Extrait du journal

Il y a aussi l’explication des misères de notre vie publique, de l’instabilité de nos institutions depuis un siècle.Onaprétendu tout recommencer en 1789 et l’on n’a fait que continuer le passé. L’appel à la raison n’a pas été soutenu par l’appel à la cons science. Aussi les insuccès se sont-ils re nouvelés à chaque tentative. On a succes sivement crié : vive la liberté ! vive la gloire ! vive la congrégation ! vive l’ar gent ! et je ne sais que de choses en core. Quoi d’étonnant ? Les rouages de la machine sociale étaient faussés. Que pouvait donner la famille une fois atteinte par l’égoïsme et la sensualité, sinonune population en déclin,des enfants négligés et moralement délaissés, bientôt dévoyés et criminels, à tout le moins in subordonnés et paresseux ? Que pouvait donner la justice si, faisant abstraction de la morale, elle mettait quelque chose au-dessus de la vérité et de l’équité ; si, mélangeant pour la répression les vicieux de toutes les catégories et de tous tes âges, elle achevait leur démoralisation et les lâchait ensuite,sans patronage effectif, dans la société qu’ils ne pouvaient que contaminer et menacer ? Que pouvait donner l’assistance publique séparée de la morale, sinon l’avidité pour le pauvre des libéralités électorales comme à Rome, l’énergie brisée chez le nécessiteux valide, bref, un fonction nement du service des secours aussi nuisible qu’utile ? Que pouvait donner 1a littérature sans la morale, sinon ce que l’on voit : l'esprit appliqué à d’indignes sujets, lo lecteur flatté dans ses pires instincts, la fortune des pornographes fondée sur la corruption de la jeunesse? Ainsi du reste : ni sécurité, ni dignité pour la vie personnelle et sociale en de hors de la loi supérieure de la vie. Car la morale est la loi de l’homme, comme la pesanteur est celle des corps et comme c’est celle des êtres animés de respirer de l'oxygène....