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La Libre Parole, 15 juin 1895

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La Libre Parole
15 juin 1895


Extrait du journal

Nous apprenons la mort d’Edouard Dubus, un poète de tâtent qui s’était fait un nom parmi jeunes. Il avait été pris d’une syncope, il y a trois jours, place Maubert ; transporté à l’hôpital de la Eftié, il y a rendu, hier, le dernier soupir. Dubus tVhvait que trente et un ans. Dubus fut le camarade de plusieurs d’entre nous, et je puis dire que tous ceux qui le connurent re gretteront sa mort si cruellement prématurée. Je reverrai longtemps ce grand enfant, qui jouait à vingt ans au sceptique comme il joua toujours avec la vie : grand, très grand, avec un visage imberbe et de larges yeux candides qui protestaient contre son parti-pris d’ironie blagueuse, et un bon sourire, un vrai sourire de gamin ingénu et joyeux, inca pable de haine ou seulement de rancune. En ce temps-là, Dubus écrivait au Pilori de pe tites chroniques dialoguées spirituelles et drôles au possible. Un jour, il s’avisa de rire un brin â pro pos d’une rencontre de Séverine et de Félix Pyat. Séverine trouva l’article si amusant qu’elle appela le jeune chroniqueur au Cri du Peuple, dont Dubus est resté, jusqu’à la fin, le fidèle collabora teur. Dubus alla ensuite à la Jeune République et à la Cocarde. Mais le journalisme, au fond, n’était point le fait de cet esprit inconstant et de cette na turc trop bohème pour se plier à un travail régu lier. Après des mois de séparation, je retrouvai, non sans surprise, Dubus rédacteur de je ne sais plus quel ministère. Je crois bien même qu’entre temps, il avait mis à profit ses études de droit, que j’avais crues moins profondes, pour fonder un cabinet d'af faites 1 Au cours de ces divers avatars, Dubus était resté toujours le même : bon enfant et gai, légèrement fumiste. Aussi n’ai-je pu me retenir de sourire quand j’ai lu tout à l’heure dans les journaux qu’il était Mage. J’avoue que je ne le vois point dans cette concurrence au Sâr Peladan. Dubus avait trop d’esprit pour être Mage, et s’il donna jamais dans l’occultisme, je suis bien sûr que ce fut surtout pour s’amuser des autres en s’amusant lui-même. La vérité est qu’en ce charmant esprit qui vient si subitement de s’éteindre, il y avait surtout un poète de grand talent. J’ai encore dans l’oreille les beaux vers qu’il me lisait pendant le repos assez prolongé qu’il dut prendre à la suite d’une blessure reçue dans un duel avec un officier. Le manuscrit devait s’appeler Le Sang des Roses et paraître incessamment chez Vanier. Il ne parut que bien longtemps après, et s’intitula Quand les violons sont partis..» Voilà tout ce qui reste d’un poète charmant qui aurait pu devenir un grand poète et entrer tout comme un autre à l’Académie, s’il avait regardé la vie sous un angle plus pratique. — A. de B....

À propos

Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».

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