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Titre : Le Temps

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1892-05-08

Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication

Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34431794k/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 137484

Description : 08 mai 1892

Description : 1892/05/08 (Numéro 11309s).

Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale

Description : Collection numérique : BIPFPIG33

Description : Collection numérique : BIPFPIG63

Description : Collection numérique : BIPFPIG69

Description : Collection numérique : France-Japon

Description : Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine commune

Description : Collection numérique : La Commune de Paris

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k233312z

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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UN VOYAGE DE DÉLIMITATION

~ï,e récit qu'on va lire relate, d'un tour agréable et | ffune plume alerte,- nos lecteurs en jugeront, du reste la première partie du voyage que la misSon Singer accomplit pour délimiter les frontières de la Guinée française et du pays des Achantis. L'auteur, M. Marcel Monnier, qui accompagne la mission française, nous donne, sous une forme pittoresque, les renseignements et les observations topographiques qu'il a relevés..

Nous joignons à ce récit une carte où" nous avons fait figurer, en raison des événements, le Dahomey et les pays du Soudan jusqu'à Say.

ASSINIE

Assinie (Côte occidentale d'Afrique),

.11-28 janvier 1892:

'La mission Binger, partie de Marseille le 25 décembre dernier, a pris terre en Guinée française après une belle traversée d'un peu inoins de dix-sept jours. Le li janvier, à deux heures de l'après-midi, le Stamboul, en avance de quarante-huit heures sur la date fixée, mouillait en face d'Assinie, sur la côte d'Ivoire, >. ~o+,.n oonts mfetrfis de la piaffe.

n uuxu UU.LJ, J,A..A. rien de dé-

De la mer, le premier aspect n'a rien de déplaisant. Parmi les touffes de cocotiers, le village aligne le long de la grève ses huttes de bambou aux toits de chaume. Quatre constructions élevées d'un étage (les factoreries) mettent dans le paysage la note européenne. Immédiatement en arrière du village, les eaux calmes de la lagune d'Aby miroitent entre les palmes grêles. Au premier plan, c'est la barre mugissante avec sa triple frange d'écume; au fond du tableau, les eaux mortes, la paix des forêts inviolées.

La barre

Une grosse affaire,le débarquement, alors môme que l'on a, comme nous, la chance de tomber sur ce qu'on appelle une belle barre. Assez improprement dénommée, par parenthèse, cette barre de la côte d'Afrique. Les véritables barres ne se rencontrent qu'aux embouchures de fleuves. Il s'agit ici du suprême et tumultueux soulèvement de la grande houle-du sud-ouest brusquement arrêtée dans son élan par des fonds bas. Toujours est-il qu'il rend l'atterrissage difficile-, sinon périlleux pour peu que la mer soit forte. Même par le beau temps, on ne franchitpas sans une certaine émotion les trois énormes rouleaux qui déferlent sur ces interminables grèves.

L'équipage des baleinières se compose d'une douzaine de noirs minas, mariniers consommés, munis de pagaies en forme de tridents. Ils rythment la manœuvre par un chant continu, sorte de choral en partie double, repris tour à tour par l'équipe de tribord et celle de bâbord. Le chœur ne manque pas d'une certaine harmonie, dans son improvisation hâtive. Les paroles varient, en effet, selon les circonstances, la qualité des personnes, le genre des marchandises. S'agit-il de passagers européens? Le chant peut se traduire comme il suit: « Nous avons un blanc » dans la barque il ne faut pas chavirer. » Et le chœur de s'écrier: «Non! non! Ça va bien, » r.a. va bien »

Debout à l'arrière, armé d'un long aviron, le t barreur accélère et modère l'allure, attentif tout A à la fois aux mouvements du flot et à la mimi- v que d'un camarade qui, de la plage, lui signale r avec de grands gestes l'approche d'une lame é propice. On attend ainsi, parfois pendant plu- « sieurs minutes, laissant passer les vagues. Le 1 moment favorable venu, au signal donné, les pagaies font rage, le chant va crescendo; soulevée par un coup de houle, l'embarcation est } lancée vers le rivage avec la rapidité d'une 'flèche: elle laboure profondément la vase et s'arrête oscillante, tandis que, invariablement, une lame suprême la balaye. Cependant les noirs ont lancé à l'eau leurs pagaies, hissé le passager sur leurs épaules, et le déposent, plus ou moins trempé, sur le sable.

Les blancs à Assinie

̃ Assinie?. Une bande de terre large de trois cents mètres à peine, entre l'Océan et un bras du grand lac d'Aby. Un moutonnement de paillottes quatre maisons européennes les factoreries Verdier de la Rochelle, Swanzy et C° de Londres, et deux autres de moindre importance appartenant à des Américains.

• La résidence de l'administrateur du territoire est plantée de l'autre côté de la lagune, à dix ou quinze minutes en barque, sur la lisière de la grande forêt. On l'appelle, je ne sais trop pourquoi, le « Blockhaus ». Ce n'est qu'une humble maisonnette, sans le plus petit appareil de défense, barrière ou palissade, et dont le chaume prendrait feu comme une allumette. L'installation est plus que modeste. C'est un pied-à-terre provisoire, -un provisoire qui dure depuis trois ou quatre ans. La France, qui a pris possession '̃̃ de ce point du littoral en 1843 ou 1844, avait en 1872, pour des raisons budgétaires, renoncé à y entretenir un poste. La réoccupation fut décidée du jour où les questions africaines prirent 1 importance que l'on sait; il serait à souhaiter qu'elle ne restât pas indéfiniment a l'état sommaire. L'interrègne a déjà été trop long notre influence sur l'indigène en a singulièrement souffert. Les vieillards seuls se souviennent de notre domination, parlent un peu le français. Le reste, en fait de langage civilisé, ne connaît que le jargon anglais de la côte, le bushman english des établissements britanniques. Toute la jeune génération nous échappe c'est une conquête à faire. La campagne a déjà commencé, sous les auspices les plus favorables, au moyen de cette arme à très longue portée, l'école. L'école, une spacieuse chaumière en bambou, se trouve à deux pas de la résidence. Elle est fréquentée par une trentaine de bambins du hameau de Mafia, situé sur la même rive de la lagune, en face d'Assinie. J'ai été vivement frappé de la physionomie éveillée et intelligente de la plupart de ces enfants, âgés de huit à douze ans. Le plus grand nombre parlent et écrivent assez correctement notre langue, savent suffisamment leurs quatre règles pour résoudre de petits problèmes d'utilité courante la tenue des cahiers n'est pas inférieure à ce que l'on obtient des enfants du même âge dans la plupart des écoles primaires d'Europe. Ce résultat remarquable est dû en entier aux efforts et à la patience de l'excellent instituteur colonial, M. Jeandheure.

Les autres fonctionnaires sont: un brigadier des douanes et ses quatre subordonnés. A voir leur gîte, on ne se douterait guère qu'entre les mains de ces pauvres gens passent, chaque année, d'assez grosses sommes. Sur la plage, une paillotte vulgaire entre les paillottes, telle est la douane d'Assinie. Pour tout mobilier, un lit ite camp à l'usage du chef. Le reste de la bri- gade repose à terre sur des nattes; une vieille malle, renfermant pêle-mêle les registres etles espèces, sert d'archives et de coffre-fort. Lorsqu'on songe aux conditions climatériques de ces contrées, à la nécessité, pour l'Européen contraint d'y faire un séjour prolongé, de s'entourer du -minimum de confort prescrit par les lois les plus élémentaires de l'hygiène, la situation semble inouïe. Sans parler des devoirs de l'Etat envers de modestes serviteurs chargés de le représenter sous le plus inhospitalier peut-être des climats, prétend-on relever, aux yeux de l'indigène, le prestige des autorités en les installant de façon aussi pitoyable? Elles n'ont à leur disposition ni canot à vapeur, ni baleinière. L'administrateur veut-il entreprendre une tournée dans les nombreux villages qui bordent la lagune? Il lui-faut emprunter l'embarcation

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d'une factorerie. Le noir, si léger soit-il, ne manquera pas d'observer tout cela il réservera nécessairement ses respectueux hommages aux trafiquants bien logés et bien équipés; ses sentiments, à l'égard de fonctionnaires dépourvus de tout, friseront l'indifférence, pour ne pas dire le dédain.

Par bonheur, la visite de deux inspecteurs des colonies actuellement en tournée sur cette côte va permettre à l'administration métropolitaine, d'être informée exactement de la situation précaire où végète ici son personnel. Nul doute que des mesures ne soient prises pour y remédier à bref délai. Ce ne sera que justice. La France, qui a quelques colonies coûteuses, doit au moins appliquer, à celles de ses possessions dont le budget se solde par de sérieux bénéfices, une part de leurs revenus. Sait-on à quel chiffre se sont élevés les droits perçus parla seule douane d'Assinie pendant le dernier exercice ? A cent quarante-quatre mille francs. Le total des dépenses, largement comptées, n'atteint pas quarante mille. La marge est plus que suffisante, ce mp. sp.mhle. cour aue l'on consacre quelques

milliers de francs aux améliorations les plus urgentes. Ce serait là de la politique coloniale intelligente s'il en fut. Le grain ne tomberait pas sur un sol ingrat. Le trafic avec l'intérieur, insignifiant il y a quelques années, se développe à miracle. Depuis le grand voyage du capitaine Binger, du Soudan au golfe de Guinée par Kong et le Mossi, les relations entre ces contrées et le littoral- ont pris une importance chaque jour croissante. Deux compagnies de navigation françaises, trois lignes anglaises, deux allemandes desservent, à l'heure actuelle, les principaux points de cette côte où n'apparaissaient naguère que les bâtiments à voile des factoreries.

La nonulation blanche d'Assinie compte en

)ut dix personnes. lotre arrivée équiautà une invasion. Lussi, aucune maion ne pouvant nous éberger tous les inq, avons-nous été ecueillis un peu artout.Le capitaine tinger et le docteur irozat logent chez administrateur. 1M. les lieutenants Jraulot et Gay, ce lernier commandant le détachement le vingt tirailleurs énégalais que nous vons embarqués à )akar, ont pris quarier à la factorerie rançaise. Les tiraileursontinstalléleur ;ampement sous les cocotiers ils aident iu transport, au déoallage des nombreux colis et, le soir I venu, organisent I une courte séance musicale et chorégraphique où quelque caisse de ferblanc défoncée tient lieu de tam-tam. A neuf heures, le clairon sonne le repos le camp s'endort. Pourmoi, j'ai élu domicile àlafactorerie anglaise dont l'agent M. Price, m'a fait le plus cordial accueil. La population indigène, difficile à dénombrer exactement, peut s'élever à quatre mille âmes environ: Le chiffre respectif des représentants des deux races est singulièrement suggestif. La situation de cette poignée d'Européens, vivant en sécurité au milieu de quatre mille noirs, en dit long sur le caractère des fils de Cham et la malléabilité de l'âme moricaude.

Les bagages de la mission près de deux cent caisses ou ballots ont été emmagasinés à la factorerie Verdier. Rien ou presque rien n'a souffert du débarquement.Mais il s'agit de déballer, passer en revue et réempaqueter tout cela par charges de vingt-cinq kilogr., ce qui n'est point un jeu.

Combien de temps resterons-nous ici? `? Dieu lesait Tout dérvr>nrl (\pa. mnilVP.-

ments des commissaires anglais. Peut-être sont-ils encore à quelques cent milles d'ici, sur la Côte d'Or. Un messager,envoyé aux informations à Axim, poste britannique, ne sera pas de retour avant quatre ou cinq jours. Enfin, il nous faudra engager soixante ou quatre-vingt porteurs et, à cet effet, nous rendre à Krinjabo auprès du protégé de la France, le roi Akassimadou, pour lui demander des hommes. Le voyage exigera au moins trois jours, quoique la distance ne soit pas considérable et qu'on la franchisse en quatre heures avec une embarcation à vapeur. Mais il faut compter avec les lenteurs du cérémonial indigène et les palabres interminables. De toutes façons, je ne crois pas qu'il nous soit possible de partir pour l'intérieur avant la fin du mois. Le climat

Bien que le thermomètre ne descende guère au-dessous de 30°, même la nuit, la brise de mer rend la température supportable. Nous sommes dans la saison sèche, ce dont, de prime abord, on ne se douterait guère, à voir l'état presque continuellement brumeux du ciel. Cette atmosphère chargée de vapeurs semble être la caractéristique de cette partie du littoral africain. Elle contraste avec les journées lumineuses que l'on rencontre habituellement sous les tropiques. Le changement a lieu, presque soudain, à partir de Dakar. Il semble qu'un triple voile de gaze disperse les rayons solaires. Les couches de brumes s'épaississent à mesure que l'astre décline. Adieu les nuits limpides, la splendeur du firmament constellé. Dans le cercle de plus en plus réduit de l'horizon, de rares étoiles apparaissent çà et là comme des nébuleuses. C'est, dans la chaleur croissante, l'aspect embrumé des mers septentrionales.

La saison, au demeurant, est de beaucoup la

moins malsaine de l'année, du moins pour l'Eu- ropéen. Les périodes de transition, les premières grandes pluies, le retour de la sécheresse dégageant des miasmes telluriques l'éprouvent davantage. Le mal qui semble dominer actuellement sur tout le littoral, frappant indistinctement" blanc et noir, mais s'attaquant de préférence aux indigènes, ne serait autre qu'une affection dont chacun a, plus ou moins, souffert en Europe, l'influenza, destinée à s'acclimater sous toutes les latitudes. Elle aurait, me dit-on, fait, en moins d'un mois, dans le seul village d'Assinie, une dizaine de victimes. Ces deuils récents sont attestés par le bruit que l'on mène en certaines cases, coups de feu, lamentations infinies suraiguës, en l'honneur du défunt. Ce vacarme a lieu généralement la nuit. Après une très courte accalmie, il reprend de plus belle longtemps avant l'aube. C'est là l'un des moindres inconvénients de l'existence à proximité d'un village nègre.

Si le climat mérite, à plus d'un titre, sa détestable réputation, il y a cependant lieu de s'étonner que la mortalité n'atteigne pas un chiffre

-].1.

plus élevé lorsqu'on songe aux coimuiuns uan=> lesquelles vit l'indigène. Ce village a tout ce qu'il faut pour être un véritable foyer d'infection. Dans des cases de dix pieds carrés s'entassent cinq ou six personnes, parfois davantage, dormant sur le sol. Enfin, et surtout, le mode de sépulture, l'usage qui consiste à enterrer le mort sinon dans sa case, du moins tout près du village, dans la brousse, presque à fleur de terre, devrait contribuer à multiplier singulièrement les causes d'épidémie. Je me demande si, dans des conditions identiques, la vie serait sensiblement moins précaire en Europe qu'à la Côte d'Ivoire.

La population locale fournit peu ou point de travailleurs aux factoreries. Sur une centaine

d'individus employés comme porte! aix, mariniers, etc., les deux tiers au moins proviennent de la côte de Krou. Ces indigènes, désignés vulgairement sous le nom de Krou-boys, race active et laborieuse, font à eux seuls toute la besogne du littoral depuis les Rivières du Sud jusqu'au Gabon. Le commerce t

Le commerce des factoreries consiste principalement en cotonnade imprimée de fabrication anglaise, poudre, fusils à pierre, bougie, pétrole. Le gin, le tafia, des spiritueux extraordinaires dont les étiquettes flambantes arborent impudemment les noms de Jamaïque et de Cognac le tout vendu aux traitants noirs de l'intérieur à raison de 25 à 30 shillings les vingt bouteilles complètent la liste des articles d'importation. Le savon n'y figure que dans une proportion négligeable. Non que l'indigène fasse fi des soins de propreté il prend son bain tous les jours, plutôt deux fois qu'une. Mais les droits d'entrée, assez élevés, puisqu'ils atteignent 40 centimes la barre, l'ont décidé à s'approvisionner ailleurs, aux établissements voisins de la Côte d'Or, territoire anglais où l'article pénètre en franchise. Le prix de ces diverses denrées est acquitté par les traitants en poudre d'or, la seule monnaie courante. Les factoreries l'encaissent à raison de 72 shillings (90 francs) l'once, et en expédient chaque année en Europe, du seul établissement d'Assinie, pour une valeur de 5,0U0 livres sterling en moyenne.

Le principal article d'exportation est l'acajou, à destination de Liverpool ou de Londres. Par les rivières et la lagune, les trains de bois amènent par an environ 2,000 troncs d'arbre cubant, l'un dans l'autre, de 30 à 35 pieds, mesure anglaise. Le territoire exporte en outre une quantité très minime– de caoutchouc, de

qualité très inférieure à celui du Para. Les noirs le préparent fort mal, à supposer qu'ils n'y mélangent pas, pour augmenter le poids, des matières étrangères, de la terre, du sable, des bananes pilées, etc., etc. Quant à l'huile de palme et aux arachides, je n'en parle que pour mémoire le centre d'exportation est Grand-Bassam.

Une plantation caféière

Mais il y a ici quelque chose de plus intéressant que le commerce ordinaire des factoreries, l'éternel trafic d'alcools frelatés, d'armes de pacotille et d'indiennes à ramages, Il s'agit d'une très importante exploitation agricole, la plantation caféière d'Elima, créée il y a moins de dix ans par la maison Verdier. C'est le premier essai de ce genre tenté sur nos possessions de la côte. L'épreuve, malgré les tâtonnements inévitables du début et les difficultés relatives à la main-d'œuvre, semble concluante.

Elima est situé à dix milles environ d'Assinie sur la rive nord du lac d'Aby. Nous y avons fait escale en nous rendant à Krinjabo.

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loupe à vapeur, YEvelyn, obligeamment mise à la disposition de la mission par le représentant de la maison Swanzy, M. Price, levait l'ancre, .remorquant un canot et une baleinière, Dans cette dernière avait pris place l'escorte de tirailleurs sénégalais destinée à relever, aux yeux du roi Akassimadou l'éclat de notre visite. Un peu avant quatre heures, la flottille mouillait dans la jolie baie d'Elima où les agents de M. Verdier nous réservaient l'hospitalité la plus cordiale. ̃ Le relief de la rive est assez accusé en cet endroit. A quelques pas du débarcadère, les cases des travailleurs noirs pointent parmi les touffes de bananiers. Tout près sont les grands séchoirs dallés, les bassins de lavage, les han-

gars des macnmes a aepmper ei a uuuuruij um-. Au delà, le terrain s'escarpe et, par une pente assez raide, on atteint la maison d'habitation, située à une trentaine de mètres au-dessus du lac. De la véranda, le coup d'œil est enchanteur. A nos pieds s'arrondit la baie profondément échancrée, avec son amphithéâtre de forêts vierges projetant leur ombre sur les eaux; vers le sud, dans une buée lumineuse, les contours indécis, flottants, des grandes îles étalées entre le haut lac et Assinie; au couchant le mont Rouge éminence isolée dont l'attitude n'atteint pas cent mètres, détache son arête régulière comme une falaise sur cet océan de verdure.

La superficie du défrichement est de 113 hectares. La plantation ne compte pas moins de 300,000 caféiers aujourd'hui en plein rapport. Les premiers plants ont été importés de Liberia. Actuellement la récolte commence et s'annonce fort belle la plupart des branches fléchissent sous le poids des baies roses. Avec un sol aussi favorable à ce genre de culture, la moyenne de production ne devrait pas être inférieure à celle que l'on obtient au Brésil, à Java, dans l'Amérique centrale, où le rapport de chaque sujet varie, suivant les années, de deux à trois kilogrammes. Dans ces, conditions le domaine d'Elima, bien que de création toute' récente, pourrait exporter annuellement de deux à trois cents tonnes de café. Le chiffre se passe de commentaires.

Par malheur, la main-d'œuvre fait défaut. Pour retirer de la plantation tout ce qu'elle peut donner, il faudrait tripler, sinon quadrupler, le nombre des travailleurs. Or, les indigènes de Krinjabo et des environs comptent parmi les moins laborieux du littoral. On a grand'peine à les embaucher et la quantité de travail fourni est bien mince c'est tout au plus si l'on parvient

à rentrer en temps utile un tiers de la récolte. En outre, aux mains de pareilles gens, la cueillette équivaut trop souvent à un cyclone.On ne compte pas toutes les branches arrachées, brisées par cette horde indisciplinée et insouciante, pressée de terminer sa tâche. A cet égard une réforme s'impose. Il semble que, vu l'impossibilité de se procurer sur place la main-d'œuvre suffisante, le plus simple serait de l'emprunter aux contrées voisines et de recourir, notamment, aux indigènes de Krou, toujours en quête de travail.

Quoi qu'il en soit, Elima fait le plus grand honneur à ses fondateurs. Si parfois l'esprit d'entreprise fait défaut à nos compatriotes, si trop souvent nos colonies n'ont été qu'un champ d'action ouvert à l'initiative étrangère, il est consolant de constater qu'ici le sérieux effort, la tentative hardie émanent d'un Français. L'œuvre, quoique incomplète encore, est dès à présent un exemple à retenir, en môme temps qu'une réponse péremptoire à ceux qui dénient à notre race les qualités nécessaires pour mettre en valeur son empire colonial.

La rivière Bia

Le 19, de grand matin, nous repartons. En une heure et demie nous arrivons à l'extrémité du lac, à l'embouchure de la rivière Bia. Les eaux sont trop basses pour qu'une embarcation calant un mètre puisse franchir la barre. Abandonnant la chaloupe à vapeur, nous nous casons tant bien que mal dans les canots, et poursuivon notre voyage à la pagaie. La rivière est large d'une quarantaine de mètres, le courant presque imperceptible. Sur les deux rives, la futaie géante, serrée, le fouillis des palmes, des lianes: un double rempart d'un *vert uniforme. Le regard, d'abord séduit par la végétation puissante, par la magnificence des feuillages, se lasse bientôt de ce

décor immuable. Une mélancolie profonde pèse sur ces solitudes, un grand silence. De loin en loin, seulement, les ébats d'un plongeon, le ronflement d'un caïman un vol criard de perroquets ou le craquement d'un tronc qui s'effondre. A de rares intervalles, quelques huttes de pêcheurs, par groupes de trois ou quatre; des filets qui sèchent, des enfants nus courant sur la berge une femme aux mamelles pendantes, occupée à piler des bananes, son dernier né en croupe, ficelé dans le pagne, la tête ballante du marmot ponctuant chaque coup du pilon maternel un bonhomme, qui démarre sa pirogue et pique droit sur nous pour nous proposer, avec des gestes engageants, le vin de palme fraîchement pré- paré. Puis la rivière décrit un coude, le rideau de verdure retombe, la case et ses hôtes disparaissent.

A mesure que le soleil monte, la paix se fait plus grande encore dans les bois, sur l'eau sombre, inquiétante, avec de larges taches huileuses traînant à la surface. ·

Le roi Akassimadou Deux heures de

cette navigation monotone et nous voici à hauteur de Krinjabo. Le village est à un kilomètre de la rivière. Au bord de la crique où nous prenions terre, une vingtaine d'individus attendaient: l'un d'eux faisait flotter 1 auboutd'uneperche les couleurs françai- ses. Il y avait là plusieurs chefs et l'un des porte-cannes du roi son équipement se composait d'un bâton de bedeau à pommeau doré et d'un képi de colonel. Les salutations rapidement échangées, nous nous acheminions, en file indienne, vers la capitale. .ire les choses, nous a

LiG roi, qui VcUt JJ1U11 Icurc ico uuuaco, uuui] u. logés chez lui. Non pas dans son palais Akassimadou, monarque ennemi du faste, n'a point de palais mais dans un local spécialement destiné aux blancs de passage à Krinjabo. L'idée est large, le local étroit. C'est une bâtisse construite sur le modèle des factoreries, mais de dimensions beaucoup plus restreintes. Imaginez une sorte de caisson reposant sur un soubasse-ment en pisé haut de trois mètres. L'intérieur est divisé en quatre compartiments. Dans chacune des pièces deux personnes peuvent tenir sans être trop mal à l'aise à trois, c'est un encombrement à quatre, une cohue. Une échelle de meunier donne accès à la galerie couverte qui fait le tour de l'édifice.

A peine installé, nous nous rendons chez le roi, au débotté. Simple affaire de politesse; le véritable palabre n'aura lieu que dans la journée. Pour le moment, il n'est nullement question du motif de notre visite. Des compliments de bienvenue, une enquête sommaire sur les santés réciproques, rien déplus. « Tuvasbien! Moi aussi. J'en suis charmé. » Et l'on se sépare.

Le roi est infiniment moins bien logé que bon nombre de ses sujets. La case est exiguë, disjointe, branlante; le chaume de palmes a connu des jours meilleurs. Tout à côté se trouve un ap- pentis en bambou, de quelques pieds carrés, fer- mé sur trois côtés. C'est là qu'ont lieu les réceptions. Le prince est d'apparence très valétudinaire. Il est affligé d'une paralysie partielle; sa faiblesse est telle qu'il ne s'exprime qu'à voix très basse; mais peut-être ne faut-il voir, dans ce susurrement, qu'une attitude, le désir d'être compris au simple mouvement des lèvres..Akassimadou doit avoir dépassé la soixantaine, un âge avancé pour un noir. Il avait revêtu, pour la circonstance, un costume d'ordre composite:

tunique d'administrateur colonial et yicorne de général avec plumet tricolore; un long pagrie dissimulait ses jambes impotentes.

Un palabre

Au palabre du soir, l'assemblée était nombreuse la plupart des chefs y assistaient. L'étroite cour était bondée de spectateurs, fouls curieuse et bruyante où chacun disait son mot, commentant en toute liberté les paroles de haut? personnages, à tel point qu'à mainte reprise des « Chut 1 énergiques partaient du groupe où siégeaient le roi et ses conseillers. Le sans-gêne de ces réunions à la fois royales et populaires éclaire d'un jour singulier les relations entre gouvernants et gouvernés. En réalité, le pouvoir du monarque est loin d'être absolu. Celui-ci doit compter non seulement avec l'avis des principaux chefs, mais encore avec ce qu'on appellerait chez nous l'opinion publique. C'est une façon de discuter quasi familiale, rappelant par plus d'un côté ce que devaient être, aux temps primitifs de notre histoire, les conseils orageux ténus en plein air devant la multitude, entre les feudataires, la soldatesque turbulente et le chef

+cuuauuuco, .u~ wuwy.

élevé sur le pavoi.

Par moments, le cercle qui nous presse se resserre au point que nous avons peine à respirer et qu'il est urgent d'enjoindre aux curieux de se tenir à distance plus convenable. On obéit de bonne grâce, mais presque aussitôt le mouvement en\ e'oppant recommence; insensiblement la quintuple rangée de têtes crépues se rapproche.

Le roi, cette fois, nous reçoit étendu sur un lit de repos; il a dépouillé la tunique à boutons dorés et le chapeau à plumes. Son pagne négligemment noué laisse à découvert le torse et la poitrine. Un bébé de trois ans, absolument nu, prend ses ébats auprès du vieillard, tandis qu'une de ses femmes, debout près de la cou-

rtUi-»++rt Aaqp^a lac mnnaHnnncn frmnHs p.minç: Ht

chette, écarte les moustiques a granas coups ue son éventail de palmes.

L'entretien s'est prolongé plus d'une heure. Le capitaine Binger a expliqué au roi le but de la mission, faisant valoir tout l'intérêt qu'il y avait pour Akassimadou à ce qu'une ligne de démarcation définitive fût tracée entre son territoire et le protectorat anglais de la Côte d'Or. Aucune mesure n'était plus avantageuse poui éviter dans l'avenir de regrettables malentendus, des difficultés sans cesse renaissantes, tes démêlés de chef à chef, de village à village, parmi les populations vivant sur la frontière. Akassimadou a compris cela, ou a paru le comprendre. Aussi a-t-il accueilli sans sourciller lo conclusion du discours, la demande d'un contingent indispensable de quatre-vingts porteurs et de vingt pirogues les porteurs iront par la voie de terre, nous attendre à Nougoua, où nous devons nous rendre en remontant le cours sinueux de la rivière Tanoé. Porteurs et bateliers ont été promis séance tenante des messagers allaient être immédiatement expédiés dans les villages pour rassembler les hommes et les embarcations. Sur cette bonne promesse, nous levons la séance, non sans avoir reçu les remerciements du roi pour les cadeaux qu'on lui a fait remettre dans l'intervalle des deux palabres couvertures bariolées, pagnes de soie pour ses femmes, un revolver et cent cartouches^ un fusil à pierre richement ciselé, etc.

En même temps que ces présents, nous lui avions, pour obéir à l'étiquette, envoyé une portion de chacun des mets composant notre déjeuner. En retour, de la maison royale nous arrivait un nombre respectable d'écuelles de fouto, plat national, ragoût des plus pimentés, flanqué de pains de banane et de manioc. Pendant une heure, les serviteurs des deux sexes n'ont cessé de faire la navette. Chez nous, c'était une vraie procession. Aux gens du roi venait s'ajouter la domesticité de la princesse Elua. Ladite dame est la plus haute personnalité du royaume après Sa Majesté. Nièce du défunt roi Amatifou, en vertu des lois d'accession au trône conférant ici l'hérédité non en ligne directe, mais collatérale, elle était appelée à doter le pays d'un prince royal. Mais les fétiches n'ont point béni sa -couche, et le pouvoir est passé à une dynastie nouvelle. Elua approche de la trentaine, si elle n'en a déjà doublé le cap. Cette constatation me dispense de tout détail nlastiaue. Ce n'est point, en effet, en pays

noir qu'un Balzac eût jamais songé à célébrer la femme de trente ans. Je reconnais cependant qu'à une époque indéterminée la princesse a dû être assez jolie. Elle a les traits fins, des yeux pétillants de malice et- chose rare chez ses compatriotes des pieds d'enfant.

En dépit des promesses du roi, nous avons j ugé prudent de prolonger de vingt-quatre heures notre séjour, ne fût-ce que pour nous assurer si les actes répondaient aux paroles et si les messagers avaient été réellement expédiés.. Krinjabo

1 Quarante-huit heures, c'est plus qu'il n'en faut pour connaître son Krinjabo sur le bout du doigt. Cette capitale -un grand village peut avoir cinq à six mille habitants. L'aspect en serait presque séduisant pour peu que l'on déblayât les maisons en ruines dont les monceaux de terre et de paille pourrie font piteuse mine auprès des constructions neuves. Celles-ci, généralement flanquées d'un enclos de bananiers, sont tenues avec une propreté inattendue. Le sol battu est soigneusement balayé chaque matin. Sur une cour carrée s'ouvrent des chambres garnies de nattes et protégées du soleil et de la pluie par un avant-toit très surbaissé". Au centre de la cour, une petite cage en treillis. C'est la case du fétiche. Elle renferme quantité d'objets hétéroclites ossements, écuelles brisées, bou-

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teilles cassées, que sais-je encore? En quoi ce bric-à-brac possède une salutaire influence sur la demeure et le propriétaire, c'est ce qu'il serait malaisé de définir. Le noir lui-même paraît n'avoir là-dessus que des idées assez vagues. Aux questions qui lui seront posées à ce sujet, il restera bouche bée, non par réserve calculée, mais parce que, pour lui, le fait n'a pas besoin d'explication. C'est « fétiche », et voilà tout. La plupart des habitations sont, à l'intérieur, revêtues à hauteur d'homme d'un badigeon obtenu en broyant une argile dont les gisements sont à peu de distance, sur la berge de la rivière Bia. La couleur, identique au rouge pompéien, provoque chez le visiteur de la maison barbare comme une hallucination, d'un classiscisme incohérent Pompéi restauré par les nègres. De promenade aux alentours il n'est pas question; le village est bloqué par les bois. On n'y accède que par la rivière. Aussi, dans les visites aux chefs, s'est-on efforcé de leur faire comprendre combien cet isolement était préjudiciable à leurs intérêts. Une route il varans dire que route signifie ici sentier taillé dans la forêt qui relierait Krinjabo à l'intérieur, détournerait vers cette localité une partie du commerce qui se fait actuellement avec la côte par la rivière Tanoé ou par le protectorat anglais de la Côte d'Or. Les chefs sont tombés d'accord que rien n'était plus vrai ils ont promis d'y songer. Mais c'est ici la terre des longues son-

prônes. h fs Kabrank

Trois de ces dignitaires, les chefs Kabranka, Azémia et Assankou, ont été désignés par le roi pour accompagner la mission et la renseigner au besoin sur la nationalité de tel ou tel village de la frontière. Cette délégation ne marche qu'à son corps défendant. C'est même devant la difficulté de déterminer l'un d'eux à quitter, pour