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Titre : Simplicité des colombes. Prudence des serpens, quelques réflexions suggérées par les femmes et les temps actuels / [Signé : Psse Carolyne Wittgenstein, née Iwanowska.]

Auteur : Sayn-Wittgenstein, Carolyne von (1819-1887). Auteur du texte

Éditeur : [s. n.]

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31307387f

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 1 vol. (146 p.) ; in-8

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Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k125718k

Source : Bibliothèque nationale de France, département Réserve des livres rares, D 64533

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 30/07/2008

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SIMPLICITÉ DES COLOMBES

PRUDENCE DES SERPENS

1 QUELQUES RÉFLEXIONS v? '̃ SCGSÉKÉES

PAR LES FEMMES ET LES^TEMPS ACTUELS.



SIMPLICITÉ DES COLOMBES PRUDENCE DES SERPENS

Imprime comme Manuscrit

(TJES RÉFLEXIONS

S1ÎGGÉBÉES r

tES ET LES TEMPS ACTUELS.

Ne se vend point.


I.

Jésus-Christ a dit à ses disciples Voilà que je vous onvoie comtne des brebis au milieu des loups soyez donc prudens comme les serpens et simples comme les colombes. (S. Matt.) Qui sont les brebis? Ce sont les hommes de bonne volonté; ce sont les cœurs aux intentions droites; ce sont les âmes croyantes; ce sont aussi les êtres sans malice, sans défiance et sans défense. Qui sont les loups? Ce sont les esprits tentatenrs; ce sont les hommes enivrés par l'orgueil de la vie, les femmes livrées à la convoitise des yeux, les êtres envahis par les concupiscences de la chair; ce sont toutes les personnes qui font mal et mènent à mal, nous exposant à une perte probable, à une souffrance certaine; nous exposant surtout à mal souffrir; à souffrir par châtiment, au lieu de souffrir par épreuve. Pour vaincre les loups, que doivent faire les brebis? Beunir les qualités de deux natures dessemblables entr'elles, et dissemblables à la leur: celle de la colombe et celle du serpent. Cela se peut-il? Commont cela se peut-il? Cela se peut, puisque Jésus le commande, et cela se peut en déployant ces qualités, tantôt simultanément, tantôt successivement, tout en les conservant toujours intégralement en soi; il n'y a qu'à être toujours pru-i dent comme le serpent, vis-à-vis des hommes, et simple comme la colombe, vis-à-vis de Dieu.

Disons d'abord, qu'il n'y a pas de foi sans la simplicité de la colombe, et ne nous laissons nullement embarasser ni dérouter, par le ricanement du rationaliste qui s'écrie: Oui certes 1 Il faut beaucoup de simplicité, pour croire atout ce que les Religions enseignent » La prudence des serpens peut


ici venir en aide aux colombes, et embarrasser à soc tour l'interlocuteur, en lui demandant' s'il a mieux trouve que Pascal, disant des mystères divins qu'ils sont obscurs et incompréhensibles; mais sans les clartés qu'ils répandent, l'univers est plus incompréhensible encore. Nous sommes dans une époque où l'on combat les religions, avec des armes tirées de l'arsenal des sciences diverses, et ceux qui s'en servent, ne reconnaissent pas toujours qu'elles éclatent dans la main, sans toucher au but. Mais, la plupart des objections que la géognosie et la philologie, la philosophie et l'ethnographie mettent en avant, ne suffisent pas à désorienter les femmes. Ces objections naisseut et vivent dans l'enceinte réservée de chaque science spéciale, ajoutant seulement à leurs yeux, un vote négatif, lorsqu'on en vient au scrutin sur ces questions.

Il est des raisonnemens d'un caractère plus général, qui semblent faire appel au simple bon-sens, à ce sens-commun, qu'on a cru définir dernièrement, en disant qu'il était le minimum do croyance au surnaturel » Ces raisonnemens ébranlent les esprits plus raffinés par une culture de serre-claude, que vigoureusement développés sur le riche sol de l'étude ils ébranlent aisément cette foi vive et pure, qui repose trop exclusivement sur la simplicité de la colombe. J'ai vu peu de femmes se préoccuper de ce que chaque science en particulier, disait contre la rèligion. Examiner, une à une, leurs objections, serait tout-à-fait au dessus des forces, physiques et intellectuelles, « du sexe faible, puisqu'il faut un nombre considérable d'hommes vouant leur existence' entière aux études voulues pour fornmler, un à un, ces réquisitoires de sciences si diverses, et un nombre plus considérable encore d'hommes, vouant leur vie entière pour les réfuter, un à un, les confondre


et prouver leur inanité. Mais j'ai rencontré beaucoup de femmes, qui, acceptant en gros, en masse, toutes les fins de non recevoir, toutes les négations scientifiques contre les affirmations de la religion, quittaient les parvis de l'église pour passer au camp des « négateurs » ( qu'on nous permette ce néologisme sans précédent parcequ'elles avaient; l'esprit frappé d'une couple de raisonnemens, indépendans d'une branche spéciale de la science, et paraissant ne s'adresser qu'au bon-sens dont toute la race humaine est dotée. Ces attaques dirigées contre les religions en général, et contre le christianisme en particulier, portent d'ordinaire à infirmer la grandeur de toute conception religieusa relative à l'existence du surnaturel, par la grandeur des conceptions scientifiques sur la nature et l'univers. Sans songer à réfuter chacun, ni même quelques-uns, de ces argumens élastiques, qui se resserrent quand on veut les suivre dans leurs grands contours, et s'élargissent sitôt qu'on essaie de les retenir sur un point, on peut appliquer à leur ensemble, un mot de Voltaire sur l'ouvrage d'un de ses amis a II s'y trouve de bonnes choses et des choses neuves, dit-il; seulement les bonnes ne sont pas neuves, et les neuves ne sont pas bonnes. » Nous remplacerons l'adjectif bon qui ne serait pas valable en ce cas, par celui de spécieux, puisqu'il est évident qu'on peut faire des objections très-spécieuses contre la religion en général, et contre chaque article de foi en particulier; puisque la foi implique l'absence de certitude visuelle, ce qui fait dire à S. Paul, que la foi n'existera plus au ciel. On étonnerait même beaucoup d'incrédules « dilettantes t en leur disant que le plus formidable recueil de ces objections se trouve systématiquement ordonné, dans l'arsenal -le plus magnifiquement pourvu de la doctrine chrétienne, nommé-


ment dans la Somme de S. Thomas, qui les a toutes appelées, évoquées, à mesure qu'il enseignait chaque dogme, qu'il posait chaque article de foi. Ces incrédules a dilettantes seraient bien surpris d'apprendre, que leurs objections ne sont que jeux d'enfans, en face de celles que S. Thomas formule, recueille, provoque, fait avancer, comme des adversaires dignes d'être combattus et vaincus par les armes qu'il fait valoir, lui, le plus puissant guerrier de la philosophie chrétienne, le plus puissant joûteur de la dialectique, le plus puissant athlète de la métaphysique. Mais, les chefs de l'irréligion se gardent bien de propager sous leur vraie forme, parmi leurs partisans, ignorans ou aveugles, ces objections,. les plus fortes de la philosophie, les plus subtiles de la dialectique, les plus spécieuses de la métaphysique, car elles ont été réfutées si victorieusement, qu'il suffirait d'ouvrir les ouvrages des Docteurs de la scolastique, de relire les décrets des Conciles qui en ont défini toute l'inconsistance, en condamnant leurs erreurs, pour voir clairement l'impossibilité où elles sont de subsister. Les chefs de l'irréligion cherchent donc des objections neuves, ou des formes neuves aux objections anciennes, pour en déguiser le côté faible et ne pas laisser trop aisément apercevoir, qu'elles ont été déjà réfutées et confondues depuis des siècles. Il serait même permis d'avancer que les plus spécieuses de tontes, datent de l'origine du monde, qu'elles sont consignées dans toute leur portée et avec toute leur, énergie dans les Ecritures-Saintes, dans les plus anciens monumens des littératures les plus antiques, et dans les fameux représentans de tous les systèmes philosophiques de l'ancienne Grèce, et de l'Inde antique. D'autres objections, plus spécialement dirigées contre le christianisme, remontent aux temps évangéliques et apostoliques. Il en est, qui


sont réfutées par le divin Maître lut-même. Tout ce qu'on a fait depuis pour varier leurs formes, changer leurs apparences, n'a rien ajouté d'essentiel à ce qu'elles ont de plus spécieux. Parmi le recueil d'objections, dites modernes, qu'on prétend tirées de l'immense progrès accompli par toutes ( les sciences, depuis que les croyances religieuses païennes ont cessé d'exister, et depuis que les vérités chré-

tiennes ont été dogmatiquement proclamées par l'Eglise, ou scientifiquement formulées par l'école, il s'en trouve donc de spécieuses et de neuves; mais les spécieuses ne sont pas neuves, et les neuves ne sont pas spécieuses, parceque l'agrandissement indéfini de certains effets dans les phénomènes ile la nature, ne change absolument rien à leur valeur, à la place qu'ils occupent dans l'ensemble des faits surnaturels et révélés, d'un ordre spirituel et intellectuel. Les objections contemporaines spécieuses, mais nullement neuves, déguisent sous l'amplification d'un vocabulaire moderne, d'nne phraséologie propre au siècle, l'ancienneté de leur essence; en étant ainsi obligées de se métamorphoser pour réapparaître au grand jour, elles prouvent leur impuissance à empêcher la foi au surnaturel de vivre, les croyances religieuses de se propager, parmi les hommes. Quant aux objections « nouvelles » tout-à-fait, réellement, indubitablement «nouvelles», produites par l'irréligion du XIXe siècle, leur tissu tantôl plus fin, tantôt plus grossier, n'est pas assez solide, pour résister aux raisons de croire que la religion apporte. Elles sont de nature nioins spécieuse que les anciennes, par conséquent, encore moins à l'épreuve des -armes défensives de la saine doctrine.

Mais les femmes toutes saisies par le mouvement, le bruit, le fracas, du grand assaut livré aux vérités du christianisme, ne peuvent pas toujours, à travers la poussière et la fumée


de la bataille, clairement apercevoir, que ces vérités restent absolument intactes, devant des coups qui dispersent les pusillanimes, mettent en fuite le vulgaire, frappent l'imagination des masses, mais ne les atteignent pas. Quand l'esprit d'une femme a été envahi par cette idée: l'homme est trop peu de chose pour se considérer comme le but de la création de l'univers, la Palestine est un trop petit coin de terre pour qu'un Homme-Dieu, se soit contenté de rester ainsi enfoui dans sa province » il est bien rare de nos jours, que cette femme n'atteigne d'un bond, les dernières conclusions, logiques et inévitables, de tous les argumens portes contre la foi il est rare, qu'elle n'adopte du coup, l'assertion extrême du matérialisme, sur l'origine infâme attribuée à l'humanité, lorsqu'on la fait descendre du singe en ligne directe. Moins un esprit est habitué aux fortes pensées, plus il est enclin à la frivolité, et moins il entrevoit l'horreur d'un tel énoncé; plus il proclame naïvement, une conviction embrassée avec une facilité, qui est vraiment beaucoup plus simple, que la simplicité de la colombe. Comment ne pas faire observer, en passant, le contraste flagrant; la contradiction révoltante, qui s'établit entre cet orgueil de la vie, (S. Jean ) qui refuse de « faire crédit à Dieu », de sa foi, qui se rie de tout ce qu'il ne connait point par la voie des sens, qui nie l'existence de tout ce qu'il n'a point perçu à leur aide, et cet horrible abaissement auquel ce même orgueil dégrade la nature humaine, si noblement traitée par le christianisme! Celui-ci lui prête une origine sublime, en la faisant sortir immédiatement des mains de Dieu, en assurant qu'elle est faite à l'image de Dieu t Il rehausse sa dignité en proclamant que cette nature fut assumée par le Verbe-Eternel, et il l'élève encore par ses promesses de transfiguration, de glorification éternelle, par


les promesses faites aux élus déposséder Dieu Voilà à quelles splendeurs, nous mène la foi, la simplicité, l'humilité chrétiennes 1 Et on leur préfère l'ignoble supposition que l'homme provient du singe, et tend, par la plus illogique des tendances, 'vers un progrès sans raison d'être, sans terme défini, sans point de départ, ni point d'arrivée, sans com~ne~at, et surtout, sans pourquoi? Pourquoi ? Pourquoi? demande la foi simple, à l'irréligion, car sa simplicité, connait le pourquoi mystérieux. Elle sait pourquoi l'homme fut créé? Pourquoi il souffre? Pourquoi il travaille? Pourquoi il espère? Et il ne lui est pas difficile de pressentir pourquoi Dieu créa l'univers si grand, si beau, m pourquoi Je-, sus-Christ borna son cours passage sur cette terre, à trente trois ans de durée et à la petite Palestine

Je ne parle point de la croyance moins matérialiste, à la métempsychose, car en dépit des ouvrages assez nombreux publiés dernièrement pour propager cette hypothèse, je n'ai rencontré personne qui la prit au sérieux, ni parmi les enthousiastes du Nirvanah bouddhiste, ni, je le crains, parmi les auteurs de ces ouvrages eux-mêmes. Le génie du christianisme, V espril de l'Eglise, ont trop pénétré les âmes, pour que le sentiment d'une individualité, libre et responsable, commençant avec la conscience de soi-même et finissant avec ses œuvres, permette à ceux même qui rejettent la lettre des enseignemens de l'Eglise et les formes du génie chrétien, de s'identifier à une telle aberration de l'esprit humain. Cette aberration, comme toutes les erreurs, est née d'une idée juste; celle de la purification que l'âme humaine doit subir avant de passer de son état terrestre, à la gloire d'une récompense céleste. Mais le dogme catholique du purgatoire, a donné une forme si précise et si raisonnée à ce qui était un vague instinct de la conscience humaine, ou peut-être


le souvenir défiguré et dénaturé d'une révélation primitive, que l'idée de la métempsychose ne correspondant plus à aucun reste de croyance traditionnelle, blesse trop'vivement le sens de la personnalité, si noblement développé par le christianisme. Les incroyans, plutôt que dé s'y arrêter, préfèrent avancer logiquement vers le scepticisme pur, s'ils ont un esprit rompu aux subtilités de la philosophie spéculative, ou vers le matérialisme pur, s'ils n'ont pas la force de vivre dans cet air qui n'a plus rien de respirable. Les femmes ne sont pas à même de réfuter les sophismes qui se basent sur la confusion de l'ordre matériel «t de l'ordre spirituel, des relations physiques et de la raison morale des choses. Il y a effectivement une grande difficulté pour l'esprit humain, à se détacher de toutes les manières de comprendre et de juger des termes propres aux êtres corporels; cette difficulté est telle, que beaucoup de grands esprits, de métaphysiciens même, ont été incapables de la surmonter complètement, pour suivre la théologie jusqu'à ses dernières hauteurs. De là, tant d'opinions hétérodoxes, sur tant de questions délicates. Beaucoup d'entr'elles exigent des études spéciales, uniquement pour être bien comprises, et bien posées. Quand l'esprit n'est point, lentement et de bonne heure, préparé à ce genre de considérations, il ne se rend pas facilement compte de la différence qu'il faut établir dans la manière d'envisager le corporel et le spirituel, l'infini et le fini, et de l'impossibilité de comparer les valeurs relatives des objets, qui appartiennent à ces divers ordres de choses. Dieu disposa toutes choses avec nombre, poids, mesure. (Sag.) Mais les nombres, les poids, les mesures, qui servent à évaluer les choses matérielles, n'ont aucune prise sur les spirituelles; celles-ci relèvent d'autres termes de comparaison. L'esprit a d'autres lois que celles


de l'espace et du temps, pares relations entre ce qui est fini et créé; ce qui existe simultanément ou successivement. C'est sur la .confusion de la grandeur matérielle et de la grandeur morale des choses, que repose toute la contradiction apparente qui existerait, entre « l'immensité des moyens et la petitessedu but', si ce vaste et bel univers avait été uniquement créé afin de procurer à la terre, les conditions nécessaires pour servir de demeure à l'homme, et correspondre à tous ses besoins. En trouvant une telle disproportion entre la grandeur de ces moyens et la petitesse de ce but, on témoigne tout d'abord, de ne pouvoir s'élever au dessus des conceptions bornées, propres à notre nature, en comparant les "actes de la Toute Puissance divine, avec les actes de l'impuissance humaine.

L'homme ne pouvant rien produire sans effort, la raison lui ordonne de mesurer exactement ses efforts à son but ne pouvant détacher son esprit des proportions qui l'entourent, ne pouvant connaître les siècles passés et les temps à venir, il calcule tous les efforts, selon le nombre de ses années si brèves, selon le poids de sa chétiveté, et à la mesure de sa petitesse. Mais Dieu qui ne connaît pas l'effort, qui [par un simple acte de sa volonté, fait sortir du néant ce qu'il vent créer; (Non est impossibile apud Deum omne ver-

'bum. (S. Luc) Dieu, qui, étant sans aucune limite, dispose à son gré de toutes les proportions du temps dans l'Eternité, de toutes celles de l'espace dans l'Infini; Dieu, n'est arrêté dans les formes qu'il donne à ses idées, ni par la multitude du nombre, ni par le poids de la matière, ni par la mesure de la grandeur! Comme rien ne lui coûte, il ne lui en coûte pas plus de créer le plus gigantesque, le plus puissant des soleils, que le plus imperceptible des infusoires; il ne lui en coûte pas moins de créer l'atôme indivisible pour nous, que cette splen-


dide machine du corps humain, plus compliquée sans doute dans sa merveilleuse petitesse, que l'immense mécanique céleste, et tout aussi remplie encore pour nous, de mystères et d'énigmes. Le magnificence, l'on voudrait presque dire, l'inépuisable prodigalité de la Toute-Puissance créatrice, se retrouve aussi bien dans l'infiniment petit, que dans l'infi-, niment grand. Le microscope se montre aussi insiiffisant dans ses puissances d'agrandissement, que le téloscope dans ses forces de rapprochement; l'éther- est aussi insaisissable autour de nous, que les nébuleuses, loin de nous. Je me souviens de Humboldt, qui, en comptant vingt-sept millions, je crois, de .vivans, (coquillages, si je ne me trompe,) dans unpmice carré, demeurait bien plus stupéfait d'admiration, que devant les incalculables espaces qui séparent les étoiles fixes! 1 Il semblerait que l'infiniment petit soit encore plus inconcevable, plus émerveillant pour l'esprit humain, que l'infiniment grand. Dieu, maître de tous les nombres, de tous les poids, de toutes les mesures, puisqu'il féconde le néant, Dieu Omnipotent, Omniscient et Omniprésent, crée, forme, règle toutes choses, en vue d'une fin, dont il se réserve à lui seul la connaissance complète, préparant tout en vue de cette fin, selon une loi de proportion, dont la Sagesse Eternelle possède seule le secret, comme il est souvent dit dans les Evangiles.

Un être créé ne saurait donc découvrir la loi de proportion existante, entre la fin que le Créateur s'est proposée, dont il ne nous a révélé que des aperçus mystérieux, apocalytiques, et les moyens qu'il y emploie. Il n'y a non plus aucune proportion à établir entre les choses de l'ordre matériel, et celles de l'ordre intellectuel, c'est-à-dire entre la matière et l'esprit. A cet égard, il n'y a qu'un principe à poser; c'est que toute créature raisonnable, dût-elle appartenir au dernier degré de


l'être intellectuel, dépasse infiniment, sans mesure possible, toute grandeur matérielle, indéfiniment imaginable. Cela faisait dire à Pascal: Ce n'est point de l'espace que je dois chercher ma dignité, mais c'est du réglement de ma pensée. Je n'aurais pas davantage en possédant tout l'espace; l'univers m'engloutit comme un point; mais par la pensée je comprends l'univers». Il a peut-être affaibli cette pensée, en perfectionnant sa forme, en lui donnant cette image saisissante qui l'a rendue si célèbre. « L'homme est un roseau pensant, et quand l'univers l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parcequ'il sait qu'il meurt, et l'avantage que l'univers a sur lui, l'univers n'en sait rien. » Répétons à satiété qu'il n'y a aucun point de comparaison possible, entre les choses matérielles et les choses spirituelles, ou pour mieux dire, entre ce qui est de l'ordre matériel, et ce qui est de l'ordre spirituel. Un seul esprit, capable de connaître Dieu, de l'aimer et d'en être aimé, est infiniment plus précieux que des univers d'univers I Toute la valeur de l'univers, ne réside-t-elle pas dans le sentiment qu'il inspire à ceux qui le contemplent? Son Créateur d'abord, en voyant les choses qu'il avait faites, trouva qu'elles étaient bonnes. (Gen.) Ses plus nobles créatures les admirent, et en rapportent la gloire à leur auteur. Ne savons-nous pas que d'innombrables phalanges célestes sont occupées à chanter les louanges du Seigneur, en considérant les «œuvres de ses mains? D'autres phalanges sont destinées à surveiller les causes secondes, à être comme les gardiens, les moteurs, disent quelquesuns, de tous ces astres, de tous ces élémens, qui manifestent en mame temps la Toute-Puissance et la Sagesse infinie, la suprême Bonté et l'incessante Providence du Créateur? Ne peut on point raisonnablement croire, qu'il était juste que la Toute-Puissance de Dieu se déployât,


d'une manière digne d'elle, aux yeux de toutes ses créatures intelligentes créatures purement spirituelles comme les anges, ou corporelles comme les humains. Les perfec.tions invisibles de Dieu, aussi bien que son éternelle puissance et sa divinité, sont devenues visibles, depuis La création du monde, par tout ce qui a été fait, dit S. Paul. La Grandeur et la Magnificence divines, se sont manifestées par une splendeur qui, comme elles-mêmes, dépassent les facultés compréhensives, de tous les êtres créés peut-être? C'est ce que le Psalmiste semble si souvent vouloir rappeler à notre coeur et à notre mémoire, nommément en ce fameux chant où il s'écrie

Les Cieux instruisent la terre

A révérer leur auteur;

Tout ce que le globe enserre

Célebre un Dieu createur I (1)

Les Cieux racontent la gloire de Dieu et le firmament annonce les ouvrages de ses mains 1 Ce ne sont ni un langage, ni des discours dont on n'entende pas la signification ». (Ps.) La grandeur invisible de Dieu, sa puissance et sa bonté, deviennent visibles à nos yeux, en se faisant connaître par la grandeur, l'harmonie, la beauté de ce vaste univers, aux proportions incalculables; d'où il nous est plus aisé de conclure combien son essence doit être incompréhensible pour nous, puisque les ceuvres visibles par lesquelles il se révèle à nous, dépassent tellement nos facultés et notre entendement.

Qui donc pourrait douter, que le Créateur eût eu moyen de procurer à la terre toutes les conditions actuelles de son existence, indispensables et favorables à celles de l'hom(1) I. Baptiste Rousseau.


me, sans étendre sur des proportions aussi vastes le monde sidéral qui lui verse la vie, avec la lumière et la chaleur? Mais, si le Créateur avait limité ces espaces, diminué ces masses, amoindri ces volumes, en donnant à la mécanique céleste, des nombres, des poids, des mesures, plus aisément abordables à l'esprit humain, celui-ci n'eût-il pas été privé du concept de l'immensité? Toutes les proportions incommensurables de ce vaste univers ne seraient-elles pas assez justifiées, par la seule raison qu'elles donnent a l'homme une sorte d'image sensible de l'infini? Car, encore un coup, ces espaces qui nous remplissent de stupéfaction, que sont-ils aux yeux de Dieu? Le monde est devant lui comme une balance en équilibre, ou comme une goutte de rosée tombée sur la terre avant l'aurore car, ajoute magnifiquement le verset sacré, toi seul, Seigneur, tu possèdes toujours de la puissance en surplus. (Sag.) Quand notre intelligence a compris que la Toute-Puissance divine ne connait aucune limite, et sa Volonté créatripe aucun effort, il nous et facile d'admettre, que la multitude de nombres, la variété de poids, la beauté de mesures qui composent le magnifique et grandiose ensemble de la nature, le Tout harmonieux de l'univers, aurait pu n'avoir été fait que pour témoigner dignement cette Toute-Puissance et cette Volonté créatrice, aux yeux des créatures intelligentes. Mais, le chrétien comprend en outre, que tout cet immense univers, ne devait pas seulement être admiré par l'homme et par les purs esprits, capables de le mieux embrasser, de le mieux pénétrer que lui, d'en mieux apprécier encore la beauté, la perfection, les élémens, les transformations, les rapports simples et multiples. Le Psalmiste a dit aussi Les cieux des cieux sont au Seigneur, et la terre fut donnée aux hommes. Les luminaires fin firmament d,çs


cieux, divisent le jour et la nuit, marquent les saisons, les jours et les années, et brillent dans le firmament des cieux ponr illuminer la terre. (Gen.) L'univers n'est pas seulement un témoignage, une preuve de la Toute-Puissance divine; il doit encore servir à la vie, à la fécondité, au fonctionnement de tout l'organisme de notre planète, à la beauté, à la perfection, à l'harmonie parfaite de cette terre, demeure de l'homme, parcequ'elle est la demeure de l'homme. Cette raison serait suffisante à elle seule, du moment qu'il a plu au Seigneur de créer l'homme à son image, en le posant ici bas. Pourtant à cette raison, il s'en ajoute une seconde d'une importance majeure, qui autorise à penser que la terre, en tant que demeure de l'homme, est le but de l'existence de l'univers, qui lui sert de cadre, de milieu, comme d'enveloppe et d'écrin. Cette seconde raison démontre en outre, l'admirable enchainement de toutes les parties de 'la doctrine chrétienne. Elle suppose, sans rien affirmer dogmatiquement, qne l'univers entier a. pu être créé pour procurer à la demeure de l'homme ses conditions voulues, parcoque la nature humaine fut jugée digne d'être assumée par le Verbe-Eternel, dans son Incarnation A ce point la théologie déroule encore de plus vastes horizons, qu'il n'est pas nécessaire d'indiquer ici. Il suffit de dire, que Dieu ayant créé la nature humaine assez haute, assez noble, pour être hypostatiquement unie à la personne du Verbe Eternel, et par conséquence,' à la nature divine, un tel honneur surpasse, sans nul doute, infiniment, celui d'être l'objet, le but unique, de tout l'univers matériel, quelque vaste, quelque immense qu'il soit, fût-il encore plus vaste, plus indéfiniment immense, qu'il ne nous apparait Pour le croyant, la nature humaine est si relevée par le fait de l'Incarnation, par son union sous les espèces


sacramentelles avec la Divinité iuearnée, qu'en présence de ce plus, il n'éprouve aucune peine à admettre le moins, c'est-à-dire, la création d'une multitude innombrable de choses, faites à l'usage de l'homme, et uniquement pour lui. S. Paul nous fait remarquer, que Jésus-Christ ne s'est pas uni à la nature angélique, mais à la nature humaine il nous apprend par-là, combien nous devons la tenir en honneur. Que peut-il y avoir de trop grand, de trop beau, pour le genre humain, puisqu'un Homme-Dieu devait en faire partie ? Jésus-Christ doit régner au-delà de la fin des temps, dans l'Eternité de la Jérusalem céleste," sur des humains ressuscites avec des corps glorieux spiritualisés et immortels, par la vertu de son Incarnation et de sa Résurrection. Que pouvait il y avoir de trop beau, de trop grand, pour former la « matière première de cet univers rajeuni un jour comme un vêtement, transformé comme tsn manteau qu'on retourne selon l'énergique image du grand Roi, grand Prophète! Ses grandeurs et ses beautés futures sont même inimaginables pour notre esprit borné, resserré dans les étroites conceptions de l'ordre de choses présent, au milieu duquel il est enfermé, prisonnier, aveugle, par sa faute! Ce point dy vue jette une si vive lumière sur ce sujet, qu'âpres cela, il est difficile do ne pas comprendre la convenance, la nécessité, d'un cadre assez vaste, d'un espace assez magnifique, d'un théâtre assez élevé au-dessus des facultés compréhensives de l'homme actuel, pour être digne des grandeurs ineffables etimmarcescibles, des splendeurs inénarrables que son Créateur prépare, qu'il fait naître, croître, grandir dans son sein, et fera ciifln éclater dans son milieu La Religion ne nous oblige pas à croire que les autres mondes ne sont pas habités par d'autres êtres. Mais de quelle nature sont-ils? Spirituelle ou corporelle? Dans le premier M*. 2.


cas, nous ne pourrions absolument rien conclure d'une telle croyance, puisque nous ne saurions pas pourquoi tel astre serait plus adapté à telle catégorie d'esprits, que tel autre. Dans le second cas, nous ne pourrions pas davantage nous rien figurer sur les êtres corporels qui habiteraient ces glo. bes; ils devraient être pourvus d'une organisation absolument différente de celle de l'homme, pour y exister dans des conditions impossibles aux^kans de cette terre, puisque les astres sont tantôt de feu, tantôt de glace, sans eau, sans atmosphère, ou avec une atmosphère de métaux vaporisés. A quoi serviraient toutes les conjectures faites à cet égard, tant que nous n'aurons pas les moyens de concevoir la manière dont des êtres corporels peuvent durer, dans des élémens si absolument différens de ceux qui servent à entre'enir sur cette terre le régne minéral, végétal, animal? '1 Ne serait il pas plus simple de retourner la question, et de demander, pourquoi ces astres devraient-ils être habités '1 S'il y a d'autres espèces de créatures douées de raison, d'intelligence et de volonté, comme les anges et'les hommes, auxquels d'autres mondes devaient être assignés le Créateur n'a-t.il pas l'immensité sans bornes pour leur donner des mondes indépendans des nôtres, en dehors de ceux qui forment cet univers? Sa Toute-Puissance était-elle réduite, à économiser l'espace, comme un architecte humain Le Créateur ne dispose-t-il pas de l'Infini et de l'Eternité, taillant en plein drap si l'on ose dire, dans le vide de l'infini et dans le néant sans commencement? R

Si l'univers a une forme, s'il est limité comme toute mécanique. pourquoi cette vaste mécanique n'aurait-elle pas été faite uniquement en vue, je ne dis pas de l'homme, mais de l'humanité1? On est frappé de cette apparente disproportion entre la petitesse de l'homme et la grandeur du monde


sidéral, parceque l'on tombe dans cette confusion dont nous parlions tout-à-l'heure, en comparant les grandeurs physiques aux grandeurs morales, les actes de la Toute-Puissance dûs uniquement à la Volonté créatrice de Dieu, aux actes de la faiblesse humaine dûs à ses lents et pénibles efforts. L'on croit apercevoir une disproportion entre cette vastitude incommensurable pour nous, et la ohétiveté de l'être humain, misérable serf attaché à la glèbe de cette terre; mais l'on oublie que les générations successivement nées, ressusciteront simultanément et qu'alors elles ne seront plus « attachées au sol » Leurs corps spiritualisés les transporteront à volonté à travers tous les espaces et tous les élémens l'homme ainsi glorifié possédera tout l'univers, plus parfaitement qu'il ne possède maintenant le plus infime coin de terre, rempli de mystères pour lui 1

Pourquoi les myriades d'étoiles, n'auraient-elles pas été créés uniquement, pour les myriades des générations humaines ? Pourquoi n'existerait-il pas à cet égard, une proportion qui nous échappe, entre l'Espace et le Temps? entre ce que l'Espace contient, ce qu'il découvre simultanément à nos sens, et ce que le Temps produit, le déroulant consécutivement à notre pensée? Le Temps a ses bornes, dit la foi. L'Espace doit nécessairement, avoir les siennes. iPas du tout, s'écrie un savant, nous sommes en face de l'infini sans limites?» Vous le dites; mais si vos télescopes n'atteignent pas les limites, comme qui dirait le mur d'enceinte de l'univers est-ce une raison pour qu'il n'existe pas? Toutes choses ayant une forme, et une forme belle en elle-même, primitivement harmonieuse, faite avec nombre, poids, mesure, l'univers qui les contient toutes, serait-il seul à n'avoir pas une forme, c'est-à-dire des limites ? Une chose quelconque ne peut être parfaite si


elle ne compose une entité complète, par l'unité de toutes ses parties dans un esemble, un tout parfait dans son genre; peut-on supposer l'univers, que nous voyons si magnifiquement et si sagement organisé dans toutes ses parties, perceptibles pour nous dénué de cette unité voulue pour l'excellence de toute' chose parcequ'elle nous échappe, parceque nous ne parvenons pas à la saisir et à l'embrasser? Tout être créé, et nommément toute matière, trouvent leur unité dans leurs limites; l'univers étant matériel, ue pourrait avoir son unité parfaite, s'il n'avait ses limites, (i) L'astronomie ne commence-t-elle pas à entrevoir, vaguement et confusément, que les distances se resserent en certaines directions, qu'elles s'allongent en d'autres, et quelqu'astronome n'a-t-il pas déjà hasarde l'hypothèse d'une forme aplatie? Mieux exploitée, elle se montrera peut-être ellipsoïdale Qui sait, si de nouveaux ins(1) Nota. Il centro dell'uni-verso deve esistere corne œntro di massa, îiellarmnionfi di corpi di mole iïnita di cui si compone. Ora, questo centre puo suppoi'si essere eziandio il centro delta universalc attrazione, intorno a cui si aggirano tutti i sistemi mondiali con i loro corpi imperoccliè non potrebbe altrimenti spiegarsi l'armonia e l'mvariabilità dei moti eelesti. Gio supposto, si prova cfce la distanza di ciascun dei corpi dal suddetto centro, deve essere flnita. e per conseguenza cte l'unîverso ha una forma. Infatti, ctaiamando M ]a massa del centro attraente, m la massa di qualunque corpo attralto. D la distanza fra essi, F Ja forza di attra7,ione, per la legge della gravitazione universale, si ha la formol», F = M. m: ma F non puo essere 0, perché non si verificheD rebbe l'attrazione reciproca fra tutte le masse ed il centro. Dunque D non puo essere infimta, perocchè se fosse D = o esendo le due masse M ed m flnite, ( perche Je masse materiali non possono essere infinité), si avrebbe F M m = 0, Solfanellt,


trumens, ou de nouvelles expériences ne nous feront point apercevoir des choses aussi peu soupçonnées par Herschel), que les planètes d'Uranie et de Neptune le furent par Ptolémée ? Le chinois posé au centre de l'empire du Milieu, aurait-il raison de nier l'existence de la muraille de Chine, parcequ'il ne peut l'apercevoir en aucune 'façon avec ses sens, ni ne connait personne qui l'ait vu? Il devrait en croire le témoignage laissé par ceux qui l'ont fabriquée; c'est ce que nous faisons en Europe, trouvant que cela est raisonnable et sensé. Les chrétiens en usent de même visà-vis de l'univers ils croient au témoignage de son auteur dans la parole citée de la Genèse, si bien confirmée par toutes les probabilités que lui donnent le raisonnement, et les faits concordans avec cette assertion.

« Mais, reprend l'incrédule, si l'univers était créé pour l'humanité, comme vous dites, la terre habitée par l'homme y occuperait une place d'honneur, et les anciens qui la croyaient aussi le but de tout, la supposaient fort logiquement, au centre de l'univers; ils imaginaient que les cieux cristallins, parsemés de leurs astres, exécutaient une danse, im chœur mystique, en tournant autonr d'elle, enlaçant ce centre unique de leurs rondes mélodieusement cadencées. Aujourd'hui nous savons que la terre est un grain de sable mêlé à toute cette poudre d'or, répandue au hasard dans l'immensité I Nous commencerons par protester contre le mot au hasard», car, de ce que nous ne voyons pas le Plan de l'univers, de ce que nous ne distinguons pas sa Forme, il ne s'ensuit vraiment pas, que ce Plan n'existe point; que cette chose splendide, admirable, éblouissante, superbe et sublime, que nous nommons l'univers, soit sans règle dans ses mouvemens, sans moteur et sans frein sans rhythme dans ses palpitations, et sans Forme dans son ensemble


L'homme a passé des milliers d'années avant de savoir que la terre gravite autour du soleil; il peut en attendre encore autant peut-être, avant de connaître l'orbite de ce soleil qui l'entraine dans l'espace, îpuisqu'aujourd'hui il serait d'un ignorant de dire que le soleil ne marche point, comme deux siècles à cela, il eût été d'un ignorant de prétendre que la terre est immobile. La terre n'est point au centre del'univers; son soleil même ne l'est point; elle n'est môme pas la plané ie centrale ou principale de son soleil, que maintenant l'on croit rapproché d'un des bords de l'espace étoilé, dans une couche supérieure de son diamètre. 11 reste à apprendre, (si l'homme est destiné à le savoir?) quel par- tours, quel cercle décrit le soleil avec son système planétaire ? autour de quel centre il gravite? Il reste à savoir si son parcours, son orbite, diffère ou non, de ceux des autres soleils, avant de prétendre, qu'il n'a aucune supériorité sur eux. Or, les termes de comparaison manquent à cet égard, puisque nous ne pouyons rien préjuger sur le cours des astres que nous nommons étoiles fixes, soleils qui probablement, comme le nôtre, ont un système planétaire, une marche, un orbite à parcourir, mais dont nous ne pouvons saisir qu'avec peine le mouvement, demeurant dans une complète ignorance, sur le centre, la circonférence, la configuration de leur orbite, sur leurs corélations, et sur la résultante de tout l'engrenage qui compose la mécanique céleste.

Quant à la place que notre terre occupe dans son système planétaire, ceux qui en sont scandalisés, me font penser à un honnête laboureur, attaché à sa glèbe, qui n'a connu que sa cabane et son champ, transporté un jour dans le palais des Rois, à Ninive ou à Thèbes, à Versailles ou dans l'EscuriaL t Est-il possible, est-il raisonnable, penserait que de si vastes emplacemens soient destinés à


former l'habitation d'un seul homme? d'un étre aussi chétif que moi ? s Le laboureur ne peut naturellement avoir aucune idée de la grandeur d'une nation, de ce que signifie un tel concept, ni de ce qui peut, de ce qui doit, le représenter. Ce Roi, continue le labourer, que fait-il de tous ces espaces? Qu'en a-t-il besoin, lui, qui ne se tient que dans une pièce à qui douze pieds carrés suffisent, ( comme à moi ), pour y vivre et s'y reposer ? » Le laboureur n'a naturellement aucune idée des assises, des assemblées, des parlemeiis qui doivent se tenir aux grands jours et qui exigent un vaste local. Et l'astronome ne peut à son tour, se faire la moindre idée de ce que représente le concept général, synthétique, du genre humain, ne connaissant pas les générations passées, bien moins encore les futures, et ne pouvant absolument pas imaginer ce que seront les grandes assises qui se tiendront lors de la résurrection universelle de tous les humains? L'imagination exaltée de quelque savant, solitaire et mystique comme le très-savant et très-original P Zenowicz à l'université de Kiow, peut seule se livrer à un calcul de probabilités, en cherchant à trouver le nombre des ressuscités, par le poids de la matière, la mesure de l'espace, que présente l'Univers, leur futur jardin, leur futur paradis 1

.De plus, pense notre laboureur critiquant, comment n'a-t-on pas destiné à ce Roi, une habitation placée au centre du palais? Ne devait-elle pas en désigner précisément le milieu, puisqu'elle en est comme le cœur ? Au lieu de cela, je la vois reléguée dans un endroit tout-à-fait inexplicable, qui ne répond à aucune symétrie, qui semble (la confondre avec toutes les autres habitations. Elle n'en est ni la plus vaste, ni la plus remarquable, ni la plus imposante ? On pourrait répliquer à cette objection, que la science ignorant


encore la forme de l'univers, ignore par conséquent la vraie, place de notre soleil et de son système planétaire, sa dignité relativement aux autres places aux autres soleils et la somme des avantages ou désavanlage» qui en résultent. Mais, pourquoi nous prévaloir de tous ces termes, inconnus 1 Prenons les choses comme nous les voyons en l'an de grâce 1868. L'architecte ne pourrait-il pas expliquer au laboureur, que l'habitation du Roi de ce vaste palais, fut posée en cet endroit, pour réunir les conditions atmosphériques les plus favorables parcequ'il n'y fait ni trop chaud, ni trop froid, ni trop clair, ni trop obscur; parceque ce lieu est le plus sain, le plus agréable, le plus beau de tous, vu. le parfait équilibre des conditions voulues pour procurer tous les agrémens de la vie au Roi de ce palais, à son innombrable cour et à toutes leurs dépendances.

Un tel raisonnement fut déjà produit, lorsque la connaissance du vrai système solaire, permit de considérer la place que la terre y occupait. Aujourd'hui, l'on est certain que la marche accomplie par le soleil lui-même, entraine tout son cortège, dans un orbite dont nous ne pouvons connaître, ( à ce qu'il semble encore ), ni le centre, ni la circonférence pourtant, l'argument que nous venons de citer, n'a rien perdu de sa force par le fait de cette découverte, pouvant aussi bien s'appliquer à des relations plus étendues, qu'une expérience physique, chimique, mécanique, accomplie dans les plus petites proportions, s'applique à la plus vaste échelle dans le monde sidéral. Toutefois, l'architecte de notre palais fictif, épuiserait vainement ses beaux raisonnemens, devant notre laboureur. Celui-ci ne serait nullement convaincu par toutes ces considérations. Cela est tout simple il ignore les conditions nécessaires pour amener cet équilibre de toutes les beautés, de tous les agrémens, de


toutes les eoncorJances voulues, aîlo de rendre l'habitation du Roi parfaitement correspondante à son but; son imagination sera donc toujours plus frappée, par l'absence de symétrie et de prééminence qui la choque, que sa raison ne sera persuadée par des argumens, dont la valeur et la portée sont au dessus de son entendement. Ceux dont l'imagination est comme saisie de vertige par la contemplation des merveilles de la nature, da ces pro:portions, grandioses ou infinitésimales, récemment dévoilées devant les regards effrayés et effarés de la science, et qui menacent de dépasser les conceptions humaines sur la mesure, le poids, le nombre des choses qui existent au dessus et au dessous de l'homme; ceu\-là finissent par ne plus pouvoir sortir de l'ivresse.qui s'ost -emparée d'eux; ils voient double. Ils ne savent plus établir de différence dans la manière d'apprécier la grandeur des choses corporelies, et celle des vérités spéculatives. Après des milliers d'années, l'imagination humaine éblouie par cette multitude de prodiges que la science moderne lui divulgue dans toutes les sphères de la création retombe dans une confusion qui jadis l'avait envahie devant les merveilles d'une nature tropicale. Toute la littérature philosophique et poétique des Indes, est allée échouer sur cet écueil en établissant par leur incessante comparaison, une éternelle confusion, entre des grandeurs morales qui ne sont pas susceptibles d'être chiffrées, pesées, mesurées, et la grandeur matérielle des objets, ayant nombre, poids, et mesure.

Cette transposition, entre un concept abstrait et une forme concrète entre la grandeur de l'idée et celle de la chose qui la figure, nous fatigue et nous répugne, aujourd'hui, quand nous les trouvons là çjji notre intelligence, assouplie par la discipline des sciences chrétiennes, exercée par l'édu-


cation, les méthodes propres à la philosophie spiritualiste du christianisme, ne risque pas de telles confusions. Et voici, que sur une plus vaste échelle, on commence à introduire parmi les esprits habitués aux distinctions si exactes de l'Occident, les confusions des contemplatifs de l'Inde 1 La doctrine chrétienne est bien au-dessus de pareils pièges; elle enseigne à séparer nettement ce qui est du domaine des corps, de ce qui appartient au domaine de l'esprit Comme la découverte des chiflres effrayans, qui désignent les distances et les relations des corps célestes, a fait douter que tout ce vaste univers soit uniquement destiné à procurer à notre globe le milieu nécessaire aux conditions qui le rendent digne d'être la demeure de l'homme, ainsi la découverte des continens nouveaux, des terres nouvelles, des empires autrefois inconnus, de nations nombreuses, et en un mot de toute la superficie de notre planète, a fait douter qu'un coin aussi petit que la Palestine, ait pu suffire à l'action d'un Dieu fait Homme. Les incroyans sont frappés d'une apparente disproportion entre la petitesse de l'homme et de la terre, et la grandeur, le nombre des astres; ils sont ensuite frappés d'une disproportion semblable, dans un sens inverse^, entre la grandeur d'un Homme Dieu, d'un Dieu incarné pour la rédemption et la régénération de tout le genre humain, et la mesquinité du lieu témoin d'un fait aussi immense que l'Incarnation.

Cependant, pour qu'une telle objection naquît dans l'esprit des hommes, il n'était pas nécessaire de connaître ,1a Chine, l'Amérique, le Pôle Nord, le cap de Bonne-Espérance, et de faire le tour du monde. Ceux qui croyaient toute la terre


civilisée renfermée autour du bassin méditerrannéen, n'ayant aucune notion des peuples existans au-delà des colonnes d'Hercule ou au-delà d'Ophir, par-delà l'Indus ou par-delà le Caucase, avaient pourtant jugé la Palestine comme un petit coin de terre, trop resserré pour q'un Dieu, descendu parmi les hommes, se contentât d'y vivre et d'y mourir, ignore du reste des peuples. Les Juifs charnels, contemporains du Christ, furent les premiers à prétendre que leur Messie;devait témoigner sa puissance divine en faisant reconnaître sa divinité, immédiatement, de toutes les nations de la terre, en les éblouissant par ses actes extraordinaires, en les soumettant par ses victoires, en les étonnant par ses triomphes. Les païens n'ont point manqué de mettre aussi en avant, une objection aussi aisée à faire. Celse entr'autres, fut parmi les adversaires du christianisme, un des plus ardens à formuler des attaques semblables.

Tout cet ordre d'idées est donc vieux comme le christianisme, et n'emprunte aux découvertes de l'ère moderne, que l'agrandissement des termes matériels dans lesquels l'objection se pose, sans ajouter absolument rien à sa valeur moraie; ce qui prouve une fois de plus, la confusion qui s'établit chez, les penseurs de Dos jours, entre les relations des choses corporelles et des choses spirituelles. L'imagination aveuglée par la multitude des premières, désapprend à faire abstraction de leurs poids, de leurs nombres, de leurs mesures les conceptions de l'esprit, restent pourtant les mêmes, en présence des proportions de la matière les plus diverses! Dès l'origine du christianisme, ses premiers prédicatears, ses premiers apologistes, ont réfuté tous les argumens qui se rattachent à l'étonnement que doivent inspirer la naissance si obscure, la vie si humble, la prédicationt si limitée, la mort ignominieuse du Dieu fait Homme. Ils ont dit, com-


ment la venue de Notre Sauveur ne fut point destinée à éclairer et convertir, immédiatement, tous, les hommes, ni ceux qui, étant du même pays, l'ont vu de leurs yeux' et entendu de leurs oreilles, ni ceux qui, étant de pays fort étoignés, n'ont connu son existence que bien après sa mort. Les Apôtres, en portant la bonne nouvelle dans les contrées les plus lointaines, n'ont point immédiatement, converti toutes les populations à la foi, pas plus dans l'Asie et l'Afrique centrales, que parmi ces barbares, Huns, Vandales, Goths, Ostrogoths, qui venaient submerger et renouveler le monde romain. Il était évident, dès les commencemens, que la dif-, fusion de la foi devait être lente et graduelle parmi les nations, malgré la rapidité avec laquelle la vérité a conquis de nombreux fidèles, parmi toutes les races. Les premiers Pères de l'Eglise, ont longuement parler sur ce sujet. Tout ce qu'ils ont dit à l'époque où ils vivaient, pour expliquer ses obscurités et les vues de la Providence, s'adapte parfaitement aux pays et aux peuples dont ils ignoraient encore l'existence, car un raisonnemeut n'est jamais infirmé par l'augmentation du nombre des cas, auxquels il s'applique. Les mêmes argumens qui ont servi pendanl tant de siècles, pour motiver l'ignorance des barbares d'Attila et de Genséric, des Francs de Clovis, des Saxons de Wittikind, des Arabes de Mahomet, ne perdent rien de leur force, en embrassant les millions de Brahmanes qui peuplent les plis de l'Hymalaya et l'immense péninsule gangétique, les millions de Bouddhistes qui-vivent dans ]'Empire du Milieu, les et les dans l'Empire du Milieu, les schabmanistes et les fétichisstes de la Mongolie, les Mexicains découverts .par Cortez, les Péruviens conquis par Pizzarre, les nègres du Mozambique et les Moeres de la Nouvelle-Zélande. Parceque le nombre des âmes restées jusqu'à présent en dehors des


lumières de la révélation, est infiniment plus considérable qu'on ne le supposait jadis, cela n'augmente pas d'un iota, ni par l'extension de l'espace, ni par celle du temps, l'évidence du fait, qu'il n'etrait pas dans les vues de Dieu de faire reconnaître les vérités de la foi immédiatement par tous les hommes, leur diffusion devant être graduelle, dans les temps et dans l'espace.

Ceux qui ne connaissent pas les argumens par lesquels les apôtres et les premiers apologistes réfutaient les objections des Juifs charnels et des Gentils, à cet égard, n'ont qu'à les étudier à leur source, et pour peu qu'ils soient de bonne foi, ils seront frappés de leur beauté, de leur grandeur, et transporteront sans peine aux adorateurs de Yïschnou et de Jagernauth, de Bouddha et de Manitou le Grand Esprit, tout ce qui s'adressait aux adorateurs de Jupiter ou d'Isis; de Baal ou d'Odin. Ceux qui, par exception, ont suffisamment appris leur religion, pour connaître ces argumens, verront sans peine qu'en ceci les objections modernes reproduisent exactement les anciennes, sur une plus vaste échelle; l'expérience de l'histoire leur fournira une preuve saisissante, de l'impuissance de ces objections, si spécieuses qu'elles paraissent, à arrêter les progrès de la vérité et de la foi. La présence de Jésus-Christ, Verbe incarné, n'a occupé, pour ainsi dire, qu'un point dans l'espace, la Palestine; une minute dans le temps, trente trois ans Il n'eut que douze ( apôtres, soixante-douze disciples, cinq-cents témoins seule- ment de son Ascension 1 Il a fallu trois siêcles, pour qu'on pût l'adorer, sans craindre le bourreau. Il en a fallu huit, pour que sa parole éclairât les royaumes septentrionaux de l'Europe. Si donc après dix-neuf siècles, la terre compte j encore plus d'idolâtres que de chrétiens, qu'y a-t-il de sur- 1 prenant? Un calcul, savamment élaboré', prouve que mai-'


gré les énormes pertes subies par les persécutions, malgré I les défections constantes, bien plus énormes encore, de toutes les hérésies qui se séparaient du centre d'unité, l'Eglise n'en a pas moins toujours continué à progresser sans interruption, dans son augmentation numérique. Les fidèles se sont toujours multipliés; et non seulement ils se sont multipliés, mais leur multiplication se montre relativement ̃plus rapide, à mesure que les temps avancent, malgré l'il-

lusion d'optique intellectuelle qui fait croire le contraire, parceque le nombre des peuples à convertir s'est présenté jusqu'à présent, en proportion plus considérable, que le nombre des convertis. On pourrait dire que si les chrétiens s'étendaient en proportion arithmétique, les âmes à christianiser semblaient surgir en proportion géométrique. Si nous n'avons plus de nouveaux pays a découvrir, l'augmentation de la population peut encore longtemps produire un effet analogue. Tous ces faits, tous ces événemens, font certainement partie d'un Plan Divin, dont nous ne pouvons entendre les admirables concordances, qu'à mesure qu'elles se dévoilent lentement aux yeux de l'histoire et des générations? Croiton donc, que ces milliards et milliards d'hommes qui ont vécu, depuis la venue de Jésus-Christ, sans que l'ancien monde ait soupçonné leur existence, n'aient point été connus du divin Rédempteur, au moment où l'humanité ',entière, passée, contemporaine, et à venir, était présente à son esprit, durant le grand sacrifice qui s'accomplissait sur le Calvaire1? Le roi Hérode, et le gouverneur romain PoncePilate, pouvaient bien croire que la Mer Noire et la Mer Rouge, la Mer du Nord et l'Océan Atlantique, marquaient les'dernières limites de la terre, mais non certes le Christ, qui comme Verbe Eternel, voyait à la fois toutes les choses visibles et invisibles t


.Jadis, s'écrient encore les incrédules,' on envisageait les circostances qui ont accompagné ,la diffusion du christianisme, du point de vue de l'Ancien monde, et Bossuet écrivait son Histoire Universelle, comme si les Indiens et les Chinois n'avaient jamais existé Pourtant, leurs pays sont plus vastes que l'ancien monde romain, dont l'étendue perd singulièrement de son importance comparée il celle du Céleste Empire. Ces contrées nouvellement décon- 4 vertes furent plus peuplées; elles prétendent être plus anciennes que les nôtres; leur civilisation fut aussi active que celle des peuples occidentaux; leur philosophie et leur littérature rivalisent avec les nôtres I» II est évident que désormais il faudra, en écrivant une Histoire Universelle, donner un tableau synoptique des événemens qni ont eu lieu dans les deux hémisphères, et pour cela, compléter nos connaissances, si vagues encore, sur l'histoire de tous ces pays, nouveaux pour nous. Mais en quoi, un tel fait, change-t-il les relations du christianisme avec l'histoire ? r Est-ce qu'en découvrant ces peuples, nous avons découvert,une religion meilleure, des vérités éternelles ou même scientifiques, ignorées de nous, et dignes d'être adoptées par nous? Est-ce que leur civilisation a porté des fruits tels, que l'Européen doive, dans un accès d'enthousiasme, renier la sienne, abjurer son Dieu, ses lois, ses coutumes, afin de s'élever en grandeur morale, en dignité humaine, par l'adoption des croyances, des nationalités, des codes, des usages qu'il vient de découvrir? Est-ce qu'en Europe, les ennemis les plus acharnes du christianisme, les incrédules, les sceptiques, les matérialistes eux-mêmes, renonceraient aujourd'hui à être des Européens, pour devenir des Mongols, des Chinois, ou des Japonais? Est-ce que ces ennemis


acharnés de Jésus-Christ, ne cherchent pas au contraire, les moyens de christianiser ces peuples pour les civiliser, voyant l'impossibilité de les sortir de leur barbarie relative, sans leur faire quitter leurs religions, leurs lois et leurs coutumes?

Est-ce que les paroles de Jésus-Christ prononcées dans le petite Palestine et recueillies par quatre Evangélistes, ne contiennent pas tout ce qu'il importe à notre salut de connaître'? Est-ce que la découverte de tous ces millions d'hom1 mes nous a révélé un seul principe de morale, qui ne fut point dans la loi écrite et dans la loi de grâce'! Est-ce qu'elle 1 nous a appris un seul fait qui diminue la beauté de la mo-' raie, des préceptes évangéliques ? leur profonde et intime connaissance du cœur humain ? Est-ce que nous avons été enrichis d'une seule vérité dogmatique, capable d'éclipser celles du christianisme? Or, si en découvrant des continens nomeaux, des terres nouvelles, des empires inconnus, des nalions.nombreuses, nous n'avons découvert rien qui change les motifs de crédibilité. de la foi chrétienne, rien qui diminue la beauté, la grandeur de la doctrine chrétienne, les millions et millions d'hommes découverts successhernent par les hatatans de l'ancien monde, ne font qu'augmenter le nombre des âmes qui ont vécu avant l'arrivée des lumières de la vraie Religion. Supposé, qu'autrefois on eût cru ce nombre borné au chiffre arbitraire de dix milliards, et la diffusion du christianisme, possible en dix siècles; on reconnait aujourd'hui que ce chiffre fut de cinquante milliards et veut cinquante siècles d'apostolat, en quoi la différence des chiffres change-t-ehle le fond de la question? Est-ce; qu'aux yeux de Dieu, et de son immuable Eternité devant qui le passé le présent, l'avenir existent simultanément, cinquante siécles sont plus difficiles à traverser que dix ans, et cinquante


milliards d'âmes, plus embarrassantes que dix millions ? R La miséricorde de Dieu ne délaisse ni les justes qui ont suivi les prescriptions de la loi naturelle, ni les bons qui n'ont pas failli aux. inspirations de leur conscience, ni ceux/ qui ont eu foi dans les vérités fragmentairement conservées, par leurs traditions, soit qu'ils aient vécu en petit nom- bre dans le monde ancien, dès les premiers temps de l'ère chrétienne, soit qu'ils aient vécu en grande multitude, de-' puis vingt siècles, dans tous ces immenses pays, inconnu^ du monde ancien. La même justice et la même miséricorde! qui s'étendaient aux justes et aux bons des temps aposto- liques, n'ayant point reçu la prédication évangélique, s'éten- dent d'une manière absolument pareille aux Esquimaux et aux Patagons, aux Hottentots et aux Kirghiz, qui n'entendent annoncer la bonne nouvelle, qu'au XIXe siècle 1 On a dit qu'en se produisant dans la Palestine, le christianisme naissait en quelque sorte au cœur du monde ancien, d'où il lui fut aisé de se répandre jusqu'à ses derniers confins; on reconnait ainsi que la Palestine était le lieu le mieux choisi pour être le berceau de l'Eglise, destinée à avoir son centre à Rome, d'où elle devait diffluer sur toute l'Europe. Mais comme il y a vingt siècles, le christianisme, né au fond de la Palestine, s'est répandu sur toute l'Europe, et l'a transformée, l'Europe fut à son tour le continent le plus approprié à produire une civilisation chrétienne assez ferte, assez florissante, pour se répandre sur une autre hémisphère, et la transformer: c'est ce qu'on devra reconnaître par la suite. Les moyens ayant été si bien adaptés pour produire les premières phases de la diffusion de l'Evangile, ils ne perdent rien de leur caractère d'excellence, lorsque ces premières phases étant terminées, elles produisent des moyens nouveaux, propres à enfanter les phases subséquentes, d'une Ms. 3.


nouvelle diffusion en de nouveanx pays. D'autres procédés succèdent aux premiers, mais comme tous sont appropriés à leur fin prochaine, tous ont le même effet, de contribuer à l'accomplissement du plan Divin. Tous concourent à la diffusion, sur toute la surface de la terre et parmi tous les hommes, de la Vérité révélée au sein de l'Eglise, appelée militante dès sa naissance, parcequ'avant de vaincre les efforts de l'Ennemi du genre humain, elle doit les combattre, avec l'assistance du Saint-Esprit, qui l'inspire par ses lumières et la soutient par ses secours 1

Si donc nous considérons qu'après vingt siècles, le christianisme renferme absolument les mêmes forces expansives, qu'à sa naissance,-spectacle surprenant, qu'aucune autre religion n'a présenté dans l'histoire, nous devons bien en conclure, que la présence de notre divin Rédempteur, bornée à trentre trois ans de vie, dans la petite Palestine, était bien suffisante à produire les fruits bénis qui ne cessent d'en résulter. Une vérité perd-elle quelquechose de son caractère, pour être révélée en premier devant un petit ou un grand nombre d'hommes? ou pour être retracée, sur un corps d'un petit ou d'un grand poids'? ou pour être proclamée dans un lieu d'une petite ou d'une grande mesure Sa vigueur, sa force, son resplendissement, ne se témoignent-ils point par sa durée à travers les temps, par ses conquêtes sur les nations, par la constance de son empire, s'agrandissant de plus en plus? Or, ce procédé d'agrandissement, cette extension des vérités chrétiennes sur des peuples nouveaux, cette expansion de leurs lumières sur tous les cœurs, nous les voyons de nos jours s'accomplir en Chine et en Cochinchine, chez les Gallas et les Guaycurus, chez les Hurons et les Polynésiens, par la voie du martyre, k de l'apostolat, de l'enseignement, des conversions, de l'in-


fluence civilisatrice des peuples chrétiens sur les peuples non chrétiens, comme on l'avait vu dans les siècles précédens, sur des peuples plus rapprochés, à l'époque de S. Patrick, de S. Remy, de S. Boniface, de S. Albert, etc. etc.l Alors, dans de moindres distances, les difficultés à surmonter étaient encore plus fortes peut-être.

Jésus-Christ est venu sur cette terre, au milieu de notre infortunée race, pour la- sauver d'une éternelle perdition, pour la racheter d'une faute dont elle n'aurait pu se racheter elle-même, pour la relever d'une chûte dont elle ne pouvait se relever avec ses propres forces, et pour l'élever du même coup au comble d'une gloire future, en lui promettant le comble d'une félicité éternelle. Le mystère de l'Incarnation qui a donné pour tous les hommes, les moyens do connaître les vérités révélées nécessaires au salut, ne les a pourtant point dépouillés de leur libre-arbitre, en les forçant à y croire; les Juifs, ces témoins oculaires et immédiats de la Rédemption divine, refusèrent et refusent encore de recevoir ces lumières. Il en fut ainsi parmi 1er Gentils, et il en sera ainsi jusqu'à la fin des siècles. La venue de Notre Sauveur ne devait donc pas dissiper, comme par une lumière électrique apparue soudainement, toutes les ténèbres qui enveloppaient l'esprit humain. Quel mérite l'homme aurait-il eu alors à croire? Aucun. Il fallait pour lui laisser sa liberté de croire ou de ne pas croire, laisser à la vérité un mode de propagation naturelle. Un tel mode ne saurait être instantané, ni même rapide. Une lumière nouvelle destinée à produire les plus profonds changemens dans les sociétés, à en transformer tous les élémens, ne pouvait se répandre par des moyens naturels, que fort lentement. Pour cela, la diffusion de la vérité chrétienne, tout en proposant à la foi le surnaturel, tout en appuyant


ses révélations par la vue des miracles surnaturels, n'en a pas moins suivi nne marche naturelle, donnant assez de clarté pour illuminer, n'en offrant pas trop pour ne pas forcer la raison de l'homme.

La terre ne fut donc éclairée par les lumières du christianisme, que graduellement; afin peut-être, que l'Eglise participât aux lois propres à toutes les choses de ce monde, d'une origine débile et obscure aux yeux des hommes, d'une lente croissance, d'un développement successif afin peut-être, que l'humanité ait une plus grande part de coopération, et par-là de mérite, dans la formation et le développement de cette Eglise, qui doit rester militante, tant qu'elle restera dans ses conditions humaines et terrestres afin peut-être que les nations aient nn sort divers comme les individus, puisqu'elles forment les individualités collectives dans l'ensemble du genre humain, dont l'histoire commencée avec Adam et Eve au paradis, se déroule lentement à travers les siècles, composée de celle des peuples, pareillement à celle des familles qui se compose de l'histoire des individus. Jusqu'à Jésus-Christ, tout attendait et tout préparait l'arrivée du Désiré des nations. (Is.) Depuis sa venue, tout attend et tout prépare la diffusion de la bonne nouvelle, parmi les nations. Ce texte d'Habacuc: Domine, opus ttmm in medio annorwm, vivifica illud. In medio atmorum notum facies cum iralus fueris, misericordiœ recordaberis, a donné lieu à une opinion théologique qui suppose la Rédemption accomplie au milieu des temps, pour marquer le point culminant des destins de l'humanité. Tout concourt ainsi à l'accomplissement du Plan Divin, qui mène le genre humain vers son éternelle et glorieuse transfiguration, à travers les transformations diverses et multiformes du temps.


L'objection des incroyans qui consiste à nier la divinité de Jésus-Christ, parceque son apparition aurait été bornée à. un point de l'espace, à une minute du temps, trop insignifians ponr la grandeur d'un pareil fait, parcequ'il eût eté indigne de la Divine Majesté de réduire sa présence à de si minimes proportions, est -sans nul doute, complètement fausse en elle-même, puisque l'apparition si courte de JésusChrist suffit pour que sa vie et ses enseignemens aient révélé aux hommes toutes les vérités et tous les préceptes nécessaires à leur salut, pour que sa mort et sa résurrection leur aient ouvert les portes du ciel. Néanmoins, cette objection, tout erronée qu'elle soit, contient quelque chose de vrai, en ce que l'homme semblerait presqu'antorisé à déplorer, que l'ineffable et indescriptible bonheur de participer à la présence de l'Homme-Dieu, ait été borné uniquement à une minute dans le temps, à un point dans l'espace? Il en serait résulté un privilège sans pareil pour les âmes si peu nombreuses, qui ont vécu durant cette minute du temps, sur ce point de l'espace. Si cela avait été, il n'y aurait point eu d'injustice, car l'injustice nait du devoir; or, le Créateur ne doit rien à ses créatures Un vase d'argile dit-il à celui qui l'a formé, pourquoi m'as-tu fait ainsi? 9 (S. Paul) Dieu, tirant toute créature du néant, la peut favoriser, sans que cette faveur soit un tort pour les autres. Toutefois, cette apparence de faveur, de privilège, de prérogative, pour ceux qui ont vu de leurs yeux et entendu' de leurs oreilles l'Homme-Dieu, ne devait point avoir lieu. Pour eux, les difficultés de la foi étaient différentes que pour le reste du genre humain, mais non moindres; l'épreuve exista par conséquent pour eux, tout comme pour les autres, et leur bonheur, leur récompense, furent également proportionnées à leur foi, leur mérite et à leur


épreuve. Mais cette égalité n'a point contenté l'încommeftsurable bonté de Dieu Il a voulu encore, que nul ne pût s'écrier avec douleur Le Verbe s'est fait chair, et je n'ai point participé à sa présence t > II a donc étendu sa présence effective à tous les temps, à tous les lieux, la rendant accessible à tous ceux qui ne sont point nés du sang, ni de la volonté de la chair, mais de Dieu. (S. Jean) Notre Seigneur, tout en ne sortant point de la petite Palestine, tout en ne passant que trente-trois ans sur la terre, a pourtant voulu rester à jamais présent parmi les hommes, en ne limitant sa divine présence, ni a un temps, ni à un lieu quelconque. Une fois que la divine Incarnation eut donné au genre humain, le Fils de Dieu-Fils de l'Homme, les grâces ineffables attachées à ce fait, non moins grand que celui de la Création, ne devaient effectivement pas être limitées, ni à un coin de terre », ni à une poignée de contemporains » Elles devaient se répandre, graduellement, avec cette divine présence, sur toutes les générations et à tous les pays. Notre Seigneur a voulu ne pas nous quitter en montant aux cieux, et après y être monté, rester parmi nous, avec ceux qu'il avait aimés jusqu'à la mort, et jusqit'à la mort de la Croix Oh miracle sans pareil t faisant servir la toute-puissance divine, à l'amour fraternel d'un Dieu pour les hommes 1

Jésus-Christ nous le dit lui-même; il a désiré d'un grand désir (S. Luc) demeurer avec nous et en nous 1 Il l'a dit au moment même où il se donnait aux hommes pour tous les temps et tous les lieux, instituant pour cela un Sacrement, également incompréhensible à notre esprit dans son divin mystère, que le divin mystère de l'Incarnation elle-même. Comme elle, il est a au-dessus de la raison, non contraire à la raison » donnant sa présence sans qu'elle étonne


la vue, mais la rendant sensible au cœur. Ce Sacrement en multipliant le sacrifice suprême du Rédempteur, multiplie aussi sa divine présence à tous les lieux et dans tous les temps. Jésus-Christ, né à Bethléem, mourut, ressuscita, monta aux cieux à Jérusalem, dans l'espace de trente-trois ans. Mais, grâces au plus sublime des miracles de sa charité, sa présence mystique, sous les espèces eucharistiques, ne fut point bornée ni à cette petite Palestine, ni à une vie d'homme. Elle s'étend à tous les siècles, jusqu'à la consommation des siècles, et sur tons les lieux, à mesasre que la foi les conquiert pen-à-pme, les arrachant aux ténèbres de l'ignorance pour les faire entrer dans la lumière de la Vérité. Les incroyans ne peuvent malheureusement pas savoir, ce qu'est cette présence réelle et cachée Ils ne veulent pas.reconnaître, sentir et pressentir, le Dieu caché, Deus absconditusl ni dans les merveilles écrasantes de la création, ni dans les beautés de la révélation, ni sous les humbles voiles des espèces sacramentelles. Mais le Dieu caché, Deus absconditus! n'avait pas montré sa divinité à tous ceux qui ont contemplé l'Homme-Dieu, des yeux de la chair, sans croire avec les yeux de la foi, parceque leurs cœurs charnels ne désiraient pas la présence du Dieu caché! De même à présent! Le Deus abscondilns I ne montre pas sa divine présence, aux incroyans qui ne la désirent pas. Il est réservé aux croyans de la sentir, d'en ressentir les consolations innommables, et les bienfaits aussi doux qu'innombrables. Communiquer aux incroyans, ce que la foi seulé dévoile, ne leur est pas possible; mais, s'ils ne peuvent les faire participer aux grâces et aux consolations de cette divine présence, sensible seulement aux yeux de la foi, ils peuvent leur en montrer les effets visibles à tous les yeux, dans cette vitalité miraculeuse de la vraie Religion au milieu de


toutes les persécutions dont elle est l'objet, dans cette prodigieuse force d'expansion qui ne l'abandonne jamais. Jésus-Christ est, en tout temps, en tout lieu, la source de la vie matérielle de son Eglise visible, et sa présence réelle nourrit la vie spirituelle de son Eglise invisible. Pour comble de consolation, de joie, d'allégresse mystique, la foi nous enseigne que celle présence réelle, quoique cachée, de Notre Sauveur; cette autre manifestation du Deus absconditus visible et invisible à la fois, tangible pour tous, compréhensible seulement pour ceux qui ont la simplicité de la colombe cette présence qu*> nous unit au Verbe en le faisant vivre en nous (S. Paul); cette présence doublement miraculeuse et surnaturelle, s'il est permis de parler ainsi, s'étendant à tous les temps et à tous les lieux, cette présence sacramentelle, répand des grâces sanctifiantes et régénératrices, que n'avait pas sa présence humaine, alors qu'elle était limitée à un point de l'espace, et à une minute du temps f

On finit donc par voir que tout ce que l'objection des incroyans contenait de spécieux, se trouve réfuté, et ce qu'elle renferme de touchant, comme appel fait aux sentimens profonds et vivaces du cœur humain, est apaisé par l'enchaînement même des croyances du christianisme, de ses dogmes et de ses enseignemens. Si, par hypothèse, ce que la foi nous apprend, n'était pas la Vérité même, il n'en serait pas moins vrai, que ses notions présentent à l'esprit humain ce qu'il peut concevoir de plus beau t L'admiration de tant de noblesse, d'élévation, de grandeur, alimente naturellement l'attachement enthousiaste qu'elles inspirent à ceux qui embrassent leur sublime logique, et demandent à Dieu de leur conserver la foi, avec la simplicité de la colombe!


fi.

Dans l'ordre de la foi, la prudence dic serpent devrait se témoigner actuellement par une appréciation, juste mais froide, de l'état social et du besoin de christianiser les nations chrétiennes, aussi bien que les nations païennes. Cette tâche exige des moyens multiples, dont quelques uns seulement sont à la portée de tous. Je voudrais en recommander spécialement deux: l'instruction et la charité; nommément cette charité intellectuelle, que Rosmini plaça en troisième, à côté de la charité matérielle et de la charité spirituelle, donnant toutes les trois pour but aux œuvres des religieux de son nouvel ordre. La charité intellectuelle, découle de l'instruction chrétienne, car plus celle-ci s'étend, plus elle comprend que les erreurs de l'intelligence sont moins souvent vaincues par la raison, que désertées par le cœur I La prudence qui doit se mêler à la simplicité dans les matières religieuses, l'accompagner et la diriger, consiste moins peut-être, de nos temps, à prévenir les attaques, qu'à perfectionner la défense; à éviter la guerre, qu'à préparer la victoire; à empêcher les erreurs de se produire en général, et les individus de les manifester en particulier, qu'à les réfuter avec un amour ardent pour la vérité, et une charité tout aussi ardente pour le prochain.

La prudence peut devenir imprudence, quand elle refoule dans un corps malade des humeurs viciées elle conseille au contraire de les faire sortir au dehors, d'en faire voir toute la laideur et sentir la mauvaise odeur. C'est ainsi qu'on persuade le malade de la gravité de son état, de l'urgence d'un traitement, et que par l'expulsion des matières


corrompues, on l'empêche d'être suffoqué- Le régime est peutêtre la partie la plus essentielle de tout traitement. Il s'agit donc de savoir ce qui, dans l'état actuel de la société, est le plus nécessaire à son régime religieux? Pour conserver saines, les parties saines du corps social, que faut-il au jour d'aujourd'hui? Je n'hésiterai pas à le dire moins de patenôtres et plus de lumières, car il y a un temps pour prier et un temps pour agir. Et pour guérir les parties malades? Il faut moins de vitupérations et plus de science religieuse; moins de malédictions et plus d'apostolat.

La prudence conseillerait maintenant aux chrétiens, de mieux savoir ce que l'on doit croire, et de ne pas croire sur parole, à ce qui n'a rien à faire avec le Credo, établissant ainsi une ligne de démarcation bien tirée entre la foi et la crédulité, entre la piété et la.superstition, entre le précepte et le conseil, entre ce qui est obligatoire et ce qui est surérogatoire, entre ce qu'on entend par le mot de pratiquer, et ce qu'on sous-entend en disant les pratiques. La connaissance exacte de ces différences est essentielle elle renferme la mesure de science dont chacun a besoin en ces matières, et aussi la plus haute des sciences, car une telle connaissance, peut mener, d'échelon en échelon, de sphère en sphère, à la distinction de toutes les vérités religieuses, d'avec toutes les erreurs qui les nient ou les attaquent, en tout ou en partie.

De nos jours, le nombre des croyans n'a pas diminué. On peut même dire que le nombre des existences spécialement, uniquement, vouées à Dieu, n'est pas moindre. Une statistique faite dans certaines congrégations, établit que depuis plusieurs siècles, leur proportion reste à-peu-près la même, présentant, en somme, un'millier d'âmes sur un million de catholiques. Quand les couvens sont fermés dans un pays, ils s'ouvrent dans un autre; les religieux chassés en


Orient, renaissent en Occident; les religieuses expulsées dans le Midi, se retrouvent dans le Nord. Ces derniers cinquante ans présagept plutôt l'accroissement que la diminution des monastères, malgré les persécutions, qui depuis le protestantisme ont, sous tant de prétextes et en tant de manières, détruit les cloîtres et dispersé leurs habitans. La foi n'est donc point morte dans notre siècle; mais on remarque parmi les chrétiens, et nommément parmi les gens du monde, une fatale diminution de lumières, c'est-à-dire, d'instruction religieuse. C'est au moment où l'irréligion, abandonnant les concupiscences de la chair dont elle s'est rassasiée au siècle dernier, se livre tout entière à l'orgueil de la vie, augmente sa science, développe son intelligence, déploie sa sagesse, médite ses conseils, que les fidèles négligent en matière de foi, les conseils de la sagesse qui leur commanderaient d'augmenter, plus que jamais, les trésors de la science sacrée, et d'en user avec intelligence contre des ennemis qui se sont si bien pourvus de toutes les armes capables de nuire à la Religion. Les bons chrétiens se contentent trop de conserver la Crainte du Seigneur, la Piété et la Force, oubliant de demander au Saint-Esprit les lumières attachées aux quatre autres dons, dans une époque où ils en ont spécialement besoin Tout ce qui n'est point complet, n'est point parfait. La Crainte du Seigneur, la Piété et la Force, sont indispensables; mais ces qualités de caractère deviennent insuffisantes sans les qualités de l'esprit qui doivent les accompagner, Science et Intelligence, Sagesse et Conseil.

De nos jours, on sait toutes choses excepté sa religion ce qu'il faut croire et ce qu'il ne faut pas croire, ce qui est de précepte et ce qui est de conseil; double connaissance également nécessaire, l'une étant le complément de l'autre. Les hommes religieux ignorent le plus souvent ce


qu'il faut croire, et les femmes pieuses ne savent pas ce qu'il ne faut point croire; double inconvénient qui enfante des méprises diverses, mals très-analogues par leurs résultats. Les hommes qui ignorent ce qu'il faut croire, ne savent pas pourquoi il faut le croire, et se trouvent ainsi dans une constante infériorité vis-à-vis des savans, des penseurs, des chercheurs, des viveurs, des railleurs, qui ramassent partout des raisons de ne pas croire. Les femmes qui ne savent point pourquoi il ne faut pas croire certaines choses, sont un objet de risée pour ceux qui connaissent bien les raisons de n'y pas attacher foi. Les uns et les autres, contribuent ainsi à faire mépriser la religion. Dénuée de la prudence du serpent, en face même du serpent qui répète encore, comme au Paradis-terrestre eritis sicut DU, la simplicité de la foi, des intentions, des sentimens, ne suffit pas à faire respecter, estimer et considérer, Les personnes croyantes, comme elles le méritent.

Les chrétiens de nos jours sont obligés plus que jamais de connaître les raisons de croire plus que (jamais ils doivent savoir à quel point il est raisonnable de croire»; plus que jamais ils ont besoin de savoir pourquoi ils sont chrétiens, et pourquoi il est bon et prudent d'accepter avec simplicité des mystères incompréhensibles, parceque jamais peut-être les chrétiens ne furent en présence d'une école aussi bien pourvue de raisons pour ne pas croire ». Il y a de faux apôtres qui sont des ouvriers trompeurs. ce qui ne doit pas surprendre, car l'Ange des Tenèbres lui méme se transforme en Ange de Lumière (S.Paul). Souvent on prend ce texte dans son sens littéral, suivant en cela l'exemple du chantre du a Paradis perdu » lorsqu'il nous montre Uriel, l'Ange du Soleil, trompé par la splendeur apparente du Roi des Ahimes. On pense surtout


aux apparitions, où les mauvais esprits prennent les formes des bons anges; il y en a eu certainement qui ont trompé ainsi des âmes contemplatives. Ils peuvent se revêtir de la ressemblance de Notre Seigneur, et même de Jésus crucifié, comme on le voit dans la vie de Se Catherine de Bologne, afin de troubler ces saintes âmes, d'induire leur esprit en tentation, de les réduire au désespoir, etc. Mais ce n'est pas seulement en frappant nos sens d'une manière illusoire, que l'Ange des Tenèbres peut apparailre comme un Ange de Lumière. En ces cas, il ne s'en prend qu'à une seule âme, tandis que S. Paul parle des subterfuges au moyen desquels il peut en pervertir beaucoup à la fois, tromper et égarer une quantité d'esprits, d'une manière infiniment plus subtile. Le monde étant une figure, la lumière matérielle y est le symbole de l'illumination de l'esprit, et la lumière naturelle de cette terre, est une image des lumières surnaturelles du ciel. Les ténèbres signifient par contre, l'ignorance, l'impossibilité de connaitre. Les Anges de Lumière sont ceux qui voient Dieu, et qui connaissent les choses de Dieu; les Anges des Ténèbres ceux, qui exclus par leur faute de sa présence, ne connaissent rien de ses desseins. Toutefois, quoique très-inférieurs en science aux anges et aux élus du ciel, les anges déchus ont encore une intelligence très-supérieure à celle de l'homme déchu, et une connaissance bien plus profonde et plus pénétrante que lui, des choses visibles et invisibles. 11 leur est donc aisé de tromper les hommes, de bien des manières, dont les unes sont plus grossières, les autres plus subtiles. Une des plus subtiles, consiste à présenter à leur esprit, en matière de foi, des raisonnemens faux, mais spécieux; de les éloigner des croyances religieuses par des argumens inconsistans, mais |séduisans; par des pensées mensongères, mais brillantes; par des conceptions


erronées, mais grandioses en apparence. Aussi, les Anges des Ténèbres s'efforcent-ils sans cesse, de fournir aux hommes des sophismes captieux pour les détourner de la simplicité du cœur; ils préfèrent encore entraîner à l'erreur qu'au mal, car leur chef est le Père du mensonge! Quand il profère le mensonge, il dit ce qui lui est propre. comme il n'pt point demeuré dans la verité, la vérité n'est point en lui. (S. Jean). Il hait la vérité suprême; il voudrait surtout éloigner l'âme humaine de la Vérité Eternelle, parcequ'elle revient moins difficilement au bien après être tombée dans le mal, qu'à la vérité après être tombée dans l'erreur; l'erreur corrompt sa raison, la partie la plus noble de son être, ce quil'eloignant davantage de Dieu, rend sa chute plus profonde, sinon dans chaque individu, du moins dans la suite des générations. La supériorité intellectuelle des anges déchus sur l'homme déchu est telle, que l'homme tombé après le péché dans les ténèbres de l'ignorance, ne serait pas à même de réfuter toutes les erreurs suggérées par les mauvais 'esprits, sans les lumières du Saint-Esprit, qui président dans l'Eglise à la constante et infaillible interprétation de la Révélation et de ses obscurités. Malgré cela, l'Ange des Ténèbres s'efforce sans cesse d'arracher les hommes à ces clartés divines, de les en détourner, leur apparaissant comme un Ange de Lumière, chaque fois qu'il leur inspire ces raisonnemens insidieux, ces. sophismes spécieux,' ces objections captieuses qui ont séduit tant de faux apdtres et d'ouvriers trompeurs. Hélas I' ces séductions sont infinies dans les sphères de la pensée; elles déploient un art et une science bien faite pour remplir d*effroi, lorsqu'on contemple la quantité et la qualité des nobles et illustres noms qu'elles entrainent dans les sombres régions du doute, de la négation, des affirmations fausses, en leur faisant croire qu'il est en-


core Porte-Lumière, celui dont les rayons ne sont plus qu'incohérens et sans durée. L'Ange des Ténèbres se fait Ange de Lumière, chaque fois qu'il montre aux hommes le Vrai, le Bien, le Beau, là, où ils ne sont pas; chaque fois qu'il les leur fait chercher, les leur fait admirer et aimer, aux dépens de la Vérité absolue, de la Beauté, de la Perfection divines. Nous ne sommes plus aux temps du polythéisme et de l'hérésie, où une affirmation religieuse mensongère se posait en face de l'affirmation vraie; nous sommes aux temps, où toutes les affirmations théistes, sont également niées par lcs négations a-théistes; où toutes les affirmations de la morale, privée et publique, sont niées par les négations anarchistes, a-tliautistes, a-gamistes. Toutes « les raisons de ne pas croire', tous les argumens du doute, toute la logique de l'erreur, toutes les subtilités du sophisme, ont été fortement coordonnées ensemble. Elles revêtent diverses formes, se montrent sous divers aspects, selon les lieux et les milieux où elles se dévoilent; affectant ici, des objections vieilles comme le monde, quoiqu'avec des formes rajeunies; présentant là, des documens qui semblent nouveaux parcequ'ils renferment des chiffres nouveaux; mais, elles sont davenues toutes solidaires les unes des autres, et constituent un ensemble plus compacte que jamais, de doctrines contraires à toute religion, à toute croyance au surnaturel. Ainsi, habilement liées entr'elles, ces. négations ont formé une sorte d'Eglise souterraine, qui en ce moment espère détruire l'Eglise visible de J. C. Après l'avoir longtemps secrètement minée, l'Eglise anti-chrétienne élève, hardiment aujourd'hui autel contre autel. Elle a ses temples, ses rites, ses symboles, sa hiérarchie, ses mystères 1 1 tout aussi incompréhensible,' en dernière analyse, que les mystères devins, puisque la raison humaine ne peut |pas comprendre


davantage l'univers sans un acte créateur et sans Dieu, qu'elle ne comprend Dieu et l'acte créateur) Cette Eglise antichrétienne possède, en l'an de grâce 1868, ses huit millions de Bdèles. dans les deux hémisphères. Elle a sa fraternité illusoire, sa fraternité issue du néant, qui se réduit à néant, et, hélas t elle a ses martyrs. De malheureux égarés pleins d'un noble enthousiasme, se vouent de bonne-foi et se dévouent avec exaltation, à une cause qu'ils croient belle, à la propagation de ses doctrines, lui sacrifiant, avec un courage souvent héroïque, leur avoir et leur étre, leur temps et leurs biens, leur santé, et jusqu'à leur vie t Ils croient servir un Ange de Lumière, ces victimes infortunées de l'Ange des Ténèbres, ainsi déguisé à leurs yeux éblouis. Cette Eglise qui se dresse devant la véritable Eglise, posséde une discipline lentement élaborée et parvenue à sa perfection une organisation fortement engencée; une action dirigée avec astuce et acharnement. Elle espère vaincre l'Eglise de Jésus-Christ par le prestige de ses révélations mystérieusement ëtagées, savamment graduées, de manière à tenir l'esprit de ses adeptes dans l'attente de révélations ultérieures sitôt que les lumières de la raison naturelle, la droiture de l'intelligence, leur fait trouver insuffisans, les sophismes réservés à leur degré d'initiation. Cette Eglise fait parler par les siens de lumières de progrès d'avenir., et elle même n'est qu'une école d'initiations obscures qui s'efforce de faire « reculer l'humanité vers les idées, les symboles, 3" les procédés, des a anciens e cultes. Eux aussi, ne livraient au vulgaire que les plus grossiers symboles, réservant aux plus hauts rangs de la hiérarchie sacerdotale, la connaissance des idées plus épurées que ceux-ci représentaient. Longtemps cette méthode, propre à tous les polythéismes, déroba au grand jour du christia-


nisme; tes derniers arcanes de la science anti-religieuse qu'elle récélait, le dernier mot de son dogmatisme antidivin, les dernières conséquences de son affirmation antithéiste. Notre siècle voit ses arcanes, peu-à-peu pénétrés. Cette Eglise dont l'origine est ancienne comme le pèche d'Adam,,veut passer pour être l'Eglise de l'avenir; transformation évidente de l'Ange des Ténèbres en Ange de Lumière, puisque l'avenir est à Dieu; ils n'est ni aux hommes, ni aux anges, ni à aucun être fini, créé; à a~oun être né du temps et renfermé dans l'espace.

Le moment est solennel, car la lutte, d'occulte qu'elle était, devient ouverte. C'est une société qui veut remplacer la société chrétienne; c'est' une Eglise qui' veut détruire l'Eglise catholique. Ces secrets sont dévoiles, sans être encore dépouilles de leur prestige, parceque l'Ange des Ténèbres prenant les apparences de l'Ange de Lumière, les entoure de ses sophismes brillans, de ses raisonnemens séduisais, de ses argumens imposans, de ses propositions spécieuses, de ses~ négations audacieuses.

En face de ces faux apôtres et de ces ouvriers trompeurs, il ne reste aux vrais ndetes aux enfans de Dieu qu'à leur opposer les armes des véritables Anges de Lumière; ce sont les raisons de croire sur lesquelles se fondent' les vérités de la foi. Car, on ne le répétera jamais assez, avec S. Thomas: Les vérités surnaturelles MasaM'a!eN< contredire les vérités naturelles, puisque deux vérités ne sauraient se contredire M~eHes. Les mystères de la religion sont attdessus de la raison, et non contraires à la raison Il est de foi que la raison nous fut donnée pour être la base de la foi, puisque la foi vient de ce qu'on a entendu. (S. Paul). La foi n'est que le plus sublime effort de la raison persuadée par les raisons de croire, convaincue de son imJMs. t.


puissance sans la foi, en même temps qu'elle aperçoit sa propre grandeur avec la foi 1

La foi n'est pas la certitude visuelle, car, si nous avions cette certitude, la foi n'aurait plus de mérite, ni de raison d'être. La foi est une grâce, parcequ'elle n'est pas une certitude elle nait du désir éprouvé par un coeur bien placé, un esprit bien fait, que le bel enchaioement des révélations, l'harmonieux édifice qu'elle présente à notre raison, soit vrai DMttw, que ce que la religion enseigne soit vrai, est le premier pas fait vers la foi; ce pas, n'est pas difficile, et serait bien vite franchi par ceux qui prétendent souffrir de n'avoir pas la foi, si une secrète passion ne les empêchait d'éprouver ce désir réellement, sincèrement, avec la simplicité de la colombe. Au siècle dernier, cette secrète passion provenait d'ordinaire des conc2ipiacences de la chair; dans le nôtre, elle est généralement fomentée par l'orgueil ds la vie chez les hommes, par la convoitise des yeux chez les femmes. La foi n'étant pas une certitude visuelle, tant que le monde restera monde, jamais il ne viendra un temps ou toutes les objections soient vaincues. Elles ont beau être vieilles comme le monde, elles trouveront toujours de nouveaux déguisemens pour reparaître sous de nouvelles formes. Ce sont les grands penseurs, qui élèvent de nouvelles banières, et donnent le signal de nouvelles révoltes contre la vérité, avec un nouveau mot d'ordre. C'est aux grands théologiens à les réfuter et à les vaincre. La prudence <!t< serpent ne commande pas à chaque fidèle, de savoir guider dans la mêlée; ce qu'elle lui enseigne, c'est de bien connaître sa consigne, c'est-à-dire, de bien savoir ~Mttf~Mt il faut croire en général, et ce qu'il faut croire en particulier: minimun de connaissances exigibles de tout bon chrétien, bien élevé. Avouons-le, à notre honte, ce mt-


nimum, se rencontre bien rarement parmi les chrétiens riches, aisés, les chrétiens des classes élevées et aisées. Parmi les autres il ne se rencontre jamais, cela va de soi 1 Ce triste fait met les croyans dans un état d'infériorité intellectuelle, d'autant plus fâcheuse, que tout en ayant la véritable supériorité, ils ne peuvent en tirer avantage, ne sachant plus en quoi elle réside.

Si l'on savait mieux yoM~MOt il faut croire en général, et ce qu'il faut croire en particulier, chaque esprit cultivé, chaque intelligence distinguée, chaque homme bien élevé et chaque femme d'esprit, tireraient de leur propre fonds, des argumens neufs, piquans, spirituels, étincelans, pour défendre leurs pénates, comme les autres en trouvent pour les attaquer. Ils découvriraient des raisons originales et individuelles, superficielles peut-être maintes fois, moins superficielles pourtant que certaines objections, et trèssuffisantes à la besogne du jour, a la discussion du soir, à la causerie du matin, pour repousser ces sophismes, ces idées fausses, ces faux principes, qui "homme une végétation parasite, envahissent les abords, les entours du domaine religiéux, en obstruent et en ferment l'entrée. Ces sophismes spécieux se glissent dans les régions de la politique, de la science, des arts; ils pénètrent partout, renversent toutes les données de la logique et même tous les instincts du bon-sens naturel. En regard, l'ignorance des personnes religieuses, est grande dans toutes les branches de la science et de l'érudition. Je n'en veux d'autre preuve, que la difficulté de fonder des journaux rédigés par des hommes croyans, pour une spécialité quelconque. Les protestans prétendent que, depuis S. Jérôme, les catholiques n'ont recommencé à étudier la Bible dans l'original hébreu, qu'après la belle, mais infidèle, traduction de Luther; on dira plus tard, que si les


rationalistes ne les y avaient forcé, jamais ils n'eussent étudié le sanscrit, ni pour enrichir le monde occidental des beautés de la littérature orientale, ni pour convertir le monde oriental, par la réfutation de ses erreurs métaphysiques, en connaissance de~cause Les catholiques qui écrivent, ne savent écrire que. sur des sujets religieux, et pour comble de malheur, il leur arrive plus d'une fois de ne pas connaître à fond, mema, leur propre terrain. Il finit par s'établir à la longue entre la masse des croyans et des incroyant un certain équilibre de~ science et même d'habileté. Aujourd'hui, l'étude des langues sémitiques n'a plus beaucoup à apprendre à l'exégèse catholique, et il viendra un temps, où de savans religieux, de l'ordre de S. Benoit ou de la compagnie de Jésus, auront approfondi le sens le plus secret des Védas et des Rhigs-Vëdas, de la Sansara et du Nirvanah, avec plus de clarté encore que les savans français, et plus de précision encore que les savans allemands. Mais quelles lenteurs; quelles pertes inouïes, avant que cet équilibre s'établisse, après mille retards Combien il est rare que les fidèles contemporains recueillent, pour leur compte, les avantages qu'il y aurait à mieux étudier les sciences que cultivent les « enfans du siècle ')

Au lieu de rivaliser avec. eux, en efforts sincères, beaucoup de croyans trouvent plus commode de les maugréer, de, vitupérer contre eux, d'appeler les foudres du, ciel sur eux, et de dénigrer leurs travaux. Sentant leur infériorité ou leur faiblesse, dans toute discussion politique ou, scientifique, dans toute action militaire ou commerciale, administrative ou industrielle; sentant qu'ils ont.à faire à des adversaires qui savent mieux agir et mieux parler désespérant. d'en venir à bout, ne sachant pas s'y prendre pour les convaincre, ils se mettent: à les détester cordialement,


eux et leur temps 1 Les cours les plus pieux, les âmes les plus droites, au lieu d'emprunter aux méditations à faire sur une époque aussi grande, aussi riche, aussi féconde que la nôtre, une juste appréciation de tous les renouvellemens que ces grandes transformations exigent, n'y 'puisent que la haine de tout ce qui blesse leur orgueil, de tout ce qui empiète sur leurs prérogatives, de tout ce qui détruit leurs préjugés. Quelques-uns voudraient même, s'ils l'osaient, s'ils le pouvaient, anéantir le fruit des veilles, des labeurs, du génie de ces enfans du siècie ) 1 ils %souhaiteraient priver le monde des avantages qu'il en retire, pour leur en ravir l'honneur et la gloire. De tels sentimens sont une grande imperfection, et leur violence même témoigne de leur faiblesse morale.

Cela est plus qu'un mal; cela est un danger. Ce danger doit précisément être écarté avec la prudence du serpent. u Celle-ci se garde bien de méconnaître un avantage, partout où il se trouve. Elle sait que les vérités naturelles ne peuvent jamais être réellement contraires aux vérités révélées, puisqu'elles proviennent du même auteur et nous sont également données par Dieu; leur apparente contradiction sert donc à aiguiser l'esprit humain, en passionnant ses recherches, dont le résultat se trouve toujours être quelque nouvelle conquête faite sur l'ignorance, quelques nouvelles vérités naturelles ajoutées au trésor des connaissances humaines, lentement, trop lentement amassé, hélas) 1 C'est le Tentateur qui voudrait induire à une hostilité injuste, irrénéchie, irréconciliable envers les œuvres des enfans du siècle tous les fidèles, afin que, se donnant des torts, ils repoussent, rebutent leurs adversaires et les éloignent de tout retour au vrai. Les de la ~rn~M en acquérant la prudence du serpent, ne se laisseraient point prendre


à ce piège. Avant tout, ils tiendraient à être justes, car la croyance dans les verités surnaturelles doit porter pour premier fruit, le parfait exercice des vertus naturelles, afin de se faire respecter par ceux qui ne la partagent point. Considérant les 'signes des temps, et sachant qu'il n'y a d'immuable que ce qui est divin, les croyans s'occuperaient à changer ce qui risque d'être renversé, à remplacer ce qui menace de tomber, à rajeunir ce qui a vieilli, à transformer ce qui n'est plus praticable, à rejeter ce qui n'a plus de vitalité. Ensuite, ils comprendraient que l'ignorance étant un mal, il faut la combattre; ils se mettraient eux aussi, au travail, ils se livreraient aussi à une étude acharnée des pro- blêmes soulevés, à une observation des choses naturelles, plus exacte, et plus suivie.

L'instruction religieuse, source de toute lumière surnaturelle et révélée, est le grand antidote de toutes les erreurs, de toutes les passions, de tous les aveuglemens dont il plait à Dieu de permettre ici-bas, l'existence, et parfois la prédominance. 11 est évident que l'enseignement des vérités chrétiennes, devra a l'avenir, occuper une place plus importante dans l'éducation de la jeunesse. Quand cet enseignement sera devenu supérieur à ce qu'il est, plus généralement répandu, un de ses premiers bienfaits, sera un changement de ton dans la polémique des croyans. A présent elle est d'autant plus âcre et plus âpre, que l'ignorance des catholiques est plus grande. Il en résulte une amertume, une aigreur, des gros-mots, un gros sel, une absence de courtoisie, de politesse, de charité, qui provoquent des impressions fâcheuses, des réponses acrimo-


nieusss, de mauvais sentimens, chez les ennemis du christianisme. Si l'on voyait plus clairement, et comme face à <ace, l°s fâcheux résultats qu'amène l'énoncé des opinions excessives, on y renoncerait bien vite. Quand on n'a pour soi qu'un pouvoir spirituel et une force morale; quand le pouvoir matériel et la force brutale sont du côté de l'ennemi, on est doublement tenu de mettre en pratique les paroles de Jésus-Christ, de joindre à la Mmj)Me de la colombe, la ~m~Kce du M~at; au lieu de cela, on se donne l'air de n'avoir ni l'une ni l'autre, en réunissant l'ignorance à la violence. C'est bien mal défendre une place forte, réellement imprenable, puisque les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre elle, que d'emprisonner ses troupes dans sa propre citadelle; de laisser à l'ennemi tout le pays qu'il lui plait de déclarer sien, se l'appropriant <!< fait, alors qu'il pourrait en être dépossédé de <<f0t~ puis, de l'injurier à outrance t

Il faut le reconnaitre; les écrits, les discours de certains auteurs orthodoxes, sont malheureusement empreints parfois de cette polémique partiale, sans justesse sinon sans justice, de ces reproches agressifs, de ces invectives sans ménagemcns, qui caractérisent l'Esprit de parli. Ils n'ont pas toujours cette onctueuse charité, cette tendresse pour la brebis égarée, cette sollicitude pour l'être iHusioné, cet unique souci du bien général en toutes ses parties et toutes ses manifestations, qui devraient caractériser à tous les yeux, l'Esprit de Religion. On est souvent tenté en lisant ces auteurs, de penser au mot de Me de Séfigné Le tout n'est pas d'être catholique; le difficile est d'être chrétien. Pourtant, S. François de Sales l'a dit: on prend plus de mouches avec une once de miel, qu'avec une tonne de vinaigre.


Une telle absence de mansuétude a pour premier effet, d'empêcher l'appréciation et même la compréhension, des qualités M<t<MMMM que possèdent les âmes dont on souhaite la conversion; du bien naturel qui se fait par cette société qui se détourne de l'Eglise; des avantages Mtweh que la Providence lui permet d'acquérir et qui contribmront à l'accomplissement de ses vues, quand le moment ~era venu de les y appliquer. Par cette absence d'équité naturelle, d'impartialité, de tolérance, jointe à une apparente absence de charité, de bienveillance, d'indulgence, on risque d'éloigner plus encore, au lieu de rapprocher les cœurs détachés de l'Eglise. Notre siècle est comme un souverain trèspuissant, farouche dans ses susceptibilités. IL s'irrite des reproches d'une monotone sévérité; des accusations mal posées, des condamnations d'une dureté non mitigée. Jl écoute avec défiance et dedain, ce que disent ceux dent il ne craint ni la puissance temporelle, ni les anathemes spirituels, ni les menaces éternelles. Il recueille avidement leurs arrêts, et n'y voyant jamais un éloge intelligent de ce que, lui aussi fait de bon à sa manière, il en conclut que le combat est à mort, et que nulle réconciliation n'étant possible, il ~<M<< que l'Eglise périsse, car le siècle ne veut point périr. Pourquoi faire croire à un antagonisme irréconciliaMe? 'l D'ailleurs, les injures adressées au siècle inspirent un orgueil coupable et un dédain, souvent insensé, de ce qu'elles ne comprennent pas, aux âmes pieuses, dont la piété devenue ainsi stérile, ne touche, ni ne ramène plus personne. Je sais que l'indignation est une des formes de l'amour; la colère qu'excite la vue du mal, est d'autant plus vive, qu'on est plus pénétré de l'amour du bien. Mais. la colère est mauvaise conseillère, même quand c'est une sainte colère; j'ajouterai d'autant plus mauvaise, que sa cause est meilleure.


Qui combat par !a violence peut parir par ta violence; qui combat par l'amour .reste ittvaiuca,.meme s'il n'est point vainqueur. L'évoque d'Annecy disait bien à ce .propos Une vérité qui n'est pas charitable, peut-elle être une charité qui soit véritable'

Voici ce que nous lisons dans t'Anoien-Testament: Comnie <Mt e~ntj &)teMfj M< SMoce e< ~M~ <!e Mst~Mt<e <H MtttM e&e~e~ TM torft~M ceux qui erMM< j pMt-d-~tt. ftt !M <.tMf!M <<f ~Mr ~!M~ <M ~Mr ~ar~ avec ~OMCeM~ afin que <fepoMt!!a)t< <OMh! malice, t~ croient eM .<M. Les hommes /aM<!M!~ ~M cto~M <Nfr!'6~ MK<re <0t SKM ~M*~ MCft/!cM pMM ~c~e'ra~MM ils tMMMt sans pitié leurs pfop?-M M!/<!MS~ !b 6Mt!<!MM< sang i!M~ itt ~n'C ~OffM. ~MaM ? <!tM égard m~e à c~ Aomm~ et leur ett!;oy<M <~ a.t!ef!tSSMitM!~ JVoM pas ~tte <!t ~M pmMM :pMM)eHre à M<HM anaM <M tm~ aux j'M~~fM e.c~rtntHM' avec M~e seule parole ~Mre mais pour les ~MUtr ~s<hMH~mM< – et leur donner K~M à ~~eM!<eMcc (Sag.) Dans le Nouveau-Testament, il est écrit N <;tM~M~ dit, ~'s<me DMM, e< qu'il Msse son /rere~ c~s! tttt m~tettr. Comment celui qui M'atme pas MM /?we gM'H voit, pSM!-N aimer Dieu 9!t~< ?6 voit pM? (S. Jean) Notre Seigneur dit un jour à Mathilde: 'Venez et voyez un des moindres dans te royaume des cieux, et vous connaîtrez toute la tendresse de l'amour de Dieu. Et ta Sainte vit devant elle un homme baMUe d'un beau vert, dont la chevelure était parfaitement lisse, la taiUe moyenne et le visage d'une merveiticuse béante. Qui es-tu? lai demanda-t-elle. J'étais sur la terre, dit-il, un malfaiteur, et je n'ai jamais fait une bonne action. Comment es-tu donc entre dans la joie éternelle'? lui demanda't-elle de nouveau. Tout le mal que j'ai fait, répondit-il, ne venait point de ma méchanceté, mais


de l'habitude; je M savais pas qu'il y e&t rien de mieu~ à faire, parceque mes parens m'avaient élevé dans ces yWK'ripes. Aussi, mon repentir m'a-t-il obtenu la divine miséricorde. – Que savons-nous donc de la responsabilité qui incombe à chaque malfaiteur dans l'ordre de la pensée, quand nous ne savons pas s'il comprend ce qu'il fait, ayant été élevé dans ces principes. Le R. P. Perrone élucide ce point difficile, avec une grande délicatesse de jugement et une grande charité de cœur, démontrant comment l'esprit humain n'est point éclairé parceque les yeux voient et les oreilles entendent, tant qu'il n'est point arrivé à douter de la vérité des idées et à examiner le sens des habitudes qui lui ont été inculquées dès son enfance.

Les esprits très-vivement pénétrés de l'esprit de parti catholique, et plus habitués à lire les auteurs des siècles derniers, qu'à observer les mœurs actuelles, n'aperçoivent pas que les temps sont passés où, entre adversaires religieux et scientifiques, on échangeait impunément des deux parts, avec une égale véhémence, les épithètes injurieuses, les suppositions outrageantes. Jadis, il semblait que les plus violentes invectives, telles que nous les trouvons dans les con~ troverses des premiers siècles sous les plumes les plus nobles et les plus élégantes, telles qu'elles se sont perpétuées dans les disputes d'école du moyen âge, et dans les virulentes diatribes qui suivirent les luttes acharnées, dites de la Réforme; jadis, dis-je, il semblait que les paroles insultantes formaient un condiment nécessaire à toute discussion vive. Quelques saints privilégiés, tels que S. Augustin, S. François de Salles, ont bien prouvé par leurs écrits et leur influence épiscopale, que ces fortes épices n'étaient pas indispensables à l'art de la persuasion et à la plus haute éloquence sacrée. Ils ne se modelaient ni sur les Ruffin, ni


sur les Ulrich van Hutten, et leur douceur, leur courtoisie, leur amabilité, loin de nuire à leur action bienfaisante et convertissante, en ont fait des modèles de sainteté et des écrivains modèles. Mais leur exemple fut toujours pen suivi; le ton général de la polémique excusait ceux qui ne les imitaient pas. On se donnait réciproquement les noms les plus indignes, on s'accusait mutuellement des intentions les plus viles, on s'appliquait les textes sacrés où règnent les plus farouches exclamations, une crudité d'expressions, inadmissibles en dehors de l'Ancien-Testament, sans que ces violences du langage rendissent complétement improbable des raprochemens subséqqens.

Aujourd'hui de tels vocabulaires ne sont plus possible; Les mœurs se sont policées, même dans l'enceinte des écoles. On ressent vivement les attaques personnelles; en les méprisant, on ne les pardonne pas. Le concept de la charité s'est étendu et ennobli on sent qu'elle est blessée par une injure comme par un coup de poing, dès que la bonne éducation est assez répandue pour ne plus admettre l'une ou l'autre comme des gentillesses d'ours mal léchés, des jeux de vilains.. Aujourd'hui où les hautes classes ont perdu quelque chose des manières exquises que leur avait enseigné le régime purement monarchique, les classes moyennes ont gagné un sens plus délicat des égards que se doivent entre eux les honnêtes gens et personne ne veut être un « vilain en se prêtant à ses jeux 1 Il est devenu nécessaire de parler avec estime, ménagement, courtoisie, à tous ses adversaires; surtout, si, comme c'est à présupposer dans tout auteur catholique, on desire les convaincre, on espère les convertir La haute poésie des brûlantes épithètes bibliques, traduite en prose vulgaire par la multitude, equivaut à des grossièretés qui ne sont plus de mise, même envers ceux


qu'on croit les mériter le plus, par les terribles et rebutantes conséquences de Jenrs doctrines. Lorsque le roi Léopotd de Belgique, appliqua le terme d'insensés à la société des solidaires, dont le but est d'empêcher les mourans de demander les secours de la religion, les libres penseurs s'assemblèrent en meetings publics, pour se plaindre de cette appellation injurieuse et demander au roi de la retracter. Telles sont les forces des acatholiques et des antichrétiens réunis, et tel est le degré d'égards qu'ils exigent. Or, la politesse et la courtoisie dans les termes, étant un bien en soi, cette exigeance n'est pas un mal.

De plus, une modification importante est survenue dans l'incrédulité de nos contemporains; elle n'est point alliée au vice. Nous ne sommes plus aux temps où Pascal pouvait écrire: Vivez en chrétiens, et vous croirez comme des chrétiens.. Non; la foi n'est plus la compagne inséparable des bonnes mœurs. Il y a de nos jours des crimes, des vices, des violences, des abominations, comme il y en a eu et comme il y en aura, dans tous les siècles. Mais, il y a aussi des penseurs. et des savans qui refusent l'adhésion de leur esprit aux mystères du christianisme, sans chercher pour cela à se dégager des liens de sa morale. Ce n'est plus seulement par libertinage, qu'on nie Dieu. H en fut ainsi souvent, surtout au siècle dernier; les choses sont modifiées. Les publicistes qui ne le voient pas, font un anachronisme quand ils affirment en thèse générale, qu'on ne veut pas bien croire, pour ne pas bien vivre. Ils se trompent. Les doctrines du scepticisme, de l'athéisme, du matérialisme, mènent fatalement les peuples à l'immoralité, à la dégradation et à la bassesse. Cet effet immancable n'est pourtant pas toujours subit, et dans les individus, nés et vivans au sein d'une société chrétienne, on peut voir se prolonger durant de longues et belles existences, une


heureuse inconséquence entre des théories qui annulent la conscience, dissipent toute responsabilité dans l'homme, et une pratique remplie de vertu, de mérite, et même de délicatesse. L'incrédulité du XIX" siècle n'est pas fille de la concupiscence do la chair, mais de l'orgueil de, la vie. Mat trés-diNérent de l'autre t Un tel rapprochement du péché angélique, est-il plus excusable dans l'homme, ou plus impardonnable ?. Dieu seul le sait. Nous ne pouvons préjuger s'il est plus ou moins grand, plua ou moins funeste dans ses conséquences? En tout cas, il est plus noble, car il éloigne davantage l'homme de la bête. < Ce caractère éthique de l'incrédulité actuelle, provient de ce qu'elle a grandi parmi les travaux scientifiques de l'Allemagne, dont le climat et les habitudes favorisent, peu les excès de tous genres, depuis que la barbarie et les violences tudesques du moyen-âge, ont disparu sous des mœurs trésdouces et une moralité généralement solide, surtout dans le Nord, qui fut si fécond' en penseurs. La théorie restant là-bas, sans liaison, avec la pratique, son audace ne connait pas les bornes de l'immoralité et de l'impossibilité matérielle. Ainsi, libre dans les champs de la spéculation, elle avance toujours, sans se heurter à ses propres conséquences. Elle s'égare à, perte'dQ vue, sans danger immédiat. Cet exemple estsuivi en d'autres pays, et c'est ainsi qu'il s'est formé maintenant une catégorie toute spéciale d'hommes, qui par leurs doctrines, méritent parfaitement l'épithète d'insensés, mais qui repoussent vigoureusement les dénominations de m~A~~ de pervers, ~MM~M~ d'immondes, les, adjectifs de~MX<e, de pourriture, de /MCtt6f, etc. etc. que le zèle indiscret' de certaines plumes, distribue si aisément encore aux hérétiques et aux incroyans. Ils les repoussent au nom de leur honnêteté naturelle, de leurs vertus humaines, de la beauté de leur


idéal, de la délicatesse de leurs sentimens, du mérite de leurs dévouemens, de l'élévation de leur esprit, des rares dons de leur intelligence.

L'incrédulité possède des chefs assez honorables et des armées assez nombreuses, pour imposer les égards et les convenances d'un langage courtois, dont l'Eglise donne l'exemple dans ses relations avec des Rois hérétiques, avec des Empereurs schismatiques, des Sultans infidèles. Est-il donc si dimeile de se modeler sur elle, à des âmes inspirées par cette vraie charité, qui désire, non seulement vaincre, mais sauver, « afin que le pécheur se convertisse et vive car son retour doit causer 'plus de joie au ciel que la persévérance de quatre-vingt-dix-neuf justes 1 D

Nous ne saurions mieux dire, en traitant cette question brûlante qu'un écrivain distingué dont nous citons les excellentes paroles. Dieu est éminemment conciliant, et en cela il ne ressemble nullement à ceux de ses serviteurs qui se persuadent que conciliation et faiblesse sont une même chose, et que dans les débats surtout où la vérité est en cause, on ne saurait se montrer conciliant sans trahir les droits de cette fille du ciel. Il est vrai que la conciliation dont use le Très-Haut, ne ressemble pas davantage à celle de ces timides soldats qui craignent toujours de prendre trop ouvertement les intérêts de la vérité, et qui croient lui gagner les cœurs en cachant ses traits véritables. La vraie conciliation consiste, au contraire, à montrer la vérité tout entière. Les partisans de la rigueur n'en montrent que le côté sévère, les amis des lâches concessions en dissimulent toute la force. La seule tactique qui lui convienne consiste à la montrer sous tous les aspects, de sorte que ce qu'elle a de consolant et de doux rende moins répugnant ce qu'elle a de rigou-reux et de fort.


De même, en effet, qu'au fond de toute erreur se cache une vérité dont l'inintelligence est la cause de l'adhésion que l'esprit donne à ce qui est faux, de même dans toute répulsion contre le bien, il y a l'amour d'un autre bien qu'on s'imagine, à tort ou à raison, être incompatible avec le premier. D'où il suit que le meilleur moyen pour rame.ner à la vérité et au bien les âmes où il reste encore un peu de droiture, consiste à leur montrer que cette vérité bien comprise est parfaitement d'accord avec les tendances légitimes de leur intelligence, et que ce bien peut seul satisfaire les instincts honnêtes de leur volonté. Ainsi, en dissipant leurs ténèbres on développe les lumières qa'ils portaient en eux, mais qui, mal vues, les égaraient; ainsi, en luttant contre leurs penchans mauvais, on s'appuie sur d'autres penchants meilleurs; on attire en même temps qu'on repousse et, bien loin de rien sacriSer des droits de la vérité, on lui assure le seul triomphe qu'elle ambitionne, l'hommage éclairé d<une âme libre. (t).

Ceux qui voudraient pratiquer la simplicité de la co~oM~ sans y ajouter la prudence des serpens, oublient que la variété étant une des plus belles, des plus grandioses manifestations de la Toute-Puissance du Créateur, cette variété indéfinie se retrouve dans chaque ordre de choses créées. Considérons une minute le monde matériel; il nous révèle une variété incalculable dans les régions sidérales, aussi bien que dans chaque règne de la nature, dans chaque province de ce règne 1 Quelle variété d'ëiémens 1 Quelle variété dans le splendide vêtement de l'antique Gea, l'Alma J)M~/ Ses plisprofonds recouvrent des familles innombrables de minéraux divers, de pierres précieuses et fines, de cristaux, de marbres, de granits, de basaltes, de laves, etc., qui présentent (i) R. P. Ramtere.


tant de beautés spéciales, que la collection d'un lithophile peut offrir une splendeur égale à celle d'une collection de tulipes, chez un fleuriste de Hollande 1 Et parmi les grandes et les petites végétations, quelle infinie variété depuis le cèdre jusqu'à l'hysope, depuis le palmier jusqu'au lichen Et parmi les insectes! Et parmi les oiseaux de l'air Et parmi les poissons de la mer Et parmi les reptiles Et parmi les animaux de la terre t Le monde spirituel, serait-il moins riche, que l'univers matériel? Cela est impossible, car il répugne à.notM raison et à notre sentiment de l'admettre. Le type humain aussi nous présente une variété non moindre, d'organisations, de constitutions, de physionomies. La variété' de, ce type, divisé d'abord en grandes races, subdivisé ensuite en mille mmincations, aboutit à l'originalité de chaque individu, dissemblable de tout autre. Ne doit-il pas en être ainsi, des âmes? Elles ont aussi leurs diverses catégories, et atteignent aussi dans chacune d'elle, à cette même variété dans leur manière de sentir, de voir, de comprendre, de penser, de percevoir les objets extérieurs et d'appréhender les idées d'autrui, toutes, différentes les unes des autres. La variété de leurs aptitudes.correspond à l'inconcevable variété des sujets qu'elles ont à connaître, à pénétrer, à juger, à embrasser. De l'immense variété qui résulte du mélange si divers de leurs facultés, nait la différence de leurs penchans moraux, et intellectuels, de leurs inductions et dédnctionSt de leurs jugemens et opinions; cette différence de notions opposées, de présuppositions, de conjectures, d'hypothèses contraires, fait naître tes tK~pM~ qui trop souvent entraînent les hommes à nier le vrai pour soutenir le faux,, à rejeter des évidences pour se repattré de songes-creux, à perdre des conquêtes déjà assurées pour faire des excursions dans le domaine de l'impossible.


Toutefois, ces recherches, si vaines qu'elles semblent en elles-mêmes, ont toujours l'utilité relative, de fortifier la vérité absolue, et d'élever ou d'étendre le terrain des luttes. C'est lorsque le pour et le contre ont été suffisamment discutés, [orsque toutes tes faces d'une question ont été examinées avec la passion qu'inspirent les convictions sincères, quoiqu'erronées, que les temps futurs, les générations à venir, les hommes de génie venus après, sont a même d'en tirer quelque conséquence lumineuse qui enrichit le monde de quelque vérité relative, de quelque certitude de plus. Les hommes étant tombés par la faute d'Adam, dans la nuit de l'ignorance, Dieu livra le monde à leurs disputes, (Eccl.) car, c'est de leurs disputes que jaillissent les étincelles, le& lueurs, les clartés, qui éclairent peu-a-peu leurs ténèbres d'un jour toujours plus intense. Dans l'ordre naturel évidemment, puisque l'homme ne peut rien savoir de l'ordre surnaturel, que ce qui lui en est révélé par Dieu dans les Eeri~tures-Saintes, interprétées par l'infaillible autorité de l'EgliseH n'y a donc pas de prudence à vouloir empêcher les ~M~M~ sur toutes choses qui n'offensent point les vérités révélées, car dans les sciences spéculatives comm& dans les sciences naturelles, dans les études abstraites, dans les arts, comme dans toute branche de l'activité humaine, le silence est la mort. Partout où il y a vie, mouvement, production, initiative, développement, croissance, expansion de la pensée ou de l'action humaine, il y a disputes, car il y a aussitôt divergences d'opinions, de vues, de conceptions, de buts, de moyens, de procédés, d'écoles, de méthodes. Toutes sont imparfaites, et toutes ont leurs avantages; même celles qui se trompent sont utiles, en prouvant comment il ne faut point faire, comment il ne faut point penser ou agir. Si Dieu soufire la variété des religions, comment ne la Ms. B.


souffririons-nous pas? dit S. Thomas. Ce qu'il dit des cultes, qui introduisent l'erreur dans le temple même de la Vérité, une et suprême, peut, à bien plus forte raison, se dire de toutes les autres variétés d'opinions, d'idées, d'influences. Vouloir diminuer cette variété, en quelque sphère que ce soit sphère scientifique ou sphère politique, sphère littéraire ou artistique, dans le gouvernement, l'activité, on les moeurs des diverses nations, c'est tendre à un résultat contre-nature, car la variété de la nature extérieure comme de la nature humaine, impose nécessairement la diversité des esprits, qui amène la diversité des manières d'envisager, de sentir les choses, la variété des opinions et des produits intellectuels.

Même dans la lutte suprême de la Vérité suprême, contre toutes les erreurs qui l'attaquent, la nient, la méconnaissent et la blasphèment, on ne saurait souhaiter un silence absolu. S. Paul dit: il faut des hérésies. Or, Dieu ne permet aucun mal absolu, dont il ne puisse résulter aucun mieux, relatif au bien qu'il a détruit. Si donc il faut des hérésies, c'est pour provoquer les croyans à combattre le bon combat, car il n'y a pas de triomphes sans luttes, et pas de luttes sans périls et sans peines. Aussi, la prudence du serpent ne conseille pas toujours également, d'étouffer les symptômes précurseurs de ces recrudescences dans les attaques dirigées contre la vérité, car le feu qui couve sous la cendre, est celui qui à la première occasion peut allumer le plus violent incendie. Il advient quelquefois, que la t'MCftoH religieuse ne s'accomplit point, avant que l'action impie ait atteint ses dernières limites. Alors, le plutôt, est le mieux. Il peut se faire, que plus on empéclie l'expression des opinions erronées, plus elles rongent secrètement l'esprit religieux dans les sociétés, n'y laissant que les


dehors de la foi, pendant que la foi et la piété en ont tout-afait disparu. Cet état est le plus désastreux, le plus dangereux de tous, pour les mœurs et l'avenir des pays celui qu'on doit surtout craindre et dont il faut se préserver à tout prix. En permettant aux innovations philosophiques de se faire jour, pour être publiquement débattues, combattues, attaquées, condamnées, on leur permet de dépasser ouvertement tes bornes de la modération qui les présente sous un aspect favorable. Par une pente irrésistible, moins elles sont gênées, plus elles se jettent promptement dans les extrêmes, dépassant les limites de la raison et du bon-sens. C'est dans cette phase seulement,qu'elles finissent par exciter une indignation générale. Celle-ci ne s'en prend d'abord qu'aux conclusions excessives; elle aperçoit cependant peu a-peu, que les dernières violences de l'erreur, sont les conséquences contenues en germe dans ses prémisses. Les négations de l'intelligence spéculative, ne peuvent manquer de toujours amener les plus révoltantes affirmations dans l'ordre moral, tant le bien et le beau sont en principe, indissolublement liés au vrai. Mais c n'est qu'au moment où des affirmations, blessantes pour le sens éthique de sociétés chrétiennes, sont hautement formulées, que leur union logique se montre clairement à tous, et devient l'objet du mépris des honnêtes gens. Avec plus de calme, on laisserait aux fausses doctrines la possibilité de s'user plus vite, en les privant du soutien que leur donne l'entêtement passionné, et l'on n'éloignerait pas de la religion les cœurs hésitans, en leur faisant croire que ses représentans sont dénués de toute charité intellectuelle.

Les fo'm~ d'un langage ouM et emporté, qu'on interprète


en un sens haineux, si opposé au sentiment qui devrait dicter les paroles, les entretiens, les discours, les écrits, les couvres, des croyans ardens et actifs, s'attachent principalement à leur manière de traiter trois sujets, trois points, sur lesquels ils froissent les susceptibilités les plus vives des dissidens honnêtes et de bonne foi. Cela est d'autant plus regrettable, qu'il n'est nullement nécessaire de toucher à ces trois points. Tout ce qu'on dira la-dessus de part et d'autre, n'y changera rien, et ne fera pas revivre le passé.

Premièrement, les polémistes chrétiens ont l'habitude beau.coup trop fréquente, de déclarer notre siècle le pire de tous. Savez-vous, ce que répondent à cela les incrédules? Ecoutez ce qu'ils disent < Apôtres de la charité, vous êtes des hypocrites sans entrailles, car si vous en aviez, vous sauriez que la vraie charité trouve toujours moyen de parler des maladies sans infâmer'Ies malades; si vous ne savez pas le faire, c'est que vous n'avez pas de charité. Ainsi parlent-ils, et comme eux, ils aiment leur siècle avec exaltation, comme ils vantent ses grandeurs, qui en effet sont considérables, ils finissent par mépriser le mépris qu'on en fait. C'est justement, ce qu'il y a de plus dangereux. Ils accusent ses détracteurs, d'une ignorance ou d'une mauvaise foi impardonnables, prétendant, non sans quelque raison, que tout calcul fait, jamais le sang ne fut plus épargné, tes effets des guerres et des conquêtes plus adoucis, les cruautés partielles et individuelles plus rares et plus flétries, les coutumes plus humaines, les moeurs plus douces; jamais les lumières plus répandues, le bien-être matériel plus étendu, l'intérêt pour les classes pauvres plus général; jamais le sentiment de l'équité et de la dignité sociale, le besoin de la pal- et de tons ses bienfaits, plus profonds et plus sentis. Si on leur répond a Oui, vous avez tout cela, mais vous


n'avez pas le bien de la foi que possédaient d'autres siècles on s'expose à leur faire dire, ce qu'il faut surtout éviter de leur faire penser « Eh bien 1 si la foi n'a pas donné aux autres siècles ces biens sociaux que la Réforme et la Révolution ont donné au nôtre, si nous ne pouvons les conserver qu'en renonçant à la foi, nous préférons des biens actuels, à ses promesses futures; nous repoussons la foi, et ceux qui la prêchent. Pourquoi porter les malheureux s cette extrémité ? Pourquoi laisser se répandre cette supposition fausse, qu'un bien quelconque, réel et raisonnable, quelque soit son importance, minime ou immense, puisse être inconciliable avec la foi? puisse être placé en dehors de sa vérité? '?

H faut au contraire bien noter, et, autant que possible, en persuader les chrétiens fidèles, non moins que les chrétiens infidèles; jamais au sein du christianisme, il n'apparait un bien quelconque nouveau, dans une sphère d'idées, de sentimens, d'aspirations ou de besoins quelconque, sans que ce bien, tout mêlé d'exagérations, d'extravagances, d'absurdités, de notions erronées et même coupables, n'ait puisé tout ce qu'il a de réel, de viable, de durable, dans les vérités de la foi, dans les idées, les sentimens, les aspirations, dans les besoins que ces vérités développent. Cette origine de tout perfectionnement véritable, de toute amélioration, positive et incontestable, dans l'organisation et l'activité des sociétés christianisées, dans les sciences spéculatives et pratiques qui dirigent leurs travaux; cette origine chrétienne de tout vrai progrès, est souvent difficile à apercevoir, pour plusieurs raisons. D'abord, ce progrès découle du j~MM du christianisme, directement parfois, et parfois indirectement; c'est quelquefois par voie de déduction rapide, et quelquefois par voie de lente conséquence, qu'il se dégage de son esprit.


Devant des différences si sensibles, toutes les intelligences ne pénètrent pas immédiatement, ce qu'il y a d'identique dans des procédés, dont les uns semblent marcher en lignes droites, les autres se faire jour par d'innombrables circuits. De plus, l'Eglise ayant pour mission d'éclairer les peuples de ses lumières célestes, non de les gouverner politiquement durant leur existence terrestre, elle est par nature, éminemment, presqu'exclusivement, conservatrice en matières politiques et sociales. Elle l'a été à ses propres dépens, tant elle sent qu'il ne lui appartient pas de refuser à César, (autorité politique temporelle,) ce qui est a CMor, (liberté d'action politique et temporelle). Ce n'est point l'Eglise qui eut l'idée d'exiler à Byzance, les Césars romains. Bien au contraire; tant qu'elle le put, elle les traita comme s'ils régnaient encore à Rome. Ce n'est que lorsque Fimpérieuse nécessité les y obligea, que les Papes ont transféré aux ro's de l'occident, le concept de l'Empire Romain, dont leur esprti conservateur ne se détachait point. Lorsqu'au moyen-âge, les Papes déliaient les peuples de leur serment, ils le faisaient au nom d'un principe de morale; ils défendaient l'éthique chrétienne, en les protégeant contre la barbarie de tyrans immoraux, contre la violence des mauvais souverains. Mais, un exemple plus indépendant de la politique, plus intimement lié à la vie sociale, fera encore mieux voir comment l'esprit du christianisme agit sur les institutions, comment il en change peu à peu la nature, le sens, les formes, l'application; comment il les anéantit et les remplace, sans que <~Kse se départe d'une certaine passivité, sans qu'elle renonce à son rôle de conservation, rendant à César, la force actuelle des choses, ce qui est à César la soumission qui maintient l'ordre; cherchant à corriger le mal par les moyens légaux, non par le désordre de la révolte

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ouverte. Qui donc aujourd'hui oserait mettre en doute, que l'esclavage, inhérent à toute l'antiquité, n'ait été adouci, affaibli, transformé, infamé, aboli enfin, par l'esprit du christianisme. Pourtant ~E~i'M n'a point agi en cette question, comme innovatrice. Elle a laissé au sentiment de modifier les moeurs, aux mœurs de modifier les lois, se contentant d'approuver les résultats conformes à sa doctrine, d'improuver les actes partiels qui lui étaient contraires. De même, à présent; on peut l'afErmor sans crainte d'être démenti par les temps futurs. Les idées nouveUës qui circulent dans les sociétés, tes sentimens nouveaux qui animent leurs transformations, les aspirations qui les travaillent, les besoins qu'elles cherchent à satisfaire, étant mélangés de bien et de mal, il viendra un jour où le mal aura passé, où le bien seul restera. Alors, on verra clairement ce qu'on ne peut indiquer que vaguement encore; on verra que tout ce qu'il y avait. de bien dans le grand mouvement de notre siècle, tout ce qui lui survivra, tout ce qui en restera à son honneur et gloire, provenait de sentimens nés du christianisme, d'idées découlant de ses enseignemens, d'aspirations développées par sa doctrine, de besoins qui restent ignorés, méconnus;, méprisés même, par toutes les nations, les populations, les sociétés qui n'ont pas été éclairées de ses lumières. Nous ne pouvons que toucher légèrement ici, a une pensée susceptible de tant de preuves, solides et brillantes mais, il suffirait que tous les chrétiens, fidèles et infidèles, en aperçussent la justesse historique, purement historique, pour que leur antagonisme perde la moitié de son amertume, de son caractère haineux et mortel. Les uns en défendant leur siècle, ne croiront plus nécessairement attaquer le christianisme les autres en gourmandant Mo<f8 siècle, ne croiront plus combattre un ennemi irréconciliable.


Le sentiment des chrétiens, des fidèles catholiques, ne saurait certes jamais être ni l'envie, ni la haine, ni la rancune, ni la vengeance Puisque leur cœur n'est animé que par la charité la plus sincère et la plus ardente, pourquoi alors se donner d'autres apparences~ Pourquoi induire en erreur ceux, qui sont déjà si peu instruits de notre foi, en leur faisant croire que ce n'est point uniquement l'amour de ~M)' bien et de la gloire de Dieu, qui patle par la bouche des croyans? Au moment surtout, oh ils parlent du Dieu fait Homme qui aima le genre humain jusqu'à la mort, e.t qui mourut pour tous. Jésus Chsist dit aux siens Docete; enseigner, c'est espérer; c'est attirer à la vérité par la dou-, ceur des paroles qui exposent sa beauté. Le cosur du fidèle qui plaide en faveur de la verité éternelle, directement ou. indirectement, doit donc toujours être ouvert à l'espérance que le Créateur et le Rédempteur des hommes, saura arracher à la malédiction éternelle, bien des âmes égarées qui nous semblent perdues. Chaque fidèle doit espérer que le Tout-Puissant, réparateur autant qu'auteur de toutes choses, saura aujourd'hui, comme de tout temps, tirer le bien du mal, pour en faire un mieuxl Ce serait manquer à la seconde des indispensables vertus théologales, de se sentir déprimé par la vue des calamités auxquelles on assiste, au point de douter de la facilité avec laquelle la Providence peut les changer en moyens de perfectionnement et d'améliorations sociales, que nous ne pouvons prévoir. Lors des terribles sacs de Rome par les barbares, ni l'histoire n'avait encore été considérée aussi philosophiquement dans les diverses manières dont s'opèrent ses transformations, ni le christianisme n'avait encore victorieusement traversé vingt siècles de luttes, d'épreuves et de victoires; lentes mais définitives; cependant les êv6-


ques d'alors, voyant, que les chrétiens, épouvantés par les bouleversemens qui atteignaient le Siège de S. Pierre, croyaient proches la fin du monde ou le règne de l'Antéchrist, voulurent rassurer, tranquilliser les esprits éperdus. Ils publièrent les plus beaux écrits, les plus magnifiques œuvres, pour démontrer que, si violent que soit momentanément l'empire du mal, le bien doit nécessairement le vaincre un jour. Depuis, l'Eglise soutint des catastrophes plus horribles encore. Rome fut saccagée, plus d'une fois, hëlas t avec de plus barbares horreurs encore Et, par les armes de ses propres cnfans, par des mains catholiques 1 En 1S27 il y en eut de françaises, d'espagnoles, d'italiennes, d'allemandes, également sacrilèges Mais cela aussi, fut passager. Le passé ne doit-il pas, offrir une garantie pour l'avenir? Quand surtout, nous n'assistons point à des cataclysmes de ce genre. Pourquoi donc les croyaus auraient-ils moins de connance maintenant, qu'en-des temps plus effroyables? C'est paur endormir la prudence des de la <MHM<~e/ que le tentateur, en dissimulant les dangers de la tiédeur cachée sous la tranquille indifférence des esprits, fait regretter outremesure les époques de calme, au moment où surviennent les grandes luttes qui marquent les courbes périlleuses de la spirale, décrite par l'humanité dans sa marche. Tout ce qui est, n'est-il point ou par la volonté ou par la permission de Dieu? Par conséquent, toutes les transformations de la société, tous les changemens de l'histoire, ne sont-ils point des faits providentiels? Prenons donc en patience leurs diverses phases; elles sont les incessantes transformations d'une même lutte, à laquelle l'Eglise est condamnée sur cette terre, où elle s'appelle militante? Ne l'oublions pas; notre irascibilité peut facilement être entrainée à grandir les maux dont nous pâtissons immédiate-


ment, pendant que ceux d'autrefois sont décolores et apâlis. Combien d'hommes ressentent plus vivement le vol d'une poule dans leur basse-cour, que la ruine d'une grande cité aux antipodes, quoique évidemment des yeux désinteressés voient autrement ces deux faits.

Est-ce à l'homme vraiment, de décider en dernier ressort, du mérite des siècles, lui qui ne saurait se peser lui-même, ni évaluer le mérite intrinsèque de deux petits enfans? Lui appartient-il de déterminer si c'est la corruption raffinée des moeurs, ou la cruelle barbarie des temps, ou la tiédeur des coeurs, ou l'orgueil des esprits, qui enlèvent le plus d'âmes à Dieu, à ce moment suprême où elles partent d'ici, bien ou mal? Appartient-il à l'homme de déclarer les boulversemens de l'époque présente, stériles ou féconds, lui qui ne peut prédire quel sera au lendemain, le fruit de ses propres actions? A quoi bon alors, exaspérer les enfans du siècle, en suspendant une malédiction sur l'heure de leur naissance, sur l'aurore de leurs enfans? N'est-ce point une présomption sacrilège? Qui connait les voies du Seigneur ? Et qui peut dire si ce siècle ne lui est point aussi cher par la quantité de ses saints ignorés, que d'autres l'ont été pour l'éclat de leurs martyrs renommés '1 Cette haine de Mrf siècle, ce refus systématique et dédaigneux de toute louange due, non seulement au spectacle vraiment grandiose de ses conquêtes matérielles, mais à son véritable progrès moral dans les sentimens d'humanité, for.ment une injustice, qui aigrit et exaspère ceux qu'elle atteint. Cette injustice est en même temps un grave manque de la prudence, vertu des saints, provenant de la charité, et de la prMdeMM du ~erpest qui ménage ceux qu'elle veut amener à ses fins. Double imprudence t Elle peut neutraliser les meilleurs effets de l'éloquence chrétienne. Celle-ci n'est


pas destinée seulement aux croyans, mais aussi aux incroyans. Les grands discours ne sont pas là pour nourrir l'amour-propre et recueillir les applaudissemens des dévots flattés de ne pas appartenir à ce siècle, mais pour persuader ceux qui s'éloignent de la Lumière luisant sur tous les siècles. L'homme a une patrie dans le temps comme dans l'espace. Les coeurs bien placés se sentent liés de parenté avec l'époque dans laquelle ils sont nés, comme avec la famille, le foyer, la contrée, dans lesquelles'ils ont vu le jour. Puisqu'une âme généreuse s'indigne contre celui qui verse la honte sur sa patrie, comment s'étonner qu'il y en ait de prêtes à se révolter contre les imprudens, qui versent l'opprobre sur leurs contemporains.

Le second point que les écrivains de la bonne cause feraient mieux-de ne pas aborder, se rapporte aux éternels regrets qu'inspire la disparition du moyen-âge, dont le ça' ractère féodal le rend odieux a notre siècle. Il est inutile de le nier; le moyen-âge fut une époque de barbarie, suite naturelle de l'invasion de l'Empire Romain par ces divers peuples venus du Nord, qui tous ensemble furent appelés, les Barbares. L'Egtise fut bien certainement l'élément civilisateur de ces peuples et de ces temps; mais son action, quelque puissante, quelque incessante qu'elle fut, ne les pénétrait que progressivement, c'est-à-dire, lentement. Lorsque le XVIe siècle arriva, tous ses efforts n'étaient'point encore parvenus a effacer les sanglantes traces de barbarie restées dans les moeurs de ces races, qui avaient formé de si grands empires.

Castes, servage, torture, atrocités, violences, brutalités sans nombres, tout cela existait encore dans les lois,dans les mceurs, dans les idées, dans la vie publique et privée. Tout cela réuni ensemble, formait un état social qui semble


abominable à des personnes imbues de l'esprit moderne, ~t qui certes paraîtrait tel à ceux même qui le vantent, s'ils pouvaient embrasser, d'un coup d'œii, tous les détails horribles et cruels que les chroniques d'alors nous ont conservé, et que depuis Voltaire, on a recherche, appris, et illustré avec tant de soins. Les croyans ne peuvent approuver et détendre, ni ces faits, ni tous ces côtés du moyen-âge; mais ils peuvent faire mieux. Ils peuvent les condamner plus vigoureusement encore' que ne font leurs ennemis, en criant hautement que cela n'existait point à cause de la Religion et de l'Eglise, dont l'inuuence prédominait, mais mshjffe elles. Toutefois, ils ne prouveront efncacément, leur éloignement pour les formes d'alors, pour le servage, pour les inégalités devant la loi, pour le droit de basse et haute justice attaché au manoir de chaque haut-baron; ils ne convaincront leurs adversaires de leur horreur pour la torture, les violences et les brutalités des moeurs d'autrefois, qu'en cessant de regretter, amèrement et hautement, I'c<a< social auquel ces abus et ces iniquités étaient inhérens; en cessant de douter que l'influence de la Religion et de l'Eglise puisse s'exercer dans un milieu, où de tels abus et de telles iniquités ne sont plus admises. Plus les catholiques reconnaitront, eux aussi, l'avantage que trouve la société à en être débarrassée, moins ils mettront d'ostentation à déplorer la perte de ces époques qui ne paraissent chères au clergé, qu'à cause des biens et des honneurs de ce monde dont il jouissait plus abondamment qu'aujourd'hui, et plus ils inspireront de confiance, en blâmant et réprouvant, ce qui est à blâmer et à réprouver de notre temps.

Les regrets du moyen-âge semblent trop partials, dans certaines bouches pour jamais paraître purs. Ils n'ont pas de dtgnité, parceqn'on leur attribue une origine égoiste, mesquine


D'ailleurs, ils sont si stériles Remonte-t-on le courant des âges? Si le monde doit être sauvé, il faut le sauver à la manière du X!X~ siècle. Il ne rebroussera pas chemin. Certains biens, momentanément éclipsés dans le tourbillon, peuvent et doivent revivre. Nous sommes même obligés de n'en jamais perdre l'espérance. Si aux yeux de Dieu, il y eut plus de foi jadis qu'à présent, nous devons espérer que cette foi revivra. Nous devons désirer que l'Eglise, qui a numériquement progressé sans cesse tout en faisant de grandes pertes, voie ses enfans augmenter parmi les nations qui ne la connaissent pas encore, en même temps que leurs ainées rentreront dans son giron. Nous devons travailler à ce que l'action politique de l'Eglise, si malheureusement affaiblie, étouffée, dans les temps modernes, reprenne un jour, avec un nouvel éclat, une importance majeure. Mais il serait aussi superflu qu'illusoire, d'imaginer que ces vcenx puissent se réaliser selon les anciennes /t)rmM~ L'humanité ne revient point sur ses pas. Ni le bien, ni le mal, ne reprennent leurs anciennes manifestations; l'un et l'autre grandissent ou diminuent, revivent aussi, mais toujours sous des formes nouvelles, développées avec la marche des temps, des événemens, des conditions matérielles et morales, récemment produites. Certes, la foi était grande au moyen-âge Elle opérait des prodiges et des merveilles, parmi les grands pécheurs comme parmi les grands saints. Mais est-il bien sûr qu'alors, ceux-ci en contemplant l'excès des passions brutales dans les nations qui professaient cette foi, n'aient point eu pour leur siècle des indignations semblables à celle que nous éprouvons pour le nôtre? Si nous recourons à leurs écrits, nous trouvons les plus sombres tableaux des plus étranges aberrations de l'esprit, aussi bien [que des plus hideuses dépravations du cœur. Nos temps n'ont pas vu naître une doc-.


trine et n'ont pas assisté à une catastrophe, dont la pareille ne se trouve dans la fantastique mêlée des bouleversemens de toutes sortes, qui labourèrent le soi d'Europe durant mille ans de tourmentes incessantes. 1~ suffit de lire les révélations de se Brigitte, pour gagner la sainte horreur d'une période douloureuse, dont les saints faisaient d'aassi épouvantables descriptions, les croyant révélées par la colère de Dieu même. Le panthéisme était représenté par la littérature arabe, avec un talent supérieur peut être à celui des philosophes allemands modernes. Les raisonnemens de l'athéisme et du matériaiisme n'étaient pas étrangers aux disputes des écoles, et se traduisaient dans la pratique par le blasphème, par le sacrilège, par la débauche. Le communisme et la promiscuité étaient prêchés et adoptés par certaines sectes, qui sous des noms divers ont circulé à travers tous les pays et toutes les époques du moyen-âge. Le manichéisme, abattu non vaincu aux temps de S. Augustin, fut de rechef abattu non vaincu par Innocent III et Simon de Mont.fort, abattu non vaincu à Munster avec Jean de Leyde, comme sans doute, il fut abattu non vaincu à Paris, en Juin i848. Les renversemens des trônes, les invasions, le pillage, la rapine, tout cela était plus fréquent, plus constant encore avant l'âge moderne, que depuis. Rome était le but de tous les assauts; on la saccageait, on la dévastait, on y faisait des antipapes, on expulsait les vrais papes, on les forçait à vivre en exilés comme Alexandre IU, ou à fuiràAvignon pendant soixante et dix ans 1 Les souverains ennemis de la Papauté ont existé aussi, et Frédéric II eût volontiers surmonté sa couronne de la tiare, pour se rapprocher de cette civilisai ion MtMM~KaM~ qui lui était si sympathique et si chère. Et l'Eglise qu'était-elle? Elle avait ses grandes lumières. Mais, n'avait-elle, que des lumières? Ah! c'est bien ici que


les catholiques devraient rentrer en eux-mêmes, et ne point si aisément calomnier notre siècle, où le clergé resplendit d'une gloire pius pure que jamais. Jamais en effet, il ne fut plus édifiant; jamais ses mœurs plus irréprochables, son désintéressement plus réel, son dévouement plus touchant, sa foi plus smcfro, son ministère en général, plus dignement rempti. Quand on se reporte aux temps où S. Dominique faisait marcher de front une double croisade, l'une contre les Albigeois, ces socialistes d'alors; l'autre contre les prélats, leur incontinence, leur rapacité, leur avarice, Leur luxe, leur orguei), leur cynisme même, on ne peut que se féliciter d'être arrivé à des temps, où quelque soient les imperfections inséparables de la nature humaine et les exceptions clair-semées ça-et-là, on ne voit pourtant dans le haut et le bas clergé, qu'exemples de vertu jusqu'à la sainteté, de mérite jusqu'à l'héroïsme, de courage jusqu'au martyre, car nous ne manquons ni en Sibérie, ni aux Missions, ni à Rome, ni en Europe, de saints, de héros, et de martyrs 1 Nous pouvons, Dieu merci, citer à foison, les exemples de sacrifices, de travail, de modeste patience, de zèle obscur, de tâches énergiquement poursuivies, de conseillers toujours occupés du bien des âmes, de .fondations appropriées aux besoins de la société, de paroles foudroyantes, d'écrivains lumineux et convaincans ? Tontes ces gloires ont illustré le clergé catholique, depuis que le XIX~ siècle à commencé son cours. Des régions les plus septentrionales, jusqu'aux confins antarctiques de l'Australie, du fond de la Chine jusqu'au fond de l'Afrique, les évêchés augmentent, les séminaires se peuplent, les religieux et les religieuses se multiplient, les fidèles s'accroissent. C'est un beau spectacle, dont il y aurait de l'ingratitude à ne pas reconnaître la majesté imposante, et à ne pas remercier Dieu 1


Le grand argument sur !eque) on s'appuie pour préconiser lemoycn-âgo, c'est qne, quelqu'aient étë ses crimes publics et particuliers, privés et sociaux, quelqii'aient été ses vices et ses erreurs, ses ténèbres et ses superstitions, ses cruautés et ses barbaies, c'était un temps de foi, et la société était cM~tMMMtt organisée. Mais en appuyant trop sur ce point, on court un grave danger, celui de s'entendre dire, à tort, mais avec convinction, que la foi ne suffit pas à la civilisation, que même elle en arrête l'essor. Jadis, tous les pays étaient comme des îles inaccessibles, comme des citadelles hermétiquement et militairement fermées aux influences du dehors, à tout ce qui venait de l'extérieur. A l'intérieur les nations se gouvernaient d'après leurs religions et leurs lois, sans aucun égard à ceux d'autrui. Tel pays était exclusivement catholique, tel autre exclusivement turc; celui-ci protestant, celui-là chinois. Le turc arrivé en Europe était considère comme une bête curieuse; chez les turcs, un chrétien était regardé comme un chien: Giaour. A Londres, le peuple protestant brûlait un catholique en efHgie, tous les ans, et les schématiques les knoutent encore au vif, toute l'année durant.

Dans l'avenir un tel état de choses devra cesser; tous les cultes se pratiqueront nécessairement dans tous les pays, parceque la constante communication de toutes les races sur tous les points du globe, amènera l'inévitable compenétration de tous les peuples entr'eux. Comment en douter, lorsque d'une part on voit les souverains dans l'impossibilité de conserver leurs trônes, s'ils conservent leurs concordats, basés sur l'organisation de l'état, conçue selon les idées du moyen-âge; d'autre part, les papes obligés en conscience, de rappeler à ces souverains qu'ils encourrent les censures ecclésiastiques, décrétées contre ceux qui enfreignent les lois


propres à cette organisation? Il faudra donc nécessairement en venir à chercher un moyen de rendre l'accord entre le pape et les souverains possible, sur des relations mutuelles d'une nouvelle forme. H faudra bien que l'Eglise trouve un nouveau terrain sur lequel son action puisse concourir avec celle de l'Etat, pour conserver aux hommes, non les-anciennes forme! constituées au moyen-âge et la lettre des lois données à des pays exclusivement catholiques, mais l'esprit chrétien, la possibilité de maintenir et de défendre la vérité catholique dans des pays, ouverts désormais à tous les peuples de la terre, et à tous leurs cultes. Douter de la possibilité de trouver ces formes nouvelles, ce serait douter de l'impérissable vitalité de l'Eglise.

La Religion d'Etat loin de devenir impossible, reprendra ses droits, sous des formes nouvelles. n deviendra seulement de plus en plus impossible, de lui laisser une domination exclusive qui tendrait à retirer les droits civils, aux autres cultes. Tous les cultes, privés de leurs immenses soutiens matériels, de leurs forces répressives, ne vivront que de leur vie spirituelle. Il est évident que, réduite à cette extrémité, l'existence de-la vraie religion aura ses difficultés; mais les fausses religions ne pourront pas se soutenir du tout. Elles périront, plus ou moins rapidement, selon qu'elles renferment une plus ou moins grande portion de vérité. L'Eglise seule, en perdant ses soutiens matériels, ses appuis administratifs, ses forces répressives, dans ses nations, regagnera au centuple, en expansion dans d'autres pays, ce qui lui aura échappé dans les sien", si inférieurs en nombre, et même en puissance. L'égalité moderne qui lui aura été contraire en principe, désavantageuse en pratique, dans le petit nombre d'états soumis encore à l'ancien régime, cette égalité lui- sera favorable. en principe, .Ms. 6.


lui sera avantageuse en pratique, dans le grand nombre d'états qui existent encore, en dehors du christianisme et de l'orthodoxie.

Les législations de tous les peuples vont se modifier, selon les besoins que des relations internationales développent de plus en plus. On commence déjà à établir sur toute la terre, l'uniformité des codtumes et des lois qui régissent le commerce, l'industrie, et les nombreuses branches d'activité qui s'y rapportent. Il en résultera peu-à-peu~ une conformité toujours plus sensible entre toutes le~ Iégis)ations. Les chrétiens, les catholiques, n'étant plus exclus nulle part de l'administration, de la législation, du gouvernement, il dépendra d'eux de mettre leur intelligence, leur vertu et laur activité, au service de leurs éternels et sublimes principes, pour en imprimer le cachet avec le temps, sur toutes les mœurs et toutes les lois. De cette sorte, il n'y aura plus, cela est vrai, de royaumes organisés uniquement pour les fidèles; mais le nombre des fidèles augmentera dans tous les royaumes, parcequ'en perdant chez eux, certaines exclusivités, certains, domaines, certains privilèges, ils compenseront rapidement ces vides, en conquérant ailleurs l'influence et la liberté d'action, qui leur deviendra possible partout. L'Eglise retrouvera ainsi bien plus de vigueur, par son étendue, qu'elle n'en avait dans les étroites limites de ses empires d'autrefois. Depuis trois siècles, elle a appris à vivre, à croître, a prospérer sous les régimes divers des pays acatholiques elle y fleurira plus encore, à mesure que sa circonférence s'agrandira davantage; jusqu'à ce qu'elle ait embrassé chaque coin de la terre, pour ne former qu'un troupeau un pasteur.

Le troisième point qui reste à mentionner, comme source d'une polémique qui manque de prudence, est une consé-


quence naturelle du second. Vanter le moyen-âge, entraine naturellement à déprécier la renaissance qui y mit fin. Elle M païenne. D'accord. Ses mauvais côtés ne doivent pas être plus défendus, que ceux du moyen-âge. Mais n'y aurait-il pas moyen d'éviter ces apothéoses et ces- condamnations en bloc? Ne donnerait-on pas le bon exemple de plus d'équité historique, en ne refusant pas à voir dans une époque de l'histoire, des avantages éola'tans, lorsqu'ils ont été accompagnés de funestes inconvéniens? La Providence en permettant ces mélanges mystérieux, si incompréhensibles- à notre courte vue, a permis aussi que les inconvéniens passent avec les générations, et que les avantages restent en patrimoine à l'humanité 1- Les turpitudes du paganisme, son idolâtrie, son, esclavage, sa licence, onC passé, et nous jouissons encore des sublimes produits que le génie humain fit éclore, même dans ce demi-jour de la raison naturelle, privée des rayons solaires de la révélation. La philosophie de S. Augustin s'abreuvait à celle de Platon S. Thomas incorporait Aristote à la théologie; nous n'avons pas de second Homère; nous, admirerons Phidias toujours; les temples de Ninive, d'Egypte, d'Athènes, de Rome, restent incomparables dans leur beauté variée. De même les sinistres déehirejnens du moyea-âg~ passèrent, en laissant après eux une société si vigoureusement constituée sur les bases du christianisme, qu'en paraissant renier son origine, brûler ce qu'elle avait adoré pour adorer ce qu'elle avait brûlé cette société ne fait que développer les germes des principes, des idées, et surtout des sentimens, qui lui furent inculqués par la foi. Eue les a sucés avec le lait; elle a beau se croire sevrée, ~'Mpnt de l'Eglise, le génie du christianisme, ont pénétré jusqu'à la moëlle de ses os, et remplissent son coeur à son insu, quand son imagina-


tien oublieuse croit en avoir perdu les derniers restes. La renaissance a ramené un soude de paganisme, dans lequel l'admiration équitable, par conséquent licite, des chefsd'œuvre de l'esprit humain, se trouva mêlée à une sympathie mal réfléchie, pour les erreurs des temps non éclairés encore des lumières de la vérité chrétienne; cette sympathie était le déplorable abus, de cette ~M(e admiration. L'exagération disparaitra, et les grandes choses faites sous cette inspiration resteront. Pouvons-nous flétrir une époque qui, malgré toutes ses erreurs, n'en fournit pas moins une des glorieuses pages de l'histoire de l'Eglise ? Comment, les catholiques viendraient sans cesse opposer Léon X à Përicles, Michel-Ange à Phidias, Raphaël à Apelles, pour prouver que l'Art-Chrétien atteint à toutes les sommités, et en même temps ils anathëmatiscraient les souverains et les années, ils flétriraient presque, les Pontifes qui firent fleurir cet art, lui faisant atteindre tout son lustre? Serait-il permis de tomber dans une telle inconséquence? D'une part, se prévaloir des chefs d'oeuvres éclos sous certaines influences, être tous les jours fiers de la coupole de S. Pierre et des fresques du Vatican, et d'autre part, vouloir exiler le souvenir des enthousiasmes, des prëocupatioNS poétiques, littéraires, scientifiques, artistiques, qui concoururent à produire ces merveilles, n'est-ce pas accepter l'effet et repousser la cause? Nos adversaires pourraient punir un tel manque de logique, en l'accusant d'être un manque de bonne foi. Gardons-nous, bon Dieu, d'encourir'de semblables reproches) N'est-i) pas plus simple de reconnaitre, que toute l'histoire est une suite de transformations sociales, les unes plus convulsives, les autres plus pacifiques, mais les unes et les autres remplies d'iniquités et de vertus à doses semblables, peut-être, devant Dieu?Jniquités souvent oppressives, mais passagères, quoique co~a-


~MM~M, vertus persécutées, opprimées, vivement combattues, mais durables, victorieuses, parceque fécondes. La renaissance est un grand moment dans l'histoire; c'est d'elle que date la conquête que l'homme fit enfin, de toute son habitation terrestre. C'est mal connaître les procédés de l'esprit humain que de croire ses illuminations fortuites, et indépendantes du milieu où elles se sont manifestées. Ce n'est point au hasard que les Vasco de Gama, les Christophe Colomb, les Amérique Vespus, les Cortés et les Pizarre apparaissent à la fois. Leurs intelligences ont été saturées d'une certaine atmosphère, et nous ne pouvons pas savoir si dans une autre, elles eussent porté les mêmes fruits. La renaissance; outre la boussole, a donné la poudre et le canon, qui arrachèrent l'homme à la férocité du combat corps-à-corps. En permettant aux guerres de prendre un nouveau caractère, plus général, les armes à feu y. introduisirent un élément d'humanité. Grâces au canon, on chercha à vaincre, non plus à exterminer un pays; les animosités collectives ainsi mitigées, ont fini par soustraire aux acharnemens des petites inimitiés privées, le choc sanglant des grands intérêts rivaux.

De la renaissance, date l'imprimerie, qui tira l'immense majorité des hommes de l'ignorance abjecte, à laquelle elle était nécessairement condamnée. Elle a des dangers; mais il serait bien plus surprenant qu'elle n'en eut pas. Comment? '1 tout est péril autour do nous: le feu et l'eau, la terre qui s'entre-ouvre, l'air qui foudroie, la santé dont OR abuse, la maladie qu'on maudit les richesses qui enivrent, la pauvreté qui dégrade; la monarchie qui devient tyrannie, la démocratie qui se change en anarchie; notre libre arbitre enfin, dont nous pouvons faire un si mauvais usage. Tout est plein de périls et d'incouvémens, et nous voudrions que


l'imprimerie, cette invention gigantesque qui a ouvert un monde nouveau à l'intelligence, n'en eût pas Déblatérer contre la presse est à l'ordre du jour; mais il est par trop facile de -signaler ses abus et ses dangers. Le vrai mérite consisterait à y rémédier. Comme la lance d'Achille, elle seule guérit les blessures qu'elle fait. On ne peut la rendre inoSensive, qu'en la réduisant avec ses propres armes. Car, après tout, la presse n'est qu'un instrument, un porte-voix. Elle communique sur une proportion plus étendue, des faits, vrais ou faux, des idées vraies ou fausses, comme la voix et l'écriture les ont répandus, de tous temps, dans un cercle plus restreint. Contemporaine de la découverte de l'Amérique, elle semble avoir armé l'homme d'un moyen de faire rayonner sa pensée au loin, dans l'instant même où les deux hémisphères étaient mises en contact. L'imprimerie agrandissait immensément le don de la parole, alors que les destins agrandissaient immensément, le lieu occupé par les sociétés humaines.

La belle aurore littéraire, artistique, civilisatrice du XV -siècle, succédant à l'aube du XIV, fut suivie au XYl" de ces admirables manifestations de l'esprit humain, qu'il ne serait pas juste de renier, parcequ'elles naissaient en dehors du sanctuaire. Le monde ne pourrait pas subsister, si le sanctuaire cessait d'exister; mais il serait impossible de vouloir borner la vie du monde, à celle du sanctuaire. La force des choses ne l'admet point; nous devons en conclure, qud telles ne sont pas les vues de la Providence. Les chefs-d'œuvre de la renaissance, quoiqu'éclos sous l'influence de la nature plus que de ta grâce, n'en sont pas moins illuminés par les rayons de la vérité catholique, obliques mais t'éeb. On aurait tort de les croire éteints par l'ombre que projetaient les satires et les révoltes, tandis qu'ils n'avaient


pas cessé de se refléter dans les désirs de ses détracteurs, en éclairant d'aplomb ses défenseurs.

A quel titre, une époque aussi fertile en faits civilisateurs, comme le fut la renaissance, eût-elle été exempte de tout danger et de tout excès? Jamais un temps ne s'est vu, ni ne se verra, où le bien descende sur la société et vienne enrictnr la pauvre humanité, comme une manne céleste tombée en rosée du ciel. L'homme condamné à manger son pain à la sueur de son front, Be sait point éviter en cultivant les fruits de la terre, ni les poisons, ni l'ivresse, qu'ils recèlent. L'ennemi de Dieu, ennemi du genre ~matM, n'a négligé, ni ne négligera jamais de tirer de chaque temps, une essence de malice qui lui sera propre. Découvrir la nature de cette essence dans le présent, la désigner, la décrire, l'appeler de son nom, est un des -premiers devoirs de la prédication et de la presse chrétienne, comme c'est, relativement au passé, une des plus hautes tâches de l'histoire profane et de la philosophie. Mais c'est outre-passer, et par-là, affaiblir l'action de l'apostolat, que de condamner un bien quelconque, un progrès, une amélioration, un perfectionnement de la vie sociale, intellectuelle, ou même matérielle, parcequ'its sont venus simultanément avec un inconvénient et un grave péril. Persuadons-nous donc, que t'etMMM du genre humain est assez astucieux, pour faire naltre un mal au sein de chaque bien humain t Notre Seigneur n'a-t-il pas dit, qu'il se réservait ue séparer l'ivraie du bon grain? N'est-ce point envenimer les disputes et les contestations, que de vanter et de déprécier exclusivement certaines périodes historiques, alors que toutes peuvent être attaquées avec éclat et défendues avec avantage? La renaissance fut une époque où les sociétés européennes, déjà christianisées, ont commencé à developper les dons


de là raison naturelle, éclairée, pénétrée du jour nouveau répandu sur le monde depuis sa rédemption. Elles ont cru pouvoir conserver sa lumière, en s'éloignant de son foyer. La lumière dura quelque temps, comme le soleil éclaire encore et colore magnifiquement le couchant, après avoir disparu de l'horizon. `

Aujourd'hui, des peuples qui s'étaient détournés du foyer de lumière, voient enfin que les rayons de la vérité s'éteignent peu-a-peu loin de son flambeau, comme les lueurs brillantes du crépuscule finissent par être envahies par les ténèbres de la nuit, et ils reviennent à l'Eglise. Quand, ainsi consolés, les catholiques auront moins d'amertume au cœur, ils seront plus justes pour les temps de la renaissance, qui ne perdirent point le sens du christianisme, quoique engoués des chefs d'oeuvre du paganisme. Alors aussi, les catholiques deviendront plus justes pour ces chefs-d'œuvres eux mêmes. Ils apprécieront mieux les superbes dons départis par la munificence divine, en dehors des révélations suprêmes de la foi. Ils apprendront du même coup, à mieux. admirer les littératures et les arts du monde antique, occidental et oriental; ils deviendront sensibles à leur tour à toutes ces beautés de l'art, de la poésie, de l'éloquence, de la philosophie, beautés suaves ou grandioses, auxquelles Dieu permit de fleurir si splendidement en Grèce et en Italie, à Bagdad et à Grenade, entre l'Indus et le Gange, ou entre le Fleuve Jaune et le Fleuve Bleu. La répugnance, le sourire, qu'excitent les erreurs ou les folies, les petitesses de conceptions ou les aberrations de sentiment, propres aux fausses croyances, ne devraient pas rendre les fidèles insensibles aux belles productions des civilisations non chrétiennes, puisque Dieu ne leur a point défendu de porter de si admirables fruits en dehors du christianisme.


Apprenons au contraire, de ceux qui ignorent les vérités divines, de ceux qui les renient en partie ou en tout, de ceux qui les blasphèment, qui les contredisent dans leurs paroles et leurs actes, de ceux mêmes qui ne sont ni bons, ni croyans, tout ce qu'ils ont trouvé, découvert, inventé, combiné, d'utile, d'ingénieux, de grand, de beau, de noble, d'élevé; car il leur a été permis d'étendre les lumières de la raison humaine .jusqu'à ses dernières limites; il leur a été dôme de posséder le génie, le talent, l'activité, la persévérance, l'initiative, la patience. Profitons de toute leur science, de toute leur habileté, comme Noé et ses enfans profitèrent pour bâtir l'arche sacrée, de la science et de l'habileté des fils de Caïn, en y employant leurs arts et leurs métiers. Tout ce ~M! M< 6;'M, /Mt ~)tf pOttf hs ~OXS <<M !a C<WMKM!MMM!<. (Ecc.) Or, les meilleurs d'entre tes Caïnites antédiluviens, (1j:cc.) Or, les meilleurs d'entre les Caïnites antédiluviens, étaient certes, plus méchans que les plus mauvais des antichrëtiens d'aujourd'hui. Toutes les facultés naturelles sont belles; et leurs œuvres peuvent être admirables. 11 ne faut donc pas les méconnaître, encore moins les mépriser, car le rire des sois ressemble aux MMs des y~o~ qui 6r<MM!<. (Eccl.) II ne faut seulement pas, s'en laisser tellement éblouir, qu'on croie tout posséder quand on possède ces qualités, et oublier la simplicité de la co!cMi6ej quand on s'est assimilé la pritdence du serpent.

L'injustice que les croyans commettent, en refusant d'apprécier de grandes et belles choses, dûes aux vertus naturelles de l'esprit humain, est peut-être, plus qu'un crime, une faute 1 Elle est d'ahord un déni de justice, puis un manque de prudence. Elle fortifie les ennemis de JésusChrist dans la persuasion, que la morale catholique aveugle les âmes par le fanatisme, au point de leur enlever l'équité dans leurs jugemens; de plus, elle leur fait croire, que l'in-


telligence humaine est nécessairement, fatalement, obscurcie par te joug abêtissant de la foi', qui la rend incapable de comprendre les produits du génie. C'est ainsi qu'on perd la prudence du serpent, quand on oublie dans ses appréciations, la vérité, la véracité, la sincérité, la justice, qui sont l'apanage naturel de la simplicité des colombes. La prudence est tellement nécessaire aux catholiques dans leurs relations avec les acatholiques, que le Cardinal, Préfet actuel de la Propagande, répète souvent entr'amis: La prudence est la première vertu cardinale 1.. la seconde. la troisième. et la quatrième! Sans la prudence, mes Evéques ne font rien. avec la prudence, ils arrivent à tout!.

Les a dévots qui pensent que c'est aux < mécréans que l'on doit faire la leçon, non aux croyans, trouveront fort mauvais peut-être, qu'on !e!<r recommande si instamment la prudence. Mais les enfans du ~Me n'en manquent pas; Jésus-Christ l'a dit. (S. Luc) Le monde ne serait point cette vallée de larmes que chacun sait, si les croyans avaient toutes les vertus et les bons toute l'intelligence souhaitables. I~'tMMtMt du genre humain, s'efforce d'enlever aux croyans certaines qualités de la vie pratique, et aux bons une certaine compréhension du cours des choses. Mais, comme il est limité dans son action, l'histoire de l'Eglise nous montre qu'elle a trouvé dans ses membres, de grands ~secours intellectuels quand la vertu était moins généralement répandue, et une somme totale de grande vertu quand les lumières de l'esprit semblaient diminuer. Le constant effort des fidèles doit donc être, d'acquérir la vertu quand c'est elle qui défaille, et l'intelligence quand c'est elle qui vient à faire défaut, afin de toujours unir la ~mdMM dans les oeuvres, à la simplicité dans la foi.


III.

Mais, la MMpMe de ht colombe ne s'applique pas seule.ment à la foi; elle s'applique aussi à la conduite; surtout par notre manière d'envisager et de ressentir les événemens de l'histoire, les événemens de ce monde, les événemens de notre vie, relativement à leur fin, relativement aux desseins de'Dieu, relativement à la part que nous avons à y prendre, ou à n'y pas prendre.

Tous les événemens de ce monde, grands et petits, sont amenés par deux catégories de faits; ceux qui sont indêpendans de la volonté humaine et ceux qui en dérivent. II y a les circonstances extérieures qui prédéterminent certaines conditions de l'existence de chaque société et de chaque individu, avant même leur naissance, préparant le milieu dans lequel leur destinée devra se développer circonstances fatales, qui n'ont pu être empêchées, ni prévues en la plupart des cas. Puis, il y a les circonstances qui sont le résultat d'une conduite, bonne ou mauvaise, intelligente ou inintelligente, prudente ou imprudente; elles sont l'effet de la volonté humaine, des résolutions prises volonté explicite ou implicite, résolution ouvertement avouée ou secrètement poursuivie. De ce double courant qui enveloppe chaque société et chaque individu, nait .la nécessité, tantôt de donner à leurs sentimens la simplicité de la colombe, tantôt de régler leurs actes avec la prudence du serpent. L'intervention de la Providence dans les choses de ce monde est si frappante, si visible, si-incontestable, que les païens la désignèrent du nom de NémésM, l'Inexorable; ils identifiaient son pouvoir invincible, à l'idée de < vengeance


céleste ne connaissant, ni toute la puissance de la prière, ni toute la vertu du sacrifice, ni cette Clémence divine révélée par le christianisme, qui pardonne bien plus qu'elle ne venge. L'intervention de la Providence se manifeste, tmMëdMtem~ en ces choses qui échappent partiellement ou entièrement à toute volonté humaine, et qui pourtant exercent la plus grande influence sur les destinées des peuples, des familles, des individus; tels, par exemple, l'abondance prospère ou les calamités de toutes sortes; tels le degré de génie départi à certains hommes, ou le degré d'intelligence refusé à d'autres. H n'y a pas de mère qui sache quel fruit elle porte en son sein; les plus humbles ont donné au monde des noms immortels, les plus superbes ont enfanté des sujets de misère et de honte. C'est donc la Providence qui envoie les hommes au monde; qui suscite aux nations, aux sociétés, aux familles, leurs sauveurs, leurs défenseurs, ou leurs fléaux, et qui les en retire quand il lui plait car ils ne disposent pas de l'heure de leur naissance, ni de l'heure de leur mort. C'est la Providence qui facilite ou suspend leur action au jour qu'elle a marqué, par la santé qui leur permet de jouir de leurs facultés, ou la maladie qui annule complètement ou diminue considérablement tous leurs moyens; par les clartés dont elle illumine leurs vues, par les ténèbres où elle laisse leur esprit, selon les voies mystérieuses de sa justice et de sa clémence.

En outre, le Seigneur s'est réservé de décider du sort des grands combats. Ce sont les hommes quirangent les chevaux en ordre de bataille, mais c'est le Seigneur qui donne la victoire, nous apprend le Roi David. Il en est ainsi, soit que le Seigneur donne la victoire aux Siens, soit qu'il la laisse momentanément pour des raisons inscrutables à la raison humaine, à ceux qui paraissent combattre ses desseins; qui com-


battent la justice, la vérité, l'ordre de choses établi. La science et l'expérience nous apprennent également, qu'il n'est point de précautions, ni d'habileté, qui puissent prédire infailliblement le résultat définitif du choc de deux armées; ce résultat dépend de tant de circonstances extrinsèques, accessoires, accidentelles, de tant d'incidens imprévus et imprévoyables, de tant de conditions atmosphériques, matérielles, que tout en expliquant humainement ce résultat après qu'il s'est manifesté, par les causes qui l'ont produit, it est certain qu'aucun être humain, ne peut avant cela, reconnaître toutes ces causes, les maîtriser, les disposer, les grouper selon sa volonté. Il faut donc attribuer la direction de ces causes, innombrables et inextricables pour nous, produisant un effet simple et impérieux, a cette Providence qui seule sait tout, et seule conduit tout. Le Seigneur dissipe les <!esMt)~ des nations, il rend MMM ~M projets des peuples et les conseils des PhtM;~ car les conseils du &)<jm<'Mr .son! établis de <o!<<e e~nM~ ses pensées MK< ~x-eM pour loule la succession des temps et des ~Me'Mf~'OM. (Ps.)

Ceux qui veulent conserver la MmpHcttc de la colombe, méditent ces paroles, car la simplicité d'une foi naïve, d'une espérance sans crainte, d'un amour plein de joie, n'est point facile à conserver au milieu des complications de cette vie, du clair-obscur que Dieu a voulu faire régner sur elles, afin de mettre à l'épreuve notre foi, notre espérance et notre amour. Dieu a 'enveloppé des mêmes ombres sa constante intervention providentielle dans les affaires de ce monde, et la logique des événemens qui naissent les uns des autres, qui se succèdent les uns aux autres, avec une apparence de fatalité, de hasard, et comme de soi-même t n L'esprit humain peut toujours donner deux interprétations a ce qui arrive, car il ne nous est pas permis de nous écrier avec


Mr<!<«~ Voilà que l'Eternel a dirigé telle chose, vers telle tin toute chose servant à plusieurs fins. L'incrédule y réplique par un sarcasme Qu'a-t-on besoin, s'écrie-t-il, de mêler le Très-Haut aux petites affaires de ce monde? Ferons-nous comme cette aimable et spirituelle M" de G. qui, après avoir expédie ses malles d'Athènes à Marseille, s'écrie I/.B~rNd en aura MM 1 Quel dommage qu'elle n'apprenne point à ses lecteurs si !'Bten<e! s'est acquitt6 de cette charge, a sa satisfaction 1 Ne voit-on pas dans l'histoire, tout comme dans le monde matériel, les causes produire nécessairement leurs effets? Telles passions produire telles actions, dont il résulte telles conséquences? Tels hommes créer telles conditions, dont il résulte telles suites? Qu'a-t-on besoin, en vérité, de faire intervenir le Tout-Puissant en cet enchaînement perpétuel de causes et d'effets, dont est provenue l'histoire de l'humanité comme celle du globe ? A quoi bon chercher le doigt', la main le bras de Dieu, pour motiver ce qui s'explique parfaitement de .sot-même?' En bien non 1 tout ce qui est arrivé, tout ce qui arrive en ce monde, ne s'explique pas de ~ot-e~

Suivant avec attention la marche ondoyante des destinées humaines, les petites causes et les grands effets d'autre part, de grandes causes et da petits effets, semblables au grand volume'd'eau' d'une cataracte qui se dissout en une imperceptible vapeur;– les âmes pieuses et simples aperçoivent combien souvent les iacrdens les plus minimes en apparence, suffisent pour déjouer inopinément les pt~jets les mieux concertés des méchans, les pièges de l'impie, faisant tourner à bien ce qui paraissait devoir tourner à mal; et combien de fois par contre, des mcMens également insigniflans à première vue, servent à faire échouer les saintes entreprises les mieux combinées, à augmenter les


tribulations des bons, tes épreuves des forts, les forces du mal, les prépondérances de l'injustice. Qui donc n'a remarqué, dans le cours des événemens publics dont sa vie àété témoin, comme dans le cours de. sa propre existence, dans l'issue de ses propres actions, les plus réfléchies et les plus pondérées, l'immixtion incessante d'une volonté et d'une prescience supérieures celles de l'homme, par t'ar* rivée soudaine el tmprMayoHc, des causes les plus neuves, les plus étranges, les plus hétérogènes? Est-ce ainsi que procède te monde matériel ? Ses lois fixes et invariables, sont-elles soumises à ces chances constantes de l'inconnu, pour qu'il soit possible de comparer la. mystérieuse loi qui règle les destins de l'humanité et le sort des hommes, aux lois immuables qui règlent la marche de l'Univers etn les transmrmations de la Nature? Un aveugle seul pourrait nier, ce que la sagesse humaine proclamait par la bouche des grands hommes de l'antiquité c'est qu'au milieu de toutes les volontés et de toutes les prévisions humaines, il. y a un souffle <<Ktt-pw<.M<Mt<, qui les dirige vers des fins qu'elles ne sauraient ni démêler, ni pressentir.

Mais les âmes pieuses et simples voient aussi, que tout en étant méconnaissable dans son action sur les plus grands événemens de ce monde, comme dans ses plus petits faits, la Providence ne se laisse cependant pas toujours comprendre, car ses t'M'M sont impénétrables, et c'est là, la supériorité de la foi qui appelle de la justice faite en ce monde, à la justice définitive d'une- autre vie. Les âmes pieuses et simples, en présence de certaines conjonctures qui semblent dérouter toutes, les prudences humaines, savent qu'il faut attendre l'avenir pour les juger, et en l'attendant, pratiquer le silence; ce silence que le poète nomma: il, bel MMre~ 1 Les âmes pieuses et simples, sentent avec autant de raison


que de délicatesse, qu'il serait bien arrogant, de demander à l'Eternel, au Très-Haut, au Tout-Puissant, le secret'de ses desseins, chaque fois que nous ne comprenons pas la portée des événemens que nous contemplons. Est-ce à nous créatures, de mettre notre Créateur en demeure de nous expliquer ses vues? Est-ce à nous, nés d'hier, morts demain, ignorans ou trompés, d'attribuer témérairement à ses châtimens ou à ses récompenses, des faits dont nous ne pouvons apprécier le sens véritable, la portée secrète, les suites futures? Il ne nous est pas donne de distinguer ce qui est l'effet d'une volonté providentielle expresse, de ce qu'elle permet, comme conséquence naturelle, médiate ou immédiate, des passions humaines, des vaincs folies de l'imagination ou de la déraison? "l

Celui qui possède la simplicité de la colombe, se content d'attendre qu'il plaise à Dieu de faire rejeter le sens de ces faits, au Temps, son fréquent interprète. Pourtant, sur bien des sujets, il n'est pas permis, même an Temps, de divulguer les secrets destinés à n'être livrés à la connaissance de tous, qu'à la porte de l'Eternité, au Jugement Universel, où tout être sera jugé, et toute chose dévoilée publiquement où chaque' créature raisonnable connaîtra la perfection de la Justice divine en tout, et l'immensité de sa Clémence sur tous. Ce magnifique spectacle qui, en une minute fulgurante, se déroulera'devant chaque intelligence, sera la plus glorieuse, la plus splendide récompense de ceux qui auront cru en cette Justice, espéré en cette Clémence, aimé leur Auteur avec la simplicité de la colombe. Si les incrédules pèchent généralement, en attribuant tout ce qui arrive à la fatalité inéluctable des causes et de leurs effets, les dévots pèchent aussi en sens contraire, lorsqu'ils s'e font, trop fréquemment et trop promptement, l'interprète


de la signification inconnue des événemens. Ils oublient que les biens et les maux de la vie sont répartis sans distinction du mérite ou du démérite de chacun. Le soleil se léve sur les bons e< sur les méchans, et il pleut sur les justes et sur les injustes. ( S. Matt. ) Les prospérités de cette vie ne sont pas réservées spécialement, aux uns ou.aux autres, mais distribuées à tous. Les dévots oublient que les morts subites, les maladies, les accidcns, les douleurs, les trahisons domestiques, les infortunes éclatantes, peuvent atteindre un juste, le lendemain même du jour où ils ont aniigé un méchant. Il est donc très imprudent, très-présomptueux, de vouloir distinguer ce qui dans ces coups du sort est nommément un châtiment, un avertissement, de ce qui est une épreuve, un simple effet naturel, d'une cause que nous n'apercevons pas. Devant cet ordre de considérations, la stMpMo~ la colombe consiste à s'abstenir de tout jugement à suivre uniquement les versions de la charité, cn écartant les interprétations cruelles, humiliantes, déprimantes, pour ne voir dans les malheurs qui accablent le prochain, que l'épreuve, la peine inhérente à la condition humaine; pour croire ses prospérités dues à des mérites antécédens. Ce n'est point une méthode chrétienne dans le sens c/:<M':h:Me de ce mot, de toujours considérer les malheurs de nos adversaires comme des châtimens, et leurs prospérités, comme des charbons ardens accumulés sur la tête des pécheurs. De tels jugemens sont téméraires. Même quand ils ont pour but de frapper les esprits, de les écarter du mal par la terreur d'une punition immédiate, ils manquent leur, but, car les jugemens de Dieu étant inscrutables, le teritaletir peut trop aisément entraîner au scepticisme les esprits versatiles, les imagi-

sur prouvant de facto, Pimpoasibilité de


discerner ces jugemens. Ils ne seront révélés dans toute leur teneur et compris dans toute leur sagesse, qu'au jour du Jugement Universel. D'ici là, il faut les adorer en silence, car, 'qui scrute la majesté, sera écrasé par la gloire, (Sag.) La piété et la rectitude des principes, l'élévation et la droiture des intentions, l'honnêteté irréprochable du but et la loyauté des moyens, représentent dans la conduite des sociétés, de quelque nature qu'elles soient, la simplicité reeommandée par notre divin Maître. Mais cette qualité prend un autre caractère encore dans les individus. Pour ceux-ci, pratiquer la snhplicité de la colombe, dans leur manière d'envisager ét de ressentir les événemens de leur propre vie, c'est adhérer à la volonté de Dieu, en tout ce qui dans leur sort est indépendant de leur volonté. C'est se soumettre, sans murmure, si non sans peine, à tout ce qui dans notre destinée, ainsi renfermée dans le cadre que Dieu lui a assigné, nous semble le plus dur et le plus difficile à supporter, le plus en désaccord avec notre naturel, le plus contraire à nos inclinations, à nos vœux, aux aspirations de notre cœur, de notre intelligence, de notre imagination. Car il est dit comme l'argile est dans les mains du potier, qui peut la former et en disposer selon qu'il veut, ainsi est Vhomme dans les mains de Celui qui le créa. (Ecc.) Paroles, que S. Paul commente ainsi Un vase d'argile dit-il à celui qui Va- formé': pourquoi m'avez-vous fait ainsi? Le potier n'a-l-il pas le pouvoir de former de la même masse d'argile un vase de gloire, ou un autre destiné a l'opprobre?

Il faut en outre, pour être simple de cœur, et je souhaiterais attirer spécialement l'attention sur ce point, trop souvent négligé; accepter avec joie et gratitude tout ce que notre sort nous a réservé d'heureux, de bon, de charmant, et goûter ces bienfaits dans toute leur étendue. Il n'est pas seu-


tement nécessaire de nous résigner à ce que notre destinée a de pénible pour nous, suivant nos conceptions, si souvent fausses et insuffisantes, sur le vrai bien et le vrai mal; il est encore bon de savoir comprendre et sentir tout ce que cette destinée, a d'enviable, afin d'en rendre grâces au Seigneur, supportant les peines, les ennuis, les .désagrémens, les armas, attachés à ces avantages, comme des espéces de rançons qui Dons permettent de jouir des bénéfices du sort, en acceptant ses charges.Une femme d'esprit faisait une observation piquante, lorsqu'elle disait n'avoir jamais rencontré quelqu'un qui voulut, bien réellement, être un antre que lui, tandis que chacun était prêt à échanger sa destinée contre une autre; elle en concluait que l'amour-propre de chacun était parfaitement satisfait de ce qu'il croyait s'être fait lui-même, et se montrait invariablement mécontent de ce que la Providence avait fait pour lui. Cela se passe effectivement ainsi dans le monde mais tels, ne devraient pas être les sentimens d'une vraie' chrétienne 1

Avoir la simplicité de la colombe, c'est s'associer, s'identifier aux scntimens du sublime représentant biblique de l'homme de bien, égal à lui-même dans l'infortune comme dans la prospérilé; c'est pratiquer ses vertus quand on possède la santé, les richesses, la puissance, et lorsqu'on les perd, dire avec lui: Dieu donne et Dieu ôte. (Job.) Une telle parole nous aide à ne pas formuler des jugemens précipités, souvent insensés, parfois blasphématoires, en présence de certains événemens qui nous semblent des énigmes insolubles, lorsqu'elles nous montrent l'adversité atteignant ceux qui ont pratiqué la vertu; les prospérités rester attachées à des hommes d'une paresse indigne, d'un égoïsme révoltant; les bons se soulevant contre les bons; ceux qui devraient récompenser, en proie à des préventions qui leur font punir


les justes de leur justice 1 Ah 1 qui peut dire alors, si l'homme brisé est condamné, ou purifié dans la fournaise du creuset, (Is.), ou si, comme le patriarche de l'Arabie, il souffre, lui innocent, pour édifier ou pour expier? '1

Il y a sans doute un grand mystère dans cette simple parole, la volonté Dieu sur nous; car, demandent quelquesuns, où est notre liberté, si nous ne devons faire que la volonté de Dieu? » Outre la liberté de faire le bien ou de faire le mal, nous avons encore la liberté dans le bien; la liberté de choisir nos tâches, nos missions, le genre de vie que nous voulons mener, le genre de bien que nous voulons faire. Nous sommes libres de vivre dans le monde ou hors du monde, dans le mariage ou hors du mariage, ,de nous livrer aux OEuvres de Miséricorde matérielle ou spirituelle, au service de l'Eglise ou de l'Etat; de choisir telle profession, telle science ou tel art, tel métier ou telle existence. Mais, ce choix une fois fait, nous sommes en mesure de nous sanctifier ou de nous perdre dans la voie que nous avons librement embrassée. Nous pouvons en supporter vaillamment les peines, et jouir des douceurs d'une bonne conscience; et alors nous accomplissons la volonté de Dieu sur nous, ayant adhéré à sa volonté en nous. Nous pouÎ, vons aussi répudier les charges attachées à la destinée que nous avons librement adoptée, pour chercher à en accaparer seulement les bénéfices; chaque fois que nous agissons ainsi, égoïstement et déraisonnablement, chaque fois que nos actions sont par-là mauvaises, et doivent 'nécessaire'-ment porter de mauvais fruits, nous faisons notre volonté, mue par quelque passion, concupiscible ou irascible, par l'orgueil de la vie, la convoitise dù yeux ou la concupiscence de la chair, quelqu'imperceptibles que soient leurs chuchot̃ temens. La volonté de Dieu est toujours une volonté sainte


et raisonnable, qui mène au bien par le bien, fût-ce par «le Chemin de la Croix», pour donner à ses créatures la plus grande somme de bonheur éternel. Donc, adhérer à la volonté de Dieu, quand elle s'impose à notre sort, ou la faire, lorsque nous sommes libres de faire la nôtre, c'est travailler « la gloire de Dieu, en travaillant à notre propre bien, choses identiques en ce cas.

Cette volonté de Dieu n'est pas une volonté arbitraire, capricieuse, comme celle d'un tyran, d'un autocrate, d'un czar quelconque. Elle est tout simplement l'acte le plus raisonnable et le plus beau, le meilleur et le plus parfait, qu'une créature donnée, placée dans des circonstances données, puisse accomplir. Plus un être intelligent agit avec raison, avec cette prudence qui est la vertu des Saints (Sag.); plus il agit avec Amour pour le Créateur et sa créature, avec Foi et Espérance dans le Dieu caché, Deus abscondilus I et plus la volonté de Dieu s'accomplit en lui! II y a peu de peine à la distinguer quand il s'agit de choisir entre le bien et le mal, entre ce que sa loi permet et ce qu'elle défend, entre ce qui répugne et ce qui satisfait la conscience humaine; la difficulté commence, et elle devient quelquefois presqu'inextricable, rendant perplexes les meilleurs et les plus intelligens, quand il s'agit de choisir entre deux choses qui semblent être un bien, l'une et l'autre,

dont pourtant l'une doit être, ou plus urgente, ou plus né- 1 cessaire que l'autre; dont l'une peut être un vrai bien qu'il t nous répugne d'entreprendre parceque contraire à nos inclinations, l'autre un bien apparent qui nous tente par-.j ceque conforme à quelque penchant de la mauvaise nature, latent et inavoué. C'est lorsque les bons, les justes, les cœurs droits, honnêtes, vertueux, arrivent à de tels momens, que commence pour eux une série d'anxiété,s3


de doutes intérieurs, d'incertitudes, de défaillances, qui font partie des plus cruelles épreuves, attachées aux obscurités de, cette vie. Alors, l'imagination nous représente vi'vement les ineonvëniens liés à chaque résolution, les avantages égoïstes ou les répulsions instinctives, que chacune 'd'elles nous offre. Celui qui n'aime pas, se complait à "augmenter de tels troubles de conscience, en nous montrant le bien, le bon côté, de tout ce que nous n'avons pas fait; en nous faisant toucher du doigt les dangers, les désavantages de tout ce que nous faisons. 11, s'attaque plus volon-

Uiers, en ces sortes de luttes, à des caractères énergiques et entiers, dont il prévoit, que leur détermination une fois prise, ils sauront persévérer Tous ses efforts tendent à leur en faire prendre une mauvaise ou moins bonne I Ohl qu'il l est dur de traverser de telles angoisses, sans une lueur du 'ciel qui montre le sentier le pins propice le meilleur J ( J'ai connu nne femme soignant un mari malade, appre• *nant à la même heure, un accident qui mettait les jours de son enfant en danger, et l'approche des derniers instans de sa vieille mère. –Où courir? Qui abandonner? Ces momens d'incertitude sont peut-être les plus douloureux de la i vie, et its se représentent fréquemment, dans des conditions moins horribles que celles-ci. Il y aurait de quoi faire tomher, les plus forts et les plus courageux, dans l'inertie de l'inaction, si l'on ne savait que l'inaction est aussi une manière d'agir, qui porte des conséquences dont on est responsable! A ces momens, une âme pieuse n'a d'autre-ressource, que d'invoquer les lumières du Saint-Esprit, de s'écrier Veni Creator Sprmtus Mentes tuorum visita; ( Imple superna gratiq, Quae tu creasti pectoral Qu'elle parle ainsi avec la simplicité de la colombe, afin d'entrevoir ce 1 > qu'elle a de mieux, de plus beau, de plus parfait à faire.


Comme la grâce de Dieu n'abandonne jamais celui qui crie t Seigneur, Seigneur, j'ai mis ma confiance en voua, et je ne I serai pas confondu, (Ps.) jamais alors, elle ne manquer-a d'être éclairée. On ne sait quel petit incident surgit, quelle pensée survient, quelle réflexion se présente, quelle volonté fortifie la nôtre, quelle incompatibilité nous frappe, et Fon ) ne sait comment, quelque chose met fin aux hésitations, aux '••̃ tergiversations, aux cruelles indécisions. Pour peu qu'on ait vraiment voulu la volonté de Dieu, qu'on puisse s'écrier | avec le Psalmiste: Deus meus, volui! on peut espérer d'avoir bien fait. Il est rare que les événemens ne viennent le démontrer clairement.

Avoir la simpliciTé de la colombe, c'est supporter avec une inaltérable douceur, une paix intérieure plus inaltérable en- core dans sa confiante sérénité, tout ce qui contrarie, dé p1 range, déroute, renverse nos plans les plus longtemps, mé- ( dités, nos projets les plus habilement combinés, et souvent nos pieux dévouemens, nos sacrifices saignans. Ces plans, f ces projets, ces dévouemens, ces sacrifices, ne sont-ils pas tous soumis aux vues impénétrables de la Providence, qui I sait mieux que nous, ce qui est bon ? devant qui nous som- mes comme de petits enfans, ignorans du lendemain, in- consciens des périls qui nous entourent, incapables de distinguer ce qui est profitable à notre bien temporel, encore: f moins de discerner ce qui doit contribuer à notre bien spiri- tuel? Connaissons-nous l'avenir pour savoir, à quoi nous préparent les événemens? à quel but nous conduit un sentier rempli de broussailles? à quelles tâches nous forme l'école de l'adversité? Nous sommes aveuglés, comme de petits enfans, par nos désirs et nos plaisirs du moment, par tout ce qui plait à nos sens, par tout ce qui parle à notre ima- gination, par ce qui flatte notre orgueil. Nous ne savons ni


ce qui doit tourner à notre avantage réel, ni ce qui nous porte un dommage spirituel, car nous ne connaissons pas la valeur effective des choses, toujours comme ces petits enfans qui, déchirant avec insouciance les précieuses dentelles de leurs langes, s'attachent à un misérable jouet, brillant et retentissant. Aussi, que de fois ne voyons-nous pas nos désirs tourner à mal, sitôt qu'ils sont exauces! Que de fois n'entendons-nous pas retentir à nos oreilles émues, des exclamations de ce genre « Quel malheur que j'aie voulu faire ceci! Qui pouvait prévoir ce qui est arrivé 1 Quel bonbeur que je n'aie point fait cela! Je ne me doutais pourtant pas de ce qui allait arriver 1 »

L'essentiel pour les âmes pieuses et simples, n'est pas de réussir dans leurs entreprises, dans leurs plans, leurs projets, ni même de voir leurs dévouemens aboutir selon leurs prévisions, et leurs sacrifices porter les fruits qu'elles en attendaient. Elles savent que nous sommes tous des serviteurs inutiles, car le Seigneur n'a point besoin de nous pour disposer ses fins. Il peut d'ailleurs, faire de nous les instrumens de desseins que nous ne saurions prévoir, et nous employer à des fins que nous ne saurions connaître. Heureux celui que le Seigneur

a choisi et pris à son service. (Ps.) L'essentiel pour les âmes pieuses et simples, est de travailler, dans toute la mesure de leurs forces et de leurs capacités. Comme des semeurs infatigables, elles veulent jeter le grain en terre, réservant au Seigneur de faire prospérer la moisson. Après donc avoir agi, « comme si tout dépendait d'elles, elles prient « comme si tout dépendait de Dieu. Leurs prières, fréquentes, ferventes, pleines de foi et d'espérance, demandent ses bénédictions sur leurs entreprises, leurs projets, leurs dévouemens et leurs sacrifices, sans s'inquiéter outre-mesure de leur issue immédiate, sachant bien que si le Seigneur leur permet de travailler, ce


travail tournera nécessairement à sa gloire, et au bien de leurs âmes. Elles se souviennent de ce que Jésus-Christ disait à se Catherine de Sienne: Occupez-vous de mes intérêts, ma flle, et moi je songerai aux vôtres

Les âmes qui ont la simplicité de la colombe, prient sans se lasser, ni se rebuter de l'insuccès apparent de leurs priè- res, car il a été dit. Demandez et il vous sera donné, frappez et il vous sera ouvert, cherchez et vous trouverez. (S. Matt.) ¡ Sans nous arrêter ici au sens mystique de ces trois formules, remarquons seulement que la prière n'est jamais vaine, ce qui permettait au Prophète de dire qu'il remerciait avant d'être exaucé. Il savait que le Seigneur donne toujours à qui le prie, et quand il refuse ce qui lui est } demandé, pour le bien même de celui qui ne sait pas ce 1 qu'il veut, (S. Matt.) il accorde une grâce souvent supérieur^ à celle qu'on implore, une grâce invisible pour une grâce visible et matérielle. Il faut donc remercier le Seigneur au-fj ¡ moment même où on l'invoque, avant même d'être exaucé, car plus on lui rend d'actions de grâces, plus il accorde des grâces insignes à une foi assez forte pour compter avec une filiale confiance, sur sa paternelle bonté.

C'est en cette foi, suivie de cette conSance, que la simplicité de la colombe se témoigne de la manière la plus agréable à Jesus Christ. Il est né, il est mort pour nous; il a' vécu, il a souffert pour nous, et nous douterions encore de sa sollicitude pour nous? Quelle ingratitude I L'âme qui ressemble à une colombe, se fie à cette sollicitude, et sans l'interroger curieusement, indiscrètement, elle est certaine qu'en demandant à Dieu de la faire travailler pour lui, en coopérant au bien que les hommes doivent faire sur cette terre, elle sera exaucée, en quelque manière. Mais, de quelle manière? Qu'importe 1 Ne peut-on pas servir le Seigneur ici"


et là, dans tous les lieux, dans toutes les conditions? L'important vraiment, est de le servir Aussi, cela n'est-il jamais refusé, pourvu qu'on le veuille en esprit et en vérité. Quand on. voit les événemens tourner au rebours de ce qu'on sonJiaite, de ce qu'on avait raisonnablement, prévu, de ce qu'ort avait soigneusement préparé, il faut attendre, résignés et contons, le bien que la Providence fera éclore de tous nos 1 efforts persévérans, à son jour, qui sera peut-être celui de l'Eternité 1 Il ne faut point se décourager, mais répéter avec île Psalmiste: Expectans, erpeelavi IJ'ai mis ma confiance dans le Seigneur, et je ne serai point confondu Oserions-nous songer à imposer au Très-Haut, l'heure et le moment dans lequel il doit nous secourir? Attendre, Attendre, Attendre encore! l '{.Veiller et prier! telle doit être la simplicité de la colombe I Certes, ont voit des croyans, trop confians dans la protection du Ciel, négliger l'emploi des facultés que Dieu nous donna pour que nous nous en servions. C'est précisément alors que les secours, les inspirations d'en haut, les grâces spéciales, dites, grâces d'état, viennent à leur manquer, pour punir les paresseux qui enterrent leur talent au lieu de le faire fructifier. Dieu a dit Je te donnerai l'intelligence et je t'enseignerai les voies que tu dois suivre ne sois point 'semblable au elbeval et au mulet qui n'ont point d'intelligence, qu'il faut conduire avec le mors et la bride (Ps.) Les croyans qui veulent appliquer tous les moyens que Dieu leur a départi pour faire le bien, aiguisent leur esprit, développent leur intelligence, réfléchissent, s'efforcent d'être prudens, et en fin-de compte, ils reconnaissent les erreurs qui leur ont échappé, malgré toute leur prudence et tous leurs efforts. C'est tantôt un mouvement de passion qui se sera fait jour avant qu'on ait eu le temps ou la force de le réprimer, fesant dire ou faire ce qu'on regrette d'avoir dit on


fait; tantôt c'est une préoccupation, une distraction, un accès de rêverie ou d'agitation, qui aura fait oublier certains rapports, certaines coïncidences, certains détails, dont le sou-? venir eût modifié notre manière d'agir on de parler; tantôt on aura ignoré certaines circonstances, on n'aura pas prévu, certaines conséquences, qui donnent à nos actes un tout autre aspect 1 i Quand l'homme intelligent, quand la femme prudente, en examinant leurs actions y découvrent des fautes de ce- genre, des erreurs qui se sont glissées dans leurs meil- t leurs calculs, ou bien, des gaucheries de conduite qui com- ( promettent une position, des maladresses involontaires qui renversent toute une série de rapports, des bévues inexcu- sables qui nous font perdre nos meilleurs soutiens, des ij balourdises qui semblent aussi inexplicables qu'impardon- 1 nables, s'ils sont gens de foi, ils s'empressent de recourir J en toute simplicité à leurs anges gardiens, les priant de corriger le défaut de leur prudence. Je ne saurais assez re-i commander à tous, de s'adresser à ces chexs anges, ni assez dire comme ils exaucent souvent de telles demandes, venant f au secours de la colombe, quand le serpent est mis hors de comëal. Le mot d'Ange signifie originairement messager, f comme si nous ne devions connaître ici-bas les Esprits bienheureux, qu'en leur qualité d'envoyés bienfaisans deDieu. Tous les anges sont messagers de bonnes nouvelles pour les bons; ils ne sont terribles et redoutables qu'aux mé-, chans. Mais on ignore, ou plutôt, l'on oublie trop, helast la constante et touchante protection qu'ils exercent sur chacun de nous, au milieu des tempêtes et des tourmentes du monde.

C'est un ange sans nul doute, qui poussa un des soldats envoyés pour rompre les jambes des trois crucifiés sur le


Golgotha, à ne pas briser celles de Jésus-Christ, afin que son divin corps demeurât intact, et à percer son cœur de de sa lance, afin que les dernières gouttes de' son sang en sortissent, et qu'ainsi il fût entièrement répandu pour le salut des hommes, ce sang d'un mérite infini; la blessure faite par cette lance du soldat, fit ainsi voir au monde le prodige d'un sacrifice se prolongeant avec son mérite, après la mort de la victime 1 Les anges inspirent aux hommes bien des actes, des mouvemens, des paroles mêmes, nécessaires aux desseins de Dieu, sans qu'ils en aient le mérite immédiat; mais ils laissent en ceux qu'ils ont ainsi inspiré, une prédisposition au bien, une grâce fortifiante et encourageante, qu'ils sont libres de suivre ou de contrarier.

Il est dit: Le Seigneur a commandé à ses anges: afin qu'ils veillent sur tes sentiers I Rien de plus propre à nous donner confiance en notre ange gardien, comme la Litanie, que les fidèles récitent de temps immémorial, pour implorer son aide et son secours. Ce cher ange y est appelé d'abord, notre guide et notre conseiller; puis notre protecteur, notre frère, notre aide, notre consolateur; enfin notre défenseur, notre conservateur Dans la Litanie de tous les Saints-Ancres, nous les invoquons, « parcequ'ils » sont chargés par le Soigneur de veiller sur les hommes; a parcequ'ils » sauvent du danger les serviteurs de Dieu; « parcequ'ils » portent aux pieds de son Tr6ne les prières des bons; parcequ'ils » font des miracles au noni du Seigneur; = parcequ'ils sont établis à la garde des nations et des royaumes; « parcequ'ils » dispersent les armées ennemies; • parcequ'ils » – fortifient et réI jouissent les saints martyrs dans les tourmens; *parcequ'ils* –assistent ceux qui quittent cette terre; « parcequ'ils i introduisent dans les cieux les âmes purifiées l

Les bons anges nous accordent des lumières qui nous


font entrevoir, apercevoir, voir, reconnaître, distinguer, induire, déduire, deviner, pressentir, prévoir, des choses, des faits, des relations, des conséquences, des effets et des causes, qui sans les mystérieuses clartés d'en-haut, seraient restées innapercues aux yeux de notre esprit, ou du moins obscures, incertaines, confuses, indéterminées, indéchiffrables, sans signification nette et précise. Ces lumières sont comme des inspirations, des avertissemens qui nous poussent ou nous retiennent par l'emploi des facultés naturelles de l'esprit, un raisonnement juste, une prévision perçante. Mais les bons-anges ne se bornent pas à dégager ainsi notre intelligence des ombres qui passent, des nuages qui s'amoncellent, dans ses basses ou ses hautes régions. Ils ne se contentent pas d'y envoyer une bonne pensée qui comme un rayon éclaire tout un petit horizon et permet de s'y orienter, entre les mille et un objets posés sur notre chemin pour nous faire trébucher, ou faire saigner nos pieds sur les cailloux du sentier. Les bons-anges nous rendent encore d'autres services, non moins précieux. Ils nous impriment certains mouvemens, aussi rapides qu'impérieux, qui nous ont fait agir ou parler, rester immobiles ou silencieux, qui nous ont poussé à droite ou à gauche, nous ont fait comprendre ou ne pas comprendre certains incidens soudains comme la fondre, et ont décidé notre conduite en conséquence, sans que nous puissions attribuer ces actes à un raisonnemant clair et précis, ne pouvant en donner ni un motif suffisant, ni un mobile déterminé. ·

Cependant, qui ne sait, combien ces manières de faire, inexplicables, entrainent souvent de résolutions, dont nous ne sau- rions prévoir les suites longues et graves. Ne sont-ce pas } ces mouvemens irraisonnés, comme instinctifs, ces impulsions plus fortes que nous, qui, par exemple, font pencher


ou relever la tête pendant que les balles sifflent, leur livrant ou leur arrachant ainsi, la vie du soldat; qui nous portent à prendre tel navire plutôt que tel autre, sans que nous puissions prévoir lequel est destiné à sombrer; à choisir tel serviteur plutôt qu'un autre, sans que nous puissions savoir les incidens funestes ou propices qui résulteront de sa présence chez nous; à rester dans telle ville plutôt qu'à aller dans une autre, à habiter telle maison, & nous rendre dans tel endroit, à prendre tel chemin, sans qu'il ait été possible de prédire un danger où que ce soit, d'imaginer quelle ville deviendrait la proie des flammes, quelle maison croulerait, quel pays serait ravagé par une épidémie, dans quel endroit éclaterait une émeute; sans que nul ait pu pressentir les chances de salut ou de perte, qui nous y attendaient. | Les hommes qui vivent comme si Dieze n'était pas, (Is.) attribuent tous ces accidens imprévus au hasard. Les hommes de foi, savent bien que la Providence dirige leurs destinées, en I donnant ou ne donnant pas, certaines impulsions insaisissables à leur volonté, qui la déterminent en un sens ou en j un autre. Ceux qui sont uniquement mus par des passions, n'écoutent que leurs suggestions, et subissent les consé-

quences naturelles des actes qu'elles leur font commettre; mais ceux dont la volonté est d'accomplir la volonté de Dieu en étant les instrumens de ses desseins adorables, sont ainsi guidés vers l'accomplissement de ce qu'elles ont de mieux à faire, dans la mesure de leur nature et de leurs moyens. La liberté humaine n'en reçoit aucune atteinte, puisqu'elle reste toujours maîtresse d'adhérer à la volonté de Dieu en l'accomplissant, ou de s'en détaeher en se livrant à ses passions, qui la font obéir au mauvais ange en la soustrayant aux inspirations et aux itnpulsions de l'ange gardien. ̃ On voit ainsi ces chers anges suivre les hommes dès leur


naissance, à travers toutes les phases de leur vie, jusqu'à leur entrée triomphale dans le Paradis Quelle tendre confiance ne doit point nous inspirer, la vue de ce constant intérêt des esprits bienheureux pour nous? Et comment douter de cet intérêt, puisqu'ils travaillent pour la gloire de Dieu? Chaque âme sauvée l'augmente, et chaque âme purifiée l'augmente plutôt Ils veillent donc sur nous avec un zèle d'apôtre et de mère; ils veulent nous sauver, et pour peu que nous leur rendions notre voisinage possible, ils, nous aident à en éloigner le tentateur. Ils émoussent notre sensibilité au moment de certaines blessures, que notre patience eût eu trpp de peine à supporter; ils nous donnent de bonnes idées qui facilitent nos bonnes intentions ils adoucissent nos amictions, par je ne sais quelles bouffées de paix, qui nous font trouver une espèce d'oasis rafraichissant, au milieu des aridités d'une existence déso- lée comme un désert sans eau 1 Les anges s'interposent souvent entre les bons, pour leur éviter de se blesser réci- proquement. Une pratique très-recommandable à cet effet, v est de prier l'ange gardien d'une personne qui nous a of- j ¡ fensé, contre qui nous nous sentons indignés, afin qu'il lui inspire la conciliation nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paixl Presque toujours de telles prières, sincèrement faites, ont évité les brouilles, adouci les séparations, ou amené les réconciliations. Une expérience, mille fois répétée, prouve combien il est utile de les invoquer au moment où l'on commence un entretien difficile, épineux, et qui selon toutes les apparences, peut devenir orageux, périlleux, décisif, et peut-être fatal! Toujours on a vu que la réprimande, faire ou à recevoir, l'explication à donner, la lutte à soutenir, l'ultimatum à poser, devenaient moins vifs, moins irrévocablement blessans, quand les bons anges


avaient été priés à l'avance, d'adoucir les irritations et de calmer les passions des interlocuteurs.

Certainement, celui qui, indiscret dans ses demandes, en attendrait ce qu'ils ne peuvent, ni ne doivent faire, les trouverait muets; mais quand une âme croyante et fidèle, n'en attend ni miracles, ni effets visibles d'aucune sorte, pour satisfaire une vaine curiosité, son orgueil, ses passions nu ses désirs temporels; quand elle se borne à leur demander d'agir sur les cœurs et les esprits, pour réparer ses torts ou ses erreurs, pour en empêcher ou en diminuer les funestes conséquences, ils ne sont jamais sourds. Lorsqu'on les supplie d'éteindre les ressentimens qu'on a provoqués, d'atténuer l'effet d'une démarche déplacée, de faire oublier une parole imprudente, un trait blessant, d'inspirer plus de clémence, do calmer certaines effervescences, on peut être sûr de ne pas les invoquer en vain. S'il ne leur est point permis d'éloigner entièrement le mal, ils en écartent du moins une partie, souvent la plus envenimée; en tout cas, ils ne manquent jamais de diminuer dans le cœur qui a imploré leur assistance, l'amertume de la peine qu'il doit subir. Ceci s'explique aisément; car, sitôt que nous souffrons, .le tentateur s'efforce de nous faire mal souffrir; l'ange gardien en nous aidant à l'éloigner, soulage par cela déjà notre mal, puisqu'il suffit de bien souffrir pour moins souffrir. Ces chers anges ont souvent le pouyolr de nous satisfaire en effaçant complètement les traces de nos imprudences involontaires, et plus souvent encore jils les depouillent de certains inconvéniens accessoires, qui en eussent doublé ou triplé la portée. Puis, on est sûr qu'ils récompensent la simplicité de cœur avec laquelle on a imploré leur secours, en inspirant plus de prudence à l'avenir.

Les personnes qui ont la dévotion des Saints-Anges, sa-


vent par expérience, sous combien de formes ils manifestent leur intervention bienfaisante, en lui laissant toujours assez de clarté pour être visiblement reconnue par celui à qui ils accordent cette faveur, et assez d'incertitude pour qu'elle se confonde aux autres regards, parmi les causes et les effets naturels. On en pourrait citer des centaines d'exemples; j'en choisirai un, qui porte cette empreinte de certitude morale, voilée d'un faux air de phénomène psychologique, qui en rend le mystère impénétrable et indéfinissable aux yeux de l'incrédulité, indubitable et évident aux yeux de la foi. Une femme d'une très-solide piété, était toute vouée au rôle de Marthe dans la famille; elle allait et venait sans cesse; elle établissait toujours quelqu'un ou quelque chose, et elle bâtissait toujours quelque part; elle élevait ses fils, elle mariait ses filles, et ne restait jamais inoccupée. Un jour, elle essuya une forte tempête en mer, et il lui en resta une aversion nerveuse pour ce genre de voyage. Peu après, elle dut aller en Angleterre; la veille de son départ, elle fut prise de si vives angoisses à l'idée de remettre le pied sur un navire, qu'on l'engagea à ne pas exposer sa santé à cette épreuve, sa présence en ce pays n'étant pas indispensable; son émotion était si forte, qu'elle céda à ce conseil. Toutefois le soir, elle s'adressa à son ange gardien et lui dit Mon bon ange, ma volonté n'est pas de partir ou de rester, mais de faire ce qui est mieux: j'ignore ce qui est mieux. S'il est mieux que je parte, délivrez-moi de ce trouble insupportable, et rendez-moi ma liberté d'esprit, afin que je fasse en paix ce que j'ai à faire Le lendemain, elle s'éveilla dans une disposition parfaitement tranquille, partit, eut une traversée longue mais bonne, et trouva durant ce voyage, de la manière la plus inopinée, le meilleur des maris pour la cadette de ses filles. Elle racontait voMs. s.


lontiers ce fait, disant toujours que si cette fille était si heureuse, c'est que ce n'étaient point les hommes, mais les anges qui avaient pourvu à son établissement.

De tels récits, privés de l'animation qu'y met la personne favorisée de telles grâces, sont bien décolorés, et ressemblent à une de ces pâles contr'épreuves, qui présente un dessin au rebours. Le récit met à droite le fait positif, dont le mobile intérieur est susceptible de mille interprétations-, tandis qu'en réalité, c'est le sentiment intime, le changement intérieur, la voix qu'on a entendu, la lumière qu'on a vu en soi, qui occupent la droite dans le tableau, étant ce qu'il y a de plus essentiel dans le fait même. Pour le bien comprendre, il faut avoir connu des individus familiarisés avec ces influences directes, soudaines, impérieuses, transformantes, qui savent reconnaître, pour les suivre, les inspirations et les impulsions des bons anges, en les priant souvent, en les invoquant dans les momens de doute par un simple mouvement de la pensée, en les appelant dans les instans difficiles par une courte invitation du coeur. Il y a plus de personnes qu'on ne croit, qui ressentent les merveilleux effets de cette douce protection; j'ai entendu des hommes, devenus avec les antfées, incrédules, hélas! me raconter sous l'inviolable secret des longs épanchemens, les plus touchans témoignages de cette assistance prodiguée à fleurs jeunes années. J'en ai vu qui au seul récit des incidens de leur enfance croyante, étaient gagnés par les larmes; d'autres transportaient à de confuses conceptions spiritistes, leur foi en ces esprits célestes. Quelques uns ont fini par douter de ce qu'ils avaient éprouvé, de ce qu'ils avaient vécu eux mêmes, selon l'expression caractéristique des allemands, erleben. Mais d'ordinaire, ceux qu'une jeunesse pure et chaste avait mis en contact direct avec


les influences angéliques, en ont à jamais gardé je ne sais quel parfum de foi, qui survivait à la perte môme de la foi, comme le parfum d'une plante longtemps portée, survit encore après qu'on l'a écartée. Tous ceux auxquels je pense ne liront pas ces pages, et ne retrouveront pas ici le souvenir, discret mais ému, des affectueuses confidences de leur âme endolorie ou fatiguée, saignante ou affaiblie. Quelques-uns d'entr'eux, ne sont plus de ce monde, mais je demande à ces anges qui furent les gardiens si tendres de leur jeunesse, de donner à ceux qui me lisent, l'intime conviction, que la vie humaine renferme peut-ôtre, encore plus de mystères touchans et attendrissans, que de secrets horribles et répugnans. L'esprit inattentif des gens du monde, leur peu de foi, leur distraction, les empêchent de saisir, toutes ces influences délicates qui vibrent autour d'eux comme des quarts, des demi-quarts de son; qui passent et repassent comme des teintes fugaces, des lueurs chatoyantes, dont on est certain qu'elles ont été, dont on ne sait plus comment elles ont été. Le manque d'attention apporté à saisir ces courtes entr-vues du monde spirituel, nous empêchent de distinguer la voix des bons-anges, d'avec les autres de leur obéir, et de s'en laisser guider. Si on savait recueillir chacune de leurs faveurs avec compréhension et actions de grâces, on les obtiendrait plus fréquentes, plus distinctes, plus consolantes encore. C'est ainsi que la simplicité de la colombe obtient des secours surnaturels, que ta prudence du serpent n'obtiendrait pas? Mais, ce mais est à recommander aux incrédules tentés de sourire à ces lignes, comme aux dévots tentés de voir en elles l'alpha et l'oméga de la sagesse; mai?, ces secours surnaturels ne sont guère accordés à la simplicité d'intention, que lorsqu'elle précède et accompagne la prudence, c'est-à-dire, l'intelligence dans la conduite.


Jésus Christ exige de nous qui sommes ses brebis, et formons le troupeau dont il est le Bon Pasteur, que nous réunissions la simplicité de la colombe, à la prudence du serpent, non seulement dans tout ce qui se rapporte à la foi, mais aussi dans ce qui tient à notre conduite privée. Comment cela peut-il se faire? Comment y parvenir1? Un mot de S. Ignace, nous dévoilera un moyen, bien simple et bien efficace, de concilier deux qualités tellement opposées; un moyen approprié surtout à notre temps, où les adversaires de Dieu ,et de l'Eglise, enflés par l'orgueil de la rie, méprisent la prière et se distinguent avec tant d'avantages dans l'action. «Priez, dit-il, comme si tout dependait de Dieu; agissez ajoute-t-il, comme si tout dépendait de vous». Les chrétiens sont particulièrement appelés maintenant, à compenser par leur adoration, à expier par leurs suppli,cations, le déni que font les orgueilleux de ce siècle, de l'hommage, de la gratitude, de la confiance, dûes -à notre Créateur, Rédempteur et. Consolateur. Il appartient plus que jamais aux croyans du XIX° siècle, de prier Dieu pour ceux qui ne prient pas, de le remercier pour ceux qui ne savent et ne veulent le remercier de rien! D'autre part, il ont le devoir, non certes, plus grave, mais tout aussi urgent, pour le moins, d'agir, afin de témoigner de leur foi par leurs œuvres, car la foi sans les oeuvres ne sauve pas. Ils y sont d'autant plus étroitement obligés, qu'on porte au mépris de la foi, les incroyans qui produisent des œuvres splendides, .quand, appartenant à la sainte milice des enfans de Dieu » on se montre incapable de rivaliser avec eux, en activité, en

IV.


intelligence, en zèle, en dévouement au bien public, en souci du bien général: the common welfaret I Le grand Saint espagnol, possédant une intime connaissance du cœur humain, légua à ses fils une maxime, qui, maintenant la charilé dans les coeurs et la vigilance dans les esprits, découvre avec une merveilleuse clarté, la vraie manière de pratiquer un précepte de Notre Seigneur, si fécond en profonds enseignemens, et si peu suivi 1 De tous ses préceptes, il est le moins suivi peut-être, par la grande masse des chrétiens imparfaits, dont les uns ne s'attachent qu'à conserver la simplicité de la colombe, et les autres s'approprient seulement la prudence du serpent. En revanche, les parfaits, les héros de la foi, les grands hommes de la vertu chrétienne, ont toujours réuni tant de simplicité à tant de prudence, que leur vertu et leur influence ont dépassé tout ce que les hommes avaient vu auparavent, et tout ce qu'ils voyaient depuis, en dehors des énergies de la sainteté chrétienne S. Ignace de Loyola enseignait à se conformer à la divine parole de Jésus-Christ, en répétant sans cesse: Il » faut prier, comme si tout dépendait uniquement de Dieu; il faut agir, comme si tout dépendait uniquement de » nous. Suivre cette sentence, toujours et en tout, c'est se rapprocher de la perfection. Mais combien il est rare de voir la prière et l'action, s'entr'aider réciproquement. D'or- dinaire, helas 1 ceux qui prient ne savent pas agir, et ceux qui agissent no veulent pas prier I II en résulte une des ¡ plus grandes misères de ce bas-monde, puisque la prière dé. pourvue d'action, ne produit pas tous ses fruits, et l'action dé- nuée des secours de la prière, en donne souvent de mauvais. Pourquoi Notre Seigneur nous a-t-il présenté immédiatement, à côté de la douée et suave image de la colombe, le ̃ triste et fatidique souvenir du serpent1? N'est-ce point e,n


partie, pour nous montrer que les mauvaises passions, ai.guisent l'esprit humain, jusqu'à en doubler et tripler les puissances, et que la passion du bien, la passion de son service, devrait aiguillomer nos facultés au même degré, si non au-delà!? Le divin Maître ne se sort-il pas aussi de la comparaison du serpent, pour nous faire entendre qu'il est bon d'employer au profit des intérêts de Dieu, une même prudence, une même Habileté, une activité égale, des expédiens aussi ingénieux, que ceux dont se servent les fils des tenèbres, au profil de leurs porsuites profanes? En effet, les fils de la lumière peuvent souvent apprendre d'eux des moyens, applicables à d'autres buts. C'est donc dans l'action, qu'il faut dérober aux serpens, le secret de leur prudence. Jésus- Christ l'a dit: Les fils du siècle sont » plus prudens, que les fils de la lumière. (S. Luc). Pour que Notre Sauveur ait prononcé une sentence si absolue, il faut qu'elle ait un caractère de généralité. La lutte du bien et du mal ne durerait peut-être pas si longtemps sur la terre, tant elle deviendrait inégale, si le Prince des ténèbres ne réussissait à neutraliser en grande partie l'action des justes et des bons sur le monde, en exploitant leurs défauts, leurs faiblesses, pour leur faire commettre d'innombrables péchés d'omission, quand il se voit dans l'impossibilité de les induire aux mauvaises œuvres, aux fausses doctrines. Ceux qui ne pèchent plus en actions et en paroles, qui' ne succombent point aux six premiers péchés capitaux, le tentateur les fait tomber dans le septième, la Paresse. Ceux qui semblent innocens, pour n'avoir rien fait de mal, il les entraine à devenir coupables, en les empêchant de rien faire de bien, en les rendant semblables au serviteur de l'Evangile, qui mit en terre son talent et cacha l'argent de son maître. (S. Matt.) au lieu de le faire valoir et fructifier. (S. Matt.) au lieu de te faire valoir et fructiSer.


"De nos temps, il est urgent, de signaler à l'attention, à la méditation de tous les bons chrétiens, hommes et femmes, le fatal vice de la Paresse, qui fait d'autant plus de ravages, qu'il rencontre plus de simplicité dans la foi, plus de pureté dans les intentions. Il est bien rare d'entendre parler de la Paresse comme d'un vice, et pourtant ses effets parmi les bons sont désastreux, comme ceux d'un vice. Disons du moins, qu'elle est une des plus dangereuses imperfèctions, parmi les paifaits. Elle annule, elle dessèche dans l'homme, une de ses plus précieuses facultés, si énergiquement appelée en allemand Thâligkeilstrieb. L'excès de leur sécurité dans les secours providentiels, indépendans de leurs efforts, est un des défauts qui, en prenant les apparences d'une vertu, fait le plus de tort à la Religion. JésusChrist voulut donner aux hommes l'honneur infini d'être ses coopérateurs, avant de devenir ses cohéritiers. Se contenter de prier sans agir, quand on n'a point-renoncé au monde afin de prier pour le monde, c'est mépriser à la fois, et les dons que Dieu nous a départis pour cette coopération, et les conditions posées par lui à notre cohérilage. La majorité des croyans tombe, malheureusement, dans cette faute. Ils se renferment trop exclusivement dans la première partie du précepte de S. Ignace; ils prient comme si tout dépendait de Dieu, et puis ils n'agissent pas. Leur foi devient ainsi un sujet de dérision, lorsqu'au lieu d'être un principe d'activité et d'édification, elle paralise leur vigilance, en leur inspirant un dédain si éxagéré des devoirs de ce monde, qu'ils négligent d'en connaître le mécanisme, qu'ils laissent rouiller les ressorts de leur perspicacité naturelle, et ne regardant toutes choses que dans un clair-obscur mystique" ne savent pas les conduire vers leurs fins, selon leurs propriétés actuelles et immanentes. Première faute, infiniment- grave.


La. conséquence naturelle de cette apathie, est un profond dégoût pour ceux, qui à leur tour, méprisent l'inaction et l'apathie; une aversion insurmontable pour les personnes de sa connaissance, de son intimité, de sa famille, qui, n'étant ni dévots, ni justes, ni bons parfois, possèdent néanmoins la prudence du serpent. On les éloigne de la religion et de la vérité par le dédain déplacé qu'on leur témoigne, tandis qu'on pourrait tirer grand parti de leurs qualités et de leurs avantages, en distinguant ce qui en eux est une science bonne, légitime, acquise avec les facultés naturelles dont Dieu doua l'homme, de la mauvaise application qu'ils peuvent en faire. Seconde faute, encore plus grave peut-être. j On établit dans la vie pratique, une sorte d'incompatibilité insurmontable, entre la prudence du serpent et la simplii cité de la colombe, tandis que notre Divin Maître nous enjoint d'effacer leur incompatibilité, de les réunir l'une à l'autre, en restant simples vis-a-vis de Dieu, avec Dieu, pour le bien de notre âme, tout en devenant prudens visà-vis du monde, avec le monde, pour le bien du monde et la gloire de Dieu.

j L'humanité est, Dieu merci, trop soumise à l'empire de la raison, pour que le mal et l'erreur, puissent y subsister sans f contenir aucune étincelle de vérité relative, de bien naturel. Ces étincelles, en rendant possible la propagation de l'erreur et sa durée, servent d'appât à tant d'âmes qui les prennentpour des]soleils de vérité et de justice. Il y aurait une grande sagesse à s'emparer de ces étincelles, pour les faire rentrer dans le foyer de la vérité et de la justice absolue; c'est à quoi on n'arrive pourtant, qu'en étudiant ce qui se trouve de bon chez les adversaires de la foi. Cette étude dictée par la prudence, mène à la charité, qui se nourrit toujours volontiers d'un peu d'estime, et devient plus fruc-


tueuse en devenant plus respectueuse. Pour acquérir la prudence du serpent, il faut imiter la prudence partout où elle se trouve, en la pratiquant, comme dit S. Bonaventure, selon les temps, les lieux, et les milieux ou l'on est placé. Il est vrai que souvent la Providence, touchée des vertus de certaines âmes saintes et pures, sans malice et sans déferçse, vient à leur aide, par un concours d'événemens qui tient du miracle, et qu'elles reçoivent comme tel. La prière' des bons obtient quelquefois, ce que faute de prudence, leur conduite, n'aurait pas su obtenir. Mais, c'est de la présomption, c'est tenter Dieu, que de se reposer sur ces espéran- 1 ces, quasi miraculeuses. Savons-nous, si le Seigneur, après^ avoir sauvé des dangers temporels qui les menaçaient, cer- [ tains individus, pour la gloire de son nom, pour l'encou-i ¡ ragement et l'édification des autres, ne leur demandera pas 1 compte là-haut, de leurs impérilies, de leurs incuries, de leurs inhabiletés paresseuses, de leurs confiances exagérées en son intervention directe?

i Aide-toi, et le ciel t'aidera. Ce proverbe n'est pas à dédaigner, si dévot que l'on soit, et les dévots l'oublient trop fréquemment. « Aide-toi i; c'est-à-dire apprenez' les vraies conditions des instrumens que vous maniez, la qualité du terrain qui est sous vos pieds, la nature des élémens dont vous disposez. Sachez reconnaître dans ceux qui vous en- r tourent, dévots ou pas dévots, bons ou méchans, ce qu'ils font de bien sachez imiter ce qu'ils inventent de beau. Ap- j É préciez ce qu'ils disent de juste, ce qu'ils affirment avec raison, afin de vous servir de leurs moyens pour vous venir en aide à vous-même; afin que le ciel trouve des moissons à bénir, après que vous aurez fait les semailles, puisqu'en vous imposant le travail, il vous a donné l'intelligence. Se fier à l'aide du ciel, avant, de s'être aidé soi-même, c'est mépriser à la


fois, et le commandement de Dieu, le travail, et le don de Dieu, l'intelligence.

Le travail des femmes est borné à leur ménage; mais, non leur intelligence. Or, les femmes pieuses sont souvent exposées à la tentation de mépriser, si non certain travail, au moins toute intelligence. Après avoir prié, « comme si tout dépendait de Dieu » après avoir accompli quelques petites occupations domestiques, elles ne songent plus du tout, qu'elles ont encore à agir comme si tmtl dépendait d'elles > Les pratiques de la dévotion en excitant leur sensibilité par une émotion incessante, quoique variée, offrent si peu de nourriture à leur esprit, et celle qui s'y trouve est si peu substantielle, que sans la savoir mal apprêtée et peu faite pour une forte intelligence, elles s'en détournent, s'en abstiennent, renonçent complétement à pratiquer la prudence des serpens, et ne veulent connaître que la simplicité des colombes. Je serais même porté à croire, qu'une des choses qui éloigne de la vraie dévotion, un certain nombre de pernonnes, douées d'un esprit vif et d'un caractère actif, c'est de se pas trouver assez d'aliment intellectuel dans les livres faits à l'usage des femmes pieuses. Les réflexions écrites spécialement pour elles, sont en général au-dessous de leur degré d'intelligence, ce qui les en dégoûte tout naturellement. Il résulte de cet état de choses, divers invonvéniens pleins de dangers. Les personnes qui agissent, cessent, en plus ou moins de temps, d'être pieuses, et celles qui deviennent dévotes, perdent tout action sociale.

En premier lieu, elles demeurent étrangères, mal initiées, ou hostiles, aux préoccupations politiques et sociales de leur mari, de, leurs frères, de leurs fils, et par conséquent, ne vivant pas de leur vie, ne partageant par leurs pensées intimes, ne connaissant pas l'enchainement de leur projets


et de leurs espérances, la marche de leurs idées et de leur action, elles n'exercent aucune influence sur eux, s'excluant ainsi elles-mêmes de leur plus grande mission. Renfermées dans les étroites pratiques d'une piété" minutieuse, petites pratiques réservées aux personnes infirmes et âgées que le monde abandonne et qui ne sont plus en état d'agir sur lui, ou aux âmes qui se vouent spécialement à la vie claustrale après avoir abdiqué et abandonné le monde, bien des dévotes jeunes encore, pleines de vie, de forces intellectuelles et physiques, s'annulent dans leur famille, dans leur intérieur, dans leur cercle, parceque, infidèles sans s'en rendre compte aux enseignemens de l'Evangilo, elles négligent la prudence du serpent. Elles se retranchent dans la simplicité, de la colombe, oubliant qu'à elle seule, privée du sel de la sagesse, elle perd son charme et sa vertu.

Elles ne voient pas, ces bonnes personnes, tous les inconvéniens prochains et les dangers futurs d'une vie oisive, inutile au bien public, car elles n'aperçoivent' pas qu'un combattant oisif et inutile est d'autant plus nuisible à sa cause, qu'il occupe un plus haut rang, une place plus en vue. Elles n'aperçoivent même pas que cette vie est un combat, dont le champ est plus vaste.que celui du Combat Spirituel, qu'elles méditent trop exclusivement. D'où cela vient-il Cela vient en partie de ce qu'elles ne veulent pas s'avouer que, restant dans le monde, entourées de ses avantages, de ses richesses, de ses titres, de sa considération, et souvent enveloppées du suffoquant encens de ses adulations, non moins dangereux pour être un encens de sacristie, elles n'ont pas le droit de se refuser aux responsabilités, aux fatigues, aux anxiétés, aux travaux de ceux qui luttent dans la vie active. Elles croient licite de cumuler avec les douceurs de la famille et de la vie domestique, les mérites et


l'irresponsabité du cloître, dont elles n'ont pris, ni les lourdes obligations du choeur, ni les charges intérieures, d'un si accablant et continuel fardeau, ni les jeûnes et la bure, ni l'obscurité, ni la monotonie, ni la vie spirituelle, ni l'holocauste perpétuel! Un tel calcul est sacrilège, et Dieu ne le bénit presque jamais, car il ne provient pas de la simplicité de la colombe et ressemble fort à une fausse prudence humaine. Par suite de cette fausse simplicité, dont le monde a fait le synonyme de niaiserie, d'incapacité, d'insipidité, d'un engourdissement d'esprit qui rend sourd et aveugle au milieu des complications de la vie, les dévotes ressemblent bien peu à la Femme-Forte de l'Ecriture, vêtue d'hyacinthe et de pourpre entourée de tapis aux vives couleurs dont l'époux siège parmi les sénateurs, les juges de la terre célèbre dans les assemblées Au lieu de suivre l'exemple glorieux qui leur est proposé par l'Esprit-Saint, disant de cette femme modèle, que ses œuvres la loueront à sa porte, et que pour la récompenser il faut lui offrir le fruit des œuvres de ses mains, (Prov.) ces dévotes deviennent [parfois la risée du monde, se rendant ridicules par une toilette ridicule, de mauvais goût, pour le moins déplacée; puis, non contentes de neutraliser leur propre influence, elles tendent à maintenir leurs familles dans une inaction aussi nuisible aux intérêts de la vérité et de la religion, de la patrie et de la société, qu'à la prospérité de leurs maisons. ̃ Ces femmes ne sont en vérité, ni des Marthe, ni des Marie. Comme les Pharisiens de l'ancienne loi, elles s'absorbent dans les formules, elles perdent leur temps dans les pratiques, elles se fondent dans les petites œuvres. Ne sachant plus où l'on en est dans ce siècle, qu'elles damnent et condamnent en masse, elles ne peuvent accomplir les OEuvres de Miséricorde spirituelle, dans les hautes sphères, sociales


morales, intellectuelles, où elles sont appelées à les exercer, par leur naissance, par leur rang, par la profession de leurs maris, par les occupations des personnes qui les entourent. Elles ne sauraient instruire, car elles n'ont pas la sagesse qui donne les lumières de la prudence, dans les matières de la vie sociale. Elles ne peuvent corriger, car elles ne comprennent pas d'où viennent les grandes fautes sociales, et où vont les petites. Elles ne sont pas à même de supporter, ne sachant pas au juste ce qui, hors de la vie privée, doit l'être, et ce qui ne doit pas l'être. Elles ne peuvent conseiller, n'étant pas au courant de ce qu'il est nécessaire de faire ou de ne pas faire, ne se doutant pas de quoi il retourne », dans le jeu des affaires de ce monde, oh chacun a son enjeu. Elles ne sont même pas en état de pardonner avec connaissance de cause, ne sachant ce qui dans l'offense, est tout-à-fait ou à moitié excusable, au fort de cette mêlée qui constitue la vie publique. Elles ont encore moins les moyens de consoler et d'encourager Là, gît peut être leur plus grand malheur, et leur plus grand tort!

L'homme mûr peut à la rigueur se passer des corrections de sa mère, des instructions de sa sœur, des conseils de sa femme; il peut après tout, ne pas trop pâtir, en voyant qu'elles ne savent ni bien supporter, ni bien pardonner, ce qu'il faut supporter et pardonner, quoiqu'elles supportent d'autres choses, non moins mauvaises maintes fois, et pardonnent des fautes d'un autre genre, non moins pernicieuses peut-être. Mais, l'homme d'action, l'homme du monde, l'homme dévoué à une vie extérieure, exposant sur la même petite barque, sou existence et celle de toute sa famille cei homme ne peut' jamais être privé, sans un dommage intérieur incalculable, des consolations et des encouragemens d'un cœur de femme Celles dont l'incapacité soustrait à leur mari, à leurs frères, à leurs


fils, l'ineffable bienfait des secrètes compréhensions qui conso j lent des ingratitudes du monde, des délicates divinations qui adoucissent les plus amères déceptions, des nobles et courageuses sympathies qui fortifient dans le bien et font persévérer < clans les tâches arides, jusqtws ri la fin, ces femmes mériteraient d'étre découronnées Elles n'ont droit ni à la louange due à Marthe, ni à la vénération due à Marie, parcequ'elles n'ont pas d'amour et n'ont pas d'action. Elles prétendent être à Dieu, elles s'intitulent des servantes du Seigneur., et elles ne font rien pour lui, elles ne le servent pas Leur amour est donc sans flamme, comme' un autel sans sacrifice ( Un découragement énervant s'empare bien souvent de J l'homme, lorsqu'il ne rencontre pas près de lui les douces et discrètes tendresses d'une femme, qui, initiée aux plus secrets mobiles de sa conduite, sait ensuite déchiffrer les ((moindres impressions de son âme, lire dans son cœur, en l distinguer, les plus imperceptibles, et les meilleurs mouvemensl 1 La conscience humaine ne peut pas toujours savoir, où elle en est avec elle même; il y a une secrète affinité entre le sophisme et la passion, une secrète jointure entre l'apparence du bien et le motif impur, que nul ne discerne parfaitement en lui-même. Il y a, de plus, des échecs dont 1 on ne peut pas dire exactement, surtout au moment où ils arrivent, s'ils sont la conséquence de nos erreurs, de nos fautes, de-nos imprudences, ou bien s'ils font partie de la catégorie des événemens, des accidens imprévus, auxquels on doit se soumettre simplement, pour recommencer à nouveaux frais, les peines perdues. Enfin, il y a des défaillances qui proviennent de la lassitude morale et physique; alors, l'homme voit tout en' noir; ce qu'il a fait de bien, de réussi, sem*v ble se dissoudre devant lui, comme un nuage du couchant; ce qui lui a été contraire, fatal, prend les proportions al-


îongées des ombres du soir. Il se sent envahi par le cré- puscule du doute, de l'incertitude. Il se demande, s'il est 1 au milieu ou à la fin de sa carrière; s'il a encore de quoi réparer ce qu'il a mal fait, ou s'il doit jeter sur sa vie, 1 un coup-d'œil rétrospectif et désespéré, comme sur unej arène déjà parcourue? Il se demande, avec plus de crainte, d'hésitation, que de courage et d'espoir, si ce qu'il va faire, est bien ce qu'il faut faire, s?il doit y mettre hardiment la main, ou laisser aller les choses, laisser dire et laisser faire, car, il mondo va da se? Ces dispositions maladives, qui ne sont pas étrangères aux caractères les plus durs au travail et de la plus indomptable énergie, s'expriment trèsdifféremment selon les tempéramens. Les uns -deviennent alors querelleurs, les autres boudeurs; ceux-ci taciturnes, ceux-là irritables. Qui devinera les causes inavouées, souvent

ignorées, de ces malaises de l'âme? Qui allègera ces tristesses, ) ? qui rassurera ces consciences délicates et effarouchées, qui J rassérénera ces fronts soucieux, qui soulagera ces cœurs blessés, qui adoucira ces amertumes inévitables, qui donc i soulèvera au-dessus des petitesses de la vie, qui fera chanter ¡, au fond de l'âme, ou la vive chanson de l'Espérance, ou son N hymne solennel, sinon des femmes prudentes, qui sans abdi- j! j quer la simplicité de la colombe, connaissent les voies tor- "j tueuses du serpent tentateur, pour en discourir avec ceux qui ont besoin de consotutions, pour en éloigner ceux qui s'abreu- vent à leurs conseils, sans se douter après, qu'ils y ont puisé leur force, leur courage, leur persévérance et leur prudence 1 Dans tous les siècles où les femmes font beaucoup de mal, elles sont particulièrement obligées à faire beaucoup de bien. Là, où il y en a beaucoup qui perdent les hommes, il en j i faut beaucoup qui les sauvent. Aussi, cette responsabilité' qui pèse sur les honnêtes femmes de notre siècle, est-elle 1


généralement sentie. Chacun reconnait qu'il leur appartient d'être le guide, prudent et tendre, du cœur, de la conscience, des sentimens de l'homme qui les aime et les protège. Chacun reconnaît qu'il leur appartient de conseiller en consolant, d'instruire en supportant, de corriger en pardonnant. Comment ne pas citer à ce propos, les charmantes lignes d'une auteur, qui dit avec poésie, ce que d'autres ne sa.vent exprimer qu'en prose: 0 0 femme toi qui es le rêve, 6 toi la bien-aimée, sois le bonheur et sois la rayonnante sagesse 1 Il te sera demandé compte de l'âme qui est venue à toi. Laisse-la développer ses ailes magnifiques; concours à son épanouissement splendide. Jeune reine fortunée, ne manque pas à l'ami qui t'aime Le malheur et l'ingratitude se donnent la main; le bonheur et les sereines vertus doivent marcher ensemble. 0 toi qui répands la joie, sème aussi la sécurité, la quiétude et la force. Le cœur sur qui tu t'appuies, doit un jour s'appuyer sur toi. Roseau flexible, deviens ferme branche, et que tous les oiseaux du ciel chantent en chœur, à son ombre embaumée, jeune arbuste où s'est réfugié l'amour 1 Inflexibles pour vous, soyez douces, ô femmes) Ne vous souvenez de vos vertus que pour les faire aimer, non pour les faire craindre. Quel ministère est le vôtre! Quelle œuvre de conciliation est la vôtre Marchez dans la vie en soutenant les faibles, en ennoblissant leurs misères, en secourant et assoupissant leurs innombrables détresses 1 Ah ) songez bien qu'au dernier jour on ne vous demandera pas « Avez-vous été aimées? » mais: Avez-vous aimé? » C'est-à-dire, avez-vous pleuré avec ceux qui pleurent? Avez-vous été inaccessibles aux mauvais soupçons, accessibles seulement à la compassion désintéressée, à la bienveillance sans arrière-pensée, sans repos et sans fatigue? Avez-vous donné à pleines mains les


trésors d'une âme généreuse? Avez-vous senti que la grande loi de Dieu était d'aimer, d'aimer, d'aimer C'est-à-dire da venir en aide à tous, d'assister les infirmités des nobles coeurs, de faire le bien pour le bien, par simple douceur de cœur? Dieu ne nous prête la vie que pour faire le bien. Aimez, aimez, compâtissez et consolez 1 (i)

Les femmes à la hauteur de leur belle mission, savent inspirer par leurs consolations et leurs encouragemens, la simplicité et la prudence dans la conduite. La simplicité les aide à pressentir ce qui dans les grands événemens ou les petits incidens de la vie, vient directement de Dieu; la prudence leur fait découvrir ce qui vient des hommes; elle les aide aussi à discerner ce qui vient des bons, quoique amer, et ce qui vient des méchans, quoique doux. Les prudentes distinguent, plus vite et plus sûrement-encore que les plus prudens, ce qui vient de la société, de ses lois de ses nécessités, et ce qui vient du monde, de ses influences, de ses contagions; ce qui provient d'une âme bien intentionnée dans ses rudesses, ou d'une malice bien déguisée dans ses perfidies. La simplicité appartenant à l'amour, leur fait reconnaître l'amour divin, dans les ménagemens infinisjoints aux expiations qu'il impose, comme dans la saveur exquise des joies par lesquelles il récompense. Mais la prudence les empêche de confondre ce que Dieu veut et ce que Dieu permet, en leur faisant entrevoir le bien que, par une coopération prompte et active, il faut immédiatement retirer de ce que Dieu veut, et le bien qui peut résulter de ce que Dieu permet, quand on cherche à l'en dégager indirectement, par de lents efforts, pleins de précautions. Les « dévots » se demanderont peut-être, si les seules lumières de la religion ne doivent point donner cette ins(1) Me Blanchecolte.

Ms. 9.


truction, ces conseils, ces douces corrections, et particulièrement ces consolations, que nous prétendrions voir dispensées par les femmes; à leur avis, êtres faibles et ignorans, elles sont toutrà-fait incapables de les donner, t vu que, loin ̃ de pouvoir corriger et instruire les hommes, elles ont besoin d'être conduites, haut la main, morigénées sans cesse, constamment réprimandées. En pensant ainsi, les « dévots prouvent qu'ils ont perdu le vrai point' de vue des choses de ce monde, et qu'ils n& sont point encore des saints ceux-ci conservent toujours la justesse de leur jugement', en lui donnant une céleste élévation. Oui, les lumières de la religion doivent suffire, et suffisent en effet, à. ceux qui se vouent à la religion; à ceux qui embrassent l'état ecclésiastique, ou qui font les trois grands vœux Toutefois, tt ne faut point attendre de Dieu des secours spéciaux, quand on ne lui a point fait des sacrifices spéciaux. L'état religieux a aussi, ses <>, grâcesi d'état »,, qui lui permettent de ne point avoir recours aux instructions et aux consolations hujnaines. Il donne des supérieurs qui corrigent et conseillent, des égaux qui aident à supporter et à pardonner. Mais tant qu'on reste dans le monde, il faut se conduire selon la nature des choses queiDieu a créées. Or, Dieu en créant la femme, poun être la compagne de l'homme, la doua de. toutes sortes de qualités, charmantes et' délicates, que Fhomme doit savoir reconnaître^ apprécier' et cultiyei -r- pour en jouir- Parmi ces qualités du cœur- et de l'esprit; se trouvent toutes celles qui lui sont nécessaires pour exercer dans le secret de son intimité, au- sein des affections les plus sacrées de la famille et de l'amitié, ces OEuvres de Miséricorde spirituelle, que les « dévots » onWient totalement, dans leur rage, quelquefois égoïste, de se sauver eux-mêmes.


Le témoignage des grands saints prouve mieux que tout autre, à quel point les femmes possèdent les belles et chères qualités dont nous parlons, quand ùw les invite à, les développer en elles-mêmes. S* Bonaventure dit, avec la tendre onction d'un Séraphique Rien n'est plus propre qu'une femme pieuse et prudente, pour in former l'âmcd'un homme. car ses méditations renferment un esprit viril. » Si, Jérôme parle de même; il s'écrie « Le don du'conseil a été donné aux femmes, pour confondre les hommes, qui s'en rendent souvent indignes»-. De tous les- saints,, fut peut-être celui qui eut le plus recours aux affectueuses consolations et aux influences calmantes de leur cœur. Aussi, savait-il combien leur empire peut devenir bienfaisant Mais il savait du même coup, que leur sentiment n'atteint à toutes, ses puissances, que lorsque leur intelligence est ouverte à toutes les lumières. Il dédiait donc à ses amies, ses'diverses traductions des LivresSaints, répondant à ceux qui l'en raillaient, n'avoir pas trouvé d'hommes qui en fussent également dignes. Pour agir comme les femmes, sur les âmes et les volontés, il faut non moins connaitre, comparer, réfléchir, combiner, que pour agir comme les hommes, sur le monde et la: société. Les femmes ont besoin, pour exercer leur action sur les cœurs et les êtres, d'autant de science; relative, d'intelligence intuitive, de sagesse prudente, d'esprit de conseil, que les hommes qui étendent leur action sur les idées et les choses. Quoiquece soit le cœur qui prédomine,' (et doive prédiominer), chez elles il n'en est pas moins fâcheux, de leur voir négliger les mâles pensers, les méditations fortes. Qn peut même- dire, de tous ceux qui, les éloignant de la connaissance des choses de ce monde, soit par dédain, soit pour les maintenic dans une atmosphère de dévotion exclusive, contribuent de diverses manières, à en faire des femmelettes, des demies, des quarts,


de femme, qu'ils agissent contrairement à la' prudence, et nommément à la prudence chrétienne, vertu des Saints. Non pas, que toutes les femmes, et surtout les grandes dames, aient à devenir femmes savantes, femmes politiques, maîtresses femmes. Nullement. Les incroyans ne leur en de: mandent pas tant; ils se contentent de les faire participer par le cœur, aux intérêts intellectuels, sociaux, professionnels, des hommes de leur famille. L'intelligence des femmes porte toujours les fruits que sa riche sève peut donner, quand on les tient familièrement au courant de toutes les questions auxquelles sont mêlés ceux qu'elles aiment. •" Pour en être compris, il suffit d'éviter les discours qui rentrent dans le domaine exclusif d'une spécialité. Elles n'ont pas la force intellectuelle nécessaire pour en tirer leurs conclusions, une à une, pour argumenter logiquement, monter degré par degré, de l'effet à la cause, s'élevant, pas à pas, de l'analyse à la synthèse. Mais leur jugement excelle en deux opérations, très-distinctes, presqu'opposées, qui touchent le commencement et la fin des choses; l'aperçu des petits détails, et les vues d'ensemble. Ce qui leur fait souvent défaut, c'est l'entre-deux; elles n'en tiennent aucun compte d'elles-mêmes, et ne parviennent pas toujours à pénétrer les rouages de la mécanique, quand on les leur explique. Leur faiblesse d'esprit se manifeste dans cette région où l'observation des détails ne suffit plus, et où les vues d'ensemble ne sont point encore applicables. On éveille, on avive, on active, leurs facultés, larges et subtiles, si non patientes et laborieuses, en les transportant, par un coup d'aile rapide, de l'analyse minutieuse où elles se plaisent d'abord et s'ennuient à la longue, dans les vastes horizons de la synthèse. Elles déploient alors, les plus rares qualités ,d'une bonne vue intellectuelle, soit qu'elles saisissent des


relations, des petits faits, des causes, dont la ténuité échappe aux hommes, soit qu'elles groupent les effets généraux, les masses, avec une clarté et une précision, que bien des hommes pourraient leur envier. Elles ont tantôt la vue du lynx, tantôt les perspectives de l'aigle; mais n'ayant ni l'endurance, ni les forces du cheval de labour qui trace tranquillement son sillon, la réunion de ces deux qualités, les rend moins propres à l'action, mécaniquement intellectuelle, si l'on ose dire, qu'aux conseils intimes et secrets, si précieux à quiconque a su captiver assez leur cœur, pour leur inspirer l'attention, l'application suivie, qui mettent en jeu leurs admirables facultés, quand leur sentiment y fait appel.

Il est très-malheureux que parmi les femmes pieuses, beaucoup croient superflu, de développer leurs facultés intellectuelles. Elles se renferment dans une passivité sociale, qui annule leur influence sur les hommes de leur famille; les dévotes témoignent même un éloignement si décidé, un mépris, une antipathie, une aversion telles, pour le monde et le siècle, que d'inoffensives elles deviennent nuisibles, car le mari, le frère, le fils, sentant instinctivement tout ce qu'ils n'ont pas en elle, gagnent de l'éloignement, du mépris, de l'antipathie,de l'aversion, pour la religion et la dévotion. Qui donc, n'a entendu prononcer ces paroles: «Je n'en puis rien dire à ma femme. ou, à ma mère. ou, à ma grand-mère. car elle n'y entend rien: vous savez, c'est une dévote. elle en serait bouleversée. elle croirait avoir l'enfer à ses trousses. et cela me donnerait un embarras les meilleurs disent une peine, de plus!» Les dévotes perdent ainsi toute influence réelle sur la vie sociale des hommes de leur famille; on les considère comme des espèces de lunatiques avec qui il est impossible de raisonner, à qui il faut cacher tout ce qui les contrarie, pour leur conserver la paix, afin qu'elles laissent les autres en paix.! t


Telles n'étaient pas aux premiers siècles, les femmes chrétiennes, dont les païens disaient avec admiration Quelles femmes, «es chrétiennes!» Or, si les païens les admiraient, ce n'étaient certes pas, pour leurs « pratiques » ni peut-être, pour leurs vertus purement morales, dont les exemples n'avaient point manqué parmi eux; mais bien, pour leurs vertus sociales, pour leur intelligence, leur haute raison, leur force, leur caractère viril t Quelle est la dévote de nos temps, dont on puisse vanter les vertus sociales, l'inteïHgence, la haute raison, le caractère viril? Cependant, les femmes chrétiennes, les femmes croyantes et pieuses, devraient être, à présent comme aux premiers temps du christianisme, de beaucoup supérieures aux autres, non seulement pour les vertus morales, mais pour leur intelligente immix.tion dans les affaires de Ce monde. Leur sagesse, leur douceur, leur pénétration, leur bonté, devraient de beaucoup dépasser celles des femmes qui ne croient pas, tout en restant honnêtes et vertueuses, ou qui ne croient plus, parcequ'elles ne sont plus ni honnêtes, ni vertueuses. Si les saintes femmes s'éloignent ainsi de la société, qu'en adviendra-t-iH Comme la société grecque et romaine, elle sera livrée en proie aux mauvaises femmes, coupables et criminelles, ou bien. ce qui ne serait pas un moindre mal. elle tombera au pouvoir exclusif des femmes qui, quoique honnêtes et vertueuses, ne croyant ni à Dieu, ni au diable, façonnent le cœur des hommes à une action incessamment contraire à Dieu, et favorable au diable 1 -Jadis, chaque classe avait ses carrières ou ses professions toutes tracées devant elle; chaque fils de famille était destiné à occuper dans la société, une place qui semblait l'attendre. Depuis que toutes les places sont devenues accessibles à toutes les capacités, la noblesse se retire de toutes les carrières, pour ne pas se trouver dans un voisinage


qu'elle croit au-dessous d'elle. C'est tout au plus si les charges de cour sont, à son gré, assez inatteignables au vul*gaire pour qu'elle s'y hasarde, dans les «ours qu'elle ho1 nore encore de sa présence. Mais la parfaite insignificance de ces postes, finit par en éloigner tous ceux qui préfèrent une indépendance commode, à des assujétissemens minutieux, à des obligations ennuyeuses. La grande noblesse se retire complètement de la vie du siècle, de la vie politique* de la vie publique, et cette conduite peu patriotique, déjà baptisée du mot barbare d'absentéisme, amène les plus déplorables conséquences pour elle-même, comme pour son pays. Les nobles se détournent avec dédain de l'épée, depuis que dans l'armée ils doivent obéir avant d'y commander; ils abandonnent la crosse, depuis qu'ils ne profitent d'aucun bénéfice vacant, et qu'ils sont exposés à se contenter d'un évêché pauvre I Une fois saisis de ce coupable esprit de désertion, qui leur fait négliger le service de l'Eglise et de l'Etat, le démon de la paresse les «nvahit, et l'on ne voit plus que de bien rares exemples d'hommes, portant de grands noms, comprendre le grand honneur qu'il y aurait à servir l'Eglise avec désintéressement, l'Etat avec dévouement, ou bien, à substituer la plume à l'épée, les joutes parlementaires aux joutes d'armes, la science à la dextérité, la supériorité d'intelligence à la supériorité de naissance, le courage moral au courage guerrier, le courage civil au courage physiquel Les femmes sont pour beaucoup dans cet état de choses, particulièrement les pieuses. Pourtant, ce n'est point obéir à Jésus-Christ et imiter la ffuéenée du serpent, que de s'abstenir de tout travail social, de tout action politique, refusant ainsi de payer sa dette au bien public. C'est en quelque sorte imposer des lois à la Providence, que de ne vouloir apporter sa coopération à la grande et continuelle


[lutté du bien contre le mal, du vrai contre le faux, que idans les conditions qui plaisent à notre petite vanité, qui .conviennent à notre petit égoisme.

i Il y a bien encore parmi les grandes familles, certaines destinées qui échappent à la responsabilité d'un parti à prendre, ou aux séductions des vocations spéciales, généralement contrariées. Tout semble préparé à l'avance, pour leur aplanir la route; le cadre où elles naissent," la voie ) qu'elles ont à suivre, la fin tranquille et honorable qui les j attend, si elles savent se contenter de cette existence tracée a priori, et ne pas s'en laisser distraire par des passions qu'elle ne comporte pas. Mais ces destinées qui, dans toutes les classes sont, en temps de paix, fréquentes, je dirai même les plus nombreuses, deviennent rares dans les époques agitées, où les coups du sort sont suivis de violens contrecoups, qui bouleversent tous les cadres, tous les sentiers! les berceaux et les tombes 1 Ces destinées si indiquées, deviennent presque introuvables dans une période de transition comme la nôtre, qu'on peut comparer à un déménagement universel. La société quitte une demeure, une forme, et s'en prépare une autre. Dans ce changement, tout n'est pas destiné à périr; moins que le reste, les lois constitutives de l'ordre social. Mais, tout est remanié; chaque objet est revu,

rajeuni, changé de place; chaque individu est dérangé, devant abandonner son ancien poste, pour s'accommoder à un autre. De nos jours, qui donc meurt, là, où il est né? Qui donc a vieilli, là, où il a grandi? Avec une facilité, inconnue dans les époques calmes et tranquilles, on change d'habitation, on change de contrée, on change de sphère sociale, on change.d'opinion, de parti, de patrie I

Chaque destinée presque, a des résolutions extrêmes à prendre, qui décident de tout son avenir, Chacun rencontre


un carrefour solennel, où comme le Wallenstein de Schil-i 1er, il peut dire: Le sort condescendant s'est laissé inter-| roger par ma volonté », formulant une réponse. dont on chercherait vainement à déchiffrer dans les astres, les effets] certains Actuellement, bien peu de personnes sont à l'abri de ces changemens à vue inopinés, qui transportent la vie 1 ¡ <• à l'improviste, d'un ciel sous un autre, d'une activité à une 1 autre. Les impulsions intérieures, les suggestions de l'imagination, les événemens du dehors, concourent également à, donner à chaque existence un parcours imprévu, à lui faire dessiner des courbes nouvelles. Et les femmes voudraient, au milieu d'une agitation si répandue et si contagieuse, ré. pudierlaprudence du serpent*! Elles sont bien cruellement punies, celles qui succombent à cette tentation En général, ni leur mari ne fait leur honneur, ni leur fils, leur gloire. Elles gémissent presqu'invariablement sur la futilité des uns, sur la débauche des autres, sur les mauvais principes de celui-ci, sur les mauvais sentimens de celui-là Ah Qu'elles feraient mieux de perdre moins de temps à gémir, en se promenant comme des châsses vivantes d'une église à Vautre, et de se faire compter davantage, en ne se séparant pas de tous les mouvemens, de tous les intêrets sociaux du l siècle, où la Providence les a fait naître.

Du précepte de S. Ignace, elles ne veulent pratiquer que la première partie; elles prient, comme si tout dépendait de Dieu Mais elles n'agissent pas, comme si tout dépendait d'elles 1 Leur désobéissance à la seconde moitié de la maxime, infirme l'effet de la première. Dieu n'aide pas ceux qui, vivant dans le monde, se contentent de prier, comme il aide ceux qui après avoir prié, agissent Ces femmes d'une piété mal entendue, renient également la première moitié du grand proverbe « Aide-toi » elles la croyent bonne pour des vilains,


pour des tnanans, des gueux, et non pour elles, car, à leur sens,"» Dieu y regarderait à deux fois, avant d'exiger un travail quelconque d'une personne de leur qualité. » Naïve illusion I Ceux qui n'ont pas gagner leur pain jour par jour, doivent faire plus et mieux 1 Les belles dames du beau monde, tout comme les autres, doivent s'aider, en aidant leur mari»1 leurs frères, leurs fils, à faire le bien et à combattre pour la vérité, avant que le ciel les aide. Compter sur l'aide du ciel, sans qu'on ait remué le petit doigt de ses jolies mains, pieusement jointes à l'église, sans qu'on se soit un peu séché la \cervelle, rompu un peu la tête, sans qu'on se soit fatigué la 'pensée, pour trouver moyen d'encourager celui-ci, de consoler celui-là, de secourir un tel, de fortifier tel autre, comme font les femmes qui ne vont pas à l'église, c'est mal compter. c'est compter sans l'hôte de ce monde, l'ennemi du genre humain, auquel Dieu permet de susciter les maux que les bons et les croyans lui laissent accomplir t Comment ne pas se souvenir, en présence d'un si incroyable désœuvrement, des paroles de l'Esprit-Saint: « Oht l paresseuxl Va, considère le travail de la fourmi, et apprends d'eue à être sage. Elle, sans avoir ni maitre, ni précepteur, ni prince, elle prépare durant l'été les conditions de sa vie, et quand vient la moisson, elle s'approvisionne de nourriture. Jusqtœs Ii quand, ù paresseux 1 dormiras- lu? Quand donc, U réveilleras-tu? Tu dors un peu, tu sommeilles un peu, tu te frottes un peu les mains pour te reposer, et l'indigence comme un voleur, te surprend, et la misère comme un homme armé, t'abal /(Prov.)

N'est-ce point à ce contraste entre les femmes Croyantes, pour la plupart oisives, inertes, ignorantes, inutiles, par conséquent sans influence sociale, et les femmes incroyantes, instruites, savantes souvent, d'une activité admirable, tou-


jours utiles à quelqu'un ou à quelque chose, par conséquent tenant en leur main le cœur palpitant des hommes, qu'il faut attribuer un fait très-regrettable en lui-même, et trop bien avéré, hélas! Je veux parler de l'infériorité des partis politiques qui soutiennent les principes religieux et sociaux, comparés aux partis qui les attaquent? Aujourd'hni, cette infériorité de talent, d'action, de prépondérance, est hautement constatée.

Le parti conservateur, déjà inerte en politique, est d'une

indifférence si prodigieuse pour les intérêts de la religion, f parceque, j'ose l'affirmer, ses femmes ne connaissent pas au juste, ce qui se passe dans le monde sublunaire, sur la' terre des vivans. Elles ne s'informent de rien avec calme, ne prennent intérêt à rien avec discernement, et n'acquèrent ainsi ni la science, ni l'intelligence des temps actuels. Elles regrettent le passé, sans songer qu'il ne faut pas dire: pourquoi les temps anciens furent-ils meilleurs? car une telle question est insensée. (Eccl.) Demeurant ainsi en dehors du présent, ces femmes ne peuvent avoir le don de conseil, et ne sauraient inspirer la sagesse chrétienne.

Ce qui, en politique, comme en religion, caractérise trop souvent ceux qu'on nomme les bons c'est une passivité, une insouciance, une incurie, qui justifient trop souvent, les mécontentemens, les révoltes, les aggressions des remuans. Pourtant, il n'y a pas de temps à perdre, Un homme d'esprit l'a dit: Le monde, conduit jusqu'ici par les minorités traditionnelles, risque d'être entrainé par des majorités improvisées». En présence d'un tel péril, le parti conservateur se, trouve dans tous les pays, hormis l'Angleicrrc, sans portée, sans consistance, sans chefs, sans organisation, sans discipline, sans unité, sans action surtout, au rebours du parti révolutionnaire, du parti des a-lhéistes. des cm-anhisles, des a-


thaudistes, des a-gamistes, si merveilleusement organisé et discipliné partout. Or, si les conservateurs sont indispensables en toutes choses, dans la politique comme dans la législation, dans les lettres comme dans les sciences, pour modérer de leur frein salutaire, l'impulsion motrice des novateurs, il est certain que la plus sainte, la plus nécessaire, et la seule indispensable, de toutes les conservations, est celle de la religion, dont découlent tous les principes éternels, toutes les maximes de la vraie sagesse, toutes les sentences de la prudence chrétienne. Etrange spectacle 1 Ce que les conservateurs conservent le moins, c'est la religion, qu'ils devraient conserver le plus Ceux qui ne savent pas, ni pourquoi ils doivent croire ce qu'ils doivent croire, ni ce qui est de précepte et ce qui est de conseil, ne sauront pas toujours distinguer ce qui est bien de ce qui est mal, ni ce qui est pour leur bien, de ce qui est pour leur mal Ils perdent ainsi avec la simplicité, la prudence qui doit caractériser les forts, et accompagner les faibles. Ils vont au hasard, à tâtons ils laissent au Seigneur de sauver la barque de S. Pierre. La barque sera sauvée, le monde aussi, et le Seigneur en aura la gloire. Mais les hommes, en auront-ils le mérite1? '1

Les personnes qui, sans quitter ces douceurs de la vie sociale, de la vie de famille, qui constituent le bonheur du vivre » ne veulent pas s'aventurer sur le champ de bataille de l'actualité, préfèrent les jeûnes et les pénitences, à la dure tâche de combattre «le grand combat», m'ont fait penser parfois, avec un mélancolique attendrissement, aux soldats de l'Empereur Nicolas de Russie. Ils étaient sans cesse sous les armes; ils obéissaient sans cesse à cette rigoureuse discipline qui faisait expier sous les verges, un uniforme mal brosse. Aussi, les croyait-on, des lions dévorans. Leurs chefs


comptaient sur eux, comme sur des légions invincibles. Pourtant, quand arriva l'heure du vrai combat, du combat' décisif, qui devait donner ou faire perdre la victoire, à leur cause, le moment solennel trouva tous ces soldats énervés, sans vigueur, sans énergie, doux et faibles, comme une troupe de daims I On les avait habitués aux monotones fatigues des vaines parades, aux insipides et infructueux ennuis des revues sans fin; mais comme ils n'avaient point entendu parler d'une patrie à défendre, d'un nom glorieux à faire retentir dans des chants de triomphe, d'un honneur traditionnel et commun à sauver, ils ne connaissaient pas l'enthousiasme de la lutte, et ne savaient où prendre les inspirations du courage. Puissent les chrétiens, qui appartiennent à la milice de Dieu, ne jamais ressembler à ces soldats du Czar 1 Ils avaient appris à supporter, dans les marais du Nord ou sous le soleil du Midi, la faim et la soif, les vermines qui les empestaient, les ophtalmies qui les aveuglaient, attendant avec une silencieuse impatience, le seul terme de leurs maux, la mort t Qu'en advint-il? Lorsque l'ennemi du dehors survint, lorsqu'il fallut pour défendre les foyers domestiques, repousser des conquérans, puissans, bien armés, bien avisés, ces soldats si patiens devant la faim et la soif, si familiarisés avec l'insomnie et la maladie, ne songèrent qu'à mourir, comme s'il s'agissait d'une nouvelle revue, semblable à celles de Kalisz et de Voznesensk. En voyant leurs compagnons tomber comme des mouches à leurs côtés, ils les félicitaient, disant,' «leur martyre est ainsi, plutôt terminé I La désertion ne se mit point dans les rangs du Czar; ses fidèles mouraient, résignés et passifs, avec un sourire de joie qui leur survivait,' et surprenait jusqu'au fatalisme des turcs 1 Cependant, leur patrie avaient besoin de vivans, non de morts. Mais ils ne se doutaient seulement pas, dans leur simplicité sans pru--


dence, que la grandeur de cette patrie avait subi un échec 1 Que sa terre était violée, sa gloire évanouïe, son souverain couvert de confusion, son avenir exposé t Le Czar, eut payé cher alors, pour que la moitié de son armée désertât, et que l'autre fut une cohorte de héros 1 Quel secours la « Sainte Russie., a-t-elle trouvé ea cette fidélité apathisée, sans feu, sans nerf, sans science, sans intelligence, et sans, discernement 1 "La simplicité et la prudence doivent, imprégner l'esprit, de manière à informer ensemble tous les actes, quoique dans les uns c'est la première, dans d'antres, la seconde de ces qualités qui prédominent. En, majeure partie, la simplicité se témoigne dans l'intention et. précède l'action. BienJmirewtr l'homme qui se fie à son- Dieu, et met son espérance dans- le S°igneur,_ dit Jérémie. Il sera comme un arbre planté près- d'une source, donl les racines s'étendent vers Veau; il ne craint pas la canicule quand elle arrive. Ses feuilles verdissent, car la sécheresse ne lui fait pas de mal, et il ne cesse pas, de donner des fruits.

La prudence dirige l'action, indique les moyens, inspire cette défiance qui dicte les précautions utiles et salutaires, tout en les empêchant, deidevenir exagérées comme il arrive dans les personnes privées de simplicité. Elle outrent les mesures | préventives, ce qui, est un défaut-; l'homme ne peut tout

prévoir, cela est évident, et à force de vouloir tout prévenir, il s'embrouille- dans- ses propres lacs. Ea simplicité et la prudence- doivent être réunies dans les soins qu'exige notre existence spirituelle, et notre existence temporelle. Elles doivent pénétrer, de leur double et constante influence, l'activité que, dans- la prière et dans les œuvres, nous consacrons au bien de notre êire et de notre, avoir immatériel: la foi et la justice; comme au, bien de; notre être et de notre avoir matériel notre vie, notre santé, notre propriété.


La prudence recommandée par Jésus-Christ, se résume dans ce précepte du Sage d'Israel Mon fils, sache reconnaître le temps opportun, et fuir h mal. (Ecc.) Pour fuir le mal, il faut la simplicité de la colombe, qui demande à la, foi de lui enseigner les fins dernières auxquelles doivent tendre les sentimens du cœur, les actes de la vie, ta justice des désirs de notre âme et des oeuvres, de nos mains 1 Pour reconnaître le temps opportun, il faut recourir & fe prudence du. serpent, qui enseigne; les moyens l'es plns, directs, les plus sûrs, les plus appropriés au but: fuir te mal. C'est pourquoi dans une vraie chrétienne, qui mérite- ce beau titre, simplicité de cœur et prudence d'action, sont inséparables, car si, à elle seule, la simplicité d'intention ne sajljat pas, ici-bas, la prudence dans l'action à; elle seule, suffit encore moins là-haut, et même ici-bas.

Quoique la prudence humaine soit souvent plus active, plus féconde en ressources que la prudence chrétienne, elle désapprend toutefois beaucoup de choses qui servent de fondement » la vraie sagesse. Elle ne tient plus nul compte, de la piété, et pourtant, la piété renferme un esprit d'intelligence (Sag.) La Piété, quand elle n'est point désunie des- autres dons du Saint-Esprit, donne l'intelligence des choses de, Dieu, des xolontés célestes; or, toutes les prospérités qui' leur sont. contraires, passent comme l'ombre. (Ps.).Dans l'Ancien-Testament nous voyons. le Prophète Dalaam bénir, là, où il voulait maudire, pour nous prouver combien l'intervention de la Providence se joue de tous les calculs humains. Toute prudence dénuée de piété, est une prudence humaine, et l'Esprit-Saint qui propose pour exemple à la fainéantise, à l'incurie, à l'indolence de l'homme, l'activité et la diligence de la fourmi l'avertit de ne point prendre exemple sur la prudence des impies. Maudit soit, s'écrie


Jérémie, l'homme qui s'appuie sur d'homme, quicherche son soutien sur un bras de chair et dont le cœur s'éloigne ainsi du Seigneur. lî se trouvera dans un désert desséché, sur un terrain stérile et inhabitable. H sera semblable au tamariné du désert. et le bien lorsqu'il arrivera, ne lui servira plus 1. Quelle fréquente application, ces dernières paroles ne trouvent-elles pas, dans l'histoire des individus, des familles, des dynasties, des peuples Il n'est pas impossible à la prudence humaine, à la prudence des impies, d'obtenir des effets surprenans, des succès imprévus, et de grandir ainsi dans l'estime des hommes. Ce qui lui est impossible, c'est de toujours conserver ces biens, puisqu'elle ne peut compter snr le Destin, cette force reconnue de tous les hommes, comme supérieure à toute sagesse 1 Les uns l'appellent Fatalité, les chrétiens la nomment Providence. Cette force supérieure à toute sagesse, ne favorise pas toujours le juste, mais l'impiété ne sauve pas non plus l'injuste (Eccl.) Malheur donc, à celui qui édifie sa maison sur l'injustice f dit encore Jérémie. Malheur, à qui ne bâtit point ses demeures sur l'équité d à qui opprime sans raison le faible. Ici, le Prophète, s'iuterrompant tout d'un coup, demande: Mais le cœur de tous ces pervers, qui le connaît? Moi, dit le Seigneur. Je scrute les cœurs, et je donne à chacun selon le fruit de ses pensées, et selon ses œuvres. Les enfans du siècle, oublient ces avertissemens et ces menaces. Ils finissent par agir, comme s'ils ne savaient pas, que le vin enivre celui qui le boit,' et de même l'homme superbe reste dépouillé de son honneur. (Haba.)

pue Carolyne Wittgenstein

née Iwanowska.


TABLE DES MATIÈBES.

I.

De la Simplicité en matières de toi, spécialement nécessaire en présence des deux principales objections, faites par tes incroyans

1° l'Univers est trop grand pour avoir été créé en vue de l'homme

2° la Palestine est trop petite pour avoir renfermé l'existence d'un Dieu 3 II.

De la Prudence en matières de foi, spécialement nécessaire pour faire cesser l'ignorance des croyans

pour inspirer des formes plus courtoises à leur polémique. 3° Celle-ci demeure infructueuse, lorsqu'elle attaque outre-mesure notre siècle, lorsqu'elle défend outre-mesure le moyen-âge, lorsqu'elle condamne outre-mesure la renaissance. 41 III.

De la Simplicité dans la conduite:

1° par l'acceptation, sincère et joyeuse, des -volontés de Dieu, dans les choses et les evénemens indépendans dfl toute volonté; par la constante demande des lumièi'03 célestes qui nous aident


à reconnaître ce que nous avons de mieux et de plus excel-

lent il faire, afin d'nnir par-là, notre volonté h celte de Dieu 91 IV.

De la Prudsnee dans la conduite:

i" en ne nous contentant pas de prier, comme si tout dépendait de Dieu, mais en agissant comme si tout dépendait de nous;

20 en reconnaissant la nécessité pour tous les croyans, et 1'obligation pour les femmes pieuses, d'exercer une influence inces-

sante sur les choses et le* hommes du siècle Ii6

j