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Titre : Le Temps

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1892-05-09

Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication

Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 09 mai 1892

Description : 1892/05/09 (Numéro 11310).

Description : Collection numérique : BIPFPIG33

Description : Collection numérique : BIPFPIG63

Description : Collection numérique : BIPFPIG69

Description : Collection numérique : France-Japon

Description : Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune

Description : Collection numérique : La Commune de Paris

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k233313b

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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.PARIS, 8 MAI

BULLETIN DU JOUR

1.1

La veillée des armes a commencé aux Etats-Unis pour les élections présidentielles de l'automne prochain. Dans les divers Etats qui composent l'Union, les délégués des deux grands partis se réunissent en convention pour désigner le candidat que leurs représentants auront mission de soutenir à la convention générale. Du côté des démocrates il y avait lieu de craindre que les intrigues du sénateur Hill ne prévalussent contre les titres de l'ex-président Cleveland. Une règle presque constamment suivie jusqu'ici veut Qu'un parti ne prenne pour candidat qu'un homme politique dont a candidature a été ratifiée d'avance par son propre Etat. Or, M. Cleveland est originaire du New-York et, grâce à la suprême habileté de M. Hill à pétrir et à manipuler la matière électorale, le parti démocrate avait exclu de la prochaine lutte l'homme qui semblait désigné pour porter avec le plus d'honneur et le plus de chance de succès le drapeau de l'opposition.

Toutefois, M. Hill avait trop présumé du formalisme scrupuleux qui constitue l'un des traits les plus originaux de l'âme des politiciens américains. Sans doute, de l'autre côté de l'Atlantique on pousse jusqu'à l'idolâtrie le respect des règles du jeu, mais il 2st un point cependant au delà duquel on ne saurait aller et, quand il devient évident qu'à s'incliner aveuglément devant la tradition on perdrait tout uniment la partie, eh bien! c'est ta tradition qui a tort et c'est l'intérêt politique qui l'emporte. Voilà précisément ce qui est en train de se passer pour M. Cleveland. Assurément, beaucoup de dé- mocrates redoutent le tempérament réfor- mateur et la probité intransigeante de l'exprésident, mais le gros du parti sent vaguement qu'avec lui la victoire est possible et que sans lui la défaite est sûre. Aussi n'y a-t-il pas lieu de s'étonner du mouvement qui emporte les conventions de tant d'Etats à désigner d'avance le fils désavoué du NewYork aux suffrages de la convention nationale.

Il ne faut pas oublier cependant que, dans un grand nombre de cas, une réserve expresse a été introduite dans mandat des délégués en vertu de laquelle la désignation de M. Cleveland ne serait valable et définitive qu'autant qu'elle aurait été ratifiée par les représentants de l'Etat-empire. Une réelle incertitude continue donc à planer sur le choix final du parti démocrate. En somme, tout ce que l'on peut dire, c'est que les chances de M. Cleveland ont singulièrement grandi et qu'il est désormais assuré de ne se pas voir opposer une fin de non-recevoir absolue. Il reste encore beaucoup de place pour les manœuvres de M. Hill et il faudrait être presque aussi hardi pour prédire le résultat de la convention nationale que pour prophétiser l'issue des élections présidentielles elles-mêmes.

Du côté des républicains la situation n'est pas beaucoup moins obscure. Il semble jusqu'ici que ce soit le président Harrison qui tienne la corde* Seulement il ne faut pas oublier que, dans la plupart des Etats, les délégués n'ont pas reçu d'instructions formelles et obligatoires en sa faveur et que chacun se réserve de jouer au dernier moment ses atouts au mieux de ses intérêts paçsonnels. Comme dans cette élection présidentielle qui aboutit il y a douze ans au choix inattendu du général Garfield, aucune solution ne s'impose d'avance. C'est proprement une année favorable à ce que l'on appelle en Amérique, d'une expression empruntée à l'argot du turf, le triomphe d'un iark horse.

ag»,

DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps

".1

Rome, 8 mai, 9 h. 30.

Après avoir conféré avec MM. Giolitti et Saracco, le roi a voulu consulter, suivant son habitude, les hommes politiques les plus influents des divers groupes de la Chambre pour s'éclairer sur la situation. 'C'est ainsi qu'il a demandé à voir MM. Crispi et Zanardelli. M. Crispi s'était empressé de partir la veille pour Naplos afin de se faire télégraphier de revenir. Il va sans dire que ses organes donnent cette nouvelle avec une grande satisfaction. Le nom de M. di Rudini est maintenant^xclu de toutes les

FEUILLE'~OIeT IDEJ izttnp-q DU 9 MAI 1892

CHRONIQU^JHÉATRALE \ux Bouffes-du-Nord, le 9 Thermidor, drame en six tableaux, de MM. Jean de la Rode, Georges Rolle et Albert Crémieux.– Aux Folies-Dramatiques.les Finfffhuit jours de Clairette, vaudeville-opérette en quatre actes, de MM. Hippolyte Raymond et Antony Mars, musique de M. Victor Roger. Aux Nouveautés, Me-Na-Ka, légende japonaise en un acte de M. Paul Ferrier. Au théâtre Cluny, la Mission de Prosper, vaudeville en trois actes de M. Albert Barré. Au Gymnase, reprise du Fils de Coralie, comédie en quatre actes, de M. Albert Delpit. Au Théâtre-Libre, Marie Lafond, pièce en trois actes, de MM. Jean de la Rode et Georges Rolle, et Azor, comédie eji un acte, de M. Jean Gascogne.

Et d'abord, si vous le voulez bien, causons ensemble du 9 Thermidor, dont je vous avais, dans mon dernier feuilleton, sommairement annoncé la première représentation et le succès. La pièce est signée du nom de trois jeunes gens MM. Jean de la Rode, Georges Rolle et Albert Crémieux. M. Albert Crémieux est le fils de M. Gaston Crémieux, qui est le véritable auteur de la pièce, interrompue d'ailleurs par la mort tragique de son auteur. C'est M. Clovis Hugues qui se chargea de l'achever. Elle a été, par les soins de la veuve, publiée in extenso dans un volume qui a pour titre OEuvres posthumes de Gaston Crémieux. C'est le drame que M. Albert Crémieux a repris et arrangé avec ses deux amis, MM. Jean de la Rode et Georges Rolle. Ils l'ont traduit en prose, ne pensant point sans doute que les Bouffes-du'Nord l'eussent accepté dans sa forme primitive. Je viens de lire avec une curiosité mélancolique cette œuvre, où éclate une passion jeune et impétueuse pour la Révolution et surtout pour 'Robespierre, qui en est le dieu. Le drame que ces messieurs nous ont servi aux Bouffes suit avec assez d'exactitude la distribution des scènes telles que les avait imaginées Gaston Crémieux. Il m'a semblé qu'ils avaient amorti quelque peu l'ardeur avec laquelle le premier auteur avait exalté Robespierre. Il en reste pourtant bienassez; ceux mêmes qui n'aiment pas cet impitoyable fanatique ont trouvé qu'il y en avait trop encore.

Il y a vraiment bien du talent dans la version de Gaston Crémieux; un talent à la Méry, un talent d'improvisateur méridional. Le vers, chez lui, jaillit avec une verve abondante et facile. Les couplets de bravoure succèdent aux couplets de bravoure, tous animés, tous brillants.

combinaisons ministérielles. Il a déclaré au roi qu'il voulait se reposer.

M. Giolitti parait disposé à accepter le mandat de former un nouveau cabinet, mais le roi n'a encore pris aucune détermination.

M. Saracco a fait au roi un tableau attristaiit de la situation financière et a fait entendre que celui qui recueillera la succession du cabinet di Rudini devra avoir le courage de faire des économies radicales et couper sans pitié dans les dépenses militaires. Si M. Saracco assume la responsabilité du pouvoir, il donnera le portefeuille de la guerre au général Ricci, commandant la division d'Alexandrie, qui a dirigé les fortifications des Alpes depuis Vintimille et qui est persuadé qu'elles sont suffisantes à retarder longtemps une invasion. Le général Ricci déclare qu'au lieu de fortes dépenses nouvelles pour l'armée, il conviendrait de restreindre beaucoup le budget actuel et d'augmenter au contraire les dépenses de la marine.

M. Giolitti aura ce matin une conférence avec M. Zanardelli il espère le décider à entrer dans sa combinaison. M. Giolitti, qui appartient au centre gauche, est convaincu que le nouveau ministère serait impossible si la gauche n'y était pas largement représentée.

Il reste encore à savoir quelle attitude prendra M. Crispi. On ne se dissimule pas qu'il sera très gênant dans l'opposition. Aussi voudrait-on lui donner la présidence de la Chambre mais ses adversaires font remarquer qu'il sera difficile de l'immobiliser dans ce poste et qu'on courrait le risque de le voir chargé de la formation du cabinet à la prochaine crise.

Rome, 8 mai, 10 heures.-

A propos du centenaire de Christophe Colomb, le pape vient d'achever une grande lettre qu'il adresse' aux évoques d'Italie, d'Espagne et d'Amérique. Léon XIII y traite la question de la découverte de l'Amérique au point de vue religieux.

Budapest, 8 mai, 9 h. 10.

L'état de santé du ministre du commerce, M. Baross, donne lieu à de vives inquiétudes. Le bruit de sa mort avait même couru hier. Le ministre s'est surmené pendant ces dernières années; il offre, par conséquent, moins de résistance à la maladie qu'il a contractée pendant son excursion aux Portes de Fer. Il a subi une opération dont on se promet un bon résultat.

Troyes, 8 mai. midi.

Le comité qui patronne la liste radicale fait afficher en ce moment un placard finissant par ces mots « Voici la terreur blanche qui commence. » Il insinue aussi que les deux incendies du cirque et de la préfecture sont l'œuvre de cléricaux fanatiques qui veulent terroriser la population pour faire voter en faveur de la liste républicaine modérée, sur laquelle figurent les noms de trois ou quatre conservateurs.

Marseille, 8 mal, midi 30".

Des lettres particulières, reçues par le dernier courrier du Dahomey, donnent des détails sur les circonstances dans lesquelles a eu lieu l'attaque de la chaloupe la Topaze que montait, le 28 mars, l'administrateur colonial, M. Ballot et le commandant militaire.

Les Dahoméens, depuis doux jours, avaient pillé trois villages de l'Ouémé-Guo, se trouvant sur le territoire français.

Le 27 mars M. Ballot partit de Porto-Novo et remonta l'Ouémé pour se rendre compte de la situation.

̃ II débarqua dans le village que les Dahoméens n'avaient pas encore brûlé, mais qu'ils avaient complètement pillé.

Les Dahoméens, au nombre de 4 à 500, ont cherché à cerner notre agent, avec les quinze hommes qui lui servaient d'escorte, il s'en est fallu de bien peu qu'ils ne réussissent.

M. Ballot ne s'attendait nullement à être attaqué, d'autant moins qu'il se trouvait en face d'individus d'allure paisible.

Le sergent de la milice qui se trouvait avec le commandant donna l'éveil et la petite troupe se hâta de regagner la chaloupe. p P

Bien lui en prit, car, avant d'arriver aux bords du fleuve, ils essuyèrent le feu des Dahoméens. A ce moment, personne ne fut touché.

Quand le petit vapeur se mit en route la fusillade reprit de plus belle. Il y eut quatre blessés. Le lendemain, M. Ballot fit appeler les agents des maisons françaises de Porto-Novo et leur dit qu'il était urgent de prendre des mesures pour faire sortir les Français qui se trouvaient au Dahomey, sinon tous, au moins une partie. Y

M. Montaignac, agent de la maison Mantes et Borelli, n'ayant pu franchir la barre à Kotonou les minas ne pouvant prendre la mer, s'est rendu à Godomey pour s'embarquer sur le vapeur le Foria de la maison Fabre qui devait 'partir le 28 de Kotonou. On espérait alors que les chemins n'étaient pas coupés. Cette lettre est datée de Porto-Novo, 28 mars.

Dans une autre, écrite de Whydah le 3 avril, l'agent de la maison Fabre, M. Moquet, dit « Si la guerre arrive, nous serons pris. Impossible de sortir d'ici. Le seul moyen d'être sauvé, c'est d'attaquer ici, en môme temps qu'on débarquera à Kotonou.

» A mon avis, c'est le seul moyen pratique que j'ai communiqué à M. Ballot et au commandant des troupes.

» Ces messieurs sont de mon avis.

» Sinon nous irons visiter Behanzin comme nos prédécesseurs.

» Une canonnière portugaise est arrivée hier soir 8 avril pour ravitailler la troupe du fort. » On sait, par une dépêche reçue hier matin à Marseille, que les Dahoméens, voulant conserver le matériel des factoreries, ont interdit d'exporter des produits du pays.

On évalue à 14 ou 1,500,000 francs la valeur des marchandises qui se trouvent dans ces factoreries.

Eléonore Duplay, qui aime Robespierre, conte à sa sœur les inquiétudes que la situation lui cause, au lendemain de la fête de l'Etre suprême

J'ai vu ses ennemis; j'ai lu sur leur visage Les sinistres projets que médite leur rage; Autour de lui j'ai vu les regards s'irriter, Les passions rugir, les haines éclater.

Pourra-t-il résister à ce flot qui l'assiège,

Se maintenir toujours vainqueur, de piège en piège, Tomber, se relever encore et retomber?

Il s'aigrit, il s'épuise, et devra succomber. Oh comme j'ai souffert c'était pendant la fCte 11 parlait, et la foule, attendrie et muette,

De l'âme d'un grand peuple épanouissement, Recueillait sa parole avec ravissement,

Comme la primevère, au soleil exposée, Aspire le matin les gouttes de rosée.

Ses collègues riaient. Maxime, chaleureux, Réveillait dans les coeurs les instincts généreux. C'est de l'improvisation très brillante, mais de l'improvisation.

Le drame est fort bien coupé, il a de l'intérêt, et il semble que l'homme qui l'a bâti ait eu vraiment l'instinct du théâtre. La pièce en prose que les trois auteurs en ont tiré de compagnie a gardé les grandes lignes de la composition première. L'inconvénient d'un tel sujet, quand on le porte au théâtre, c'est qu'on ne peut pas tout le temps y parler politique; on risquerait d'ennuyer le spectateur. Il y faut introduire des femmes, et quand les femmes entrent dans un drame, elles ne tardent pas à l'accaparer. Elles tirent à elles toute la couverture. Le duel de Robespierre avec le parti qui l'a renversé se réduit forcément à n'être plus qu'une pique de rivalité entre Thérésa Cabarus, la maîtresse de Tallien, et Eléonore Duplay, qui va épouser Robespierre. La dernière scène nous a quelque peu étonnés à l'orchestre. Robespierre a été décrété d'accusation on va venir pour mettre l'ordre à exécution. Il est libre encore; ses partisans l'entourent et le pressent de signer l'ordre qui leur permettra de mettre en mouvement les troupes restées fidèles.

Non, répond Robespierre, c'est la Convention qui a parlé; je dois obéir; la loi est la loi; elle est égale pour tous; aucun homme n'a le droit de s'y soustraire. J'attends la mort. C'est le discours de Socrate à qui l'on offre le moyen de s'évader et de fuir la ciguë. Mais, comme dit l'autre, nous ne nous attendions guère à voir Socrate en cette affaire. Il faut dire que cette grandeur d'âme a paru charmer le public des Bouffes-du-Nord qui applaudissait à tout rompre. On m'assure que ce succès se renouvelle tous les soirs. J'en suis bien aise pour les auteurs.

Le 9 Thermidor a été fort convenablement joué par une troupe d'ensemble qui est assez bonne. M. Ballet a fait pour la circonstance quel-

(Service Bavai}

Le roi conférera aujourd'hui, à une heure, avec M: Crispi, qui vient d'arriver de Naples.

M. Zanardelli est attendu demain matin, venant de Brescia; il sera reçu par le roi.h>w On croit que le choix du futur président du conseil sera arrêté dans la journée de demain.

San-Remo, 8 mai.

Deux secousses de tremblement de terre, dont une assez forte, ont été ressenties ce matin, à huit heures dix minutes, dans la direction du sud-est au nord-

ouest. t.

ouest. Madrid, 8 mai.

M. Roustan, ambassadeur de France, part ce soir pour Paris. Le bruit court que son voyage serait relatif aux relations commerciales entre la France et l'Espagne.

La police de Barcelone fait des recherches actives pour découvrir l'anarchiste français Mathieu que l'on croit caché aux environs de la ville sous un déguisement de mendiant.

Budapest, 8 mai.

Près de la frontière roumaine, aux environs de Nagybanya, deux attentats à la dynamite ont été commis. Les Roumains et les Magyars, dans cette contrée, sont divisés par une haine féroce.

Inspirés par ces sentiments, deux ouvriers roumains ont déposé des bombes dans la maison du directeur de la mine de charbon, M. Fabian, et dans celle du notaire, M. Papp, tous deux connus par leurs sentiments magyars.

Les dégâts matériels sont importants. Il n'y a eu aucun accident de personne.

On a arrêté deux individus qui ont volé de la dynamite dans un magasin qui renfermait des provisions de cette substance pour l'usage des mines. Tours, 8 mai.

Depuis ce matin, Tours est relié. téléphoniquement avec Paris. L'inauguration de la ligne a eu lieu à dix heures, à la mairie.

M. Fournier, ancien maire, a envoyé ses compliments à M. le président de la République et au président du conseil.

Fourmies, 8 mai.

Une réunion socialiste a eu lieu hier soir. Le citoyen Cousin présidait, avec la femme de Culine et le citoyen Duthoit, cordonnier, pour assesseurs.

On a commencé par des chansons socialistes que les assistants ont chantées en chœur.

Le citoyen Renard a dit que la propagande faite par le comité de conciliation républicaine était scandaleuse. Il a terminé en engageant les ouvriers à voter pour la liste socialiste.

M. Duc-Quercy, qui était arrivé dans la soirée, a violemment critiqué le travail des femmes et des enfants dans les manufactures; il espère que les travailleurs donneront le pouvoir aux socialistes qui remettront les femmes dans leurs ménages et les enfants dans les écoles.

(Service Balziel) Turin, 8 mai.

Après deux jours de répit, le mauvais temps a recommencé, hier, dans toute la haute Italie. A Turin, le thermomètre est descendu de 4 degrés Réaumur. Il neige dans la région montagneuse de Coni à Pignerol.

A Gênes, une bourrasque de grêle a causé dans le jardin public de nombreux dégâts; plusieurs galeries des édifices que l'on construit à l'Acqua-Sola en vue de la prochaine exposition italo-américaine ont été emportées par le vent; le bâtiment élevé par la société de gymnastique s'est écroulé en partie; la galerie de l'exposition du travail a été très endommagée. La neige tombe à Modène et dans les environs, et l'on craint que la campagne ne soit sérieusement éprouvée.

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DERNIÈRE HEURE

Notre correspondant de Kotonou nous télégraphie

Porto-Novo, 8 mai, 4 heures.

(via Eastern)

Behanzin, effrayé par le vote des Chambres et par nos préparatifs, comme aussi par la mauvaise qualité des fusils et des munitions qui lui ont été vendus par les Allemands, essaye, pour gagner du temps, afin de pouvoir recevoir une nouvelle commande de fusils, de nous_convaincre de ses intentions pacifiques.

Il a écrit, hier, une lettre au gouverneur et aux négociants de Porto-Novo et de Kotonou, disant qu'il n'a pas d'intentions hostiles, puisqu'il n'a pas attaqué Porto-Novo et Kotonou.

Grâce à l'arrivée des renforts venus le 3 mai, Porto-Novo peut résister aux troupes du Dahomey. La factorerie Régis est bien fortifiée. Elle est occupée par 70 tirailleurs et est imprenable.

M. Loubet, président du conseil, ministre de l'intérieur, vient d'adresser aux préfets la circulaire suivante au sujet de la surveillance des dépôts de dynamite et autres explosifs

Monsieur le préfet, les tentatives criminelles qui se sont produites ces jours derniers à Paris ont amené l'opinion publique à se demander si les lois et décrets qui régissent les fabriques, les dépôts et l'emploi des divers explosifs utilisés dans l'industrie sufflsaient à garantir la sécurité publique et s'il ne conviendrait pas de compléter par de nouvelles mesures celles qui ont été prises jusqu'à ce jour.

Après examen de la question, il m'a paru que la loi du 8 mars 1875 sur la fabrication des explosifs à base de nitroglycérine et autres produits, ainsi que les décrets du 24 août 1875 et du 28 octobre 1882, constituaient un ensemble de mesures qu'il paraît difficile de rendre plus précises et plus rigoureuses, sans entraver absolument l'emploi industriel des explosifs.

Il suffit, à mon sens, d'assurer la stricte exécution des lois et décrets ci-dessus visés pour garantir, dans la limite où la chose est possible, la sécurité publique contre l'usage criminel d'explosifs dont quelquesuns sont malheureusement d'une préparation trop facile pour qu'il soit absolument certain que les auteurs des attentats n'auront pas eux-mêmes préparé les substances qu'ils mettraient en œuvre.

Mais, si je ne crois pas qu'il soit utile d'ajouter aux mesures déjà prises do nouvelles dispositions législatives ou réglementaire, j'estime qu'une surveillance plus active des dépôts constitués, et surtout des dépôts de première et de seconde catégorie, n'en est pas moins indispensable.

J'appelle toute votre attention sur ce point. Je vous invite, monsieur le préfet, à entrer en relations avec les divers entrepreneurs qui font usage de dynamite ou autres explosifs en votre département; vous aurez à leur faire observer que leur propre intérët, d'accord avec l'intérêt général, leur commande d'assurer d'une façon sérieuse la garde de leurs dé-

ques frais de mise en scène, et le tableau d'une séance à la Convention est plein de mouvement. Parmi les artistes, qui sont nombreux, il me paraît difficile de choisir un nom, sans chagriner les autres. Il n'y a personne qui s'impose d'une façon plus particulière au compte rendu.

Le théâtre des Folies-Dramatiques nous a donné les Vingt-huit jours de Clairette, vaudeville-opérette en quatre actes de M. Hippolyte Raymond et Antony Mars, musique de M. Victor Roger.

Les Vingt-huit jours de Clairette, c'est du vaudeville très gai, très bon enfant, agrémenté par-ci par-là de quelques jolis couplets et de quelques chœurs agréables. Mademoiselle Nitouche, me paraît être le chef-d'œuvre de ce genre. Le vaudeville de MM. Raymond et Mars est à celui de Millaud ce que les Folies-Dramatiques sont aux Variétés un cran au-dessous. Mais on y a ri follement. Que voulez-vous de plus ? f. 't l 't.

Un mari va faire ses vingt-huit jours; sa maîtresse le suit et il la donne comme sa femme. Sa femme, sa vraie femme, celle-là, prise de jalousie,. vient le relancer à la caserne. Elle le demande on la prend pour la maîtresse, et c'est ainsi qu'elle apprend le tour que lui joue l'infidèle. Dans la vie, elle flanquerait la maîtresse à la porte et ferait une scène à son volage époux. Mais le vaudeville a ses lois. Elle trouve plus simple de se déguiser en réserviste pour surveiller son mari; justement il y en a un, le nommé Benoît, qui a manqué à l'appel; elle endosse son costume elle sera Benoît.

Si vous ne prévoyez pas ce qui va suivre, c'est que vous n'avez jamais vu un vaudeville de votre vie. Clairette a la main prompte elle gifle un camarade et est forcée de s'aligner avec lui. Aux grandes manœuvres, comme on n'a pas assez de chambres pour tous les soldats, il n'y aura qu'un lit pour deux. Vous devinez son embarras. Cet acte des lits, qui avait déjà tant amusé dans le joli vaudeville de Georges Feydeau, Monsieur chasse, au Palais-Royal, nous a encore fait pouffer de rire aux Folies-Dramatiques. Expliquez-moi, si vous pouvez, pourquoi un bomme qui ôte sa culotte en scène, se fourre en caleçon dans son lit et en sort, toujours en caleçon, éveille un rire irrésistible chez le public 1 Ce n'est pourtant pas autrement drôle. Allez aux Folies-Dramatiques, vous verrez toute la salle se pâmer et vous vous pâmerez vous-mêmes, quoique vousenayez. Tous ces gens qui changent de lit, se déshabillent, se rhabillent, sautent ou ronilent sous leurs draps, s'interpellent, se jettent des bonnets de coton ou des oreillers à la tête, c'est de la farce de foire, si vous voulez, mais

pôts soit qu'ils y installent en permanence un employé à leur solde, soit qu'ils mettent toutes les issues, portes et fenêtres, en communication avec des sonneries installées dans un local habité et peu distant de ces dépôts. Ce ne sont là, bien entendu, que des in<3icîi£ions, et je vous laisse le soin de vous entendre î%vaç les intéressés "sut leff moyens de préservation qui vous sembleront les plus efficaces à raison de la disposition des lieux, des circonstances, etc. En tout cas, vous appellerez leur attention sur la responsabilité très grave qu'ils encourent en laissant, soit par pure négligence, soit pour éviter quelques frais, leurs dépôts à l'abandon. Enfin, vous leur ferez connaître que l'administration n'hésiterait pas à provoquer l'annulation des décrets en vertu desquels ces dépôts sont autorisés, s'il devenait évident pour elle qu'ils ne sont pas efficacement protégés jour et nuit contre les tentatives criminelles.

Il conviendra également, monsieur le préfet, au cours de l'entretien que vous aurez avec les entrepreneurs qui utilisent les explosifs, de leur rappeler qu'ils doivent s'assurer par eux-mêmes ou par un homme de confiance que les cartouches remises aux ouvriers sont utilisées par eux ou réintégrées au dépôt. Tout ouvrier qui garderait par devers lui une ou plusieurs de ces cartouches devra être immédiatement signalé aux autorités locales les plus voisines et déféré au parquet.

Enfin, je vous prie de m'adresser dans le plus bref délai possible la nomenclature des dépôts installés dans votre département, et les renseignements les plus complets sur la façon dont la garde de ces dépôts est assurée.

Recevez, etc.

Le président du conseil, ministre de l'intérieur, EMILE LOUBET.

Un journal du matin se fait télégraphier de Rome que la lettre adressée par le pape aux cardinaux avait fait l'objet de négociations avec le gouvernement de la République. Nous pouvons assurer que cette, information est absolument fausse.

Le ministre des travaux publics vient de soumettre à l'examen du Conseil d'Etat un projet de règlement d'administration publique portant réorganisation du contrôle des chemins de fer. g

Les dispositions essentielles de ce projet seraient les suivantes

Les ingénieurs seraient beaucoup plus spécialisés qu'ils ne le sont actuellement dans leurs services de contrôla; ils ne pourraient être chargés d'un service de contrôle que sous certaines conditions. Ils auraient sous leurs ordres, en outre des commissaires de surveillance, des contrôleurs de la voie et des travaux, des contrôleurs de l'exploitation technique, des contrôleurs du matériel et du travail.

Les contrôleurs de la voie et des travaux seraient recrutés au concours parmi les conducteurs des ponts et chaussées.

Les contrôleurs de l'exploitation technique seraient recrutés au concours parmi les conducteurs des ponts et chaussées et les contrôleurs des mines. Les contrôleurs du matériel et du travail seraient recrutés au concours et de préférence parmi les chefs de dépôt et mécaniciens des divers réseaux. Enfin, les fonctionnaires du contrôle, de tout grade, ne pourraient entrer au service de la compagnie qu'ils ont contrôlée qu'après avoir cessé de la contrôler depuis cinq ans au moins.

Le docteur Vibert, délégué par le docteur Brouardel, a procédé, dans la matinée, à l'autopsie du cadavre d'Hamonod. Le rapport officiel sera rédigé par le docteur Brouardel sur les notes du docteur Vibert; celui-ci n'a pas encore fait connaître ses conclusions.

nfgf"

La lettre du pape aux cardinaux français semblait bien faite pour ne laisser place à aucune subtilité d'interprétation. Mais ce serait mal connaître le cœur humain et surtout les partis, que de s'attendre à les voir avouer l'évidence. Prétendre qu'il fait nuit en plein midi est un de leurs exercices favoris, et qu'adviendraitil de nous, grand Dieu! s'ils ne parvenaient plus à en convaincre une foule de braves gens, qui aiment mieux condamner le témoignage de leurs sens que de mettre en doute la parple de leur journal? La paix serait bien capable de régner dans le monde, et ce serait alors l'abominationde ladésolation En vertu de ce principe qu'on peut donner aux mots et aux actes le sens que l'on veut et que l'on n'est nullement obligé de tenir compte de celui qu'y attachent les hommes qui les accomplissent ou les prononcent, la presse est à peu près unanime. a découvrir dans la lettre du pape une multitude de choses qui n'y sont point, n'y ont jamais été et ne pouvaient pas y être.

Du côté des républicains, tel journal se montre scandalisé de voir le pape mettre nos institutions sur le même pied que la monarchie des Carlovingies ou des Capétiens: n'est-ce pas là un manque d'égards, et le pape, s'il avait du savoirvivre, ne ferait-il pas la différence entre le régime actuel et ces époques dégradantes de notre histoire? Tel autre journal affirme qu'on chercherait en vain une pensée pacifique dans le document qui nous occupe et que ce qui éclate à chaque ligne, c'est la déclaration de guerre de la papauté à la société moderne. Notre confrère aurait-il, par mégarde, rédigé son article en ayant sous les yeux le texte du Syllabus? Un troisième a trouvé mieux. Pour lui, la République est inséparable non seulement de la loi scolaire et de la loi militaire, mais aussi de la loi sur le divorce. Tant que le pape n'admettra pas le divorce, il n'aura pas fait une adhésion sincère à la République! C'est oublier que la loi militaire date d'hier et que la loi du divorce est à peine plus âgée. Avant que cette loi fût, nous n'étions donc pas en République? Et c'est M. Naquet qui nous y a mis ? 2

On attendait M. de Cassagnac à cette lettre, comme on attend un cavalier habile à l'obstacle. De quelle façon allait-il s'y prendre pour l'enlever, l'obstacle ? Oh d'une façon très simple 1

Rome, 8 mai.

quand ces bobêcheries sont menées comme dans Monsieur chasse et dans les Vingt-huit jours de Clairette, avec un mouvement endiablé et une belle humeur étourdissante, il n'y a chagrin ni réflexion qui tienne. J'avoue que ce n'est pas de là plaisanterie bien relevée, et peut-être s'en fatiguerait-on vite mais de quoi ne se fatigue-t-on pas? Dépêchons-nous d'en rire, tandis qu'elle est de mode. Il en sera d'elle comme de ces remèdes qu'il faut prendre pendant qu'ils guérissent encore.

Il y a au dernier acte une scène d'une drôlerie impayable. Clairette a, dans un mouvement de vivacité, allongé une gifle à son mari, qui est brigadier. Vous me demanderez comment le mari n'a pas reconnu sa femme sous les habits du réserviste. Ah bien si vous chicanez, il n'y a plus de vaudeville possible. Laissez-vous faire. Coups donnés à un supérieur dans le service, l'affaire 'est grave. Benoît (c'est, vous vous le rappelez, sous ce nom que Clairette fait ses vingt-huit jours), Benoît passera donc en conseil de guerre.

Mais voici que dans l'intervalle, le capitaine apprend qu'on a été dupe, à la caserne, d'une mystification, que Benoît c'est une femme déguisée en homme. Or, le hasard fait que, justement, le vrai Benoît, qui était en retard, vient d'arriver; il a trouvé ses habits, qu'avait abandonnés Clairette, lasse et effrayée de son rôle, il les a revêtus, et c'est lui qui répond à l'appel du capitaine. Il faut vous dire que le rôle est joué par un grand garçon, Mesmaecker fils, qui lui a donné une extraordinaire figure de Jocrisse ahuri. Le capitaine le regarde

-Comment, s'écrie-t-il, avons-nous pu nous y tromper? C'est une femme évidemment. Et il commence son interrogatoire.

Benoît apprend tout à la fois qu'il a giflé son supérieur et qu'il est d'un autre sexe. Ces révélations le plongent dans une stupéfaction si profonde qu'il n'ose protester. On veut qu'il soit une femme; il avoue qu'il est une femme; il aime encore mieux cela que d'être fusillé. Mais il n'y comprend rien; il se prend avec désespoir la tête dans les mains. Le capitaine s'applaudit de sa perspicacité et le public rit aux larmes. C'est Mlle Marguerite Ugalde qui, sous le nom de Clairette, conduit la danse avec une crânerie et une verve étonnantes. Elle dit, elle chante, elle se bat au sabre, elle brûle les planches que c'est une merveille. A côté d'elle, il faut citer Mlle Stelly dans le rôle de la maîtresse et surtout Mlle Tusini, qui chante très joliment d'agréables couplets dans l'acte des lits. Elle joue un rôle de bonne.

Les hommes, c'est Vauthier, avec sa grosse voix et son énorme gaieté, toujours un peu laborieuse. Guyon fils est amusant dans le person-

Que la République, dit-il, nous donne seulement la liberté religieuse et nous l'accepterons tout aussi volontiers que la monarchie. Certes, M. de Cassagnac a parfaitement le droit d-s combattre pour ce qu'il appelle la « liberté religieuse », entendant par là la restauration des privilèges de l'Eglise et le triomphe du cléricalisme; on sait, d'ailleurs, qu'il use de ce droit tous les matins. Mais s'il attend, pour respecter la République, que sa campagne ait été couronnée de succès, nous avons regret à le lui dire, il désobéit au pape; partant, il n'est plus catholique! Le pape ne dit pas abolissez d'abord la législation existante, puis respectez la République. Il dit, en termes d'une précision mathématique Commencez par respecter la République, puis, usez du droit incontestable qu'elle vous accorde et vous garantit, de propager vos idées, avec l'espoir de les faire partager un jour à la majorité de vos concitoyens et d'amener ainsi, dans la législation, les changements qui vous paraissent désirables. La différence entre M. de Cassagnac et Léon XIII n'est pas négligeable, on le voit. Mais M. de Cassagnac, lui, trouve commode de ne pas la voir.

Il y a mieux, d'ailleurs, que l'effort du directeur de Y Autorité pour avoir l'air de se mettre d'accord avec le pape, sans se contredire luimême. C'est la note de la Correspondance nationale, organe officiel de M. le comte de Paris. La Correspondance nationale est enchantée, ravie, extasiée. Rien ne pouvait lui faire plus de plaisir que cette lettre-là! Comme Léon XIII a donc été bien inspiré de l'écrire! La rédaction de la Correspondance eût dirigé la plume pontificale qu'elle n'eût pas tracé une ligne de moins, ni une ligne de plus, ni une ligne différente! Vous vous rappelez ce personnage de comédie, ou plutôt de vaudeville, qui reçoit de temps à un autre des témoignages non équivoques de désapprobation de ses contemporains, et qui se retourne pour dire merci avec le plus gracieux des sourires? Telle est un peu, révérence parler, l'attitude de la Correspondance nationale. Tout d'abord, elle trouve que la lettre du pape est une protestation vigoureuse contre. les récentes mesures gouvernementales. Léon XIII n'a pas voulu qu'on le crût suspect de tolérance « pour les ruines religieuses, morales, civiles, amoncelées par la tyrannie des sectes antichrétiennes ». Ce n'est pas tout le pape prodigue, d'après la Correspondance, ses encouragements au clergé et l'exhorte à ne pas laisser « circonscrire l'universalité » de son ministère, « sous prétexte de distinction entre la religion et la politique ». Voilà pour la « première partie » de la lettre; nos lecteurs, qui ont eu le document tout entier sous les yeux, se demanderont peut-être comment la Correspondance a pu s'y prendre pour y voir principalement tout cela. Qu'ils ne se donnent donc pas la peine de chercher 1 C'est infiniment simple il suffit d'imprimer avec autorité cette carafe est un chapeau, pour trouver un certain nombre de naïfs qui aiment mieux le croire que d'y aller voir.

Reste la « seconde partie » de la lettre pontificale. Ici, il faut bien que la Correspondance s'explique sur l'acceptation de la République. Elle se tire d'affaire assez habilement, en insistant avec force sur la comparaison avec les régimes antérieurs. Le pape, dit-elle, ne peut pas exiger plus en faveur de la République que son prédécesseur n'exigeait en faveur de l'Empire. Or, les monarchistes avaient bien le droit, sous l'Empire, de conserver leurs espérances pourquoi perdraient-ils ce droit sous la République ? La Correspondance néglige, il est vrai, une petite, mais nécessaire distinction. Sans même soulever la question des origines des deux régimes ni celle de leur valeur intrinsèque, on peut lui répondre que, si les monarchistes s'engageaient aujourd'hui à conserver leurs espérances aussi discrètement qu'ils le faisaient sous l'Empire, nul ne songerait à les en détourner. Mais, par cet euphémisme:» conserver leurs espérances », il est trop manifeste que la Correspondance veut dire continuer la guerre au couteau, la guerre d'Apaches que les anciens partis n'ont cessé de faire à la République: Et c'est cette guerre que le pape condamne. Mais la Correspondance n'en a cure.

Le « bouquet » comme on dit, ce sont les dernières lignes où la Correspondance assure que les conseils de Léon XIII seront d'autant plus sûrement obéis par les monarchistes « qu'ils ne feront par là que se conformer aux sages instructions qui leur ont toujours été données d'autre part ». En bon français, ceci veut dire que la lettre du pape est entièrement d'accord avec les manifestes du chef de la maison de France, que le Vatican parle comme Sheen h-ouse et que Léon XIII et M. le comte de Paris ne font qu'une paire de têtes sous un bonnet. La conclusion est imprévue, originale, et rien ne dit qu'à Rome même, où l'on s'étonne de peu de chose, elle ne causera pas une certaine stupéfaction. Quelqu'un qui se croit frustré d'un héritage va au ministère de la justice et tire à bout portant sur le concierge, qui n'en peut mais. Ce n'est là, pensezvous, qu'un crime odieux et absurde, mais c'en est un. Voici pourtant M. Henry Maret qui vous montre que, dans cet attentat, le vrai et le seul coupable, c'est un préjugé. Si l'insensé qui a blessé grièvement le concierge de la chancellerie n'avait pas reçu do la société et de l'éducation le préjugé de l'héri-

nage du mari et Guy est charmant de vivacité et de bonne humeur dans le rôle du réserviste qui dégaine pour venger son honneur, souffleté par Clairette. Ajoutons encore Victorin, qui est plaisant dans celui du capitaine..

La pièce a fait un plaisir extrême, et j'imagine que le succès consolera le directeur des FoliesDramatiques qui n'a pas eu durant toute cette campagne beaucoup à se louer de la chance. Le théâtre des Nouveautés nous a donné cette semaine Me-Na-Ka, légende japonaise en un acte, de M. Paul Ferrier, musique de M. Serpette.

Cette légende japonaise m'aurait peut-être fait plaisir, si les auteurs avaient eu l'air d'y croire; s'ils l'avaient contée, à la bonne franquette, avec une naïveté pieuse. Mais ils s'en sont moqués tous les premiers; ils ont jeté sur ces imaginations de romanciers orientaux l'ironie de Voltaire. l'ironie de Voltaire 1 C'est une façon de parler. Leur ironie est fort lourde et nous a semblé des moins plaisantes.

Zi-Pan-Gou est un vieux bonhomme qui tient à conquérir le paradis de Bouddha il jeûne, il se macère, il s'applique sur le dos des coups de discipline; il n'a plus qu'à s'ouvrir le ventre, et il s'en ira tout droit là-haut où il aspire. Mais le paradis de Bouddha n'a qu'un certain nombre de stalles. Pour qu'un nouveau venu y trouve une place, il faut qu'un ancien déguerpisse. La victime désignée, c'estKiou-Fiou, qui est fort ennuyé de ce déménagement qu'on va lui imposer. Il s'en ouvre à sa bonne amie Me-Na-Ka qui lui promet d'arranger les choses. Pour empêcher Zi-Pan-Gou d'entrer au paradis, il suffit de l'induire en péché. Me-Na-Ka s'en charge. Elle descend sur terre; elle possède un breuvage qui rend à l'homme sa jeunesse et ses désirs. Elle en fait boire une fiole à Zi-Pan-Gou, qui s'émancipe près d'elle. Kiou-Fiou ne sera point délogé du paradis màis Me-Na-Ka, qui a goûté des joies terrestres, ne veut pas y remonter. Elle reste ici-bas pour épouser Ko-Si-Ko. Tout cela n'est pas bien méchant d'invention. C'est d'une longueur insupportable, et je défie bien qu'on y trouve un mot d'esprit. La musique en revanche est très jolie. Elle a un caractère voulu d'exotisme qui lui tient lieu d'originalité. Deux morceaux m'ont paru exquis et deviendront populaires. Cela est tout à fait délicat, d'une instrumentation discrète et colorée. Mlle Pierny a beaucoup de bonne grâce et est très séduisante sous les traits de Me-Na-Ka, Mlle Aumont porte galamment le travesti de Ko-ci-ko; Mme Genel est une déesse triomphante, qu'on voii au loin dans un cadre nimbé d'or. Les deux hommes, C'est Colombey et Germain,'qui font de leur mieux pour égayer un livret assommant.

tage, il ne se serait pas cru volé, il n'aurait pas armé son revolver. Le grand coupable, ce n'est donc pas, selon M. Henry Maret, l'homme qu'on a arrêté i c'est le préjugé, toujours le préjugé! Finissons-en avec le préjugé! 1

Soit, monsieur Henry Maret, dirons-nous, finissez-en, s'il vous plaît, ou plutôt, si vous pouvez, avec le préjugé de l'héritage en ligne collatérale. Efforcez»vous, par votre propagande, de réformer sur ce point les mœurs et les lois Mais, pour Dieu, hâtezvous Préjugé ou non, nous vivons sur un ensemble de règles dont nous ne pouvons à toute heure entreprendre l'examen éritique, à l'exemple des moralistes et philosophes dont vous êtes. Nous nous déterminons à chaque instant de l'existence et nous agissons un peu de confiance sur la foi des traités I Laissez à nos actes la part de responsabilité que nous avons encourue et acceptée allègrement. Ella n'est déjà plus si grande. Depuis que les mots do crime passionnel, d'hérédité, d'irresponsabilité momentanée ont envahi les débats judiciaires, il faut à un assassin beaucoup de malechance pour n'entendre pas, avant le crime, l'oracle des verdicts d'acquittement murmurer à son oreille en prenant la voix de Victor Hugo

<( Tu peux tuer cet homme avec tranquillité. » Que sera-ce encore, monsieur Maret si l'hypnotisme d'une part et vos doutes dissolvants de l'autre viennent ruiner le peu qui reste de cette conceptionde ce préjugé, comme vous dites qui avait nom la responsabilité individuelle ? L'homme du ministère de la justice subissait, dites-vous, l'impulsion fatale du préjugé de-s héritages. Mais, à raisonner ainsi, le concierge blessé avait également son préjugé invincible, qui est de tenir à sa vie et à l'intégrité de sos organes. Il me semble que ce préjugélà a été offensé au moins autant que l'autre et, selon toute apparence, beaucoup plus injustement. Faudrait-il alors renvoyer, dos à dos, le plaideur mécontent et le concierge écloppô ? Tous deux victi. mes de préjugés antiques C'est la conclusion à laquelle votre raisonnement, ô monsieur Henry Maret doit aboutir. Et nous ne verrions bientôt plus, si l'on vous croyait, que des préjugés se massacrant ou tirant à coups de revolver les uns sur les autres. Ce n'est pas un résultat si souhaitable. Mais le moyen d'y échapper, si l'on écoute M. Henry Maretî Le jury? Mais notre confrère, et d'autres avec lui, enseignent aux jurés, selon un vers célèbre, que Montaigne eût dit Que sais-je? » Réponse très commode. Les magistrats? Mais on leur fait lire dans Rabelais, toujours d'après le même procédé « Peut-être 1 » Conclusion inoffensive et sans danger ultérieur. Quant aux justiciables, à toutle monde, y compris les anarchistes, les forcenés, les fous, et les fumistes, ils commencent à connaître la devise de l'abbaye de Thôlème « Fais ce que voudras » et à la mettre en pratique. Seulement, les thélémistes d'autrefois étaient, nous dit l'auteur do Pantagruel, de braves gens. Ceux d'aujourd'hui ont les moeurs plus dures. Ils les adouciront peut-être mais, en attendant, il y a un dur moment à passer pour tous ceux qui veulent faire leur devoir et prendre au sérieux les choses sérieuses. Demandez plutôt à M. le conseiller Benoît, à M. le substitut Bulot, à Mme Allemoz, à Lhérot, àVéry et même au concierge de la place Vendôme. Ils sont venus au monde beaucoup trop tard ou beaucoup trop tôt, selon le point de vue. Il parait que c'est un crime que dis-je? -le seul crime sans rémission. Qu'en pensez-vous pourtant, monsieur Henry Maret, vous qui êtes si indulgent?

AFFAIRES COLONIALES

Algérie

Notre correspondant particulier nous télégraphie: Au moment où la commission sénatoriale quitte Alger pour un voyage au cours duquel on aura rarement de ses nouvelles, il est bon d'analyser, d'après les sénateurs eux-mêmes, les résultats de leur enquête.

Partout ils ont interrogé avec le plus grand soin et la plus grande conscience les indigènes et les colons, ne se.bornant pas, comme on l'a dit, à appeler ceux qui dépendent de l'administration, mais faisant porter leur enquête sur tous ceux dont ils pouvaient attendre des renseignements et des éclairasse-ments.

La majorité des colons proteste contre les impôts, qu'ils trouvent trop onéreux, et surtout contre l'exercice et son mode d'application. En outre, les colons ont paru aux sénateurs presque partout défavorables à l'instruction des indigènes. Quant à ces derniers, voici, résumé très exactement et pour couper court aux racontars qu'on a mis en circulation, ce que les sénateurs ont retenu de leurs déclarations. Dans les départements d'Oran et d'Alger, les indigènes se plaignent de l'exagération des impôts qui leur sont appliqués, et leurs plaintes ont paru fondées à la commission. Ils voudraient voir réformer la législation de 1873 sur la propriété, qui leur paraît mal appliquée ils réclament l'institution de la juridiction dos cadis, l'intervention de la justice française fies mettant entre les mains des hommes de loi qui les exploitent; ils paraissent désirer, contrairement à ce qu'on a lait dire, l'instruction française, dont ils comprennent les avantages, mais ils ne la voudraient pas obligatoire. Ils demandent une naturalisation spéciale, avec le maintien de leurs statuts personnel et religieux; enfin, et surtout, ils voudraient une représentation plus efficace dans toutes les assemblées, même en France. C'est exactement en ceci que se synthétisent leurs déclarations et leurs réclamations.

Sur tous ces points égaloment, ils peuvent être à peu près sûrs d'avoir l'appui de la commission sénatoriale.

Au théâtre Cluny, nous avons eu la première représentation de la Mission de Prosper, vaudeville en trois actes de M. Albert Barré. M. Albert Barré est un des jeunes auteurs sur qui nous avions fondé de réelles espérances après avcir vu de lui une pièce, Antonio père el fils, qui avait eu beaucoup de succès et qui était vraiment fort gaie. Le point de départ en était piquant, et quelques-uns des développements nous avaient séduits par la nouveauté des situations et la prestesse de la main qui les avait amenées.

La Mission de Prosper est un vaudeville quel.conque sur lequel il n'y a pas lieu de s'étendre. La donnée n'a rien d'original, les quiproquos sont connus, le dialogue est terne, et c'est à peine si l'on y cueillerait par-ci par-là un mot drôle. L'aménagement de la pièce accuse chez l'auteur une inexpérience qui me ferait croire qu ilafouillé dans ses vieux tiroirs pour en tirer un ouvrage oublié. Ce sont des entrées et des sorties perpétuelles de personnages qui se font sans motif et qui fatiguent l'attention sans exciter la curiosité. Il n'y aurait, à une plus longue analyse, ni nécessité ni agrément.

La Mission de Prosper est gaillardement jouée par une troupe qui se sent les coudes et qui est habituée au succès. Je ne fais que citer au courant de la plume, n'ayant pas conté la pièce, les noms de Numas, Véret, Dorgat et Allart. Parmi les femmes, mentionnons Mlle Aciana, l'étoile de la troupe, Mlles Luceuille etDaubray, l'excellente duègne, Mme Cuinet. Une nouvelle venue, Mlle Nilss, nous a semblé fort jolie.

J'arrive enfin à la reprise du Fils de Coralie qui a été l'événement de la semaine. Le Fils de Coralie n'avait jamais été remis à la scène depuis l'année 1880, où la pièce avait obtenu un succès énorme, qui, de Paris, s'était propagé à la province et à l'étranger. Montigny était en ce temps-là directeur du Gymnase, et le Fils de Coralie fut son dernier triomphe. Il mourut quelque temps après, et force fut bien de passer la main. M. Koning, qui recueillit sa succession, n'entendait point chausser ses souliers. Il remisa le Fils de Coralie, se disant peut-être que ce serait pour lui une ressource précieusd aux jours de détresse. Ces jours sont venus. Toutes les nouveautés que nous a offertes M. Koning, cette année, sont tombées coup sur coup. Il y a des années, disait Schaunard, où l'on n'est pas en train. C'est alors que le directeur du Gymnase s'est resouvenu du Fils de Coralie. Il l'a remonté avec beaucoup de soin, et je suis convaincu qu'il tient cette fois encore un grand succès. Je mentirais, si je ne reconnaissais pas que le Fils de Coralie k la première de