rencontre dans les éditions de ce même recueil de 1696, 1725. 174l.

3° Recueil de pièces choisies tant en prose qu'en vers; rassemblées en deux volumes. Première (et Seconde) partie contenant. A La Haye, Chez Van-Lom, Pierre Gosse, et Albers. M.DCCXIV (1714). In-8.

Le Louis d'or, par Isarn est la 'deuxième pièce de la Seconde partie (pp. 2~.1 à 272).

II. Almanach d'amour, pour l'an de grâce 1663. Par le grand Ovide Cypriot, spéculateur des Ephemerides amoureuses, aux remarques duquel se verront choses merveilleuses qui arriveront cette année, dédié à Cupidon.


Cet ~h'MMMHeA (prose et vers) qui a paru dans Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps composées par divers autheurs. Seconde partie. A Paris, chez Ch. de Sercy, au Palais, dans la salle Dauphine, à la Bonne-Foy couronnée. M.DC.LXII (1662), Avec Privilege du Roy, in-i2, a été attribué à Bussy-Rabutin, mais M. Éd. de Barthélemy le donne à Isarn.

III. Le Grand Almanach d'amour où sont contenues les prédic-

tions générales de l'année et de chaque saison en particulier, avec un moyen très nécessaire pour sçavoir en quels temps et lieux, il faut semer et cultiver toutes les choses qui servent en Amitié et en Amour. Et de plus une facile méthode pour guérir l'indifférence. Ce Grand Almanach (prose et vers) se lit dans Recueil de pièces en prose les plus agréables de ce temps Composées par divers autheurs. Quatriesme partie. A Paris, chez Charles de Sercy. M.DC.LXI (1661). in-iz. Attribué par M. Éd. de Barthélémy.

IV. Lettres et billets galants. A Paris, Chez Claude Barbin, au Palais, sur le second Perron de la Sainte Chapelle. M.DC.LXVIII (1668), Avec privilege du Roy. Petit in-8. Titre, 186 pp. chiff. et i f pour le priv. du 6 juin i66y.

D'après Paul Lacroix, ce volume contiendrait une partie de la correspondance de madame Arragonais, l'une des précieuses, avec Isarn.

On rencontre des vers d'Isarn dans les plaquettes suivantes

La Defaite des bouts-rimez, poème héroïque par M. Sarrasin, avec les éloges et acclamations des plus beaux esprits de ce temps. S. 1. n. d. In-4. de 4 ff. (Cat. Mommerqué).

Cette plaquette, qui s'est trouvée dans les portefeuilles de Tallemant des Réaux, ne contient pas le poème de Sarrasin, mais seulement les préliminaires d'une édition qui n'a jamais existé. Une note autographe de Tallemant des Réaux, écrite sur le volume, porte « Sarrasin avait fait la Defaite des bouts-rimez, mais il ne la vouloit « point donner. C'était du temps du mariage du prince de Conti. Pour < lui faire malice, Pellisson et Isarn firent imprimer ceci pour le faire « crier devant la porte de Sarrasin. Ce qu'il y eut de meilleur, c'est « que l'imprimeur trouvoit la preface admirable. » L' « Avertissement « de l'Imprimeur au Lecteur est de Pellisson, et parmi les quelques pièces de vers, deux sont d'Isarn.


Lj. journée des Madrigaux suivie de la Gazette du Tendre (avec la carte du Tendre) et du Carnaval des pretieuses. Introductions et notes par Émile Colombey. Paris, Auguste Aubry, 18~6, pet. in-8. Le madrigal d'Isarn est signé Trasile.

Voici, d'après Nayral, la liste des pièces qui ont été conservées par le jR~s~ de l'Académie de Castres Madrigaux pour déclarer son amour à. quelques dames; Elégie sur la mort de M. de Balzac; Sonnet sur le songe d'un amant favorisé de sa maistresse; madrigal sur le baiser fortuné d'un homme et d'une fille qui mesuraient pour savoir qui était le plus grand; Vers sur un poème de Sarrasin, intitulé la Défaite des bouts-rimés (voir ci-dessus) Vers mis dans un tronc pour les pauvres, gardé dans une rue par deux demoiselles,

Pour les pièces d'Isam recueillies par le ~CM~ Conrart, elles sont reproduites dans l'ouvrage de M. Édouard de Barthélémy 5~0, Le Mage de Sidon, Zenocrate, Étude sur la société précieuse d'après des lettres inédites de Mademoiselle de Scudéry, de Co~M ~'jTs~M. Paris. Didier et C'a, 1880, in-8.

Pour les pièces d'Isarn insérées dans les recueils collectifs, consulter la .BtMtogr~/M'c des ~-ecM~s co/~c~/s de ~o~Ms du ~~Z~ siècle.

F. LACHÈVRE.


CABINET

DES SAINES AFFECTIONS

(i595)

« Si ce volume m'appartenoit, je le ferois habiller de maroquin et dorer sur'toutes les coutures par Trautz-Bauzonnet~ Cape ou Duru, après l'avoir fait laver par quelque maître habile; puis, une fois qu'il seroit magnifiquement relié et digne de la bibliothèque de M. Jérôme Pichon ou de M. Double, je dirois quel est ce livre et quel en est l'auteur. Mais non, je ne garderois pas si longtemps mon secret, et j'irois en réjouir l'aimable esprit de l'excellent docteur Payen, le plus savant, le plus passionné des montagnomanes de notre temps, et je lui apprendrois que je viens de découvrir un ouvrage de Mlle de Gournay, la fille adoptive de Montaigne. Il suffit d'ouvrir ce volume inconnu pour se convaincre qu'il a été composé par M"" de Jars de Gournay, et imprimé à l'intention de Montaigne » c'est en ces termes que Paul Lacroix annonçait dans le Bulletin du Bibliophile (juin 1860, p. 1288) la découverte d'un petit volume de 1591 portant ce simple titre Des saines a~c~o~s. Le docteur Payen répliquait aussitôt, s'accordant avec Paul Lacroix pour juger le livre tout à fait remarquable, mais se refusant absolument à y reconnaître la lourde manière de Mlle de Gournay. Celleci écrit fort mal tandis que l'auteur des Saines a~c~'ons


s'impose par la limpidité du style, la clarté de la pensée, la sobriété et la convenance parfaite des expressions. La question resta pendante. Le volume fut acheté par le comte 0. de Béhague qui le fit recouvrir d'un maroquin doublé de Trautz-Bauzonnet à la vente de ce bibliophile (cat. 1880, première partie, n° 140), il fut payé un prix élevé et entra dans la collection du baron S. de la Roche Lacarelle (cat. 1888, n° 76). Il est aujourd'hui chez un amateur bordelais.

Voici une dizaine d'années, j'ai eu le volume entre les mains à la librairie Morgand. J'en pus lire quelques pages qui suffirent à me faire regretter qu'un tel livre soit inconnu, un tel écrivain ignoré.

Une enquête sommaire me montra que le traité Des saines affections avait cependant connu le succès une première édition fut donnée à Paris, par Abel L'Angelier en 1584 (ARSENAL, S. & A. 2197-8°); celle de 1591 (SïE-GENEVIÈVE, 8° R 702, Rés.) paraît être la seconde; en 1593, L'Angelier donna une nouvelle édition (MAZARINE, 27933; WoLFENBÛTTEL, F~. litt., n° 2099), puis une autre encore, probablement, sous le titre Les parfaites ~:ctions en 1600 (WoLFENBÙTTEL, id., n° 28). A ces quatre éditions, il convient d'en ajouter une cinquième indiquée comme publiée à Lyon, sans date, dans l'inventaire du rémois Nicolas Colin dressé en 1608

Ces données bibliographiques ne démasquaient en rien l'auteur. Il fallait autre chose.

En fouillant un jour dans l'arrière-magasin d'une grande librairie parisienne, j'ouvris un petit bouquin de méchante apparence, ramassé jadis sur le quai, comme me l'avoua le libraire surpris de ma trouvaille. Je venais de découvrir,

I.t'C/MHt~gK~t',lS~p.3~g.


portant au titre le nom de l'auteur, la première édition complète du fameux traité j

CABINET DES SAINES Il AFFECTIONS. Paris, Ant. du Brueil, 1305 (~. reprod.).

CABINET

DES SAINES AFFECTIONS.

DE7!~7j~E ED~yzc~V ~M~<tf<'<* ~c J~ 7 7. D<7cot<~ ~7' ~KM .y<WM'~ /Hr

Mf/Wf&Jff.

P~r Madame de RivERy.

À PARIS,

'Pour ANTHotN: du pRvEtL ,(!emcuranr au marché n eu fp-res la Bouclitrie,

M. D. XCV.

AVEC PRIVILEGE,

In-12, 203 pp. et G il. n. ch. pour les stances, la table et le privilège sign. A-S par 8 et 4; bandeaux, lettres ornées. Privilège pour dix ans accordé à JeanCoquerel et Antoine du Brueil le 16 juin 1~95. (MAZARINE, 2793~; BIBL. PART.).


Alors que les éditions antérieures comprenaient seulement dix-huit chapitres, le Cabinet en contient douze de plus; c'est un recueil de courtes dissertations morales présentées par cette épître liminaire

Vous me mandez que je vous envoye ces petits discours que vous avez autrefois veu en mon cabinet. Vous avez tant d'authorité sur moy que je n'oserois seulement me excuser à vous de ce que je pourrois justement refuser à tout autre. Ils n'estoient destinez qu'à mon usage et pour ceste occasion je n'avois pas pris beaucoup de peine à les parer, estimant qu'ils ne sortiroicnt jamais dehors. N'y pensez pas trouver les subtiles questions et profonds discours qui se peuvent traitter sur ce subjet, ce n'a point esté mon dessein d'y entrer, taut pour avoir bien mesuré mes forces que pour voir et sçavoir que les anciens nous en ont laissé un tres grand nombre de volumes, la perfection desquels nous ne sçaurions à. beaucoup près imiter. Comme ils ont tous d'une voix recogneu que nous desirions naturellement d'estre heureux, et que nous n'avons autre moyen de le devenir en ce monde qu'en esperant nos affections, les ramenant à une saine et louable disposition, et mettant par ce moyen nostru esprit en repos ils ont jugé que là se devoient raporter toutes nos veilles, et là aboutir toutes nos méditations. Aussi est-ce le champ auquel ont travaillé tous les beaux esprits de l'antiquité, tant ceux qui n'ont esté esclaircz que de la sombre lumière de nature, que ceux ausquels le Soleil de vérité s'est monstré tout pur et entier au travers de la foy. De tant de belles fleurs, de tant de savoureux fruits que nous ont produit leurs labeurs, j'en ay cueilly en passant ce pou que mon loisir m'a permis: dont encore j'ay esprint le suc, et l'ay mis icy comme en reserve, estimant que moins il auroit de corps, plus il auroit d'aisance et de vertu pource que je me suis de longue main persuadee, que les receptes que nous cherchons pour calmer et appaiser nostre ame, se doivent recueillir en moins de mots qu'il est possible, et racourcir en petites regles que nous puissions tousjours avoir en main. D'autant que l'inquiétude, qui ferme le pas à nostre félicité, et que nous avons à combattre continuellement, nous surprend le plus souvent, saisist à l'impourveu, et serre de si pres, que si nous n'avons tousjours sur nous des armes courtes et aisces à manier, nous ne nous en sçaurions défendre. Je ne doute point que vostre âge et grande experience ne vous en ait fait forger de plus fin metail et meilleure trempe que les miennes mais puis que vous me les demandez je vous les envoye. Si elles vous plaisent, ce sera selon mon vceu, si elles vous enuyent, ce sera selon vostre commandement.


Quel chapitre choisir, parmi les trente, qui montre au mieux et le livre, et l'auteur ? Le docteur Payen mentionnait le discours De la Vanité qui disait-il semble inspiré de lImitation. Citons celui-là

Il est fort difficile, voire (diray-je) impossible, que l'homme vain et trop curieux d'honneur, gouste jamais de la douceur de ceste tant desirable tranquillité d'esprit, que les sages cherchent par mer et par terre, à. pied et à cheval, par-ce qu'il ne peut avoir tout ce qu'il veut, ny l'estime qu'il demande. Et comme de soy il promet tousjours plus qu'il ne peut, et qu'il n'est aussi en habits, et en toutes autres choses il passe ordinairement sa mesure. De sorte qu'il est en la mesme peine, en laquelle sont tous ceux qui nagent contre l'eau, ou qui grimpent à mont un hault coustau pour vouloir trop avancer, ils sont trop reculez. Au contraire, le moyen d'estre fort à son aise, c'est de faire moins de mine et de semblant qu'on n'a de pouvoir, et laisser à. part toute pompe et vanité, tant és accoustrements qu'en la suite des serviteurs, et autres choses et tenir tousjours pour mesure ce qui est necessaire, et non ce qui n'a fondement qu'en la vaine opinion. Mesmes en nostre manger et vestement, il fault prendre garde n'y avoir jamais rien de trop remarquable. C'est bien faict aussi de refréner nos esperances, et ne vouloir estendre nos desseins plus loin que la où nous pensons pouvoir parvenir. Quant aux richesses, donnez ordre à les avoir de vous mesmes plustost que de la fortune. En toutes façons c'est un grand poinct que d'estre moderé, tant en ses actions, qu'en ses pensees. Par-ce que quand il viendra une tempeste de fortune, elle aura bien moins de moyen de nous renverser, si elle nous trouve les voiles cueillies, que si nous les avions toutes au vent. Finablement vous vous devez disposer en sorte, que ores qu'il vous advient faute de moyens, cela ne vous soit point à rebours. Si vous estes addonné aux livres, faictes qu'ils vous servent d'autre chose que d'ornement à. vos paroys, comme aucuns font, qui en tiennent seulement pour une vaine ostentation, ne plus ne moins que les bestes qui portent les viandes à doz et n'en mangent point. Le grand nombre de serviteurs donne beaucoup de peine, lesquels ss gastent d'estre trop aises. Pour conclusion, en quelque chose que ce soit, si vous pensez vivre selon l'opinion d'autruy, jamais vous ne serez content si selon la raison et que nature le requiert, jamais vous n'aurez faulte. 0 que l'homme humble vit seurement et paysiblement, et qu'il n'a guère d'affaires à se fournir Certes jusques aux bestes que nous norrissons, nous avons en horreur celles qui sont farouches, et ne se laissent penser à nostre volonté. Souvienne vous en somme, que


les foudres et tonnerres tombent ordinairement sur les plus hauts lieux.

Lisons encore le discours De la Tristesse

Les adversitez nous caussnt les fascheries selon qu'elles sont grandes ou petites en quoy aussi il se trouve de la faute. Car nous voyons maintenant que les hommes ont une coustume de pleurer beaucoup de choses, non pour autre raison, sinon parce que s'en est l'usage. L'un se lamente des inconveniens de son voisin, et mortifie son visage pour monstrer que il en est bien dolent, encor qu'il n'en soit rien. Ceste humanité là est sans profit, veu qu'en vos propres adversitez vous ne devez vous contrister, qu'autant que la raison le requiert, et non autant que la coustume. Combien y en a-il qui larmoyent quand on les regarde, et pensent qu'il seroit laid de ne pleurer quand les autres pleurent ? En combien de mal-ayses cela a-il faict glisser les hommes, de s'appuyer sur l'opinion? Qu'il seroit bien meilleur en telles choses inventer une nouvelle façon, et sentir les accidens comme doivent personnes sages et cognoissantes. Que servent leurs gemissements, ny à ceux qui sont morts, ny à ceux qui vivent, puis que de là il ne vient autre chose, sinon se consommer chetifvement et inutilement? Combien qu'à la verité il arrive par fois tels accidens et desastres, qu'il n'est pas possible aux hommes de les passer sans se'douloir et toutes fois il ne s'y faut contrister qu'autant que l'on doit. Et puis que le temps vous doit guarir à la fin, c'est simplesse de ne le prevenir avec prudence, et faire ce qui à la longue aussi bien se fera, vueillez ou non. Combien de personnes apres la mort advenüe de leurs enfans et de leurs femmes, ont ils mangé, et ry, et pris plaisir estimans le temps perdu, qu'ils avoient employé vainement en tristesse et en dueil ? Car bien qu'il semble que telles personnes sont dignes d'estre refraichis en nostre memoire, ou (pour mieux dire) en l'imprudence d'autruy, vous y devez neantmoins apporter le remede que de soy-mesme s'y mettra quand vous ne le voudriez pas.

Quelle noblesse de langage, quel style déjà classique dans ce recueil, où l'on reconnaît quelque peu l'influence de Montaigne, et surtout celle de Sénèque, du néo-stoïcisme i. Cf. L. Zanta, La renaissance ~f stoïcisme au -X'~7' siècle, P. 191~, m-8".


Madame de Rivery ne dit rien d'elle-même dans son livre mais nous comprenons, à lire les vers qu'elle y ajoute, le douloureux secret de sa vie. Un chagrin d'amour la désespère, son infortune est la source de sa philosophie

Tout un monde d'ennuis, de gesnes, de malheurs, N'est qu'un atome au pris du mal que je souspire Il n'y a rien d'esgal à mon cruel martyre, Et qui ne soit fort doux aupres de mes douleurs.

Tant de soupirs en l'air, tant de peines perdues, · Tant de larmes sans fin, vainement épandues, Tant d'ennuis sans sujet souferts et racontez, Sont bien certains tesmoings d'une amoureuse rage Mais non pouvoirs bastans pour fleschir mon courage, Ny pour m'assujetir soubs telles vanitez.

La cause de son mal, nous la trouvons dans les stances qu'elle adresse à M. de Rivery

Lassé de mes tourmens de vivre et de me plaindre, J'accuse vos rigueurs de mon injuste sort.

Je consacre mon cœur à vostre cruauté, Ma mort à vos souhaits, mon sang à vostre envie, Mon ame aux desespoirs où l'avez asservie, Et mes derniers sanglots à ma fidelité.

Elle appartenait probablement à une famille picarde, mais je n'ai pas eu la chance de découvrir le moindre document à son sujet. Contentons-nous, faute de mieux, de savoir son nom; elle s'appelait au juste MARIE LE GENDRE, DAME DE RIVERY, comme nous l'apprend un autre livre d'elle, dédié à la princesse de Conti

[Tt~ ~K~ et noir] L'EXERCICE Il DE L'AME ~) VERTVEVSE, Il DÉDIÉ T~ES-~4 FT.E, TRES-ILLVSTRE, ET tres-veri. Jeanne de Coesnies, veuve du comte Louis de Montafié en Piémont, avait épousé en 1582 FrancoMde Buurbon, prince de Conti. Elle mourut sans entants, le z6 décembre i6oi.J


tueufe Princeffe, Madame Il la Princene DE CONTY. Il PAR MARIE LE GENDRE jj DAME DE RIVERY j) T~MCM, CO~J, e~ NM~~C~ par ~e-MC Il d'vn DM~g'M6 des chaftes .4;MOM~ j( d'EROS, e7' de KALISTI. jj A PARIS, j) Chez GILLES ROBINOT, Il à l'enfeigne de L'abre fec jj pres S. Iean de Latran jj M. D. LXXXXVII. )j ~MCC Priiiilege dit Roy [~] ] IMPRIME A PARIS j) C/~ IEAN LE BLANC ~M )j ~M Pao~ à ~M/C~MC ~M Soleil d'or jj pres la ~o~C 5'a~c? F~O~- .jj J~<$. In-i2, 135 pp. et 4 ff. n. ch.; sign. A-F par 12. Privilege pour six ans accordé à Claude Micard le 26 octobre 1596. Dédicace à la princesse de Conti sonnets à M. de Rivery. F. n. ch. Cu, nouveau titre DIALOGVE jj DES CHASTES jj AMOVRS D'EROS, jj ET DE KALISTI. )j D~M ~O~K)-0~-)j~)j PAR MARIE LE GENDRE j) DAME DE RiVERY. )j [fleuron] jj; sonnet et dédicace adressés à M. de la Motte-Messemé, quatrain et stanuo de celui-ci. [ARSENAL, B.-L. 157~8 &M-8", ex. aux armes de Henri du Bouchet, seigneur de Bournon ville].

L'exercice de ~'a~ ~c~MeMsc se compose des douze discours publiés pour la première fois dans le Cabinet de 1595 le Dialogue des chastes a/MOM~s d'Éros et de E'<ï~'s~ raconte l'amour qu'Éros conçut pour Kalisti, fille de Sophie, leur idylle allégorique et philosophique qui se termine par un mariage. La morale de cette histoire tend à prouver que le rapprochement de deux êtres par le fait d'une « deshonncste amitié » n'attire sur eux que la honte « C'est ce qui doibt inciter celles du sexe qu'Éros revere à se rendre comme Kalisti toutes filles de Sophie ann qu'estant en la protection de la Sagesse, elles triomphent des passions d'Amour, et ayent perpétuellement la bien-veillance de leur honneur pour toute gloire. »

Ce dialogue est dédié à un écrivain contemporain, François Le Poulchrc de La Motte-Messemé, dont madame de Rivery se déclare fille d'alliance et pour lequel elle professe une admiration très vive. La dédicace débute ainsi Poulchre, j'appans cest œuvre aux pieds de vostrc gijire Qui seullo le peut rendre auranchy du tombeau.

TOME Il. I5


Un même souffle dithyrambique anime un sonnet liminaire du Passe-Temps de M. de la Motte-Messemé lequel, en retour, s'exprime ainsi au sujet de sa fille d'alliance dans un passage consacré aux femmes les plus remarquables de son temps' « L'exercice de ~Kc fe~MfMsc, composé et mis en lumière de n'agueres par Marie le Gendre Dame de Rivery, semble se faire adjuger la prééminence tant de bien faire un vers tragique et expressif de sa passion, que bien escrire en prose, en l'eslite des belles dictions, en l'élégance de ses phrases à mon ad vis peu imitables, et en la disposition de sa matiere qu'elle traite avec un artifice merveilleux, uniforme et tousjours semblable à soy-mesme.

LOUIS LOVIOT.

i. P., Jeatt Le Blanc, 1595, iti-S", f. 33 vo


CORNEILLE BLESSEBOIS

« II faut laisser quelque chose à faire aux heureux désœuvrés qui ont assez de temps pour s'occuper de Blessebois et du Zo/ et assez de solidité de jugement pour reconnaître que, de toutes les questions dans l'étude desquelles on peut user sa vie, il n'y en a point de plus utile et de plus raisonnable )) disait Charles Nodier avec une excellente philosophie, en attirant le premier l'attention sur Corneille Blessebois

Le conseil fut entendu. D'autres après lui ont disserté sur ce personnage aussi célèbre que mystérieux, mais en se livrant à moins de recherches que de conjectures, si bien que Blessebois en demeure plus mystérieux encore et non moins inconnue

J'ai voulu déchiffrer l'énigme. Des recherches assez étendues, poursuivies à travers diverses archives fort curieuses que ne consultent guère les bibliographes, m'ont permis de découvrir tout au long les aventures et la vie singulière de Corneille Blessebois

C'est dans la jolie ville nolmande de Verneuil que Corneille Blessebois vit le jour, à l'ombre de la Tour Grise. Il appartei. Mélanges tirés ~'M:e ~f~ bibliothèque, P., 18.29, in-8°, pp. 366-370. s. J'aurais voulu connaître l'importance des notes recueillies par M. de la Sicotière qui avait entrepris une étude sur Blessebois, mais l'enquête à laquelle je me suis livré m'a prouvé que les notes de M. de la Sicotière demeuraient introuvables. M. Pierre Louys, il y a une douzaine d'années, s'est occupé avant moi du Zombi ~K Granit Pérou mes recherches sont restées indépendantes des siennes.


nait à une famille de petite bourgeoisie son père fut Paul Blessebois, conseiller du roi, receveur des tailles de l'élection de Verneuil', sa mère Julienne Gaultier. Une sœur de son père, Marie, avait épousé l'orfèvre parisien Pierre Hermezel; une autre sœur, Élizabeth, se maria par contrat du 24 février 1620 avec Melcliior Mondière, libraire à Paris'. Disons dès l'abord que Pierre Corneille de Blessebois s'appelait exactement PAUL-ALEXIS BLESSEBOIS, Pierre Cor~c~ n'étant rien qu'un simple pseudonyme, ou plutôt une façon de nom de guerre. Les registres de catholicité de Verneuil ne peuvent indiquer la date précise de sa naissance, car la famille Blessebois était protestante~; il naquit protestant mais abjura bientôt par indifférence religieuse et souci personnel, comme beaucoup de ses coreligionnaires. M. de la Sicotière déclare que Corneille Blessebois naquit en 1647 probablement, 1646 au plus tôt, 1648 au plus tard' c'est très vraisemblable, mais je ne sais sur quel document s'appuyait M. de la Sicotière pour conclure de la sorte. Des trois mentions que j'ai retrouvées indiquant l'âge de notre Corneille, deux le font naître « vers 1653 », la troisième, surchargée, s'accorde dans un sens avec la date « vers 1653 », dans l'autre avec celle « vers 1648 ». La question reste douteuse.

La famille Blessebois nous est aisément connue grâce aux archives locales 5 nous savons que Paul Blessebois, le père, acheta le fief des Bois-Francs et du Châtelet, à deux i. On -trouve deux procurations signées de lui à la Btbi. Nat., P. 0. 368. 2. ARCH. NAT., Y 181, f. 409 et Y 185, f. 359.

3. Il semble que les idées de la Réforme aient pénétré de bonne heuio à Verneuil, puisqu'on y fit une enquête en 1533, & P'pos du procès d Etieune Lecourt (B~ ~c. l'hist. du Protcst., t. XXXVI, 1887, p. 310; cf. Ourse Notes pour servir .} l'histoire de la Réforme cit No)-WM~'< 1913, P. 36)' Le culte P~testant y subsista quelque temps mais fut supprimé en 1577 (~ t. XLVII, 180~ p'~i). Verneuil ne figurait pas sur la liste des églises réformées du xviie siècle et les protestants de cr.tte ville dépendaient sans doute d'une autre église. (Communication de M. N. Weiss.) c

4. Une w'M ~H. ~~M, M"' C~M~, Sées, in DK~~ Soc. sf. et a/f/tt' de ~'O~Hf, t. III, 1884, p. 25.

5. Minutier de M<! Arnaud, notaire à Verneuil.


lieues de Verneuil, dans la commune des Barils. Cette acquisition lui fit tenir rang de noblesse et, par la suite, ses fils prirent dans tous les actes le titre noble d'écuyer. Restée 'veuve en 1657, Julienne Gaultier continua de gérer le bureau de la recette des tailles sous le couvert de Pierre Roncherel, successeur de son mari au poste de receveur; elle s'entendait aux affaires car depuis son installation à Verneuil, à la prière des entrepreneurs, elle assumait la direction de la manufacture des points de fil de France. L'aîné des fils, Paul de Blessebois, portait de sinople à MM /aMC~M sept flèches d'argent liées de gMCM~S MM serpent de gMCM~S ~0~tillé CM brochant sur le !'OM<; il hérita du fief paternel, se maria par contrat passé à Blois le 10 avril 1657 avec Marie Testard, laquelle accusa son mari de dilapider sa fortune et obtint contre lui une séparation de biens en juin 1671; Paul de Blessebois passa sa vie dans son manoir seigneurial des Bois-Francs, y mourut et fut inhumé dans l'église NotreDame des Barils, le 29 décembre 1698 1. Un autre fils, Jacques, avocat, « le plus medisant des jeunes fous du pays », habita d'abord Verneuil, mais en i67r il est qualifié d'avocat en Parlement à Paris où il demeure d'ordinaire rue de Harlay, paroisse Saint-Barthélemy. Le l~j. juin 1670, à Alençon, il assistait à la sépulture protestante de son frère Charles, « sieur du Châtelet ». Un autre frère, portant également le prénom de Jacques, était en I692 cornette de carabiniers du régiment de Bellegarde 3. A ces quatre frères il faut joindre Paul-Alexis dit Corneille, et Philippe, mauvais garnement dont le sort ne nous est pas connu. Une sœur. Marie de Blessebois, reçut une dot de quatorze mille livres en 1660, au moment de son mariage avec Charles des Guets, écuyer, sieur de Belleville.

i. Registre de catholicité des Barils.

2. C~' de Souancé, DocMHMK/s généalogiques ~'a/ les registres des ~'a~o:.MM d'Alençon (1592-1790), P., igo7, in-8", p. 8-t.

3. Factum pour Jacques de Blessebois appelant d'une sentence rendue par )fbailli de CMteauneuf en Thimerais le 19 janvier 1692 (BIBL. NAT., Tboisy 33).


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Le jeune Corneille ne tarda pas à désoler son honorable famille. En compagnie de son frère Philippe, il s'abandonna « à toutes sortes de debauches », jouant de méchants tours a sa mère et à ses plus proches parents. Il dut faire à Paris une partie de ses études, puis séjourna à Alençon dont il raconte avec complaisance la chronique galante et scandaleuse dans un petit livre inédit, les ~î~M~s ~K l'arc

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Le 30 juillet i6yo, la population vernolienne était mise en émoi par un incendie qui venait d'éclater dans la maison habitée par Jeanne Gaultier et ses fils, maison récemment construite, l'une des plus belles de la ville. On s'empresse, les bonnes gens veulent porter secours, mais deux énergumènes armés de fusils, postés aux fenêtres, menacent quiconque tente d'approcher ce sont Corneille et Philippe Blessebois qui s'amusent à flamber la maison maternelle Ils ne quittèrent la place que lorsqu'elle devint intenable. On put sauver en hâte les registres de la recette des tailles et préserver la manufacture de dentelles, mais le corps principal du logis fut réduit en cendres, anéantissant les meubles, les papiers et tout l'argent de Julienne Gaultier. La justice locale laissa les deux garnements s'échapper sans les poursuivre trop. Philippe réussit à fuir, mais Corneille fut arrêté à Montreuil au moment où il espérait pouvoir passer en Angleterre. Benoît-Hector de Marle, intendant en la généralité d'Alençon, fit amener le prisonnier et informa le roi de l'affaire. Par arrêt du Conseil d'Etat rendu à Saint-Germain-en-Laye le 16 août 1670~, la connaissance de la cause était enlevée aux juges ordinaires l. Une médiocre copie du début du xix' siècle est conservée à la bibliothèque de Caen, fonds Mancel, n° 221. Le même fonds renferme une transcription pnstérieure de cette copie dans le ms. 70 (cf. Ca<. gén. des Mss., XLIV, par R. N. Sauvage).

2. ARCH. NAT., E i7s8.


de Verneuil pour « qu'un crime aussy public que celuy-la ne demeure pas impuny par la trop grande indulgence des omciers des lieux, la plus part parens ou alliez des parties » et pleins pouvoirs donnés à l'intendant de Marle d'instruire et juger l'affaire en dernier ressort. La sentence fut rendue le 15 novembre 16~0, en présence de tous les magistrats du présidial d'Alençon

Nous;'

En vertu du pouvoir à. nous donné par Sa Majesté par ledict arrest du Conseil d'Estat dudict jour seize aoust Mil six cens soixante dix;

Par jugement souverain et en dernier ressort;

Avons déclaré ledict Pierre Blessebois Corneille deument attaind et convaincu d'avoir mis le feu le irentiesme juillet dernier dans la maison où il estoit demeurant avecq ladicte Gaultier sa mère, scituée dans la ville de Verneuil, pour punition et en reparation de quoy avons icelluy banny à perpétuité du Royaume de France, enjoint de garder son ban à paine de la hart, ses biens meubles et immeubles declarez acquis et confisquez au Roy ou S, qui il apartiendra, et outre condamné en cinq cens livres d'amende applicable sçavoir cent livres aux reparations du palais d'Alençon, et le surplus, montant à quatre cent livres, sera payé audict Me Jacques Morlet, lieutenant de longue robbe en la provosté generalle de Normandie, à laquelle somme nous avons liquidé les traits de la translation par luy faite dudict Pierre Blessebois Corneille des prisons d'Alençon en celles de Verneuil pour subir la confrontation et de celles de Verneuil en celles d'Alençon, à quoy il avoit vacqué pendant sept jours, accompagné de dix archers.

Julienne Gaultier, tutrice de son fils mineur, devenait responsable des cinq cents livres d'amende, à moins qu'elle ne préférât rendre ses comptes de tutelle dans un délai de quinze jours après avoir reçu signification du jugement. Philippe Blessebois était déclaré contumace.

Lecture de la sentence fut donnée au condamné le jour même, dans la chapelle de la prison. Il l'écouta sans inquiétude. Cependant sa famille ne voulait plus entendre parler i. Archives dép. de l'Orne, B, Présidial d'Alenç3n, 16~0.


d'un mauvais sujet qu'elle reniait pour toujours; les revenus personnels de Corneille Blessebois étaient minces il ne se trouva personne pour l'aider à se libérer. Faute de pouvoir acquitter l'amende de cinq cents livres, il resta plus d'un an sous les verrous. Mais quel heureux séjour que celui de la prison d'Alençon Notre Corneille y rencontra un ami de cœur en la personne de Guillaume Pocquet, commis à la recette des tailles de Conches, détenu pour malversations. Ce Guillaume Pocquet, dont son ami fait un éloge enthousiaste, n'était pas d'humeur endurante un jour, le lundi l~ juillet r670, après une partie de boules dans le préau de la prison, Pocquet et son partenaire Le Camus montaient dans leur chambre pour se rafraîchir quand un autre détenu, Pierre Hobon, apercevant Pocquet à la fenêtre, l'interpella, le traitant de concussionnaire, de « mangeur de peuple )~, criant haro sur lui. Pocquet redescendit dans le préau, une violente querelle éclata et Pocquet, à qui Le Camus prêta main-forte, frappa Hobon à coups de bâton sur le crâne, le blessant grièvement 1. Blessebois et Pocquet se lièrent d'une étroite amitié que partagea bientôt le bonhomme Le Rocher, concierge de la prison.

L'excellent concierge « Homme incomparable pour sa belle humeur et son inclination à donner dans tous les plaisirs de la vie », il se montrait empressé à satisfaire les désirs de ses pensionnaires, leur prêtait de l'argent, écoutait volontiers Blessebois lire quelques pages d'un gros manuscrit qu'il appelait son Pn~M'~ Voyage ait Parnasse, rimait lui-même à l'occasion, s'esclaffait d'une épigramme contre l'intendant de Marle ou d'un méchant tour joué au procureur du roi Le Hayer, « le Pou de ville ». Les deux prisonniers invitaient ce joyeux compère à partager leurs plaisirs et même leurs orgies. Ils auraient vraiment eu mauvaise grâce à se plaindre de lui lors des~nquêtes périodiques que faisaient auprès des détenus le lieutenant-général ou le procureur du roi pour s'informer i. Le dossier de cette affaire est conserve aux archives dép. de l'Orne (B, Bailliage f.rim!nel d'Atençon, 1670).


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s'ils n'avaient pas de plaintes à formuler contre leur concierge. Une de ces enquêtes, faite par le lieutenant-général Charles Got, eut lieu le vendredi 27 mars 1671 les vingt-cinq détenus furent unanimes à déclarer qu'ils n'avaient aucun motif de se plaindre et signèrent le procès-verbal, Blessebois et Pocquet les premiers'.

Visiter les prisonniers compte parmi les œuvres de miséricorde des jeunes femmes de la ville en profitaient pour apporter aux captifs les plus généreuses consolations. Des intrigues se nouaient. La mauvaise réputation de Corneille Blessebois le servait au mieux; on se disputait ses faveurs. Il recevait les visiteuses avec complaisance, acceptant d'elles les repas commandés chez le traiteur La Caboche, ou encore quelques louis, un habit, un diamant. Les plus assidues furent Mlle de Boissemé, les sœurs Martichon et Marille Le Sage, puis une jeune femme que la haine ignominieuse de Blessebois devait rendre célèbre, Marthe Le Hayer. Elle appartenait à une excellente famille d'Alençon; cousine germaine du poète Pierre Le Hayer et cousine du procureur Pierre Le Hayer, sieur du Breuil, elle était fille de Adam Le Hayer, sieur de Scay avocat en la cour des aides de Normandie et de Marie Duval. Orpheline dès l'âge de quinze ans, elle reçut 28 ooo livres en partage et ne tarda pas à réagir contre la stricte vertu qui lui avait été enseignée jusqu'alors. Un jeune parent l'y aida deux jumeaux naquirent clandestinement, -mais eurent la discrétion de mourir peu après leur premier lustre, laissant leur mère libre de tout souci. Elle eut bientôt maille à partir avec la justice, à propos d'un enlèvement où elle prêta la main à son cousin J. de i. Cette curieuse pièce se trouve aux archives dép. de l'Orne (B, Bailliage criminel d'Alençon, 1671).

2. Le fief de Scay, situé à Alençon, au faubourg de )a Barre, avait été acquis des frères Frotté, le 8 mars 1606, pour 3000 1. par Pierre Le Hayer, sieur du Chable. Après la mort de celui-ci, il échut en partage à son fils Adam (cf. M. de Courtilloles, Analyses de divers actes du ~6t'Hi'o)Mgf ~4A'co)t, in .Bn/~iK de la Soc. /K's<. et archéol. de l'Orne, t. VIT, 1888, pp. 259 et s6.;).

3. Acte du 27 novembre 1643 (Arch. flép. de l'Orne, E, dossier Le Hayer).


Saint-Denis, seigneur de la Touche. Le marquis de Courcelles fit sa connaissance pendant son incarcération à la prison d'Alençon il en résulta une liaison qui dura plus d'un an après l'élargissement de la prisonnière et coûta à celle-ci la moitié de son bien.

Quand Marthe Le Hayer devint la maîtresse de Corneille Blessebois, elle était sensiblement plus âgée que son amant puisque, dit-il, elle aurait pu passer pour sa mère. Elle conçut pour lui une passion très vive, si bien qu'elle résolut de le faire élargir et de l'épouser. Blessebois était encore mineur, mais sa mère venait de mourir et il pouvait disposer librement de sa personne; il feignit d'entrer dans les vues de sa maîtresse pour tirer d'elle tout le profit possible; il promit tout ce qu'elle désira.

Le jour de Noël 1671, de bon matin, Corneille Blessebois galopait sur la route de Sées, monté sur un cheval de louage. On venait de le mettre en liberté en lui intimant l'ordre de quitter la ville sur-le-champ pour n'y plus revenir jamais. Un cavalier le rejoint c'est Mlle de Scay, en habits d'homme, qui, prévenue du départ de son amant, vient l'assurer qu'elle est disposée à le suivre partout où il lui plaira d'aller. Blessebois fait contre mauvaise fortune bon cœur, d'autant qu'elle parle de négocier certaine créance. Ils arrivent à Sées où, le soir même, Marthe Le Hayer cède à Jacques Morlet, écuyer, sieur de Boisblais, conseiller du roi, lieutenant de longue robe en la prévôté de Normandie, une créance de 3580! faisant moitié de 5160 1., à prendre sur Diane Le Hayer, femme de Jacques Fleury, sieur du Matté, avocat, à la suite du partage conclu le 2 juin 1663 entre elles et leur sœur Judith Le Hayer2, femme de Louis du Perche, sieur de i. Julienne Gaultier était morte pendant l'été 1671 (Minutier de M'' Arnaud, à Verneuil).

2. Judith Le Hayer eut deux enfants Catherine, baptisée le 19 janvier 1666, et Pierre-Louis, baptisé le iz novembre 1670. EUe mourut à l'âge de 63 ans et fut


la Bretonnière, avocat au siège et bailliage présidial d'Alençon Ce Jacques Morlet n'était pas un inconnu pour Blessebois qui avait fait sous sa garde le voyage de Verneuil pendant l'instruction de son procès; ils en avaient conservé les meilleures relations, et ce fut au domicile de Jacques Morlet, le lendemain samedi 26 décembre après midi, devant les notaires Chevalier et Bourdon, que Pierre Corneille Blessebois et Marthe Le Hayer signèrent un contrat de mariage qui s'est conservé jusqu'à nous~

Devant les tabellions roiaux de Sais, viconté de Falaize, le samedy vingt sixiesme jour de decembre mil six centz soixante unze apres midy, en la maison de M** Jacques Morlet, escuier, sieur de Boisbiais, lieutenant de longue robbe en la provosté generalle de Normandie, en Sainct Gervais de Sais.

Au ~M6i~ de mariage ~:M <!M ~/<MM~ Dt'~M sera faict et celebré en face de s~ Eglise ca//M/c<ytM, a~o~i'oHc~M~ et romaine, e')!)'s Pierre Co~~M:7~ Blessebois, ~~CM?'e/, sieur dit Chastelet, fils ~g't~M et MN!<M~/ de ~MMCi'? Ms Paul Blessebois, vivant conseiller secrettaire dut Roy et ~Cg~U~!<f Ae~«S!~ des tailles de l'election de Verneuil et CAs~M?<)MM/ en Thimerais [et de ~CM:0;M//e y~KMe Gaultier, ses et ~], originaire de la ville de ~)'MeM!/ et y demeurant, d'une ~a~, et ~;tKOiselle Marthe Le Hayer, ~M~ fille legitime et MN!<M~~ ~)~MMC~ Adam I.e Hayer, vivant ~MM~ sieur de Say, et de ~~o:M~ Afan'e D«pa~, originaire et demeurant 6M ville a"MfOM, ~WO!'?M Nostre Dame, d'autre part.

~M~M<MM~ ledict Pierre Corneille de Blessebois et ladicte damoiselle Marthe Le Hayer /cs~Me/ apres qu'ilz ont dict estre XM/~sa;M;MfM< aagez et libres de /e?<~ ~g~oMMes, se sont donné la foy de mariage et ~0!M;'S S'OM~~ en face de ladicte Eglise /S ~~Ki~'e requisition de /'MM d'eux, declarant respectivement se prendre avec /OMS les biens et droictz ~M: ~M~ apartiennent ~M quelques /M.~ et de quelque Ma~M~ lit'ilz soient, et eM<a'M[~M]i! vivre ensemble comme personnes separées de biens et en cette ~M/e ~K/f leurs dicts biens distaingz, sans estres tenuz des faictz et debtes ~<'M de ~'a«/ ~COg~fMMSM~ ledict sieur Blessebois inhumée dans l'église Notre-Dame le i"' février lôgg (cf. C'' de Souaneé. 1. c., pp. 140 et 141).

i. Minutifr de M' J. Huhert, notnin* a Sées.

2. Id.

3. Ces mots entre crochets, oubliés, sont reportés à la fin de l'acte original.


<~M ladicte damoiselle a ses MMMMM et g'a')'M!H<~s de mesnage, et ~«e sa part il ne ~FM/< porter avec elle i7!(CMM~ meubles sinon ceux qui servent à l'usage de sa ~~OKM~, sans que pour vallider la presente separation il soit necessaire ~"aM~S formalitez, et a ledict !6«~ de Blessebois gaigé douaire COMS~M~M: à la dicte damoiselle sa /M<M< ë~O~~ ~Mf ~0!M ses biens presents et advenir ~OMf avoir /~M ~M jour de la dissolution dudict mariage sans sommation My CM~M dilligences, et en cas que le ~~MM~ ~MaM~e ou ~M~e insignuation, les dictes parties ont COMS~'<<e ~OM~ ~M~ procureur le ~0~6!~ d'icellzey auquel ilz ont donné pouvoir de la requerir et en ~S/~M~t:C~, et à ce tenir etc., obligeant etc.

Presence <~ Af' Jacques Provost, ~~Mf dit lieu de ladicte ville ~4/eMfOM, François Le C/M~'K/ S~Mf BoM/~Mt&e~, officier en la maison de Madame, demeurant en ce lieu de Sais, /M~~ I.OMOM, de Sais, tesmoing[s].

PIERRE CORNEILLE BLESSEBOIS.

CHARPENTIER. MARTHE LE HAYER. J. PREVOST. LOISON.

CHEVALIER. BOURDON.

Remarquons que Blessebois conserve dans cet acte son

pseudonyme Pierre Corneille et prend le titre de sieur du Châtelet qui ne paraît pas lui avoir jamais appartenu en propre. Que lui importait d'ailleurs? Il ne se souciait guère d'un papier ni d'une signature. Riche de la somme versée par Jacques Morlet, il ne songeait qu'au plaisir de la liberté reconquise et ne résista point au désir d'acheter quatre cents écus un superbe cheval que lui proposa Jacques Morlet heureux de récupérer ainsi une partie de son argent. Les deux amants, ou plutôt les deux nancés, quittèrent la ville pour prendre le chemin de Paris. Le soir, ils s'arrêtèrent dans une auberge. Mlle de Scay, toute à la joie du contrat qui, pensait-elle, devait l'unir bientôt à l'homme qu'elle aimait, soupa gaillardement, agit de même, s'enivra, raconta l'histoire de sa vie. Blessebois écoutait cette histoire d'une oreille attentive; il avait tiré de sa compagne tout ce qu'il pouvait en espérer et ne songeait plus qu'à se débarrasser d'elle dès la première occasion. Ils continuèrent leur route de conserve jusqu'à Paris, accompagnés d'un laquais nommé


Planche Il

CONTRAT DE MARtAGE DE CORNEILLE BLESSEBOIS ET DE MARTHE LE HAYER. 26 DÉCEMBRE 167! 0

MInutier de Me J. Hubert, notaire à Sées. (CHché réduit).



Planclie III

CONTRAT DE MARIAGE DE CORNEILLE BLESSEBOIS ET DE MARTHE LE HAYER. 26 DÉCEMBRE 1671.

Mmutier de M" J. Hubert, notaire Sees. (Cliché réduit).



Hubert, dont Blessebois s'était muni en passant par Verneuil. A Paris, ils descendirent à la Vallée de Misère quai de la Mégisserie dans un modeste cabaret à l'enseigne de No~-D~Më de Boulogne, puis notre Corneille se hâta de confier sa fiancée aux soins de la Serre, digne entremetteuse qu'il présenta comme sa cousine et à laquelle il remit deux pistoles pour l'engager à servir son projet. Prétextant une course urgente, il partit et ne revint pas.

Marthe Le Hayer demeura inconsolable de cet abandon. Elle alla trouver une fameuse magicienne du faubourg SaintGermain qui, moyennant deux louis, l'assura que son amant reviendrait bientôt. La délaissée accepta cet espoir, mais elle comptait principalement sur ce qui lui restait de fortune pour ramener à elle le fugitif. D'ailleurs, elle entendait le contraindre au mariage, si besoin, et, forte du contrat de Sées, elle se rendit au Châtelet où elle obtint, le 19 janvier 1672, une ordonnance de prise de corps contre Blessebois.

Celui-ci s'était engagé. Après avoir tenu quelque temps garnison dans les Ardennes, à Mouzon, comme officier, il entreprit la campagne de Hollande dans l'armée de Turenne. Fait prisonnier à l'affaire de Rees (9 juin 1672), il revint à Paris avec les volontaires. Sa première visite fut pour celle qu'il avait abandonnée si cavalièrement l'an passé. Il s'excusa de sa conduite, raconta ses aventures tout au long, ajouta qu'il logeait à l'hôtel de Montbazon, promit de revenir. Un billet, le lendemain, le mandait d'urgence à SaintGermain l'Auxerrois; comme il allait entrer dans l'église, il fut appréhendé par l'exempt Gaze qui le conduisit au Forl'Evêque Marthe Le Hayer faisait mettre à exécution l'ordonnance de prise de corps.

Blessebois fut honnêtement traité au For-l'Evêque. Il y fit la connaissance du baron de Samoy', « le plus grand fou et le plus impudent menteur de l'univers », qui lui proposa i. Funck-Bretitano, Les leltres de cachet d Paris et les ~;soK)Ke~ de la Bastille, P., 1903, art. 378.


de faire semblant de marier Mlle de Scay avec son frère, un certain La Graverie se croyant mariée, elle rendrait la liberté au captif. La comédie réussit assez bien mais l'autre se ravisa et, toujours munie de l'ordonnance, elle fit écrouer le pauvre Corneille à la Conciergerie. On lit sur le registre, à la date du 23 avril 1673 1

Pierre Corneille de lachebois [sic] amené ~tSOKM~ ez prisons de ceans par moy MaMSM~< -Ro~, archer et sergent soubz la charge de MoMSMM~ lieutenant criminel de robbe COM~ au Chastelet de Paris, demeurant ~MC de la Tascherie, paroisse 5'St)!C< Me~HC~, en vertu d'un decret de prise de corps rendu aK Chastelet de Paris en datte ~M jrp janvier ~< S!g'M~ Galliot, et à la requeste de damoiselle Marthe Le Hayer qui a eslu son domicile en la snaison de Me Yo~t Sauvage le jeune, ~~CCM~Mf SM COMf, S~ t!M ~0~ 5'a!'MC< I.a:K~y, pour M~f a ~Ot<, /e~M~~ CojrM~ m'a CS~ !M<gM~ par laditte ~M~KMM~ ~My Stg'M6 avec

lequel Coyneille m'a este indiq2sé ~ay laditte damoiselle quy d sigyze avec

moy le present escrou. Signe ~fa~Ae Hayer et 7?oy~

La détention fut courte le 29, il était élargi en vertu de la sentence rendue le même jour par le lieutenant-criminel du Châtelet. Il quitta la Conciergerie après avoir fait élection de domicile rue du Bourg-Tibourg, dans la maison du procureur Antoine Pigeon. Un procès s'ensuivit-il ? Nous l'ignorons, mais si Blessebois obtint la résiliation de son contrat, il ne se contenta pas de ce succès et conserva envers celle qui faillit devenir sa femme une rancune obscène qu'il rendit publique de son mieux.

Garder son ban est bien le dernier des soucis de Corneille Blessebois. Il habite quelque temps Paris où il obtient, le 12 septembre 1673, un privilège de dix ans pour sa tragédie Zcs~oM~~s ~5~ dont l'impression fut achevée à Châtillonsur-Seine le 20 juin 1675 par le même imprimeur Laymeré qui devait publier en 1686, à Autun, une autre tragédie du

i. Archives de la Préfecture de Police.


même auteur, La victoire spirituelle de la glorieuse sainte Reine ~Mt~o;~ SM~ Olibre. Puis il retourne à Verneuil où il devient le héros d'un meurtre qui demeure pour nous assez obscur, le fonds du bailliage de Verneuil aux archives départementales de l'Eure présentant une lacune regrettable de 1643 à 1680; il faut nous contenter de ce que Blessebois dit lui-même du meurtre de M. de Verdin, à la suite de quoi il fut obligé de quitter la France pour échapper à la justice. Il passa la frontière, se mit aux gages de la Hollande et, sous les ordres du capitaine Daniel Elzevier, prit part à la lutte maritime contre les Suédois (juin 1675). Après la campagne, il séjourna à Leyde où il voulut suivre les cours d'histoire de l'université. Le bedeau inscrivit sur le registre des étudiants~

26 decemb. ~~7~ .P~fMS Co~Mj!MS Blesseboist F~MO~ONc~MMMMMS. 22, JT~.

Il entre en relation avec les Elzevier de Leyde et songe à se servir de sa plume pour conjurer tant bien que mal la « bizarre » fortune qui le prive des maigres pensions qu'il touchait en France, ne lui laissant « que ce qu'elle ne lui pouvait ôter a. Pendant l'année 1676, il publie successivement Marthe Le Hayer ou Mademoiselle de Scay, les. ŒMî~s satyriques, Filon, Le Lion ~'j4~g~M roman singulier dont la clé nous échappe mais qui ne touche point directement la personne de l'auteur suivi du T~M~e Marsias et, entre temps, édite la Relation d'un voyage de Co~agMg .B~M~, en vers burlesques. Il se risque enfin à revenir en France et reprend du service comme dragon dans le régiment de la Bretesche, compagnie de Montbrison.

En 16~8, il est à Paris où il fait imprimer <: pour l'hostel de Bourgogne », sa comédie La Co//M! de Mademoiselle de i..L'~4h;M)Me/t des Belles, pp. 19-23.

2. ~<)<t s/~toso/tfM ~tM~Mt:'tB Lttg~M;M .Bs<«!~<, .La Haye, 1875, in-4", col.601.


Scay et il ne tarde pas à rencontrer une nouvelle mésaventure.

Un jour, à la suite de je ne sais quelle discussion, il roue de coups la femme et la fille du perruquier du Réseu. La fille, Marie du Réseu, s'adresse à l'avocat Borde demeurant à la pointe Saint-Eustache, dépose une plainte au Châtelet et obtient du lieutenant-criminel, le 8 août 1678, une sentence de provision alimentaire de soixante livres, sans préjudice de l'action en dommages-intérêts. Le même jour, le sergent à verge-Jean Marly arrête Blessebois et l'écroue au GrandChâtelet' complètement dénué de ressources, l'aventurier ne peut payer les soixante livres il est donc « recommandé », c'est-à-dire maintenu prisonnier. Le jugement fut rendu le 29 août, condamnant le coupable au blâme, à dix livres d'amende et quinze cents livres de dommages-intérêts. Blessebois en appelle aussitôt devant le Parlement. Le 2 septembre, il est transféré du Grand-Châtelet à la Conciergerie par le guichetier Claude Faret2. Le dossier fut distribué au conseiller Mandat; l'affaire vint à l'audience du 22 octobre. On lit, à cette date, dans le plumitif de la Tournelle" Ft'c~ Co~e~/c [a./ surchargé j'o] ans, &~sw~

de ~VonMMH~ g'SM~<OMMMC, officier ~'«~K~C.

-fM~~g~ ~M MCM< ~K'i7 s :<MC /~MWC et fille. A dit ~M' Me l'ci fait ~M'~ son corps ~M~M<.

Arreste le condamne a estre admoneste et

confirme le surplus de la sentence pour les

1500'~ de reparation civille et aux despens.

Le jugement fut prononcé le 26 octobre*

Veu par la Chambre des Vaccations le'procès criminel fait par le Prevost de Paris ou son Lieutenant criminel au nouveau Chastclet à la requête de Marie du .Reseu, fille demanderesse et complaignante i. Arcllives de la l'fcfecture de police.

2. Id.

3. ApcH. NAT., X~ 10~2.

4. ARCH. NAT., X~ 810.


le substitud du Procureur general du Roy joint, contre Pierre Corneille de Blessebois deffendeur, accuse prisonnier es prisons de la Conciergerie du Pallais, appellant de la sentence contre luy rendue par ledit juge le vingt neuf aoust dernier, par laquelle ledict Corneille auroit este declare deument atteint et convaincu des exceds et voyes de fait par luy commis en la personne de ladicte du Reseu mentionnes au proces, pour reparation de quoy seroit mandé en la Chambre, le Conseil y estant, pour y cstre blasmé, deffenses à luy de plus user telles voyes sur telle peine qu'il appartiendra, condamné en dix livres d'amande vers le Roy, quinze cens livres de reparation civille dommages et interests envers ladicte du Reseu, y compris les provisions à elle cy devant adjugées qui demeureroient deffinitivement, et aux despens;

Requeste de ladicte Marie du Reseu du neuf septembre dernier à ce qu'elle'soit receue appellante du vingt neuf aoust dernier en ce que par icelle ledict Corneille n'est condamné que en quinze cens livres de reparation civille dommages et interests, en emandant quand à ce, condamner ledit Corneille en six mil livres de reparation civille dommages et interests et en tous les despens, sauf au Procureur général pour l'interest publicq, de prendre telles conclusions qu'il verra bon estre contre ledit Corneille, et luy donner acte de ce que pour griefs elle employe le proces criminel charges et informations et le contenu en sadicte requeste dont acte auroit este octroyé et signifné le dix dudict mois de septembre;

Ouy et interrogé ledict Corneille accusé sur sa cause d'appel et cas à luy imposez;

Tout considéré

Il sera dit que la Chambre a mis et met l'appel interjeté par ledict Corneille et sentence au neant en ce que par icelle il a este condamné d'estre blasmé et en dix livres d'amande, emandant quand à ce, apres que ledit Corneille pour le neant en la Chambre a esté admonesté, le condamne en dix livres d'aulmosno au pain des prisonniers, ladicte sentance au residu sortissant effect, le condamne en despens de la cause d'appel, et sur l'appel de ladicte du Reseu a mis les parties hors de Cour.

Fait en Vaccations le vingt deux octobre mil six cens soixante dix huit.

DE MESMES. MANDAT.

Voyant que l'affaire tournait mal, notre homme essaya d'un dérivatif il s'adressa au roi pour annoncer de graves

TOME II. 20


révélations et demander son transfert à la Bastille. Sa requête prise en considération, l'ordre de transfert, signé de Louvois et contresigné de Le Tellier, fut expédié le 25 octobre. Le même jour, Louvois écrivait de Versailles au lieutenant de police La Reynie'

II y a dans les prisons de la Conciergerie un homme nommé Corneille, qui a fait passer au Roy la lettre cy jointe sur laquelle Sa Majesté a jugé à propos de faire expédier des ordres pour le faire transférer à la Bastille, et Elle m'a en mesme temps commandé de vous les adresser afin que vous preniez soin de leur exécution, et qu'aussy tost que ledit Corneille aura esté transféré, vous puissiez vous rendre à la Bastille pour l'interroger sur ce qu'il prétend avoir à dire. Vous me ferez, s'il vous plaist, scavoir ce qu'il aura respondu, pour en rendre compte au Roy, parce que comme il pourroit n'avoir eu d'autre intention en demandant à changer de prison que de se soustraire à la justice, Sa Majesté donnerait en ce cas d'autres ordres pour le faire retourner à la Conciergerie.

Le 27 octobre, François des Gre%, lieutenant du guet, conduisit Blessebois à la Bastille où La Reynie s'assura de suite que les révélations promises n'offraient aucun intérêt et, le 3 novembre, selon l'ordre royal du 31 octobre, François des Grez ramena le prisonnier à la Conciergerie. Il y demeura jusqu'au 28 juin 1679, c'est-à-dire jusqu'au moment où, sur ordonnance du procureur général de l'Ile-de-France, il fut transféré au Petit-Châtelet. Quand recouvra-t-il sa liberté? Nous ne pouvons le savoir au juste, les registres d'écrous au Petit-Châtelet n'existant plus pour nous le dire.

Après sa libération, Blessebois reprit du service à l'armée. Il ne devait pas y rester longtemps. Une faute grave allait bientôt changer sa destinée sans retour.

Il déserta.

i. Archives de la Guerre, Correspondance 579. f. 365. Cette lettre est reproduite inexadement par F. Ravaisson, Archives de la Bastille, t. VIIÏ, p. i79. Cf. Bibl. de l'Arsenal, ms. 10363, et F. Funck-Brentano, 1. c., art. 770.


Le conseil de guerre tenu à Rochefort le 14 août 1681 le condamna aux galères à perpétuité.

Blessebois resta plus d'un an en prison avant que d'être emmené par une de ces chaînes de galériens qui, au départ de Paris, Rennes et Bordeaux, traversaient la France jusqu'à Marseille deux fois par an. On transférait les condamnés à la conciergerie d'une ville par laquelle devait bientôt passer la chaîne; le greffier remettait au commissaire le rôle des galériens, leurs noms, âges, signalements, l'expédition du jugement portant la durée de leur peine et un certificat de visite médicale. Marqués du fer rouge à l'épaule, tête rase, les galériens étaient attachés à la chaîne; ils marchaient en pressant les étapes quel que fût le temps, ceux qui ne pouvaient plus avancer suivaient sur des charrettes; l'escorte d'une chaîne se composait d'une proportion de deux argousins avec dix hommes de garde pour cent forçats qu'ils ne pouvaient frapper à coups de crosse, de bâton ou de marteau, mais châtier seulement à coups de corde ou de nerf de bœuf. Les condamnés recevaient deux livres de pain par jour, une demi-livre de pois ou de fèves avec un peu d'huile, de beurre ou de graisse et une chopine de vin ou de cidre un même régime les attendait aux brancades des galères; les malades avaient droit à une demi-livre de viande en bouillon, accompagnée d'œufs, de riz ou de pruneaux. S'ils possédaient quelque argent, ils pouvaient acheter ce qu'ils voulaient; les aumônes recueillies en cours de route servaient à compléter le trousseau de ceux qui n'avaient rien, à leur procurer le bonnet rouge d'infamie, deux chemises, un haut-de-chausses, une chemisette et une paire de souliers. Ainsi, offrant aux bonnes gens le spectacle de leur ignominie, ces misérables cheminaient jusqu'à Marseille où le général des galères donnait décharge au commissaire; ils étaient aussitôt immatriculés, exercés au service de la rame et répartis, dans les diverses chiourmes 1.

]:. Archives de la Marine, B6 14. et 18, passim.


Qu'il lui semblait loin le bon temps passé à la douce prison d'Alençon lorsque, dans les derniers jours de septembre 1682, Corneille Blessebois fut attaché à la chaîne de Bretagne conduite par le commissaire Marion, emmenant les condamnés de Bretagne et des généralités de Caen, Tours, Bourges, Moulins et Limoges La chaîne arriva le 22 octobre à Marseille on lit à cette date sur le registre matricule des chiourmes 1

f7~.

Paul Alexis Blessebois dit ~M Chastelet, de Verneuil au Perche, agé de 3o ans, de 60MM~ taille, poil châtain, condamné par le conseil de g'Me<T6 tenu à Rochefort, le aoust ~~7', pour ~M~!OK, vie. Il connut la vie crapuleuse des chiourmes. Absolument dénué de ressources, oublié de tous, il ne pouvait espérer les cent ou cent vingt piastres nécessaires à l'achat d'un esclave turc qui l'aurait remplacé dans les brancades. Au bout de trois années, usé par la rame, malade, on le déclarait « invalide », c'est-à-dire impropre au service des galères; il rejoignit le misérable troupeau des forçats invalides employés tant bien que mal aux travaux du port de Marseille ou confiés comme manoeuvres aux habitants, à charge pour ceux-ci de payer mille livres d'indemnité ou de fournir trois Turcs si le forçat venait à s'évader. Ces invalides coûtaient cher au Gouvernement sans rien lui rapporter et on décida d'en envoyer une partie aux îles d'Amérique pour les vendre aux colons comme engagés, avec défense de les laisser rentrer en France sous quelque prétexte que ce soit. Le 28 février 1686, ordre fut donné de former un premier convoi de trente galériens invalides dont vingt débarqueraient à la Guadeloupe et dix à Marie-Galante. Blessebois compta parmi ceux désignés pour la Guadeloupe~. Sous la conduite d'un seul argousin, les trente forçats quittèrent le bagne le i. Archives du port de Toulon. Je dois ce renseignement à l'obligeance du conservateur, M. H. Verron.

2. Archives de la Marine, B~ 18, f. 96.


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ig mars pour prendre passage sur une barque de cent quarante tonneaux, commandée par le capitaine Ferrault, qui leva l'ancre le 24 et aborda à Basse-Terre dans le courant du mois de mai. Cette marchandise humaine reçut fort peu d'accueil. Hinselin, gouverneur de la Guadeloupe, écrivit le 29 juillet 1686 au marquis de Seignelay'

Les trente forçatz invalides que M' Begon a envoyez par ordre du Roy sont arrivez en cette Isle il y a quelque tems; je fis passer incontinent les dix destinez pour Marigalande et fis scavoir qu'on engageroit pour trois ans les vingt qui devoient rester dans ce gouvernement afin, Monseigneur, que conformement à votre ordre je pusse rettirer les frais de leur passage. Mais comme ce sont les premiers qui aient esté tirez de l'hospital, ce sont apparemment les moins dociles et les plus infirmes, si bien qu'il yen a sept ou huit dont personne n'a voulu se charger, parce que les uns s'expliquoient qu'ils ne vouloient point travailler et que les autres sont dans l'impuissance de le faire. Mais les uns et les autres sont si miserables icy, que tous les jours ils regrettent leur chaisne où ils étoient nourris sans rien faire. Les douze ou treze autres sont placez, onze sont engagez pour quinze cens livres de sucre chaqun, et deux ont payé leur passage sur le pied de vingt écus, si bien que c'est environ dix huit mil de sucre que produiront ces douze engagemens, qui remplaceront à peu près le passage des vingt qui sont restez en cette Isle. J'en ay trois ou quatre chez moy que j'engageray si l'occasion s'en presente, ne les aiant pris que pour en faire venir l'envie aux autres. Je remettray l'estat de tout au threzorier de Marine, afin qu'il se fasse satisfaire. Corneille Blessebois trouva preneur au Grand Pérou, sur la côte orientale de la Basse-Terre, au quartier de la Capesterre.

Le Grand Pérou était un assez vaste domaine constitué par Jean Dupont, major de l'île, mort vers 1668 après avoir eu de sa femme, Marguerite La Garrigue, une dizaine d'enfants. Lors du recensement de l6yi~, le Grand Pérou comprenait un serviteur blanc, Laforest, treize nègres, treize négresses, cinq négrites, six fusils, douze mousquets, huit chevaux, etc. En 1686, Marguerite La Garrigue habitait le i. Archives des Colonies, C'' 3.

a. Archives des Co!onies, Gt 468 et 469.


Grand Pérou avec son fils Charles Dupont; ils achetèrent Blessebois qui partagea la case réservée aux domestiques blancs, en compagnie d'un irois (irlandais) et d'un engagé, sous la surveillance du bonhomme Laforest.

Singulier mélange que celui de la population de la Guadeloupe et des autres îles d'Amérique à cette époque Le fonds de meilleur aloi était constitué par les habitants, c'est-à-dire par les colons propriétaires de plantations de cannes à sucre où travaillaient les esclaves nègres; on comptait parmi eux quelques représentants de la noblesse française, des protestants émigrés, des bourgeois, de petites gens venus tenter fortune loin du pays natal. A côté de ces habitants, partageant leur vie, la tourbe des auxiliaires récoltés au hasard, pauvres exilés irlandais, trimardeurs et vagabonds racolés dans les bas-fonds de la métropole et engagés pour trois ans au prix d'un très maigre salaire, forçats relégués, etc. Blessebois allait se trouver dans un milieu où ses facultés pourraient se donner libre carrière. Il tombait d'ailleurs en pleine intrigue.

A peu de 'distance du Grand Pérou, sur l'autre rive de la grande Rivière de la Capestcrre, s'étendait un domaine appelé Cocagne où demeurait Félicité-Françoise-Antoinette de Lespinay, personne excentrique dont tout le monde parlait et s'amusait dans le quartier. Fille de Jean de Lespinay, écuyer, sieur de Farnier, et de Françoise de Chollet, elle descendait d'une famille noble et aisée; elle naquit à la Guadeloupe vers 1662, perdit son père de bonne heure et vécut sous la surveillance vague de sa mère parmi les nègres de la plantation. « Ayant eu le malheur d'estre née et connüe d'un temperament debordé )) comme l'écrit l'intendant Dumaitz dans le mémoire qu'il lui consacra le 10 décembre 1693' on accorda facilement créance au bruit qu'elle avait eu commerce avec un nègre et étouffé le petit mulâtre qui en était résulté. Bientôt, elle « s'entesta )) d'un garçon ï. Archives des Colonies, F3 18.



tonnelier au service de sa mère de qui elle eut un premier enfant puis, peu après, un second. Le P. Fleury, de l'ordre des Frères Prêcheurs, crut remédier au scandale en persuadant Félicité de Lespinay d'épouser le tonnelier, un certain Jean Roland. Comme ce Roland était huguenot, le P. Fleury le fit abjurer le 14 juillet 1681 et procéda au'mariage le même jour, clandestinement, dans une maison particulière, en la seule présence de trois témoins de rencontre. La mère de Félicité parut donner son consentement tacite, puisqu'elle ne chassa pas son tonnelier et lui confia même l'administration de ses biens, avec des gages modiques, comme le prouve un acte sous seing privé du 13 décembre 1681. C'était pendant un voyage en France; à son retour, d'accord avec sa fille, elle invoqua les circonstances du mariage pour en obtenir l'annulation, présenta une requête devant le conseil supérieur de l'île le 24 janvier 1684 et chargea son exécuteur testamentaire Jean Payen de poursuivre l'action après sa mort qui survint le 27 janvier 1685. Le jugement déclarant le mariage nul ne fut obtenu que le 3 août 1688, mais Félicité n'attendit pas si longtemps avant de reprendre la liberté de ses actes elle en usa largement puis songea à refaire sa vie en épousant un de ses amants, son voisin Charles Dupont, le « marquis s du Grand Pérou. C'est alors que se passent les événements racontés par Corneille Blessebois dans le Zombi du Grand Pérou, un des livres les plus curieux qu'un bibliophile puisse ranger sur ses tablettes Nous avons là le récit d'un épisode dont les personnages sont parfaitement reconnaissables sous les titres de marquis, comtes ou barons, dont Blessebois se plaît à les i. Je n'en connais que huit exemplaires BiBL. NAT., Rés. Y2 3302 Ans., B.-L. 16349-8' Nodier (1829, n° 623), relié par Thouvenin, qui fait actuellement partie de mon cabinet après avoir figuré en dernier lieu à la vente Willems (1914, n° 404); Nodier (1844, n° 1039), relié par Duru, aujourd'hui au musée Dutuit; Pixerécourt (1839, n" 1360), relié par Bauzonnet, aujourd'hui en Amérique, après avoir figuré à la vente Robert Hoe; Béhague (1880, n° 1015) et Rattier (1913, n° 359), relié par Trautz, incomplet du faux-titre; Potier (1870, n° 1420), relié par Capé, non rogné, chez M. Pierre Louys; un autre ex., en maroquin rouge modem?, dans la même collection.


affubler, l'opinion publique se moquant des fiefs titrés nouvellement créés aux îles, comme le marquisat de Sainte-Marie, à la Capesterre. On retrouve sur la carte tous les noms de lieux cités dans le livre et, par surcroît, un étang nommé maintenant encore l'Étang Zombi, l'étang ensorcelé, zombi, dans le patois créole, désignant un esprit malfaisant. Les incidents du Zombi se passent pendant l'automne de l'année 168~. On se les rappelle Félicité de Lespinay, comtesse de Cocagne, est quelque peu en froid avec son amant Charles Dupont, le « marquis )) du Grand Pérou; elle veut un rapprochement qui se termine par un mariage et réclame l'assistance de Blessebois. Celui-ci, comme galérien, tirait quelques subsides d'opérations mystérieuses qui lui ont valu une réputation de sorcier. Félicité lui demande de servir ses projets elle veut envoûter le marquis et faire périr Marguerite La Garrigue Margot qui s'oppose au mariage de son fils avec une telle créature. En outre, comme Mlle de Lespinay est persuadée que le pouvoir magique du galérien ne connaît pas de bornes, elle le supplie de la rendre invisible afin de jeter le trouble au Grand Pérou sous le couvert d'un zombi mystérieux. Blessebois, que cette folie amuse, organise toute une mise en scène. La comédie réussit, on veut la continuer aux dépens de la comtesse. Un frère de Charles Dupont, Hyacinthe, le vicomte » du Carbet, et leur neveu Charles Mollard, lieutenant de milice, le « baron » du Marigot, se placent eux aussi sous le couvert de la sorcellerie pour abuser de la pauvre Félicité. Mais toutes ces histoires de sorciers sont parvenues aux oreilles de la justice qui les prend au sérieux. Elle informe.

Le 23 novembre i68y, à la requête du procureur du roi, le sieur de la Reyne, juge ordinaire de l'île, signe une ordonnance de prise de corps contre Hyacinthe Dupont, habitant, Charles Mollard, lieutenant d'une compagnie de milice, et le nommé Paul Alexis de Blessebois dit Corneille, poëte gallerien. Celui-ci avait jugé prudent de quitter le Grand Pérou où le menaçait la colère du marquis pour se rendre à Basse-Terre,


parcourant à la hâte huit lieues d'un détestable chemin. A peine arrivé, il est appréhendé chez le cabaretier Sébastien Sionneau dit « la Tulipe » par les huissiers Marcq et Gauvain qui l'écrouent à la prison du château. Félicité de Lespinay est à son tour, le ier décembre, l'objet d'une ordonnance de prise de corps, mais Blessebois resta seul en prison quelque temps, ses complices furent laissés en liberté. L'instruction suivit son cours. Douze témoins furent entendus dont un seul est nommé, le chirurgien François Fayet dit « la Sonde », personnage épisodique du Zombi. En prison, Blessebois écrivit son livre qu'il faut tenir pour une sorte de mémoire justificatif tendant à prouver que l'on aurait grand tort de prendre au tragique, ni même au sérieux, une simple plaisanterie. Les juges ne se rangèrent pas à cet avis; le procès traîna en longueur et la sentence définitive ne fut rendue que le 3 avril i6go 1. Les chefs d'accusation n'y sont pas énoncer mais la sorcellerie en fut sans aucun doute le motif principal Le Conseil;

Veu les conclusions du Procureur general et le rapport de Mr Garbusat

A condamné et condamne les dits Charles Mollard le jeune et Hiacinthe Dupont à trois cens livres tournois ou valeur en sucre, estimées par ledit Conseil à six mil livres de sucre chacun, pour estre distribuées, sçavoir aux pauvres necessiteux de l'isle quatre mil livres de sucre entre les mains du R. P. Prosper religieux carme, quatre mil livres aussi de sucre aux pauvres de l'hospital, et quatre autres mil livres pour les bancs du Conseil qui seront remis entre les mains de M' Garbusat, en outre de comparoistre en la Chambre dudit Conseil pour y estre admonestez, et en la moytié des frais du proces et aumosnes susdites sans déport

Et à l'esgard de ladite Félicité de Lespinay l'a condamnée par contumace en deux cens livres tournois d'amande envers le Roy ou quatre mil livres de sucre d'aumosnes pour les reparations de l'église de la Capesterre, et à payer la moytié des frais et despans du procez, pour quoy elle sera contrainte par corps, lesdits despans et frais payables solidairement par les dits Dupont, Mollard et Lespinay qui i. Archives des Colonies, F3 221.


sont taxes pour le rapport et conclusions du Procureur general à trois mil livres de sucre;

Et pour ce qui regarde ledit Corneille, poëte gallerien, l'a declaré contumacé et condamné à faire amande honorable nud en chemise la torche au poing, devant l'église de Nostre Dame du Mont Carmel et devant la porte du Palays, demandant pardon à Dieu, au Roy et à Justice, sous peine d'estre pendu et estranglé en cas de recidive. Fait et donné audit Cons:il, iceluy tenant ordinairement, le lundy troisiesme jour d'avril 1690.

Tel fut l'épilogue judiciaire du Zo~&t. L'aventure n'impressionna guère Félicité de Lespinay qui continua de défrayer la chronique locale. Espérant toujours se faire épouser, elle continua d'être la maîtresse de Charles Dupont, marquis du Grand Pérou. Un enfant naquit. On lit sur le registre paroissial de l'église Saint-Hyacinthe de la Capesterre'

Le quinze mars mil six cent qualye vingt neuf. Baptisé /OM~ fils illegitime de Félicité de Z.M/)!)My qzti a dit l'avoir CM de sieur Charles D?~oM<. Parrain, JosePh Mo//af~Ma~H'K~, Ma~M~ Talbot. f. ASTRUCQ.

Les visées de la comtesse de Cocagne furent anéanties par la mort de Charles Dupont, qui succomba à la suite d'une petite vérole et fut enseveli dans l'église Saint-Hyacinthe le g janvier 1690. Cependant Félicité poursuit son libertinage avec outrance. Elle entend malgré tout se remarier, forte du jugement rendu le 3 août 1688 qui annule son union avec le tonnelier Jean Roland.

Le 23 mai 1693, par le ministère de Me Duchesne, notaire au Petit-Cul-de-Sac, faisant fonctions d'huissier, elle fait signifier au P. Astrucq, missionnaire apostolique faisant fonctions curiales au quartier déjà Capesterre, qu'elle est fiancée au sieur Marin Diot dit « la Jeunesse », tailleur d'habits.

i. Archives des Colonies, Gi M.


natif de Château-du-Loir, fils de feu Étienne Diot et de Marie Cormier, priant le P. Astrucq de procéder aux publications d'usage et de célébrer le mariage. Le missionnaire refuse catégoriquement l'arrêt du Conseil lui importe peu, l'union bénie par le P. Fleury en 1681 est bonne au point de vue religieux, comme l'affirme l'autorité du concile de Trente. Devant cette attitude, Félicité a de nouveau recours au Conseil et le 10 juillet 1603, le notaire renouvelle la sommation au P. Astrucq qui ne veut toujours rien entendre. Alors, le dimanche 2 août, le notaire Duchesne établit un procès-verbal constatant qu'il s'est rendu en compagnie de Marin Diot, de Félicité de Lespinay et de deux témoins à la sortie de la messe paroissiale de l'église Saint-Hyacinthe, et que là, devant tous, sur un dernier refus du P. Astrucq de procéder à leur mariage religieux, Marin Diot et Félicité de Lespinay ont déclaré publiquement qu'ils se prenaient pour époux. Félicité rencontra-t-elle dans cette union le bonheur et le calme? Il n'est plus question d'elle dans les archives de l'île.

Grâce au registre paroissial de la Capesterre, il est possible d'établir une clé complète et précise du Zombi du Grand P~OM Monsieur de C. PAUL-ALEXIS BLESSEBOIS dit PIERRE CORNEILLE DE BLESSEBOIS, auteur

du livre.

la comtesse de Cocagne. FÉLICITÉ-FRANÇOISE-ANTOINETTE DE LESPINAY.

~'CO)M~~B~~KOM/ LÉONARD-FRANÇOIS DE VILLIERS AU son beau-frère. TERTRE, écuyer, seigneur d'Hélissard si sa femme, Thérèse de Lespinay, est

bien sœur de Félicité, comme il semble

probable.

jRo~)!~ débonnaire. JEAN ROLAND, tonnelier, mari de Félicité de Lespinay. Il était déjà au ser-

vice de la famille Lespinay en 166~ alors

âgé de quinze ans. Le 26 décembre 1682


fut ensevelie à l'âge de dix-huit mois sa

fille Françoise, un des deux enfants qu'il

eut de Félicité. Après le jugement du

3 août 1688 qui annulait son mariage,

il quitta l'île où personne n'entendit plus

parler de lui.

le marquis dit Grand CHARLES DUPONT, fils deJean Dupont .P~OM. major de l'île, et de Marguerite La Garrigue, baptisé le 2~ août 1659, enseveli

le 9 janvier 1690.

Margot, sa mère. MARGUERITE LA GARRIGUE, veuve de Jean Dupont depuis l'année 1669 en-

viron.

le vicomte du Carbet, HYACINTHE DUPONT. Parmi les enfants son frère. de Jean Dupont, deux furent appelés Hyacinthe, et rien ne permet de savoir

lequel fut mêlé à l'affaire du Zombi.

L'un, baptisé le i" novembre 1657, devint

commandant du quartier et fut enseveli le

i3avrili725; l'autre, néle3ojuilleti66~,

baptisé~le 9 août, fut enseveli le 28 sep-

tembre 1~09. Un des deux Hyacinthe

épousa en 1688 Marie-Anne Pichery et

en eut six enfants.

le baron ~M Marigot, CHARLES MOLLARD, fils de François Molson neveu. lard (natif de Dieppe, décédé le 28 août 1680, à l'âge de quarante-six ans) et de

Marie Dupont; baptisé le i<). juillet 1665,

il devint lieutenant d'une compagnie de

milice et fut enseveli dans l'église Saint-

Hyacinthe le 8 septembre 1690. Il avait

épousé Magdelon Faure qui lui donna

une fille posthume, Charlotte, née le

ï" février 1691.

la mère du baron du Marigot.

le /CM;M frère du baron du Marigot.

MARIE DUPONT, veuve de François Mollard de qui elle eut sept ou huit enfants. Elle fut ensevelie le 5 novembre 169~, âgée d'environ cinquante-deux ans. JOSEPH MOLLARD, baptisé le 5 novembre 1673; il devint cornette de cavalerie et fut enseveli le 23 février 1700. Joseph Mollard, le 15 mars 1689, fut parrain du


le bonhomme la Forêt. M. de la Croix.

Benjamin de Gennes.

le chevalier de la C~cssc-re~'c.

La Sonde.

M. et M"' D~M~.

fils naturel de Félicité de Lespinay et de son oncle Charles Dupont.

LAFOREST, serviteur de la famille Dupont, figure déjà dans le recensement de 1664, alors âgé de vingt-cinq ans.

Le sieur DE LA CROIX, marié à Françoise Bernard.

BENJAMIN DE GENNES, d'une famille originaire de Vitré, protestant, âgé de vingt-quatre ans en 1687.

Un membre de la famille CHEVALIER. FRANÇOIS FAYET, dit LA SONDE, chirurgien établi à la Capesseterre, décédé le 21 janvier 1689, âgé d'environ soixante ans. Il fut cité comme témoin au procès du Zombi.

JEAN DU FAUD, protestant, natif de Saint-Affrique; il abjura le 10 avril i68y, à l'âge de vingt-six ans, et épousa Marie Senacq le 16 juin de la même année.

Après l'affaire du Zombi, Corneille Blessebois est condamné par contumace le 3 avril 1690 nous ignorons quel fut son sort désormais. Le Zombi ne fut imprimé qu'en février 1697; il ne vit assurément pas le jour aux Antilles, comme le pensait Nodier, mais en France, dans une médiocre officine de province. Faut-il en conclure que l'auteur revint en Europe et présida lui-même à sa publication? Non, rien ne permet de le présumer. Sa santé était fort compromise quand il débarqua aux îles d'Amérique et il semble probable qu'il ne tarda pas à y terminer obscurément son existence romanesque d'aventurier que poursuivit de prison en prison, un « barbare destin )) acharné à la perte d'un pauvre « poëte errant par l'univers ».

LOUIS LOVIOT.


NOTICES

A propos d'Hubert de Suzanne et de Martin de Bézard. M. Alfred Cartier a bien voulu rechercher dans les registres conservés aux Archives de Genève si le nom d'Hubert de Suzanne se trouvait parmi ceux des étrangers ayant fait la déclaration obligatoire à leur arrivée dans la République. Hubert de Suzanne n'y figure pas. La supposition que j'avais faite qu'il avait pu suivre à Genève son ami Bézard ne se trouve donc pas réalisée 1. Et peut-être Martin Bésard, Bézard, ou de Bézard, l'ancien correcteur de Simon de Colines, n'est-il pas le même que le Martin Bésard, libraire, qui se réfugia à Genève. En effet, M. Cartier nous signale que les registres de 1559 portent « Martin Bésard, fils de feu Nicolas, libraire, natif de Paris ». Or notre Martin Bézard était Suisse. Il y eut donc deux Martin Bézard, peut-être trois, comme on en pourra juger par les notes suivantes

Le 9 février 1538 (n. st.) Martin de Bézard.'maître-ês-arts, renonce à des terres que l'imprimeur Guillaume de Bouys lui avait affermées en 1536, l'agriculture n'étant décidément pas son affaire. Le 13 octobre 1539, Martin de Bézard, maître-ês-arts, étudiant en l'Université, reçoit procuration de Jacques Dumont, aussi étudiant, originaire de la Ligue des Grisons.

Le 14 octobre 1547, Martin de Bézard, maître-ès-arts, transige dans un procès qu'il soutenait contre François Estienne, libraire. Les 13-18 novembre 1547, Jean de Gaigny reconnaît, dans son testament, devoir à maître Martin Bézard, souysse, correcteur en son imprimerie, 202 livres, 16 sols, 9 deniers tournois, dont il le prie de se payer en volumes

Dans ses recueils de vers Hubert de Suzanne, qualifie son ami Helvetus.

i. Tome II, 2' fascicule, p. 153.

Toutes ces notes sont tirées du i",et du 2' volume (sous presse) du Recueil d'Actes notariés, de M. Ern. Coyecque.


Enfin Martin Bézard était, vers 1554, procureur de la Nation d'Allemagne, à l'Université de Paris.

Toutes ces indications semblent bien se rapporter au même Martin Bézard, successivement correcteur chez Simon de Colines, François Estienne et Jean de Gaigny, commanditaire de l'imprimeur Nicolas Le Riche.

Mais c'est évidemment d'un autre Martin de Bézard qu'il s'agit dans les pièces suivantes

30 juin 1543, clause additionnelle au contrat de mariage de Martin dè Bézard, seigneur de Manières, bourgeois de Paris, fiancé à Denise de Besze, veuve de Pierre Bernardin, procureur en Parlement 20 décembre 1545, donation par Jean de Bérard, conseiller du roi, général de ses Monnaies, à Martin de Bérard, son frère, receveur de Carehtan. (Ce même Jean est appelé Bézard dans deux autres actes des 3 mai 1543 et 9 avril 1544.)

10 mars 1552, testament de Hugues Bernardin, seigneur en partie de Bry-sur-Marne, beau-fils de Martin de Bézard. Il en ressort que Denise de Bèze, sa mère, avait un frère, Antoine de Bèze, et qu'elle eut de son second mari une fille appelée dans l'acte Catherine Bérard 1.

Serait-ce lui le Parisien réfugié à Genève, où il exerça le métier de libraire? La chose ne paraît pas probable, mais M. Cartier pourra peut-être nous dire si Denise et Antoine de Bèze appartiennent à la famille de Théodore de Bèze, et s'il pourrait y avoir une relation entre Théodore de Bèze et la présence à Genève de Martin Bésard. Pu. R.

L'imprimeur des Contes d'Eutrapel. 1585.

L'édition originale des Contes ~EM<M/~ porte la rubrique ~4 Rennes, ~OMf Noël G~UM~, ~MtM~co~M~M, indication que A. de La Borderie a si bien prise au sérieux qu'il a consacré toute une notice au libraire Noël Glamet dans ses Archives du Bibliophile breton (1885, t. III, pp. 84-120). Noël Glamet paraît cependant bien suspect quand on s'aperçoit qu'il n'a pour tout bagage que les neuf éditions successives d'.EM~a~ –selon la remarque de M. Philipot (La vie et ~a'MM'c ~t! de Noél dit Fail, P., 1914, in-8°, p. 376) et de M. G. Lepreux (Gallia ~o~a~M, t. IV, Bretagne, p. 68). A vrai dire, Noël Clamet n'a jamais existé et la rubrique A Rennes, pour TVo~ G~K~, 0KtMi. D'après les Registres des Insinuations du CMM~ Paris, de MM. Campardon et Tuetey, n" 1388, 1294, 1031, 1326 et 415'.


~co/~M~M, purement fantaisiste, fut scrupuleusement reproduite par les huit éditions qui suivirent l'originale de 1385, comme il est de règle en pareil cas.

Où donc et par qui Noël du Fail fit-il imprimer son livre pour la première fois ? L'aspect du volume engage à penser qu'il est dû aux presses parisiennes. Si nous examinons des ouvrages de même nature publiés par Jean I Richer, à Paris, la même année 1585, nous constatons que le bandeau placé en tête d'EM~a~ se retrouve en tête des Ma~'M~s de Cholières; dans les deux volumes, le texte débute par une grande lettre ornée appartenant à un même alphabet; d'autres lettres, d'autres fleurons se retrouvent dans l'un et l'autre, avec des particularités qui les identifient. Mêmes remarques si l'on confronte -EM~a~ avec les Touches et les Bigarrures de Tabourot nous voyons, au surplus, que les Bigarrures et .EM~a~ sont composés à l'aide des mêmes caractères. Nous pouvons conclure sans hésitation que l'édition originale des Contes ~M~ fut imprimée à Paris par JEAN RICHER.

L. L.

Un manuscrit de Dagoneau'ChoHères.

Dans les ~s-D~M~~ où Cholières se désigne lui-même sous le nom de <f Monsieur de ceans », on remarque ce passage (éd. 1587, f. 86 v°) « J'ay veu les M~t'M que vous avez communiqué au public, Monsieur de ceans, » et ailleurs (id., f. 78 r°) « Dans la Rose des K~M illustres, que vous nous avez communiqué. Monsieur de ceans, j'ay remarqué que parlant de Marpesic, Royne des Amazones, vous avez cité.); »

Le ms. 1903 de la bibliothèque de Reims a pour titre La Ruse des M)/H~M illustres par Jean Ds~MMM, ~aMoHMOt's; c'est une suite de 228 notices sur lesquelles 79 font actuellement défaut, un certain nombre de feuillets ayant été arrachés. Les pièces liminaires sont adressées à l'auteur par madame L. D.; le sicur du Fresne; Jacques Ridouet, sieur de Sancé, gentilhomme angevin; le sieur de Verdolles Dionysius Noisangaeus.

Pendant la tourmente révolutionnaire, ce manuscrit appartenait à un certain Troyon fils qui, dans son zèle patriotique, offrit ce « vieux bouquin » une société populaire pour en faire des gargousses. Mais le vieux bouquin échappa à cette destinée et nous apporte la preuve formelle s'il en était besoin de l'identification du seigneur de Cholières avec Jean Dagoneau (Revue des livres anciens, t. I, pp. 37-49).

L. L.

TOME Il. `


VARIÉTÉS

Deux procès de librairie devant le Châtelet.. t677.t680. Le plus ancien plumitif de la chambre criminelle du Châtelet conservo aux Archives Nationales (Y 10311) donne le compte rendu de deux procès de librairie.

Le premier, jugé le mardi 18 janvier 1678, eut lieu à propos d'un libelle diffamatoire de l'abbé de Carence intitulé ~f~MOt'fB t~o~/a'~ i sur la réforme des Cordeliers et imprimé à Rouen à deux mille exemplaires, qu'un étudiant en théologie, André Morin, âgé de vingtcinq à vingt-six ans, natif de Donnemarie près de Provins, demeurant au haut de la rue Saint-Jacques, en face des Jacobins, chez le boulanger Claude Louis, vendait aux libraires moyennant sept sols l'exemplaire. André Morin fut condamné au blâme; par contumace, l'abbé de Garence et le libraire Cauvin furent condamnés au bannissement pour cinq ans, la femme Cauvin au fouet et au bannissement pour trois ans. Le libelle devait être lacéré en place de Grève par la main du bourreau.

Le second procès, jugé le mardi 14 décembre 1677 et le samedi 13 avril 1680, concerne divers livres et gravures prohibés, surtout JL'jEMM~MC cour o~o.~ ~~KC apostolique, Cologne, i6y-t, in-i2, et le Premier Extraordinaire de l'Evesque de cour, touchant la dumina~'OMf~Mco~a~ dans le ~t'oc~ ~'J))!MMS. Cologne, 1672, in-iz. Nous en reproduisons le texte in extenso.

L. L.

I. –~Du mardy XIIII* decembre 1677.

En la chambre de police où estoient assemblez pour juger le proccz des nomez Debauges absent, sa femme et son garçon; A este fait entres en ladite chambre Claudine David, aage de trente trois ans, femme du nome Debauges libraire, demeurant sur le quai des Augustins a dict apres serment et sur ce enquise qu'elle se mesle de vendre des gazettes et non aucuns livres deSendus; qu'elle ne scay poinct sy son mary en vendoit; ne scay poinct sy les livres a elle représentez qui sont présentement sur le bureau ont


este pris et trouvez en fa bouctique; n'a poinct vendu le livre de I.'(°f~M<' de Cour et que sy elle l'a dict c'estoit qu'elle estoit troublee et que son garçon ne l'a pu dire; qu'elle ne so-mesie que de vendre des comedies et n'a point de magazin d'autres livres que ceux qui sont en sa bouticque; ne scay que c'est de la taille douce représentée. Fait entrer ledit François Gueffier, aage de vingt deux ans, demeurant au service de la femme du nomé Debauges libraires, luy garçon libraire, a dict apres serment fait sur ce enquis qu'il y a deux ans qu'il se mesle de la librairie; que ce n'est point luy qui a vendu le livre de .L'M~Mf Cour que nous luy avons representé; ne reconnoist poinct les autres livres reprcsentez ny la taille douce qui est sui le bureau ne les ayant jamais veu en sa bouctique; n'a poinct sceu que ledict Debauge se mesla de vendre aucuns livres deffendus, cela n'c stant poinct de sa connaissance.

Les conclusions sont par escrit au proces.

Monsieur Morin, rapotteur, est d'advis que la constumace soit declaree deuement faicte et instruicte, et pour le proffict que ledict François Debauges soit déclare deuement attaint et convaincu d'avoir vandu. et débite le livre intitule L'evesque de CoHf, et autres livres deffendus qui sont au procez et la taille douce, pour réparation condamné en neuf ans de gallcres, 100 I. d'amande, et à l'esgard de la femme David Debauges et son garçon plus amplement informé; M. Mill&t, de mesme avis a l'esgard de D&b'iuges et de sa femme et a l'esgard du garçon mis en liberté;~

M. Boitet, de mesme advis que M. le Raporteur;

M. Bernard, idem;

M. Gatien, idem;

M. Le Fouyn [ou Le Favyn], idem

M. Tison, idem;

M. de Villers, idem;

M. Langlois, d'avis de l'amende honnorabie a l'esgard dudict Debauges et au surplus de l'advis du Raporteur;

M. Portail, de l'advis du Raporteur;

AL dt,L Bouchay, de l'advis du Raporteur;

Et M. Chopin,, aussy du mesme advis;

Et M. le lieutenant general de police est de mesme advis que M. I;; Raporteur en y adjoustant que la bouticque dudict Debauge sera fermee et que deffences soient faictes à la femme dudict Debauge d'en tenir aucune ouverte, et a l'esgard du garçon nome Gueffier qu'il soit descharge de l'accusation et neantmoins qu'il luy sera enjoinct de garder et observer les reglemens et ordonnances


Arrcsté à l'advis de M. le Raportcur pour Dcbauge et sans amande, et à l'advis de M. de la Reynie que la boutique sera fermee et deffence a la femme d'en tenir aucune ouverte et qu'il sera plus amplement informe contre elle et ledit Guef fier son garçon.

II. Du samedy XIII avril 1680.

En la chambre du Conseil de la police où estoient assemblez pour le jugement du procez par jugement en dernier rassort de [François] Debauges.

MM. Morin, doyen; du Bouchay, Langlois, de Sautrey, Cheré, de Villers, Lamouche, Bernard, Pocquot et Rouillié.

A este amenné de la pr;son du Petit Chastelet lediet Debauge~, iceluy fait entrer en ladicte chambre, lequel apres s'estre assis sur la scellet a dict, serment de luy pris de repondre verite, qu'il s'appelle François Debauge aage de 40 ans, exerçant la librairie, demeurant sur le quay des Augustins à l'enseigne du Roy David et de la Charite, faisant profession de la relligion catholicque; que lors de ses interrogatoires l'on luy a explicque les causes de sa prison et sujcct de son procez; qu'il n'a poinct veu de commissaires chez luy que ]e jour que les dicts commissaires DelamarreetBaudelot furent chez lui repondant. Il party pour aller en Angleterre ainsy qu'il a dict par ses premières interrogatoires que l'on luy a dict que l'on a trouvé chez luy le f~mier Extraordinaire de l'evesque de Cour, mais qu'il n'a jamais en ledict livre ny sceu qu'il fut chez luy et qu'il fault qu'assurement il ayt esté donné à sa femme pour le faire rellier; ne scayt ce que c'est dudict livre et que sa femme a dict que l'on luy avoit porte pour rellier n'en a jamais vendu a le nome Delorme; que ledict Delorme a dict que c'estoit des livres de devotion que ledit repondant luy a vendu; ne luy a poinct vendu l'Idée du Conclave, Journal de Philis&OM~[?J, ~es~M~ des princes, ne les autres representez et cy devant representez par ses interrogatoires, que ses livres ne luy appartiennent poinct et que les commissaires ont pu mettre ce qu'ilz ont voullu et n'a jamais eu de ses sortes de livres, qu'il ne les a jamais eu dans le grenier au dessus de sa chambre et n'en a poinct debite, ne scait que c'est d'estampes Go~oMtM~t caput qu'elle n'a jamais este chez luy et que le commissaire n'auroit pas manque d'en faire mention dans son procez verbal, qu'elle n'a este mise au procez que plus de trois mois apres, qu'il est revenu à Paris qu'en ~6~9 et qu'il logeoit chez Ribau, et que quand ilz auroient este trouvez chez luy, ce qui n'est pas, il n'y auroit pas un petit pèche veniel n'estant ny contre Dieu, la relligion, ny contre le roy; qu'il a eu commerce avec plusieurs


marchands pour negoce de livres, et que c'est une envie contre luy qui luy fait faire son procez.

Les conclusions sont au procez.

M. Morin raporteur e5t d'advis que ledict Debauges soit declare deuement attainct et convaincu d'avoir fait comerce et débit du livre intitulé Z/~M~KS de Cour et autres qui sont au procez, pour reparation qu'il sera banny pour neuf ans de la ville, prevoste et vicomte de Paris, enjoinct de garder son ban à peine de l'advis, desfeices de s'ingerer ny mesler du fait de la librairie ny tenir aucune bouticque; condanné en 80 1. d'amande vers le Roy, et à l'esgard des livres mentionnez audict procez verbal du commissaire Delamarre trouvez a Montrouge et dans la chambre de Bauges lors de nostre transport, seront rendus à quy il appartiendra.

M. Du Bouchay, d'advis du raporteur et reduit le banissement pour trois ans;

M. Cheré, d'advis qu'il soit mande, blasme et 20 I. d'amande M. De Lamouche, d'advis idem M. le Raporteur;

M. De Villers, d'advis de M. Cherré, mande blasme;

M. Rouillié, d'advis que desfences luy soient faictes de faire comerce de librairie et condané en ~o I. d'amende;

M. Bernard est d'advis de M. Cherré, mande blasme 101. d'amande; M. Pocquot, d'advis de M. Cheré, mande et blasme et 10 1. d'amande;

M. De Sautray, d'avis de M. Cheré, mande blasme 20 1. d'amande, desfences de se mesler du negoce de librairie;

Et M. Langlois, d'advis qu'il soit convaincu d'avoir este trouve saizi du livre de L'evesque de Cow et autres livres desfendus; pour reparation sera mande en la chambre pour y estre blasme et desfences de se mesler du negoce de livres directement ny indirectement, lesdits livres desfendus confisques, et à l'esgard des autres rapportez de Montrouge et dans sa chambre lors de nostre transport. Arreste mande en la chambre pour y estre blasme nue teste et à genoux pour avoir este trouve saizi d'un livre intitule L'~M~Ms Cour et plusieurs autres desfendus et non approuvés; desfences de ressidiver sur plus grande peine, interdict de se pouvoir mesler du comerce et de negoce de livres directement ny indirectement et condamne en 10 I. d'amende.


Bigarrures.

« Des livres de toutes couleurs. »

J.-B. Rousseau, Ode stir les Misères

de y'NoMMf.

Gilles-Augustin Bazin, médecin et naturaliste, mort en 1754, est l'auteur du 7'.tWe'ya!<K~COK~K<!M< ~K~~M conversations SM~ les Logomachies, c'est-à-dire sur les disputes de M;C/S, a&MS des termes, etc., que l'on e;M~/Ot'e dans les discours et les ~C~S'.

Selon M. Bazin, nos discours, nos ouvrages et même notre conduite sont pleins de logomachies et rien n'est si funeste à la société; son ouvrage, écrit en forme de dialogues, est un tissu d'exemples propresji. prouver la proposition qu'il avance.

Par ce terme de logomachie qui, dans son étymologie, signifie dispute de mots, l'auteur entend non seulement tous les mots à double entente que le hasard, l'ignorance ou la malice des disputants glissent dans les discours et dans les écrits, mais encore les raisonnements spécieux, contradictoires et faux. On ne rencontre que cela, dit-il, dans le commerce du monde. La politique s'en sert habilement, la chicane y triomphe, le négociant la fait tourner à son profit, et le commun des hommes y tombe perpétuellement. On conteste des heures entières jusqu'au moment où, faute d'arguments nouveaux, on s'avise d'en venir à l'explication des termes, et l'on est alors tout surpris de voir que la diversité des opinions ne venait que des sens diSérents attachés au même mot. Vérités incontestables, Monsieur Bazin, et que les événements ont illustrées bien après votre mort.

L'auteur donne quelques exemples de ces mots tels que gloire, ~'K~'ce, qui s'appliquent à diverses idées sans rapport entre elles, et que tout le monde croit entendre de la même manière. De là il passe à la religion dont il ramène la plupart des motifs et prétextes au rang de logomachies. Il envisage ensuite les logomachies comme autant d'arguments captieux. Il en donne pour exemple celui d'un homme qui, condamné en Angleterre pour crime de polygamie, crut éviter le supplice en appelant à son secours la loi de la tolérance en faveur des consciences scrupuleuses cet homme prétendait que son tempérament était tel qu'il ne pouvait, sans mettre son salut en danger, avoir moins de trois femmes à la fois; on n'eut point d'égards t. Baie, 1748, in-8'. On attribua aussi cet ouvrage à Charles Gros de Boze.


à ses remontrances logomachie que cette façon de se défendre, soit mais le procédé de ceux qui le condamnèrent n'était pas moins logomachique, puisque ils dérogeaient à l'une de leurs lois qui veut que personne ne soit gêné en sa conscience.

Une logomachie bien commune est la précipitation avec laquelle on conclut du particulier au général tel ce voyageur qui, de toute l'Italie n'ayant encore vu que Rome, soutenait que tous les Italiens étaient prêtres. Une autre consiste dans ces jugements précipités que nous font porter des apparences imposantes. Les habits sont devenus des dehors logomachiques. «Nous sommes presque tous Égyptiens sur cet article le bœuf, le crocodile, le rat, pourvu qu'ils soient dorés ou logés dans des palais, deviennent bientôt pour nous des objets d'adoration ».

Le Livre /aMM~ ne fut tiré qu'à cinq ou six exemplaires tous imprimés sur papier jaune. Les raisons que l'auteur donne de cette nouveauté sont de nature à attirer l'attention des bibliophiles. Ce n'est point le désir d'étonner un public blasé et d'exploiter sa faculté d'engouement pour la nouveauté, la rareté, la curiosité; il ne saurait être question d'une publicité tapageuse provoquée par la singularité d'un livre qui ne fut distribué qu'à quelques intimes de l'auteur. Non. Ces raisons sont les suivantes

« Il n'y a personne, dit M. Bazin, qui ne sache et n'ait souvent éprouvé combien la couleur blanche fatigue la vue, et qu'elle la fatigue d'autant plus qu'elle est plus éclatante. Cependant, malgré la conviction où l'on est de cette vérité, on veut pour faire de belles impressions du papier d'une blancheur éblouissante. Le plus beau papier de France ne saurait là-dessus contenter les amateurs, et ils exigent que l'on emploie du papier de Hollande parce que son blanc éclatant fait avec le noir un contraste agréable. Que n'en coûte-t-il point cependant à la vue? Je suis persuadé que la moitié des lecteurs qui se servent de lunettes pourraient se passer de ce secours s'ils n'avaient lu que dans des livres imprimés sur papier gris. On convient que la couleur grisj n'a rien de flatteur et qu'elle est même un peu triste. Mais ne serait-il pas possible de donner au papier des couleurs brillantes qui, sans fatiguer la vue, laisseraient au noir de l'encre toute sa vivacité, comme on le fait à l'égard du papier dont se servent les Dames qui s'occupent à broder? Un beau couleur de rose, un vert tendre, un beau jaune ne flatteraient-ils pas l'œil? » Cette idée ne paraît pas avoir fait fortune; nous ne connaissons pas d'autre livre de cette époque imprimé sur papier jaune peuti. Si l'on en croit, tout au moins, lus témoignages qu'en donnent les périodiques de l'époque. B.unet parle d'une cinquantaine d'exemplaires.


être cette couleur donnait-elle matière à de trop faciles plaisanteries, et certains lecteurs soupçonneux y auraient-ils vu une fâcheuse allusion à quelque logomachie conjugale.

Il y eut, onze ans plus tard, un livre vert, intitulé le Livre à la Afoa~ Celui-ci était bien imprimé sur du papier blanc, mais en lettres vertes. L'auteur (qui passe pour être le marquis de Caraccioli) s'e.pptaudissait en ces termes de l'imagination qu'il avait eue « Un siècle aussi joli que le nôtre doit-il écrire en caractères noirs qui retracent les catafalques et les enterrements?. II y a longtemps que les imprimeurs auraient dû imiter les faiseurs de porcelaine, et ils auraient réussi. Quelle est la dame qui eût refusé d'acheter un livre de la couleur de son éventail ou de son perroquet?. Rien n'est plus maussade et plus désagréable que de promener sa vue dans un livre tout noir, au milieu d'une chambre égayée Far les plus charmantes dorures et par les plus vives couleurs. On peint bien aujourd'hui les ragoûts en verd, en rouge, en violet; les livres ne sont pas de pire condition, ils nourrissent l'esprit, comme les mets le corps. L'impression doit ressembler à la reliure tout livre a maintenant sa tranche dorée, ou tout au moins marbrée, et la couverture n'a point d'autre couleur à prétendre que le rouge, le verd ou le bleu. On pourra, nommer cet ouvrage un livre de printemps. a A ce Livre vert succéda un autre Livre à la Mo~ imprimé en caractères rouges. L'auteur se propcs tit de former une collection de volumes qui retracerait un parterre et servirait en même temps de toilette.et de bibliothèque. On trouve en général ces deux pe~i's livres reliés ensemble. Heureux temps où un Livre Jaune, un Livre Vert ou un Livre J'OMIS n'étaient que d'ingénieux badinages vendus chez Duchesne, rue Saint-Jacques.

P. Cn.

I. verle feuille, de l'imprimerie dIt ~nt~M~, au Perroquet, ~~)tMfOM!tt'f~ (Paris, Duchesne, 1759), petit in-8".

2. Le ttt~ A/o~ Nouvelle édition. En Europe, 1760, petit m-8". Celui-ci fut réimprime en in-i8..

Le G~~ PAUL CHAFONNIÊRE.

r-ui~. Typ. !'HinrFE RENOUARD, t9, tue des Saints-Pères. ~33~


LOUISE LABÉ

LE PROCÈS YVARD A GENÈVE

ET LE

PH7Z.05'OP~jE DE COURT, PAR PHILIBERT DE VIENNE

Si l'on s'est généralement accordé à reconnaître en

Louise Labé des qualités d'esprit exceptionnelles et un véri-

table génie poétique, sa conduite privée et sa réputation

ont été, de tout temps, l'objet des appréciations les plus

contradictoires.

Tandis que les amis fidèles et les admirateurs de la Belle

Cordière, que le bon Guillaume Paradin surtout', en font un

modèle de vertu, d'autres, conduits par Claude de Rubys",

Olivier de Magny~ et Calvin~ la traitent tout uniment d'in-

signe courtisane. Ceux-ci s'avancent, il faut le reconnaître, en

bataillon serré, ils ont pour eux le nombre, ce qui ne signifie

point, au reste, qu'ils défendent la cause de la vérité.

De nos jours, et après Prosper Blanchemain~, la question

a été reprise par M. Charles Boy". Ce dernier biographe,

après avoir soumis les témoignages des contemporains à un

i. Mémoires de i!'AM<otf< de Lyon, is73. m-f, P. 355-

2. Les .PM'a!MgM, franchises et !M;MM?t!(M. ville de Lyon, 1574, in-f',

p. 26. Histoire véritable de la ville de Lyon, 1604, in-fo, avant-propos.

3. Odes, Paris, 1559, in-8, f. 181 y'* (ode à Sire Aymon).

r~ac~a~s ~MO<og:ct o~Mfs. Genève, Pierre de Saint-André, 1576, in-fo,

p. 517 (Gratulatio ad venerabilem presbyterum dominum Gabriel de Saconay).

5. Poètes et aMOMMMCs ft:' siècle. Paris, 1877, in-12, pp. i77 et suiv.

6. (EMM~s Louise Labé, Paris, 1887, 2 vol. m-i2, t., 11, pp. 62-86 et

Appendice.

TOME II. 22


examen détaillé, a pris ses conclusions « Pour nous, dit M. Boy, l'étude attentive de ce petit procès ne nous a pas mené à une troisième opinion, produit de la combinaison des deux témoignages contemporains. Nous les laissons subsister dans leurs affirmations sans réticence, et nous ne sommes nullement surpris de leur contradiction absolue. Ange de vertu, la Belle Cordière pouvait très bien cela s'est vu d'autres fois être représentée comme une femme de mauvaise vie par quelques hommes passionnés ou légers. Femme sans mœurs, Louise Labé pouvait n'avoir été aperçue que pendant ses heures de travail et ses jours de repos par quelques hommes honnêtes et sérieux. Dans l'un comme dans l'autre, la critique ou l'éloge ne s'arrête jamais à mi-chemin, quand il s'agit d'une femme, et elle va tout droit jusqu'à en faire une Pénélope ou une Phryné.

« Pour Louise Labé, plus que pour toute autre, il ne pouvait en être différemment. Elle s'est trouvée aux prises avec les préjugés étroits de son entourage et les tendances développées chez elle par une éducation trop large, peut-être même trop libérale.

« Il y a place, croyons-nous, pour bien des Pénélope, entre la vertu austère qui file la laine et garde la maison, et la vertu légère et facile qui ne craint pas de papillonner autour du feu comme il y a place pour bien des Phryné, entre le vice à peine perceptible sous des dehors riants et jeunes, et le vice orgueilleux de sa nudité. La.ligne de démarcation est si indécise et si voilée d'ombre que nous n'essayerons même pas d'en chercher la trace. Il nous suffit de savoir que cette ligne existe, et que rien de sérieux n'autorise à croire qu'elle a été franchie en plein jour. Si notre aimable poète qu'on a cru apercevoir errante aux environs de la zone nébuleuse, s'y est égarée pendant la nuit on n'est jamais sûr du

contraire la. marque de ses pas ne saurait être constatée, et la médisance, en pareil cas, ressemblerait fort à la calomnie.

« Le champ reste ouvert, devant le lecteur superficiel,


pour toutes les hypothèses sur sa vie mais rien de sérieux n'autorise le biographe à faire de Louise Labé autre chose qu'une femme jolie, spirituelle, et honnête à la manière de son temps. Ce fut une amoureuse, mais ce ne fut pas une courtisane; seuls, quelques lettrés du xvie siècle ont pu trouver que c'était dommage. »

Il n'est pas dans nos intentions de rouvrir le débat nous nous proposons simplement de compléter le dossier des témoignages contemporains déjà réunis par M. Boy et d'examiner la valeur de quelques-uns d'entre eux.

Disons cependant que nous sommes moins disposé que ce biographe à accepter sans réticence les assertions des détracteurs de la Belle Cordière. On ne saurait se montrer trop circonspect en pareille occurrence, surtout lorsqu'il s'agit d'une femme que sa beauté, son talent, ses succès et sa gloire littéraire devaient, plus qu'une autre, exposer aux traits de la malignité et de la jalousie.

D s'agit au surplus du seul poète de génie qu'ait possédé l'école lyonnaise du xvie siècle; la postérité lui doit de ne pas accueillir à la légère des accusations dont les auteurs ne paraissent pas avoir été tous inspirés par le seul souci de la vérité et c'est d'ailleurs ce que M. Boy lui-même a fort bien su montrer.

On ne peut guère douter que l'O~ s~ .4~0?! ne soit l'œuvre de basse vengeance d'un amoureux éconduit c'est en tout cas une mauvaise action, qui fait tache dans l'œuvre d'Olivier de Magny.

D'autre part, les injures dont Claude de Rubys a poursuivi Louise Labé paraissent inspirées avant tout par la haine que ce personnage turbulent, vaniteux et colère, écrivain médiocre et ligueur enragé, avait vouée à quelques-uns des admirateurs de Louise, à Guillaume Paradin en particulier, auquel il ne pardonnait pas d'avoir composé avant t lui une histoire de Lyon, ou encore à Pontus de Tyard, qui fut l'un des plus fermes et des plus constants adversaires de la Ligue.


Nous ne pensons pas non plus que le témoignage de Calvin qui pourrait sembler plus digne de foi, parce que plus objectif, doive être sérieusement retenu. Au fond, le réformateur se souciait fort peu de Louise Labé et de l'existence qu'elle pouvait mener à Lyon, mais il en voulait beaucoup au chanoine Gabriel de Saconay qui l'avait violemment attaqué. Dans sa réponse, où les injures roulent à flots pressés, Calvin s'est efforcé surtout de déconsidérer son adversaire en l'attaquant dans sa vie privée il lui reproche, avec cette virulence qui caractérise la polémique de ce temps, d'avoir une conduite dissolue et des mœurs honteuses pour un ecclésiastique, de vivre au milieu des courtisanes, et de faire asseoir à sa table des femmes en habit d'homme'. C'est alors seulement qu'il prononce le nom de la Belle Cordière, mais pour atteindre plus sûrement Saconay, il aiguise encore le trait qu'il lui destine, en ajoutant cette épithète de plebeia MM~M;, destinée à renforcer l'accusation, et ,trop complaisamment recueillie par lui de la bouche de quelques réfugiés.

Cette fois encore, le « capitaine Loys ') a payé pour les autres

Quidquid delirant reges, plectuntur Achivi.

Si le nom de la Belle Cordière a été prononcé devant Calvin et si le réformateur l'a gardé en mémoire, c'est sans doute à l'occasion de ce procès de Jean Yvard, dont on a voulu faire un argument décisif contre la réputation de Louise Labé. Il importe donc d'en faire connaître la procédure et les textes dans leur intégrité

i. Les rédacteurs de la notice jointe à l'édition de Lyon, 1762, et, à leur suite, tous les biographes, ont prétende que Louise Labé avait pris part, en 1542, au siège de Perpignan. M. Boy (p. 38) a fort bien montré que cette histoire romanesque est sans fondement et que Louise, excellente écuyère et exercée au maniement des armes, avait simplement figuré dans un tournoi donné à Lyon, à l'occasion du passage de l'armée qui, sous le commandement du dauphin, plus tard Henri II, allait mettre le siège devant Perpignan.

2. Ce curieux procès a été mentionné d'abord par Gaullieur (Études sur la typographie g~tffo/sf, Genève, 1855, in-8, p. 99) d'après les Extraits des registres du Consistoire, que leur auteur, E. Cramer, avait publiés en 1853, sous forme de


«%

Un certain Jean Varoz, dit Yvard, chirurgien, venu de Lyon à Genève en 1551~ avait introduit, dès l'année suivante, une instance en divorce contre sa femme, demeurée à Lyon. La cause, portée d'abord devant le Consistoire auquel appartenait l'instruction préalable de ces sortes d'affaires, fut introduite le i~. juillet 1552

«7~MM Yf~~C~M~MM. Ze~M~a ~O~OS~MM~SM-

plication contre sa femme qu'est à Lyon et qui /'<! vollu empoysoner et s'est adonee à palliardise, et a ~)~O~My~ les ~OM~ au contenu de sa .SM~tCa~OM. ~OMS*' Calvin a retiré les ~~M pour en /st~ yci leur a~M~. )' (Reg. du Consistoire, année 1552, f° 57.)

Du jeudi 21 juillet 1552.

« MûMS'' .S'aSMt* tesmoings pour maistre 7~~M Yvard contre sa femme, depose scavoir que au temps qui ~WOM~oy~ Lyon, frequentoyt chez lesdicts y'Kg'a!<.V, a eu entendu et veu que ladicte hantoit bien ~ë?M6M~ avec vne MO~M~Mg6 Belle cordiere et ~SCS* quelque manuscrit autographié à quelques exemplaires. C'est très probablement de ces extraits que M. Boy a tiré les passages dont il fait état dans sa notice. Nous reproduisons ici les textes complets, d'après les documents originaux. i. Yvard fut reçu habitant le i~'septembre 15~1 (Archives de l'Ëtat, Reg. des Habitants, a~eHt).

2. C'est-à-dire le mémoire justificatif de l'instance introduite par Yvard. 3. Ce qui signine, dans le style abominable du Secrétaire du Consistoire, que le mémoire déposé par le demandeur fut remis à Calvin pour' étre examiné par les ministres, dont l'avis serait ensuite communiqué au Consistoire. 4. Philibert Sarasin, d'une famille noble de la Bourgogne, était né à SaintAubin près Charolles, au début du xvi* siècle. Envoyé à Paris pour étudier la théologie, il y embrassa la reforme et se rendit à Perpignan, où il obtint le diplôme de docteur en médecine. Il s'établit alors à Lyon, où il exerça son art pendant plusieurs années, et se retira enfin à Genève, au moment de l'édit de Châteaubriand (27 juin 15$:) il y fut reçu habitant le août 1551, bourgeois, le 24 octobre 1555 et mourut le 5 mai 1573. Plusieurs de ses descendants ont occupé les premières charges de la république (Galiffe, Notices généalogiques sur des familles gt'/t~ÛMM, t. II, p. 483).

5. C'est à dire a entendu certains propos. Cramer a lu devisoyt.


misse 1 de poyson, et n'a sceu chose pour quoy ledict luy ayt baillé occasion de /ë~ telle chose ~OM~ le habandoner. »

« Iehan Mollet a~~M~y Lyon et Estienne Robinet libraire2. Deposent avoir cogneu lesdicts jugaux et avoir scett qu'elle se gouvernoyt fort mal et y a environ six ans qui ~M~Oya~ ~OM~ ce que elle le voulloit ë~OysOMM~ » « Le lybraire Y a environ MeM/~ ans qu'il a CO~MSM Ja~tc~e, et que ~s~~ts M eu co~ss~ ~My mesme que à la MtS~g~tO~ d'une barbiere4, allatz à .S~MtC~ Cler et que là paillardat avec vizg ytallien nommé Labyt, qui luy i~OKMa~ vne petite chaine d'ors, laquelle y a eu veu, et ~?~MyS a bien sceu qu'elle l'a vollu ~K~OysOMS~ tant en vng 6M/~ ~Më en de SOM~C que de present est à vng cA~SCMMg notoire qu'elle se gouverne fort Ma~ ordinairement de present /MCM~ avec sa C~ys~M~~ la Belle Cordiere et tient /o~ ~M~M~ys trainct. A ~Moy aussi en ont deposé le SI Guillaume C/ttCcaM< maistre F~6~\ Aussi en a faict le M~O/S Mons" Calvin qui a tous visités le drois, qui luy fust trové sus elle et dans sa bourse du SMi~MM~S' »

i.Mise.

2. Si l'on s'en rapporte au registre des Habitants de Genève, il y aurait eu deux libraires lyonnais de ce nom l'un s'y trouve inscrit à la date du t"' septembre 155:, huit jours après Sarasin; c'est celui qui comparaît comme témoin dans le procès Yvard. L'autre, Estienne Robinet, le jeune, fils de feu Gregoire, de Lyon » qui peut avoir été le neveu du précédent, fut reçu habitant, le 24 avril 1559, il demeurait encore à Lyon en 1554, ainsi qu'en témoigne un document public par Baudrier, Bibliographie lyonnaise, I, 370. Il se peut toutefois que la double mention du registre concerne le même personnage qui, après un premier séjour à Genève en 1551, serait retourné à Lyon jusqu'en 1559.

3. Qu'il la renvoya.

<).. Cramer a In d'ung barbier, ce qui est inexact.

5. C'est à dire dans de la souppe.

6. Cousine. La femme de Jean Yvard était donc cousine de Louise Labé; elle s'appelait Antoina Rosset, ainsi que nous l'apprend un arrêt du Conseil de Genève, du 25 juillet 1552 (voir ci après, p. 327), et elle était très probablement fille de cet Antoine Rosset barbier, dont nous savons, par un acte de 1551, que la)maison, située rue Confort, était contiguë à celle de Louise (Boy, pp. ~S et 50) 7. Guillaume Chicant, ardent calviniste, était membre du Consistoire. N. Jean Fabri, de Langres, ministre de l'église de Genève depuis 15~0. 9. Le secrétaire du Consistoire veut dire sans doute qu'Yvard, dans sa requête


« Advis qui soyt ranvoyé par devant Messieurs 1 avec lesdicts drois et la chose est assez claires et luy donner liberté. (Ibid., f° 57.)

Le Petit Conseil, nanti de l'affaire, se montra moins pressé ou moins convaincu que le Consistoire à l'égard des assertions du demandeur et estima qu'un complément d'enquête était nécessaire

Du 25 juillet 1552.

« Iehan Yvard contre Anthoenne Rossette sa /e~MC

Sur ce que les 5'~ du Consistoire hont remis l'affere desdietz ~M< femme CaMSC qui a SM~~SCMM ~M'eJ/C ne l'aye !)0!~SH /OysOMM6 sondict mary, ~MC~M~ estre s~~a~ Arresté que l'on commect ledict ~<a!~ au S' Iehan Lambert, Claude de Lestral et le Sr .Ros~ et qui ayent bon aduys et conseil aMCC gens scauant et leurs soit poyer leur ~oyc~Mc\ » (Archives de l'Etat, Reg. du Conseil pour les affaires particulières, vol. 6, 27.)

Du 26 juillet 1552.

« Iehan Fa~O~ dict Yverd contre jRo~ sa femme. Ayant CM~M~M rapport ~M Seigneur Pierre rMSO~° G sputenait que l'on avait trouvé du sublimé, sur la personne et dans la bourse de sa femme.

i. Le Petit Conseil, autorité suprême de la RepuMique, qui exerçait le pouvoir udiciaire en même temps que le pouvoir politique et était dès lors seul compétent pour prononcer le divorce.

2. M. Boy (p. 51) attribue par erreur au Consistoire les mesures dont il va être question. Elles ont été prises par le Petit Conseil, qui n'aurait pas toléré d'ailleurs que le Consistoire, simple autorité de surveillance en matière de mœurs et de discipline ecclésiastique, s'adressât directement à des magistrats étrangers. 3. Tous trois membres du Petit Conseil.

Peine.

5. Le Secrétaire du Conseil ne se mettait pas en peine d'exactitude dans la transcription des noms propres il écrit indifféremment Yvard et Yvfrd, Rossette et Ro!!ett~.

6. Le Conseiller Pierra Tissot avait donc été adjoint aux trois commissaires désignés la veille, ou avait remniacé l'un d'eux.


et To~aM Z.a~6~ sur le ~t~~H' et divorse dudict Iehan et sa femme, occasions de C6 qu'elle l'a ~OM~SM empoysonne et s'est retirer à Lion ainsi que plus amplementz contient aux c~/oy~ qui produyt, requerant ~sc~~ à Lion pour obtenir diuolse. Arresté qui soit 6SC?' aM.T 6' de Lion ~M~c~ a~a~c soit par lectres ou ~e~MMîtoyre ait ~H~c!~ ~o~ que faire se ~o~a. ') (Ibid., fo 29.)

Le"ConsuIat jugea-t-il à propos de répondre à la commission rogatoire qui lui était adressée de Genève ? Les archives de cette ville sont muettes sur ce point, de même que sur la suite de l'affaire; il est dès lors à croire que la mort d'Yvard, survenue quelques mois après', épargna au Conseil le soin de rendre sa sentence.

Tel est ce procès Yvard où le nom de la Belle Cordière s'est trouvé assez fâcheusement mêlé, mais où l'on aperçoit davantage les efforts d'un mari pour se débarrasser de sa femme que de graves présomptions contre la mémoire de Louise Labé. On sait ce que valent d'ordinaire les témoignage~en matière de divorce et l'on connaît ce défilé d'amis, de voisins, de concierges et de gens de maison venant débiter, au gré des parties, une leçon apprise.

Seule, la déposition de Sarasin pourrait avoir du poids; c'était un fort honnête homme et un esprit cultivé, mais son rigorisme calviniste devait suspecter l'existence d'une femme belle, élégante et spirituelle,, qui vivait entourée de lettrés et d'artistes. Elle aimait les exercices physiques, la danse, la poésie et la musique profanes; c'était là, pour un huguenot de la stricte observance, autant d'indices de libertinage. Il n'est donc pas surprenant que la fréquentation habituelle de la maison de la Belle Cordière ait constitué, x. 'H semble plutôt, d'après les documents qui prccfdent, qu'Antoina Rorset était restée à Lyon et n'avait pas suivi son mari à Genève.

2. Archives de l'Etat, Registre des décès, 15 décembre 1552 :< Au Perron, maistre Ichan Yvard eirrurgien.


aux yeux de Sarasin, un sérieux grief à la charge"de la~femme d'Yvard.

t%

L'autre témoignage contemporain que nous nous proposons de faire connaître est plus embarrassant. Il n'a pas été invoqué jusqu'ici, parce qu'il est demeuré perdu dans un livret fort rare, où le hasard d'une lecture nous a permis de le rencontrer. Son auteur, Philibert de Vienne, dit f~4MOM~M~ de Vertu, était Champenois et avocat en la cour de Parlement de Paris, mais sa profession ne l'empêchait pas de cultiver les lettres. Dès 1542, il avait fait paraître le .S~nMOM de y<MMs enfant, ~OMOHce par un enfant à l'escolle, traduit d'Erasme et, en 1546, un opuscule en vers intitulé l'Indignation de CM~o\ Au courant de l'année suivante 1547, il fit un séjour à Lyon, et c'est dans cette ville qu'il composa Le .PMoso~e Court où, sous une forme ironique i. Le S(*yMO~t de T~SMS enfant composé par Erasme, ~~OMOM~ par un enfant à l'escolle. Translaté en francoys ~af l'amoureux de vertu, champenois. Auec le songe du combat entre le corps et l'esprit, en rythme francoyse composé par le dict ttMOMMtf.f de vertu. Paris, Galiot du Pfp, 154~, in-i6 (Du Verdier, éd. Rigoley de Juvigny, V, 195). Réiniprimé à Lyon, Thibaut Payen, 1~4.3, in-i6 (Brunet, Supp' I, 457) et Lyon, Jean de Tournes, 15~3, in-16 (Cat. Béhague, 1880, n" 67). 2. Paris, Chrestien Wcche), 1546 (La Croix du Maine, 11, 228 et 340). 3. Le Philosophe DE COVRT jj )) AVTHEVR, Philibert de Vienne Cham/'f)MM, tt~:MCt!< <M CoMf< de Parlement à Paris. )) [Marque Silvestre, n'' 187.] A LYON, II PAR IEAK DE TOVRNES. )j M.D.XLVU [t54.7j. II In-8 de 110 pp. chiff. et i f. non chiff. Lettres rondes. P. [i], titre. P. 2, sonnet de « M[AVRiCE sc[EVE] au Lecteur. Pp. 3-12. « Prologue à l'Amye de vertu, cette pièce est datée de Lyon ce XXiourde Septembre, M.D.XLVII. "–P. 13, Sonnet sur l'Amour, précède des initiales 0. B., et suivi du monogramme A. 0., avec la devise Fatali N~.ïM. Ces initiales se rapportent probablement à cette « Amye de vertu qui, à ce que nous apprend le Prologue, habitait Paris, l'auteur avait passé l'hiver 1546-1547, avant de se rendre à Lyon. La p.14 est chiffrée, mais ne porte qu'un fleuron typographique. Les pp. 15-110 contiennent le texte, divisé en douze chapitres La definition de ceste philosophie. De Prudence. De lustice. De la Iustice legale & des lois ciuiles. De la Iustice morale. De la seconde partie de lustice, qui est distributiue, & de liberalité. Des deux autres parties de liberalité. Prodigalité & Taquinerie. De Magnanimité. De Temperance. De la bonne grâce. Conclusion. Enfin, le dernier feuillet (non chiffre) contient, au r°, un avis Au Lecteur », Philibert


et parfois assez piquante, l'auteur fait l'éloge des qualités, c'est-à-dire des vices indispensables pour réussir à la cour « La vertu des hommes, dit-il entre autres dans son prologue, ne gist pas en cela qui est bon de soy, suyuant l'ancienne philosophie, mais en ce qui leur semble bon, qui n'est autre chose, sinon vne mode de viure. Et pource qu'elle est diuerse selon les diuers pais & diuerses nations, comme au temps passé y auoit diuerses sectes de philosophes, nous parlerons de celle qui est la plus approuuee, & desiree, & plus generale (d'autant qu'elle est mieux desguisee que les autres), que l'on dit la mode de court. La congnoissance de laquelle nous pouuons appeller auiourdhuy Philosophie (qui est celle dont nous voulons traicter) car ceux qui la scauent et en vsent sont reputez sages & philosophes. »

Bien accueilli à Lyon, notre avocat ne tarda pas à former avec Maurice Scève des relations assez étroites pour que 'le célèbre poète ait voulu faire l'éloge du Philosophe de Court, dans un sonnet au lecteur. On ne peut douter dès lors que Philibert de Vienne n'ait fréquenté ce cénacle lyonnais, composé d'érudits mais surtout de poètes désireux d'illustrer l'idiome national et dont Louise Labé fut le centre. Il a certainement connu les amis de la Belle Cordière, ceux qui précisément s'apprêtaient à chanter ses louanges sur le mode lyrique, en grec, latin, français et italien il a dû la rencontrer elle-même et fut probablement reçu dans sa maison. On aurait donc pu s'attendre à voir de Vienne se joindre au chœur des panégyristes, et voici au contraire, la comparaison que nous trouvons sous sa plume, comparaison pour le moins de Vienne annonce son intention de publier d'autres ouvrages de sa main, mais encore inédits. Le est blanc.

Cette édition, parfaitement imprima, est la première de ce petit ouvrage; nous n'en connaissons que quatre exemplaires Arsenal, Jur. iQoa-8". Bibliothèque de Berne, K. 141. Bibliothèque James de Rothschild, Catalogue I, n" 180. Enfin, un exemplaire rcl!é en v. f. du xvf siècle, avec l'Institution dit .P~f-f de G. Budé, Paris, 1547, m-8, a figuré en 18/2 au Catalogue Tross, sous le n" 5305; on le retruuve à la vente Tnrner en 1878, n" 164, où il fut adjugé 115 fr. au baron SeilUère, chez lequel il s'est vendu 48 fr. en mai 1800 (n° i.7 du catalogue). Une seconde édition donnée à Paris, par Bf,<t'fHnf G~MnMM, 1548, in-i6, n'est pas moinsrare'que la première (Brunet, V, un).


étrange et que son tour élogieux rend plus offensante encore (éd. de Lyon,1547, p. y6)

La Laïs de Co~M~e eut-elle bonne grace de demander

tant d'escuz à Demosthene? Elle le desgoutta si bien qu'il n'en voulut plus ouyr parler <& ne se donna point l'occasion de s'en repentir. La Cordiere de Lyon est trop ~S honorable, qui, quelque a~C~tOM gaigner qu'elle ayt, ne semble rien moins à ses seruiteurs, que a~a~C~MS~.

Il serait malaisé de prétendre que Philibert de Vienne ait voulu, comme Olivier de Magny, exercer une vengeance d'amoureux, ou qu'il ait obéi, comme Claude de Rubys, à des rancunes d'écrivain, et c'est là ce qui rend plus grave le témoignage de ce Parisien fraîchement débarqué, qui dut fréquenter la société lyonnaise en observateur désintéressé. Est-ce de la bouche des poètes de Louise qu'il a recueilli ces propos offensants ? Mais les Peletier du Mans, les Antoine Fumée, les Claude de Taillemont, les Charles Fontaine, les Antoine Du Moulin étaient gens de cœur et d'honneur; on aurait peine à croire qu'ils aient pu diffamer, dans leurs propos intimes, celle dont ils vantaient dans leurs vers, les vertus autant que l'esprit et la beauté.

La dixième Muse, il est vrai, ne comptait pas que des panégyristes autour d'elle ses talents mêmes, sa renommée et ses succès avaient dû provoquer bien des préventions, des jalousies et des médisances dans ce milieu bourgeois dont elle était issue. Peut-être l'auteur du -PMoso~/M a-t-il prêté trop facilement l'oreille aux propos des Sarasin, des Robinet, des Yvard, ou encore de quelque soupirant éconduit. Mais comment expliquer que Maurice Scève, qui paraît avoir été pour Louise, non seulement un maître, mais un ami et qui figure au nombre de ses poètes, comment expliquer qu'il ait pu couvrir de l'autorité de son nom et recommander au public un ouvrage où « la Cordiere de Lyon ne se trouvait


distinguée de l'une des plus célèbres parmi les hétaïres grecques que par une nuance dans la vénalité? Scève ne devint-il que plus tard l'un des familiers de la maison, ou encore faudrait-il croire que, pareil à tant de préfaciers, il n'ait jeté qu'un regard en passant sur le livre dont il prônait les mérites?

Nous posons la question, sans espérer la résoudre. Quoi qu'il en soit, ce « quelque affection de gaigner qu'elle ayt » laisse une impression désagréable. Laïs de Corinthe, non certes; Ninon de Lenclos, peut-être. C'est du moins la conclusion à laquelle pourrait conduire le témoignage que nous venons d'exhumer, et Prosper Blanchemain s'est un peu hâté de rapprocher Louise Labé de cette autre Lyonnaise, M ""° Récamier, dont les contemporains ont proclamé eux aussi le charme -irrésistible, la grâce souveraine et la bonté, mais dont le nom, respecté pendant sa vie, est demeuré sans tache aux yeux de l'indiscrète postérité.

ALFRED CARTIER


L'ORAISON FUNÈBRE

DE RONSARD

PAR JACQUES DAVY DU PERRON

(i586)

Ronsard mourut dans son prieuré de Saint-Cosme, près de Tours, le 27 décembre 1585. Son ami, Jean Galland, principal du collège de Boncourt à Paris, organisa le lundi 2~ février suivant, dans la chapelle dudit collège, une cérémonie funèbre qui fut célébrée avec une pompe extraordinaire, et qui paraît avoir duré une grande partie de la journée. Après l'exécution, par la musique du roi, d'un .R~M~~M solennel composé par Jacques Mauduit 1, la parole fut donnée aux orateurs. « Je n'aurois jamais fait », dit Claude Binet « si je voulois descrire par le menu les oraisons funèbres, eloges et vers qui furent ce jour sacrez à sa memoire, et combien de grans seigneurs, avec monseigneur le duc de Joyeuse et monseigneur le cardinal son frère, ausquels Ronsard avoit cet honneur d'appartenir, honorerent cette pompe funebre, accompagnez de la fleur des meilleurs espris de France. Après disner, le sieur du Perron prononça l'oraison funebre, avec si grande affluence de peuple, que plusieurs princes et grans seigneurs furent coni. Cbudc Billet, Vie de P. de .R~)t.!a)'t/, éd. Laumonier 1909, p. 192. a. 7~ p. 37.


traints de s'en aller pour n'avoir peu entrer 1. )) C'est de cette oraison funèbre que nous nous proposons de dire quelques mots.

Jacques Davy du Perron, lecteur du roi, n'avait que vingt-neuf ans quand, à la sollicitation de Des Portes, il assuma la tâche, assurément très lourde, de prononcer le panégyrique de Ronsard. Il n'eut que quelques jours pour réunir les éléments de son discours et en arrêter la rédaction mais~il fit preuve d'une application et d'une mémoire qui le mirent d'un seul coup hors de pair et qui font de l'oraison funèbre du chef de la Pléiade un monument important de l'éloquence française à la fin du xvie siècle. Le biographe de Du Perron, l'abbé Féret ne s'arrête guère à ce premier essai; il le juge avec indulgence et c'est tout. Il ne dit rien du soin' avec lequel l'orateur a revu et perfectionné son oeuvre.

L'abbé Georges Grente s'étend un peu plus longuement sur le sujet, mais ne parle pas des variantes que présentent les éditions

M. Paul Laumonier a constaté que l'éloge de Ronsard nous est parvenu dans des textes très différents, mais il n'entrait pas dans son plan d'étudier ces remaniements. Le discours de Du Perron fut publié peu de temps après la cérémonie du 24 février. Voici la description de l'édition qui paraît être la première

Oraison jj funebre, j~ sur la mort de Monsieur de Ronsard )j Par I. D. du Perron, Lecteur de Il la Chambre du i. L'édition de la Vie de ~KMf~ jointe en 1697 au recueil des ŒMf~M du poète porte f L'affluence des auditeurs fut si grande, que monseigneur le cardinal de Bourbon et plusieurs autres princes et seigneurs furent contraints de s'en retou.-ner pour n'avoir peu forcer la presse.. (Ëd. Laumonmer, p. 38.) a. Il était né le 25 novembre .[556.

3. Le cardinal ~M Perron, orateur, controversiste, écrivain, étude historique et crif~M~. (Paris, 1877 et 1879, in-8°.)

4.0«tM/M~t')t M~t'Mft~'Dsfy~M~~OM ~M O~O~it. r/MStM.P~MMMMSUMtt~)'-

S!<a~sFae!t/ in cardinali Davy du Perron G~n~ (Parisiis, 1903, in-8),p. 37-

sitatis Facasltati Litterartsm proponeùatGeorgiTr.s Grente (Parisiis, Ig03, in-8),p. 37-44.


Roy. j-4 Paris, )j Par Federic Morel 7'M~~t-~eM~ ordinaire du Roy. Il M. D. LXXXVI [1586]. il Auec Priuilege dudict Seigneur. In-8 de 130 pp. et i f.

Le titre porte la petite fontaine de Fédéric Morel. Le v° du titre est blanc. L'édition ne contient aucune épître dédicatoire.

Le texte du panégyrique paraît être un premier jet Du Perron l'a profondément remanié par la suite, s'attachant à supprimer les longueurs, à rendre les phrases plus élégantes et mieux cadencées.

Le dernier f. est occupé, au r°, par un Sonnet à ?MOM-

sieur DM Perron, signé

Le poète à qui est dû le sonnet, Raoul Cailler, était avocat au parlement de Paris; il était fils de Lancelot Callier, procureur à Fontenay-le-Comte, et de Marie Rapin, sœur de Nicolas. La Croix du Maine B cite de lui plusieurs ouvrages restés inédits. Ses œuvres imprimées sont des vers dans Za Puce de madame Des Roches (1579), le présent sonnet, des Vers françois sur la victoire obtenue contre les ~4~aMS et les 5'M!'SS6S, etc. (1587), un P~MC~y/~MC SM~ l'elec~'o~ ~î~a~ monseigneur le ~Mc ~'jFs~c~MOM, avec le Clades Pictonica, sive de OMM~4MM<Ï~ ~MMS /06MSa~ (1588) 3; quatorze pièces diverses insérées dans les recueils de poésies de 1597 à 1607 4; une cpître en prose en tête des Vers mesurez de Nicolas Rapin, son oncle (1610) et diverses pièces sur la mort de ce poète, arrivée le 15 février 1608. Dreux du Radier parle de la traduction que Callier aurait faite d'un traité dû à Julien Davy, père de Jacques; et Gouget 6 i. Biblioth. nat., Rcs. Ye. ~8f (i) et g3~. Les diverses éditions de l'Oraison /M!t~6~ ont été omises dans le Catalogue ~HCM! de la Bibliothèque nationale, à l'article Du Perron. Elles figurent dans la Table du Catalogue de l'histoire ~Ffa~ff à l'article Perron.

a. Ed. Rigoley de Juvigny, II, p. 34.5.

3. Biblioth. nat., Rés. Ye. 481 (2.3).

4. Frêd. Lachèvre, Bibliographie des recueils collectifs de poésies publiés de 1597 i?oo,I, p.136.

5. Bibliothèque du Poitou, III, p. 238.

6. Bibliothèque /M)tfoMf, XIV, p. 134.


lui attribue Les 7M/KM<M fideles, /a;Me &osca~ l'invention du ~as~M~ Calianthe (1603).

Le sonnet de Callier se termine ainsi

D'une gloire semblable on vous honorera

D'estre loué de toy, Ronsard se vantera,

Et toy tu te verras loué de tout le monde.

Peu de temps après cette première édition, en parut une seconde que nous croyons être la suivante

Oraison funèbre, sur la mort de Monsieur de Ronsard, ~) Par I. D. Perron Lecteur de Il la Chambre du Roy. Il A Paris, Il Par Federic Morel 7~)~6M/ ordinaire du Roy. M. D. LXXXVI [1586]. Auec Priuilege dudict Seigneur. In-8 de 130 pp. et i f.

Le titre porte la petite marque de l'imprimeur (une fontaine).

Au v° de ce titre est une épître « A monsieur Des Portes, abbé d'Oreillac, de Tyron et de Josaphat », épître qui est ainsi conçue « Monsieur, Ayant esté ceste Oraison instituee pour celebrer la memoire de monsieur de Ronsard, j'ay pensé que je ne la pouvois plus dignement addresser qu'à vous, auquel il semble qu'il a resigné la gloire de sa profession et vous a laissé comme son unique successeur. Je vous l'envoye donc imprimee de mot à mot tout ainsi qu'elle a esté prononcee, excepté une des parties de la narration que je fu contraint de laisser à cause des interruptions que la multitude m'apportoit et du peu de loisir qui me restoit pour achever de la prononcer. Vous la recevrez, s'il vous plaist, à vos perils et fortunes, c'est-à-dire, si elle est leue avec quelque louange, vous recueillirez le fruict de ce que j'ay appris en vostre conversation si au contraire, vous me servirez d'excuse à l'endroit de ceux qui blasmeront ma temerité, comme ayant esté le principal autheur, non seulement de me la faire entreprendre, mais aussi de me persuader de la faire voir i. Bibhoth. nat., Ln27 17839 A. Catal. Rothschild, t. V (en. préparation).


publiquement. Dieu veuille qu'elle' puisse satisfaire en quelque chose à votre desir, au merite de monsieur de Ronsard et au jugement de ceux qui la liront »

Le dernier f. contient, au r°, le sonnet de R. Cailler et, au v°, quelques errata intitulés Advertissement. Une troisième édition du panégyrique parut quelques années plus tard sans nom d'auteur et sans nom d'imprimeur. En voici la description

Oraison Il funebre sur la mort jj de monsieur de Il Ronsard. )j Prononcee en la Il chapelle de Boncourt jj l'an 1586. le iour de la feste Il sainct Matthias. S. n. d., in-8 de 2 ff. lim. et 44 ff. chiffr.

L'édition n'a qu'un simple faux-titre.

Le 2e f. lim. contient l'épître à Des Portes, dans laquelle on relève des variantes assez notables Des Portes n'y est plus qualifié qu'abbé de Tyron et de Josaphat. On lit ensuite « Ayant esté ceste oraison ~OMOMC~ je n'en pouvois addresser la publication plus dignement qu'à vous. /6 vous l'envoye donc Peinte et tracee fidelement sur le ~a~ fin de representer à vostre ~y~ par l'image des characteres ce qui s'en pourroit estre escoulé du son et de la memoire des paroles. Vous la recevrez. vous me servirez de g~a~Mi! envers ceux qui taxeront et accuseront ma temerité, comme ayant esté le principal autheur. de me persuader de /os~<!M ~'OM~ la lumiere de ~"î~~t~t~~c. »

Une expression biblique qui se lit au f. 43 est justifiée par une longue note toute nouvelle « Il ne nous est pas possible de regarder cette source de rayons de laquelle tu es enceint et environné et dont ne recevons icy bas qu'un bien petit esclair, encor à travers une infinité d'ombres et de nuages, jusques à ce que nous ayons dépouillé ce voile matériel qui nous tient envelopez pour pouvoir entrer dignement dedans le Sanctuaire et voir les merveilles qui sont reser-

i. Biblioth, nat., Lti~ 17839 C. Biblioth. James de Rothschild (exemplaire trop rogné, qui ne figure pas au catalogue).

TO ME Il.


vees aux yeux des bienheureux, jusques à ce que nous ayons ~cA~ss~, s'il faut dire ainsi, les soM~s Mos~ ame, c'est à dire que nous ayons delié ce qui la tient attachee avecques les choses inferieures et corporelles, etc. » On lit en marge « Quelques impertinens repreneurs ont voulu calomnier ceste metaphore comme peu noble et specieuse, ne considerant pas en premier lieu qu'elle est fondee sur une allusion à une histoire celebre de l'Escriture, qui luy sert de relief et d'ornement, et secondement qu'elle est garantie de l'exemple et de la lumiere d'un des plus excellens orateurs de toute la theologie grecque, à sçavoir sainct Gregoire de Nysse, qui en use avec applaudissement en l'Oraison funebre du grand Meletius; et d'ailleurs qu'elle est precedee, selon l'ordonnance de Ciceron de ceste preface et de ce sauf conduit: s'il faut dire ainsi, et, d'abondant encores, recueillie et soutenue par ceste formule expositive c'est à dire, qui sont tous les_ correctifs avec lesquels on a accoustumé de preparer et adoucir l'abus des translations un peu estranges et licentieuses. » Cette note nous montre avec quel soin l'orateur pesait chaque mot de son discours.

Une quatrième édition parut peu après la mort du roi Henri IV, sous le titre suivant

Oraison funebre sur la mort de Monsieur de Ronsard. Il Prononcée en la chapelle de Boncourt ~j l'an 1586. le iour de la feste sainct Matthias. Par Monsieur du Perron, depuis Il Euesque d'Eureux, et maintenant Cardinal, Archeuesque de Sens, et grand Aumosnier Il de France, lors âgé de 27 ans. ~j Paris, Il M. DC. XI [1611]. In-fol. de 21 pp. j. On ne peut guère expliquer que par une faute d'impression l'âge de l'orateur indiqué sur le titre, s'il.est vrai que Du Perron fût né le 25 novembre 1556. Il faudrait dire 20 ans Au v° du titre est l'épître à monsieur Des Portes, suivie de sept lignes extraites de Claude Binet, en la Vie de P. de i. Bib). nat., LnS7, 17839 B.


Ronsard « Après disner le sieur du Perron prononça l'oraison funebre, etc. »

La p. ~21 se termine par 26 vers composés par « le sieur Bertaut, depuis evesque de Seez, en son D~coM~s sur le trespas de monsieur de Ronsard, faisant parler Juppiter ». Grâce aux corrections de l'auteur, l'exorde est devenu un des meilleurs morceaux de l'éloquence française à la fin du xvi° siècle. Nous en reproduisons le début en le rapprochant des deux éditions originales.

ÉDITIONS DE 1586 ÉDITION DE 1611 l

Messieurs, je croy qu'il n'y a personne en ceste compagnie qui ne sçache bien la fin par laquelle nous sommes assemblez maintenant, qui est de nous acquitter du dernier office que nous sommes tous tenus de rendre à la mémoire de feu monsieur de Ronsard. Ce qui me le faict penser, c'est que la plus part de ceux qui sont icy présents ont assisté au service et aux ceremonies que l'on a accoustumé de faire en telles occasions et ont aydé à les celebrer le plus

Messieurs, je pense qu'il n'y a personne en ceste compagnie qui ne sçache bien la fin par laquelle nous sommes icy assemblez, qui est de rendre les offices funebres aux cendres et à la mémoire de feu monsieur de Ronsard.

solennellement et le plus honorablement qu'il leur a esté possible. Et davantage, quand il n'y auroit autre chose que la reverence et l'attention avecques laquelle je voy que vous desirez d'entendre mes parolles, il me semble que ce seroit assez pour me convier aucunement à le croire et pour me tesmoigner par mesme moyen que vous louez et approuvez nostre intention, comme estant accompagnée de beaucoup de pieté. Ce que j'estime seulement que vous i. Ëd. s. d., convier ~a~t'cx~~M~.

Et, de fait, quand il n'y~auroit autre chose que l'honneur et la reverence que je voy que vous y apportez, ce seroit assez pour me convier* à le croire et me tesmoigner par mesme moyen que vous louez et favorisez nostre intention.

Ce que j'estime seulement que vous trouvez estrange, est comme


trouverez estrange, c'est comme j'ay eu le courage et l'asseurance de me presenter icy pour cest effect plustost qu'une infinité d'autres personnes qui s'en fussent acquittées, si non selon le mérite et l'excellence du suject, pour le moins plus dignement et plus heureusement que je ne l'ose esperer. Et pour vous dire la verité, quand je considere a bon escient la charge que je pens maintenant, je ne me trouve pas moins estonné moy-mesme de veoir que les parolles de mes amis ayant eu tant de poids et d'authorité en mon endroict que de me faire entreprendre une chose à laquelle mes forces sont si inegales et si inferieures. Aussi, certainement, ce n'a pas esté sans avoir longuement combattu en moy-mesme et sans avoir resisté une inimité de fois aux honnestes admonitions de ceux qui m'en sollicitoient que je me suis laissé vaincre à leur persuasion. Car, comme d'un costé je regardois que ce m'estoit beaucoup de gloire d'avoir rencontré un suject auquel on ne peut jamais avoir faulte de parolles ny de matière, c'est à sçavoir la louange et la

recommandation de monsieur de Ronsard, de laquelle il me sera tousjours plus difficile de trouver le fin que le commencement, et où je n'auray pas tant de peine de m'estendre et de m'amplifier, comme de me mesurer et de me i. Hd.s.d., ï! inférieures.

j'ay eu l'asseurance d'entreprendre ceste action plustost que beaucoup d'autres qui s'en acquitteroient, sinon selon l'excellence du sujet, a.u moins plus dignement et heureusement que je ne l'ose esperer. Et pour vous dire la verité, quand je regarde maintenant où je suis, je ne me trouve pas moins estonné moymesme de voir que les prieres de mes amys ayent eu tant de poids en mon endroit que de me faire accepter une charge à laquelle mes forces sont si inegales et inferieures 1. Aussi, certes, n'a ce pas esté sans ung long combat en mon ame et plusieurs resistences aux honnestes desirs de ceux qui m'ensollicitoient que je me suis laissé vaincre à leur persuasion. Car, comme d'un costé je recognoissois que ce m'estoit beaucoup d'avantage d'avoir à traicter un argument où je ne pouvois avoir faute de matiere ny de paroles, d'ailleurs je considerois que, tant plus sa vertu me donnoit de champ et d'estendue, et plus elle preparoit des assistans à attendre de moy des louanges correspondantes 2 à son mérite.

2. H., des louanges infinies et correspondantes.


retenir, aussi, d'autre costé, je consideroy que cela mesme que l'on pense qui m'apportera de l'avantage ne me causera rien que de l'incommodité, parce que, tant plus sa vertu me donnera de suject et de matiere, et tant plus elle preparera les auditeurs à attendre de moy des louanges infinies et correspondantes à son mérite tellement que ceste grande lumiere, au lieu de me luire et de m'esclairer, ne me servira d'autre chose, sinon de m'apporter de l'ombre et de la confusion, et de me reduire à une merveilleuse extrémité qui est d'avoir à parler d'un suject duquel, quelque chose que j'espere d'en pouvoir dire, si est-ce que l'on en aura tousjours attendu davantage que ce que j'en auray dict; de sorte que, si je n'eusse adjousté à toutes ces considerations celle de la pieté et de l'obligation que j'ay à la memoire de feumonsieur de Ronsard,ilm'eust esté bien difficile de ceder à toutes les autres choses que l'on me proposoit. Mais je confesse franchement que celle-là seule a eu plus de puissance et d'authorité en mon endroit que le soing de ma reputation et de l'opinion que je vous alloy donner de mon insuffisance et de ma temerité.

De maniere, messieurs, que, si je n'eusse, adjousté à tous ces respects, celuy de la pieté~ et de l'obligation, il m'eust esté bien malaisé~ de forcer et de surmonter ma timidité. Mais je confesse franchement que ceste seule pensee a eu plus de pouvoir en mon esprit que le soin de'ma reputation et la crainte de n'egaler pas le desir et l'esperance des auditeurs.

Le nom de Ronsard et celui de Du Perron justifieraient peut-être une réimpression complète de l'Oraison funebre. ÉMILE PICOT.

i. Ëd. s. d., à tous ces dt'scoM~ le ~fs/'<'<-< de la. piet~.

2. Id., bien mal-aisé sans (fox/c.


LETTRES INTIMES

AU XVP SIÈCLE

Le xvie siècle nous a laissé une abondante correspondance diplomatique, mais bien peu de lettres familières. On ne saurait considérer comme telles la plupart des lettres personnelles qui se sont conservées jusqu'à nous les unes se rapportent directement à des événements historiques, les autres montrent trop de littérature celles d'Étienne du Tronchet ou de Pasquier, par exemple et c'est précisément ce caractère historique ou littéraire qui assura leur conservation et leur publication. Mais les lettres intimes furent détruites au jour le jour; leur extrême rareté les rend plus précieuses encore pour nous, car les plus banales en apparence sont les archives directes de la vie quotidienne de nos aïeux, elles nous disent leur instruction, leurs goûts, leurs sentiments, leur manière de s'exprimer. N'est-il pas utile de signaler les quelques livres du xvis siècle où l'on rencontre ces lettres toutes simples, telles qu'en écrivait le premier bourgeois venu ? Une telle recherche ne saurait paraître futile dans l'histoire littéraire et morale d'une époque, il ne faut rien négliger, surtout le fond sur lequel se détachent les hommes de talent, la tramer grise de l'expression courante.

J'ai déjà fait remarquer l'intérêt que présentent les formulaires de lettres missives pour l'étude du commerce amou-


reux'. Ce sont aussi ces formulaires qui nous fourniront certaines lettres typiques que l'auteur propose comme modèles à ses lecteurs. Peu nombreux pendant le cours du xvie siècle, ils se multiplièrent à Rouen et à Paris sous Henri IV et sous Louis XIII. Le plus ancien semble le .Pyo~oco~ des see~taires et aultres gens desirans scavoir l'art et maniere de dicter en bon /~MCOyS toutes lettres missives et ~~M~S en prose, Lyon, Olivier Arnoullet, 1534, in-8° goth., dont le seul exemplaire connu est conservé à la bibliothèque colombine de Sévill.e Fernand Colomb l'avait acheté un sou à Lyon le 20 octobre 1535". En second lieu, il faut citer le livret de Jean Quinerit intitulé La ~~M~~ dicter lettres missives dont Du Verdier' mentionne une édition sans date imprimée à Lyon par Jacques Moderne, et que J. Colomiès, à Toulouse, édita de nouveau en 1548~. Choisissons pour exemple un recueil plus étendu qui parut à Lyon, chez Jean Temporal, en 1555 (Brunet, V, 540), mais dont nous ne connaissons qu'une seconde édition donnée à Paris l'année suivante LE Il STILE ET MANIERE DE COMPO- dicter, (~C/~ crire ~OM~yb~ ~t/f~S, ou lettres ~M/SM~S, tant il par ~S~OM/c, que aM~~M~M; Il Auec Il Epitome de la poinctuation, & accentz de Il la langue Françoife Liure trei~jjvtile & profitable. NoMM~e~e~ ~M6M (~ aM~~M~. jj [Marque diSérentedeSiIvestre46~.] A PARIS, jj Par Iean Ruelle, à l'enfeigne fainct Nicolas, Rue S. laques. jj 1556.

In-i6, 112 N., sign. A-0 par 8 fig., lettres ornées, fleurons et ban~deaux. [BiBL. NAT., Rés., p. Z. 474.]

Un passage (f. 52 v°) nous apprend que, « retourné », le nom de l'auteur donne Pierre Durant. Le recueil débute par des indications générales sur la manière de composer une lettre i. Les secrétaires d'amour, Revue hebdomadaire, 30 octobre 1909.

3. Harrisse, Excerpta co!oMt6tMMHa, n*' igi J. Babelon, La 6:'M;o~<~M~Mçaise de Fernand Colomb, n' 183; Baudrier,Bibliographielyonnaise, t. X, p. 68. 3. Ed. R. de J., II, p. soS.

4. Bulletin du bibliophile, i8')t, p. igi.


missive et s'achève par un traité de ponctuation, mais le corps de l'ouvrage consiste en une suite de modèles empruntés les uns à l'antiquité, les autres à la vie journalière, comme cette lettre qu'un brave père de famille adresse à son fils, étudiant à Paris (f. 54 r")

Mon trescher filz, desormais trois mois sont passez, et à present sommes au quatrieme que de toy nulles lettres reçues avons je pense qu'as toy mesme consideré, si tu n'as cœur ceinct de fer, en quelz travaux et calamitez moy desaventuré, avec ton esplorée et dolente mere, vivons. Ils sont ja vingt-quatre ans passez, que du ventre maternel tu fus en ceste caduque vie produict, et pour ce que dès ton jeune aage je fuz pere envieux et convoiteux de te veoir bon, attemperé, gentil, genereux, et de toutes autres vertus orné, et contemplant ton agu engin, et vive memoire du tien naturel esprit, je prins conseil (comme tu scais) de t'envoyer à Paris à l'estude des loix civiles, selon ton plain vouloir il vient à quatre ans que tu es là, et ayant constitué de te donner cent escus l'an pour le besoing de ta vie, à deux fois tous les six mois finiz cinquante, et drap de soye et de laine t'ay envoyez pour les vestemens de ton corps.'Tu auras à sçavoir, mon cher enfant, que sont vingt et six ans que ta mere estima, femme j'ay de Dieu deux enfans d'elle seulement, dont tu es le premier, et apres toy Loyse ta seur, sur laquelle de vertueuse vie estant passez le rays ardant du Soleil par l'espace de vingt et trois ans, et moy cognoissant elle de mary digne, j'ay voulu la marier ceste année, et la donner à Helie Loir pour sa legitime espouse, et pour ce qu'il est homme riche, il me fut besoing à la somme entiere du mariage de trois mil livres, luy donner non seulement tout l'argent contant que je me trouvoye, mais fuz contrainct prendre d'autruy en prest plus de trois csns escuz, pour ne faillir au devoir de la foy promise, ce donques fut l'occasion que par mes lettres du huictieme d'Aoust passé je n'eus commodité de pouvoir envoyer plus de trente escuz, dedans quinze ou vingt jours je t'envoieray les vingt à l'accomplissement du passé terme, et les cinquante pour le commencement de l'an présent, à ce que par nécessité dudict argent ne vueilles pour aucune maniere l'estude cesser, mais à present il me pilit à toy un peu parler. Toy ado~c tiré de desdaing et ire in'que pour absi legiere occasion, quasi voluntaire de faire vengeance., tu t'arrêteras de donner response aux humaines espitres paternelles, aux doulces maternelles, tu ne daignes respondre fraternellement a-tx soueves lettres de ta chaste, pruden.e et nouvellement mariée seur, ô toy incrédule, e~timois paraventure que la pitié


paternelle ne voulust t'envoyer les vingt escuz, ce que pour necessité et ornement de nostre maison faire ne se peut. 0 cruauté Neronne d'enfant, ô courage de fer, ô coustume barbare, ô meschanseté digne d'estre portée aux dernieres citez du monde. Je voy manifestement combien tu es fairt ingenieux à me sçavoir molester aux boucles du cœur, ensemble ta miserable mere laquelle pour ceste tienne playe d'esprit porte un chacun jour nourriture d'aspres et ameres angoisses. La Vergiliane Dido Royne Carthaginense, ne fut jamais tant d'amour app.~ssionnée vers son piteux enfant Ascanius, que par ton occasion afHigée et désolée à prosent se trouve I.t tendresse de la charité de ta mere vers toy, et pour toy seul en vie se repute mal eureuse. Helie je te prie dy moy, est ce la doctrine du sage Platon sont ce les enseignemens d'Aristote prince merveilleux de nature ? lesquelz dient au pere et a la mère n'estre possible que les enfans puissent le bien faict rendre. Toy donc, mon cher filz, si tu veux que ta mere vive, prens soudainement la plume et vueilles escrire, et la consoler. Imaginer tu dois comme homme raisonnable, qu'elle t'a procrée au monde. Je ne mis que la seule semence, ou veritablement tu euz non seulement vie, mais après en son giron chaudement en pitié et charité nourry et embrassé, ton sang, ta chair, tes nerfz, tes os, avec le tien, à noz deux esprits, ensemble se conjoignirent au ventre d'icelle, combien que j'ay esté de toy soigneux et diligent pore pour fuir la vanité des louanges mondaines. Certes autres que toy mesme ne produy à tesmoing pour ce Phalar, combien qu'il fust tyran et de sentence memorable, neantmoins souvent orné apparut, lequel cscrivant à Paurole son ftlz, luy dict que l'enfant doit en vérité des beneûces paternels estre souvenant. Las, je te prie ly l'histoire de Valere, où cognoistras la pitié de Coriolan vers sa mere, et la promptitude du piteux courage de Simon Athenien, vers son pere Miltiade. Ultimement 'avoye destiné estre en ceste Epistre plus long, mais les larmes qui des yeux me tombent, ne me laissent plus oultre aller. Je croy que par la grande angoisse de douleur de ta piteuse mere, si en sa presence te voyoit, ne te pourroit dire, ô filz escry moi mais je ne doubte que les courantes larmes te esperonneront soudainement à elle escrire, et pource qu'elle est ta mere bonne et noble, par aventure apprendrois l'office de vraye pitié, ne te vergognant l'accompagner en dur plaincte et repentance de l'erreur vers tes pere et mere sans consideration par toy commis. Dieu te garde et te vueille faire digne de son infinie grace. Au reçu de cette épître prudhommesque, l'étudiant qui signe André Cotin –répond à ses parents en termes


contrits et sentencieux, mais termine sa lettre de la sorte .En ceste ville de Paris avons grande souffrete de vivres ceste année. Les bledz sont à hault pris je ne vous dy rien du vin, lequel est aujourd'huy en telle valeur monté que de plusieurs personnes est du tout abandonné. Je scay bien, mes treschers pere et mere, que vous ne voulez que j'endure sinistre au vivre, pour lequel mes vestemens ja depuis quatre mois sont pour gage donnez à. l'hostellerie, ce qui me faict estre plus moleste, et à vous mander que j'aye argent. Lequel par vostre bonté attendz en ardant desir. Pour la fin à vous deux la teste inclinée humblement me recommandant, aussi à ma tresaymée seur.

Votre humble et obedient filz.

Plus loin, nous trouvons une lettre d'affaires, celle d'un marchand (f. 69 r° )

Party que fustes de nous (trescher compagnon) soudainement fut par moy la navire expédiée, faisant charger les quarante tonneaux de malvoysie, que l'an passé je garday à meilleure fortune. Nous avons par advis d'Anvers, que le muscatel vaut quarante escuz le tonneau du moins, aussi les autres vins de Candie entendons valoir trente cinq escuz le tonneau. J'espère que nous y ferons nostre profit, et tant plus que je suis deuemment informé de noz gens, que les gallions de Venise n'iront ceste année en Ponant, j'estime que ne pourriez achever de vendre tous les vins à Diepe parquoy ne vous soit moleste faire aller la navire jusques à Rouen, pour achever le demourant. L'on entend par lettre de Lyon qu'en Provence il y a tant de vin qu'il n'a pris. Vous donc arrivé que serez au dict Rouen, soyez soigneux à me donner souvent advis de tout ce que ferez, et de la qualité et condition de toutes marchandises. Je me recommande. A quoi le compère répond

Des le.vingt deuxiesme d'Avril je receu voz missives de Bologne par lesquelles en grand plaisir ay entendu vostre diligence de l'expédition de nostre navire laquelle, grace à Dieu, à sauvement est arrivée soudainement devalerent les marchans de Rouen, qui enleverent les quarante tonneaux, de malvoysie à soixante escuz le tonneau, dequoy je suis joyeux et parce que j'ay advis que Londres en Angleterre est pleine de toute sorte de vin, excepté de Candie, lequel est en pris, ay destiné d'envoyer la navire à Nantes, et là. espere changer le vin à laines, lequelles cherement nous vendrons, car


aujourd'huy ont grande requeste, pour occasion que toute France entend aux armes, ausquelles Anglois estudient de tout leur faveur parquoy les choses de marchandise sont mises en oubly. Pour vous donner avis des marchandises de ce pa'fs, à ce que j'ay entendu: Le vin vaut à Paris douze livres tournois le tonneau le bled vaut < en Beausse trente solz tournois le septier; l'orge et l'avoine valent quinze solz tournois, poix et feves valent en Bretaigne dix livres tournois le muy à Digeon la moustarde vaut di solz le baril; en ceste ville de Rouen tout poisson est a petit pris, excepté le maquereau, lequel en tous lieux est tant en estimation tenu, que tout homme qui sçait trafique mettre en oeuvre, peut seurcment dire, Attolite portas. Parquoy, trescher compagnon, je suis d'avis qu'en icelle marchandise mettions nostre denier. Ayez pour certain que je ne perdray minute, où j'entendray. que sera nostre gaing. De ce que je vous escry, ayez cure à le tenir secret. Je me recommande.

Les formulaires ne nous offrent que des lettres impersonnelles mises au service du premier venu~. Ouvrons maintenant un livre tout à fait curieux, publié en 1560, dans lequel un brave homme d'esprit simple, appartenant à une excellente famille dauphinoise, rapporte au jour le jour l'histoire de son mariage, publiant toutes les lettres échangées à cette occasion.

Gaspard de Saillans, né à Valence en 1513, fut pendant trente ans trésorier des salpêtres du roi dans sa ville natale". Il exerçait encore cette charge en 1560 au moment des troubles religieux quand les catholiques de Valence le choisirent pour chef il fit appliquer strictement les édits royaux en interdisant l'exercice du culte réformé. Les protestants s'emparèrent de la ville en avril 1562 et Gaspard de Saillans fut jeté en prison. Tant d'émotions hâtèrent la fin de sa femme i. Voir aussi, dans le même ordre d'idées, les modèles de thèmes, comme le recueil de Robert Britannus, FoftKM!~ thematum, sive ratio conscribendarum <~M~tt~MMt in unoquoque genere, P., Mathieu David, 1547, m-8°. (BmL. NAT. Z 13338). 2. J. Brun-Durand, Dictionnaire Mog~M~Me bibliograPhique de la D~Mtf, Grenoble, 1901, 2 vol. in-4, t. II, pp. 328-331.


Romaine de Chareton, une veuve qu'il avait épousée après avoir perdu sa première femme, Catherine de la Colombière. Mais Gaspard de Saillans portait solidement ancrée en lui la vocation du mariage deux fois veuf, il demanda à cinquante ans passés la main d'une jeune fille de la haute société lyonnaise, Louise de Bourges, sœur de la fameuse Clémence de Bourges à qui Louise Labé dédia ses ŒMî~s, fille de Claude de Bourges, seigneur de Myons, général des finances de Piémont, et de Françoise de Mournay. Le 'mariage fut célébré à la fin du mois d'août 1564; un fils, Jean-François, naquit le dimanche 4 mai 1567, comblant les vœux de son père et le consolant de la profonde peine qu'il avait éprouvée en voyant son fils aîné François, fruit de son premier mariage, embrasser la religion réformée où il acquit d'ailleurs un certain renom par les controverses qu'il publia sous le pseudonyme Bertrand de Loque Gaspard de Saillans s'estima dès lors parfaitement heureux et voulut offrir son bonheur marital en admiration et en modèle au public. Certain hiver qu'un accès de goutte le retenait au logis, il employa ses loisirs à rédiger l'histoire de son mariage, à réunir les lettres échangées en cette circonstance. La chose faite, il se mit en quête d'un imprimeur et le volume vit le jour à Lyon en 1560, portant sur le titre le double blason des époux PREMIER ,LIVRE Il DE GASPAR DE Il SAILLANS. Lyon Jacques de la Planche, 1569 (v. ~~o~.)~.

In-S°," 163 pp. et 6 ff. n. ch. pour la table; sign. A-L par 8; encadr. à chaque page, fleurons, lettres ornées. [BiBL. NAT., Rés., p. Z. 357(31) ARSENAL, B.-L. j~Szo-S", Rés. (ex. incomplets).] La parfaite naïveté du bonhomme nous apporte un document sans pareil. Nous avons dans ce livre, au jour le jour, i. J. Brun-Durand, D:<<!OMM< biographique et KMMg~At~f la D~oMM, Grenoble, 1901, 2 vol. in- t. II. pp. 102-10~. Haag, France protestante. t. Baudrier, Bibliographie lyonnaise, t. I, p. 229. La mention Et se feM~<M< huit soh en blanc est fort remarquable c'est peut-être le seul exemple d'un livre du xvr siècle portant son prix de vente imprima. L'expression en blanc signifie < brm~M d'après les inventaires.


Le ft7~ff~~ ~o.~f/, (~ deux qui J' f~Phf~ trouuera Ç' ~~t ~'C~

PREMIER LIVRE

DE G A S P A R DE SAILLANS GENTILHOMME

LA 'PAIX DE DiEV

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Par laques de la Planche

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toute l'histoire d'un mariage dans la meilleure société de l'époque. Gaspard de Saillans ne néglige aucun détail en racontant ses fiançailles. Lisons cette première lettre qu'il reçut de sa fiancée en réponse à une missive tendrement respectueuse sur le thème de la devise adoptée par lui Dieu l'a permis (p. 74)

A Monsieur,

Monsieur de Saillans,

A Valance.

Monsieur, j'ay receu vostre par moy tant desirce lettre du XXII de ce moys, laquelle j'ay monstree à monsieur mon pere et à madame ma mere, qui m'ont commandé de vous y faire response, me souvenant avoir ouy dire ainsi,

Les -filles ne doivent escrire lettres aux hommes, sans le sceu de leurs peres et meres, ou de ceux à qui elles sont sugettes, qui ont la garde et tutelle d'elles ne en recevoir sans les communiquer. Et pour commencer à respondre à vostre ditte lettre, je vous supplie de croyre que je ne sauroy dire de bouche, encores que j'eusse le temps et le lieu à souhayt pour ce faire, et moins le mettre par escrit (à cause de l'insuffisance de mon petit entendement, estant nouvelle apprentisse, nullement experimentee à escrire lettres et ceste cy est la premiere que j'ay jamais escrit) le grant ennuy qui toujours m'a accompaigné depuis vostre despartie plus d'un moys y a, jusques à ceste heure, pour n'avoir eu ny ouy aucunes nouvelles de la santé de vostre personne. Et combieii que j'excusasse la fureur de cestuy temps qui detenoit etempeschoit les messagiers si est-ce que ma peur, que mal vous fut succedé, surmontoit toujours mon esperance de vous voir en bref temps par de;à. Mais ayant eu a present cette faveur de vous (de laquelle humblement je vous remercie) d'avoir receu vostre lettre escritte de vostre propre main, comme de ce m'a asseurée monsieur vostre cousin et le mien, porteur d'icelle, tout le susdit ennuy a quicté la place, pour y laisser entrer et coucher avec moy la joye inexplicable que vostre ditte lettre m'a apportee, avec un contentement inestimable, ormis de la peyne que y avez prinse à l'escrire dont j'ay receu en moy accroissement de desir de vous voir en parfaicte santé ce qui nous adviendra quand l'envye vous prendra de nous venir voir en ce lieu champestre, où vous nous laissastes, qui est fort solacieux et plaisant comme


l'avez veu et encores depuis madame ma mere y a fait faire belles feuilla.des et ramees d'espesse verdure, qui rendent plaisans ombrages incitans et attirans les gens à y prendre le fraiz. Et quant au vouloir de monsieur mon pere et de madame ma mere de vous aller voir par delà, vous verrez ce qu'ilz ~ous en escriront, et en ferez ce que bon vous semblera. Je vous remercie treshumblement du beau manteau qu'il vous a pieu m'envoyer par nostre dit cousin et au regard de ce que m'avez escrit et sollicité d'employer en joyaux les escuts que me laissastes en garde, jà à Dieu ne plaise

Car je puys bien attendre vostre venue tant qu'il vous plaira, à fin que vous en disposiez à vostre bon plaisir et vouloir, et non au mien.

Et quand à vostre devise escritte au pied de vostre ditte lettre, elle est exquise et fort consolative, et l'ay recueue à plaisir inestimable et tout à l'instant j'en ay pourpensé une pour conclure à la vostre, laquelle dit

TOUT POUR LE MIEUX.

Et icelle je vous supplie mettre dans vostre cœur. Lesquelles deux devises, la vostre et la mienne, vous pourront servir au besoing de patience et d'avoir constance. Vous savez trop mieux que moy que nully n'a joye qui ne soit en aucun temps corrompue par quelque tristesse et amertume qui survient car l'on dit vulgairement, La joye et le deuil ne demeurent conjoinctement en un mesme propre lieu, c'est-à-dire dans le cœur d'une personne, pour ce que sont deux choses diverses et si grandement contraires l'une à l'autre, que nul des vivans ne peut estre participant et jouyssant d'elles, sans que l'une quicte et cede la place à l'autre.

Dont quant à moy je vous dirai quelque jour ce que vostre absence m'en a fait sentir et pareillement m'a fait experimenter comment dilection et craincte peuvent demeurer ensemble en un mesme suject car plusieurs foys je me suys delectee à penser en vostre amytié, et lors et à mesme instant craincte me saisissoit de la perdre, pour cause desdits dangiers de ce temps. Et sur ce je feray fin à. la present e, en vous suppliant de recevoir mes treshumbles recommendations à vostre bonne grace, lesquelles à vous unicquement sur tous autres appartiennent, et je feray devotement priere à Dieu vous donner, monsieur, treslongue vie, accompaignec de la felicité de santé. De nostre maison de Villurbane, ce dernier jour de Juillet, 156~.

TOUT POUR LE MIEUX.

Vostre humble et obeissante fiansee.

LOYSE DE BOURGES.


Les noces eurent lieu le 27 août 1564, au milieu d'une grande allégresse « Le festin fut si bien dressé de plusieurs metz, qu'on l'eust peu accomparer à ceux qui se font ès bonnes villes, tant pour la largesse et habondance des friandes et exquises viandes de venaison et volaille, que de vins delicats blancs et clairets. )) Après une courte lune de miel, Gaspard de Saillans conduisit sa jeune femme à Valence mais dut la quitter bientôt, appelé à Grenoble par le règlement de quelques affaires. Les lettres qu'échangèrent alors les nouveaux époux sont d'un ton bien différent des précédentes. Ils usent entre eux d'un laisser-aller pour le moins singulier, et c'est avec une profonde surprise que nous voyons la jeune fille si parfaitement élevée dont nous venons de lire la première lettre, annoncer bientôt à son mari qu'elle est enceinte et poursuivre en ces termes (p. 103)

Je ne cognois si sera. un filz, sinon en ce qu'il me tient fort lasse ainsi que font le;, filz aux meres plus que les filles, comme me l'ont dit aucunes dames vos parentes mais qui que ce soit, j e prie à Dieu luy donner la grace (l'ayant fait parvenir en l'aage de l'instable jeunesse) de participer en vostre bonté et vertus. Ce que j'estimerois le plus grand bien qui luy pourroit advenir. Parquoy je vous supplie de le venir visiter, avoir diligenté vos affaires et combien que vous le trouverez bien enclos, toutesfois vous aurez tout pouvoir et autorité d'ouvrir la porte de son estroicte closture, comme maistre et seigneur que vous estes de toute son habitation. Le bon mari répond sur le même mode (p. 106) A l'occasion d'icelles bonnes nouvelles, je retranchera, y grande partie de mon voyage pour luy aller faire la guerre car je ne doubte que luy voulant estre jaloux de moy m'approchant de vous, il voudra me frapper de sa teste ou du poing ou de sou talon, si je ne me conduis par bonne ruze et fine cautelle, que je veux bien que vous sachiez, c'est que quand je voudray entre nous deux rire et prendre pa.ssetemps.je le fcray gentement et sans faire gros tabutement, ne mot sonner à l'heure que me direz qu'il dormira, afin qu'il ne s'en apperçuive dont j'en reçoy desja en mon esprit si grand plaisir, que cela me fait tomber ma plume de la main et ne me veut permettre vous escrire plus longue lettre


Gaspard de Saillans publiait son livre il l'avoue luimême pour sauver son nom de l'oubli. Il y est parvenu. En même temps qu'il faisait paraître son œuvre, l'université de Valence le recevait docteur en droit le 2 août 1569, sous le patronage de son frère Jacques de Saillans et de Cujasi. Il mourut cinq ans plus tard. Le libraire lyonnais Jean d'Ogerolles éditait en 1575 un Second livre de Gaspard de Saillans, fort différent du premier, farci de dissertations historiques et religieuses sans grand intérêt, dont la bibliothèque Méjanes d'Aix possède le seul exemplaire connu'. On y trouve un portrait de l'auteur à l'âge de soixante ans. LOUIS LOVIOT.

i. Abbé Nadal, Histoire de l'Université de Valence, Valence, 1861, in-8" p. 378. a_ E. Aude, Notice bibliographique sur Gaspard de Saillans, Revue dauphinoise, t. 111, igor, pp. 14.2-1~7.

TOME):.


SUR

JEAN AUVRAY

Jean Auvray fut un grand poète. Comme les autres satyriques du début du xvn" siècle, l'auteur du Banquet des MM ses nous séduit par sa verve, sa joyeuse abondance, une désinvolture dont Le bailleur d'excuzes en ~ay~MM~ offre peut-être le meilleur exemple, mais il nous surprend davantage par sa modernité tel de ses vers annonce déjà Baudelaire, telle strophe de ses ŒMf~s sainctes semble appartenir à l'école parnassienne, ou même au symbolisme. Souhaitons qu'une prochaine édition de ses œuvres le fasse mieux connaître.

Sa vie reste pour nous singulièrement obscure. Les répertoires de Frère et d'Ourse' donnent sur son pays d'origine et sur la date de sa mort des indications contradictoires dont il est impossible de tenir compte, avant de savoir si un document quelconque les a suggérées; l'abbé Guiot' distingue deux Auvray, mais les confond entre eux M. E. de Robillard de Beaurepaire'n'en sait pas plus et appelle même notre poète /ac~M~s Auvray. Cette regrettable lacune de notre histoire littéraire m'avait frappé depuis longtemps et i. Les trois siècles palinodiques, Rouen et P., iSgS, 2 vol. in-8", t. I, pp. 72 et yg; Le Mof~t des Normands, ms. de la bit)!, de Caen, t. I, fol. ig cf. F. Lachèvre, Les recueils collectifs de poésies K~s satyriques, P., 1914, ia-4". PP. 79-S4.

2. Les ~Mys de Rouen et de Csftt, Caen, 907, m-S", pp. 1~2-1~2.

NOTES


j'ai tenté d'éclaircir le mystère par une enquête aux archives de Rouen, recherches auxquelles je n'eus malheureusement pas le loisir de donner toute l'ampleur désirable. J'ai pourtant recueilli quelques indications précises que je publie sans plus attendre pour engager un érudit normand à les compléter. Auvray mérite un biographe.

Selon la tradition, je distingue volontiers deux Auvray. L'autre, que l'abbé Guiot appelle CM~:M~, fut avocat à Paris, ainsi que le laisse entendre ce vers de Gaillard~

Auvray, ce gros camart, plaide pour les suivantes.

Il aurait fleuri vers 1630 et serait l'auteur de La Ma~o~c, La Dorinde, etc.

Notre Jean Auvray, lui, ne fut pas avocat à Rouen, comme on l'a répété à tort, mais tenait dans cette ville boutique de chirurgien, avec les deux bassins pour enseigne. Une pièce liminaire du Banquet, déjà remarquée par Paul Lacroix, indique sa profession.

Le fonds de la corporation des maîtres chirurgiens de Rouen aux archives de la Seine-Inférieure est assez important'. La première liasse (E 217) renferme un registre sur lequel, pendant le premier quart du xvir siècle, le garde de l'état de chirurgie consignait chaque année l'inventaire des pièces d'archives qu'il transmettait à son successeur. Le 23 janvier 1607, Jean Auvray, l'un des seize maîtres, est mentionné sur le registre. Où avait-il fait ses études? Je n'ai pu le découvrir, non plus que son origine véritable~. l. ŒKfW <S~ Gaillard, P., Jacques Dugast, 1634. in-8", p. 34. 2. Cf. D' F. Hue, La coMtM<H;«!M~ des chirurgiens de Rouen, ~~0?'79~, Rouen, 1913, in-8o.

3. M. R. N. Sauvage, conservateur de la bibliothèque de Caen, qui a bien voulu s'intéresser à mes recherches sur Jean Auvray, a noté dans le M~fo~gf de la Faculté de Médecine dp Caen (ms. 4:3, fol. 126 V et 129 V) un Pierre Auvray,


]Sfous apprenons par la lecture de see œuvres qu'il séjourne en Hollande au cours de l'année 1608 à une époque indéterminée, il habite Ancenis où il s'éprend d'une jeune personne originaire d'Ingrande; en 1615, à Blois, il présente au roi et à la reine des stances panégyriques revenu à Rouen, il est en 1621 lauréat du Puy de la Conception. Le registre déjà consulté contient un document fort précieux le l~ mars 1622, Jean Auvray devient garde de )a.

Registre des gardes de l'état de chirurgie, f. 32 v°.

Archives de la Seine-Inférieure, E 217.

communauté des maîtres chirurgiens de Rouen, fonction qui prouve l'estime où le tiennent ses confrères. Il succède à Gérard Le Sonneur, praticien renommé que Tallemant cite en racontant la mort de Mathurin Régnier'. Jean Auvray originaire deSaint-Lô, inscrit en 159~ et reçu bachelier au mois d'août 1:95. C'est peut-être ce même Pierre Auvray que l'on retrouve cinquante ans plus tard établi chirurgien à Freneuse-sur- Risle, vicomté de Pont-Audemer, de qui le nom figure dans un contrat de mariage du 28 avril 1646 entre Le Sens de Foleville et Marie Malherbe du Bouillon (Arch. du Calvados, B, bailliage de Caen, liasse provisoirement cotée 179). Un rapport de parenté unissait-il le chirurgien Pierre Auvray et son confrère rouennais qui nous occupe?

1. Régnier mourut à trente-neuf ans à Rouen, où il estoit allé pour se faire traitter de la verolle par un nommé le Sonneur. Quand il fut guery, il voulut donner à manger à ses médecins. Il y avoit du vin d'Espagne nouveau ils lui en laissèrent boire par complaisance il en eut une pleurésie qui l'emporta en trois jours. (Tallemant des Réj.ux, Historiettes, éd. Monmerqué et Paulin Paris, t, I, p. 96.)


remplit les devoirs de sa charge pendant une période difficile où la peste désole la ville il ne s'en absente qu'une seule fois, au mois de juin 1622, envoyé par ses confrères en mission à Paris où s'instruit un procès touchant les privilèges de la corporation. Il revient à Rouen porteur d'une lettre datée du 18 juin où le procureur des chirurgiens au Grand Conseil « rend raisons des dilligences par moy faites », comme l'écrit Jean Auvray à la fin de février 1623, dans l'inventaire autographe de sept pages où il énumère les pièces qu'il transmet à son successeur Henri Yvelin. Cette même année 1623 vit paraître l'édition originale du Banquet des Muses. Un témoignage de David Ferrant en tête des ŒM!~s sainctes de 1626 indique que l'auteur était mort à cette date. Je n'ai pas réussi à trouver son acte de décès dans les quelques registres paroissiaux de Rouen que j'ai pu consulter.

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LOUISJLOVIOT.


UN CHANSONNIER CRÉOLE

Nodier, qui avait reçu en présent le seul exemplaire des Essais d'un Bobre africain signalé dans les bibliothèques particulières, comptait ce volume parmi les plus singuliers de son admirable collection. Imprimé en 1831 au pays de P~ et Virginie, c'est en majeure partie un recueil de poésies et de chansons composées dans ce bizarre langage créole, fruste, saugrenu et savoureux <! Le Créole a écrit Nodier dans sa Description raisonnée (n° 645) « n'est pas à proprement parler un patois Q~M~ patrum idioma). C'est même tout le contraire, une langue étrangère apprise par nécessité pour un nombre assez circonscrit de besoins et d'idées, et dont d'heureux artifices, parfaitement logiques d'ailleurs, ont beaucoup simplifié la syntaxe. Le Créole ressemble sous ce rapport à la langue des petits enfants, et c'est à peu près la même chose au point de vue philosophique; seulement, il ne devient jamais une langue adulte et virile, parce que l'esclavage est un état d'enfance prolongé artificiellement, et qui, comme on dit aujourd'hui, ne progresse pas (Dieu me pardonne cette abominable parole !). L'émancipation des esclaves émancipera, selon toute apparence, la langue dont ils se servent et le Créole périra un jour avec sa grâce mignarde et ses blandices enfantines. Il est donc de quelque intérêt d'en conserver les monuments, et il en restera bien peu, car i. Cf. C. Baissac, ~<!<~ sw patois créole MMtM~'fH, Nancy, 88o, m-S"; j~ /o~-b~ <<<! l'île Afftt~tM, P., 1888, in-i6.


les nègres, non plus que les enfants, ne perdent guère leur temps à faire des livres. »

Le « Bobre africain s n'est pas un nègre, non 1 mais un créole sur qui M. A. Duvivier, conservateur des archives de l'île Maurice, a bien voulu'm'envoyer d'utiles renseignements.

Jean-François Chrestien naquit au Port Louis de l'Ile de France le Q novembre 1767, de Jean-Nicolas Chrestien-Desnoyers et de Marie-Françoise Bigaignon, son épouse. Son père, originaire de Metz, avait débarqué dans la colonie vers 1765 en qualité d'employé garde-magasin des grains de la Compagnie des Indes et s'était marié le 11 novembre 1766. Il était lui-même fils de Hubert-Dieudonné Chrestien, conseiller du Roi, garde-minutes et expéditionnaire des lettres de la Chancellerie près le Parlement de Metz.

François Chrestien reçut le 29 juin 1793 une charge d'agent de change qu'il occupa jusqu'au 23 vendémiaire an XII, où il fut nommé commissaire civil du quartier du Port Sud-Est. Plus tard, il fut appelé aux fonctions de commissaire civil et commissaire de police du quartier de Flacq, qu'il résigna pour exercer de nouveau son ancienne profession d'agent de change. Il épousa une demoiselle Marie-Michelle Lenette de ses enfants, six lui survécurent dont les descendants existent encore dans la colonie.

A Port-Louis, en 180~ avait été fondée, sous le nom de la Table ovale, une petite académie où se réunirent poètes, chansonniers et gens d'esprit; dès 1809, cette académie entrait en relations avec la société épicurienne du Caveau moderne, où trônait Désaugiers. La Table ovale vécut une vingtaine d'années. Constituée par de joyeux convives ne songeant qu'à se réunir pour chanter, rire et boire à l'Amour, cette société, qui comptait dans son sein les hommes les plus


éminents de la colonie, ne tarda pas, lors de la conquête anglaise, à exercer une influence prépondérante sur le pays. La politique s'empara d'elle elle en mourut.

La Table ovale n'eut pas de meilleur adepte que François Chrestien. Vers 1830, celui-ci songea à réunir en fascicule ses diverses productions et ce fut l'édition originale des Essais ~'M~ Bobre africain, dont on n'a jamais retrouvé d'exemplaire. Faut-il supposer que ce fascicule, pourvu d'un nouveau titre et joint à d'autres feuillets, forma la seconde édition « augmentée de près du double ))? Quoi qu'il en soit, la première édition fut certainement imprimée par la société Mallac frères qui éditait alors la Gazette de MaM~ce où paraissait de temps à autre la signature de François Chrestien 1.

La seconde édition vit le jour en 1831, à Port-Louis, chez les mêmes imprimeurs ayant pour lors la raison sociale G. Déroullède et Cie

i. Sans preuve à l'appui, Cotton fait remonter à l'année i~SS les débuts de l'imprimerie dans l'île Maurice. P., Daschamps (Ufi bibliophile, L'imprimerie hors l'Europe, nouv. éd., P., 1904, in 8°, p. 145) cite deux impressions de Port-Louis, l'une de 1783, en français, l'autre de 1816, en anglais.

Les lois en vigueur dans la colonie en 1830 opposaient de telles entraves à la profession d'imprimeur que seules deux imprimeries existaient alors, pourvues d'ailleurs d'un matériel fort complet. L'une appartenait à la société Mallac frères, l'autre à celle de Vallet, V. Asselin et C". La première avait le privilège d'imprimer les publications du gouvernement et le Journa) officiel ~K~t'tM Gazette (Gazette A'.MaK~ce) qui paraissait tous les samedis en format de'3xo X 205 m/m. Au mois d'août 1830, M. Gustave Déroullède se rendit acquéreur de cette imprimerie il s'associa'avec M. Tristan Mallac et continua sous la raison < G. Déroullède et C"' à imprimer le Journal officiel. Pour créer sous l'inspiration de M. Adrien d'Epinay un journal d'opposition politique, les deux associés se séparèrent le 5 février 183~ M. Mallac resta chargé de la Gazette officielle et M. Déroullède devint l'imprimeur du Cernéen qui parut le 14 du même mois en format de 460 X 320 m/m. Mais à dater du 24 juillet de cette même année, le Cernéen eut son imprimerie particulière; il parut alors trois fois par semaine, devint quotidien par la suite et subsiste encore. Le./OM~<t<~tt'M< de ~f Maurice, publie par la seconde imprimerie, celle de la sociél:c Vallet, V. Asselin et C'«, paraissait depuis 1825; peu de temps après la publication du Cernéen, le Journal général devint La Balance (330 X sic m/m), autre journal d'opposition qui fut l'allié du Cernéen pendant quelque temps, puis changea de politique.

La liberté de la presse et de l'imprimerie ayant été reconnue le 15 avril 1833 d'autres imprimeries s'établirent dans l'île et s'y succédèrent avec des fortunes diverses. (Communication de M. A. Duvivier.)


LES ESSAIS D'UN

!B~iBiR]B ~imn~m.

SECONDE ÉDITION,

~y~M~~V~y~~M%~

ET D&DIÉE

A MADAME BOREAL JEtINE~

PAtt F. CHRESTIEN.

~ïea~uncc.

ÏMPRÏMERtE DR G. DEROULLEDE & C", tMPRtMEtTM DC COOVERNEMEKT.

M DCCC XXXL


LES ESSAIS ~) D'UN )) BOBRE AFRICAIN, ~] SECONDE ÉDITION. Ile Maurice, G. Déroullède & C°, 1831 (v. reprod.). In-8", 79 pp., vign. typogr. Dédicace à M'"s Borel jeune, à Tonneins, datée de Port-Louis, Ile Maurice, le 15 août 1831. (BIBL. NAT., 8° Ye 4669; BRITISH MUSEUM, 11498. ccc. 33). Sur quarante-six pièces dont se compose le recueil, vingt-sept sont écrites en patois créole. Elles seules retiennent l'attention; ce sont des fables imitées de La Fontaine, par exemple

LE GRILLOT ET LA FOURMI FABLE

Comper' Grillot qui dans son la-saison A-soir çanté comment violon,

Quand lé-tems frais fair' fermé son la-caze Son la-voix n'a plis fair' tapage

La-bouss' li sec, bon-tems mii,

Vivres n'a pas. n'a pas maïs,

Li couri voir madam' fourmi

« Salam, donc mon commère 1

« Ça qui ein' femm' son pitit magazin « Quand mêm' vidé, toujours !i plein; « Mais dir' moi donc comment vous faire? « Ensemble vous, moi voulé fair' zaffaire « Prête avec moi morceau du riz? « Quand soleil fini tourné dans la plaine « Moi va vini

« Rendé vous li

« Si vous réfusé moi, vous fair' moi trop la peine < Et, quand moi mort, bon-Dié va pini vous < Tout-ça li bon, dir' Fourmi, mon compère « Dans lé tems chaud parlé moi, qui vous faire? « Dans lé tems chaud, moi n'a pas fou; « La nuit', li-zour dans milié la savanne « Tous les zours moi çanté

« Comment mam'zell' qui marié

Vous çanté, mon zami, a s'ter là prends ravanne « Et puis dansé! »


Ou des chansons comme celle-ci

L'AMANT MALHEUREUX Air Du Bastring.

Vous n'a pas voulé content moi Zène fille, zène fille

Vous n'a pas voulé content moi Zène fille parlé-moi pourquoi? MINEUR.

Tous les zours dé ç'tems mon berloque Moi donné vous la viand' salé

Zanana, cate-cate manioque

Cari poisson, maïs grillé t

Encor vous n'a pas content moi Zêne fille, zène fille 1

Encor vous n'a pas content moi Zène fille, parlé-moi pourquoi?

Bonne-anné moi donn' vous la harde Moi soizir ça qui plis zoli

Dans boutiq' toujours moi prends garde Ça qui fair' content vous l'esprit 1 Encor vous n'a pas content moi, &. Quand di-vent cassé vous la-caze Dé c'tems l'ouragan arrivé

Quand y en-a trou dans vou-faitaze Dir' moi qui c'ella va boucé ?

Encor vous n'a pas content moi, &. Quand moi n'a pas soin vou-marmitte Dir' moi comment vous vini gras Vous connais galoppé bien vite

Quand y en-a bouillon couroupas ? Encor vous n'a pas~contont moi, &. A soir quand dansé dans la-case

Vous té voir mon lé-rein lassé?


Vous connais bien dans badinaze

Zamais-là mon bobre arrêté

Encor vous n'a pas content moi

Zène fille, zène fille 1

Encor vous n'a pas content moi

Zène fille parlé-moi pourquoi ?

Une bonhomie à la fois enjouée et rise toutes ces poésies

LE PAUVRE DIABLE

Air DM ~<<< [tMN!o<.

résignée caracté-

Moi resté dans ein* p'tit la-caze

Qui faut baissé quand pour rentré; Quand mon la-têt' dans son faitaze Mon li-pié là haut son plancé. (bis) Moi n'a pas besoin la limière

A soir quand moi voulé dormi

Car pour moi trouvé la lin' claire N'a pas manqué trous, Dié merci. (bis) Mon li-lit ein' p'tit natt' malgace Mon l'oreiller, morceau bois-blanc Mon gargoulett', ein' vié cal'basse Où moi mett' l'arack zour de l'an. (bis) Quand mon-femm' pour fair' badinaze Sam'di comm' ça vini soupé

Moi fair' couit dans mon p'tit la-caze Bréd' diboute et moutouc grillé. (&M) Dans mon coffre n'a pas ferrire

Zamais moi n'a pas fermé li;

Dans bambou comm' ça sans serrire Qui va fouill' mon quat' langoutis. (bis) Dimanç' quand moi gagné zournée Si moi y en a morceau tabac

Pour fair' faro mon la-fimée

Moi mett' li d~.ns pip' couroupas. (bis)

i. Comparer les chansons créoles des Antilles, par exemple celles recueillies par Moreau de Saint-Méry (cf. P. dfVaissière, Saint-Domingue, P., igof), in-8'pp. 315317).


Une troisième édition « Z.ë Bobre Africain par Chrcstien », plaquette de 23 pp. in-~°, fut publiée en 1869 par la typographie de A. Amelot et C"

Notre poète fit aussi paraître en 1838 L'Album ~o~c~ ou Recueil de pièces inédites et autres du portefeuille de fyaKçois Chrestien et faisant suite au Bobre Africain. Ce volume de 287 pp. in-4°, sorti des presses du Cernéen, journal politique fondé en 1832, contient quatre nouvelles en prose et soixante-treize pièces de vers et chansons, dont trois seulement en patois créole.

François Ghrestien mourut le /]. mai 1846 à Port-Louis, dans sa soixante-dix-neuvième année, jouissant de l'estime et de la considération générale. A la suite de l'article nécrologique que lui consacra le Cernéen, le rédacteur de ce journal publia une chanson que l'auteur, un an auparavant, lui avait remise sous pli cacheté destiné à n'être ouvert qu'après sa mort. Cette chanson qui demande à tous les amis de François Chrestien d'assister à ses funérailles, se termine ainsi Je vais prier dans l'Empyrée

Pour vous, notre île et mes enfans.

LOUIS LOVIOT.


NOTICES

Gervais Aumen.

M. Jean Babelon a décrit, sous le 11 de sa..Bt'Mt'u/A~Me /~Mpaise de Fernand Colomb, une édition parisienne, gothique, sans nom ni date, de la Consolation des D~~oJe~, possédant au du titre une préface de « Gervais Aumen, indigne régent à Troyes ». Il faut évidemment trouver là le nom français de Gervasius Amoenus,. ou Omœnus, de Dreux, disciple d'Erasme, connu par un très modeste bagage littéraire. On sait qu'Amœnus professait à Troyes en 1522 lorsqu'il écrivit son poème .Ho!'M:'s/ ses .LMCM&MMCM~ sont adressées en 1513 à Louis Budé, archidiacre de Troyes, son Mécène. M. Victor Van der Haeghen a a résumé en quelques mots ce que l'on connaît de ses relations avec Erasme et a relevé à son actif une préface, deux pièces de 4 et de 6 distiques 2 et le poème //0!M; nous pouvons y ajouter ses Lucubratiuncule, imprimées à Paris, par Josse Badius, en 1513, et 3 distiques latins qui figurent dans le Cawt/~MM~ de Jean Michel, Paris, Josse Badius, 1522; comme ces deux derniers ouvrages ne nous étaient pas connus quand nous avons publié la Bibliographie de Josse Badius, nous en donnons ici la collation Geruafij Ameni drucenfts. Lucubratiuncula: quidam non inuenun.s. [j Hymni Panegyrici ad facrofanétam femperq~ vénérant dam Trinitatem tum collectim tum diuifim. )j Od~ in genere demôftratiuo nec non Cataplus elegiacus cum carmine quodam Sapphico ad Virginem Deiparam. Elégie quû de mutuis iter Chriflianos bellis tû aliis argumëtt. Il Oratio fuaforia ad capefcédas litteras grecas. )j Vita Luciani Samofatéfis rhetoris e graeco in latinû traducta. II Hifloria longe uorù eiufdë Luciani etià latio donata. Inditutio liberorù 1. L' Humaniste-Imprimeur Robert De ~ttysf~f S<tS<XK)' Clara la Afiniaturiste, Gand, 1908, m-8°.

2. Préface de ~s~/M'F/acet. ~f~oKSt«!'eom, Paris, Robert Cœsaris pour Josse Badius et Jean Petit, 1512, m-.). 6 distiques dans Euripidis Hecuba et /tgenia. Bfasmo Nf)<<')'o~c)Mo interprete, Paris, Josse Badius, 1~06, in-folio; distiques sur la marque de Jean Petit, au titre de t'~?'gf))taK<;con de 1512, répétés au titre de Servii Honorati vocabula in Vcrgilium a~ttoMa, Paris, Jean Petit, s. d.


optimâ, nec prius imprefia. )) (.t~~Me Badius, M" i.) [j Vgnundantut M ofneinaAfcenuana. (Ps~M, Josse Badius, s. d. [1513]'). In-4*, 30 a. non chiffr., sign. a-c', dB; car. rom., manchette*. Au v* du titre et au a' t.Po~Mf~et! authorit carmen ad Z.«?f)f<m. Il (8 distiques) Egidt<M Delphus G<f«a/:o fuo S. (i distique); Egidio Delpho yac~~ ~ag;H~e/

/or: ac ~ce~t/Mo n ~!Mf!'MMM o~~Hando Gey<«t/t«!. S. )) (i distique); Of-

MSft/y:MM t~o Lo<!o<eo BM~co afcMt'aMMO T~i'c~)j Meco'ns<t/Mo Gef«a/!H! ~ma'-

natigimo viro Lodoico Budeo archidiaenno Trecéfi Il ~Uecoenati fuo Geruafius A moe-

nus Df«MM/)'s. S. Il (Paris, collège de Narbonne, veille des calendes de mai (3: mars) sans millésime; en prose); ff. 2' v° à 13' V, pièces en vers; ff. 14 r", à &n l'OM<o suasoria précédé'' d'une dédicace 0; Domino GMt!t<hMO Merceri A~a)'6o)t<K/ Il Collegii /fKafto Geruafius ~MO'Ms Drucenfis. S. Il et suivie des autres pièces en prose. L'Institutio liberorum n'est pas d'Aumen, mais d'Erasme, elle est précédée de Domino Monloio G~Ma/tMS S. D. Il et de Erafmus Chrif~SMo fuo S. D. )j à la fin CoM/'c)t~ta)'<a quçdam f; Mt/h'<«<t'o eô~q/<<! Il ab Erafmo nec ux? y!t:<?<'<t<M impreffa. )); le V du dernier feuillet est blanc. BIBL. ARSENAL, B.-L., 3397-4°.

Le Camilianzts de Jean Michel a été imprimé en même temps que le Hoildis d'Aumen, dans une même plaquette qui offre cette particularité singulière de posséder deux titres, l'un au recto du premier feuillet, annonçant le Camilianus, et l'autre au verso du dernier feuillet, annonçant le Hoildis. Nous n'avons rencontré aucune autre impression du xvie siècle ayant la même disposition; Geofroy Tory et son successeur Olivier Mallard ont souvent orné le verso des derniers feuillets de leurs éditions d'encadrements contenant soit la répétition du premier titre, soit la souscription; c'est au dernier feuillet qu'il faut aller chercher le titre dans certains livres d'Heures ou dans les volumes composés en langues orientales, mais nous n'avons vu nulle part ailleurs deux titres différents l'un commençant, l'autre

terminant un volume. Nous avons déjà décrit la partie de cette petite plaquette qui contient le poème d'Aumen dans la Bibliographie. de Josse Ba~tMS d'après l'exemplaire incomplet que possède la Bibliothèque nationale; quant à l'ouvrage de Jean Michel il ne semble pas connu, n'étant cité par aucun hagiographe, ni par Ulysse Chevalier.

i~ titre W Camilianvs Il Muficorum prœfertim nouitiorum & dux & Il do<a.or fan6tinimus. Il (Ma~M<osM B~M.M<'2.) Il Aera meret Badio. Il 2e titre, au verso ~M dernier feuillet Hoildis Gerua{ii Amœni Drucenfis. Il (Marque de Josse Badius, n° i.) )) Aera meret Badio. !) (fans, Josse Badius, 18 avril 1522.) In-4°, XX ff. chtS. et 4 ff. non chiffr., s!gn. A, BS, C, D~; car. rom., fig. Les ff. chiffrés contiennent le CaMtKattM; au v* du titre, figure représentant saint Camélien sur son lit de mort, au-dessous 3 distiques latins Geruafius ~MaMM i. Une lettre de Badius à Michél Hummelberg indique que ce volume était sous presse en 1513.


D~(M<t/M ad fludiofam CsM-jj~Kt~ iuuentutem. jj f. II r", préface de l'auteur. Jean Michel, à Guillaume Petit, confesseur du roi, évoque de Troyes Ad R. Patrem Guillermum P~MMM~gt'fB j) cott/c~Mh~ a fecretis, B~t/eo~MKt?; Trecen. Il ~~Kt/y;'t)tKM: /0. Michaelis 7'<0/OgO~MW M Parrhifien. minimi in ya~<?t Camiliani ~<!M/t[j<MM P~/ah't). )j au vo, répétition de la même figure, placée dans le petit encadrement des in- de Josse Badius, dont elle occupe entièrement l'intérieur; les autres ff. chiffrés contiennent le récit, en prose, de la mort de saint Camélien, évéque de Troyes (~ 5~5), terminé par e Index M~< ?M~ ~~)K!~ continent' o~M/e«!o.)j; au bas du f. XX v° première souscription Sub ~o Afcenfiano ad ~/7/ Calen. Maias Anno. ~)f. D. XXII. Il

Les ff. non chiffrés contiennent la seconde pièce, poème en vers latins de Gervais Amœnus; titre de départ Hoildis C Ad /~K<?~WttM virginem Hoildim G~!M/!t jj ~M(ïtt{ Drucëfis ob MCM~)MOeM~~yo/~<))M<tK votitium Carmen, <o~ /c~ ~'tM diug M'j~aM compleétés. B/~ tholo ~Mp~ diui Stephani T't-Mf~/M afftgendum. jj; au bas du 3' f. v", seconde souscription Sub prelo Afcenfiano ad ~7/JA Kalend. Il Maias .D.M. (sic) jj; le f., bl. au r", porte au v" le titre Indiqué plus haut dans le petit encadrement de Josse Badius qui figure déjà au f. II v°; ce titre est reproduit en fac similé au t. I, p. 5~ de la Bibliographie. de /os!< Badius, où ces quatre derniers ff. sont seuls décrits (t. II, p. 27). MAZARINE, xv* s. 907 A; NATIONALE (les 4 derniers ff. seuls) Rés. mYc g~g. PH. R.

L'imprimeur de l' « Esperon de discipline d'Antoine Du Saix. 1532.

Tous les bibliophiles connaissent et recherchent le recueil de poésies publié, en 1532, par frère Antoine Du Saix, commandeur de SaintAntoine de Bourg-en-Bresse, sous ce titre bizarre: L'Esperon de disCt'~JtKe, pour inciter les humains aux bonnes lettres, stimuler a doctrine, etc. 1. L'auteur était un fort mauvais poète, mais il avait le sens artistique. Il a décoré son livre de charmants encadrements dans le style de Geofroy Tory, pour qui il professait, il nous le dit luimême, la plus vive admiration. Le volume ne porte aucun nom d'imprimeur. Brunet a reproduit le fleuron qui orne le titre, et a fait observer que le même fleuron avait été employé par Jacques Vivian, à Genève, dès l'année 1522, en tête dû Doctrinal de court, de Pierre Michaut. On devait donc penser que l'Esperon de ~M~Me sortait des presses genevoises, qu'Antoine Du Saix avait dans son voisinage. Nous avons nous-même partagé cette opinion contre laquelle s'était élevé en vain le rédacteur du catalogue Yemeniz (n°i786). Un hasard heureux nous permet de corriger notre erreur. La Bibliothèque de Caen possède (vitrine ~6) un recueil de format petit in-4°, revêtu d'une reliure en maroquin du xvi~ siècle. Ce i. Biblioth. nat., Rés. Ye 330 et Rés. Ye4i7. Cat. Rothschild, I, n' 5:5.


volume contient trois pièces les Arresta .4~o~t. cum erudita Benedicti Curtii ~Ao~MM: e~~M~MMe, Lugduni, apud Seb. Gryphium, M. D. XXXIII, in-~o de 321 pp. et 2 ff.un traité d'André Exea, professeur de droit civil à Montpellier Andreae ab Exea, ;'M~M utriusque doctoris, ordinarie AfOMS~CMK~ Caesareas leges CMa~M&s, ~o Fiscoque. Z.tMM< Seb. Gryphius excudebat Lugduni, M. D. XXXII, in-~o de 47 pp. l'OraisOn funebre faicte et prononcee aux obseques et enterrement du corps tKAMM~ a Brou de ~M~MS~e princesse Marguerite d'Autriche, par noble homme fraire Antoine Du Saix. S. I. n. d. [1532], in-4° goth. de 12 ff. Cette dernière pièce, dont le texte est entouré des mêmes encadrements que celui de l'.E'oK discipline, ne porte pas non plus le nom de l'imprimeur mais une comparaison, facile à faire, nous apprend bien vite qu'elle est sortie des mêmes presses que les deux ouvrages auxquels elle est jointe. Les trois volumes sont tirés sur grand papier, et ce papier est le même. De plus, la première ligne du titre de I'.E~OM discipline et de l'Oraison funebre est imprimée avec les capitales romaines que nous retrouvons dans les titres des Arresta, du De Aerario et aussi de l'opuscule de Nicolas Bérauld De t'~<' ac MOt~M/MW~M~M~ Oratio, Lugduni, Seb. Gryphius, 1533 ad calendas Julias, in-4'- (B. NAT. Èf 76 180). Cette dernière impression porte au titre des pieds de mouche ()~,) pareils à celui qui figure sur le titre de l'Oraison funebre. Il y a donc lieu d'attribuer à Sébastien Gryphius l'édition du discours d'Antoine Du Saix et aussi ceue<.de l'Es~OM discipline exécutée avec le même matériel et, sans aucun doute, la même année. Si l'imprimeur ne s'est pas nommé, c'est probablement pour ne pas s'exposer à des poursuites que Tory aurait pu lui intenter, en vertu du privilège obtenu par lui, pour dix ans, le 5 septembre 1526.

ÉMILE PICOT.

Un second exemplaire du Rabelais apocryphe de 1549. Il y a quelque temps, M. Ph. Renouard me signalait un fragment indéterminé de Rabelais qu'il avait jencoatré à la bibliothèque Sainte-Geneviève sous la cote Réserve <y-Dpp< Je reconnus là, incomplet de neuf feuillets, un second exemplaire du fameux CtK~MfMMM- livre apocryphe de 1549. Sur les soixante-quatre feuillets t. Biblioth. nat., Rés. Y2 933. Cf. Baudrier, Bibliographie lyonnaise, t. VIII, p. 68.

2. Biblioth. nat., Vctms 2768 et Lf6 igo. Cf. Van Praet, Vélins du roi, t. V, p. 67, et Baudrier, t. VIII, p. 62.

TOME H. 25


non chiff., sign. A-H par 8, que comporte l'ouvrage, la bibliothèque Sainte-Geneviève en possède cinquante-cinq, le premier cahier signéA manque en entier, ainsi que le dernier feuillet du cahier H. Cet exemplaire incomplet a été relié au xvin~ siècb à la suite du volun e de Charles Fontaine Les nouvelles et antiques merveilles, P., Guillaume Le Noir,~54, in-i6, dont le catalogue Rothschild (t. IV, n° 3084) donne la description.

On connalt l'histoire du CtM<~M:'M~e livre apocryphe et de l'exemplaire qui passait pour unique.

En décembre 1900, le Times annonçait que le libraire Ludwig Rosenthal venait de découvrir l'édition originale du cinquième livre de Rabelais, édition publiée en 1549, treize ans avant l'Isle sonnante, et demeurée complètement ignorée jusqu'alors. La nouvelle fit sensation Une enquête s'ouvrit l'article de M. H. Stein (Le Biblio~f(!~e moderne, juin 1901~ et surtout celui de M. A. Lefranc (Revue des Etudes rabelaisiennes, 1903) démontrèrent qu'il s'agissait d'une publication apocryphe tout à fait étrangère à Rabelais, simple démarquage d'une traduction française publiée en r~zo de la Nef des /o~ de Sébastien Brandt, et des Regnays traversant les t;oyM ~fftK<'M~es des folles fiances du monde de Jean Bouchet. Le petit volume perdait ainsi toute valeur littéraire, mais n'en demeurait pas moins fort curieux.

Offert tout d'abord pour une somme énorme par son possesseur, il dos:endit au taux de 10.000 m!<. (Lud. Rosenthal, cat. iiï, n° 1465) sans trouver d'acquéreur à ce prix. Le 17 mai 1912, M. Rosenthal voulut tenter la chance de l'hôtel Drouot (Catalogue des livrcs anciens ~OM')MK? bibliothèque de M. y. M'" [Lud. Rosenthal], P., 1912, n" 116); mis sur <ablo à 2000 fr., poussé mollement par M. Rahir,le pseudo-Rabelais restait pour compte au vendeur à 3 708 fr. et reprenait le chemin de Munich. L. L.

« Le Mysopotème » d'Antoine Du Verdier. 1568. Le premier ouvrage que cite Du Verdier, dans l'article de sa MMthèque qu'il consacre à lui même, est le MyM~o/~f, poème en vers héroïques, imprimé à Paris, in-.t°, par Denis Du Pré, 1~68. Ce petit po:'me est fort rare; M. le Chanoine Reure, quand il publia ses recherches sur Du Verdier' n'en avait pu trouver le texte; il eut depu:s la bonne fortune de pouvoir acquérir un exemplaire de i.B(H)ogfs~~< Antoine Du Verdier, extrait de la Revue du ~o;t)M! juillet 1897. P., Picard, 1897, in-8°, p. !'2.


l'édition de Du Pré'. 1. Nous croyons utile d'en signaler deux autns exemplaires, appartenant à deux éditions diSérentes, réunis dans un même volume à la Bibliothèque de l'Arsenal.

Le Il Mysopoleme M Ov il Bref DiTcours contre la guerre, j! pour le retour de la paix Il en France. )) A Monseignevr Messire Il Guillaume de Gadaigne Cheualier de l'ordre du Roy, Capitaine de cinquante homes d'armes, Senefcbal de Lion, Baron de Lunel, Seigneur de Sainét Il Vidor, Verdun, Bouthion, Barmont. &c. )! Par Antoine Dv Verdier M Gentilhomme de la prouince Lyonnoife, homme d'armes de la compaign ie dudit feigneur. Il (M~~M~t~M~.MOy~g.) A Paris, Il Par Denis du Pré Imprimeur, demeurant en la rue des Amandiers, à l'enfeigne de la Vérité, jj jj 1568 Il.

In-°, 8 ff. ch., sign. A, B~ car. italiques. Au v du titre, la dédicace, en prose, datée de Paris, 15 avril 1568; aux ff. 2 r* à 7 V, texte du poème, terminé par l'anagramme de l'auteur Tard ~MMf'f de voir, et un vers latin au f. 8 ro Sonnet. j) (On ne peults parvenir au supreme bonheur.), terminé par un autre vers latin; le f. 8 est blanc au V. ARSENAL, Hist., 572'4'' (l" pièce).

Le Mysopoleme Il Ov Bref Discovrs Contre La Gverre !j Derniere. jj Il Par Antoine Dv Verdier !) Gentilhomme de la prouince Lyonnoife. !) [(Marque, Z?aM~e~, 72.) jj A Lyon, Par Benoist Rigavd. 1~68. )) Avec Permission. Il

In-°, 15 pp., i p. n. ch., sign. A, B' car. italiques. Lc v" du titre est blanc, le poème occupe les pp. 3 à 15, et le sonnet la page non chiffrée; mêmes anagramme et vers; la préface à Guillaume de Gadaigne n'a pas été reproduite dans cette édition. ARSENAL, Hist., 5723- (2' pièce).

Cette seconde édition, qui n'est citée ni par Baudrier, ni par Du Verdier lui-même, a été imprimée en même temps que le second poème de Du Verdier sur le même sujet Antithèses de la ~fM;f de la ~Me~ Lyon, Benoist Rigaud, 1.568, dont le permis d'imprimer, daté du 4 août 1568, est accordé à Benoist Rigaud pour les~M<M, le Myso~o/~M~, et un troisième ouvrage2.

PH. R.

t. Un /"M)H!: d'Antoine D)( Ff~ retrouvé. extrait du Bullet. de la 0!S)M, t. XV. Montbrisun, 1909, in-S".

2. Baudrier, t. III, pp. 25~-253.


Recueil de plusieurs plaisantes nouvelles. !578 & 1596. RECVEIL DE PLVSIEVRS PLAISANTES NOVVELLES, Anvers, H. Heyndricx, 1578 (v. f<~oa'.). [-4 la fin :] Typis Radaei. ln-8", 3 ff. n. ch., 165 pp. et 4 B. n. ch.; sign. A-K par 8, L 'par 10; rS fig., y compris ceUc du titre. Privilège pour dix ans accordé à Henry Heyndricx les 8 et 20 mai 1:76; à la fin, licence ecclésiastique. [BtBL. PART.] Deux seuls exemplaires de ce livre sont actuellement connus: ]e premier, celui de Nodier (cat. 1844, n" 821), passa en vente pour la dernière fois avec la bibliothèque Guyot de Villeneuve (cat. 1900~ n" 995) et fut acheté par le libraire anglais Pearson le second, celui de Monmerqué (cat. 1851. n" 1491) fait aujourd'hui partie de mon cabinet.

Ce recueil comprend cent cinquante-six contes, bons mots et facéties de toutes sortes, recueillis de tous côtés; dans sa dédicace datée du 15 octobre 1577 à Jacques de la Faille le jeune, « Port'enseigne de la vaillante compagnie des enfans d'Anvers Antoine Tiron déclare qu'il a « depuis quelques moys en-ça translaté et faict Françoys un livret contenant plusieurs joyeux comptes, tours, facéties, rusès et plaisantes rencontres ».

Dix-sept jolies figures gravées spécialement illustrent cette édition et lui ajoutent un intérêt particulier. Une autre figure, la dixième, n'est pas originale et ne fut pas conservée dans l'édition de 1595. la troisième de ce recueil, en tenant compte de la mention du Verzeichnis ~f /~MtSstS6/MM ~f~Mf de la bibliothèque de Wolfenbuttel (n°48t8) qui indique une autre impression faite à Anvers dès 1593 par Martin Huyssens.

RECVEIL DE PLVSIEVRS PLAISANTES NOUVELLES, APOPHTEGMES, i) ET RECREATIONS j) DIVERSES. ]j Faici en François, M. ~M<AotM< 'TyfOM; ~f) Le tout nouuellement mis en lumière, pour la jj récréation & pâtre-temps de chafcun Il [/~M~.] A ANVERS, Chez Martin Huyf~i'ens, à la partie Septen-~trionale de l'Eglise noftre Da-re, au !) Lion d'Or. 1596. Il Auec grace e~- P~tM~c~, ~Mf~t~ ans. [.-i la fin :] Typis Anthonij de Ballo.

Io-i2, 91 ff. ch. et 5 S. n. ch. pour la table; sign. A-H par 12; 20 fig., y compris celle du titre. Privilège pour six ans accordé à Martin Huyssens, l'an 1990. [AMENAL, B-L. 20044-8°].

Cette édition, de plus petit format, comprend également cent cin quante-six nouvelles, dont cent quarante-six figurent dans le recueil original; dix nouvelles de 1578 les nos 15, 19, 70, 89, 104, 124,


RtCVttJ. DZ PtVSIEVRt PLAISANTES NOVVELLES,

APOPHTEGMES, ET RECREATIONS

DIVEKSN!.

A ANVERS,

Chez Henry Heyndncx, au Cetninerre noftre Dam~à la fleur de Li s.

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a~Mf ~r<~ Tr~r «M.

~Ot< ~'<fWtO)~p<M( (~H*. 8~MÏCttt)* ~!p).ftp. Z.f~<M 7\?<'«~~M~'MMfM/«~~rf,~c4r Lt ~ffrM~M~~

de C~CMM<


126; 129, i~o et 1~2 sont rempla'ées par d'autres âne dotes. la dit-neuvième et les neuf dernières. La dédhace à Jacques de La Faille n'est pas reproduite. Sur les dix-huit ilguresde l'édition originale, dix-~eptse retrouve.nt ici, assez fatiguées; les trois dernières sont inéditei.

L. L.

Un recueil de la B!bt. de l'Arsenal (Hist. 76'8"). Les six pièces que nous décru'ons ici sont réunies en un recueil de la Bibliothèque de l'Arsenal (Hist., 76 Ms-8"); la première, imprimée à Paris par Fédéric 1"' Morel, a échappé aux recherches de M. Joseph Dumoulin; les cinq autres, publiées à Lyon par Benoist Rigaud, ont échappé à celles de Baudrier.

i. –Bref Discovrs Des Choses Pivs neceiTaires & dignes d'eftre )~ entendues en la Coi-j~mographie. U A Paris, Il De l'imprimerie de Federic Morel, rue S. lan de Beauuais, Il au franc Meurier. 1559' Avec Privilege. Il

In-8' 38 ff. ch., i f. n. ch., sign. A-ES; car.rom. –Vdu titre blanc; fi. 2 à 7: Av Treschrestien Et 7'fM~!)MsaHt Roy () de France Henry .ff. de ce MOM, )~ G. de Terraube, Abbé de Boillas, fon )j ~<ïytM&!<- ~MfKO/xM~, defire felicité. )) (Paris, z6 janvier 1558, 1~9 n. st.) le Discours occupe les ff. 8 à 38; le f. ti. ch. de la fin contient au r* l'extrait du privilège accordé pour 6 ans à Fed. Morel le 23 mai 1539, il est Mine au V. Un exemplaire a passé à la vente Michel Chasle (Catal. 1881, n° 638) Du Verdier le cite sous la date de 1538 M. Dumoulin indique trois éditions chez Fed. Morel en 1566, 1568 et 1575. 2. Trois j~ Dialogves Il De M. Pierre Il Messie, Tovchant La Natvre ~j du Soleil, de la Terre, & de toute les chofes qui fe font & appa-[jroiflent en l'air. Les Argumens d'iceux font en la page fuy-~uante, & y a quotation és marges, des matieres principales. ~j (.'M'a~Me, Baudrier na 20.) A Lyon, Par Benoist Rigavd. Il Il M.D.XCIII. Il

In-8., 32 ff. ch., sign. A-D~; car. rom.; manchettes. Au v du titre Les Argulnenls ~s trois )) Dialogues. )) ff. 2 et 3 A Tres-Illvstre Et )j 7'Vertvevse D<!Wf )) a.Ma)Kf Marguerite de Sa!tt-~Ms, A~ia~e )) Tf~M~s, )( signé M.D. C. (Paris, 22 février 1566) au dernier f. r", bas Imprimé par laques Rot(//t'M à Lyon. U V blanc.

La dédicace nous apprend que cette traduction, faite sur la version italienne de ~M! Dialogos de Pierre Mexia, est due à une grande dame qui ne veut pas divulguer son nom mais qui donne ses initiales. On ne peut se défendre de rapprocher ces trois, iettres, M. D. C., du nom de Marguerite de Carle, scear de l'évoque de Riez et veuve d'Ëtienne de La Bùëtie, quand on constate que ce petit livret, déjà imprimé à Paris par Fed. Morel en 1566, a été par lui réim-


primé en iS~i en même temps que les deux ouv: ages posthumes de La Boëtie publiés par Montaigne, La AffSfMg~f de Xénophon et les Vers français qui sont dédiésàMarguerite de Carle.

3. Perpetvelle Il Pronostication, ]j Fort vt'.Ie & profitable !j à toutes gens. X~ Il Inuentee par les bons Peres anciens, pour le temps prefent & aduenir. Auec vn tres-neceffaire regime pour toutes perfonne- )) (Figure.) M A Lyon, Par Benoist Rigavd. Auec penniu'ion. )) s. d.

In-S", 8 ff. n. ch., sign. A-B< car.rom. Le texte débute au v du titre; à la fin 7j':)!<M. ~) au dernier f. v°, figure. Baudrier cite deux autres Mitions, également sans date, données par Benoist Rigaud (t. III, pp. 192 et 193). Les M Songes De Daniel Le Pro-Mphete. trj.n(latez de laltn en M françois. )t Nouuellement Imprimez (Ma~K~, réplique ~M M" 32 de Baudrier, sans cadre.) j~ A Lyon, j) Par Benoist Rigavd. )) 1572.)) II

In-8', 4 ff. n ch., sign. A* car rom le texte débute au v* du titre. On en connaît plusieurs éditions sans date, Paris, Jean Trepperel; Paris, GKt'HttM~x' A''yp<etc.

–La )) Prophetie Il Et Revelation du bon rrophete EMras, que Dieu luy re-~ueia pour fçauoir congnoiftre les an-U nées qui font fertilles & en )~ grand habondance de biens. Il (Figure, David en ~n~s.) M A Lyon, Par Benoist Rigavd. Auec p.~rmifsion. [1 s. d.

In-8°, 4 S. n. ch., sign. A4 car. rom.; v° du titre blanc. Baudrier (II, p. 149) cite une édition sans lieu ni date, attribuée par M. Picot (cat. Rothschild, n° 20~) à Louis Lanchart, de Lyon.

6. Les i) lovrs Hevrevx, Et Perillevx De II L'Annee Revelez )) Par L'Ange U au bon faind lob. !) X~X it (Figure, /'eM/aM<y~SMs tenant une ~/t~.) M A Lyon, !i Par Bonsift Rigaud. Il s. d.

In-S', 4 ff. n. ch. sign, A*; car. rom. Le texte débute au v~ du titre; à la fin, Balade .4 Tovs ~j jE's<a~. )) (Gens malheureux qui engagez vos terres.).- Baudrier (11, p. 62) cite une édition donnée par Jean Holier, de Lyon, en 1575- et (II, p. 150) une autre édition sans lieu ni date, attribuée par M. Picot ('jat. Rothschild, ne 208) à Louis Lanchart, de Lyon.) ,1 PH.R.


VARIÉTÉS

A propos d'Hélisenne de Crenne « GueneHc » et « Quezinstra ».

Notre ami Louis Loviot termine son très intéressant article sur Hélisenne de Crenne 1 par les observations suivantes « Des indications aussi succinctes ne sauraient suffire pour un auteur de l'importance d'Hélisenne de Crenne. Il faudrait connaître Guenelic et Quezinstra, anagrammes probables. C'est à un érudit de Picardie qu'il appartient maintenant de poursuivre ces recherches, de les compléter au mieux et sans doute aussi de rééditer les Angoysses pour mettre tout à fait en lumière, à la place qui lui est due, l'ancêtre des Staël et des George Sand. »

Picard je puis répondre au moins au premier de'ses vœux, en proposant la solution, qui me paraît certaine, des deux anagrammes. J'ai établi cette solution, en tenant compte des procédés dont Dame Hélisenne use pour modifier les noms propres qu'elle cite. Ses anagrammes sont toujours peu compliquées, et les déformations volontaires qu'elle impose aux noms de lieux, par exemple, assez aisées à éclaicir. Guendic, me paraît donner, selon toute évidence GUECELIN, c'est-à-dire GuESLiN, nom qui se rencontre fréquemment, et qui comporte beaucoup de variantes, suivant les pays Geslin, Guislain, Guillain, etc.

Quezinstra doit être résolu, à mon avis, par le nom QuEziNSART. Le nom Quezin ou Qué.ein est encore fréquent dans la région picarde de Roye-Peronne, qui -confine justement à celle où se déroulent les événements. Les noms avec la terminaison sa~, défrichement (et même par extension, culture), se rencontrent en Picardie, comme un peu partout. J'ai connu dans notre région des Gaudissart (nom immortalisé par Balzac), et bien d'autres noms d'une formation analogue. Chacun peut en retrouver, de même, dans ses souvenirs. Il n'y a qu'à examiner ce nom de Quezinstra pour apercevoir tout de

i. Cf. Revue des livres anciens, t, II, p. 137-1~


suite qu'il renferme une partie non modifiée Q«;tM, et que la terminaison s~a offre une anagramme très simple, que la plus rapide réflexion suffit à deviner. Je considère ces deux solutions comme acquises, et j'espère qu'elles permettront aux érudits picards, qui sont restés dans notre chère province tant éprouvée depuis deux ans de faire des recherches utiles sur ces deux personnages, héros du roman, si curieux et si original, de la charmante Hélisenne de Crenne.

ABEL LEFRANC

Une chanson sur la langue française. (Fin du XV!'siècle.) C'est un simple placard, imprimé à quatre colonnes, qui nous conserve cette curieuse ode en faveur de la langue française. Il ne porte aucune date, mais le style, le timbre indiqué, l'impression elle-même, montrent que la pièce n'est pas antérieure à l'année 1~80 et qu'elle se rattache à la campagne poursuivie par Henri EstienneCette feuille, de conservation médiocre, est rongée dans le bas trois colonnes restent incomplètes d'une strophe au moins. ODE DEDIEE AV PEVPLE FRANÇOIS

AMATEVR DE SA LANGVE, POVR L'EXCITER TANT PLVS A I-'ESTVDE ET ORnement d'icelle. Par vn docte Poete François, Et le chante, fur le chant, Beneift foit l'œil brun de Madame, &c.

Combien que ma plume estrive, Et ne permet que j'écrive,

Ny en prose ny en vers,

Cognoissant bien que ma Muse Me tient, m'arreste & m'amuse De voiler par l'univers.

Bien que le siècle où nous sommes Produise tant doctes hommes, Et tant d'excellens esprits,

Dont l'ingénieux ouvrage

Abastardit mon courage

De faire voir mes escrits.

Si n'ay-je (ô François) sceu faire Que je me peusse distraire

De t'escrire en cest endroict,

Imitant l'aille debille

De l'oiselet peu abile,

Qui son vol trop tost prendroit. S'il est bon que la nature

Incite la creature,

Aymer sa nativité,

Pourquoy fault-il donc qu'elle erre Par mainte estrangere terre, Mainte province & cité?

S'il est bon que l'on s'applique Au los de la Republique

A nostre langue augmenter Que sert sur la Grecque attique Et sur la Romaine antique

Si long temps se tourmenter ? L'homme bien en vain s'afolle De voir l'un et l'autre Pole, L'Inde fertille en tous biens, Si toute sa peine dure,

Tous les travaulx qu'il endure N'est pour le profit des siens. Celuy est fol qui s'efforce

D'oster la plus dure écorce, Du Grec, du Latin aussi,

De toute langue estrangere,

S'il n'a volonté entiere

D'enrichir la sienne aussi.


Si le grand Academique,

Si le pere Patetique,

Zenon, & tant d'autres Grecs, En leur langue naturelle,

Comme estans amateurs d'elle Ont escrit tant de secrets

Si Ciceron, si Saluste,

Pourqùoy difererons ores

Cherissant la nostre encores

Ces doctes gens imiter?

Serons-nous donc si barbares Que ces richesses tant rares

Nous dedaignons accepter?

Bien vraye fut la parole

Qui partout ce vague vole,

Et croy qu'elle vient des cieux, Laquelle nous faict cognoistre Rien nuisible à l'homme n'estre Que l'homme pernicieux.

Bien est de soy peu courtoise Nostre nation Françoise,

Que dy-je la nation?

Mais un tas de sourcis graves Qui pour se monstrer plus braves Hayent la perfection.

Bien est plein d'ingratitude

Cil qui met tout.son estude

A nostre langue blasmer,

Et en autre s'estudie

A celle fin qu'on luy die

Qu'il porte l'eau dans la mer. Bien facheux sont ces Satyres Mais encor ceux-la sont pires, Qui (se voulant tourmenter)

Les doctes osent reprendre

Que pour vertu nous apprendre Se mettent à translater.

Si la Langue Castillane

N'eust les beautez d'Oriane,

D'Amadis les nobles faits

Retenuz pour estre aornée,

Et que d'un mont Pyrenée

N'eussent passé les hauts faits Si tant-de doctes Poetes

Orateurs, & Interpretes,

Desquels les oeuvres tu vois,

N'eussent traduict les histoires De maintes estranges terres, En beau vulgaire François

Ou seroît ceste Faconde

Qu'autre langue ne seconde,

Soit en doux et hautain stil

Soit aux plus fieres alarmes,

Ou soit au repos des armes,

Qu'on parle d'honneste-util?

0 folle, o trop obstinée

Trouppe sourcilleuse née

Des Geans audacieux,

Qui pense eslever encore

Dessus le rivage more

Une tour jusques aux cieux!

0 Innocence aveuglée

Comme es-tu tant desreiglée,

Et hors de toy que d'oser,

Dire estre mauvais à l'homme

Cela que vertu on nomme,

En nostre langue exposer? ¡-

Le docteur de l'escriture

S'il veult à la creature,

Enseigner la loy de Dieu,

En quelle langue sera-ce,

Qui luy fera ceste grace,

En Grec, Latin, ou Hebreu?

Le docte Jurisconsulte

Quand il plaide, ou qu'il consulte, Pour rendre un droit esclarcy, Met-il sa langue en arriere

Pour aller donner carriere,

Au Grec, au Latin aussi?

Le Colomnel d'une armée

S'il la veult rendre animée,

A prendre picques et dards,

Se sert-il d'autre langage

Que de son propre ramage

Pour animer ses soldats?

C'est une chose admirable

De voir si long temps durable, Tant perverse opinion,

D'un tas d'hommes pleins d'envie Qui veullent finir leur vie

En ceste confusion.

C'est chose trop ridicule

A celuy-la qui recule,

De rendre un parler parfaict,

Et en maint et maint langage

De la plus grand part de l'aage Perte miserable faict.

L'homme est par trop fol en somme Qui vingt ou trente ans consomme En ces langues. 0 quel mal!

Pleust-il a Dieu qu'entendue


Feust une langue espandue

Parmy ce terrestre val.

Nos trop soudaines années

Seroient alors adonnées

A la science acquester,

Non pas en un vain langage

Ainsi qu'un oyseau en cage

Qui aprend à quaqueter.

Sus donc, François, que soit faicte Nostre langue plus parfaicte

Je te pry, par ton moyen

Fay cognoistre à nostre France Que tu chasses l'ignorance

Comme son bon citoyen.

Declare luy toute histoire

Fay luy accroistre sa gloire,

Son langage polisant,

Donne luy bien à cognoistre

Que tu ne le lairras estre

Comme jadis languissant.

Fay que sa plume qui tonne

De son succré stil estonne

Le superbe Castillan,

Comme la fraze allechante

Qui de Roland l'amour chante

Estonna l'Italien.

Les faveurs dont les Sœurs usent

Envers toy, point ne t'excusent,

De presenter à nos yeulx,

Ce que la langue Hasbraique

Et la Grecque, et l'Italique

Racontoit à nos ayeulx.

FIN.

La chanson qui sert de timbre est de Claude de Pontoux elle figure dans ses CËMt~M (Lyon, B. Rigaud, 1579. in-i6, p. 178) sous le titre Chanson imitée de Petrarque; le premier vers se lit Beneist soit ~t~ noir de ma dame. M. Émile Picot a bien voulu m'indiquer qu'on la trouve reproduite, avec cette leçon originale, dans le NouMMM~cM~M~M~c~MMMS, P., N. Bonfons, 1597, in-i2,p. i; dans La Fleur des chansons amoureuses, Rouen, A. de Launay, I6oo, in-i2 (réimpr., p. 34) et dans Le tresor et recueil des chansons amoureuses et recreatives, Rouen, Robert Valentin, s. d., in-i2, p. 372. La mélodie est notée dans le Recueil de Chardavoine, éd. de 1588, n° i. La variante Beneist soit J"~ brun de ma dame. se lit dans le Nouveau recueil (Lyon, B. Rigaud, v. 1580), in-i6, f. r9 [= 17] et dans le Cabinet ou trezor des nouvelles chansons, P., Godefroy de Billy, 1602, in-i2, p. 160.

On chantait sur le même air La ~e n'agueres glacee. pièce qui est de Desportes, et Quand Gabriel prit la volee. (Toussaint Le Roy, Noëls, éd. de i6o5, f. Dii], éd. de 1664, p. 30, avec mélodie.)

Les livres aux armes de Morant du MesnH.Qarnier. On voit passer en vente quelquefois, et les biblioth&ques et collections de Normandie conservent en assez grand nombre des livres des XVIe, xvi!' et xvnr siècles, timbrés sur les plats soit (les armes


simples de Morant du Mesnil-Garnierl ~'a~ aux trois cormorans d'argent posés deux t< un, soit des armes de Morant écartelées de celles de Jeanne Cauchon de Treslon, première femme de Thomas II Morant,-qui portait: de gueules ~M ~~OM d'or ailé d'argent2. Tous ces livres proviennent de la fondation faite, le 6 juin 1620, par Thomas 11 en faveur des Jésuites de Caen, alors établis au Collège du Mont. Voici le texte de cette fondation, d'après copie authentique. conservée aujourd'hui aux Archives du Calvados (D. Jésuites non coté)

A tous ceux qui ces lettres verront, messire Thomas Mo~M~, baron dit MeSMt~-Ga~te~, conseiller du roy en ses Conseils d'Estat et Privé, thresorier de son Espargne et garde hérédital des sceaux des obligations de la vicomté de Cat~M, salut. Sçavoir faisons que, ~af devant Mathieu de la Londe et ~:ft'cAe~ Le Sueur, son adjoint, tabellions royaux aM~ Ca~K, /t~ présent ledit messire Thomas A~O~M<, lequel, pour l'affection ~M' porte aux Pères de la Compagnie de Jésus et à l'avancement de la Religion Apostolique, à quoy sert de beaucoup l'instruction de la jeunesse en piété et en bonnes lettres et ~ae~M< d'ailleurs que la distribution des certains prix que lesdits Pères font i!0!M les ans aux écoliers, lesquels ont fait plus de ~<. les encourage grandement à mieux s'employer d l'étude, a par ce présent fait don au Collège Royal de laditte Cow~«g'K:e en cette ville de CaeM, représenté par Père Jean Chastelier, recteur dudit Collège, ce acceptant, de la somme de quinze cent livres, qui luy a été présentement compté et MOM&~ par le dit sieur, devant lesdits Tabellions, en pièce de seize sous, de laquelle somme ledit Père Recteur en ~)M~/oyf~! cent livres ~OM~'<MÂ~ des livres qui seront distribués pour les prix aux écoliers dudit Collège au mois d'aoust prochain et les quatorze cent livres restant seront par eux employées en la ~~SeMCS dudit sieur du Mesnil ou ~MOMMC ~OM~ /My en constitution de rentes en bonne et suffisante assiette /HS~M'~ la SOMM~ cent livres /)a~ an, et dont le ~t!C~tM< ne pourra ~S~ fait gM'eM présence dudit sieur ou ~eMOKKC ~OM~ /MyNM~ /ÏMS de remplacement, lesquelles cent livres de rente seront employées par chacun an ~M~C et tant que laditte rente durera, pour la distribution de ses prix et acA~< livres, lesquels seront marqués des armes dudit sieur, et, en cas que, pour contagion, ~M~~M ou autre accident seMt&~&e, il advint ~MC Collège fust fermé, ledit sieur entend et t'eM< que, pour ce temps-là, laditte rente soit employée au pro fit dudit Collège, i. Sur cette famille, qui occupa une place notable dans l'histoire nobiliaire normande, cf. notamment A. Bruas Les de Mo~M<, barons et wa~to's du Mesnil-Garnier. Angers, imp. Lachèse et Dolbeau, 1892, in-8°.

Cf. J. Gjigard Nouvel armorial du bibliophile, t. II, pp. 3~1 et 372.


sans obligation ~H. rendre compte ~OMMt. De ~~MS, s'il afi!MO!< que l'on ne ~~< si justement employer /OM~ laditte somme de cent livres en l'achapt desdits livres pour lesdits prix, il veut que le SMf~MS soit réservé pour les prix de l'an SMt!'aM< ou ~K/~oy~ pour l'embellissement et orneMMM< des classes au pro fit des écoliers ou pour les frais, s'il convenoit en faire ~M~~MM-MKS, pour le retrait de laditte rente, en faveur 0'' laquelle donation et le jour de la distribution desdits livres ou le jour précédent, les écoliers ~M~< Collège seront conviés par le Recteur et leurs précepteurs de se souvenir en leurs prières dudit sieur du Aft'SM~. A quoy faire et ce que dit est <fMWeM< accompli, ledit Père Recteur pour luy et ses successeurs s'ob'ige à toute charge et rati fication que besoin sera et hypotéque tous les biens et revenus dudit Collège. TTH témoin de ce ces lettres sont scellées dudit scel, ïaOM/ aM~My droit. Ce fut fait et passé audit Ca~M le samedy avant midy sixiesme jour de juin mil six cent vingt, presents noble homme Louis de La Cour, sieur du lieu, secrétaire de la R~tHC, et Thomas A~OM~, écuyer, sieur de Gaysalle, fece~t-Mr général des ~Ct?M~S à Ca~M, témoins, qui ont, a!'<C lesdittes parties et tabellions, signé à la minutte de ce présent, notifié le /a!f6 controller suivant l'édit. Signés Delatorde et Lesueur avec paraphe, controllé et scellé le cinq aoust mil six cens cinquante un. Dix mots biffés Mt<~ en la présente copie.

Collationné par nous notaires royaux à Ca~M SOMMt~H~ sur l'original en parchemin à nous représenté par le R. P. Le 5aM~«e~, ~OCMdudit Collège, et ~My MM«'; et laissé dans le chartrier dzidit Collège ce seize octobre ntil sept 6~KS soixante un, et a signé après lecture. JOSEPH LOUIS LE SANC~UER, ~~OCM~M~ du Collège.

BENARD.

LE DANOIS.

Collationné CafM vingt-sept octobre J7~.r. Receu six sols trois deniers.

LEVASSEUR.

La fondation de Thomas II Murant survécut aux Jésuites expulsés et, jusqu'à la Révolution, continua d'être acquittée C'est ainsi que nous avons eu entre les mains un exemplaire, timoré aux trois cormorans, de .L'lM~MC~cc du cardinal de Polignac, traduction deBougainville (Bruxelles, Foppens, 1772, in-n). décerné, en 1774, comme prix de discours latin, à Pierre de Gournay, avec attestation de L.-F. Le Manissier, professeur au Collège du Mont.


L'tVMCf.'ee est un livre édifiant que l'on n'est pas surpris de

voir donner à des écoliers. Il n'en va pas tout à fait de même d'un recueil des poésies de Saint-Amant que nous a libéralement remis M. DecauviIIe-Lachènée, conservateur honoraire de la Bibliothèque de Caen, et que les P. Jésuites attribuèrent comme prix de version grecque au jeune Jacques Hue de Prébois~, en 17612. Ce livre de prix, relié cn veau, a-ec, sur les plats, l'écusson rond aux trois cormorans, sommé d'une couronne de marquis et ceint des colliers de Saint- Michel et du Saint-Esprit, contient les première, deuxième et troisième partie des Œuvres de Saint-Amant

Les ]] CEVVRES DV SIEVR DE SAINT-AMANT. PRHMIÈRË

PARTIE. A Paris. Chez TovsSAINCT QviNET, au Palais, dans la petite Salle, sous la montée de la Cour des Aydes. MDCLI. Avec C PRIVILÈGE DU RoY.jjIn-~°, i R. n. ch. 328 pp. Le privilège (f. 10 n. ch.) est du 22 octobre 1640. On lit après Achevé d'imprimer à Paris le 2 Avril j-C~ Les deux pièces suivantes: Cs/))'<cc DC et ~ts~e M'' le Duc d'Orléans sur Graviline, portées à la Table des ft'~ce~ contenues fM cet Oeuûre (f. il n. ch. r") aux pages 328 et 333, sont, en fait, paginées à part le CAPRICE (Cher enfant de Venus et du Dieu de la grappe.) a 6 pages. L'EpisTRE HEROï-coMiovE j) A MONSEIGNEUR Il LE Dvc D'ORLEANS )j Lors que son Altesse Royalle estoit au Siege de Grauelines. A Paris, Chez TovssAiNT QviNET/'au Palais, sous Il la montée de la Cour des Aydes. Il MDCXXXXIIII. ~j compte 22 pages et le f. n. ch. du privilège (i~ septembre 16~).

LES ){ OEVVRES ~) DV SIEVR [) DE ~j SAINT-AMANT. Il SECONDE

PARTIE. Paris, Toussaint Quinet, 16~3, in-°, 6 f. n. ch. 1~.0 pp. Le privilège (f. 3 n. ch. v et r°) est du 27 mars 1643, l'achevé d'imprimer pour la première fois du 2~ avril 16~3.

LES OEVVRES jj DV SIEVR DE ~) St AMANT. )) TROISIESME PARTIE, jj

i. Baptisé à Saint-Pierre de Caen, le 17 avril i~s, greffier en chef du Bureau

des finances de Mtte ville en 1774.

s. Voici l'extrait de palmarès collé en marge du faux titre

Ego ttt/f~ Scriplus in Regio Borbonio SocM~ah's /<'sK Collegio C<~<&~tM<~ Aca~M<~ Ca&Mf~s S<Hf<:o~MM .P~/fe~M; testor ;Kg<'Mtt«;K adolescentem Jacobum Hue de Prebois primum solutae orationis grœcae Pf~MitfM, ffMfi'~t'Mt'tKo~MM aestiKttt~MHt judicio Mtf)'<<«m <t~M< ex K~n~Va/e et )M«M//?ffn~'<t D. D..M'oM<t<t, Baronis du AfMK!7-Ga/H!'< ~.fM~~MM C(t~O)M~MSt«)M t)t i'0~)H Collegio ~4gOXO</t~<B ~f~<Mt, !MMMO OHtfttffM ordinum COtCMfSM et plausu in ~MHt'CO </MS~;)t Collegii r/!<S<<'OCOMSCC<~H:M fuisse die 3' mOMM Augusti, anno Doinini 176l, t~teK/KS rei /t~M /MC ei <M~)tOWMM Societatis MOS< sigillo munitum )KaKM med subscripsi.

J. B. Lannoy /ï.


Paris, Toussaint Quinet, 1649, in-4", 7 f. n. ch. 134 pp. i f. pour le privilège qui est du 29 avril 1649, l'achevé d'imprimer pour la première fois du 10 juillet 1649.

On sait que dans plusieurs pommes de Saint-Amant: la Vigne, Imprécation. certains mots libres, pris du reste parmi d'autres comme au hasard, sont écrits en lettres grecques. Le jeune hellénisant Jacques Hue de Prébois ne dut assurément pas s'en trouver empêché. D'autre part, ce choix des Œuvres de Saint-Amant comme livre de prix atteste chez les Jésuites de Caen en 1761 un goût poétique au moin! inattendu.

R. N. SAUVAGE.

Le Gf)at!< PAUL CHAPOKNIÊt~E.



INDEX

DU TOME DEUXIÈME

ADER (Guillaume) 205-207 ZcK catounet gascoun, Toulouse, Colomiès, 1607. 206 AGUESSEAU (Jean d'), trésorier de France. 104 AMELOT (A.), impr. a Port-Louis. 365 5 ~Ma''X!7a/M/:7<<<!?'a', Francfort, 1725. 2:5

AMOENUS. cf. AUMEN.

Amours de Z. C. (Les), t56l. !22 ANDRAS (Jean), seigneur de Changy. '97

ANGIER (Paul), de Carentan. 2 ANGOULEVENT. 136 mutrio que m~at~, devise. 181 A. 0., monogr. 32g n. APPREMONT (comte d'). 267 ARGENTREY (Pierre d'). 2.].2 ARNOULLET (Olivier), libr. à Lyon. 343

ARRIVABENE (Lodovico). 7 ~~< et marte, In utrumque paratus. devise. 207 ASSELIN (V.), impr. à Port-Louis. 36o n.

ASSOUCY (d'). 14 ASTRUCQ (le P.), missionnaire apostolique. 307 AUMEN (Gervais). 366-368 Hoildis, P.,Josse Badius [l522]. 367

~MM~aAKKeM/a', P., Josse Badius [i5i3]. 366 AUVRAY (Guillaume). 355 « (Jean). i2g, 35~-357 Les ~n~M. de l'écuelle, s. 1. n. d. 129 « (Pierre), chirurgien. 355 n. AVERDET (Madeleine). 124 BADtUS (Josse), impr. à Paris. l53, 366-368

BADIUS (Conrad), impr.â Pans. 158 BALARAN (Jeanne). 255 BALBY(comtessede). ii5 5 BALLEN (Jean de), conseiller du roi en la sénéchaussée de Ponthieu. 141 BALLO (Antoine de), impr. à Anvers. 372

BALZAC (Honoré de). 43-46 BARA(JërÔmede). 225-236 jN/~oK des Armoiries, Lyon, B. Vincent, i58f. 227 BARBATTE (de), bourbonnais. 207 BARBIN (Claude), libr. Paris. 272 BARDIN. 177 BARSONNET (Loys). 144 BASNAGE. 78 BAUDUYN (Benoît). !o3n. BAYLE (Pierre). 76-toq BAZIN (Gilles-Augustin). 318 BEAUFORT (Gauvain de). tëo « -CANILLAC (Jeanne de). 207 BEAULIEU (Eustorg de). 3 BEAUVAU (M°"de). !!3 BEDA (Noël). i53 BELINZANY. 269 BELLY (Claudine de). 169 BELON (Pierre). 248 n. BÉRAUD DE LA HAIE DE Riou (Charlotte-Jeanne), marquise de Montesson. 10-118 BÉRAULD (Nicolas). 36Q BERNARDIN (Hugues).. 3l2 a « (Pierre). 3t2 BÉROALD DE VERVILLE (François). 228, 235, 236

« (Mathieu). 235 BERTAUT, évêque de Sées. 33g BËSARD(Ma.rtinde). !5o,t5.3i: « (INicolas), libr. 3ii I BÈZE(Antoinede). 3t2 « (Denise de). 3t2 z

TOME M. 26


BÈZE (Théodore de). t5l, 158, 204, 23o,3l2.

BIBANT (Guillaume). l53 BILLAINE (Pierre), libr. à Paris. l35 BlLLON(Françoisde). 4,t38 BILLY (Godefroy de), libr. à Paris. 370

BINET (Claude). 333 BLESSEBOIS (Charles de). 285 < (Jacques de). 285 <(Mariede). 285 < (Philippe). 285 « (Paul). 284, 285 < (Paul-Alexis,dit CORNEILLE). 283310

BLONDEL (François). 26: BOIS-DAUPHIN (de). 128 BoissEMË (M"' de). 289 ~o:«.v(/<), surnom. !2g BOLLIOUD-MERMET (L.), secrétaire de l'Académie de l,yon. 213 BONFONS (Jean), libr. à Paris. t~o <(Nico)as),!d. 71, 379 BORDEAUX (Chrestien de). 14~. BOSQUECTI (Hieronymo), gentilhomme deBrescia. 2~6 BOUCHET (Jean). 4, 370 BOUFFLERS (de). l5Q <((M"'de). !!3 « (Jean de). :78,!8o BoUHtER (président). 75 n., 8l BOUJU (Jacqueline). 25: « (Michel), sieur de la Sorinière. 25t

BOULLET (J.). t8o BOURBON (Nicolas). 3 BouRDIGNÉ (Charles de). BOURDON, notaire à Sées. 2g! BOURGES (Claude de), général des finances-de Piémont. 3~8 « (Clémence de). 348 « (Louise de). 348-353 BOURGOGNE (Jean de). :8o BOURSETTE (Jacques). !32 BOUTONNE (Rolet), libr. à Paris. 232 BOUVELLES (Charles de). t55 Bouys (Guillaume de), imprimeur. 3ti

BOYSONN<(Jeande). 3 BRAGADINO (Antonio), alchimiste. 2:0 BRANDT (Sëbast!en). 370 BRASSART (Bonaventure), libr. à Cambrai. 237n.

BRÈMAND (Denis), parisien. tg5 BRETON (Richard), impr. à Paris. igg BREYEL (Lucas), libr. à Paris. y? BRICARD (Pierre). t8g n. BRIET (Daniel). i3g < (Jeanne). 14.! < (Marguerite). 13g-145 cf. CRENNE (Hélisenne de).

BRISSAC (comte de), maréchal de France. 253 BRITANNUS (Robert). 347 n. BRIZARD. !'5 5 BROUARD. 235 BRUGUIÈRE (de). 78 BRUMEN (Thomas), libr. à Paris, 238 n.

BUDÉ (Louis), archidiacre de Troyes. 366, 367

BUFFET (Nicolas), libr. à Paris. iS~, 157

BUREAU (Pierre), vigneron. 222 BUSSY-RABUTIN. !7 BUTTET (Marc-Claude de). 167, !68 C~ESARIS (Robert), impr. à Paris. 366 n.

CAILLER (Lancelot). 335 < (Raoul). 335 CAILOUET (Jean de), prêtre. 14~. CALLES (Pierre), libr. à Rouen. :3o CALONNE (Marguerite de). ;3g CALVARIN (Prigent), impr. à Paris. l57, l58, 2!t I

CALVIN. 2, 321, 32~-326 CARACCIOLI (marquis de). 320 CARLE (Marguerite de). 374 CARNÉ (François de), seigneur de Rosampoul. 25t I CASTELLA (le P.), toulousain. 237, 23g n.

CASTELMORON (marquis de). 25g CAUCHON DE TRESLON (Jeanne). 38o CAUDEL (François), maïeur d'Abbeville. 14! CAUVIN, libraire. 314. < (Françoise), dame d'Étechy. 1~.3 CAVALCABO (Girolamo). 253 Traité ou tKf/KC/<OH/)CM)' /:)'0' des armes, Rouen, CI. Le Villain, 16og. 253

CAVELLAT (Pierre), Impr. à Paris. '97. '99

CHAMPIER (Symphorien). 13~


CHANGY (Blaise de). 195-200 <(Jacquesde). to5 <:(Pierrede). ig5-20o CHARDAVOINE. 370 CHARETON (Romaine de). 3~8 CHARONDAS. 7 CHASTELIER (Jean), recteur du collège des Jésuites de Caen. 38o CHATEAUBRIAND. 33-35 CHAUDIÈRE (Claude), libr. à Paris. 157

« (Guillaume), id. i3~ K (Regnault), id. t5-7, 23~ n. CHENEBRAB. (Jean), moulinois. 207 « (Pierre). 207 CHEVALIER, notaire aSées. 291 « à la Guadeloupe. 31o o CHICANT (Guillaume), membre du Consistoire de Genève. 326 CHOLIÈRES (Jean Dagoneau, seigneur de). 3i3 3 CHOLLET (Françoise de). 302 CHOMARD (Claude). l58 CHRESTIEN (J.). 71 «(Jean-François). 358-365 Essais d'un ~o~~ <MM, Ile Maurice, G. Déroullède, t83i. 36: « (Jean-Nicolas). 35g CISTERNAY DU FAY. 70 CLAIRET (Hugues), i~ CLAPISSON (Charlotte). ig~. « (Pierre), échevin de Paris. 10~. CLOUET (François). 2:0 COCAGNE (comtesse de). cf. LESPINAY (Félicité de).

CŒSMES (Jeanne de), princesse de Conti. 280 n. COLBERT, marquis de Seignelay. 261, 3oi

COLIN (Nicolas), rémois. 275 COLINES (Simon de), impr. à Paris. 147, i5o, ;53-:57, 3n

COLLÉ. Il I COLLET (Claude). i3y COLOMB (Fernacd). 3~.3, 366 COLOMIÈS, impr. à Toulouse. 206,3~.3 COMBANUS (Georges). t5~. CONNIBERT (Alexandre). 156 CONSTANTIN (Antoine), libr. à Lyon. :g6

COQUEREL (Jean), libr. à Paris. 376 CORBIAC (Léonard de), prêtre. 242, 24.5,2.t.8

CORMIER (Marie). 3o8 CORNEILLE BLESSEBOtS. 283-3:0 COSSE (Philippe de), évêque de Coutances. 154. COTGRAVE (Randle). 1 I COTIN (André), étudiant. 34.5 CoTTlN(Ëtienne), laboureur. 920 « (Jean), prêtre. 220 « (Nicolas), vigneron. 220 COURCELLES (marquis de). ~qo COURIER (Paul-Louis). 36 COUSERAN (François de). 207 COUSIN (Jean). 2: g CRENNE (Hélisenne de). 137-14.5, 3~6 Les quatre ~<'M:<~ livres des Eneydes, P., Denis Janot, s. d. 13-; cf. BRIET (Marguerite).

Croy son /M, anagr. 12 3 CROZON (Loys). 122-12~. –Z~s/KaKM</< C., l56t. 1. :22 2 « (Robert). t23 n. CRUCHE (Pierre). 226 n. CujAs. 353 CYRANO DE BERGERAC. 14. DAGONEAU (Jean). 3:3 DALIZON (Catherine), dame des Moulins. 221 DALLINGTON. g Datcura y!<t'</< devise. ;yQ DAVID (Claudine). 3:4. « (Mathieu), libr. a Paris. 34.7 n. DAVY DU PERRON (Jacques). 333-341 Oraison funèbre sur /<< mort de Monsieur de Ronsard, P., F. Morel, i58G. 334 Id., autre édition. 336 s. 1. n. d. 337 7~ P., !6tt. 338 « (Julien). 335 DAYNVAL(J.),amienois. 170, 180 D. D., init. t-;Q DEBAUGES (François), libraire à Paris. 3;4-3:7

DEDUICT (Étiennette). 147 « (Isabelle). 14.8 DELESSAU. r8o DELORME. 316 DELPHUS (Egidius). 367 DËROULLÈDE (Gustave), impr. à PortLouis. 36o n., 362 DES CAURRES (Jean), principal du collège d'Amiens. 177 n., 180, t8j


DES GREZ (François), lieutenant du guet. 298 DES GuETS (Charles), sieur de Belleville. 285 DESLOGES (Gratien). 14~ DES MARAIS (Nicolas),impr. à Nantes. 127, 128.

DESMARETS (Jean). !5o DES MAZURES (Louis). 7 n. DES PORTES (Philippe). 334, 336,379 Des saines a~<c~M~, P., L'Angelier, 1584. ~75 DES SERPENTZ (Gabrielle). 207 DIDEROT.- ~9 DIDOT L'AINÉ, impr. à Paris. 14 .DMM/'a~o~KM, devise. 350 DIGOUART (R.). '79 DIOT (Étienne). 3 08 < (Marin), tailleur. 3o7 DOLET (Étienne). 3, l5! DORAT (Jean). 138, 219 DoRESMiEUX, notaire à Abbeville. IQ: DOR.MY, prieur. '80 DRAKE (Francis). 192 DROBET ~eorges), libraire à Paris. 178 n., 189

Du BELLAY (Joachim). 2, 7 n. Du Bois (François), dit Sylvius. 225, 226 n.

Du BoYS~Geoffroy). 144 Du BREnYL (Antoine), libr. à Paris. 276

DUCHER -(Gilbert). 3 DUCHESNE, libr. à Paris. 320 « notaire à la Guadeloupe. 3o7 DuCREST (marquise). 12 Du FAiL(Noël). 119-122, 3t2 2 Co< ~M~a/)< Rennes, !585. 3l2

.Dt'.ffOM~ ~KCKM/i~~M rustiques, P., Groulleau, 1547. !i9 Id., P., Groulleau, 1548. !2o Du FAUD (Jean), de Saint-Affrique. 3lo

DU FRESNE. 3:3 3 « (S.), amiénois. 179 Du GARD. 180 0 « (vicomte). !i2 DUGAST (Tacques)~ libr. à Paris. 355 n.

DuMETZ'(Antoine). '44 Du MONIN (Jean-Edouard) 170,183 n. DUMONT (Jacques), suisse. 31 I

DuMouLiN(Antoine). 33: « (Charles). 300-205 Apologie M. C4<:y~j du Moulin, Lyon, J. de Tournes, i563. 200 Du PERCHE (Louis), sieur de La Bretonnière. 200 DU PERRON.-cf. DAVY DU PERRON DU PETIT-VAL (Raphaël), libr. à Rouen. 7' DupONT (Charles). 3o2,3o5,3o7, 309 « (Hyacinthe). 3o5, 3o6, 3og « (Jean), major de la Guadeloupe. 3oi, 3og.

« (Marie). 3og DU PRÉ (Denis), libr. à Paris. 3~t « (Galliot), id. t33, t3~, iQ6,32on. DUPUY (les frères). t2 Du RËSEU (Marie). 296 Du RUEL (Jean). i54,'55 Du SAIX (Antoine). 368, 369 dl discipline, s. L, l532. 368

Du TRONCHET (Étienne). 3~.2 DUVAL (Marie). 289, 291 Du VERDIER (Antoine). 370 Mysopolèmt, P., Denis du Pré, i568. 371 Ta' Lyon, Benoît Rigaud, t568. 371

ELZEVIER (Daniel), capitaine. 29~) En vie, malgré envie, devise. 228 ÉPINAY (Adrien d'). 36o n. ÉRASME. 366 ~CM Franci (A l'), libr. à Paris. 2t2

ESKRICH (Pierre). 226 n., 23: ESTIENNE (Charles). 219 « (François). !55, l56, 3n I « (Henri). 377 « (Robert I"). 4, 58, 219 « (Robert III). 74 Les /<<M Sainct /'«~< P., Mamert Patisson, 595. 74 n. 7~ P., Rob. Estienne, 1606. 74 n.

ESTRÉES (Diane d'). 180 .S<~«< de cour (L'), Cologne, 1674. 314-317.

EXEA (André). 369 FABRI (Jean), ministre à Genève. 326 Face ~<y)!< de nos ea!K~, anagr. 207


FAISSART, notaire en la cour de Montoire. 22: I Faits merveilleux (Les), ensemble la vie a'H gentil Za?af< de 7'a~-M~, Lyon, J. Saugrain, !56o. 16-). FARET (Claude), guichetier. 296 ~a/a&'KMM, devise. 32g n. FAURE (Magdelon). 3og FAVERYE (François), impr. à Nantes. 127, t28

FERGON. 180 FERRANT (David), libr. à Rouen. 35~ FÉVRIER (Claude), rouennais. 126 FINE (Oronce). i55 FLANDRES (Charles de). !yg, 180 FLAUBERT (Gustave). 66-68 Fleuron ~'«K docte sçavoir, anagr. t~g FLEURY (Jacques), sieur du Matté. 2go

« (le P.). 3o4 FONTAINE (Charles). 33l, 3~0 FONTAINES (Nicolas de). !~o FONTENELLE. 20 FoNTENY (Jacques de). 20 FORTEVILLE (M. de). 268 FOURNET (Guillaume). 13g n. < (Philippe), seigneur de Cresne. 139-143

« (Pierre). 1~.3 FRAIN (Jean), tailleur. 222 FUMÉE (Antoine). 331 GABIANO (Jean de), libr. à Lyon. 232 GADAIGNE (Guillaume de). 37 I GAGUIN (Robert) l3z). 4 GAIGNY (Jean de). 2:g, 3tt GAILLARD. 355 GALIBERT. 268 GALLAND, principal du collège de Boncourt. 2t8, 333 GALONNIER. 26g GARBUSAT, juge à La Guadeloupe. 3o6

Garde a~<aK< ~/<!f/, anagr. 123 CARENCE (abbé de). 314 ¢ GARGAN (Jacques), prévôt de Doullens. 180 GARNIER (Jean), de Lavai. :67 GAULTIER (Julienne). 28~-287, 2gon. GAUTIER (Théophile). 57-62 GAUVAIN, huiss;er à la Guadeloupe. 3o6

GAZt, exempt. 293

G. B., init. t26 GELIOT (Louvan). 236 GENNES (Benjamin de). 3:0 GESSEHN(Jean),Iibr.aParis.!89,t92 GILLES (Nicole). i3~. G:NGUENÉ. 32 GiRARD (Samuel), libr. à Lyon. 232 GIRAUDET (Gabriel). 23y,2~).n. GIRAULT (Ambroise), libr. à Paris. l53

GLAMET (Noël), imprimeur imaginaire. 3l2

cf. RICHER (Jean).

G. L. H., init. ng Gusv (de), sieur de Ravenel. 180 GODEBERT. 177 GOT (Charles), lieutenant général. 289 GOURMONT (Gilles de), impr. à Paris. l34,!35

<(Jeande),id. 211 I GOURNAY (M'" de). 180,274 « (Pierre de). 38: z GRAMMONT (M"* de). II 3 GRANARIUS (Michel). tSy GRANDIN (Louis), impr. à Paris. t56 GRAND PÉROU (marquis du). -cf. DuPONT (Charles).

GREFEUILLE (Suzanne de). 256 GRÉTRY.' 2 GROMORS (Pierre), impr. à Paris. l5~ GROS DE BOZE (Charles). 3;8n. GROSSI (Renato), piémontais. 179 GROULLEAU (Étienne), libr. à Paris. !:9,33on.

GRYPHIUS (Sébastien), impr. à Lyon. !5:,36g.

GUEFFIER (François), garçon libraire. 3l5

GxfK~Ac, anagr. !-).o, 3~6 GUÉRIN (Nicole), prêtre. 221 GUILLAUME (Maître). ï3l –M<o~a<)M<~< t6t~ l3! GUILLERAGUES. 268 GUILLOIS (Mathurin), clerc de notaire. 221

GUYSE (Henri de 'Lorraine, duc de). 127

HAARING (Frederik), libr. à Leyde. 189 n.

HABERT (François). 4 HALLUIN (Jeanne 3e), demoiselle de Piennes. !73


HALLY (N. de). 268 HAYS (Jean). tSgn. HÈLE. H2 HEGUS (Jean). i53 HERMEZEL (Pierre), orfèvre à Paris. 284.

HERTE (de), trésorier général en Picardie. :8o Heur de labeur, devise. 228 HEYNDRICX (Henri), libr. à Anvers. 372.

HILAIRE DE SAINT-HÉRAN (Diane) 207

HINSELIN, gouverneur de la Guadeloupe. 3oi I ~M<0!f< (Z') ~/aMa~~< ~:f<<M~< du Lazare de 7o~MMj<~a~M/, P., t56i. :66

HOBON (Pierre). 288 HOHENDORF (baron d'). 80 HOLIER (Jean), impr. à Lyon. 3~5 HONORAT (Sébastien), libr. à Lyon. 164

HOROZCO(Sebastiande). i63 HOSDIER. 269 HOUEL (Nicolas). 219 HUBAULT (Jacques), libr. à Amiens. lo3

HUE DE PRÉBOIS (Jacques). 382 HUMMELBERG (Michel). 36~ n. HURE. 267 HURPIN (Marie). i~ HUYSSENS (Martin), libr. à Anvers. 372

Ixvidia virtutis comes, devise. 228 1SARN (Benoît). 254-270 <(Jean). 254-270 «(Samuel). 25~-273 [~A'o~<«]. 270-27? JACQUEMIN (Denis), prêtre. 2~.5, 2~8 JANOT (Denis), libr. à Paris. 119, t38, 1~.1, 196

JEHANNOT (Jean), impr. à Paris. 2 i J. G. de L. ,init. 167 JOMBERT. 114 JossE (Marie). 194 « (Pierre), mattre des Comptes à Paris. 19~ JOUGLAIR (Marie). 180 YoM~ ~<M?-<.«.f et périlleux de /'<M.M'f, Lyon,B.Rigaud,s.d. 375 ~Ky~ ou rien, devise. t2o

JOYEUSE (Marguerite de Lorraine, duchesse de). 128 JUGE (Paul), lyonnais. 178, 180,187 KERVER (Jacques), libr. à Paris. !o6 LABÉ (Louise). 32!-332, 348 LA BoËTIE. 3y~. LABYT. 326 6 LA COLOMBIÈRE (Catherine de). 3<).8 LA CouR (Louis de). 38: LA CROIX (de). 31o o LA FAILLE (Jacques de). 3y2 LA FAYE (baron de). 2~.0 LA FONTAINE (Jean de). :8, i5g-i62 2 LAFOREST. 3oi, 310 « (Jean de). 160 LA GARDE (Jean de), libr. à Paris. 132-135

LA GARRIGUE (Marguerite). 3o:,3o5, 3og

LA GRAVERIE. 204 LAMARCK (comtesse de). 12 LAMBERT, impr. à Paris. 2l3 n. « (Jean). 327, 328 < (Jean Gaspard de). 167-160 « (Pierre de), président de la chambre des Comptes de Savoie. 168, 60 LAMBIN (Denis). 4 LA MESNERIE (M. de). 126 LA MORLIÈRE (A. de), chanoine d'Amiens. t7Q, lg3 LAN (de), trésorier général en Picardie. 180

LANCHART (Louis), impr.a à Lyon. 375 5 L'ANGELIER (Abet), libr. à Paris. 275 LANGES (Nicolas de). 228, 232-23~ L'ANGLOIS. 201 i LANGLOIS (F.). t8o LAON (Jean de), impr. à Genève. 230 LA PLANCHE (Jacques de), impr. à Lyon. 3~8 LA PORTE (Maurice de), Ubr. à Paris. 222

LA RAMÉE (M"' de). 180 LARDE (de). 262 LA REYNE (sieur.de). 305 LA RIVOIRE. 260 LA ROCHE. 201, 207 LA ROQUE (Guillaume de). 71 I LAS (Léger de), impr. à Paris. 178 LAUNAY (A. de), Ubr. à Rouen. 370 LAURENS (le petit), impr. à Paris. 212 2


LAUZERAY (de), picard. t8o LAYMERÉ (Pierre), imprimeur à Chatillon-sur-Seine et à Autun. 2g-j. L. C., init. :22 L.D.,init. 3t3 LE BLANC (Jean), impr. à Paris. 281 LE BRODEUR (Pierre), libr. à Paris. i34

LE CAMUS. 288 LE CARON (Pierre), impr. à Paris. 212 2 LE CHARPENTIER (François), sieur de Boislambert. 292 LE COINTE. 126 LE CONTE (Marguerite). ig2 LECOURT (Ëtienne). 28~ n. LE DIGNE (Nicolas), sieur de L'Espine-Fontenay. 228, 235 LE FÈVRE, seigneur de Caumartin. 180 LE GENDRE (Marie), dame de Rivery. 274-282

~x~c/M /<?<< Mf~K~, P., Gilles Robinet, i5gy. 280 LE GROS (Jacques), 2, !/).: n. LE HAYER (Adam), sieur de Scay. 28g, 2gi

< (Diane). 2go « (Judith). 2go < (Marthe). 28g-2g5 « (Pierre). 289 LE HuEN (Nicole). 239 n. LE MANGNIER (Robert), libr. à Paris. 166

LE MANISSIER (L. F.), professeur au collège des Jésuites de Caen. 38t LE MANYER (Christophe). 1~.3 LE MEILLEUR(Michel). 1~ LE MÉTEL D'OUVILLE. l35 LENETTE (Marie-Michelle). 35g LE NOIR (Michel), libr. à Paris. l3~j. LE POULCHRE (François), seigneur de La Motte-Messemé. 281, 282 LE PREUX (Poncet), impr. à Paris. l53

LE RICHE (Nicolas), id. i5y, 3n LE ROCHER. 288 LE Rov (Antoine). 12 z « (R.). :25 LE SAGE (Jacques). 23y < (Marille). 28g < (Martichon). 289 LE SANCQUER (Joseph-Louis), procureur du collège des Jésuites de Caen. 38t

LE SCELLIER, fiscal d'Amiens. 180 LE SENS DE FOLLEVILLE. 356 n. LE SONNEUR (Gérard), chirurgien à Rouen. 356 LESPINAY (Félicité de). 3o2-3o8 <! (Jean de), sieur de Farnier. 3o2 « (Thérèse de). 3o8 L'EsTAtN (Pierre de), médecin lyonnais. 2~2 LESTRAL (Claude de). 32y LE VASSEUR (A.), conseiller à la Cour. 178, l8o

LE VAYER (E.). i 26 LE VILLAIN (Claude), libr. à Rouen. 253

LHÉRITIER (Catherine). 222 LHOMME (Jean), impr. à Rouen. 211 I L'HOSPITAL (Michel de). j55, i56 Livre à la mode (Le) [P., iy5Q]. 320 <a«M. Bâle, 17~8. 3l8 L. M. S., init. 228 LoiSON (Alexandre). 201 I LONGIS (Jean), libr. à Paris. 134, t66 6 LOPPE (Charles). 126 LOQUE (Bertrand de). 3~8 LORFEUVRE (M"*). 180 LOUVENCOURT (François de), seigneur de Vauchelles. i75-:g~. Amours et premières a!MM' P., G. Drobet, i5o5. 178 ~<MaK~ ~<KM, P., i5g8. :8g Voyages. </< T'C~CM Drach, P., J. Gesselin, l6i3. ig2 Paraphrase et /a~c//o/t ett vers <& psaultier de S. Augustin, Amiens, J. Hubault, t626. l63 « (Françoise de). ig3 « (Jean de). 176 LOUVOIS. 2g8 Loys (Claude). i~ LOYSON (Étienne), libr. à Paris. 270 LUXEMBOURG (maréchal de). y6-log « (Marie de), duchesse de Mercœur. 127

MACÉ (Jean), libr. à Paris. l5/j. MACRtN (Saimon).' 3 MAGNY (Olivier de). 321, 323 MALHERBE. 70-75 Z<j larmes de S. Pierre. P., Pierre Ramier, l58y. ~t Id., P., Lucas Breyel, l5g6. 73 « du Bouillon (Marie). 356 n.

a


MALLAC frères, impr. à Port-Louis. 360 n.

MALLARD (Olivier),impr.à Paris. 367 MANSON (Pierre). 228 MARAIS (Mathieu). 78-81 MARCQ, huissier à la Guadeloupe. 306 MARION, commissaire. 3oo MARLE (Benoît-Hector de), intendant enla généralité d'Alençon. 286 MARLY (Jean), sergent au Châtelet. 206

MAROT (Clément). 2 MARTIGUES (comtesse de).. 128 MARTIN (Patrice). 128 MASSANCOURT (Adrien de). 14.3 « (Charles de), 144 A~/M!mf!(~<),P.,lC.<4. !35 MAUBUISSON (M"' de). 180 MAUDUIT (Jacques). 333 MAUGIN (Jean). !2! MAUPIN (Jean de), maïeur d'Abbeville. 19'

< (Marguerite de). ï~.i < (Marie de). loi I M. D. C., init. 374 MENDOZA (Hurtado de). l63 MERCIER (Guillaume). 367 MERCŒUE (duc et duchesse de). 127 MÉRIGNAC (M"" de). 78 MÉRIMÉE. 3g-I MERLIN (Pierre). 225 MESMES (de). 201 MESSIE (Pierre). 37~. 7~r t/«!«J, Lyon, B. Rigaud, !5Q3. 374 MICAEL. 20! MICARD (Claude), libr. à Paris. 281 MICHAUT (Pierre). 368 MICHEL (Guillaume). 134 <(Jean). 366, 367 Camilianus, P., J. Badius [:522]. 367

MICHELET. 54-57 < (Jean). !~4 MIGNARD. 261 MINUTOLI. 77 MODERNE (Jacques) impr. à Lyon, 212,343

MOLE. !l5 S MOLIÈRE. 17 MOLLARD (Charles). 3o5, 3o6, 3oa 4C (François), de Dieppe. 3oo < (Joseph). 3o7, 3oo

MOLLET(Jean). 326 MONDIÈRE (Melchior), libr. à Paris. 284

MONLUC (Jean de),éveque de Valence. 201

MONSIGNY. I I 2 MONSTR'Œ!L (Claude de), libr. à Paris. 238,239n.

MONTAIGNE (Michel de). 8,274,279 MONTESQUIOU (marquis de). Il 5 MoNTESSON(M°"de). 110-118 Œ'M~~tf:KOK)'m<y,P.,Didot, 1784. "4

Œf~f chéries, P., 1785. iiy MONTGENTIL (G. L. de). 207 Les MM<'C~ sans sommeil, P., Cl. Percheron, i6i5. 207 MONTMORENCY (François de). 17? MONTREUX (Nicolas de). 12~-129 Le j<M< livre a'~mtTt/j, P., ]. Parant, 1577. 125 Les regrets, Nantes, N. des MaretzetF.Faverye,!5oi. 127 La mt~t:fK/<MM délivrance de Mgr. duc de Guyse, Nantes, N. des MaretzetF.Faverye,!5oi. 127 MORANT DU MESNIL-GARNIER (Thomas). 38o-383 MOREAU (Denis), libr. à Paris. ig3n. < dit LE COQ (Noël), libr. à Troyes. IQ3 n.

« DE SA!NT-MERY. 36~). MOREL (Fédéric), impr. à Paris. 335, 336,374

« (Thomas), sieur de Garsalle. 381 MORIN (André) étudiant en théologie. 314

« (Jean), libr. à Paris. :3~ « (Jean), lieutenant civil. iS~ « (Jean), professeur. i55 MORLAYE (Guillaume). 2 g MORLET (Jacques), lieutenant en la prévôté de Normandie. 287,290,2 1 MOTTIN (P.). 179, l86 MOURNAY (Françoise de). 3~8 MURET (Marc-Antoine de). 2 2 o, 2 2 2 ~/<<js~<c<?~ altera, devise. 228 MUSSET (Alfred de). 52 MUSTEL (Guillaume). t55,t56 MYNOT (Jean). :45 NASHE. 9 NERVAL (Gérard de). 57


NICOLAS (Jacques).' i32 NODIER (Charles). 36-38 A'o<&KOKM<!M.):, P., N. Bonfons, 1564. i7o-:74.

N01SANGŒUS (Dionysius). 3l3 NORMANDEL. '89 N. P., init. l3o Nul ne s'y frotte, devise. i38 NYVERD (Guillaume), impr. à Paris. 375

0. B., init. 329 n. Ode ~~« au /<M~/< ~-a~Oti- amateur de sa langue, pour l'exciter ~«~/XJ à/K~ et ornement d'icelle, s. n. d. 377-379

OGER (Madeleine). 222 OGEROLLES (Jean d'), itbr. à Lyon. 353

OLÉNYX DU MONT-SACRÉ. 2~-129 OLIVETAN. 3 ORLÉANS (Catherine d'), princesse de Longueville. '78 ORNÉSAN (comte d'). 12 z PAGÈS (P.). 20! PARABIN (Guillaume). 32 l, 323 PARANT (Jean), libr. à Paris. !25 PARIS (Guillaume). '32 PASQUIER (Etienne). 70, 3~.2 La main. P., Gadoulleau, t58~ 70 n.

~<y<'f!M/o'~M<, devise, i38 PATIN (Guy). '3 PATISSON (Mamert), libr. à Paris. 7~. n. PAUPARDIN (Louis), huissier. 262 PAYAN. 201 PAYEN (Jean). 304« (Thibaut), libr. à Lyon. 329 n. PELETIER (Jacques), du Mans. 331 PELLET. 201 PELLISSON. 260, 27:, 272 PERCHERON (Claude), impr. à Paris. 207

.f~<~K<<~OKM/<'e<t'OK, Lyon, B. Rigaud, d. 375 PERREAU. 12 PERUSIO (Pierre de). l33 PESSELIÈRE (Pierre), auxerrois. 195, 198

PETIT (Jean), libr. à Paris. t3-)., l53, 366 n.

< (Guillaume), ëvêque de Troyes. 368 <(René). '32

PICARD (Jacques). 176, 188 PICHERY (Marie-Anne). 3og PIDIER (Jean), libr. à Lyon. i &7 PlERRERIVE (S. de). y3 Pierre Durant, anagr. 34.3 PIGEON (Antoine), procureur. 294. PILON (André). 219 PILOUST (Nicolas). i3o PITHOU (Nicolas), seigneur de Chamgobert. 228, 23:~235 « (Pierre). 2 3 5 PLANTIN (Christophe), impr. à Anvers. '99

PoBEL (Claude-François). 169 « (Raymond). 169 POCQUET (Guillaume). 288 POIRET (Dominique). 144 POLLIER (Denise de). 168, 169 n~o? mx~oç, devise. 228 PONTICY (Juan-Maria de), gentilhomme genevois. 246 PoNTOUX (Claude de). 379 PORTES (Jean de). 256 PORTHAIS (Martin), notaire à Paris. 22!

POSSOT (Denis). 23y, 24.5 n., 24.7 n. POSTEL (Guillaume). 4 POUPY (Jean), libr. à Paris. !25 POYET(J acquitte). 25l PRADINAEUS (Hubert). l54. Premier extraordinaire a'< /'<M~M< de Cour, Cologne, 1672. 314-317 PRÉVOST (B. L.). 114 PRÉVOSTEAU (Etienne), libr. à Paris. l83 n.

PRIDIER (Jean). iSy Probe et tacite, devise. 20 P~~<~ et ~M/S/MH du bon prophète Esdras, Lyon, B. Rigaud., s. d. 375 PROVOST (Jacques). 292 Puis qu'ainsi est, devise. it9 9 PULLON, dit DE TRIN (Jean), impr. à Lyon. 164. PUY-HERBAUI.T(Du). 4 QKMM~a, anagr. !4.o, 3~6 QUINAULT. 111 I QUINERIT (Jean). 343 QUINET (Gabriel), libr. à Paris 27 I RABELAIS. 1-69, l5l, 369 e'K!~m< [apocryphe], 154.9. 369


RADIUS, impr. à Anvers. 3~2 RAGANNE. 180 RAMIER (Pierre), libr. à Paris, 71 RAPIN (Marie). 335 «(Nicolas). 335 RANCHIN (Suzanne de). 255 RAVOT (Glaude), libr. à Lyon. 2o3, Recueil d'é asy, 23:

~<-fK«7 a"~t'<j. sur le tnspas de c'K J~c~M et dl y. des Caurres, P., E. Prevosteau, 1587. i83 n. REGNARD. IS REGNAULT (Antoine). 23y, 2~.5 n., 2~.8 n.

REGNIER (Jehan). 133 n., 13~ « (Mathurin). 356 RENEAUME (Paul). 12 a RICHER (Jean), impr. à Paris. 238, 23oa., 252, 3l3

RlDOUET(Tacques), sieur de Sancé. 313 RtEUX (Marie de). 262 RIGAUD (Benoît), libr. à Lyon. 37!, 3y~,3y5. 3yg

RIVERY (M"* de). 2~-282 Cabinet des saines O~'f/tOaj, P., Ant.duBTeuit, i5g5. 276 ROBINET (Etienne), libraire à Genève. 326

ROBINOT (Antoine), libr. à Paris. ig2 « (Gilles), id. 281 ROCONVAL (Martial de). 122 ROHAN-MONTBAZON (Éléonore de), abbesse de Malnoue. 261 ROLAND (Jean), 304, 3o7, 3o8 ROLINDE. 270 ROMILLY (S.), angevin. 105 RONCHEREL (Pierre). 285 RONSARD (Pierre de). 5, 217-224, 333-341

Amours, P., veuve Maurice de la Porte, i553. 2~3 < (Claude de). 220-224 ROSET.. g~~ ROSSET (Antoina). 326 n., 32y < (Antoine), barbier. 326 n., 32y ROUILLÉ (Guillaume), libr. à Lyon. 23o ROUSSIN (Jacques), impr. à Lyon. 374 Roux (Jacques). 201 ROVYÈRES (François de), sieur de Brignac. 242, 245, 248 RoYER (Mansuet), sergent au Châtelet. ~g. RUBYS (Claude de). 321, 323

RUELLE (Jean), libr. à Paris. 343 RUGU~US (Pierre), jgo RUMET (Nicolas). j3g RuzË (Antoine), seigneur de Fiat. 207 SABON (Sulpice), impr. à Lyon. !n6 SABRAN (Etienne), étudiant. i~ SACONAY (Gabriel de). 32! n., 324 SACQUESPËE (Jeanne de). iy6 SAGON (François de). a SAILLANS (François de). 348 « (Gaspard de). 347-353 Premier /it. Lyon, J. de la Planche,1569. 3~8 < (Jacques de). 353 < (Jean-François de). 353 SAINT-AMANT. 14, ~70 <ZM~, P., T.Quinet, 1643-1651. 382

SAINT-ANDRÉ (Pierre de), iibr. à Genève. 32: SAINT-ANTHOT, conseiller a Dijon. 198 SAINT-AUBAN (Charlotte). 207 SAINT-DENIS (J. de), seigneur de la Touche. gno SAINTE-BEUVE. 53 3 SAINT-GELLAIS (Mellin de). 173 SAlNT-MoR!CE(Jeande). 210 SAINT-SIMON, baron de Courtomer. !q2

SAINT-SIXT (Charles de) 71 t -0< /~t?MM Jf-:M/M7'«m f)/'tï/M, P., Henri Thierry, 1570. 73 n. SAINVAL (Mm'). SAISSEVAL (de), sieur de Sailly. 180 SALAS BARBADILLO. 135 SALLENGRE. go SALUCES (Marguerite de). 3 74 SAMOY (baron de). 2Q3 3 SAND (George). 40-52 SARADELLO DEGASTIONE(R.P.Christoforo). 345 SARASIN (Philibert). 325, 328 SARRASIN. 2~2 SAUGRAIN (Jean), libr. à Lyon. 164, 167

SAULNIER (Adam), libr. à Paris. 198 n. SAUVAGE (Joseph), procureur. 294 SAVETIER (Nicolas), impr. à Paris. 147, l53

SCARRON. ;5 SCÉPEAUX (Guy de), duc de Beaupreau. 23 g


SCÈVE (Maurice). 329 n., 33o, 33l SCORION. 180 SCUDËRY (M"' de). 260, 268, 2yo SËGUR(M.de). 112, !l5 SELINCOURT (M. de). 180 SELLIER (Nicolas).. !o3 SEMIDDE (J. de). 201 SENACQ (Marie). 31o SERCY (Charles de), libr. à Paris. 270, 2~2

SERRE (La). 20 3 SERTENAS (Vincent), libr. à Paris. 166 SERVAL (Thierry). l32 SÉVIGNÉ (Charles de). 16 <(M""de). t5g SEYSSEL (Claude de). i35 SHAKESPEARE. 8 SHIRLEY. 9 SIONNEAU (Sébastien). 306 Songes de Daniel le Prophète, Lyon, B. Rigaud,!5y2. 3~5 SONNlus(Laurent),Hbr.à Paris. 238 n. SOREL (Charles). 1~. SoUBISE(M.de). 200-203 STENDHAL. 3g ~7~ et maniere de co~OM~ dicter, et ~e~~< toute sorte <f</)!'f/?-< P., Jean Ruelle, :556. 3~3 STOUPPA (J. B.). 100 n. STROSSE (de) [= SROZZIj. 253 SUREAU (Hugues), dit DU ROZIER. 205 SURGUIN (Françoise de). 251 <(Jacquesde). 25l SUSSANNEAU (Hubert). 3, !4.6-:58, 3n

SUZANNE (Charles de). !Q <(Hubertde). i46-t58,3tt I <(Pierrede). :8 SYLVIUS (Aeneas). t8Q Tablettes amoureuses (les), Rouen, s. d. !3o

TAHUREAU (Jacques). 5 TAILLEMONT (Claude de). 33 J TANSILLO (Luigi). 70-75 7a~ <MMMt~ de voir, devise. 3~1 TARDIEU. !8o TEMPESTIVUS (Antoine). l55 TEMPORAL (Jean), libr. à Lyon. 3~3 TERRAUBE (G.de),abbédeBoillas. 3~ Bref discours des chosesplus necessaires et t/~K<t destre entendues en la Cosmographie, P., F. Morel, 155g. 37~.

TESSÉ(M"'de). 125 TESTARD (Marie). 285 THIERCELIN (Anne). 22~j. THIERRY (Henri), libr. à Paris. 73 n. TIRON (Antoine). tgg, 372-37~). Recueil plusieurs plaisantes MOMvelles, Anvers, H. Heyndricx, 1578. 372

Id., Anvers, Martin Huyssens, :5go. 372 TISSOT (Pierre). 327 TORY (Geofroy), impr. à Paris. 36736g

TOURNES (Jean de), impr. à Lyon. lig,ig5-200,23~32gn.

Tout pour le mieux, devise. 351 TREPPEREL(Jean), impr. à Paris. 2!I, 2:2,375

TROYES (Nicolas de). 2 TRUDAINE (Elisabeth). ig3 Tu es un roc, un roc de la Foy, anagr. 178

Tu fus au c!'</co~a~M~ûf, anagr. l7g TURQUET (Louis), sieur de Mayerne '99

TYARD (Pontus de). 323 URQUHART (Thomas). l I VALENTIN (Robert), libr. à Rouen. 370

VALLET, impr. à Port-Louis. 36o n. VAN DER VELDE (Laurent). t5~ VAROZ, dit YVARD (Jean), chirurgien. 325-328

VAssÉ (M" de). 125 VATABLE (François). 2: g VAUQUELIN (R.). 18o Velle et <~c< devise. 228 VÉRARD (Antoine), libr. à Paris. i33 « (Barthélemy). l33 VERDELAY(René de), seigneur de Coulonges. 222,22~. VERDELLES (sieur de). 3:3 VERDIN (M. de). 2g5 VESTRIS (M°"). 1:5 VIDOUE (Pierre), impr. Paris. :34, t54,:58

VIENNE (Philibert de). 329-331 1 Le Philosophe A court, Lyon, Jean de Tournes, i5~j.7. 329 n. VlGNES(Isabeaude). 255 VIGNY (Alfred de). ~2


VILLAMONT (Jacques de). 23y-253 Voyages, P., Monstr'œi) et Richer, 1595. 238 Id., P., Richer, 16og. 252 VILLARS (Balthazar de). 23~ VILLESABLON (de). :g5, ig~ VILLIERS AU TERTRE (Léonard-François de). 3o8 VINCENT (Barthélémy), tibr. Lyon. 237, 228

ViON DALIBRAY. l35 VIRET (Pierre). 201 VITRÉ (Antoine), impr. à Paris. 27: VIVIAN (Jacques), ;mpr. à Genève. 368

VivÈs (J.-L.). !95 /MJi'M/<on <& ~'MM< <<J<!<aM~ Lyon,J.deTournes,:5~.3. ig5 VOLTAIRE. 22-tg VULTEIUS (Jean). 3, !5~ WEBSTER. g WECHEL(Christian),libr. à Paris. 157, 329 n.

YVARD, chirurgien. 325-328 YYEUN (Henri), chirurgien à Rouen. 357


TABLE

GEORGES ASCOLI

Deux pamphlets inédits de Pierre Bayle, contre le maréchal de Luxembourg (1680). 76 JACQUES BOULENGER

Rabelais à travers les âges.ALFRED CARTIER

Le jB/~OH des ar?HO!'r!es et son auteur Jérôme de Bara. 225 Louise Labé le procès Yvard à Genève et le Philosophe de court, par Philibert de Vienne 321 La première traduction française du De uMtt'~tOMe/o'MUM' chris~MH<r, deJ.-L. Vivès, et son auteur Pierre de Changy (t5~.3). tg5 La deffense civile et Mt/tfdtre des innocens et de l'Eglise du C/!r~(et/ofo~te~C~r~DMMoM/t't!(t563). 200 PAUL CHAPONNIÈRE

Madame de Montesson et ses Œ'M~HOH/~M. tio La trouvaille d'un bibliophile en 1725. 2:3 Bigarrures. 3i8 ERNEST 60YECQUE

Simples notes sur Ronsard et son livre des ~4H!OMr~ (i552-i553). ~'7


FRÉDÉRIC LACHÈVRE

Isarn(!63o-t6y2). 254 ABEL LEFRANC

A propos d'Hélisenne de Crenne « Guenelic x et « Quezinstra ». 376 Louis LOVIOT

Hélisenne de Crenne. ,3~ La première traduction française du jL~r?7/o de T'ormM(i56o). 163 A~o<?/~ MOM~~M~ ~oMr l'année /J6' 170 François de Louvencourt, seigneur de Vauchelles (i568-i638). Les voyages de Villamont (i5o5) 287 Cabinet des saines affections (i595) 274. Corneille Blessebois 283 Lettres intimes au xvf siècle. 3~ Notes sur JeanAuvray. 35. Un chansonnier créole 358 Les éditions parisiennes des Propos rustiques (1547 et 15~8).. 110 Z.Mt!MOM~d'eL.C.(t56t). m I.M~ropn'~<f/'ecM<?//c. ~q JLMtùt~/cf<M~)MOMr<'MMJ. ,3o Les courtisanes de Paris en 1634. j3$ L'édition originale du C~ouMet~~eoM?t(t 607). 2o5 G.-L. de Montgentil, poète satyrique(t6t5). 207 L'imprimeur des CoM(M~'EMtr<(i585). 312 Un manuscrit de Dagoneau-Cholières 3:3 Deux procès de librairie devant le Chàte!et(!677-!68o) 3t~ Un second exemplaire du Rabelais apocryphe de 1549. 36o ~ecMe!K~eM~d'M/!<MMOMfc//M(f578eti596). 372 Une chanson sur la langue française (fin du xvi" siècle) 37Index 385 JULES MATHOREZ

Notes complémentaires sur Olényx du Mont-Sacre. t24. Maître Guillaume. ,3; t


EMILE PICOT

L'oraison funèbre de Ronsard par Jacques Davy du Perron (i586). 333 L'imprimeur de l'ero~ de ~ct'~ute d'Antoine du Saix(i532) 368 EDOUARD RAHIR

L'édition originale d'une fable de La Fontaine i59 Les recueils de pièces gothiques de la collection du comte de Lignerolles 20g PHILIPPE RENOUARD

Le premier poème de Malherbe (1587) 70 Hubertus Sussannaeus Hubert de Suzanne. 146 Jean de La Garde, libraire à Paris (;5i2-i54.2) 132 A propos d'Hubert de Suzanne et de Martin de Bézard 3u i Gervais Aumen. 366 Le Mysopolème d'Antoine duVerdier(i568) 3~0 Un recueil de la bibliothèque de l'Arsenal (Hist., 78~-8°) 3/4 R. N. SAUVAGE

Les livres aux armes de Morant du Mesnil-Garnier 3~9

Paris. Typ. PH. RENouARn, tg, rue des S~ints-Peres. 53518.