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Titre : Le Temps

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1913-03-04

Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication

Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 137484

Description : 04 mars 1913

Description : 1913/03/04 (Numéro 18870).

Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale

Description : Collection numérique : BIPFPIG33

Description : Collection numérique : BIPFPIG63

Description : Collection numérique : BIPFPIG69

Description : Collection numérique : France-Japon

Description : Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune

Description : Collection numérique : La Commune de Paris

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k241150n

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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ÉTATS-UNIS

Fin de présidence

Lé président Tait, qui remettra demain le pouvoir à son successeur, a pronom» hier un discours plein de jovialité au club de la presse nationale, à [Washington.' Il a dit aux journalistes qu'il les considérait comme ses «'pères confesseurs » et qu'il leur avouait humblement ses péchés et ses fautes.

Mes péchés dominants, a-t-il dit, c'est mon peu de goût pour le dur travail, une propension à tout ajourner et à m'abandonner plus que je ne le devrais aux plaisirs de la bonne compagnie. J'aime trop me divertir. Je suis, ne avec une cuiller d'argent dans la bouche et la vie ne m'a ménagé que des places agréables. J'occupe des fonctions depuis l'âge de vingt et un ans et jamais la bonne place ne m'a manqué à point nommé. Après une telle carrière, croyez-vous que j'aie quçlque chose à regretter ou, que j'aie des raisons de réoriniimer ou de donner dès coups? Je songe tout simplement à rendre à mon pays et à ma bonne fortune tout le bien qu'ils m'ont fait et à travailler pour la cause d'un bon gouvernement. Je n'ai point l'intention de considérer 91a défaite comme un exil et j'espère revenir ici parmi vous. Pendant ce temps, le nouveau président, M. Wobdrow Wilson, prenait congé, à Princeton, de .«es concitoyens du New-Jersey, et un cortège de quinze cents habitants, ayant à leur tête le boucher de la famille Wilson, est venu. offrir une coupe d',argent au président élu. Celui-ci, debout sur une caisse à savon, dans son jardin, leur a adressé un speech de remerciements.

La ville de Washington est en fête pour la cérémonie de l'inauguration. Les maisons sont pavoisées et illuminées. Des centaines de milliers de visiteurs arrivent à cette occasion. Les camelots vendent de petites auges à mortier, symbole, parait-il, de la rude tâche que va avoir le nouveau président.

La grande manifestation des suffragettes devant le Congrès a dieu aujourd'hui. Le capitaine Hobson, Ile héros naval de Santiago, pendant la guerre hispano-américaine, et qui fut célèbre à cette époque par le nombre de baisers qu'il reçut des Américaimes enthousiasmées, à son retour de la guerre, .s est fait, samedi, le champion des droits de la femme dans la séance de la Chambre des représentants à laquelle il appartient. Son collègue, M. Hefliri, 1 a violemment attaqué et a proposé ironiquement à ila Chambre d'offrir au héros un costume de femme.

MEXIQUE

Les projets d'emprunt

Le ministre des finances a envoyé hier au Congrés un message dans lequel il demande 1 autorisation de faire deux emprunts, l'un de 100 millions de pesos à l'extérieur, l'autre de 20 millions de: pesos à; l'intérieur. ̃ Le premier de-ces emprunts est destiné auK besoins généraux du gouvernement, tels que ljss dépenses résultant des opérations militaires; j£> se-. cond sera affecté au payement de diverses indemnités et notamment de celles accordées à la suite de la révolution de 1910..

Le message est remarquable surtout en ce qu'il donne très peu de détails relativement aux garanties de l'emprunt il se borne à assurer le Congrès qu'il est de son devoir d'autoriser le cabinet à conclure les emprunts en laissant le gouvernement libre au sujet des conditions et des accords a intervenir.

PETITE S NOUVELLES DE L'ÉTRAKGER Italie. Hier est mort à Milan le député Romussi, qui fut pendant vingt ans le directeur du

Secolo.

M. Romussi avait joué un rôle important dans la politique italienne et avait vivement combattu M. Romussi était un sincère ami de la France ou lui-même comptait beaucoup d'amis.

Dans la nuit du 28 février au mars, plusieurs centaines de rebelles 1 appartenant a des tribus des confiné de Tripoli conduits, parait-il, par le cheikh d'une tribu encore insoumsie, ont attaqué le poste de Ba-Adila. A la suite d'une contreattaque des troupes italiennes, les rebelles ont été dispersés et ont subi des pertes sérieuses.» Etats-Unis. Trois malfaiteurs armés de revolvers et de seringues, au moyen desqueltes ils lançaient de l'ammoniaque, ont attaqué la nuit dernière dans Broadway, au moment ou une foule nombreuse sortait des théâtres, un bijoutier, M: Moïse Bach, et se sont emparés dune somme 9,000 dollars qu il portait.

Lés malfaiteurs se sont enfuis dans un fiacre automobile, après avoir échangé des coups de feu aveela police qui les pour suivait~Sur,l,e, point d.«tre.,

rejoints, ils ont, quitté, leur fiacre .en.yni>m40nnap.t

7,000 dollars. Ils se sont jetés dans une seconde voiture et ont pu s'échapper. Le cha-rateur de la première a pu seul être arrêté.

COLONIES ET PROTECTORATS

MAROC

Réunion du conseil de gouvernement Un important conseil de gouvernement, auquel assistaient les généraux d'Espèrey;, Gouraud et Dalbiez, s'est réuni le 28 février à Rabat. Au cours de ce conseil, le secrétaire général du protectorat a esquissé le projet de l'organisation

judiciaire..

Le conseil s'est également occupe de la question budgétaire. Après s'être rallié au principe du budget unique, il a renouvelé l'interdiction de caisses autonomes alimentées par des impôts locaux ou des amendes..

L'organisation du service médical indigène et scolaire a été également étudiée.

Un attentat à Tanger

^Dépêche de notre correspondant particulier} Tanger, 2 mars.

La population de Tanger a appris ce matin un attentat qui éclaire d'un jour inquiétant les conditions précaires de la sécurité puiblique dans cette ville. Des voleurs ont pu en touste sécurité escalader un mur très haut et pénétrer dans l'immeuble de l'agence de la Compagnie algérienne situé dans le quartier le plus ccnitral'de la ville. M. Marcello, directeur de cette banque, qui haijHe le même immeuble "avec sa famme, ayant été réveillé par le bruit, sortit armé d'un revolver. Au moment où il tirait pour réveiller les gardiens, il !reçut par derrière deux coups de couteau qui font grièvement blessé. Effrayés par la détonation, deux indigènes, qui s'étaient les premiers introduits dans, la maison comme éclaireurs pour en faciliter l'accès à une bande décidée à saccager le bureau, sautèrent par une fenêtre. L'un d'eux a été arrêté.

L'émotion est grande à Tanger, car les conditions actuelles de cette, ville sous le rapport de la police rendent possibles des éventualités plus redoutables. Cette situation est (fautant plus irritante que les ressources résultant des contributions diIreetes ou indirectes nominalement affectées au service de la police civile, sont plus que suffisantes pour en assurer l'organisation et'qu'on peut pour la direction et le service utiliser l'excellent personnel européen existant. Malheureusement fesprit de suspicion qui préside, localement au moins, à la future organisation de Tanger fait que sous prétexte que le nouveau statut politique doit régler toutes les questions locales, on estime inutile en attendant de prendre la moindre mesure ,provisoire, si urgente soit-eile..

XtffllSIE

Une belle oeuvre franco-indigène Si les conflits politiques entre colons et indigènes jStteignent parfois en Tunisie une vivacité regrettable, on ne saurait trop louer l'œuvre d'association économique franco-indigène entreprise par la Société des agriculteurs que préside un colon français, M. de Warren.

Cette société est une branche de l'association iagcieoVe. Elle .s'est constituée l'an dernier, avec le concours des -principau,r colons tunisiens. Son principal objet est de répandre les bons procédés culturaux parmi les indigènes aussi bien que' parmi aes colons, et de créer des œuvres de mutualité franco-indigène. Ce second point, mérite de retenir l'attention. En attirant les indigènes dans leurs sociétés de secours mutuels et leurs coopératives, les colons fortifient ces oeuvres en vertu de la loi du nombre. En retour, les cultivateurs indigènes (échappent à l'usure et prennent part au progrès. Au cours d'une réunion tenue récemment à Béja, M. de Warren a souiligné l'importance de î'œuvre entreprise. Il s'est félicité du concours que prête à la Société des agriculteurs la nouvelle section économique indigène du gouvernement tunisien, dont le Temps a annoncé la création. Il a ajouté

C'est une entreprise difficile et de longue haleine. La Société. des agriculteurs se rend compte de tous les obstacles qu'elle rencontrera sur son chemin. Mais elle réussira parce qu'elle a la volonté de réussir; elle réussira parce qu'elle aura l'appui de tous ses membres les colons. Au moment où se posent en France les grands problèmes relatifs à. l'organisation de nos provinces d'Afrique, de Tunis à Rabat, nous jvoulons, nous, colons, montrer à nos frères de France t±ue c'est nous gui sommes les premiers soutiens des

indigènes, que c'est par nous surtout que la mère patrie et son administration pourront développer et maintenir la civilisation dans l'Afrique française. Un autre colon, M. Côànet, a exposé dans la même réunion le fonctionnement de la caiss-e régionale, déjà créée depuis plusieurs années, et qui doit servir de base à l'organisation du crédit agricole. Cette caisse sert déjà de réserve à 26 caisses locales françaises. Cette année, la société se propose de créer, dans ..une dizaine de centres, des caisses locales indigènes de 20 à 30 membres. Quand ceux-ci comprendront mieux le fonctionnement du crédit mutuel, ils recruteront eux-mêmes de nouveaux membres et formeront de nouvelles caisses locales. On songe en même temps à créer des coopératives où les indigènes seraient admis, par exemple des coopératives de superphosphates, les indigènes ayant déjà commencé à se servir d'engrais chimiques.

AFRIQUE ÉQURTOÏ*IflI*E Le budget de la colonie pour 1913 Les chiffres du "budget- de l'Afrique équatoriale pour 1913 indiquent qu'en dépit du traité de partage du 4 novembre 1911, les ressources de la colonie, progressent régulièrement.

Voici en effet quels étaient les chiffres pour 1912

Budget général, 5,217,600 fr.; budget du'Gabon, 1,895,000 fr.; budget du Moyen-Congo, 2,145,000 fr.; budget de l'Oubanghi-Chari, 1,550,000 fr.; budget du territoire militaire du Tchad, 894,500 fr.

Les chiffres pour 1913 sont à leur tour les suivants

Budget général, 6,400,000 fr.; budget du Gabon, 2,110,000 fr.; budget du Moyen-Congo, 2,357,469 fr.; budget de l'Oubanghi-Chari, 715,000 fr.; bduget du territoire militaire du Tchad, 1 million de francs. On voit que la seule des colonies qui ait eu à souffrir d'une diminution de recettes est celle de l'Oubanghi-Chiari. L'ensemble du budget de 1913 atteint 12 millions et demi, soit près d'un million de plus que pour l'année précédente.

VARIETES

La comtesse de Provence (1)

Au mois de mai 1771 une jeune fille, non sans agréments, mais sans beauté réelle, entrait en France par Pont-de-Beauvoisin, escortée d'une suite nombreuse, et y recevait dès son arrivée l'accueil qui était dû à la fiancée d'un prince français. Elle s'appelait Marie-Joséphine-Louise de* Savoie' et allait /épouser; le comté de Provence pour lequel le roi Louis XV avaitdemandé sa main, en continuant ainsi une tradition chère à la Maison de France. La duchesse de Bourgogne, si aimée de Louis XIV et de Mme de Maintenon, avait laissé à la cour dé Versailles un souvenir lointain, mais si présent encore, que les vieux courtisans se demandaient s'ils allaient retrouver dans la physionomie de la petite-nièce quelque chose des grâces souveraines de la grand'tante.

La nouvelle venue ne répondait qu'en partie aux espérances qu'avait fait naître l'histoire de sa famille.' Son air de jeunesse et la franchise de son regard prévenaient eh sa faveur, de beaux yeux noirs éclairaient sa figure; mais il ne fallait pas la regarder de trop près, l'ovale du visage paraissait trop allongé, le nez trop gros, les lèvres trop épaisses. Très brune avec un soupçon de duvet à la lèvre supérieure, elle se rapprochait plus du type masculin que de la beau féminine. Une gaucherie inévitable soulignait ces imperfections. Ce n'était pas chose facile de passer sans embarras de la cour austère et dévote de Turin au voisinage de Mme Du Barry. La comtesse de Provence trouve aujourd'hui en M. de Reiset un historien plein de bienveillance pour elle, toujours disposé à prendre son parti. Elle lui doit surtout de sortir de la demi-obscurité où les Mémoires du temps la laissent. Comparée à la séduisante Mme Du Barry et à la triompliante dciuptrino, elle passait un peu inajyer-^ çue. M. de Reiset la recueille et lui rë.scrvo '.un1* petit coin bien a elle dans le couchant de la monarchie.

A cette cour partagée entre les plus vilaines intrigues et l'amour affecté de la nature mis à la mode par Rousseau, il y a un rôle que la princesse de Savoie joue supérieurement, peutêtre avec plus de conviction et de sincérité que les autres le rôle bucolique. Prend-elle part aux espérances qu'éveille chez son mari la longue stérilité de Marie-Antoinette? Entrevait-ellc en rêve le trône de France comme l'apanage inévitable du frère cadet d'un roi sans enfants ? Tous deux s'en expliquent sans doute quelquefois dans leurs confidences intimes. La vie de la reine n'a pas d'observateur plus attentif et plus malveillant que le comte de Provence. Si la comtesse reçoit la confession des visées hostiles et ambitieuses du comte, elle n'en laisse rien paraître au dehors. Une intimité apparente règne entre les deux ménages. Joséphine-Louise de Savoie ne se pique de faire concurrence à Marie-Antoinette que sur le chapitre de la bergerie. Pendant que la reine fait la bergère à Trianon, sa belle-sœur, installée à Montreuil, dans un parc de vingt hectares, y habite une maison vaste et commode, près de laquelle, pour suivre la mode du jour, on a construit un hameau de douze maisons avec une laiterie en marbre blanc, une vacherie couverte en chaume, un pressoir toujours prêt pour la vendange et un colombier rempli de pigeons. Des eaux limpides et abondantes, un lac, une rivière, des îles complétaient l'illusion en donnant au domaine 2'apparenoo d'un paysage champêtre. La vie qu'y mène Joséphine-Louise de Savoie est beaucoup plus rapprochée de la nature que celle des autres princesses. Elle prend au sérieux les travaux rustiques et s'occupe de sa propriété, non en dilettante, mais en campagnarde, comme si elle avait besoin d'en tirer parti. Elle augmente chaque année ses plantations d'arbres fruitiers, arbres à hautes tiges, en plein vent, en espaliers, en cordons ou en palissades. Elle surveille elle-même, suivant la saison, la taille, la floraison, la récolte. Elle met son amour-propre à faire pousser les meilleurs légumes et à récolter les plus beaux fruits. Dans un angle protégé par des murs, à l'abri des vents du nord, elle a installé une figuerie et une melonnière. Sa suprême coquetterie est de faire figurer sur la table royale les produits, qu'elle a obtenus. Elle a aussi ses poussins, ses vaches qu'elle trait elle-même et ses moutons qu'elle mène paître. II c#

II

Plaisirs essentiellement passagers Un jour vient où le comte et la comtesse de Provence ont quitté Paris, où Montreuil est vendu comme bien d'émigrés. Cette compagne si facile à vivre, qui s'est si bien accommodée des mœurs et des habitudes de la cour de Versailles, conservera-t-elle en exil la même sérénité ? Tout galant et indulgent qu'il soit pour,elle, M. de Reiset n'oserait pas le prétendre. Bien des éléments de bonheur vont lui manquer d'ailleurs la jeunesse qui s'enfuit; la gêne, presque la misère succédant au luxe; l'infidélité d'un mari qui, après avoir témoigné un grand attachQment, affichera désormais sa liaison avec une autre femme. Une fois éloignée de France, Joséphine-Louise de Savoie, qui ne brille pas par le talent de la conversation, que-la supériorité du comte de Provence a toujours un peu déconcertée, qui se sent vaincue auprès de lui par une rivale pétillante d'esprit, renonce à lutter contre la destinée. Plus disposée naturellement à réfléchir et à méditer qu'à communiquer ses pensées au dehors, elle se replie sur elle-même, elle parle de moins en moins, et elle oppose aux tentatives de rapprochement une sorte d'indifférence lassée.

Une seule personne s'est emparée de son esprit, une aventurière, Mme de Gourbillon, dont M. de Reiset, d'après des documents inédits, retrace l'existence jusqu'ici fort mal connue. On à cru et on a dit que les relations de ,1a princesse avec sa lectrice avaient quelque chose d'inavouable, qu'il s'agissait entre elles d'un « vice secret». C'est là une pure calomnie. (1) Par le vicomte de Reiset. 1 vol. grand in-8*. Paris. Emile Paul, 'i'W3.

La princesse, comme toutes les âmes sensibles du dix-huitième siècle, accable Mme de Gourbillon de protestations exagérées, mais il n'y a entre elles d'autre secret qu'une infirmité de la maîtresse combattue et corrigée autant que possible par la. suivante, Joséphine-Louise de, Savoie, qu'une série de malheurs ont déprimée, cherche dans le vin de Chypre ou de Malvoisie l'oubli de ses maux. Lorsqu'elle se réfugie à la cour de Turin, on la voit plus d'une fois dans un état d'exaltation qui touche à l'ivresse. Pour la calmer, les médecins lui ordonnent des infusions de simples que prépare secrètement sa lectrice. Il doit en coûter cruellement à M. de Reiset, mais c'est lui qui établit le premier, pour la défendre contre un reproche plus grave, que sa noble cliente buvait volontiers un coup de trop. Quelle chute après l'éclat du début? Est-ce l'effet de cette fâcheuse habitude? Est-ce la conséquence d'une maladie mentale causée par le chagrin? Le séjour que fait la comtesse de Provence à la cour de Turin,, pendant son exil, ne laisse pas dans sa famille une impression favorable, quoiqu'elle eût été accueillie avec les égards les plus affectueux. D'abord l'insatiable Mme de Gourbillon qu'elle traîne après elle fatigue le roi de Sardaigne de ses exigences et de ses perpétuelles demandes d'argent. Puis la princesse ellemême étonne les siens par les bizarreries de son humeur et par l'incohérence de ses propos. Les deux jeunes princes, qui notent chaque jour ce qu'ils voient et ce qu'ils entendent, signalent fréquemment de sa part des incartades désobligeantes pour tout le monde. En Allemagne, où elle se réfugie lorsque les armées françaises envahissent la Savoie, quelques bouteilles de tokay ou d'alicante continuent à égayer sa tristesse.

III

Dans l'intervalle, après la mort de Louis XVI, le comte de Provence a pris le titre de roi et donné à sa femme le titre de reine. C'est en cette qualité qu'elle rejoint son époux et qu'elle s'installe avec lui à Mittau, à Varsovie, en Angleterre. Ce couple royal sans royaume .passe alors par les épreuves les plus douloureuses et les plus humiliantes. Obligé de mendier auprès des souverains d'Europe un asile et des subsides, il ne peut se fixer nulle part avec sécurité. Tantôt on le chasse de la résidence qu'on avait commencé par lui offrir, tantôt on lui fait attendre pendant des mois l'argent dont il a besoin pour les dépenses les plus nécessaires. Cette communauté dans la gène et dans la souffrance a rapproché le ménage. Toutes les anciennes causes de dissentiments ont disparu. L'âge est venu, et avec l'âge l'amortissement de la jalousie et des passions/ Si la santé de la reine reste précaire et son humeur incertaine, elle voit quelquefois le roi aux prises avec des difficultés si cruelles qu'elle fait effort sur elle-même pour ne pas aggraver les ennuis dont il porte le poids.

D'autre part il ne faut pas moins que l'autorité bienveillante de Louis XVIII pour écarter du chemin de la reine une grosse pierre d'achoppement. Madame Royale, délivrée de sa prison, s'est réfugiée en Autriche, d'où elle doit rejoindre son oncle et recevoir de sa main le duc d'Angoulême comme fiancé. Malheureusement la fille de Louis XVI et de Marie-Antoinette arrive de France avec les plus fortes préventions contre sa tante. Elle a entendu ses parents dans la prison du Temple parler sans ménagements de la comtesse de Provence et avec ses idées arrêtées, avec son caractère entier, elle la considère comme une ennemie. La réconciliation s'opéra néanmoins. Les deux princesses finirent même par vivre auprès l'une de l'autre, mais ce ne sera pas l'affaire d'un jour. Il y a même des moments où dans la vie commune, lorsque la duchesse d'Angoulême est préoccupée,' elle se dit malade et refuse de recevoir sa tante.

Tant de malheurs s'étaient abattus sur la tète de Joséphine-Louise de Savoie qu'il ne lui reste plus rien des agréments extérieurs qu'elle' avait pu avoir dans sa jeunesse. La princesse Dorothée de Courlande, de passage à Mittau, parle avec ironie de « son mantelet de taffetas noir et de ses cheveux gris coupés en hériS-

,Son ». 11.1, Il, i~

Une Anglaise plus indulgente reconnaît que « sa taille vague par devant et sa tournure légèrement déjetée lui donnent l'air d'une véritable abbesse toute petite et vieillotte», mais elle s'extasie sur la grâce de son accueil et sur la beauté intelligente de ses yeux noirs. C'est au château d'Harlweïl, en Angleterre, que la comtesse de Provence s'éteignit en 1810, après une maladie dont au début la gravité avait échappé à son entourage. Après beaucoup de tribulations cl de pérégrinations, Louis XVIII avait fini par se fixer définitivement sur la terre anglaise, où il trouvait un asile plus sûr et plus rapproché de France qu'ailleurs. Il y vivait dans une demeure vaste en elle-même, mais beaucoup trop étroite pour le nombre de personnes qu'il y recevait. Avec la sévère étiquette de la cour de France, il en conservait, autant que ses ressources le lui permettaient, le très nombreux personnel. Les offreiers laïques et ecclésiastiques, les médecins, .les dames d'honneur habitaient la même maison que les princes. Lorsque le roi invitait quelque visiteur à passer la nuit au château, il ne manquait pas de l'informer qu'on y serait bien mal logé. La vie s'y passait sans autre distractions que les visites des membres de la famille ou de l'aristocratie anglaise.

Le jeu, autrefois si en honneur à la cour de Versailles, occupe encore les soirées d'Hartwell, mais ce n'est plus le pharaon ou la banque avec les gros enjeux. Le roi se contente d'une simple partie de whist à prix réduits. La reine, qui était jadis une joueuse enragée, ne touche plus une carte. Le whist lui paraît trop savant; peut-être aussi y renonce-t-elle parce qu'elle ne retrouverait plus dans un jeu si modeste les fortes émotions d'antan. Elle cause avec ses voisins ou elle travaille à un ouvrage de tapisserie.

Elle termine ainsi sa vie, à peu près comme elle l'a commencée à la cour de Turin, sans beaucoup de plaisirs, dans un milieu formaliste, avec les exercices religieux comme occupation principale,

A. MÉZIÈRES.

~B~

AFFAIRES MILITAIRES

AR~2~E

L'avancement des sons-officiers

M. Etienne, ministre de la guerre, a fait signer un décret aux termes duquel pourront être promus sous-lieutenants, après proposition régulière et inscription au tableau d'avancement, les sous-officiers comptant au moins dix ans de service effectif qui, faisant partie de troupes en opérations, se sont distingués par une série de faits constituant des titres exceptionnels.

Promotions de capitaines

Ainsi qu'il résulte d'une lettre du ministre de la guerre adressée à M. Henry Simon, député, qui lui avait posé une question à ce sujet, le nombre total des promotions au grade de capitaine, prévues pour l'infanterie dans le cours de l'année 1913, s'élève à 810 environ.

MARINE

Le ministre de la marine a Tonton M. Baudin, accompagné du vice-amiral Le Bris, chef ..d'élat-major général, de l'ingénieur en chef d'artillerie navale Bellat et du lieutenant de vaisseau Richard, est arrivé hier soir à Toulon; il a été salué à son arrivée par les vice-amiraux Bellue, préfet maritime, Boue de Lapeyrère, commandant en chef l'armée navale; et le sous-préfet de Toulon.

Le ministre de la marine a été ensuite conduit au quai où il s'est embarqué pour se rendre au Voltaire, à bord duquel il a passé la nuit. L'amiral Le Bris s'est rendu avec l'ingénieur en chef Bellat sur le Danton.

Le petit croiseur Hussar, de la marine britannique, est arrivé dans la soirée à Toulon ayant à bord le premier lord de l'amirauté, M. Winston Churchill. En raison de l'heure tardive de l'arrivée du Mussar, les saluts n'ont pas été échangés et les honneurs n'ont pas été rendus; le cérémonial a eu lieu ce matin.

M. Baudin a été avisé hier soir de l'arrivée du ministre anglais. On disait à Toulon qse les

ministres des marines anglaise et française devaient avoir une entrevue à bord du Voltaire.

CHRONIQUE ÉLECTORALE

Conseil municipal de Paris QUARTIER DE PICPUS

Inscrits 14.060. Votants 10.272

MM. Dormoy, soc. 5.197 Elu. Salmon, rad. soc. 4.595 Ruffet, prog 406 M. Dormoy avait été élu en 1912, a\i deuxième tour de scrutin, par 5,079 voix contre 5,078 à M. Salmon, conseiller sortant. Mais cette élection avait été annulée par le Conseil d'Etat.

QUARTIER NECKER

Inscrits 11.869. Votants 7.926

MM. Tony Michaud, soc 3.416 voix Martin, rép. démoc 2.480 Schneider, rad 1.762 Lebreton, rép. soc 186 (Ballottage.)

Aux élections de 1912 que le Conseil d'Etat a annulées pour cette circonscription M. Tony Michaud avait été élu au deuxième tour de scrutin par 3,104 voix contre 2,869 à' M. Guibert, conseiller sortant, radical, socialiste, et 2,536 à M. Martin, rép. démoc. Conseils généraux

Cotes-d'Or. -Dans le canton d'Arnay-le-Duc, le docteur Chauveau, sénateur républicain; a été élu conseiller général, sans concurrent, par 1,768 voix sur 1,821 votants.

Il s'agissait de remplacer M. Thomeret, conseiller démissionnaire.

TARN. Dans le canton de Pampelonne, M. Esquilat, socialiste unifié, est élu conseiller général par 1,125 voix contre 1,056 à M. Frayssinet, libéral. Il s'agissait de remplacer M. de Connac, conseiller général décédé.

lïOuiHtMS DU JOUR

Un conseil de discipline

à l'Ecole normale supérieure M. T. Steen, ministre de l'instruction publique, vient, sur le rapport de M. Liard, vice-recteur de l'académie :de Paris, d'organiser par arrêté un conseil de discipline pour les élèves de l'Ecole normale supérieure.

L'exclusion d'un élève de cette école ne pourra désormais être prononcée par le ministre qu'après avis motivé de ce conseil, dont la composition est ainsi fixée le directeur de l'Ecole, président; le eous-directeur, deux professeurs, un de l'ordre des sciences, un de l'ordre des lettres, élus pour trois ans par les professeurs dé la faculté dès sciences et Ûe la faculté des lettres à l'école et choisis parmi eux le secrétaire de l'école.

» L'élève intéressé devra toujours être convoqué devant le conseil et entendu, s'il se présente. Le procès-verbal de la séance devra être joint à l'avis du conseil de discipline.

La propagande par suscriptions sur les adresses

1 Par circulaire du 14 décembre dernier, M. Charles Chaumet avait prescrit au personnel des postes de ne pas transmettre les correspondances dont les adresses porteraient des suscriptions outrageantes soit pour des particuliers, soit pour des collectivités, ou « présentant un caractère de propagande monarchiste, anarchiste ou antimilitariste ». Le personnel doit arrêter ces correspondances et les faire parvenir à l'administration. L'Association générale des P. T. T. a adressé au sous-secrétâire d'Etat une lettre pour lui faire remarquer qu'il sera souvent difficile à un employé de discerner le caractère de propagande d'une suscription.

L'instruction générale, dit-elle, a prévu lo cas des adresses injurieuses pour les particuliers. D'autre part, il nous est apparu que l'administration s'arrogerait un pouvoir abusif si elle obligeait ses agents à sortir de leurs attributions normales en ce qui concerne les autres cas. Elle exercerait alors en effet une sorte de censure sur les annotations manuscrites qui accompagnent parfois les correspondances. Nous ne devons pas vous cacher, monsieur le sous-secrétaire d'Klat, qu'une certaine inquiétude a pénétré notre esprit lorsque nous

avons pris connaissance de votre circulaire. Notre rôle

devrait, selon upiiH,.sa borner ii. LraufmicMro fidèlement les objets confiés à nos soins cl- nous n'avons nullement qualité pour apprécier le caractère des maximes que les expéditeurs croient devoir y inscrire.

.Nous croyons devoir faire remarquer que dans la pratique, il sera souvent délicat de discerner le caractère monarchiste, anarchiste ou antimilitariste de certaines suscriptions..

Au sous-secrétariat des postes, on nous déclare que la. mesure prise par M. Chaumet a été motivée par de nombreux abus et que l'on ne peut pas la rapporter. D'ailleurs il est recommandé au personnel de ne l'appliquer qu'avec la plus grande prudence et c'est l'administration qui doit décider

eu dernier ressort.

L'alcoolisme

et les moyens de le combattre 11 n'est assurément pas de question plus urgente et plus grave que celle de l'alcoolisme. M. AIglave l'a longuement et éloquemmerit démontré hier, au cours d'une conférence qu'il a faite au Conservatoire des arts et, métiers. L'alcoolisme prime, selon lui, la question de la dépopulation et de la criminalité, puisqu'il en est un des facteurs importants. D'ailleurs il faut soigneusement, distinguer l'alcoolisme de l'ivrognerie. Celle-ci est antique. Noé s'y 'livrait déjà, dit-on. Ii' alcoolisme, avec ses conséquences terribles, est récent. Il date du moment où les produits de distillation industrielle commencèrent à se répandre. C'est que les liqueurs contienRml des alcools dits supérieurs à cause de leur formule chimique, et notamment de l'alcool amylique qui est moins volatil que l'alcool ordinaire, et qui par conséquent reste dans l'organisme, au lieu de s'évaporer rapidement comme l'autre. Ainsi, un paysan bourguignon boit sans inconvénient, dans sa journée, trois bouteilles de vMi^iitranti ILet 15, degrés, soit, J'équivalent, au point de vue alcool, d'une bonne bouteille de cognàc. Or personne ne boit impunément une bouteille de cognac dans sa journée.

Il suffirait de rectifier l'alcool de telle sorte qu'il ne contint plus d'alcool amylique pour lui enlever une grosse part de sa nocivité. Cette opération fort simple, qui revient à 5 francs l'hectolitre, on ne la fait pas, sans doute parce que les liqueurs ainsi rectifiées enivrent moins que les autres. Suivant M. Alglave, seul le monopole permettrait d'obliger les débitants à ne vendre que de l'alcool rectifié. Quels autres remèdes peut-on apporter à l'alcoolisme? Les sociétés de tempérance, avec les 28,000 adhérents qu'elles comptent en France, sont vraiment bien peu de chose. Et aux Etats-Unis, oit elles paraissent plus importantes, leurs membres comprennent plus de fous et de criminels que la population moyenne, comme 'le montrent des statistiques très sérieusement établies. Quant à la défense de boire de l'alcool, telle qu'elle est pratiquée dans le Maine (Etats-Unis), elle ne donne aucun résultat. La fraude est trop importante, parce qu'on ne trouve pas de fonctionnaires qui soient réellement désireux d'appliquer des mesures aussi draconiennes.

Reste la limitation du nombre des débits de .boissons. Il est entendu aujourd'hui que si on est contre l'alcoolisme, on est pour la limitation. C'est un axiome auquel M. Alglave ne souscrit point. En Suisse, des statistiques ont montré de la manière la plus certaine que le nombre des débits est inversement proportionnel au nombre des alcooliques. En Hollande également, plus il y a de débitants, moins il y a d'alcooliques. Ce n'est point un paradoxe. Ce qui attire, c'est un beau café, resplendissant de lumières: ce n'est point le bouge sordide. Or la limitation multiplie les installations luxueuses aux dépens des débits de dernier ordre. f -La seule mesure sérieuse qui reste, c'est donc, suivant M. Alglave, le monopole.* On lui fait des î objections. On trouve qu'il met une entrave à la liberté, comme s'il y avait une liberté d'avoir des esclaves ou une liberté d'empoisonner ses semblables On craint qu'il n'augmente le nombre des fonctionnaires quoique le monopole, tel qu'il est constitué en Suisse ne comporte que 93 employés d'ordres divers. On se demande également si le monopole de l'alcool n'est pas une institution socialiste dont il faudrait par cela même se délier. Une pareille objection se comprendrait au sujet de l'administration des postes qui constitue un monopole ne comportant en principe pas de bénéfice. Mais un monopole fiscal, comme le monopole du tabac ou, par hypothèse, celui de l'alcool, n'ont rien d'une coopération socialiste. Et M. Alglave montre que seul le monopole permet de ne livrer à la consommation que des alcools rectifiés, c'est-à-dire aussi peu nocifs que possible, et taxés au maximum, c'est-à-dire rapportant beaucoup au Trésor. Avec le système de la liberté, il n'est pas possible de dépasser certaines limites parce que la fraude finit pas offrir à ceux qui ta pratiquent des bénéfices qui sont de véritables primes d'encouragement. Au contraire, le monopole empêchera la fraude qui fait actuellement perdre au fisc plusieurs centaines de millions cha-

que année, et il donnera même des ressources considérables puisqu'on pourra taxer fortement l'alcool comme on taxe le tabac, par exemple, qui est vendu par la régie sept fois son prix de revient.. Le monopole de l'alcool doit donc, en diminuant la toxicité des alcools, fournir, par un procédé simple et facile, les millions dont la France a besoin pour ses armements.

M. Alglave termina son brillant, plaidoyer, qui fut fréquemment interrompu par d'unanimes applaudissements, en disant qu'il fit autrefois, sans succès d'ailleurs, une campagne en faveur du monopole. Aujourd'hui il entend recommencer. Les circonstances semblent être plus favorables. Il espère donc mieux réussir que la première fois et contribuer ainsi, pour sa part, à donner à la France une institution dont après la Russie et après la Suisse elle bénéficiera doublement, par la diminution de l'alcoolisme et par l'augmentation du rendement des impôts, à un moment où plus que jamais elle a besoin d'utiliser toutes ses possibilités.

La crise viticole dans l'A.ube Le rejet par la commission d'agriculture des propositions de l'Aube touchant sa réintégration dans la Champagne viticole a provoqué dans tout le vignoble un vif mécontentement qui s'est traduit aussitôt par l'organisation d'un meeting de protestation.

La réunion a eu lieu à Bar-sur-Aube. RI Cheq a exposé la situation et déclaré qu'il fallait créer, dans tous les centres viticoles francais favorables à l'Aube, une agitation qui aurait sa répercussion au Parlement.

M. Allard, de Landreville, a ensuite résumé en ces termes les sentiments des vignerons Le département de l'Aube, le seul dans toute la France, 'est traité eu paria. C'est dans l'Aube qu'on poursuit en correctionnelle dix présidents de sociétés qui organisent des tombolas. C'est dans l'Aube qu'on donne aux vignerons malheureux des secours ridicules. On nous fait l'injure, à nous vignerons honnêtes, de nous faire garder par des gendarmes. On a demandé justice. On nous a répondu par des baïonnettes. On nous assimile à des malfaiteurs. C'est honteux.

On nous défend de vendre notre vin en France. On nous oblige à le vendre à l'étranger pour le champagniser. Est-ce que nous ne devons pas témoigner notre reconnaissance au commerce allemand?

Voyez notre situation à une époque où les événements internationaux sont prêts à se compliquer, on peut d'un moment à l'autre nous appeler la frontière. Que va devenir le soldat-vigneron en face de ceux qui le font vivre? Prisonnier de sa conscience, prisonnier dé son devoir? Il n'est pas antipatriole, ni antimilitariste, mais il se demandera s'il doit fusiller celui qui lui permet de vivre. Nous ne sommes pas antimilitaristes, pas antipatriotes, mais s'il faut crever de faim dans sa pa•trie, autant s'en aller ailleurs.

Ces paroles ont été couvertes d'applaudissements enthousiastes.

Finalement l'ordre du jour suivant a été voté à l'unanimité

Les sousssignés, réunis à -l'hôtel de ville de Bar-surAube, privés de leurs droits de propriété collective à l'appellation « Champagne » pour le produit de leurs vins;

Privés de leur part dans le monopole de cette'dénomination géographique dont ils ont joùi de 1845 à 1909 sous le couvert de la jurisprudence,

Revendiquent la restitution de la propriété de la marque « Champagne », dont ils sont dépouillés sans indemnité la jouissance de ladite marque devant doubler la valeur de leurs vins;

Réclament en conséquence du gouvernement et des Cliembres cette restitution par l'application de la loi Pains, modifiée dans le sens de leurs droits; Font le serment qu'au cas où cette restitution leur serait refusée à nouveau, de lutter jusqu'au bout pour la défense de leur patrimoine commun et leurs droits à l'existence.

La municipalité de Moulins Le conseil municipal de Moulins s'est réuni hier pour l'élection de la municipalité.

M. Béraud a été réélu maire; MM. Darfour et Damour ont été réélus adjoints.

Les secours aux enfants

des écoles libres

Le conseil municipal de Toulouse, présidé par M. Rieux, maire, a examiné une demande de M. Roger Teulé, faite au nom des associations dè pères de famille catholiques, et tendant au vote d'un crédit au profit des écoles libres, crédit qui serait proportionnel au nombre des élèves fréquentant ces écoles et calculé sur les sommes inscrites au buuget annuel. L'ordre du jour suivant a été adopte à l'unanimité

D'accord avec la décision dé la section toulousaine du parti socialisto et passionnément attache au principe de laïcité; considérant que l'école no doit pas Otrc un foyer politique, que sa mission éducat.rice lui interdit d'exercer la moindre pression sur la conscience des enfants;

Considérant que le conseil municipal socialiste ne saurait, sur les fonds de tous les contribuables, subventionner une autre école que l'écolo neutre placée sous le contrôle ôfi tous les citoyens; que par suite, il ne saurait admettre pour aucun autre parti ce que nul ne tolérerait en sa faveur, rejette cette demande Mais considérant qu'il n'a jamais refusé de venir en aide aux malheureux, sans aucune préoooupation politique, religeiuse ou philosophique que par suite, la misère n'ayant pas d'opinion, sa sollicitude reste acquise à ious les enfants indigents, déclare qu'il continuera à s'inspirer d'un souci d'humanité équitable, en accordant, sur demande reconnue fondée, des secours en nature à tous les enfants nécessiteux, sans distinction de partis ni d'écoles, et passe à l'ordre du jour. L'épiscopat et la presse

républicaine

Mgr Gauthey, archevêque de Besançon, vient de rendre une ordonnance par laquelle il interdit, sous peine de « péché gravé », d'acheter, vendre ou lire habituellement le Petit Comtois.

Cette ordonnance vise dans do longs considérants certains passages d'articles que le prélat juge « dangereux pour les lecteurs catholiques ». On se rappelle qu'il y a quelques années les évoques du Sud-Ouest avaient rendu une ordonnance analogue contre la Dépêche de Toulouse, et feu le cardinal Coullié contre le Progrès de Lyon et le Lyon républicain.

La tenue ecclésiastique

Elle est 1 objet des préoccupations de Mgr Monestès, évêque de Dijon.

« Evitez, écrit-il à ses séminaristes, l'excès de recherche. » Il ne veut pas qu'ils soient « tirés à quatre épingles », il les met en garde contre « tout ce qui sentirait la mollesse et le soin efféminé du corps ». Ce n'est pas à dire qu'il leur donne comme modèle l'exemple de saint Benoît Labre. Tout en admettant que ce dernier ait rempli « une mission providentielle il prend soin de dire à ses clercs Né l'imitez pas. »

Il a pour cela un argument décisif

Le curé d'Ars portait des habits râpés, mais propres, et, le croiriez-vous? il usait à l'occasion d'eau de Cologne.

POUVEMENT SOCIAL

Le personnel civil

des administrations centrales Au congrès que l'Union des associations prpfessionnelles du personnel civil des administrations centrales a tenu hier après-midi, à l'Ecole des hautes études sociales, le président, M. Amédée Rôuquès, a résumé les actes de l'union depuis le congrès de 1912.

Il a fait remarquer, au sujet du statut des fonctionnaires, que la question n'ayant, en dépit de la dernière déclaration ministérielle, pas fait un pas depuis cette époque, le congrès de 1913 n'a aucune raison de rien changer à la résolution adoptée l'an dernier.

Le président a insisté sur les efforts poursuivis par le comité en vue de l'unification des traitements. Il a exposé les démarches accomplies auprès de M. Briand, alors garde des sceaux, de M. Poincaré, alors président du conseil (et il a donné lecture de la lettre bienveillante reçue de ce dernier en réponse aux félicitations que l'union lui avait adressées à l'occasion de son élévation à la présidence de la République), enfin de M. Klotz, alors comme aujourd'hui ministre des finances, et dont « le langage avait fait naître chez les délégués un espoir d'une solution prochaine, qui n'est toujours cependant qu'un espoir ».

C'est que la solution attendue, contre laquelle persoime n'élève ni ne peut' élever une objection de bon sens ou d'équité, reste elle-même, paraît-il, toujours subordonnée aux conclusions de la commission extraparlementaire présidée par M. Bienvenu-Martin, sénateur, chargée de la préparer.

Le comité a obtenu d'être entendu par la. commission; il lui a même remis une longue note éeriie. Mais en vain.

Les fonctionnaires des administrations centrales connaissent mieux que personne peut-être l'imperfection organique des services dont ils sont chargés, et aussi les améliorations qu'il serait possible d'y apporter Ils ont le vif désir de collaborer h une œuvre urgente et d'un intérêt vital pour Je pays tout entier. Mais ils demandent aussi, et ils en ont le droit, à être traités,

matériellement et moralement, selon le prix de la collaboration qu'on réclame de leur dévouement, et de leurs capacités. Dévoués à leurs fonctions, ils voudraient d'abord pouvoir en vivre.

Comme conclusion à cet exposé, salue par les applaudissements des congressistes, M. Amédée Rouquès donne lecture des vœux et résolutions que nous avons publiés dès hier, et qui sont adoptés.

Les délégués ont ensuite, sur un rapport très étudié de M. Ouart, émis un vœu en faveur de la revision du régime des pensions de retraite, detelle sorte que les fonctionnaires des administrations centrales puissent en bénéficier au bout de trente ans de service, à partir de cinquante-cinq ans d'âge et au plus tard à soixante, et qu'ils aient l'avantage de pensions d'invalidité en cas de maladie ou de retraites proportionnelles au bout de quinze ans de service.

Le débat le plus important a été celui que les délégués ont consacré à « la défense de la carrière ». Le rapporteur, M. Salaün, a expliqué d'ailleurs les raisons de ce débat

Si vous avez tenu, a-t-il dit, à faire de cette ques-

tion l'objet d'un débat public, c'est que vous vous êtes

depuis longtemps rendu compte que le plus grand ennemi, peut-être le seul véritable ennemi des fonctionnaires de carrière est l'ignorance de l'opinion publique. Cette ignorance ne mérite au reste ni notre indignation ni notre surprise. Notre démocratie n'a pas encore abordé son éducation administrative. Cette absence d'éducation administrative laisse l'opinion publique dans une disposition factieuse à la crédulité et au soupçon, disposition que le favoritisme n'a pas manqué d'exploiter largement contre les fonctionnaires de carnsxe. Rappelant que dans une enquête récente de la Revue hebdomadaire MM. Méline, pour le ministère de l'agriculture, Demartial, pour le ministère des colonies, et Colson pour le ministère des travaux publics, se prononcèrent pour le remplacement dans les ministères du personnel central permanent par un personnel emprunté aux administrations extérieures, M. Salaün s'éleva contre « cette thèse qui menace non pas seulement ta carrière des fonctionnaires, mais l'organisation administrative centrale de la France ». M. Salaün s'est efforcé de démontrer que si ces administrations sont loin d'être parfaites, elles renferment déjà néanmoins les éléments suffisants pour soutenir la comparaison avec n'importe quel autre personnel public, et pour donner à l'administration française la bonne organisation centrale dont elle a besoin.

A son avis il faudrait moderniser quelque peu l'organisation du travail et les titres des fonctionnaires. Il conviendrait surtout de, diviser l'administration centrale des ministères en trois "parties l'administration subalterne, réservée aux travaux manuels, confiée pour le service intérieur aux gardiens do bureaux, et pour la copie aux dames dactylographes; 2" l'administration moyenne comprenant tous les travaux de chancellerie, et qui serait réservée aux expéditionnaires actuels, a qui conviendrait plus justement le titre de rédacteur, puisque la plupart d'entre eux rédigent du matin au soir; 3" l'administration supérieure réservée aux travaux de collaboration gouvernementale et qui comprendraient seulement trois grades de fonctionnaires: les auditeurs, les conseillers, les directeurs.

Histoires de partout Un devancier du professeur W. $ust

L'étonnante mystification musicale dont je parlais ici il y a quinze jours m'a remis en mémoire une autre aventure assez différente de celle-là, en vérité, mais qui n'en aurait pas moins de quoi nous renseigner, elle aussi, sur certains aspects trop peu connus de ce que je serais tenté d'appeler l'humour allemand. Dans son numéro du 30 octobre 1835, le Journal de Hanovre publiait la traduction d'une lettre que venait de recevoir le 'Célèbre historien G. H. Pertz. La lettre originale, écrite en un latin irréprochable, était adressée à l'historien allemand par un gentilhomme portugais d'O-^porto, le chevalier Juan Pereiro, et lui annonçait une découverte littéraire d'une importance exceptionnelle. Au fond d'une armoire, dans une cellule de l'antique monastère portugais de Santa-Maria de Meriijbao, Juan Pereiro avait eu la bonne fortune de retrouver 1a série complète des neuf livres de cette Histoire phénicienne de Sanchoniathon, traduite jadis eu grec par Philon Byblius, dont on ne connaissait fus-' que-là qu'un petit nombre de passages cités par Eusèbe dans sa Préparation èvangèlique! La trouvaille ne pouvait manquer d'être eu effet un événement d'une portée eonsidéi'ubte. L'auteur de l'ouvrage traduit par Philon Byblius avait vécu non seulement avant Homère, mais même bien avant la guerre de Troie. Elève et ami du grand Taautos, qui avait inventé l'art de l'écriture, Sanchoniathon «nvait profité de, cette invention pour rassembler dans son livre tout ce qu'il avait pu apprendre touchant l'histoire des autres nations primitives, et notamment des juifs. Ce contenu de. son livre nous avait été révélé par Eusèbe; et celui-ci nous avait transmis également quelques pages de la traduction de Philon où le vieil historien exposait les dogmes principaux, de la théologie phénicienne. Mais à cela se bornait tout ce que l'on croyait désormais pouvoir connaître d'un ouvrage dont le texte original aussi bien que la traduction grecque semblaient avoir irrémédiablement disparu une centaine de lignes, et assez insignifiantes, tandis' que la traduction de Philon, au dire d'Eusèbe, comportait neuf longues parties, et toutes remplies à coup sûr de cho&s bien autrement précieuses que ces quelques extraits du catéchisme phénicien. Or voici que, par un bonheur à peine croyable, voici que l'ouvrage entier de Sanchoniathon venait d'être retrouvé! Seule, peut-être, la découverte de Mémoires autentiques d'Abraham ou de Noé aurait eu chance d'exciter plus vivement encore la légitime curiosité du monde savant.

Quelques jours plus tard, en novembre 1835, seconde lettre du chevalier Juan Pereiro. Celle- là était adressée à un jeune philologue allemand nommé Wagenfeld qui, après avoir récemment achevé de solides et brillantes études à l'université de Gœttingue, vivait maintenant à Brème, sa ville natale, du modeste produit de quelques leçons. Pereiro rappelait à Wagenfeld que, précisément, l'un de ses neveux avait naguère été son élève. De retour au Portugal, ce neveu avait fait à son oncle un grand éloge de la science et des vertus de son jeune professeur, si bien que le chevalier Pereiro, ne pouvant pas tirer parti lui-même de sa trouvaille, prenait à présent la liberté d'envoyer celle-ci au susdit Wagenfeld, mais en le priant d'attendre quelque temps encore avant de publier le texte complet de l'Histoire de Sanchoniathon car les moines du couvent, portugais, assurait-il, s'étaient soudain avisés d'exiger de lui une somme énorme comme prix de la vente de leur manuscrit. Aussi Wagenfeld se vit-il d'abord forcé de ne procéder qu'avec une certaine réserve à la divulgation de l'incomparable monument historique. Il commença par en rédiger, dans la langue allemande, un fidèle résumé, qu'il soumit respectueusement à, l'illustre orientaliste G.-L. Grotefend. Il demandait à celui-ci de vouloir bien jeter les yeux sur son travail et puis, s'il le jugeait intéressant, de vouloir bien se charger de le faire imprimer, en l'accompagnant d'une préface où il expliquerait aux lecteurs allemands l'importance de la découverte du chevalier Pereiro. -i.

Pour achever de convaincre Grotefend de sa parfaite bonne foi, Wagenfeld avait joint à son résumé un fac-simile de quelques pages de la traduction grecque de Philon; et il avait également envoyé au savant orientaliste des facsimilé de deux autres documents des plus curieux, ceux-là écrits en vieux dialecte allemand, dont il donnait à entendre qu'ils lui venaient, eux1 aussi, de son correspondant portugais. Mais au reste la seule lecture du résumé de Sanchoniathon aurait suffi à Grotefend pour se pénétrer de l'évidente authenticité du manuscrit communiqué par Juan Pereiro à son jeune confrère. Dans la longue préface qu'il s'est empressé d'écrire pour la brochure de Wagenfeld, le maître glorieux de l'orientalisme allemand exprimait avec un enthousiasme ingénu la joie profonde que lui causait la révélation de YHistoire phénicienne de Sanchoniathon. Puis sans s'arrêter -un moment à' mettre en doute l'entière exactitude des affirmations de celui-ci, Grotefend les prenait pour