Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 354 sur 354

Nombre de pages: 354

Notice complète:

Titre : Commentaires sur les Mémoires de Fouché ; suivis du Parallèle entre Napoléon & Wellington / P.-J. Proudhon ; manuscrits inédits publ. par Clément Rochel

Auteur : Proudhon, Pierre-Joseph (1809-1865). Auteur du texte

Éditeur : P. Ollendorff (Paris)

Date d'édition : 1900

Contributeur : Rochel, Clément (1863-1919). Éditeur scientifique

Sujet : Fouché, Joseph (1759-1820)

Sujet : Guerres napoléoniennes (1800-1815) -- Opérations militaires

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb340205419

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : LVII-290 p. ; in-8

Format : Nombre total de vues : 354

Description : Appartient à l’ensemble documentaire : GTextes1

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k109845d

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, La33-58 (bis)

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99%.


7, V COMMEKTAIHESSUH LES

MÉMOIRES DE FOUCHÉ


ŒUVRES POSTHUMES DE P.-J. PROUDHON

Jésus et les Origines du Christianisme (In-8, chez G. Haviii'il fils). Manuscrits inédits, publiés avec Introduc-

lion et notes par Clément Rociiel.

Napoléon I" (In-18, chez Montgrûdicn et Cie). Manuscrits inédits, publiés avec Introduction et. notes par Clément

HoniiEL.

EN PHÉPARATION

Napoléon III.

Les Carnets de P.-J. Proudhon.


MÉMOIRES DE FOUGUE

NAPOLÉON & WELLINGTON

SOCIÉTÉ D'ÉDITIONS LITTÉRAIRES ET ARTISTIQUES LIBRAIRIE PAUL OLLENDORFF

P.-J. PROUDHON r

COMMENTAIRES SUR LES

SUIVIS DU PARALLÈLE ENTRE

̃̃' MANUSCRITS INÉDITS PUBLIÉS PAR

CLÉMENT ROCHEL

PARIS

50, chaussée D'ANTIN, 50

1900

Tous droits réserves


II. A KTli TIRÉ A l'A HT

Cinq exemplaires sur papier de Hollande numérotés


COMMENTAIRE

SUR LES

MÉMOIRES DE FOUCHÉ


MÉMOIRES DE FOUCHÉ

'NAPOLÉON & WELLINGTON

SOCIÉTÉ D'ÉDITIONS LITTÉRAIRES ET ARTISTIQUES LIBRAIRIE PAUL OLLENDORFF

P.-J. PROUDHON

COMMENTAIRES SUR LES

SUIVIS OU PARALLÈLE ENTRE

"manuscrits inédits PUBLIliS PAR

CLÉMENT ROCHEL

PARIS

50, CHAUSSÉE D'ANTIN, 50

1900

Tous droits réservés


INTRODUCTION

En septembre 1824, les Mémoires de Joseph Fouché, duc d'Otrantc, ministre de la Police Générale', furent publiés à Paris. D'après Quérard et Barbier, ces Mémoires2 avaient été rédigés par A. de Beauchamp, à l'aide de notes four nies par Louis-Pascal Jullian.

Beauchamp et Jullian étaient bien renseignés. Agents de Fouché, tous les deux, ils devaient fort bien connaître l'ex-conventionnel qui, par le hasard des circonstances et une force de volonté peu commune, joua un rôle prépondérant durant un quart de siècle presque et contribua puissamment à l'édification et la ruine du régime impérial.

A Paris, chez Le Rouge, libraire, rue Saint-AndriS-desArts, Cour du Commerce. 2 vol. in-8°.

2. Cf. SupKnciiEHJEs LiTTisnAinEs, art. Fouché.


Un contemporain, Vieillard, ancien député, puis sénateur, explique dans l'Encyclopédie des Gens du monde quc ces Mémoires, juridiquement apocryphes, ont été composés d'après des notes autographes et des documents authentiques de Fouché. C'est ce qui paraît probable, d'autant plus que l'ancien Ministre de la Police semble préoccupé de laisser des Mémoires, si on en juge par ce passage d'une étude qui lui fut consacrée en 1815, et dont la publication fut peut-être faite par ses amis « Nous donnerons un supplément à cette note biographique, lorsque nous connaîtrons les Mémoires du Duc; on dit qu'ils retracent dans toute leur vérité et avec une noble franchise les événements qui, depuis trente ans, ont amené les révolutions diverses et qu'ils appellent forcément l'attention sur ceux qui peuvent en préparer de nouvelles'. »

En tête des Mémoires de Fouchê, figure un avis du libraire-éditeur dont voici les lignes il retenir: « J'ai voulu être sûr de ne blesser ni 1. Précis de la vie publique du duc d'Otrante. Londres, Leipzig et Amsterdam, 1816, p. 153. Cet ouvrage, très favorable à Fouché et sans grand intérêt documentaire, a été réimprimé en 1819, il Paris, chez Plancher, sous ce titre Mémoires sur la vie publique de M. Fouché, duc dïOtrante.


les lois ni les hommes, ni le gouvernement de mon pays. N'osant rien rapporter à moi-même, j'ai consulté un homme exercé, et il m'a rassuré complètement. Si je lui ai demandé quelques notes, c'était plutôt pour constater l'indépendance de mes opinions que pour offrir un contraste entre le texte et les commentaires. Mais quoique les notes soient clair-semées, elles ont failli me ravir la publication, de ces Mémoires, posthumes.

« Enfin, l'intermédiaire chargé de remplir les intentions de l'auteur s'est rendu à mes raisons, et je crois pouvoir annoncer. au public que je ne tarderai pas à faire paraître la seconde partie des Mémoires du duc d'Otrante. »

11 semblerait résulter de ce passage que M.Jullian, très probablement l'intermédiaire dont parle l'éditeub– qui était resté attaché à la mémoire de Fourché, s'opposa autant qu'il le put à la publication de notes qui dégageaient la responsabilité du libraire par leur-sévérité même à l'égard de l'ancien Ministre. Ces notes sont vraisemblablement de Beauchamp, qui avait été chargé de la rédaction et comptait parmi les dix ou douze teinturiers auxquels on doit les


Mémoires les plus intéressants de cette époque (Constant, Bourrienne, Fouché, Borel, etc., etc.).

Quelques notes sur MM. de Beauchamp et Jullian doivent ici être rappelées.

Alphonse de Beauchamp naquit il Monaco, en 1767. Fils d'un chevalier de Saint-Louis, major de place, il entra en 1784 au service du roi de Sardaigne, en qualité de sous-lieutenant dans le régiment de la marine.

Son séjour en Piémont fut marqué par des galanteries sans nombre et par quelques productions satiriques. Au moment de la Révolution, il ne voulut pas servir contre la France. 11 donna sa démission, et, devenu suspect, fut emprisonné la Brunette, puis au château de Ceva.

Il rentra en France, sa fortune perdue, et trouva bientôt un emploi dans les bureaux ministériels', au Comité de la Sûreté générale d'abord; f. Certificat de Chepy, commissaire général de police, daté de Brest, prairial an XII, constatant que Beauchamp, exemployé dans les bureaux du Ministère de la Police générale,


et, sous le Directoire, au Ministère de la Police, comme attaché il la surveillance de la presse. Il collaborait, d'ailleurs, régulièrement, il plusieurs journaux.

C'est lui qui rédigea, avec d'autres collaborateurs, la table alphabétique et analytique du' Moniteur. Il publia plusieurs écrits, parmi lesquels Le Faacx Dauphin (1803, 2 vol. in-12) Histoire de la guerre de Vendée et des Chouans(3 vol. in-8°, 1806), dont la troisième édition parut en 1807 et fut saisie, comme étant trop ouvertement royaliste.

Fourché témoigna alors son mécontentement il Beaucharnp, pour la publication de cet ouvrage, dont l'impression avait été cependant autorisée il prétendit que l'auteur s'était servi des matériaux qu'on lui avait confiés à la police administrative où il étail employé 1. En réalité, les pièces a rempli pendant neuf mois la fonction de secrétaire en chef du Commissariat.

Le 7 messidor an XII, il demandait sa réinlégration, dans la Police, de rédacteur qu'il avait été pendant plusieurs années au Ministère de la Police générale. Il habitait alors rue de Grenelle-Sainl-Germain, n° 17a, près la rue des SaintsPères.

1. Le 4 ventôse an XII,. Réponse il la note du 9 pluviôse dernier, qui annonçait la publication prochaine de Y Histoire


communiquées, par ordre de Real, à Beauchamp n'vvaient de rapport qu'aux événements postérieurs a la pacification de la Vendée, et il n'en avait pas fait usage1.

On profita de ce prétexte pour le révoquer.

ctc la guerre de la Vendée. Il dit que c'est à tort que l'on prétend que, dans cette histoire impartiale, doivent figurer plusieurs lettres de l'evéquc d'Orléans (Bernier) et dans lesquelles respire l'esprit animant* alors les chefs vendéens. Il demandait qu'on vérifiât l'exactitude de ces renseignements.

« Il résulta des informations prises que l'ouvrage de M. de Beaucltamp est annoncé dans la librairie comme devant être imprimé à Paris, mais que, jusqu'à ce jour, il ne l'a encore confié aucun imprimeur. La surveillance se continue et l'on le fera connaître les résultats Il. ARCHIVES. F. 7, 6455.

1. 8 avril 1807. Division de Sûreté générale. Lettre confidentielle au préfet de Loir-et-Cher pour faire surveiller Beauchamp, qui a pris un passeport pour Blois. Cette lettre est accompagnée d'un signalement du 2t mars 1807

i< Beauchamp (Alphonse), homme de lettres, natif de Monaco, Alpes-Maritimes, demeurant rue de Grenelle-SaintGermain, no 20. Agé de 39 ans. Taille de lm,65; cheveux et sourcils bruns, front ordinaire, yeux noirs, nez petit, bouche moyenne, barbe brune, menton à fossette, visage oval (sic), teint ordinaire. » Archives, F. 28 octobre 1807. Lettre du préfet de Loir-et-Cher annonçant que Beauchamp (arrivé à Paris le 2!t ou 26 courant) a recueilli dans le pays beaucoup de notes pour la 3° édition de son Histoire de la Vendée: ci Je crois qu'en général ces notes lui ont été fournies par des personnes qui ne souhaitent pas que l'on fasse dans cet ouvrage l'éloge des républicains. D'après une première lettre du préfet de Loir-et-Cher (3 mai 1807), Beau-


Suspect à cause de ses relations avec les royalistes, longtemps surveillé par la police, il fut arrêté en 1809, parce qu'on avait saisi une lettre de lui dans les papiers de M. A. de La Rochejaquelein 1. Il se. trouva exilé pendant quelques mois, à Reims'2.

champ s'était surtout renseigné pour son Histoire auprès de M. Dubin-Grandmaison, chanoine du diocèse d'Orléans, en résidence à. Blois, autrefois curé en Vendée, et qui avait assisté aux principaux événements de la guerre, ainsi qu'auprès de M. Salaberry.

1. « 4° arrondissement. Le 4 août 1809. Beauchamp, (Alphonse), âgé de quarante-deux ans, natif de Monaco, AlpesMaritimes, arrêté comme ayant d'après ses lettres écrites à La Rochejaquelein vendu sa plume au parti des Vendéens et des Chouans. Cet individu a déclaré que, depuis longtemps n'ayant d'autres ressources que ses ouvrages, il avait été obligé d'accepter la somme de 4.000 francs que lui avait prêtée La Rochejaquelein pour faire une édition complète de l'Histoire de la guerre de Vendée, mais que, d'après l'avis qui lui fut donné par M. de Narbonne, il avait fait suspendre surle-champ l'impression de cette édition complète. Il a a,jouté qu'il aurait désiré recevoir d'une autre main pour rester plus indépendant, mais qu'il n'a pas eu le choix.

« On a remarqué (sic) dans ses papiers que sa correspondance avec cette famille et un manuscrit sur le comte de Rochecolte, traité avec la même partialité que l'avait été La Rochejaquelein et autres chefs vendéens dans l'Histoire de la guerre ttc la Vendée. Son Excellence est priée de vouloir bien faire connaître ses intentions il l'égard du sieur Alphonse Beauchamp. » Archives. F. 7, 6i5S.

2. La réponse du Ministre ne se fit pas attendre.

On le mit en liberté, mais en surveillance, dans son départe-


Mais il revint ensuite à Paris, en 1811, après avoir signé l'engagement écrit de ne plus rien publier sur la politique contemporaine. De 1811 il collabora à la Gazette de France; puis il entra comme employé dans les DroilsRéunis, dont François de Nantes était directeur général. 11 quitta cette place, un peu forcé, en 1814.

Et, dès lors, il ne s'occupa plus que de travaux littéraires. Il publia, en 1815, une Histoire de la campagne de 1814 (2 vol. in-8°). Une deuxième édition, parue en 1816, fut augmentée de la cam- pagne de 1815 et forma 4 volumes in-8\ Cet ouvrage lui attira un procès de,la part de M. Bouvier-Dumolard, ex-préfet de Tarn-et-Garonne, qui le poursuivit comme calomniateur pour l'avoir présenté comme responsable de la bataille de ment: Relégué son pays natal, il demanda, cause des frais du voyage, de se rendre à Meaux, Senlis ou Melun. Il fut envoyé à Reims le 11 aoùt. Le 6 novembre, il écrivait à Fouché pour demander de rentrer à Paris, ce qui lui était accordé au mois de décembre (par une décision du f décembre). Le 8 janvier, il arrivait à Paris et signait à la Préfecture de Police « l'engagement de cesser ses écrits et sa correspondance avec les hommes qui ont pris part aux troubles des départements de l'Ouest. » (Note dé .police du 19 janvier 1810.)


Toulouse (16 avril 18 14) en retenant à Moutauban le colonel Saint-Simon, porteur de dépêches annonçant la Restauration.

Le 27 décembre dans une lettre datée de Versailles, rue de la Cathédrale, n° 2, il adressaità M. Corbière, ministre de l'Intérieur, une demande d'emploi, ou plutôt sa réintégration dans l'emploi qu'il avait eu à la Police sous l'Empire

« Forcé, dit-il dans cette lettre, de me créer des ressources, je fus employé successivement dans diverses administrations de l'Etat. J'occupais en 1806 une place dé rédacteur dans les bureaux de la Police administrative, quand je publiai, en 1806, l'Histoire de la guerre de la Vendée. Montrer à toute -la France, comme des héros, les principaux chefs de cette guerre royale qu'on appelait brigands, depuis l'origine, des troubles, était une entreprise har die; je réussis aux yeux de l'élite de. la- nation mais, dès lors, je fus en butte à une persécution injuste et violente; elle ne vint pas du chef de l'Etat, mais de la faction régicide dont Fouché était l'âme. Il m'ôta la place que j'occupais dans ses bureaux; par là il me fit perdre quatorze ans de travaux et de services publics; je fus même exilé et longtemps persécuté. Ces


iniquités de la Police impériale n'ont,pas encore été réparées sous leGouvernement des Bourbons.» Il rappelle ensuite que le roi a accepté l'hommage de son livre, la Vie de Louis XVIII, et que le Ministre de la Maison du roi vient de souscrire pour deux cent cinquante exemplaires in-8". Et, bientôtaprès, il adresse une nouvelle demande à M. Franchet, directeur général de la 'Police.

Cette lettre', datée de Versailles, Pavillon Bauregard, est du 11 janvier 1822.

« Employé jadis à la Police générale comme rédacteur, je fus victime, vous le savez, d'un acte arbitraire du régicide Fouclié qui, m'ôtant mon emploi, me fit perdre quatorze ans de travaux et de services publics; par là, il voulut me punir d'avoir prouvé, le premier, à la France et à l'Europe, dans mon Histoire de la guers°e de la Vendée, que les chefs vendéens n'avaient pas été des brigands, mais des héros. « Je puis le dire, je suis un des hommes de France qui, témoins de toutes les scènes de la Révolution, après avoir vu la cour de Louis XVI, ont acquis sur les événements contemporains, sur les hommes Cette lettre se trouve aux Auchives, F. 7, 4380


et les choses, le plus de lumières théoriques et pratiques. En portant mes méditations sur la politique, je les dirigeai aussi sur la haute Police qui en est une branche essentielle, puisqu'elle peut et doit concourir l'affermissement de l'ordre public. Malheureusement, ces ressorts étaient restés dans des mains suspectes. A peine les ai-je vus passer enfin dans des mains royalistes que j'ai conçu l'espoir de servir le Gouvernement d'une manière utile. C'est dans cette vue que j'ai l'honneur de vous proposcr d'adresser sous vos auspices, à Son Excellence, une correspondance secrète sur tous les objets et sur tous les points qui pourraient intéresser la sûreté de l'Etat, la personne du roi et la famille royale; mais je désire que vous seul, Monsieur le Directeur général, en soyez l'intermédiaire.

Cette demande avait été faite d'après les instructions verbales que le directeur de la Police générale avait données à A. de le 10 janvier 1822. Elle n'eut d'ailleurs aucune suite, pas plus que les précédentes.

A. de Beauchamp avait obtenu en décembre 1815 la décoration de la Légion d'honneur. 11 mourut du clioléra le 1er janvier 1832. Il était,


disent ses biographes, de moeurs très douces et d'un caractère très sûr. Nous allons voir, à présent, ce qu'était son collaborateur des Mémoires de Fouchè.

Pierre-Louis-Pascal Jullian naquit il Montpellier, vers 1769. Son père, directeur des domaines du roi, venait d'acheter une lieutenance dans les gardes françaises, lorsque ce corps fut licencié à l'époque de la prise de la Bastille.

Il résolut alors d'entrer dans la magistrature, et se rendit il Montpellier pour faire ses études de droit. Mais le décret du 6 septembre 1790, qui supprima les parlements, vint encore lui fermer cette carrière.

Il se jeta dans le parti opposé à la Révolution, et son exaltation politique l'obligea à. quitter Montpellier. Arrivé à Paris au moment où Louis XVI venait d'être arrêté il Varennes, il réussit se faire présenter au roi, et l'instruisit des dispositions qu'on avait prises dans les sections pour assaillir le château le 10 août, à la pointe du jour. Il put s'échapper pendant cette


journée, après avoir vainement essayé d'entrer dans le château.

Il se cacha d'abord chez un ami, à Clichyla-Garenne. Mais, arrêté à Versailles, le 8 octobre 1793, il y subit une captivité de treize mois.

Mis en liberté, trois mois après, le 9 thermidor, il embrassa par reconnaissance le parti des thermidoriens, se lia avec Fréron et Barras, et ̃ parut il la tête de la Jeunesse dorée.

Le 10 germinal an III (30 mars 1795), Jullian présenta il la Convention une adresse dans laquelle il demandait le jugement de BillautVarennes et de Collot d'Herbois (mis en état d'accusation et d'arrestation par un décret du 2 mars). Dénoncé dans cette séance comme chevalier du poignard par Bourdon de l'Oise, il faillit être arrêté.

Pendant les insurrections du 12 germinal (le, avril 1795) et lor prairial (20 mai), Jullian engagea les sections à défendre la Convention et faillit partager le sort du député Féraud. Lorsque au 13 vendémiaire (5 octobre 1795), la «Jeunesse dorée » abandonna le parti de la Convention pour se jeter dans celui des sectionnaircs, il


resta fidèle à cette assemblée et accompagna Fréron à Marseille pour y arrêter les progrès,de la réaction.

Le 30 avril 1797, il fit insérer dans le Moniteur un article dans lequel il demandait que La Fayette, détenu dans les prisons d'Olmulz, fût rendu à la liberté et compris dans le traité de paix qui allait se conclure entre la République et l'empereur d'Allemagne.

Accusé, après le 18 fructidor, d'avoir participé à la radiation d'un émigré, il fut arrêté, détenu au Temple pendant six mois et acquitté à l'unanimilé, le 5 mars 1798, par le tribunal criminel de la Seine. En 1809, il avait été envoyé en qualité de chef d'escadron à la Garde nationale, auprès du maréchal Bcrnadotte, chargé de repousser l'invasion anglaise contre Anvers. Il fut pendant deux mois son officier d'ordonnance. Agent de Fouché, Jullian, il l'époque de la disgrâce de son patron, en 1810, faillit être enfermé a Vinccnnes. Il obtint cependant la permission de se rendre en Franche-Comté, où il resta quelques mois. Il reçut ensuite du directeur des Droi(s-Réunis une commission pour se rendre en Italie exil déguisé, car il lui était


interdit de repasser les Alpes sans nouvel ordre. Il re vin Vjx Montpellier en 1815, et, cause des passions qui soulevaient alors le Midi, il dut se réfugier à Bruxelles où il rédigea un grand nombre d'articles dans la Galerie historique des Contemporains (Bruxelles, 1817-1819, 8 vol. in-8°). Il en fut le principal collaborateur avec Lesbroussart et Van Gennes.

D'ailleurs, à colle .époque, il avait déjà publié plusieurs ouvrages, parmi lesquéls Mémoires sur le Ilidi (Paris, an IV, in-8") Fragments historiques et politiques ( Paris, 1804) Souvenirs de ma vie, par M. de J. (Paris, 1815, in-8"). Il mourut en 1836.

Le premier volume des Mémoires de Fouché

parut en septembre 1824. Deux événements d'importance accaparaient l'attention du public: la mort de Louis XVIII (16 septembre 1824), et le crime de Papavoine. Il est certain que ces circonstances contrarièrent le retentissement de ces Mémoires.


Néanmoins, les héritiers de Fouché s'empressèrent de protester. Ils annoncèrent qu'ils allaient poursuivre l'éditeur devant les tribunaux. Le Journal des Débats et le Moniteur insérèrent leur réclamation, ainsi que la réponse de Le Rouge, l'éditeur, offrant de prouver l'authenticité des Mémoires.

D'autre part, les Mémoires, avant et pendant les débats, soulevaient de vives protestations.

Le Constitutionnel du 26 décembre 1824 publiait cette lettre d'Adolphe Thibaudeau, adressée au rédacteur en chef'

« Monsieur, le premier volume des prétendus Mémoires de Joseph Fouché, duc d'Otrante, a donné lieu, devant les tribunaux, à un procès intenté par les héritiers du duc d'Otrante, qui désavouent cette publication. 11 résulte de ce qui 1. Après avoir pris un rôle important et très honorable dans la Convention, Antoine-Claire Thibaudeau avait été fait, après le 18 brumaire, conseiller d'Etat, puis préfet de la Gironde, et, en 1808, comte de l'Empire. Privé de ses emplois, lors de la première Restauration, membre de la Chambre des pairs, au retour de Napoléon, il fut obligé de s'expatrier en 1815 et parcourut la Suisse et l'Allemagne avant de se fixer à Prague, où il mourut en 1823.

Les Mémoires qu'il avait écrits pendant son exil furent publiés en 1824 par son fils, Adolphe Thibaudeau (2vol. in-8°). Ils sont un peu déclamatoires, mais très intéressants.


s'est passé à l'audience que cet ouvrage n'est qu'un libelle de pure invention 1.

(c Cependantlesecond volume vienlde paraître. Je laisse au public à prononcer sur un écrit où, insultant à la fois a la faiblesse et au malheur, on attaque des femmes qui ne peuvent se défendre et des hommes frappés par la mort ou par la proscription. Mais les faits sont si graves, pour ce qui concerne mon père, que je ne dois pas différer d'un instant une protestation formelle. Je déclare donc fausses et mensongères toutes les allégations que renferme ce volume sur la conduite dé mon père en 1814 et en 1815, et je porte l'éditeur le défi de rapporter une seule preuve des faits qu'il avance.

« Obligé de rompre le silence que mon père s'élait imposé sur tant de publications qui outragent également la vérité, je saisis cette occasion pour démentir une imputation recueillie dans plusieurs ouvrages et tirée d'un rapport fait au roi dv Gand, où l'on accuse mon père d'avoir, en 1814, parcouru la Suisse, l'Allemagne et l'Italie, et rassemblé trente millions pour préIl faut remarquer que le jugement contre l'éditeur des Mémoires de Fouché ne fut rendu que le 5 janvier 1825.


parer les événements de 1815. Mon père n'a quitte Paris en 1814 que pendant quinze jours, qu'il a passcs à Bruxelles en démarches auprès du Gouvernement, relatives au projet qu'il avait formé alors d'y transporter sa famille et d'y fixer sa résidence. Il n'a jamais mis le pied en Italie; il n'a vu la Suisse que dans l'automne de 1815, et comme prisonnier, et l'Allemagne que comme proscrit. J'aime à croire que le Ministre qui a signé ce rapport, publié dans le Moniteur de Gand, a regretté d'avoir, par une accusation dont la fausseté est démontrée, approuvé peut- être le sort de mon père. »

Dans le numéro du Constitutionnel du 28 décembre, le libraire Delaunay publiait la curieuse lettre qui suit

« Monsieur, on vient de mettre en vente le second volume des prétendus Mémoires du duc dOlrante; jugez de mon étonnement d'y trouver de nombreux passages pris textuellement dans le Manuscrit de dont je suis l'éditeur. Ainsi on a attribué M. le duc d'Otrantc, mort il y a plusieurs années, ce que M. Fain1, auteur i. Fain, qui succéda IL de Menneval comme premier secrétaire du cabinet et secrétaire intime de l'empereur, publia,


du Manuscrit de ip!3, n'a fait imprimer que depuis deux mois.

« N'est-ce pas abuser de la permission? Pour faire justice d'un tel plagiat, il suffit d'en informer le public.

« Dela.una.y, libraire, Palais-Royal. »

Les liéritiers de Fouché demandaient la suppression des Mémoires et la condamnation de l'éditeur Le Rouge il 50.000 francs d'amende, qui devaient être distribués aux pauvres. Leur plainte, soutenue par Me Gaulhier-Ménars, était fondée sur ce que leur père n'avait pas laissé de Mémoires, et qu'on abusait de son nom. Les débats, commencés le 18 octobre 1824, se terminèrent le 29 décembre. L'éditeur Le Rouge avait pour avocat Berryer'.

Berryer répondait, au nom de son client, que la dénégation des enfants de Fouché n'était en 1823, le Manuscrit de 1814, trouvé dans les voitures impériales prises à Waterloo, contenant l'histoire çlcs six dernier mois du règne de Napoléon; en le Manuscrit de 1813, contenant le précis des événements cfc celle annéc, pour servir à l'histoire de Napoléon; et, plus tard, le Manuscrit de 1812. Il n'était encore que « Berryer fils », et sa réputation n'égalait pas celle de son père. Cependant il s'était déjà fait connaître par la défense du maréchal Ney et des généraux Debelle et Cambronne.


d'aucun poids dans la question -principale, que le nom de Fouché, étant historique, était tombé dans le domaine public. Peu importait qu'on employât la première ou la troisième personne. Il n'y avait là qu'un procédé littéraire très légitime et depuis longtemps en usage. Si, d'ailleurs, ajoutait-il, Le Rouge gagnait quelque chose à la publication de ces Mémoires, ce ne serait qu'une compensation « providentielle » pour réparer les pertes que lui avait fait subir Fouché par des persécutions, incarcérations, confiscations d'ouvrages imprimés en l'honneur des Bourbons L'audience la plus importante fut celle du 28 décembre (1824), dont le Journal des Débats donna, le lendemain, un compte rendu assez détaillé. Devant la première chambre, présidée par Moreau, l'avocat des enfants de Fouché, Me Gaulhier-Ménars, présenta de nouvelles conclusions « Attendu qu'au mépris de l'action judiciaire, légalement intentée, on a publié, samedi dernier, un deuxième volume, imprimé pendant le procès et daté du 14 décembre. » Il l. Berryer essaya de transformer ce procès en procès politique et de faire bénéficier son client des tristes souvenirs qu'avait laissés le régicide Fouché.


parla ensuite de la protestation du libraire Delaunay, citée plus haut, et termina en disant que ces prétendus Mémoires étaient « une mensongère fabrication produite par quelque fripier littéraire ».

Berryer évita avec soin de s'expliquer sur l'authenticité des Mémoires, malgré les efforts de la partie adverse. Pendant tous les débats, il se garda d'affirmer et de nier, pour laisser un doute dans l'esprit des juges et ne pas exprimer une opinion trop formelle qui aurait pu blesser sa conscience ou léser les intérêts de son client. Il suffit, pour caractériser cette habile tactique, de donner un extrait des débats

Me Berryer. Le Tribunal a dû saisir l'esprit de ma plaidoirie: je n'ai pas dit du tout que les Mémoires ne sont pas de M. Fouché; je ne me suis explique à cet égard en aucune manière, et j'ignore jusqu'à quel point je pourrais être obligé de donner un jour des explications ultérieures. Quant aux dommages et intérêts pour lesquels on demande la contrainte par corps, je ne sais surquel texte de la loi on se fonde. Me Bouvin, avoué. Sur l'article 120 du Code de Procédure.


lli° Berryer. La publication de la seconde partie des Mémoires était annoncée dans la préface de la première, et l'on s'occupait de l'imprimer lorsque l'action des héritiers a été intentée.

Mc Gauthier-Mènàrs. C'est une irrévérence inexcusable pour le Tribunal lui-même d'avoir fait paraître le second volume, pour ainsi dire à la veille du jubement; vous auriez dû attendre cette décision même.

Il est certain que la défense de Le Rouge présentait des difficultés insurmontables. L'avocat était meilleur que la cause.

L'avocat du roi, M- Tarbé, se plaça sûr un terrain purement juridique. Dans ses conclusions il traite les questions suivantes

1° Jusqu'à quel point est-il vrai de dire que la vie d'un homme d'État appartient' à l'histoire et qu'il est permis de lui attribuer des Mémoires qui ne sont pas de lui?

2" Les héritiers du duc d'Otrante sont-ils fondés se plaindre de l'usurpation du nom de leur père?

3° Le sieur Le Rouge est-il fondé à se renfermer dans son système de dénégations?


4? Enfin y a-t-il lieu à la suppression de l'ouvrage et à des dommages et intérêts

Après avoir posé en principe que le nom d'un homme appartient à ses enfants et qu'il n'est pas permis de l'usurper pour réveiller des haines, faire l'apologie des anciennes erreurs d'un homme auquel ses honneurs et sa fortune avaient t été conservés; après avoir soutenu que les héritiers de Fouché avaient subi unpréjudice et dans la réputation de leur père et par le profit considérable qu'a dîa faire le libraire Le Rouge en publiant deux éditions de la première partie et en tirant la seconde sans doute un nombre proportionne d'exemplaires, Me Tarbé concluait ainsi

« Attendu que la demande des héritiers du duc d'Otranle est fondée en droit et que nul ne doit abuser d'un nom qui n'est pas le sien

« Atlendû que Le Rouge, après avoir déclaré, dans une lettre adressée à plusieurs journaux, que les Mémoires étaient authentiques et fait plaider à -l'audierice qu'il ne voulait pas s'expliquer sur ce point;

« Nous estimons qu'il y a lieu d'ordonner que, dans les trois jours du jugement à intervenir, Le


Rouge et Lefèvre (l'imprimeur) seront tenus de justifier de l'authenticité des Mémoires de Joseph Fouché, duc d'Otrante, pour être ensuite statué ce qu'il appartiendra; et, faute par euxdejustifier de cette première partie du jugement, ordonnons que les héritiers du duc d'Otrante seront autorisés à faire saisir par toutes les voies de droit, à supprimer la première et la seconde partie desdits Mémoires et d'en faire briser les planches et il fournir l'état des dommages et intérêts qui leur sont dus et auxquels Le Rouge et Lefèvre sont dès à présent condamnés, sauf le recours de Lefèvre contre Le Rouge. »

Le Tribunal remit le prononcé du jugement à huitaine.

l'audience du 5 janvier 1825, le jugement suivant était rendu

« En ce qui touche la demande des héritiers

du feu duc d'Otrante contre Le Rouge

« Attendu que Le Rouge ne justifie pas que les Mémoires qu'il a publiés sous le nom du duc d'Otrante sont réellement de ce dernier, quoique, sur le désaveu public des héritiers du duc Le jugement fut donné dans le Moniteur du 6 janvier 182b et dans le Journal des Débats, à la même date.


d'Otrante, il ait annoncé aussi publiquement qu'il en justifierait l'authenticité en justice

« Attendu que, si chacun a le droit d'écrire et de publier la vie d'un homme qui a joué dans les affaires publiques un rôle aussi important que le feu duc d'Otrante, il ne peut être permis personne de le faire, comme dans les Mémoires puhliés par Le Rouge, comparaître lui-même devant le public, pour y faire des aveux, exprimer des opinions dans lesquelles peut-être il n'a point persévéré et rapporter des faits plus ou moins offensants pour sa mémoire et pour des tiers qu'ainsi c'est contre toute espèce de droit que Le Rouge s'est permis de publier les Mémoires dont il s'agit;

« Attendu que les héritiers du feu duc d'Otrante sont fondés à se plaindre de l'abus que Le Rouge a fait du nom de leur père, abus qui n'a pu être commis que dans l'espérance, en trompant le public, de se procurer un bénéfice plus certain et plus considérable;- que de pareilles spéculations, qui tendent d'ailleurs à porter le trouble dans la société, en réveillant et perpétuant les haines, doivent être sévèrement réprimées que


les héritiers du feu duc d'Olranle ont droit de demander pour réparalion que les Mémoires publiés par Le Rouge soient supprimés et que, faute par Le Rouge de représenter tous les exemplaires qui ont été tirés, il soit condamné des dommages et intérêts prolrortionnés au bénéfice illicite qu'il en aurait fait

« Attendu que la valeur des exemplaires vendus excède de beaucoup la somme de 300 francs, qu'en pareil, cas la contrainte par corps est autorisée par la loi et qu'elle est requise; que c'est d'autant plus le cas d'admettre cette voie de contrainte que les dommages et intérêts prononcés ne consistent qu'en une restitution des sommes touchées par Le Rouge.

« En ce qui touche la demande des héritiers du feu duc d'Otrante contre Lefèvre, imprimeur: « Attendu que si, pour la première partie des Mémoires en question, Lefèvre peut prétendre qu'il n'avait pas connaissance de la supposition du nom du feu duc d'Olrante, cette excuse lui échappe pour la seconde partie qu'en effet, il a imprimé cette seconde partie depuis la demande formée contre lui par les héritiers du duc d'Otrante et a une époque, par conséquent, où il


n'ignorait pas que lesdits héritiers désavouaieut les Mémoires puhliés par Le Rouge;

« Qu'en mottant il la disposition de Le Rouge pour les publier les exemplaires ainsi imprimés de la seconde partie desdits Mémoires, et ce, avant l'issue des contestations, Lefèvre s'est rendu envers les héritiers du feu duc d'Otranto garant solidaire avec Le Rouge de la publication que ce dernier a faite de la seconde partie des Mémoires dont il s'agit;

« En ce qui touche la demande de garantie de Lefèvre contre Le Rouge, attendu qu'elle n'est pas contestée et que .Lcfèvre n'a agi que sur la demande et par les ordres de Le Rouge

« Le Tribunal donne acte aux héritiers du feu duc d'Otrante de ce qu'ils désavouent formellement les Mémoires publiés par Le Rouge, sous le nom de leur père, ordonne que tous exemplaires imprimés de ces Mémoires, ensemble les formes qui ont servi a leur impression seront supprimés autorise en conséquence les héritiers du feu duc ci'Otrantc u faire décomposer les formes et à saisir tous exemplaires desdits Mémoires qui existeraient encore entre les mains soit de Le Rouge, soit de Lefèvre, soit de tous


autres qui les détiendraient au nom et pour le compte des susnommés;

« Condamne Le Rouge à représenter tous les exemplaires qu'il a fait tirer tant de la première que de la seconde partie des Mémoires dont il s'agit « Condamne également Lefèvre, solidairement avec Le Rouge, à représenter tous les exemplaires par lui tirés (le -la seconde partie seulement 1; et, faute par Le Rouge et Lefèvre de faire ladite représentation, condamne Le Rouge seul et par corps à payer aux héritiers du feu duc d'Otrante cinq francs de dommages et intérêts pour chaque volume relatif a la première partie des Mémoires qui ne sera pas représenté Le Rouge et Lefèvre solidairement et tous deux aussi par corps, à payer auxdits héritiers pareille somme de cinq francs pour chaque volume relatif à la seconde partie qu'ils ne pourront représenter;

« Ordonne que les volumes représentés par Le Rouge et I/efèvre ou saisis sur eux seront déposés au greffe pour y être lacérés et détruites.

La plupart des exemplaires de la seconde partie furent saisis. Voilà pourquoi cette seconde partie est aujourd'hui beaucoup plus difficile à trouver que la première.


« Statuan t surlndemande en garantie de Lefwre contre Le Rouge, condamne ledit Le Rouge à garantir et indemniser Lefèvre des condamnations contre lui prononcées par le second jugement en principal, intérêts et frais; condamne Le Rouge et Lefèvre envers les héritiers du feu duc d'Otrante, savoir Le Rouge aux trois quarts des dépens, et Lefèvre au dernier quart condamne Le Rouge aux dépens envers Lefèvre. Sur le surplus des demandes, fins et conclusions des parties, met hors de cause. »

Après le prononcé du jugement, Berryer fit, au nom de son client, une observation relative aux dommages et intérêts

« Le Tribunal ne penserait-il pas devoir défalquer les frais de papier et d'impression? Le Tribunal, répondit le président, a délibéré sur ce point en fiaant les dommages et intérêts à 5 francs par chaque volume. »

Quel effet ce procès produisit-il sur le public ? Nous pouvons en juger par cet extrait d'un journal du temps,

1. L'Oriflamme, journal de littérature, de sciences et arts. Paris, Denlu, 1824, t. II, p. 481. Ce journal royaliste,


« Rien n'a manque pour irriter la curiosité publique désaveu, procès, attaque, riposte. Le héros de l'ouvrage n'étnit qu';t demi connu; il n'y est représenté qu'en habit brodé, l'épée an côté, le chapeau sous le bras, la poitrine ornée de plusieurs décorations Grâce au zèle indiscret de messieurs ses fils, les gens qui veulent tout savoir ont été mis à même de reprendre l'histoire de rouché ab ovo. Ils l'ont vu en robe d'étamine noire et le bonnet carré sur la tête, aux collèges de.Iuilly etd'Arras; puis en carmagnole et en bonnet rouge au Club des Jacobins puis avec la ceinture tricolore de représentant du peuple, envoyant Louis XVI l'échafaud; puis, escorté de la force armée, travaillant la marchandise a Nevers; puis enfin, auprès la chute de Robespierre, chassé de la Convention comme voleur et terroriste. »

Iiouclié avait laissé de tels souvenirs qu'on peut dire que, si l'éditeur de ses prétendus Mémoires fut condamné par la police, il fut dont le principal rédacteur (Hait Salques, parut du ter janvier au 16 juillet d825. Il forme 52 livraisons.

1. Allusion au remarquable portrait de Fouchc, placé en tête de quelques exemplaires des mémoire. Ce portrait, qui paraît être très authentique, n'est pas signé.


absous par l'opinion publique, heureuse de voir démasquer l'homme dont la prospérité avait été un des scandales de celle époque.

Ces Mémoires de /'Wc/ieeurentdortc un grand retentissement. Le procès des héritiers du duc d'Otranlc n'enleva rien de leur actualité. Bien au contraire, l'opinion publique fut encore davantage entretenue dans sa curiosité de scandale. La figure de l'ancien Ministre de Police n'y gagna pas du reste.

Parla mort du roi, Fouché lenait il la République a la Terreur, par ses missions de Lyon et de Nevers; au Consulat, par des services réels et encore exagérés habilement; à Bonaparte, par une sorte de sortilège, de charme, sous lequel il l'avait pour ainsi dire attaché; a Joséphine, par l'inimitié du frère du Premier Consul..

Qui le croirait? dit Bourrienne. Fouché complait prmi ses plus chauds partisans les ennemis de la Révolution; ils lui prodiguaient les louanges aux dépens mêmes du chef de l'Etat. Ah! c'est que l'adroit Ministre, avec une indulgence calculée, savait protéger des individus que, pro-


consul, il avait frappés alors dans « leurs classes ». Directeur de l'opinion, tenant en ses mains le moyen d'inspirer de la crainte ou de conquérir par des avances, des séductions, il usait largement du pouvoir. Il dirigeait cette opinion avec un art consommé. 11 savait faire jouer tous les rouages de la Police en sa faveur. C'était surtout la police de Fouché que celle des ministres de Police.

A Paris et dans toute la France, on proclamait donc, de par lui, de par ses ordres combinés, l'extraordinaire habileté de Fouché. Et on avait raison, car jamais aucun autre homme ne s'était montré si merveilleux magicien pour créer, entretenir, développer cette habileté.

Le secret de Fouché, tout son art, n'était guère que celui de la plupart des hommes d'Etat. Mais, mieux que quiconque, il savait en jouer avec son maître. Napoléon en était arrivé a le croire indispensable; il redoutait même cette extraordinaire « fabrication d'intrigues ».

« Bonaparte voyait dans Fouché, dit Bourrienne', la Révolution tout entière sous la forme d'un homme; l'influence de Fouché n'était donc 1. Cf. Mémoires de Bourricnne, t. V, ch. x.


à vrai dire que l'influence de la Révolution ellemême. Sans doute, la présence de Fouché au pouvoir r etenaitceux des hommes de la Révolution qui étaient les plus dévoués au Ministère de la Police; mais Fouché avait un faible pour eux. Il sentait que c'était d'eux qu'il tenait sa position, comme l'es anciens condottieri que l'on voulait avoir pour soi, pour ne pas les avoir contre soi et qui, au fond, n'étaient puissants que par les soldats enrôlés sous leurs bannières et dont ils pouvaient disposer. Tel était Fouché, et Bonaparte comprenait merveille sa position. Il maintenait la troupe en retenant le chef à son service, jusqu'à ce qu'il lui fût possible de licencier des hommes indisciplinés. »

Et Bourricnne ajoute 1

« S'il aimait le pouvoir, Fouché aimait encore plus la fortune, et le Ministère aurait fourni, largement fourni, par les jeux et par d'autres recettes obscures, à ses grandes acquisitions territoriales en Brie. »

Lesjugements sur Fouché se ressemblent tous. Il y a l'homme privé, sa vie d'intérieur; et le Ministre de la Police générale.

i. Cf. dlénioircs dc Bourriennc, t. V, ch. xix.


Savary dit, dans ses Mémoires, qu'il avait l'espoir que son prédécesseur lui laisserait quelques documents propres à diriger ses pas; mais Fouché demanda de rester dans son même hôtel, sous pré- texte de rassembler en même temps ses effets, et les papiers qu'il aurait à lui communiquer. Savary le laissa trois semaines dans ses anciens appartements; et, le jour qu'il en sortit, il ne rendit pour tous papiers qu'un mémoire contre la maison de Bourbon, lequel avait au moins deux ans de date il avait brûlé le reste, au point qu'il n'en restait pas de trace ni la moindre écriture. Pour faire connaître les noms des agents de la Police générale, il en fut de même. Et,_à ce pauvre Savary, apparut alors l'idée que ce grand Ministère de Fouché, dont il avait, comme tout le monde, la meilleure opinion, n'était que peu de chose, suspect même, puisqu'on faisait des difficultés pour lui livrer ce qui intéressait la sécurité de l'Etat.

11 ajoute, naïvement:

« Je n'apercevais rien dans la marche de mon prédécesseur qui pût m'indiquer le chemin à prendre. Je demandais à tout ce.- qui m'entourait comment faisait Fouché, et l'on me répon-


.dait qu'il laissait faire ce qu'il ne pouvait empêcher.

« Fouché s'était joué de moi en me désignant des agents qui étaient des hommes de la dernière classe et que même il ne recevait pas, hormis un ou deux individus qui lui permirent de me les présenter. Il ne m'en fit pas connaître d'autres. Il Savary n'était pas de taille à lutter contre Fouché, ce diable de petit homme qui avait toujours, selon le mot de Barère2, le-lalent de monter en croupe derrière les mieux montés. On trouve dans les Derniers Jours dit Consulat de Fauriel un des jugements qui frappent le plus Fouché, sans violence ni parti-pris.

« Cet homme, dit le brillant critique', auquel il était réservé de s'approprier les divers genres de scandales et de se faire distinguer dans les excès les plus opposés de la Révolution, cet homme qui, proconsul dans les départements, s'était souillé de tant d'actes féroces et avait applaudi l. « J'aime beaucoup Savary, disait Napol6on, parce que, si je le lui ordonnais, il'assassinerait père et mère.

2. Cf. Nos notes, Napoléon I", par P.-J. Pnounuov, pp. 8 et 9. Montgrédien et Ci,; Paris, 1898.

3. Cf. Les Derniers Jours du Consulat, manuscrit inédit de CLAUDE Faumel, publié par Ludovic Lalanne. Paris, Calmann-L(3vy, 1889, pp. 163, 164, ICo.


avec un enthousiasme si voisin du délire à tous ceux dont il n'avait été que le témoin qui, dans les ruines encore fumantes de Lyon, avait cru trouver les jeux et spectacles qu'il faut aux républiques, sera peut-être l'exemple le plus frappant pour la postérité de la facilité avec laquelle les ministres d'une liberté cruelle et extravagante peuvent devenir les agents soumis et complaisants d'un despotisme- avilissant. Avide de ce genre de pouvoir qui s'exerce immédiatement sur les personnes et simple dans ses domestiques ayant le privilège de paraître sincèrement attaché au sentiment le meilleur à l'opinion la plus sage, lorsqu'il est abandonné à luimême et sacrifiant cependant sans remords toutes les opinions et tous les sentiments quand il s'agit de sauver son crédit ou son influence réunissant la fausseté et l'indiscrétion, de l'esprit et de l'ignorance; ayant, comme tous les hommes qui, dans leur conduite à travers la Révolution, n'ont été inspirés que par des intérêts personnels, contracté l'habitude de regarder les principes absolus de la justice et de la vérité comme des niaiseries qui ne peuvent duper que les sots, Fouché, arrivé au Ministère


delà Police sous le Directoire par l'influence de Barras, s'y était maintenu après le 18 Brumaire par le zèle avec lequel il s'efforça de contribuer à. cette journée sans y avoir été appelé par personne, etsurtout parle dévouement sans bornes qu'il manifesta pour les intérêts de Bonaparte, le soin qu'il prit de son pouvoir et l'assistance qu'il prêta il tous ses projets. »

Fauriel montre bien ainsi l'un des motifs qui faisaient que Bonaparte redoutait Fouché, en même temps qu'il le considérait comme indispensable à sa politique, homme unique pour ser-.vir ses desseins, les deviner, les exécuter. Il insiste, du reste. Il dit que Fouché n'avait point d'opinion sérieuse ni rais onnée sur aucune partie de la politique générale. Mais ses instincts et ses déterminations devaient le, porter vers les idées démagogiques..

La fortune, l'éclat, les honneurs, les avantages d'une existence sinon considérée, du moins bruyante, paraissaient au chef de la Police des compensations dans les services du despote. Fouché servait Bonaparte sans l'aimer. 11 le secondait, il l'aidait, parce qu'il avait peur de se voir éloigner. Il ne ,pouvait se passer -pour


ainsi dire de son commandement il subit, lui aussi, l'ascendant que Napoléon exerçait sur tous ceux qui l'approchaient, et qui étonne Proudhon, parce qn'il ne se l'explique point, pas plus que Taine, du reste. Quel était donc le secret aimant qui semblait river houclié il son maître?.

Fauriel conclut qu'il n'y avait pas d'autre motif à cela que celui dé connaître l'c2nme et le caractère de Bonaparte. Fouché voulait savoir de quelles déterminations il était capable, « soit pour augmenter son pouvoir, soit pour suivre l'impulsion de sa vengeance

Ces jugements justes et sévères n'empêchent pas Fauriel de montrer Fouché « simple dans ses goûts domestiques ». Nous retrouverons cette opinion dans les Souvenirs de ma vie, de M. Jullian. Elle est intéressante. C'est un contraste bizarre et fréquent. D'ailleurs, les critiques de Jullian portent un autre enseignement

Ce Ministre, dit-il', dont la renommée s'est répandue partout, a fait de grands changements dans les bases de l'ordre public. Il a donné un 1. Cf. Souvenirs dc ma vic, par M. J. 1815, p. à 263..


aspect nouveau à celles qu'il a commencées. Sous son administration prévoyante, tous les partis, toutes les opinions se sont étonnés d'avoir un protecteur commun et ce protecteur était un Ministre de la Police. Ce qu'il y a de plus vil parmi les hommes, l'espionnage et la délation, est devenu entre ses mains les éléments de la sûreté de tous dans un Ministère où l'on emploie si souvent la fraude et la ruse, il a connu le prix de la vérité.

Et ce qui ajoutait à cette influence que Fouclié exerçait sur l'opinion par la force de ses moyens puissants, c'est qu'on savait, de bonne heurte, qu'il n'exerçait pas son autorité en courtisan. Jullian insiste là-dessus

«.Dans le bien et dans le mal qu'ils font, les hommes supérieurs n'ont rien qui ressemble aux hommes vulgaires. Ce n'est pas sur les règles communes qu'il convient de les juger. 11 importe que ceux qui veulent fixer leur opinion sur le duc d'Otranle apprennent d'abord iv le connaître. Je sais que cela n'appartient pas à tout le monde; je sais que les qualités qui constituent les hommes extraordinaires ne sont pas aperçues indistinctement par chacun. »


C'est une vérité qu'il ne faut pas juger les hommes dits supérieurs l, l'aune courante. On tombe dans des erreurs regrettables on diminue des choses très grandes, très méritoires, a les passer au crible de la raison simple, de la morale nue. L'histoire a son voile de légende, de pudeur, qu'on ne doit pas trop soulever, at toute occasion et pour tout le monde. Soit! Mais les qualités de caractère, de cour, de tendresse domestique valent qu'on en tienne compte.

11 faut bien, cependant, reconnaître que nul homme, avec plus de pénétration et de finesse, n'a plus de franchise et de bonhomie que le duc d'Otrante. Les vertus que lui reconnaît Fauriel sont confirmées par M. Jullian.

« Nul n'est meilleur père, et ne fut meilleur époux 1. Dans les temps les plus orageux de sa vie, comme' dans ses hautes prospérités, ses Touché qui, au début delà Révolution, avait inutilement demandé la main de Charlotte Robespierre, épousa, le 1G septembre à Saint-Nicolas de Nantes, Jeanne Coignaud, fille d'un procureur au provincial de Nantes. Devenu veuf en 18t3, il épousa, en 1815, une jeune et belle personne, M11" de Castellane, dont il avait connu la famille a Aix. Elle ne put se résigner a vivre avec lui et s'enfuit avec le fils d'un ancien conventionnel qu'elle avait vu iL Prague.


amitiés furent toujours fidèles, sans distinction d'opinions ni de partis1. L'extrême activité de sa pensée, sans négliger un seul objet de haute importance, se porte alternativement sur tout ce qui l'entoure. Il juge d'un coup d'œil ce qu'une longue étude pourrait à peine faire soupçonner à un autre. En cela sa longue habitude des affaires ne le sert pas moins que sa perspicacité naturelle. »

Et voilà la raison qui faisait peut-être se comprendre, si bien, s'aider et s'excuser, Napoléon et Fouché

Le portrait de Jullian continue à montrer des reliefs sur cette physionomie de demi-teinte, de recoins mystérieux. Personne, plus que le duc d'Otrante, ne fut réellement susceptible d'enthousiasme.

1. Après sa disgrâce, fortement rétribuée de la moitié des fonds secrets, loaclié remercia le Premier Consul. 11 venait d'être élevé au niveau des hommes les plus récompensés, et avait tout récemment obtenu la sénatorerie d'Aix. « Je lui protestai d'être dévoué il jamais aux intérêts de sa gloire. j'étais de bonne foi. Je rentrai dans la vie privée avec une sorte de contentement et de bonheur domestique, dont je m'étais accoutumé à goûter la douceur au milieu môme des plus grandes affaires. je me retrouvai avec un tel surcroit de fortune et de considération que je ne me sentis ni frappé ni déchu. » T. 1, pp. 288, 289.


Rien ne détruit plus en nous ce sentiment que la connaissance des hommes, et nul ne le posséda à un plus haut degré que lui. Le duc d'Olrante n'a dans ses résolutions, auxquelles il ne se fie qu'après les avoir longuement réfléchies, ni cet entêtement que les sots appellent fermeté, ni cette versatilité qu'ils décorent du nom de sage condescendance. Il ne les change pas, mais il les modifie selon les temps et les besoins.

Tour a tour flexible et inébranlable, grave ou frivole; ce sont plusieurs hommes en un seul; mais celui-ci est, « dans tous les temps, l'homme de l'Etal ».

Après ses notes, toutes sincères, qui donnent du jour a la médaille bise, Jullian ajoute

« J'en ai assez dit pour expliquer le dévouement inébranlable qui m'attache pour jamais la destinée du Ministre dont je viens de peindre l'administration et de tracer le portrait. Si, a tous les sentiments publics, il m'est permis de joindre celui de ma reconnaissance personnelle (et nul ne lui en doit plus que moi), on se convaincra que l'expression de ces sentiments n'est pas moins de ma part, comme citoyen, un acte d'éclatante justice, qu'elle n'est, comme ami,


l'accomplissement d'un devoir sacré et bien doux il mon cœur. »

Telle est l'opinion de Jullian. Il faut la rapprocher de l'avis de l'éditeur des Mémoires de Fouché, que nous avons déjà rapporté «. J'ai consulté un homme exercé, et il m'a rassuré complètement. Si je lui ai demande quelques notes, c'était- plutôt pour constater l'indépendance de mes opinions que pour obtenir un con- traste entre le texte et les commentaires. Mais quoique. etc. », et l'on comprendra pourquoi nous avons prodigué les citations, surtout celles de cet auxiliaire de l'ancien Ministre.

Avant de donner quelques notes de bibliographie sur Fouché, nous devons établir le tableau de sa famille 1.

Joseph Fouché est né a la Marlinicre, près du bourg de Pellcrin, le 19 septembre 1754. Il fut membre de la Convention, Ministre de la Police générale en 1799-1804 et 1815, duc d'Otrante en 1810.

Il est mort à Trieslc, le 25 décembre 1820, i. Voir ce tableau, page suivante.


LA FAMILLE DE FOUGUE


après avoir été titulaire de lt sénatorerie d'Aix en Provence 1.

D'après la Bibliographie bretonne de Levot (1852), tome I, pp. 713 et 715, article de M. Eugène 'l'albot.: « Joseph Fouchû naquit le 19 septembre 1754, au village de'la Marinière, près du bourg de Pellerin, dans l'arrondissement de Paimbœuf. Son père se nommait Joseph Fouehé, capitaine de navire marchand, et sa mère, Marie-Françoise Croise!. »

1. Cf. Comte deMaiitel, Étude sur Fouché. Paris, Pion, 2 vol. Il n'a paru que deux volumes; le deuxième s'arrête au 9 thermidor.

Précis de la vie publique du duc d'Olrante, Londres, Leipzig et Amsterdam, in-8°; Mémoires sur la vie publique de Dl. Fouchë, duc d'Olrante, Paris, Plancher, 1819.

Ce dernier ouvrage est la réédition de celui de Londres, etc. Antoine Sehieys, Fouchë ctc Nantes, sa vie privée, politiquc et morale depuis sont entrée ci la convention jusqu'à cc jour. Paris, 1816, in-12.

Souvenirs de ma vie depuis 1774 jusqu'en par ill. de J. (de Jullian). Paris, Hossange et Masson, i8t5, in 8".

Desmahëts, Témoignage historique, ou Quinze Ans de haut police sous Napoléon. Paris, 1833, in-8°.

Examen des Mémoires de Fouché. et autres articles contplémentaires du philosophe ou Notes historiques et crititlucs de i'789 ci (par le général Sarrazin). Bruxelles, Parent, in-8° de xiv-415 pages.

(Cet ouvrage ne se trouve pas à la Bibliothèque Nationale.) Dans l'Oriflamme, journal de Httërature, des sciences et des Arts (Paris, Dentu, 4 vol. in-80), cinq articles sur les Mémoires de Fouchë.


L'acte de naissance, donne en enticr par M. E. Talbot, est extrait du registre de l'état civil de la commune du Pellerin, f° 14, V°, année 1754'.

On sait que, le 18 brumaire2; Fouché avait découvert par ses agents que les membres de l'opposition, enhardais par leurs premières clameurs, avaient expédié des exprès il Paris pour faire croire il leur succès, et stimuler le zèle de leurs partisans. Il en vint informer Bonaparte et le poussa à brusquer l'entreprise, qui réussit fort bien. Du reste et dès lors, Napoléon soupçonna toutes les intrigues de Foucbé. Et cependant qu'il était le plus mécontent de lui, il n'osait le destituer, de crainte de ne l'avoir pas assez près de lui, et de ne pouvoir le surveiller, comme il l'entendait.

Fouché a avoué plus tard qu'il prévoyait que Bonaparte ne pourrait pas se soutenir. « C'était un grand homme, disait-il, mais il était devenu fou. J'ai dû faire ce que j'ai fait; j'ai préféré le 1. Cf. Intermédiaire des Chercheurs et des Curieux, dO juillet

2. Cf. Histoire parlementaire de la Révolution française depuis i 784 jusqu'à par Kuciiez et Houx Laveiigne, t. XL.


bien de la France il toute autre considération. » De son côté, Napoléon disait dv ses intimes que les manoeuvres de Fouché ne décideraient pas seules du sort de la France « Pour m'occuper de lui, attendons une victoire' 1 »

i. D'un entrefilet sur la journée du 18 brumaire.

Dès que le décret du Conseil des Anciens fut noLilié au Directoire, les citoyens Hoger-Ducos et Sieyès se rendirent aux Tuileries. Goliicr y est venu, dit-on, vers une heure. On assure que Rarras est parti de Paris; il a donné sa démission de membrue du Directoire, en se félicitant de ce que lcs destinées de la République étaient confiées à un général qui l'avait tant illustrée par ses victoires, et qu'il avait le premier produit à la tèlc des armées républicaines. »

TS" 50. Décadi 20 brumaire.

Paris la [9 brumaire. « Hier, a neuf heures du matin, le Directoire ignorait encore ce qui se passait, (johier, Moulins et liarras étaient réunis; Sieyès se promenait dans le jardin du Luxembourg, et Roger-Ducos était chez lui. Sieyès, ayant été instruit du décret du Conseil des Anciens, se rendit aux Tuileries. Roger-Ducos demanda à ses trois autres collègues quelle foi on devait ajouter aux bruits qui se répandaient? Ceux-ci n'ayant pu lui donner d'éclaircissements,' il se rendit aussi au Conseil des Anciens.

A dix heures, Collier, Barras et Moulins formant la majorité du Directoire, ont mandé Ir, général Lefèvre, commandant la •17e division militaire, pour remlre compte et de sa conduite et de ce qui se passait. Lefèvre répondit que, d'après le décret que venait de rendre le Conseil des Anciens, il n'avait plus de compte à rendre qu'à Bonaparte, qui était devenu son général.

A cette nouvelle, les trois Directeurs furent consternés. Moulins entra en fureur, et voulut envoyer un bataillon pour cerner la maison de Bonaparte mais il n'y avait plus moyen


Le 23 avril 1814, Napoléon couchait à Lyon, et se rendait à l'île d'Elbe, qui lui était attribuée de faire exécuter aucun ordre; la garde du Directoire l'avait qui 116 pour se rendre aux Tuileries. Cependant les barrières furent fermées pendant quelques instant, et l'on croit que J'ordre en fut donné par les trois Directeurs.

Dans la matinée, on vit venir au Conseil des Anciens, Rollot, secrétaire de Barras, qui venait parler à Bonaparte. Il enlretint le général pendant quelque temps en particulier; puis, Bonaparte, élevant la voix, lui dit, en présence d'une foule d'officiers et de soldats

« Qu'avez-votis fait de cette France que je vous ai laissée si brillante? etc.

« Cet état de choses ne peut durer. Avant trois ans il nous « mènerait au despotisme. Mais nous voulons la République, « la République assise sur les bases de l'égalité, de la morale, « de la liberté civile et de la tolérance politique. Avec une « bonne administration, tous les individus oublieront les « factions dont on les fit membres, pour leur permettre « d'être Français. »

Barras donna sa démission à une Imure et fit demander à Bonaparte de protéger sa sortie de Paris pour aller à sa terre de Grosbois. Le général donna l'ordre à un détachement de dragons d'escorter l'ex-Direclcur jusqu'à sa maison de campagne.

Bonaparte rentrait u la Commission des inspecteurs du Conseil des Anciens, après avoir passé la revue des troupes qui se trouvaient dans les Tuileries quand Augereau s'est présente à lui et, en l'embrassant à trois reprises, lui dit Comment général, vous avez voulu faire quelque chose pour la patrie, et vous n'avez point appelC Augereau! » On assure que Gohier et Moulins ont donné leur démission c'est le plus sage parti qui leur reste à prendre.

Le ministre de la Police (Fouché) et l'administration centrale adressent deux proclamations.»


en toute souveraineté. Ce même jour, Fouetté écrivait la lettre suivante au prince de Talleyrand

« J'ai l'honneur d'adresser a Votre Altesse deux lettres au lieu d'une que je lui avais promise. J'ai pensé qu'il convenait de faire connaître il Monsieur la lettre quej'dcris à Bonaparte. J'ai ajoute quelques réflexions qui m'ont paru nécessaires dans cette circonstance. Votre Altesse sait que ceux dont je ne partage pas les inquiétudes me soupçonnent d'avoir fait quelques transactions pusillanimes.

« Je me rendrai chez Votre Altesse il onze heures et demie, et j'aurai l'honneur de dîner avec elle. Elle peut compter que je saisirai toutes les occasions de la voir et de profiter de ses entretiens.

« Le DUC D'OTRANTE. »

« Le 23 avril »

« P.-S. Je pric Votre Altesse de se charger de faire passer la lettre a Bonaparte, quand elle l'aura communiquée Monsieur. »

Les deux lettres incluses sous le même pli


étaient deux copies de la même lettre qu'il écrivait a l'empereur, parti depuis trois jours pour l'ile d'Elbe.

L'une et l'autre étaient signées de la main du

duc d'Otrante, qui avait pris le soin de parafer le post-scriptun, sur chaque copie. Voici cette lettre à Napoléon qui, pour la première fois, a été insérée dans les Mémoires d'un Bourgeois de Paris:

« Sihe,

« Lorsque la France et une partie de l'Europe

étaient à vos pieds, j'ai osé, pour vous servir, au risque de vous déplaire, vous faire entendre constamment la vérité. Aujourd'hui que vous êtes dans le mallieur, je crains bien davantage de vous blesser en vous parlant un langage sincère; mais je vous le dois, puisqu'il vous est utile et même nécessaire.

« Vous avez accepté pour retraite l'île d'Elbe

en souveraineté. Je prête une oreille attentive a tout ce qu'on dit de cette souveraineté et de cette île je crois devoir vous assurer que la situation de cette île dans l'Europe ne convient pas la vôtre, et que le titre de souverain de quelques


arpents de terre convient moins encore à celui qui a possédé un immense empire.

« Je vous prie de peser ces deux considéra-

tions, et vous sentirez combien l'une et l'autre sont fondées. L'île d'Elbe est assez voisine de l'Afrique, de la Grèce, de l'Espagne; elle touche presque aux côtes de l'Italie et de la France; de cette île, la mer, les vents et une felouque peuvent transporter rapidementdans tous les pays les plus exposés à des mouvements, à des événements, à des révolutions. Aujourd'hui il n'y a encore nulle part de stabilité. Dans cette mobilité actuelle des nations, un génie telque le vôtre donnera toujours des inquiétudes et des soupçons aux puissances. Vous serez accusé sans être coupable, mais sans être coupable vous ferez du mal, car les alarmes sont un grand mal pour les gouvernements et pour les peuples.

« Le roi qui va régner sur la France ne voudra

régner que par la justice; mais vous savez combien de passions environnent un trône, et combien les haines sont habiles à donner à une calomnie les couleurs de la vérité

« Les titres que vous conservez, en rappelant

chaque instant ce que vous avez perdu, ne


peuvent servir qu'à rendre vos regrets plus amers; ils ne paraîtront pas un reste, mais une représentcttion bien vaine de tant de grandeurs évanouies je dis plus, sans vous honorer, ils vous exposeront davantage. On dira que vous ne gardez ces titres que parce que vous gardez toutes vos' préten tions on dira que le rocher d'Elbe est le point d'appui sur lequel vous placerez les leviers avec lesquels vous chercherez il soulever le monde.

« Permettez-moi de vous dire ma pensée tout

entière, elle est le résultat de mûres réflexions; il serait plus glorieux et plus consolant pour vous de vivre en simple citoyen, et aujourd'hui l'asile le plus sur et le plus convenable pour un homme tel que vous, ce sont les Etats-Unis d'Amérique. « La, vous recommencerez votre existence au

milieu de ces peuples, assez neufs encore; ils sauront admirer votre génie sans le craindre. Vous y serez sous la protection de ces lois égales et inviolables pour tout ce qui respire dans la patrie des Franklin, des Washington, des Jeflerson. Vous prouverez ai ces peuples que, si vous aviez reçu la naissance au milieu d'eux, vous auriez senti, pensé et voté comme eux; que vous


auriez préféré leurs vertus et leur liberté à toutes les dominations de la terre.

« J'ai l'honneur d'être avec respect de Votre

Majesté le trôs humble serviteur.

« Le duc d'Otrantb.

« Paris, le 28 avril

« P.-S. Je dois déclarer il Votre Majesté que

je n'ai pris conseil de personne en vous écrivant cette lettre et que je n'ai reçu aucune insinuation. »

M. de Talleyrand communiqua au comte d'Ar-

tois une copie et envoya l'autre a l'empereur. Le témoignage des auteurs de Y Histoire parlementaire de la Révolution est. formel

« On ne comprend point la patience de Napo-

léon envers Fouché, surtout lorsqu'on lit la lettre que nous avons omise dans notre dernier volume et que l'ex-ministre adressait il l'île d'Elbe. Nous saisirons cette occasion d'en citer les principaux passages 1.» »

M. de Bourriennc avait été appelé à la pré-

1. Cf. t. XL, p.


fecture de police en remplacement de M. d'André, par une ordonnance du 12 mars 1815.

Louis XVIII lui donne l'ordre d'arrêter touche

et d'autres personnages'

« Il était plus de minuit quand je fis mon

installation nocturne il la Préfecture de police; j'étais on ne peut plus contrarié de l'obligation que le roi m'avait imposée de faire arrêter Fouette mais il fallait bien obéir, et il n'y avait pas un instant it perdre. Je communiquai cet ordre a M. Fondras qui, sans se déconcerter, me répondit -Puisqu'on veut le faire arrêter, nous l'aurons demain, soyez tranquille! Nous arrêtâmes toutes les dispositions nécessaires, et, le lendemain, mes agents se présentèrent à l'hôtel du duc d'Otrltnte, rue d'Artois. Sur l'exhibition de l'ordre qui fut montré à Fouetté Comment dit-il) mais cet ordre est nul il ne signifie rien, il vient du préfet de police! A mon sens, Fouché 1. Lalisle remise a Rourrienne élaiUîcrilc par de Blacas.

Elle comprenailles noms suivants et dont nous ne restituons pas l'orthographe « Fouette, Davoust, Leconte, rue du Bac, au coin de celle de l'Université; il a les fonds de Fouché, Gérard, Mcjean, Legrand, );tienne, Gaillard, conseiller il la cour royale, Hingucrlol, Le Maigre, Bouvier-Dumoland, ifaret, Duvignet, Palris, Lavalette,Réal,i\[onnier, Arnauld, Norvins, Sicyès, Pierre Pierre, Fias, Exelmane, Jos. Thurol. »


avait raison, car enfin ma nomination, llatant de la nuit même, n'avait pu encore être notifiée légalement. Quoi qu'il en soit, sur le refus de Fouché de suivre mes agents, quelques-uns d'entre eux se transportèrent l'état-major de la garde nationale pour demander main-forte en cas de besoin au général Dessolles. Celui-ci se rendit aux Tuileries, afin de prendre les ordres du roi, et, pendant ces allées et venues, Fouché, conservant tout son sang-froid et causant avec ceux de mes agents, qui étaient restés auprès de lui, feignit de passer dans la pièce à côté pour y satisfaire un besoin; mais la porte qu'il ouvrit donnait sur un couloir noir où il laissa mes pauvres agents enfermés au milieu de l'obscurité quant a lui, il gagna la rue où il monta en voiture et se sauva. »

Il nous faut arrêter ces notes et revenir aux

Mémoires de Fouché. Ce dernier point, rapporté dans les Mémoires de Bourrienne, est tout à fait caractéristique. On ne surprenait point facilement l'homme, pas plus qu'il n'est facile de saisir les traits de cette (igure mobile, de mar-


quer toutes les nuances de ce caractère fermé, de résumer en quelques pages cette vie très compliquée1. En tout cas, nous refusons de nous laisser entraîner davantage.

Nous avons vu les jugements de ses contem-

porains nous avons rapporté les notes bibliographiques, répété les citations tant sur lui que sur ses deux agents, M. de Beauchamp et M. LouisPascal Jullian.

Et, quant il nous, nous nous en tenons ia

l'opinion du bénédictin et termite, l'érudit Quérard « Les Mémoires de Fouchê n'ont pas été écrits par l'ex-conventionnel. »

Mais il est aussi de toute évidence que les

auteurs se sont inspirés de pièces authentiques, n'ont parlé que de faits dont ils avaient été témoins ou acteurs. La plupart des opinions sur les hommes, des commentaires politiques, des développements et des faits relatés n'ont rien qui puisse être mis en contradiction avec le caractère et la nature du personnage.

1. Jurot conduisant pour la première fois sa femme chez

Fouché, préfet de police, lui dit « Tu vas voir un homme de beaucoup d'esprit. Il est surtout fin comme la soie. mais point faux. C'est l'homme le plus capable pour la place qu'il occupe. » (Mémoires de Mmo d'Abrantès, L. III, p. 257.)


Le procès, les pièces qui l'accompagnent et

que nous avons voulu mettre sous les yeux du lecteur sont a retenir. Et il reste acquis que, seul, le titre des Mémoires de Fouché, cliangé en Mémoires sur Fouché, eût été inattaquable. Il ne faudra pas l'oublier pour suivre avec intérêt les pages qui vont suivre.

Proudhon, en étudiant cette œuvre, cette com-

pilation, cette adaptation, invention, si l'on veut même, s'est parfaitement rendu compte de son importance, à l'époque où il la lisait. 11 ne s'y trompe pas. Il n'hésite pas à convenir, du reste, que, si les Mémoires ne sont pas vrais, ils sont du moins véridiques,

Les réflexions inspirées iv Proudhon, les com-

mentaires qu'il en a tirés, méritaient d'être conservés.

Nous les avons recueillis et classés avec soin.

ils témoignent une fois de plus de l'ardeur que

cet ardent génie mettait à scruter l'histoire, à surprendre les causes des événements, a en tirer des déductions précieuses; ils montrent son amour extrême pour l'humanité et l'obstinée croyance qu'il avait dans la justice, la vérité.

Clément Rochel.


COMMENTAIRES

SUR LES

MÉMOIRES DE FOUCHÉ

.Ces Mémoires' sont infiniment curieux. Ils con-

tiennent force vérités et anecdotes, tombées depuis dans la circulation. Bien des gens, jusqu'à M. Thiers, les ont pillés, ces Mémoires instructifs, sans indiquer la source. Fouché est un de ces hommes qu'il est de bon ton de ne pas citer. Mais point de milieu ces Mémoires révélateurs doivent être acceptés pour le tout ou rejetés pour le tout; je veux dire que le témoignage de Fouché doit être accueilli comme un autre, et contrôlé seulement par d'autres témoignages ou par lui-même ou écarté sans égard.

Or, mon opinion très formelle est que les i1lé-

moires de Fotaché sont véridiques au plus haut point, et sauf les inexactitudes inévitables en pareille matière, que l'on rectifie à l'étude d'autres renseignements, et les quelques petites vanilés et illusions qui échappent assez souvent à l'auteur.

•1. Les Mémoires de J. Fouché, duc iVOtrantc. Bruxelles,

vol. in-18. Tarlier, libraire, rue de l'Empereur; l'aria, Le Rouge.


Ceci dit sur la valeur intrinsèque du livre, il

faut apprécier le caractère, la mortalité et le rôle du personnage.

On a dit de rouclo, comme de tant d'autres,

beaucoup plus de mal qu'il n'en mérite; on l'a fait beaucoup plus noir et odieux qu'il n'est; d'un autre côté, on ne saurait admettre sa justification et le blanchircomme il l'entend; il s'agit donc de prononcer sur lui un juste jugement. Or il a fourni lui-même toutes les pièces; il y a peu d'hommes qui se soient exposés plus francliemenl aux regards de leurs lecteurs.

Fouché est l'archétype de toute une classe

d'hommes fort nombreuse, qui, bien que se rattachant au fond du cœur à un principe, à un parti, se résignent cependant facilement a servir une pensée, un système contraire, tantôt sous prétexte de céder à la force, tantôt avec l'espoir de modifier, changer le système, d'entraîner le pouvoir à leurs vues, tantôt sous le prétexte philanthropique de faire dans une position mauvaise le plus de bien qu'il se pourra, et d'en tirer, dans l'intérêt de l'humanité et de l'ordre, tout le parti possible.

Il est hors de doute que Fouché, par exemple,

esprit fort avisé, au fond ami de la Révolution, donna d'excellents conseils au premier consul et l'empereur; qu'il s'opposa fréquemment il son humeur despotique 1, qu'il blâma ses actes les plus 1. « Sous le règne de Napoléon, et dès la fin du Consulat,

les formes, d'abord enfreintes avec violence, tombèrent bientôt dans un tel mépris qu'on ne les aurait pas récla- mées sans exciter la dérision. La justice, faite pour tous,


usurpatoires. et ne fut étranger à rien de ce qui honore le plus le Gouvernement impérial; il est certain qu'il sauva plus d'une tête et ne servit pas peu à adoucir le sort des émigrées et des proscrits. Il est acquis qu'il blâma l'expédition d'Espagne et que, des 1809, il prévit la chute prochaine du Gouvernement impérial.

Tout cela est vrai et doit lui être compté en

atténuation de sa carrière si pleine d'équivoques.

Mais si vraiment il était ami de la liberté, pour-

quoi servait-il l'Empire?

Pourquoi laissa-t-il faire le 18 Brumaire, qu'il

eût pu empêcher?

Pourquoi ne donna-t-il pas sa démission après

Marengo? etc., etc.

Je sais bien que cette morale d'abstention con-

clut l'inaction, à l'inertie, à l'abandon des intérêts les plus précieux; du moins, cela en a tout Mais la démission donnée aurait produit autant

d'effet que les conseils du magistrat rallié.

l'ut déniée, ou proscrite. J'ai connu un vieillard respectable et incapable de feindre, qui était depuis deux ans en prison sans avoir été interrogé et qui me jurait sur l'honneur qu'il lui était impossible de deviner la cause de son arrestation. .1'ni vu un papetier, nommé Métivier, qui ne fut interrogé qu'au bout de huit mois. Ce jour-là, on s'aperçut qu'il y avait eu erreur sur sa personne; il fut mis en liberté. Dix de mes amis, acquittés à l'unanimité par des juges qu'on n'a jamais soupçonnés d'une arrière-pensée séditieuse, ont subi dix ans de captivité depuis leur absolution. Ce jugement après ,jugement avait même un nom, mais un nom hybride, un nom monstrueux, un nom qui fait frémir: il s'appelait le juficmcnt administratif. Souve7iirs de la Révolution et de l'Emvire, par Charles Nodieu, t. I, p. 10


Mais l'opposition se formant serait devenue un

frein plus puissant que les timides représentations du Ministre.

Et il est trop vrai qu'en voulant servir la Révo-

lution sous le despotisme, on servait bien davantage encore sa propre for tune Fouché laissa millions à sa mort

Etait-ce par esprit légalité qu'il acceptait le titre

de duc d'Olrantc? qu'un Carnot se laissait faire comte'? un Maret, duc? etc.

Ce n'est pas tout voyez où ce système engagea

Fouché et tant d'autres:

A nouer des relations avec tous les partis, afin de

pouvoir se décider à temps en faveur du plus fort à conspirer quelquefois contre son propre chef!

En 1809, Fouclié conspire avec Talleyrand, Bcr-

nadotle, Sémonville, etc., contre l'Empire, qu'il voyait marcher à sa ruine.

En 1814, il donne indifféremment ses conseils,

conseils toujours très sages, il est vrai, à Murât, à Eugène, à Elisa, h Napoléon; il s'entend avec Metternich il s'oppose d'abord à l'idée du rétablissement des Bourbons; puis il l'accepte et devient un de leurs partisans, toujours, bien entendu, dans l'espoir de faire tourner les événements au profit de la Révolution.

Tout cela n'est pas précisément de la trahison,

mais en est fort voisin. Il n'y a pas de doute que si, en pendant les Cent Jours, Napoléon avait eu la preuve des intrigues de Fouché avec Metternich, il l'eût fait fusiller, et qu'il n'y aurait eu rien à dire.


Fouché est le type de tous ces jacobins sans prin-

cipes qui trouvent toujours une excuse patriotique à leurs évolutions, et qui, au fond, ne suivent d'autre boussole que celle de leur ambition et de leur égoïsme. Régicide en 1793 massacreur à Lyon, en 1793; thermidorien en 1794; bonapartiste en 1799; duc en 1804; partisan des Bourbons, puis de l'empereur, puis de nouveau des Bourbons, en 1815; en dernière analyse, ami de personne, et laissant une fortune évaluée à 14 millions qui, certes, ne sont pas le fruit d'économies opérées par le fonctionnaire sur ses appointements.

Fouché est le prototype de nos modernes jaco-

bins, soi-disant démocrates, qui, en 1852, croyant l'Empire pas durable, refusèrent avec dignité le serment; qui, en 1857, hésitèrent entre le serment et leur ambition; et qui, enfin, en 1862, veulent absolument revenir aux affaires, toucher au pouvoir, aux places, l'argent. C'est ce que nous verrons bientôt.

Fouché ne croit généralement pas à la probité

ou à l'intégrité des gens cependant il a l'air d'en citer quelques-uns, mais qui rentrent dans le cadre des ralliés. Certes, on peut être probe et honnête dans tous les Gouvernements; l'erreur alors n'est qu'un fait de jugement. Napoléon eut des amis intègres et dévoués. Mais, pour ceux qui repoussèrent énergiquement la tyrannie et' ne transigèrent pas, Lafayette, Royer-Collard, B. Constant, Chateaubriand, Staël et quelques autres, Fouché les traite de gens de porte ou conspirateurs.


Les Mémoires de Fouetté, écrits sans passion,

sans fausse honte, laissent tout apercevoir. et tout croire, et donnent tout à entendre.

Quelquefois des soupçons horribles surgissent,

mais ce ne sont que des soupçons.

Par exemple, il fait remarquer que tout arrive à

propos à Bonaparte

Hoche, subitement arrêté dans ses conquêtes par

les préliminaires de Léoben

Le même, mort de poison, 15 septembre 1797, à

Wetzlor;

Joubert, tué, on ne sait comment, en à

Novi, au début de la bataille;

Desaix, à Marengo;

Kléhcr, au Caire, etc.

Fouché1 Figure longue, regard scrutateur et

louche, habitude du corps, sèche.

Voici son portrait, en tracé par Cliarles Nodier:

« Le duc d'Otrante avait alors cinquante ans, mais il annon-

çait davantage. Sa taille, peu élevée au-dessus de la moyenne, (Hait d'ailleurs extrêmement grêle, et même un peu cassée, quand il se laissait surprendre par la fatigue ou par l'ennui. Sa constitution osseuse et musculaire, qui se manifestait par de vives saillies dans tous les endroits apparents, ne manquait pas de vigueur; mais elle ne portait plus rien de ce luxe de santé auquel on reconnaît les heureux de la terre, les égoïstes, les paresseux et les riches. Il n'y avait pas un trait dans sa physionomie, pas un linéament dans toute sa structure, sur lequel le travail avec le souci n'eussent laissé une empreinte. Son visage était d'une pâleur particulière qui n'appartenait qu'il lui et que je serais embarrassé de définir. Ce n'était pas la lividité qui trahit l'action permanente d'une bile réprimée avec effort; ce n'était pas cette couleur malade et blêmissante qui révèle un sang pauvre et une organisation étiolée. C'était un ton froid, mais vivant,


Vie sobre et frugale; supérieur aux voluptés;

esprit mitoyen, mais régulièrement clairvoyant, inaccessible aux élans, aux effusions capable d'humanité pas de génie, mais force bon sens; appréciant toujours les choses en elles-mêmes, les voyant telles qu'elles sont, et dans leur vraie tendance style commun, mêle de traits originaux et énergiques, faits pour être retenus.

Servant bien, avec intelligence; dépassant très

souvent par excès de curiosité, besoin d'initiative, les vues et les desseins de, ses chefs, ne se livrant comme celui que le temps donne aux monuments. La puissance de ses yeux bien enchâssés prévaiait, au reste, en peu de temps, sur toutes les impressions que son premier aspect aurait pu produire. Ils étaient d'un bleu très clair, mais tout à fait dépourvus de celle lumière du regard que leur donnent le mouvement des passions ef jusqu'au jeu de la pensée. Leur fixité curieuse, exigeante et profonde, mais immuablement terne, et que rien n'aurait détournée d'une question ou d'un homme, tant qu'il lui plaisait de s'en occuper, avait quelque chose de redoutable qui me faisait tressaillir encore quelquefois. La tenue du duc d'Otrante était d'une extrême simplicité, à laquelle ses mœurs le portaient naturellement, mais qui pouvait avoir alors un motif politique, tout à fait d'accord avec ses penchants. Le duc d'Otrante, en redingote grise, en chapeau rond, en gros souliers ou en bottes, se promenant à pied au milieu de ses enfants, la main ordinairement liée à la main de sa jolie petite fille, saluant qui le saluait, sans prévenance affectée comme sans marque et sans étiquette, et s'asseyant bonnement où il était fatigué, sur le banc d'une promenade ou sur le seuil d'un édifice cet extérieur de vie bourgeoise, de bonhomie patriarche et d'inclinations populaires, qu'on avait regardé jusqu'alors comme incompatible avec le caractère français, et qui s'était manifesté rarement, à la vérité, chez les hommes de la conquête. éveillèrent plus de sympathie que nous n'en avions obtenu en plusieurs années d'occupation. »


jamais, et prompt à se détacher, dès que la politique et les idées du pouvoir lui semblent perverties, ne reculant pas devant une intrigue et des complots ayant pour but de rétablir ce qui lui paraît meilEn résumé, un homme sûr, tant qu'on peut

avoir la certitude d'obtenir son aclhésion.

Un homme très peu sur, au contraire, et dont il

fallait se défier au plus haut degré, dès que l'on s'était aperçu de son blâme, que, du reste, il ne cachait pas.

Avec tout cela, égoïste, amoureux du pouvoir,

des hommes, des richesses, très disposé il faire de son intérêt l'intérbt général, à prendre le premier pour critère du deuxième; et, pour se maintenir, allant jusqu'à suivre une politique et faire des choses qu'il désapprouvait intérieurement.

C'est par entraînement que rouché devint régi-

cide, non entraînement des idées ou des passions; sa pensée ne me paraît pas, quoi qu'il dise, avoir été convaincue, ni son âme surexcitée mais il jugea que, tel étant le courant de l'opinion, il fallait le suivre. Les mêmes considérations firent la base de sa conduite u Lyon et ainsi de suite.

En deux mots, Fouché voyait juste, préférait les

principes et le droit mais, ne pouvant faire prévaloir ses idées, ni détourner le torrent des événements, il y entrait lui-même, et hurlait avec les loups, sans trop de répugnance, en tous cas sans remords. C'est tout à fait, je le répète, l'échantillon le plus complet de la grande majorité des


humains, qui, au fond, n'obéit qu'à son intérêt, et ne se livre pas; mais qu'il serait très facile de retenir dans la voie du droit et des principes.

Il commence par se laver les mais de la Révo-

lution.

Suivant lui, c'est la corruption des hautes classes

et la démoralisation de t'État, qui l'ont provoquée. Une fois lancé, on n'a pu se retenir.

Les nobles et l'Église conspirant, émigrant, on

en vint contre eux à la spoliation.

A qui la faute? dit Fouché. « Ce n'est pas moi

qui ai dit Il faut que les propriétés changent. Ce mot était plus agraire que tout ce qu'avaient pu dire les Gracques, et il ne se trouva point un Scipion Nasica.

« La mutation des propriétés est synonyme de la

subversion de l'ordre établi.

« Dès lors (à partir de la spoliation), la Révolu-

tion française ne fut plus qu'un bouleversement: » Suivant lui, le but de la première coalition était

de démembrer la France. « Alors, dit Fouché, le progrès des lumières n'avait point amené la dccouverte de la combinaison européenne. En préservant la France, les patriotes de 1792 ont travaillé, quoique sans intention, pour l'avenir de la monaiv chie.

« La Révolution fut violente, cruelle c'était

forcé. »

Joseph roucbé, fils d'un armateur de Nantes,

1763, élevé chez les Oraloriens, oratorien lui-même, préfet de collège à l'époque de la Révolution, n'a jamais été engagé dans les ordres s'est marié à


Nantes, après 17S9, dans le but de se faire avocat. Sa pensée alors était celle de son siècle; rien de plus, rien de moins'.

Nommé par ses concitoyens représentant à la

Convention.

Avait connu Robespierre à Arras, où il profes-

sait la. philosophie. Lui avait même rendu quelques services la diversité d'opinion et de caractère les séparèrent.

Une anecdote qu'il raconte sur Robespierre

prouve que lui, Fouclié, était ennemi de la démagogie.

Toutefois se déclara contre la Gironde pour

l'unité et l'indivisibilité de la République.

De la son opposition à la Gironde, et l'ardeur

qu'il montre dans la répression de l'insurrection des départements. Il voyait le démembrement de l'Etat la peur de ce démembrement, en présence de l'ennemi, fut le levier qui soumit les départements.

La Convention, malgré tout ce qu'on peut lui

reprocher, a sauvé la patrie.

11 a voté la mort du roi; il s'en est amèrement

repenti. Son motif fut la raison d'Etat; et l'on voit i. « Il est d'ailleurs de toute fausseté que j'aie jamais été

prête ni engagé dans les ordres :.j'en fais ici la remarque pour qu'on voie qtt'il m'était bien permis d'être un esprit fort,, un philosophe, sans renier ma profession première. Ce qu'il y a de certain, c'est que je quittai l'Oratoire avant d'exercer aucune fonction publique, et que, sous l'égide des luis, je me mariai it Nantes dans l'intention d'exercer la profession d'avocat, plus analogue à nies inclinations et l'élat de lit société. » (T. I, p. 12.)


que le repentant Fouché, placé dans les mêmes conditions, voterait encore de même.

En politique., se demande-t-il, l'atrocité n'au-

mit-elle pas parfois son point de vue salutaire? »

Ce n'était pas un dnergumène, comme l'on voit.

Ce qu'il faisait, il le faisait avec réflexion et de sang-froid. Et il ajoute Qtci nous cta demanderait compte aujourd'hui si l'arbre de la Liberté, poussant des racines profondes, eût résisté à la hache de ceux mêmes qui l'avaient élevé de leurs mains ?

Crimen facit erentus. Ce repentant-là n'est pas

très bourrelé.

Fouché vota la loi des suspects, mais en récla-

mant des r/aran tics.

« Les députés en mission, suivant lui, n'étaient

que des machines, des instruments du Comité. » Du reste, la Terreur réagit sur lui.On l'a dit depuis: les terroristes furent les premiers terrifiés; la peur lit la Terreur.

Il passe lestement sur sa mission'; arrive au

1. « Envoyé en mission dans les départements, forcé de me

rapprocher du langage de l'époque et de payer un trihut aux circonstances, je me vis conl,raintde mettre à esécution laloi contre les suspects. Elle ordonnait l'emprisonnement en masse des prêtres et des nobles. Voici ce que j'écrivis, voici ce que j'osai publier dans une proclamation émanée de moi le 2'i août

if La loi veut que les hommes suspects soient éloignés du

commerce social cette loi est commandée par de l'Efat; mais prendre pour base de vos opinions des dénonciations vagues, provoquées par des passions VileS, ce serait favoriser un arbitraire qui répugne autant à mon cour qu'à l'équité, Il ne faut pas que le glaive se promène au hasard. La loi commande de sévères punitions, et non des proscritlions aussi immorales que barbares. (T. 1, p. I7-,18.)


9 Tliermidor; accuse Robespierre, dont il reconnaît l'aptitude, la tenue, la suite d'idées et l'opiniâtreté, d'envie, de haine, d'esprit de vengeance, et d'aspirer à la dictature de Sylla. A la louange de Fouehé, il faut dire qu'il délesta toujours le despotisme. Ce qu'il fit contre Robespierre, il le fera contre Napoléon.

Tallien voulant assassiner Robespierre, Fouché

s'y oppose; la popularité de Robespierre1 lui eût survécu, dit-il, et on nous aurait immolés sur sa tombe. Il fallait faire jouer d'autres ressorts.

C'est Fouché qui décida contre Robespierre Collot

oVHerhois, Carnot et Billaud.

C'est lui qui, à la fêtc du 20 prairial (8 juin), pré-

dit tout haut à Robespierre sa chute prochaine.

Cinq jours après, Robespierre demanda sa tète;

mais déjà l'opposition était organisée contre lui, au sein des Comités. Voilà Fouché!

Alors on se prépare de part et d'autre la guerre.

Robespierre rappelle Saint-Just, rallie Coulhon, prépare ses forces; mais, lâche, défiant, timide, laisse écouler cinq semaines à ne rien faire.

On a comparé Robespierre aux Gracques il

n'en eut ni l'éloquence ni l'élévation. Toutefois Fouché rétracte le jugement qu'il porta sur Robespierre, le lendemain du 9 Thermidor Qu'on faisait trop d'honneur à Robespierre, en l'accusant d'aspirer à la dictature; qu'il n'avait ni plan, zzi vues; que, loin de disposer de l'avenir, il était entraîné, etc.

Fouché déplore et blâme la réaction de Ther-

midor, qui l'expulsa de la Convention.


Alors il apprit à méditer sur lcs hommes et les

factions.

Lajournée de Vendémiaire mit lin à la persécu-

tion des patriotes. De là, la première sympathie de Fouché pour le général Bonaparte.

Critique judicieuse du:Directoire, qui fit de bonnes

choses, mais se détourna des patriotes pour se livrer aux caméléons politiques. Trois ans ^obscuet de défaveur pour Fouché.

Fouché dénonça à Barras la faction de Babeuf il

füt un des auteurs de la défaite de cette secte redoutable. On lui offre une place secondaire, qu'il refuse.

Alors il se jette dans les fournitures, et com-

mence sa fortune, dit-il, ci l'exemple de Voltaire.

Lv, il rendit plus d'un service aux patriotes.

Le coup d'Etat de Fructidor', rendu nécessaire

par la fausse politique du Directoirc, qui l'éloignait de plus en plus des patriotes et des républicains (la Terreur).

« Par notre énergie et la force des choses, nous

« (les patriotes vainqueurs du 18 Fructidor) étions « les maîtres de l'Etat et de toutes les branches du 1. <( Un grand déchirement devint inévitable des que la

majorité des deux Conseils se fut déclarée contre la majorité du Directoire. Ce fut alors qu'on vit Bonaparte, conyuérant de la L,ombardie et vainqueur de l'Autriche, former dans chacune des divisions de son armée un club, faire délibérer ses soldats, leur signaler les deux Conseils comme des traîtres vendus aux ennemis de la France, et après avoir fait ,jurer son armées, sur l'autel de la Patrie, d'exterminer les brigands envoyer des adresses menaçantes en profusion dans tous les départements et dans la capitale. » (T. I,


c pouvoir. Il no s'agissait plus que d'une prise de « possession entière dans l'échelle des capacités. Quand on a le pouvoir, toute l'habileté consiste t maintenir le régime conservateur. Toute autre « théorie, à l'issue d'une révolution, n'est que niai« série ou hypocrisie impudente cette doctrine, « on la trouve au fond du cœur même de ceux qui « n'osent l'avouer. J'énonçai, en homme capable, « ces vérités triviales, regardées jusqu'alors comme « un secret d'Etat. On sentit mes raisons. Bientôt « une douce rosée de secrétariats généraux, de portefeuilles, de commissariats, de légations, d'ambas« sades, d'agences secrètes, de commandements divisionnaires vint, comme la manne céleste, « désaltérer l'élite de mes anciens collègues, soit « dans le civil, soit dans le militaire. Les patriotes, « si longtemps délaissés, furent pourvus. J'étais l'un « des premiers en date, et l'on savait ce que je « valais. Pourtant, je m'obstinais il refuser les « faveurs subalternes qui me furent olferles; j'étais « décidé à n'accepter qu'une mission brillante qui « me lançât tout à coup dans la carrière des grandes « affaires politiques. »

Enfin, septembre 1798, nommé ambassadeurprès

la Rbpuhlique cisalpine.

Bonaparte avait fait un pont d'or à l'Autriche, en

lui sacrifiant Venise.

Or, admirez les effets des principes égoïstes et

cupides recommandés par Fouché.

On ne s'arrête pas, comme l'on sait, dans cette

voie de corruption et d'assouvissement.

La Mpublique cisalpine réclamait l'indépen-


dancc elle avait raison, dit Fouché c'était l'intérêt de la République française elle-même, qui il fallait des alliés forts et sincères. C'était également l'opinion de Barras, de Brune, etc. Mais les patriotes voulaient en faire une vache à lait.

« En moins d'un an, la paix de Campo-Formio,

«qui avait abuse tant de crédules, était sapée « par la base. Sans nous arrêter, nous avions liorri« blement usé du droit de la force en Helvétic, « Home, en Orient. A défaut de rois, nous avions « fait la guerre aux pâtres de la Suisse; nous « avions été relancer les Mameluks. Ce fut particu« lièrcment l'expédition d'Egypte qui rouvrit toutes « les plaies. »

Fouché blâme cette expédition, vieille idée

trouvée dans la poussière des bureaux, dont on fit une affaire d'Etat et où Bonaparte donna à plein collier1. 1.

Puis, se refroidissant, apercevant le piège, il ter-

giversa tant qu'il fallut presque le contraindre partir. L'âme de cette intrigue, dont le but était d'éloigner Bonaparte, fut Talleyrand. A la fin, Bonaparte en prit son parti, songeant 'que l'heure n'était pas venue, et que cette expédition ne pouvait qu'ajouter sa gloire.

Le Turc, dit Fouché, était seul ici dans le baot droit.

1. « Bonaparte avait horreur du Gouvernement multiple,

et il méprisait le Directoire, qu'il ahpelait les cinq rois terme. Enivré de gloire il son retour d'Italie, accueilli par l'ivresse française, il médita de s'emparer du Gouvernement suprême; mais sa faction n'avait lris encore jeté d'assez profondes racines. Il s'aperçut, et je me sers de ses propres expressions, que la poire )t'était pas mûre. » (T. I, p. 42.)


Voilà ou en étaient la politique et la morale des

patriotes.

Une fois ambassadeur, Fouché, voyant l'incapa-

cité des directeurs, et le faux de leur politique, se met à conspirer avec Brune, Augereau, Joubert il fait un plan qui consistait à toui révolu donner au dehors*, à faire passer le pouvoir à des mains'plus énergiques et à donner l'impulsion à toute l'Italie, en commençant par émanciper la sœur cadette de la République française, la République cisalpine.

« Nous préméditâmes, dit-il, ce coupde main avec

l'espoir de forcer à l'adhésion la majorité du Directoire. »

Mouvement du 20 octobre 1798, à Melun, d'ac-

cord avec Brune; sorte de répétition du 18 Fructidor, Veau rosé,

Le plan de Fouché est renversé par Talleyrand,

alors Ministre des Affaires étrangères.

Brune déplacé, remplacé par Joubert2, qui s'en-

1. L'éditeur des Mémoires de Fouché, dans une note rédigée

très vraisemblablement par M. de Julliari, dit: « Il paraîtque ce plan, renouvelé de la propagande de 1792, n'avait pour adhérant au Directoire que Barras c'était un faible appui. ltewbel et llterlin ne voulaient pas aller si vite en besogne; elfrayés déjà de leurs violences en Egypte et en Suisse, ils persistaient à se bercer dans une situation qui n'était ni la paix ni la guerre. Il faut avouer que la tentative hardie de tout révolutionner, qu'ils n'osèrent essayer qu'à demi, eût donné aux révolutionnaires de France une immense initiative sur les opérations de la campagne de qui tournèrent contre eux au dehors et au dedans. La Révolution s'arrêta elle se fit homme,. (T. I, p. 46.)

2. « C'était, sans contredit, le plus intrépide, le plus habile

et le plus estimable des lieutenants de Bonaparte. » (T. I,


tend aussitôt avec Fouché. Fouché, remplacé par Rivaud, est forc6 de fuir.

C'est ce que hottché appelle son premier nau-

frage dans sa navigation des hauts emplois.

Désorganisation générale le Directoire provoque

la deuxième coalition.

Bonaparte absent, Hoche emprisonné, Pichegru

déporté, Morcau en disgrâce, Bernadottc retire, Championnct destitué, Joubcrt démissionné.

Défaite de Jourdan rupture du ConSrès de

Rasladt; triple défaite de Schérer sur l'Adibc, général de prédilection de Rewboll.

Joli Gouvernement!

Coteries, intrigues, machinations, coalitions de

mécontents. Parti bonapartiste.

Sieyès directeur. « Je lui savais quelques

« idées fortes et jusics en révolution, dit Fouché; « je connaissais aussi son caractère défiant et arti« ficicnx; je lui croyais, d'ailleurs, des arrière« pensées peu compatibles avec les bases de nos « libertés et de nos institutions. »

Mystification du directeur Merlin et de Duval,

qui, se croyant une majorité assurée, perdirent complètement la partie, « Nous, dit Fouché, « savions comment on opère nous en fimes des « gorges chaudes dans d'excellents dîners où se « tamisait la politique. »

Coalition législative: les Bonaparte d'un cote,

les patriotes' de l'autre 1.

1. D'un côté, Merlin et uéveillùre s'obstinaient il l'este!'

dans le fauteuil directorial. Bertrand du Calvados, au nom de la Commission dont faisait partie Lucien, leur dit à la tri-


Révolution dans le Directoire, 30 prairial

(18 juin 1799). Barras et Siei/ès maîtres.

Nomination de Fouché à l'ambassade de Hol-

lande.

Sieyès prépare la ruine de la Constitution et une

restauration monarchique; il songeait soit au duc de Brunswick, soit au roi de Saxe ne voulant ni des Bourbons, ni du jeune Egalité et n'estimant digne aucun des généraux.

A ce moment, il est question de mettre en juge-

ment les ex-directeurs Merlin, La Révcillcre et Treilhard, ou Rewbel. Les griefs sont Y expédition d'Égyple; la déclaration de guerre aitx Suisses, les pillages de l'Italie, etc.

Mais un pareil procès eût entraîné trop de révé-

lations, ce que Barras voulait éviter. On rappelle que les Conseils avaient plus d'une fois sanctionné par leurs applaudissements l'expédition d'Egypte et la déclaration de guerre contre les Suisses. (Ils étaient pris.)

Que veut-on de plus ? L'expédition d'Egypte est-

elle jugée, oui ou non?

Sieyès s'appuie sur Joubert et Fouclié qui devient

ministre de la Police (lor août 1799).

bune « Je ne vous parlerai pas de vos Rapinat, de vos Rivaud, de vos Trouvé, de vos Faypoult, qui, non contents d'exaspérer nos alliés par des concussions de toute nature, ont violé par vos ordres les droits des peuples, ont proscrit les républicains, etc.

« Je n'étais pas étranger, dit Fouché, à cette sortie, où

se trouvait une approbation indirecte de ma conduite, et un blâme tacite de celle qu'avait tenue le Directoire à mon égard. » (T. I, p.


Naturellement, Fouché exalte l'importance de la

police. C'est par son insuffiance en 89, dit-il, que tomba la couronne!

Intrigues et machiavélisme pendant toute celte

année.

Fouché fait la guerre aux clubs et à la presse.

Tout le monde d'accord, au Directoire et dans les ministères, de renverser la Constitution. Sieyès déclame contre les Jacobins^.

Fouché professait alors la maxime suivante Il

e.st temps que celle démocratie sans but et sans règle fausse place K l'aristocratie républicaine du Gouvernement des sac/ es.

Fermeture de la salle des Jacobins, rue du Bac,

par Fouché. En même temps, poursuites contre les royalistes visites domiciliaires, pour découvrir les émigrés, embaucheurs, égorgeurs et brigands.

Fouché emploie les royalistes contre le roya-

lisme il prélude au régime impérial.

Bataille de Novi mort de Joubert.

C'était à la fête delà Commémoration du 10 août, qui eut

lieu au Champ de Mars. Sieyès fit son discours d'apparat, comme président, lançant les plus violentes sorties contre les jacobins. Le Directoire connaissait" tous les ennemis qui conspiraient contre la République. Il les combattrait sans relâche. les comprimant sans relâche. » Cette diatribe de Sieyès eut un écho immédiat au Conseil des Cinq-Cents. lis protestèrent en partie contre cet appel « il la contre-révolution ».

Et Fouché dit « Et comme si, il l'instant, on eût voulu le

punir d'avoir lancé ses foudres oratoires, en entendit, ou l'on crut entendre, au moment où les salves terminaient la cérémonie, deux ou trois balles siffler autourde Sieyès et de Barras, et puis quelques vociférations. » (T. I, p. 81.)


« J'ai questionné des témoins oculaires de l'évé-

« nement, qui semblaient persuadés que la balle « meurtrière était partie d'une mince cassine, par « quelqu'un d'aposté, la mousqueterie de l'ennemi « n'étant point à portée de l'état-major, au milieu « duquel. était le général. On a été jusqu'à dire « que le coup était parti d'un chasseur corse de « nos troupes légères. Enfin cette mort n'a jamais « été expliquée, et c'est avec raison qu'elle a été « appelée suspecte. Mais n'essayons pas de percer « un mystère affreux, par des conjectures ou par « des faits trop peu éclaircis. Je vous laisse Jouberl, « avait dit, en partant pour l'Egypte, Bonaparte. « Ajoutons que sa valeur était relevée par la sim« plicité de ses mœurs, par sm désintéressement, « et qu'on trouvait chez lui la justesse du coup « d'œil unie à la rapidité de l'exécution, une tête « froide avec une âme ardente. Et ce guerrier « venait de nous être enlevé peut-être par la coni« lunaison d'un crime profond, au moment oil il « aurait pu relever et sauver la patrie »

Le plus grand avenir était promis à Joubert. Tout

le monde le savait; le Directoire avait pris soin de sa fortune; on venait de lui faire contracter un beau mariage; s'il revenait vainqueur, la place était perdue pour Bonaparte Sieyès et Jouberl devenaient les chefs de la République. As fait cui prodest, Les Bonaparte ont prouvé maintes fois qu'ils étaient capables de tout. On peut se tromper eu leur attribuant l'empoisonnement de Hoche et la mort de Joubert, tout comme l'assassinat du colonel Ourlet, le lendemain de Wagram.


Suppression de onze journaux par Fouché,

11 août1.

Efforts du parti patriote, dirigé par Jourdan,

Augereau, Bernadottc.

Redoublement d'intrigues, hypocrisie et scéléra-

tesse de Lucien Bonaparte. Aux Cinq Cents, il proteste conlre la dictature. « Est-il aucun de nous, s'écria-t-il, qui ne s'armât du poignard et qui ne « punît le lâche (Sicyès), et l'ambitieux (Joubcrt), « ennemis de leur patrie? » Tout cela pour faire échouer la proposition de Jourdan, de déclarer la patrie en danger 2, On voulait connaître la force du pouvoir executif*.

1. Cette suppression nc se fit pas sans soulever des protes-

tations. A la Chambre, un député déclara qu'il se préparait coup d'Etat. Il attaqua directement Fouche, demandant la suppression du Ministre de la Police.

Le lendemain, le Directoire lit insérer dans le Rédacteur

et dans le Moniteur l'éloge de mon administration.» (T. 1, p. 94.) C'est une marche logique. C'est toujours celle qu'on prend,

quand on aspire il gouverner sans contradicteur. D'ailleurs, Fouclié ne suivait ici que les errements de la Convention, du Comité de Salut public et du Directoire au 18 fructidor;.et il fera de même avec Bonaparte., et il prouvera qu'il il avait raison, en frappant la presse, en supprimant les contradictions.

2. « La proposition de déclarer la patrie en danger, éma-

néc de Jourdan, fut le signal d'un grand effort de la part de nos adversaires. J'en avais été averti la veille. Aussi toute notre majorité, recrutée non sans peine, à la suite d'une réunion chez le député Frégevillo, vint il son posle, décidée à tenir ferme. On déroula d'abord le tableau des dangers. » (T. I, p. 00.)

3. Toute la préparation, tout ce travail du coup d'Etat de

novembre est très bien dépeint. « J'étais informé que les patriotes les plus chauds sollicitaient vivement liernadoUo de monter il cheval et de se déclarer pour eux à la faveur d'un tumulte à la fois civil et militaire. » (Cf. p. 97 et suiv.)


« Le vaisseau de l'Etat, dit Fouc/ié, flottera sans

« direction jusqu'à ce qu'il se présente un pilote qui fi le lasse surgir au port. » Il se prépare au coup d'Etat.

Bataille dc Zurich, 25 septembre. Débarque-

ment de Bonaparte, 1G octobre.

Coup d'Etat, 9 novembre.

Il rcssort de toutes les déclarations de Fouché

que le coup d'Etat de Brumaire1 fut prépare par les enrichis, les intrigants, les corrompus, les ambitieux, les royalistes, les sceptiques, et tout ce Cf. La Gazelle nationale ou le Moniteur universel.

Na Septidi'1 brumaire an VIII

« Lf! 20 Liminaire, à midi très précis, il sera célébré dansle

temple de la Victoire, (Sulpice) une fûtn à la ilforale universelle. Il

NO48, Octidi 18 brumaire

« Une feuille allemande dit que la ville de Paris rentre dans

ses droits cte dicter des modes il toute l'Europe. A la dernière foire de Leipsick, les marchands de trame curent la préférence sur ceux d'Angleterre.

« L'écrit suivant a élu distribue, ce malin il neuf heures,

aulour des Conseils:

fi Dialogue entre un membres clu Conseil des Anciens et utt

membre d2t Conseil des Cinq-Cents:

« Ce dialogue a pour but de légitimer le décret de transla-

tion.

« Le membre du Conseil des Cinq-Cents. Entre nous,

mon ami, je crains l'intervention de Bonaparte dans cette affaire. S'il était un César, un Cromwel. ?

« L'Ancien. Un César! un Cromwell Mauvais Tôles

uses, indignes d'un homme de sens, quandils ne le seraient pas d'un hornmc de bien. C'est ainsi que l3onaparte lui-même s'en est explitiué dans plusieurs occasions. Ce scrait une pensée sacrilège, disait-il une autre fois, que cellc d'attenter au Goure)'nement représentatif dans le siècle cles lumières et dc la liberté.


qui voulait pocher en eau trouble ou s'abreuver il la source du pouvoir; que tous les républicains s'y opposaient que le peuple ne resta pas indifl'e'rent, mais bluma la chose et que, moins de six semaines après, tous les bourgeois qui y avaient donne les mains en étaient aux regrets.

Sur cette question du 18 Brumaire, Fouché est

entièrement d'accord avec l3uonarrotti. Il ne songe pas qu'il se fait le procès à lui-même et aux siens, a tous les indignes qui exploitaient la malheuDans le fait, quelle est, ici la conduite de Bonaparte ? On l'appelle, et il se présente; le Conseil commande, et il obéit; voilà tout.

N" Nonidi brumiure fin VIII de la République fran-

çaise, une et indivisiblc

« Bonaparte, général en chef, aux citoyens composnnt la

garde nationale sédentaire de Paris. Du 18 brumaire an VIII de la République française, une et indivisible.

« Citoyens,

« Le Conseil des Anciens, dépositaire de la sagesse natio-

nale, vient de rendre le décret ci-joint. Il y est autorisé par

les articles 102 et 103 de l'acte constitutionnel.

h II me charge dé prendre les mesures pour la sûreté de

la représentation nationale. Sa transiation est nécessaire et momentanée. Le Corps législatif se trouvera à m^mo de tirer la représentation du danger imminent, où la désorganisation de toutes les parties de l'administration conduit.

« Il a besoin, dans cette circonstance essentielle, de l'union

et de la confiance des patriotes. Ralliez-vous autour de lui c'est le seul moyen d'asseoir la République sur les bases de la liberté civile, du bonheur intérieur, de la victoire et de la paix.

« Vive la République 1

« BoNAPAtlTE. ))

Pour copie conforme

« Alexandre Bertiher. »


rcuso République. C'est cette môme race infâme de soi-disant politiques, modérés, sauveurs, qui a détruit la République de Février et préparé le.coup d'Etat du 2 décembre

Que faire, quand tout le personnel gouverne-

mental, quand la .majorité des représentants du pays, des hommes influents, n'en sont plus qu'à se disputer les bénéfices de la souveraineté? Le 18 Drumaire fut le dénouement d'une longue intrigue, où les patriotes, ne sachant rien, ne voyant rien, furent dupes et victimes.

Mais le fait qui ressort entre tous est le machia-

vélisme, la scélératesse de toute cette race de Bonaparte.

Les frères de Bonaparte lui expédient aviso sur

aviso pour le presser de revenir.

Fouché pénètre les desseins de cette famille qu'il

trouve divisée (de vrais bandits). Les Corses étaient hostiles aux Beauharnais.

Joséphine ne pouvait vivre avec 40.000 francs

de revenu, faisait des dettes. Le général lui avait envoyé d'Egypte de fortes sommes tout était dissipé. « Barras, dit Fouché, me l'ayant recomman« dée, je l'avais comprise dans les distributions « clandestines provenant du produit des jeux.

« Je lui remis, de la main à la main, mille louis,

« galanterie ministérielle, qui acheva de me la « rendre favorable. »

Elle vivait mal avec ses beaux-frères Joseph et

Lucien.

« Ce que j'appris de différents côtés me persuada

« que Bonaparte nous tomberait des nues.


« Pour décrire le court intervalle de temps qui

« sépara l'arrivée de Bonaparte du 18 Brumaire, « cela exigerait lu plume d'un Tucile. »

Tout était préparé avant qu'il arrivât; le coup

Lou monte'. On l'allendaiL on le faisait désire)'; on parlait de lui comme d'un sauveur.

13amlin, membre influent du Conseils, meurt de

joie à l'annonce de l'arrivée de Bonaparte.

Celui-là est digne de figurer à côté de Dc/avo.

Du reste, l'opinion lui fut favorable, ajoute

Fouché, qui éprouve ici le besoin de se justifier. Fouché aime trop il dire ce qu'il y a vu, ce qui a été, pour dissimuler ce qu'il y eut de factice dans l'accueil fait an général déserteur; mais la part que I. L'hôtel de la rue Clianlercinc qu'on appela, ;t cause lIe

lui, rue de la Victoire, était trn<|ué comme une scène île le foyer de multiples intrigues, l.e.s généraux sont amorcés parles petits côtés (le leur vanité, de leur sottise, de leur ambition. Dans les soirées où Volney s'aplatira jusqu'à souffler, pour la faire refroidir, la tasse de (lié du général, on suspend aux murs les lances, les sabres, les turbans des mameluks. On fait disparaître les meubles et on les remplace par des tambours qui n'ont jamais vu l'Halie. On dil aux visiteurs Prenez place, citoyens, ce soûl les tambours d'Arcolel.

« D'ailleurs, Bonaparte a toujours soigné la mise en scène.

Il passe le Saint-Bernard ù dos tle mulet, et en peinture se fait représenter calme sur un cheval fougueux. Il a des cheveux noirs et, pour leur donner plus de reflet,, il se teint et se graisse. Ses yeux n'ont point, de cils. Ln jour, le sculpteur Iloudoii expose aux Tuileries (il élaitconsul) un buste du héros. De munie qu'il avait laissé Yoitairc ses rides, Ilouilnn avait représenté sans cils les paupières du général. Bonaparte, suivi de son état-major, vient visiter le buste. « Ai-je « l'œil ainsi fait?» dit le consul au sculpteur anxieux, Et, prenant le buste par le nez, il le jette à terre et le brise. »


ce ministre de Police, infidèle à son mandat, prenait à l'usurpation, rend moins croyable ce qu'il affirme, que son arrivée produisit une ivresse génémIe. La suite prouva qu'il y avait fort à rabattre de cette généralité, et que ce qui fait le plus de bruit, à un moment, n'est pas toujours la vraie expression du pays.

« Transfuge de l'armée d'Orient, et violateur des

« lois sanitaires, Bonaparte eût été brisé devant un « Gouvernement fort'. » La moitié du Gouvernement trahissait l'autre.

Bonaparte ne se rallie aucun parti ni au parti

populaire, ni au parti pourri, ni au parti de Sieyès; il les abuse tous.

Conspirateurs ses frères et lui; Berthier, Régnault

de Saint-Jean-d'Angely, Rœderer, Iléal, Bruix, Talleyrand, Fouché, Lcmercier, Frégcville-, Sémonville, Bournonville, Macdonald, Collot, banquier.

Par Talleyrand il se rapproche de Sieyès, Chénier,

Daunou, entremetteurs, leur donne « l'assurance « de leur laisser la direction du Gouvernement, « promettant de se contenter d'être le premier office- cier de l'autorité exécutive ». Fouché tient ceci de même. Mensonge et rouerie.

Autres recrues Lannes, Murât, Leclerc, Berlhieiy

Marmont, Séruricr, Lefèvre.

1. Au 18 Brumaire, Dubois-Crancé, ministre de laGuerre,

demande avec instance à Barras l'ordre d'arrêter Bonaparte « Signez, s'écrie-l-il, et je me fais forl de saisir le despote qui veut monter au trône. Signez, et je le tue. » Barras répond « Je me f. de tout ce qui arrivera je vais me mettre au bain, ne me tracassez pas davantage! »


Et encore Boulay de la Meurthe, Régnier, Chazal,

Cabanis, Lebrun, Courtois, Cornet, rarcluc, BarailIon, Villelard, Goupil, Tréfcla, Viner, Boutovillo, Cornudet, Horwyn, Deleloy, Rousseau, Le Jarry, E. Gaudin, M' Récamier; membres des Anciens, membres des Cinq-Cents, banquiers, etc., etc.

Bonaparte eut d'abord contre lui son propre frère,

Lucien. « Vous ne le connaissez pas, disait Lucien à ceux qui voulaient confier au général toute la direction du mouvement qui se préparait, vous ne le connaissez pas. Une fois là, il se croira dans son camp; il commandera tout, voudra être tout. »

Quelle famille!

Fouclié se vante ensuite de sa participation.

« La Révolution de Saint-Cloud aurait échoué, si

« je lui avais été contraire. Je pouvais égarer Sieyès, « donner l'éveil a Barras1, éclairer Gohier et Moulins, « je n'avais qu'à seconder Dubois-Crancé, le seul « ministre opposant, et tout croulait. Mais il y « aurait eu stupidité de ma part ne pas préférer « un avenir fi rien du torrt mes idées étaient « fixées. »

Ce que dit là Foucbé ne paraît avoir rien d'exa-

géré. Peu de chose eût suffi pour abattre la conspiration il sut'lisait de deux ou trois hommes probes et énergiques au pouvoir. Mais l'égoïsme parlait L Dans la matinûe, vers neuf heures, Mm(1 Tallien, forçant

la consigne du pllais, entra chez Barras. Il t'Iait encore au bain, quand elle lui appril, que Bonaparte vendit d'agir contre lui: Que voulez-vous, s'écria l'indolent épicurien? Cet homme-là (désignant Bonaparte par une épithèle grossière) nous a tous mis dedans 1 » (T.'l,p.


plus haut que la conscience. Le 18 Brumaire fut une curée'. Fouché ne s'en cache guère. et, après ce que je viens de citer de lui, on peut se dispenser d'entendre ce cJu'il ajoute .l'avais jugé Bonaparte Il seul capahle d'effectuer les rOformes politiques Il impérieusement commandées par nos mœurs, « nos vices, nos écarts, nos excès, nos revers et nos a funestes divisions.

Quelle opinion.avait rouché de Bonaparte? Il est

bon de l'entendre. Or, pas plus que les contemporains qui curent l'avantage d'approcher le grand /wmme, houclré ne se fit illusion sur sa valeur. Il l'apprécie à son juste prix.C'était un homme unique, mais tyran, avide, menteur, immoral, méfiant, etc. Bonaparte, général en chef, aux soldais. Au quartier

général de Paris, le 18 brumaire au VIII de la République française, une et indivisible

« Soldats,

a Le décret extraordinaire du Conseil des Anciens est con-

forme auxUrlicles 102 et 10:) de l'acte constitutionnel. Il m'a remis le commandement de laville et de l'armée.

a le l'ai accepté pour seconder les mesures qu'il va prendre,

et qui sont toutes en faveur du peuple.

« l,a République est mal gouvernée depuis deux ans. Vous

avez cshéré que mon retour mettrait nn terme à tant de maux vous l'avez célébré avec une union qui m'impose des obligations que je remplis vous remplirez les vôtres,et vous seconderez votre général avec l'énergie, la fermeté et la confiance que j'ai toujours vues en vous.

La liberté, la victoire cl, la paix replaceront lalîépublique

française au rang qu'elle occupait en Europe, et que l'ineptie ou la trahison ont pu seules lui faire perdre.

« Vive la République

« BOiNAl'.MlTIÏ.

Pour copie colonne

« Alex. liEimiiEii.


« Ce qui le préoccupait, c'était d'avoir iL com-

« battre l'exultation républicaine, à laquelle il ne « pouvait opposer que des modérés ou des buïon« nettes. Lui-même me parut alors, politiquement « parlant, au-dessous de Cronnvell; il avait, d'ail« leurs à craindre le sort de César, sans en avoir ni cc le brillant ni le génie. » -Voilà un rude démenti à M. Thiers

Mais, d'un autre côté, quelle différencie entre lui,

La Fat/elle et Diunoiiviez!

Stupidité prodigieuse des directeurs Moulins et

Gohier.

Lucien, amoureux de M" Récamier, qui l'accable

de rigueurs involontaires. Elle n'était pas perforée et ne pouvait soufl'rir l'approche d'aucun homme.

Animosité de Bonaparte contre Barras Joséphine,

avait été la maîtresse de celui-ci; elle l'avait été, depuis, et autres. C'élait une ficll'éc catin. Lâcheté de Barras, qui se retire avec de l'argent. « Comment voulez-vous, disait le directcur Gohier,

qu'il y ait une révolution à Saint-Cloud? Je liens ici les sceaux clc la République. »

Coopération de Moreau. Une faute.

Dès le soir du 18 Brumaire, la tyrannie du sabre

se fait sentir. « Tout ce que proposait Bonaparte lui Bouapni'le, après la visite de Cambacérès (18 mai

clic/. Mmo Bonaparte et lui dit « Je m'estime hcureux, Madame, d'èlre le premier de vos sujets qui vienne déposer à vos pieds mon respect et ma fidélité. Le lendemain, Narras disait iL un de ses amis <̃ Voyez-vous cette place encore marquée sur mon canapé 'c'est celle qu'occupait, i n'y a pas très longtemps, l'impératrice des Français. »


« sentait la dictature du sabre. Les hommes qui « s'étaient jetés dans son parti venaient lui en faire « la remarque. C'est fait, leur dis-je; le pouvoir « .militaire est entre les mains de Bonaparte, et c'est « vous-mêmes qui le lui avez déféré. Je vis bientôt <( gtté la plupart auraient voulu rétrograder. »

Triste figure de Bonaparte il Saint-Cloud, aussi

bien devant les Anciens que devant les Cinq-Cents'. Quel dommage qu'on n'ait pas sténographié ces

scènes

Je souis le diou de la gncrra cl de la

« Le Ministre dc la Police générale prévient ses conci-

toyens que les Conseils étaient réunis iL Saint-Cloud, pour délilércr sur les ennemis de la République et de la liberté, lorsclue le général Bonaparte., étant entré au Conseil des CinqCents pour dénoncer des manœuvres contre-révolutionnaires, a failli périr victime d'un assassinat.

Le génie de la République a sauvé ce général; il revient à

Paris avec son escorte; le Corps législatif a pris toutes les mesures qui peuvent assurer le triomphe et la gloire de la République.

Cr. le Moniteur du 19 brumaire, n° 39. Art. Ministère de

la l'olice générale..

2. Tainc J'aU: l'analyse de son parler de parade «Avec ses

généraux, ministres et chefs d'emploi, il se réduit au style serré, positif et technique des afl'aires; tout autre langage nuirait aux affaires l'âme passionnée ne se révèle que par la brièveté, la force et la rudesse impérieuses de l'accent. Pour ses armées et le commun des hommes, il a ses proclamations et ses bulletins, c'est-à-dire des phrases à effet et de l'emphase voulue, avec un exposé des faits simplifiés, arrangvs et falsifies à dessein, bref un vin fumeux, excellent pour échauffer l'enthousiasme, et un narcotique excellent pour entretenir la crédulité, sorte de mixture populaire qu'il débile au momeut opportun et dont il proportionne si bien les ingrédients que le gros public, auquel il la sert, a du plaisir à boire et ne peut manquer d'être ivre après avoir bu.


« La harangue fut débitée sans ordre et sans

« suite; elle attestait le trouble qui agitait le génûo rai, qui tantôt s'adressait aux députés, tantôt se « tournait vers les militaires restés à l'entrée de « la salle. »

Aux Cinq-Cents, il se trouve mal; on l'emporte,

la tûle perdue. Remonté a cheval, puis galopant sur le pont de Saint-Cloud, il crie aux soldats « Il.s m'ont voulu tuer! Ils m'ont voulu mettre « hors la loi! Ils ne savent donc pas que je suis « INVULNÉRABLE! qUC je Sllls le DIEU DE LA FOUDRE » C'est de la folie.

Murât le rejoint Allons, général, du courage,

et la victoire c.st nous! Alors, il parle d'en linir par un massacre des députés. Mais personne n'était de cet avis, et l'on s'en tint à un moyen terme, qui fut de faire envahir la salle par les soldats.

Bonaparte se montre ici dans sa laideur, lâche et

féroce comme une. hyène, comme un tyran. Dépourvu de vrai courage 1, succombant devant qui lui résisté et n'ayant de puissance qu'avec les faibles.

Quiconque a lu seulement les Mémoires de Fou-

chè comprend de suite que M. Thiers, homme sans En toute circonstance, son style, fabriqué ou spontané, manifeste sa merveilleuse connaissance des masses et des individus; sauf dans deux ou trois cas; sauf en un domaine élevé, écarté, et qui lui est demeuré inconnu. » (Le Régime moderne, 1.1, p. 39.)

1. Une particularité assez remarquable c'est que, ce même

jour (18 Brumaire), Bonaparte, en parlant aux troupes, ne s'arrêtait jamais et qu'il ne marchait qu'en zigzags. Il Pourquoi ? dit NIm° d'Abrantès. Avait-il peur d'un coup de pistolet tiré des fenêtres? Cette conjecture pourrait bien ûlrejuste. »


principes et pourri comme Fouché, mais soigneux de sa réputation et parlant à une génération libérale, quoique molle, a voulu habiller proprement la vie de Napoléon. Allez au fond toute cette histoire du Consulat et de l'Empire est une longue orgie, oil il n'y a d'estimable que les ennemis du tyran et ses victimes.

Sieyès, honteusement joué et mystifié. Il se

retire avec un émolument de 600.000 francs, reste de la caisse des directeurs.

Cambacérès, Gaude! .Forfait, La Place, ministres.

Déchaînement de Sieyès contre les anarchistes.

Proscriptions des patriotes, dès le 26, huit jours après le coup de main. Fouché s'y oppose. Il est pour la clémence. Rusé matois!

« Les républicains rigides, les amants ombra-

« geuxde la liberté, virent seuls avec chagrin l'ILVè« nement de Bonaparte ils en tirèrent les consé« quences et les présages les plus sinistres. Ils ont. « fini par avoir raison. »

Les royalistes voient dans Bonaparte un Monck.

« La raison d'Etal, dit Fouché, voulait qu'on « le royalisme. » Sous une fausse apparence de liberté, le premier consul laisse paraître tout ce qui tend à décrier la Révolution.

Fouché désirait savoir les projets et idées de

Sieyès. « J'employai Réal qui, usant de beau« coup d'adresse et de bonhomie, découvrit les « bases du projet de Sieyès, en faisant jaser Chv« nier, l'un de ses confidents, au sortir d'un dîner « où les vins et d'autres enivrants n'avaient pas « été Lpargnés. » Les femmes!


Discussion de la Constitution « Chénier parlant

de la nécessité de mettre un frein au pouvoir et insistant sur la nature de V absorption par le Sénat « Cela ne sera pas, s'écria Bonaparte en colère et « frappant du pied, il y aura plutôt du sang jvs« qu'aux genoux »

Sieyès, déconsidéré dès lors, et anéanti dans de

Trois millions de suffrages donnés allait signer

qui voulait, dans les administrations, et chez les officiers publics. « Trois millions sur huit ou dix millions de citoyens ayant droit de vote, ce qui suppose de cinq à sept millions d'abstenants. » Je puis affirmer, dit Fouché, qu'il n'y eut dans le recensement, « aucune fraude ». Non, pas dans le recensement, mais dans la déposition des votes?. Jusqu'à la bataille cle Marengo, les formes de la

République subsistèrent; « à partir de ce jour, dit « Fouché, on vit le républicanisme perdre de sa « sombre autorité et les conversions se multiplier. »

Bonaparte rompt les liaisons de Joséphine l. et

bannit de son palais les femmes de mœurs décriées. Il fait de la rigidité, de la décence. Quel homme moral On verra bientôt.

1. Joséphine écrivait, en nivôse an Il, au vieux et austère

Vadier

Il Je t'écris avec franchise, en sans-culotte montagnarde. »

Et. à ce propos, voici une origine du mot « sans-culotte »

Deux dames, patriotes exaltées, dont l'une était Mmo de Coi-

gny, assistaient à une séance de.l'Assemblée Constituante et témoignaient, par de bruyantes remarques, leurimprobation pendant un discours de l'abbé Maury « Monsieur le Président, faites taire ces sans-culottes! » dit l'orateur, qui devint plus tard cardinal. Le mot est resté.


Il entremêle les mesures de clémence et les actes

de cruauté. Exécution du jeune Toustain, du comte h'rotté et de ses compagnons d'armes.

Je ne veux pa.s gouverner en chef débonnaire,

disait Bonaparte.

Ses emportements contre les banquiors et four-

nisseurs Armand Séguin, Vanderberg, Launoy, Collot, Hainguerlot, Ouvrard, les frères Michel, Bastide, Marion et Récamier.

« Je trouvai dans cet homme unique ce qu'il

« fallait pour régler et maintenir l'unité de pou« voir dans la puissance exécutive, sans laquelle « tout serait retombé dans le chaos. Mais je le « trouvai avec des passions violentes et une dis« position naturelle au despotisme. »

Ce qu'il savait par-dessus tout, c'était la science

pratique de la guerre.

Mystification du parti royaliste, par l'entremise

de l'abbé Bernier et de deux vicomtesses.

Louis XVIII écrit à Bonaparte. La duchesse de

Guiche envoyée de Londres à Joséphine 1.

Joséphine informait de tout Fouchc moyennant

Je ne puis rien sur la France sans vous,disait ce princ.e,

et vous-même vous ne pouvez faire le bonheur de la France sans moi; hâtez-vous donc. »•

« En même temps, ajoute Fouché, W le comte d'Artois envoyait de Londres la duchesse de Guiche, femme pétrie d'esprit, pour ouvrir de son côté une négociation parallèle par la voie de Joséphine, réputée l'ange tutélaire des royalistes et des émigrés. Elle obtint des entrevues, et j'en fus instruit par, Joséphine elle-meme, qui, d'après nos conventions, cimentées par mille francs par jour, me tenait au courant de tout ce qui se passait dans l'intérieur du château. (Cf. t. I, pp.'lî7,


mille francs par jour que celui-ci lui payait La vénalité, l'espionnage sont des pratiques de

la famille même de Bonaparte.

Emotion produite à la première nouvelle de la

bataille de Marengo, perdue par Bonaparte. On s'agite, on se prépare à tirer la République des griffes du Corse; après tant d'admiration, on est heureux, pour une bataille perdue, de se voir débarrassé de cet homme. Fouché lui-même est troublé de ce qu'il voit. Aussi, grande colère de Bonaparte à son retour quand il apprend ce revirement. « Eh bien criait-il, on m'a cru perdu, « et on voulait encore essayer du Comité de Salut « public Je sais tout. Et c'étaient des hommes « que j'ai sauvés, que j'ai épargnés 1\le croit-on « un Louis XVI? (C'est un coyon! 1 disait-il'de lui au « 10 août.) Qu'ils osent, et ils verront Qu'on ne « s'y trompe plus. Une bataille perdue est pour « moi une bataille gagnée. Je ne crains rien; « je ferai rentrer tous ces ingrats, tous ces traîtres « dans la poussière. Je saurai bien sauver la « France en dépit des factions et des brouillons! » C'est un capitan matamore ivre. Ce n'est pas. là

un chef d'Etat, pas même un chef d'armée 1.

1. « J'ajoute aux patriotes que je t'ai déjà nommés le

citoyen Bonaparte, général, chef de l'artillerie, d'un mérite transcendant. Ce dernier est Corse; ..il ne m'offre que la garantie d'un homme de cette nation, qui a résisté aux caresses de Paoli et dont les propriétés ont été ravagées par ce traître: » [Lettre de Joseph Robespierre, au début de la' campagne d'Italie, dat6edeNice,le IG germinal an II.) « Ce jugement, dit Charles Assclineau, si clairvoyant, porté par un homme jeune encore, sur un officier de vingt-quatre ans, qui


hlus ombrageux mesure qu'il devient plus forl,

il s'arme de précautions; s'entoure d'un appareil militaire, déblatère sans cesse contre les obstinés, ne veut admettre les républicains qu'en minorité dans les hauts emplois.

Et la famille! Lucien, ministre de l'Intérieur,

abuse de son crédit et de sa position, tranche du roué, enlève des femmes a leurs maris, trafique des licences d'exportation de grains 1.

Non seulement Fouché payait l Joséphine, il payait,

à raison de 25.000 francs par mois, le secrétaire intime de Napoléon, Bourrienne.

Le château seul lui absorbait plus de la moitié

des 100.000 francs qu'il avait de disponibles chaque mois 1.

Le premier consul se défiant de Fouché, on orga-

nise quatre polices

Police militaire du château, faite par Duroc et

les aides de camp;

Police des inspecteurs de gendarmerie

n'avait pu jusque-là se signaler que par des avantages médiocres.

« Cet homme extraordinaire, qui fatigue maintenant la

renommée, après avoir pesé si fortement sur l'univers. Si je me décide à publier cet écrit, il sera joint à un portrait du grand rrvdéric, que,j'ai aussi connu; j'établirai ensuite un parallèle entre ces deux personnages, certes les plus fameux depuis Louis XIV. » (Lettrc in-i", .du 16 janvier 18. du duc de Levis à l'Académie française, qui accompagnait un envoi assez étendu sur Napoléon.

1. A la vérité, par là Fouché fut très exactement informé;

et il put contrôler mutuellement les informations du secrétaire par celles de Joséphine, et celles-ci par les rapports du secrétaire. « Je fus, dit-il, plus fort que tous mes ennemis réunis ensemble. » (Cf. t. I,p.'189.)


Police de la préfecture par Dubois;

Haute police de roucla.

« Tous les jours le premier consul recevait

quatre bulletins de police séparés, sans compter les rapports de ses correspondants affidés. C'est ce qu'il appelait /«7e/1 le pouls à la République. Conspirations de tous cotes contre le consul,

dans le peuple et dans l'armée. On mettait à la tète du parli républicain les généraux Bernadolle, Ausercau, Jourdan, Brune, Moreau; bien d'autres, moins élevés, les suivaient. C'est encore dans l'armée que l'opinion s'est le mieux tenue.

Fouché ne dénombre pas tous les complots

déjoués; il cite seulement

Complot un conjuré, sous un habit de gcn-

darme, jure d'assassiner le premier consul la comédie;

2" .lunevot, ancien aide de camp d'llcnriot.

Arrêté. Complices supposés Fion, Dufour, Rossignol Talot et Laignelot, directeurs invisibles Metgc, pamphlétaire

Les mêmes, d'abord relâchés. Cerrachi,

Diana, Arena, Topino-Lebrun, Demervillo. Barrèrc fait ici métier d'indicateur;

Provocation de la police particulière de Bona-

partie. Démission de Carnot. Simulacre d'attentai arrangé par les aides de camp, Lanncs, etc. Distribution d'une brochure composée par les

soins de Lucien Parallèle clc Cromocll, Monck et Bonaparte

1. La conclusion de ce. libelle élait que rien ne convenait

mieux à la nature frauçaise, pour son bonheur et sa gloire,


L'idée toute monarchique. Brouille de Lucien

avec Napoléon Le premier aurait voulu dominer le second. Il s'en va en Espagne;

Complot des nommés Chevalier et Vcycer il

avorte;

Complot (le Saint-Régent, imile" du précédent,

dit de la « machine infernale », 24 décembre 1S01. 20 personnes tuées, 56 blessées 2.

Exécutés Cltevalier, Voycer, Metgc, Humbert et

Chapelle; Arcna, Cerracchi, Demerville et TopinoLebrun3.

que de rendre le consul héréditaire dans la famillc de Bonaparte.

Il n'y avait, en France, qu'une autorité assez puissante

pour hasarder impunément une parrcille démarche et c'était l'aulorilé même qui gouvernait la République. La brochure dont il s'abit avait été écrite ;t l'instigation de Bonaparte., par l'intervention de son frère Lucien, alors ministre de l'Intérieur, et elle était l'œuvre de Fontancs, qui n'était, à cette époque, que le rhéteur clandestin de Lucien Bonaparte. »(Les Derniers Jours chl Consulat, manuscrit inédit de Claude Fauriel. Calmann-Lévy, éditeur.)

1. Un jour, Lucien, la suite d'une altercation très vive,

jeta sur le bureau de son frère, avec humeur, son portefeuille de Ministre, en s'écriant qu'il «se dépouillait d'autant plus volontiers de tout caractère public qu'il n'y avait trouvé que supplice avec un pareil despote De son côté, le frère outragé appela ses aides de camp de service pour faire sortir de son cabinet « .ce citoyen qui manquaitau premier consul». (Cf. t. I, pp. 203, 204.)

2. Cf. Thiers, qui est inexact.

3. Après l'explosion de la machine infernale, le Sénat,

excité par le déchaînement public et faisant toutes les concessions qui lui étaient demandée, donna son adhésion aux proscriptions réclamées par Bonaparte. « Je parvins, non sans peine, dit Fouché, à sauver une quarantaine de proscrits que je fis rayer avant la rédaction du sénatus-consultc de déportation en Afrique. Je fis réduire ainsi à une simple


Moreau est arrêté dans le cours de ses victoires,

dit Fouché, par la politique ou par l'envie1, et conclut Steyer un nouvel armistice. On dit, à celte occasion, que Bonaparte avait triomph6 pour lui seuls, Moreau pour la paix.

Etablissement d'un tribunal criminel .slofcial,

partout oit sa présence est jugée nécessaire. Miparti de civils et de militaires. Ceci constitua la dictature de la police. A cette occasion, on dit de Fouché qu'il allait devenir le Se'jrm d'un nouveau Tibère.

Voilà le Gouvernement, voilà la politique sur

laquelle M. Thicrs a versé l'eau tiède de son style! Oh

Masséna rappelé d'Italie, pour suspicion de répu-

hlicanisme, et remplacé par Brune, suspect luimême, puis rentré en grâce.

mesure V'exil et Ve surveillance hors de Paris cette cruelle déportation d'abord prononcée contre Charles de Ilessc, Félix Lcpelletier, Clioudieu, Talol, Dcstrcm, et d'autres soupçonnés d'être les chefs des complots qui donnaient tant d'inquiétude à Bonaparte. (T. I, p. 222.)

Depuis la campagne d'Autriche, Moreau passait pour le

second général de la Réltublique. Bonaparte lui en gardait quelque rancune. Et, comme il avait oublié de l'inviter à un dîner aux Tuileries où tous les hauts fonctionnaires étaient assis à lit table du premier consul, Moreau se vengea d'lavoir Vé négligé 'en allant publiquement, et en habit civil, dîner dans un des restaurants les plus frviuentés de la capitale avec une troupe d'olliciers mécontents. Ce fait fut très remarqué et produisit un effet des plus fâcheux.

Les premiers germes de rivalité entre ces deux gran c' capitaines datent de là. Il La différence de caractère et les restes de' l'esprit républicain devaient les amener, tôt ou tard, à une opposition ouverte. » (T. 1, p. 220.)


Napoléon Bonaparte se fatigue de la présence de

Talleyrand et Fouché, et de leurs conseils. Ou disait qu'il était sous leur tutelle « Le cœur de « Bonaparte n'était pas étranger Il la vengeance et « à la haine, ni son esprit à la prévention; et l'on « apercevait aisément, à travers les voiles dont il « se couvrait, un penchant dëcidù à la tyrannie. » Histoire d'une cantatrice italienne, M"° G. que

Bonaparte fait acheter parBerthier, a 15.000 francs par mois, et venir à Paris. Elle se dégoût de lui et le trompe pour un joueur de violon, nommé Rode 1. On voit ici Bonaparte employer ses généraux et ses amis comme ministres de ses plaisirs Plus tard, une fantaisie subite lui lit naître, un soir,

l'envie d'envoyer chercher M"cI)uchesnois, actrice du TliéaltreFrançais, fort laide de figure, mais zlont on assurait que le corps au-dessous du buste était un modèle de proportions. On l'avertit quand elle fut arrivée. Il était encore à travailler. Il ordonna qu'on la fit entrer dans un cabinet voisin de sa chambre à coucher et lui fitdire de se déshabiller. La pauvre actrice obéit et ne garda que la portion de vêtements la plus indispensable. On était alors à la fin de septembre, les nuits commençaient à être froides; il n'y avait pas de feu dans la chambre, de sorte qu'après avoir attendu plus d'une lieure elle était transie de froid. Elle sonna et pria d'avertir l'empereur de la situation où elle se trouvait.- Son travail n'élait pas encore termine. u Qu'elle s'en aillel » répoudit-il, et jamais il ne la redemanda.

Il en usa souvent ainsi avec les comédiens, qu'il aimait, à

sa manière.

Un jour qu'il était à Saint-Cloud, il crut remarquer que

l'embonpoint de l'acteur Dugazon augmentait considérablement « Comme vous vous arrondissez, Dugazon n, lui dit-il en lui frappant sur le ventre. « Pas autant que vous, petit papa», répondit l'acteur en se permettant le même geste. Le petit papa nc répondit rien; mais Dugazon ne fut plus admis en sa présence.


secrets, et en faire cJe vrais maquereaux Duroc, Berthier, Junot; Lannes fait la police du château. Il avilit tous ceux qui l'approchent. Quel despote oriental!

Fureur de Bonaparte, à la nouvelle de l'assas-

sinat du tsar Paul. « Quoi! Un empereur n'est pas v eu sûreté au milieu de ses gardes. » Il s'exha« lait en cris, en trépignements en courts accès de furcur. Jamais je ne vis scène plus frappante. » De ce moment il ne rêva plus que complots dans l'armée, destitua et lit arrêter plusieurs officiers généraux, entre autres lhimbcrt, qui aurait été fusillé sans roucllc. Bernadoltc dénoncé, le colonel Simon idem. Quel régime

« Mais le tourbillon des affaires et la marche de

« la politique faisaient diversion a toutes ces traa cusseries de l'Intérieur. »

Tripotage à Madrid, entre Lucien et le prince de

la Paix 1 ils se partagent un subside secret de 30 millions, payés par le Portugal. Le premier consul fut d'abord outre. Tallcyrand et rouclié le calment et préviennent un éclat scandaleux. Puis il s'adoucit tout à fait. « Le sacrifice des diamants « clc la princesse du Brésil, et l'envoi fcait au pre« micr consul de 10 millions pour sca caissc particu« Hère, dit Fouché, fléchirent sa rigidité au point qu'il laissa conclure à Madrid le traité définitif. » 1. « La mission de Lucien à Madrid avait eu aussi un but

politique la déclaration de guerre an Portugal par l'Espagne à l'instigation du premier consul, qui regardait avec raison le Portugal comme une colonie anglaise. » (Cf. t. I, p. et suiv.)


Voilà ce guerrier désintéressé, qui défendait

ses généraux le pillage!

Aussi tout le monde fait comme lui.

Vente des articles secrets du traité de paix avec

l'Autriche, pour la somme de livres sterling(1.500.0Û0 francs). Lcprcmicr consul rugit; mais impossible, dit roucln, de rien découvrir. Il soupçonna pourtant, cI; le dit au premier consul, R.L. homme de confiance de M. de Talleyrand, et B. aîné, propriétaire des Débats. Le premier fut banni, le deuxième déporté. Que dites-vous de cette justice ?

La bourgeoisie- de 89 n'était venue aux affaires

que pour trafiquer des affaires de l'Etat, et celui qui donna l'exemple, qui conduisit la bande et fit les plus gros bénéfices, ce fut Napoléon.

Affaire de Saint-Domingue'. Bonaparte se

livre aux esclavagistes, parmi lesquels Malouet et Fleurieu; exile de Paris Santhonax, le défenseur des nègres; et décide qu'on maintiendrait l'esclavage et que la traitn, rlcs noirs et leur importation auraient licrr suivant les lois existantes ayant 89.

« Mais c'était au fond du cœur de Bonaparte

1. « Je recevais de Santhonax, jadis si fameux u Saint-

Domingue, sur les moyens d'y reprendre notre influence

des mémoires très bien faits et appuyés sur des raisonnements solides mais Santhonax était lui-même dans une telle défaveur qu'il n'y eut pas moyen de faire goûter ses idées au premier consul il me donna même l'ordre formel de l'exiler de Paris. Fteurieu, Malouet et tout le parti des colons l'emportèrent. On décida qu'après la conquête on maintiendrait l'esclavage. »

(Cf. t. I, p. 250.)


« qu'il fallait aller chercher la véritable cause de. cette expédition désastreuse; cet égard, Bcr« thier est Duroc en savaient plus que le Ministre « de la Police. Fouché fait allusion, je pense, à l'éloignement de Pauline Bonaparte, mariée au général Leclerc, infectée de vérole, et que son frère éloigna. Probablement elle avait eu pour amants Bertbieret Duroc. Fouché ajoute

(1 Le premier consul saisit avec ardeur Y heureuse

occasion d'éloigner un grand nombre de régi« ments et d'officiers généraux, formés à l'école de « Moreau, dont la réputation le blessait, et dont « l'influence dans l'armée était pour lui un sujet « de gêne et d'inquiétude. »

Les rumeurs devinrent alors effrayantes. «Eh

« bien! me dit un jour Bonaparte,, vos jacobins cc prétendent méchamment que ce sont les, soldats « et les amis de Moreau que j'envoie pétrir a SaintDomingue, ce sont des fous hargneux LaissonsIl les jabotcr. On ne gouvernerait pas, si on se « laissait entraver parles diffamations et les calom- « nies; tâchez seulement de me faire un meilleur « esprit publie. »

Bonaparte s'arroge la présidence de la république,

non plus cisalpine, mais italienne. Cela retarde la paix avec l'Angleterre, qui la conclut pourtant. « Mais, dit rouclné, les niais seuls purent y « croire et elle ne servit qu'à consolider le pouvoir « du sabre. »

Mémoire de Fouché à Bonaparte, après la paix

d'Amiens; il l'invite à affermir la paix et a rentrcr dans les voies de la liberté et de l'ordre légal.


Son opinion sur les établissements du culte.

II accorde que la religion pourrait prêteur au Gouvernement consulaire un solide appui, mais il ne voulait pas de concordai. Liberté des cultes; des traitements, si on le voulait, aux curés et vicaires; mais l'état en dchors, sans mélange du temporel ni du spirituel.

Mémoire de Fontanes, amant d'Elisa, pour le

rétablissement de l'Empire de Charlemagne'. On veut pour cela se servir de ''influence de Rome, imiler en tout point l'ouvre de SOU.

« Cette idée, dit Fouché, entrait aussi dans mes

idées, avec celle diliércncc que le parli de Fonlanes voulait se servir, pour celle restauration, des éléments de l'ancien régime »; tandis que Fouché soutenait qu'il fallait s'étayer seulement des hommes et des principes de la Révolution; le plan, d'ailleurs, lui paraissait préparé, demandait à être mûri, etc. L'idée générale, qui présida à la création de l'Em-

pire, fut, on le voit, commune à tous les Français, ou du moins à la grande majorité. Le mot I. Cf. conversation de l'empereur avec M. de Durante et

M. de ronlanes « Je compare quelquefois son sort au mien, leur disait-il, en parlant de Henri IV: « La couronne lui appartenait, et combien il lui fut difficile de la gagner! ll régna en bon et habile souverain, et on l'assassina. Tandis que moi, qui n'étais pas né pour monter sur un trône, j'y suis arrive tout simplement à grnnd'pcinc, et si je puis m'y maintenir avec calme, sans péril, c'est que je suis l'œuvre des circonstances ,j'ai toujours marché avec elles. » Quant il Alexandre, son admiration étàitsans aucune critique « .des royaumes conquis, des villes fondées, des expéditions lointaines en Asie, une mémoirc laissée dans les trois parties du monde. » (Souvenirs du baron clc liarante, t. I, p. 369.)


même iV Empire datait déjà de sa. C. Desmoulins s'en servait pour ne pas dire le royaume; si j'ai bonne mémoire, il fut encore employé sous la République. Cette pensée générale dérivait de l'idée révolutionnaire elle-même; la cocarde tricolore, avait dit Lafayette, devait faire le tour du monde, ce qui impliquait une idée de conquête, réalisée dès 1792, par Dumouriez.

11 était dans la nature du mouvement que la

Révolution attaquée se propageât au dehors; que la rrance devint conquérant, qu'elle obiînt la suprématie par l'Empire. On .ne conçoit même pas que les choses eussent pu se passer autrement. Mettez Joubcrt, Moreau, Bernadol.lc ou Hoche la place de Bonaparte, la péripétie des événements .ne sera pas la même sans doute, mais les fonds de la politique, mais les tendances ne changeront pas Peut-être serait-on allé moins vite, ou moins loin; mais on aurait marché et, tôt ou tard, les nations froissées se seraient coafisées pour ramener la France à ses limites. Cela serait arrivé le jour où, ayant adopté les principes.de la Révolution, elles auraient revendiqué leur autonomie et leur indépendance, plus, pour garantie, un certain équilibre.

Une partie des vices du Gouvernement impérial

se serait même, dans tous les cas, manifestée: l'amour du pillage, l'exploitation des pays conquis; on le voit par la manière dont les agents du Directoire entendaient en Lombardie, à Rome, en Belgique, etc.

Mémoires relatifs aux émigrés. La liste des


émigrés, dit Fouché, présentait une nomenclature de 150.000 individus, sur lesquels il n'y avait plus, en 1802, à régler le sort que de 80.000.

Exception de 1.000, attachés aux princes.

Ardeur du premier consul à se faire des créatures

parmi les émigrés.

Discours de Lucien Bonaparte au Tribunat sur

le Concordat. Ce discours, dit Fouché, avait été retouché par le poète Fontanes, dont la plume s'était vouée au torrent du nouveau pouvoir qui allait devenir pour lui le Pactole.

Comédie des généraux,- qui refusent d'assister

la cérémonie de Notre-Dame, et que Berlhier trouve moyen d'y entraîner.

L'amnistie accordée aux émigrés alarme tous

les acquéreurs de biens nationaux. « Il fallut, dit « houclu, toute la fermeté et la vigilance de mon « administration pour obvier aux graves inconvé« nienls qui auraient pu résulter du conflit enlre les « anciens et les nouveaux propriétaires.» Le Conseil d'Etat règle la jurisprudence en cette matière.

Y! empoisonnement dû la nation française date de

la mise en vente des biens nationaux et de ceux des émigrés. L'Etat avait sans doute le droit de ressaisir les biens d'Eglise, mais c'aurait été à la condition de bannir le sacerdoce et de supprimer le culte; de rembourser en terres tous les créancier de l'Elat, et de leur laisser ainsi le soin de la vente; de distribuer ce qui resterait aux citoyens pauvres, et de constituer un domaine inaliénable, consistant en formes modèles, forêts, etc., sur tous les points des départements. L'expropriation des biens de


l'Eglise, la confiscation de ceux des émigrés, la manière dont ils furent vendus, la vilité des prix, tout cela eut le caractère d'une spoliation et d'une effroyable curée.

Bonaparte, parvenu au pouvoir, restitua aux émi-

grés tout ce qu'il put; mais cette restitution, purement arbitraire, facultative et gracieuse, n'étant pas convertie en mesure générale, ne fut qu'un moyen de corruption de plus, une trahison envers le parti de la Révolution. C'est justement à l'occasion de ces restitutions que Fouché dit: cc On voit que la révolu« tion était sur la défensive, et la- république sans « garantie ni sécurité; tous les projets du premier « consul tendaient à transformer le Gouvernement « en monarchie. L'institution de la Légion d'hon« neur fut aussi, il. cette époque, un sujet d'inquié« ludes et d'alarmes. »

Et voilà le Gouvernement queM.Thicrs préconise,

qu'il adore!

Trahison perpétuelle, despotisme furibond, cor-

ruption, vénalité, orgie, saturnales; toute la famille des Bonaparte le premier consul, sa femme Josépltine, ses frères pillant, volant, s'enrichissant, trafiquant de la politique de l'Etal!

I. Jérôme aimait faire des plaisanteries, mais il n'avait, pas

l'esprit d'en faire tic bonnes. Un jour, il aperçut au Luxembourg une dame vêtue à l'ancienne mode et elle-même fort âgée. « Madame, lui dit-il, je suis armateur passionné des antiques, et je n'ai pu voir votre robe sans éprouver le désir d'y imprimer un baiser d'admiration. Me le permettez-vous'? Volontiers, Monsieur, lui répondit' la maligne douairière et si vous voulez vous donner la peine de venir chez moi demain matin, vous pourrez aussi me baiser le derrière, dont l'antiquité remonte encore à quarante ans plus haut. Il


Mécontentement, irritation croissante parmi les

militaires. Chose il retenir, sur laquelle Fouché revient sans cesse. Ce ne fut pas seulement en 93 et pendant la Terreur, que l'honneur français se réfugia dans les armées, ce fut aussi sous le Consulat, pendant ces belles aunées que M. Thiers admire, et qui ne furent qu'une longue prévarication.

Les officiers qu'on appelait mauvaises têtes

étaient écartés, exiles ou emprisonnés.

Intrigues de Bonaparte pour la perpétuité du

pouvoir.

Mystification du 8 mai. Le Sénat donne à Bona-

parte une prolongation de pouvoirs de dix ans.

Il faudrait avoir vu, comme moi, tous les signes

de dépit et de contrainte du premier consul, pour s'en faire une idée ses familiers étaient dans la consternation 1.

Consultation du Peuplé rrançais Napoléon

Bonaparte sera-t-il consul à vie? faite en vertu d'un arrêté des deux autres consuls, qui n'avaient aucune autorité. C'est un acte illégal.

« Tandis que les registres destinés à recevoir ces

« suffrages étaient dérisoire ment ouverts aux secré« tariats de toutes les administrations, aux greffes « de tous les tribunaux, chez tous les maires, chez « tous les officiers publics », survint l'affaire du colonel du hussards, Fournier-Sarlovèse, fameux par son habileté à tirer au pistolet, et qui s'était vanté de ne pas manquer le premier consul à cinquante pas. Dénoncé par L. (?) au général Menou.; 1. Cf. Thiers.


arrêté, puis relâché, puis repris, il fut destitué avec le chef d'escadron Donnadieu. « Tout finit, dit « Fouché, par des destitutions, des exils, des dis« grâces et des récompenses azc délateur. »

11 y avait commencement de complot.

Résultat du vote votes affirmatifs

9.074.négatifs. -Acte illégal; vote nul.

C'est la spoliation qui vole. Pendant deux mois,

les ministres ne sont occupés qu'à recenser.

« On s'inquiéta peu, dit Fouché, de la manière

« dont on venait de procéder; la plupartdes citoyens « qui avaient voté pour lui déférer à vie la magis« trature suprême crurent ramener en France le « système monarchique, et avec lui le repos et la « stabilité. Le Sénat crut ou feignit de croire que « Napoléon obéissait à la volonté du peuple, et « qu'on trouverait des .garanties suffisantes dans « sa réponse aux messages du premier coup « d'État.

« La liberté, avait dit le premier consul, l'éga-

« lité, la prospérité de la France seront assurées. « Content, ajoutait-il avec un ton inspiré, d'avoir « été appelé par de Celui de qui tout émane, « à ramener sur la terre l'ordre, la justice et l'éga« lité.

« Tout n'était pas consommé par l'escamotage

« du consulat à vie et, le 6 août, l'on vit paraître « un sénatus-consulté organique de la Constitu« tion de l'an XII[, sorti de l'atelier des deux « consuls satellites, élaboré par les familiers du « cabinet, et proposé au nom du Gouvernement.

« Puisque les Français adoptaient d'enthou-


« siasmc le Gouvernement, renfermé désormais .« dans la personne du premier consul, il n'avait « garde, lui, de leur laisser le temps de se refroi« dir. »

Sénatus-consulte du 6 août 18021.

Remaniement de la Constitution.

Les deux consuls acolytes sont nommés vie

aussi

« Le 15 août, on rendit à Dieu de solennelles

« actions de grâces d'avoir, dans son ineffable « bonté, donné à la France un homme qui avait « bien voulu consentir exercer toute sa vie le « pouvoir suprême. »

Thiers avoue implicitement toutes ces farces et

ne parvient pas à en déguiser le ridicule. Est-il un général de cette époque qui n'eût conservé plus de dignité, plus de pudeur?.

21 août. Grande cérémonie au Luxembourg.

Le public froid, silencieux.- Le soir, on placarda aux murs des Tuileries ce vers

Le silence du peuple est la- leçon des rois.

Colère de Bonaparte.

« Je ne gouvernerais pas, disait-il, six semaines

« dans ce vide de la paix, si, au lieu d'être le « maître, je n'étais qu'un simulacre d'autorité. Il « y a de la bizarrerie et du caprice dans ce qu'on « appelle l'opinion publique; je saurai la rendre « meilleure. »

1. Voir la Chronologie de cette année dans la Chronologie

universelle.


Première disgrâce de Fouché1, organise \r

Joseph-Lucien, Elisa-Fontanes, Duroc, Sr.vtu y, p:;is décidée dans une réunion où assister.l Qmi!jr.cn\ s et Lebrun. On supprime le ministre do Vivacité, la haute police, comme étant iï'uullhtlhii ri'/m/iHcainc et servant t:iu: nurtrch'.slcs. La police, en conséquor.co, osl ri'iir.ie r.u Minière de l'Intérieur, et cor. lire il Ilû^nK r Ir

Gratification fi Vouclto de 1.200.000 francs, moi-

tié du fond clo caisse d;1. ïo:i Mitiiulore, pur l'empereur.

f. «Non hriilciKciil j'avais contre moi Lucien et Joseph,

niiii.; mcoro leur si: m- lilisa, riMim:o liiiiiliiinr1. iKîrveiisc, yr.si iomii'ic, (list'dliu1, di'Vnri'i! |ir Ii; cluulilu liouliol. du l'auium' cL ilu ramliilion. Klii; rlail iiioik-p, cnmmo on l'a vu, par le poi'îlR routines duiil clli! h'i'iai^ (Mi^oi:i!fl,(.'l i;ni (i!!u ouvi t:iL alors loulcs les poi-lrs do la faveur ol, de la furlunc. Timide cl aviVti en pfiliti(|tn:, ro;il;;iu\s n'agissait Itii-im* me (|tn; nous riiilIui'iiL'u d'une colrrio soi-iiitanl. roli[iiéiîse et. Kïunai'tlii(|iio, ci'iLciic i.ui, leiiitii'.iunl une |aili> *t.%s ,jt. » t -nn u.\ « i ;i ::ussi il cl!e sou i.uleur ruiiiiiuliquc, l'aisaiil du <in.i;:ui .km un piiî'mi1, c;l. de liolrc l:m!;i;u u:i j;:ii;on. 1- ici' i!o ses s::l'cis, do sa l'aveur cl de sa petite cour littéraire, l'un tau es rlail Luit irlorieux d'aiucncr ::ux jiicds de son i! lustre émule de Charleiiiiipue, les écrivains novices (Cf. L. 1, pp. £79, £t'O olEiiiv.) 2. s'altcndail il èlt'i! remplacé. En apprenanl le l'ail

ses amis, il dit: .le m'attendais il è:ie îvniplucJ par une (iivs.:c ûi'/i1. « On ne plus Itéynicr, épaii cl loul'l1, i;u2 sj::s I,: nom de Cii-nx Jttyc.

IJi rci:ic;c!nl l'ouché, ?,'apoli'on ltli dil: II a Lien fallu

jr.iuveià riliirope i|i:e je m'iMifouriiis fraiHl;ri::enl dans le système pacifique. Mais soyez sur q;io je ne renonça ni il vos conseils, ni il vos services; il ne s'agit, pas du lout ici d'une disgrâce, et n'allez pas piûter l'oreille aux bavardages des salons du faubourg Saint-Germain, ni il ceux des tabagies, ou se rassemblent les vieux orateurs de clubs, dont. vous vous êtes si souvent, moqué avec moi »


Décembre 1802. Fouché membre d'une Commis-

sion avec Barthélemy, Rœdoror et Demeunicr, pour régler les affaires de Suisse. 19 février Acte de médiation. Fouché approuva ce qui fut fait; et dit que jamais Bonaparte ne montra autant de modération.

Affaire de la Confédération germanique. Cor-

ruption immense, effroyable curée, selon Fouché. Thiers ne voit point ce côté de la chose.

« Nos intrigants en diplomatie en firent (des opé-

« rations de laCommission extraordinaire) une mine « qu'i.ls exploitèrent avec une impudence qui d'abord « révolta le chef de l'Etat\ mais qu'il ne put « réprimer, tant il y eut de personnages élevés qui « s'en mêlèrent. Il était d'ailleurs indulgent pour « toutes les exactions qui pesaient sur l'Etranger. « Qu'onjuge de l'activité desintrigues. Que de mar« chés honteux eurent lieu cà mesure qu'on appro« chait du dénouement! Quand des plaintes arri« vaient, que de grandes friponneries étaient « dévoilées, on rejetait tout sur le manège des « bureaux, où il n'y avait que des entremetteurs, « tandis que tout partait de certains cabinets, de « certains boudoirs où l'on vendait les indemnités « et les principautés. »

Suivant Fouché, l'Allemagne était alors dans une

décadence visible.

Le pamphlétaire F. (Fiévée?), correspondant secret

de Bonaparte.

Le pamphlétaire Pcltier1, ennemi des Bonaparte,

i. Bonaparte avait à sa solde, il Londres, un journal, Thc

Argus, dont il faisait continuellement insérer des extraits


fi Londres; homme de beaucoup d'esprit. (Pourraiton trouver son recueil ?)

Bonaparte, se voyant chansonné et critiqué par

les Anglais, juge que la paix ne peut lui convenir*; clèslors, dit Fouché, il résolut de nous priver de tout commerce avec un. peuple libre.

La police travaille il fausser les idée.

Que telles aient été les pensées de Bonaparte à

ce moment, nul doute. Mais les causes de la rupture datent de plus loin; Fouché le reconnaît lui-même. Il n'avait jamais cru a la solidité de la paix d'Amiens.

Reproches nombreux des Anglais

1° Incorporation du Piémont; 2° disposé de la

Toscane et gardé Parme; 3" avoir impose des lois aux républiques ligurienne et helvétique; 4° réunion dans la main du premier consul du Gouvernement des deux républiques, italienne et helvétique; 5° II jllandc traitée en province française 6° rassemblement de forces sur les côtes de Bretagne, à l'embouchure de la Meuse; 7° envoi d'officiers déguisés en Angleterre, pour lever le plan des côtes5.

dans les journaux français. Le journal se commit avec le pamphlétaire Peltier, qui il avait intenté un procès, et qui ne fut condamné qu'aune faible amende. Une souscription, bientôt couverte par l'élite de l'Angleterre, mil cet écrivain en état de faire une guerre de plume encore bien plus acharnée au premier consul.

l'elticr était l'auteur de l'Ambigu et d'une foule de pam-

phlets très spirituels contre Bonaparte et sa famille. La police de Bonaparte était si nuil faite «< qu'on le vit se débattre lui-môme, sans dignité et sans succès, contre la presse et les intrigues du plaisir a. (T. 1, p. 208.)

2. Cf/l'hicrs.


A tortt cela, Bonaparte objecte le refus des Anglais

de rendre Malte. Mais ils répondent que les chanffcmenls politiques survenus depuis le traité d'Amiens rendent cette restitution impossible. Ce qui était vrai.

Entretien imprudent, ditFouche*, avec lord Wilh-

worth.

Décret du 22 mai 1803, ordonnant d'arrêter tous

les Anglais qui voyagent en France. On n'avait jamais vu, dit Fouché, pareille violation du droit des gens. Comment Talleyrand put-il s'y prêter?. Toute histoire doit être écrite sous deux points

de vue le point de vue général, qui est celui des causes supérieures, des forces prépondérantes, des tendances et influences qui décident du fond de l'histoire; le point de vue personnel, qui est celui des individualités appelées donner la façon aux actes, à déterminer la matière première de l'histoire. La paix ne pouvait durer; elle ne pouvait même

sérieusement être conclue. La France poussée à la conquête, à la suprématie du continent; l'Angleterre ne voulant souffrir ni l'une ni l'autre.

Mais combien les hommes pouvaient modifier

cette situation! Combien plus doucement le nœud pouvait être tranclré, sinon dénoué!.?.

« Si, à cette époque de la rupture, dit Fouché,

« Talleyrand avait eu le courage de se retirer, que « serait devenu Bonaparte, sans haute police et sans « ministres capables de balancer la politique de « l'Europe? Que nous aurions d'autres griefs à « articuler, d'autresaccusations àporterau sujetde « coopérations plus monstrueuses! »


La guerre est déclarée.

Marine anglaise i69 vaisseaux de guerre, et

flottille de 800 bâtiments garde-côtes, selon Fouelié. Autre grief de l'Angleterre Bonaparte veut renou-

veler l'Empire de Ckarlemagne.

Proposition sotte de Bonaparte aux princes de la

maison de Bourbon de transférer leurs droits sur sa tête.

Noble réponse de Louis XVIII1.

Procès doMoreau. Bonaparte voulait qu'il fut

condamné mort. II le fut deux ans de prison. Premier mécompte. Assassinat du duc d'rnghien. M. Thiers plaide les atténuantes nous connaissons l'homme. Fouché revendique la propriété des mots, attribués à Talleyrand C'est plus qu'un crime, c'est une faute.

Bonaparte, dit Fouché, promettait de faire grâce

à Moreau, s'il Mail contlamné à mort. Etait-il sincère ? demande le vieux policier.

Fouché conseille de mettre fin à la crise en pro-

clamant l'Empire, et une dynastie2.

« Je savais, dit-il, que son parti était pris; n'eîrt-

1. C'est M. llaugwilz, qui employa M. de Meyer, président

dc la régence de Varsovie, pour faire la proposition de Bonaparte.

Voici la réponse connue de Louis XVIII « J'ignore quels

sont les desseins de Dieu sur ma race et sur moi mais je connais les obligations qu'il lui a imposées, par le sanr oit il lui a plu de me faire naître. Chrétien, je remplirai ces obligations jusqu'au dernicr soupir; tils de saint Loups, je saurai, à son exemple, me respecter,jusque dans les fers; successeur de François Ior, je veux du moins pouvoir dire comme lui « Nous avons tout perdu, hors l'honneur. »

2. Curée demanda au Tribunat (30 avril 1804) le titre d'em-


« il pas été absurde, de la part des hommes de la « Révolution, de tout compromettre pour défendre « des principe, tandis que nous n'avions plus qu'à « jouir de la réalité? Bonaparte était alors le seul « homme en position de nous maintenir dans nos « biens, dans nos dignités, dans nos emplois. Avant « même le dénouement de l'affaire de Moreau, un « tribun aposté (le tribun CuRÉc; quel nom !) fit la « motion de conférer le titre d'empereur et le « pouvoir impérial héréditaire Napoléon Bona«̃ parte. »

Le 16 mai, trois orateurs du Conseil d'Etat

portent au Sénat un projet de' sénatus-consulte ad hoc. Ainsi c'est Bonaparte qui, en vertu de son initiative, propose au sénat de le promouvoir à la pereur pour Napoléon Bonaparte et l'hérédité impériale dans sa famille.

Un seul tribun, Carnot, combattit la proposition Curée. Il dit:

« Le gouvernement d'un seul n'est rien moins qu'un gage assuré de stabilité et de tranquillité. La durée de l'Empire romain ne fut pas plus longue que ne l'avait été celle de la République les troubles intérieurs y furent encore plus grands, les crimes plus multipliés; la fierté républicaine, les vertus mâles, l'héroïsme y furent remplacés par l'orgueil le plus ridicule, la plus vile adulation la cupidité la plus effrénée, l'insouciance la plus absolue sur la prospérité nationale. » Quant à l'hérédité, elle est jugée en peu de mois: Un Domitien fut le fils de Vespasien;-un Caligula, le fils de Germanicus; un Commode, le fils de Marc-Aurèle. » Puis l'orateur poursuit « Nous n'avons pu établir parmi nous le régime républicain, quoique nous l'ayons essayé sous diverses formes, plus ou moins démocratiques. Mais de toutes les constitutions qui ont été successivement éprouvées sans succès, il n'en est aucune qui ne fût née au sein des factions, et qui ne fût l'ouvrage des circonstances aussi impérieuses que fugitives; voilà pourquoi toutes ont été vicieuses. »


dignité impériale 1. Et que fait le sénat? « Il se « rend en corps Saint-Cloud, el le sénatus-consulte « est proclamé à l'instant par Napoléon en pér« sonne. »

Pas plus que cola! Pour surcroît de dérision,

Bonaparte s'engageait il « prêteur, dans les deux « années qui suivraient son avènement u l'Empire, « serment de respecter l'égalité des droits, la liberté « politique et civile, l'irrévocabilité des biens na« tionaux de ne lever aucun impôt et de n'établir « aucune taxe qu'en vertu de la loi ». Dcux années ..pour prêter un tel serment

Mœurs impériales. Fouclié raconte tout au

long l'histoire des amours de Napoléon avec sa belle-fille Hortense, poussée par sa propre mère Joséphine.

« Désolée de sa slérilité, Joséphine imagina de

« substituer sa fille Ilortense dans l'affection de « son époux, qui déjà, sous le rapport des sens, lui « échappait. Toute jeune, Hortense avait éprouvé « un grand Lloibnement pour le mari de sa mère « elle le détestait; mais, insensiblement, l'âge, « l'auréole de gloire qui environnait Napoléon et ses « procédés pour Joséphine firent passer Ilortense « d'une sorte d'antipathie a l'adoration. Sans être « jolie, elle était spirituelle, pleine de grâces et de « talent. Elle plut, et lcs penchants devinrent si vifs

1. Une caricature qui rit alois beaucoup de bruit en Italie

et en France fut celle qui représentait les deux célèbres statues de Pasquin et Marforio. « Tutti c Franccsi aono ladroni, disait Pasquin. No, répondait Marforio, non tutti, ma buona parte.


« de part et d'autre qu'il suffit à Joséphine d'avoir « l'air de s'y complaire maternellement et ensuite cc de fermer les yeux pour assnrer son triomphe « domestique. La mère et la lillc régnèrent à la « fois dans le cœur de cet homme altier. Quand, « d'après le conseil de la mère, l'arbre porta son « fruit, il fallut songer a masquer par un mariage « subit une intrigue qui déjà se décelait aux yeux « des courtisans. Hortense eût donné volontiers sa « main à Duroc; mais Napoléon, songeant à l'ave« nir ct calculant des lors la possibilité d'une adop« tion, voulut concentrer dans sa propre famille, « par un double, inceste, l'intrigue à laquelle il « allait devoir cous les charmes de la paternité. De « la, l'uniun de son frère Louis et KHoHcnse « (9 janvier 1802), union malheureuse, qui acheva « de déchirer tous les voiles. »

Ainsi l'inceste de Bonaparte remonte au mois

de mars 1801. 11 prévoyait dès lors l'Empire et l'hérédité.

L'article de la Constitution impériale, article -142,

qui statue sur l'hérédité dans la famille de Joseph et dans celle de Louis, a été fait exprès pour cet enfant, qui mourut en 1807.

Froid accueil, selon Fouché, à l'empereur.

Tout est contraint et forcé.

10 juillet 180k Rétablissement du Ministère de

la police; Fouché ministre. Réal, largement rvcompensé en cspècc.s sonnantes.

Sous l'Empire, dit Fouché, dont rétablissement

« coula près de millions, puisqu'il y eut trente « maisons à équiper en majestés et en altesses, il


« fallut organiser les jeux sur une plus grande « échelle, car leurs produits n'étaient pas seule« ment destinés à rétribuer mes phalanges mobiles « d'observateurs. »

Nous savons, que Fouché payait jusqu'à l'impé-

ratrice. le nommai administrateur général (ou « fermier) Pcrrcin l'ainé, moyennant une rétrihu« tion de 14 millions, et de 3.000 francs par jour au Minisire de la police. Mais tout ne restait pas « entre les mains du Ministre. »

Voilât bien la corruption organisée en grand; et

Fouché nous dit naïvement qu'il en prenait sa part 3.000 francs par jour (V. par an. « L'Empire avait été improvisé sous de si affreux

« auspices, et l'esprit public était si mal disposé, « si récalcitrant, que je crus devoir conseiller à « l'empereur de faire diversion, de voyageur, de « rompre enfin ces dispositions malveillantes et « dénigrantes contre sa personne, plus que jamais en butte aux hrocards des Parisiens. »

Enlèvement de sir Georges Rumboldt, ministre

d'Angleterre, à Hambourg. Tallcyrand et Fouché craignent pour cet Anglais le sort du duc d'Enghien1.

« J'étais moi-même en bulle la malveillance du

« préfet de police », dit Fouché. Le joli régime Fouché fut dénoncé lors de la première affaire du général Mallet, comme le protégeant sous main et ayant fait disparaître certains papiers qui compromettaient Masséna.

i. Cf. Thiers.


Que de monde se moquait de cet empereur de

contrebande et le haïssait! la plupart des généraux, et tout ce qu'il y avait d'hommes indépendants et désintéressés.

Le roi de Suède faillit être enlevé à Munich par

une embuscade d'agents de Napoléon, qui lui en voulait, parce que le roi de Suède lui suscitait des ennemis partout, depuis le meurtre du duc d'Enghien.

Mauvaises dispositions du tsar Alexandre, dues il

la même cause. Mensonges, reconnus bientôt, de Napoléon, qui ose affirmer que l'empereur d'Allemagne et le roi de Prusse l'avaient autorisé à faire saisir partout, dans leurs Etats, les rebelles. Napoléon, pour ramener la Russie, emploie les intrigues de courtisans et de femmes galantes.

3.500.000 voix en faveur de l'Empire. Toujours

les mômes

Rares acclamations.

A ceux qui lui objectent le danger de son couron-

nement Il me faut des bataille ci des triomphes! dit-il.

A Fouché « La mer peut me manquer, mais pas

« la terre. D'ailleurs, je serai en mesure sur la côte « avant que les vieilles machines à coalition soient « prèles. Les têtes à perruque n'y entendent rien, « et les rois n'ont ni activité, ni caractère. Je ne « crains pas la vieille Europe.

« Quand il sut que Villeneuve venait de rentrer a

« Cadix, ne se possédant plus, il ordonna au Ministre « de le faire passer par un conseil d'enquête, et « nomma Hesi!y pour lui succéder; ensuite il vou-


« lut faire embarquer l'armée sur la flottille, mal« gré l'opposition de lîruix, maltraitant ce brave « amiral au point de le pousser a mettre la main « à la garde de son épée, scène déplorable qui causa « la disgrâce de Bruix et ne laissa plus aucun « espoir de rien entreprendre.

18 septembre 1805. Déclaration de guerre de

l'Autriche. « Heureuse diversion pour l'empereur, dit Fouché. Elle mettait v couvert son honneur « maritime, et vraisemblablement le préservait « d'un désastre qui. l'eût englouti avec son Empire « naissant. Il

Napoléon ne crut pas devoir se reposer sur ses

excellentes troupes. Il se rappela ce que dit Machiavel qu'un prince bien avisé doit être à la fois renard et lion. Après avoir bien étudié son nouveau champ de bataille (c'était la première fois qu'il guerroyait en Allemagne), il nous dit qu'on ver- rait incessamment que les campagnes de Moreau n'étaient rien auprès des siennes. En eft'et, il s'y prit à merveille pour désorganiser Mack, qui se laissa pétrifier dans sa position d'Ulm. Tous sc.s espions furent achetés plus aisément qu'on ne pense, la plupart $' (!tant déjà laissé suborner en Italie, où ils Savaient pas peu contribué aux désastres d'Alvinzi et de Wurmser. Ici on opéra plus en grand, et presque tous les états-majors autrichiens furent moralement en f onces. « J'avais remis à Savary, chargé de la direction de l'espionnage au grand quartier général, toutes mes notes secrètes sur l'Allemagne, et, les mains pleines, il l'exploita vite et avec succès, à l'aide du fameux Schulmeis-


ter, vrai Protée d'exploration et de subornation. Une fois toutes les brèches faites, ce devint un jeu à la bravoure de nos soldats et à l'habileté de nos manœuvres d'accomplir les prodiges d'Ulm, du pont de Vienne et d'Austerlitz. Aux approches de cette grande bataille, l'empereur Alexandre donna t6te baissée dans le piège s'il l'eût différée de quinze jours, la Prusse stimulée entrait en ligne. » Quinze pages plus bas, a l'occasion de la bataille

d'Eylau, Fouche dit

« Là tout avait été disputé et balancé. Ce n'étaient

plus des capucins DE CARTES qui tombaient comme Ulm, à Austerlitz, à Iéna. Le spectacle était aussi imposant que terrible il fallait se battre corps à corps à trois cents lieues du Rhin. »

Ces faits sont des plus graves. Thiers les ignore

ou feint de les ignorer ils rabaisseraient trop la gloire de son héros. Napoléon triomphe per fas et nefas: la corruption, la trahison, tous les moyens déloyaux, l'excitation a la révolte, la maraude et les exactions, au besoin le massacre; il emploié tout. J'en ai fait ailleurs la remarque il do: h l'artifice, non l'héroïsme, la moitié de ses victoires. Dès que l'artifice ne s'en mêle plus et qu'il est réduit aux seuls moyens de force, ce fjivcri du dieu Mars redevient un simple il est baiai tout comme un autre Marengo, Essliiig1, Culm, Leipsig, Waterloo le prouvent. Les invincibles phalanges, malgré tout leur courage, s'aperçoivent que l'ennemi les vaut. Ebersberg, Eyhiu, Smolensk, la Moskowa, Ligny, Busaco, ctc., etc., où la victoire fut disputée. Culm, la Kasbacli, les Ara-


piles, Vittoria, où nous fûmes battus, le démontrent. L'histoire de cet homme est à refaire il faut lui arracher jusqu'à cette auréole de victorieux qui le décore, et qui n'est qu'un mensonge de son machiavélisme. Napoléon ne croyait pas a la guerre, telle qu'il la comprenait et la faisait; il l'eût repoussée bien loin, si on lui avait proposé de la faire selon les vrais principes du droit de la force. Pourquoi ces dénonciations de Fouché n'ont-elles pas retenti comme un coup de tonnerre?

Elles sont arrivées trop tard, quand les coupables

n'étaient plus présents (1824) quand le bonapartisme endoctrinait la rrance elles ont été écartées comme indignes de foi, par suite de la mauvaise réputation de Fouché, accusé d'immoralité par Napoléon, dans ses Mémoires.

V immoralité de Fouché M Mais pourquoi le pre-

mier consul garda-t-il près de lui cet être immoral, après le coup d'Etat du Brumaire? Pourquoi, après s'être privé de ses services, en 1802, le'reprit-il en 1804'? Pourquoi l'envoya-t-il comme gou.verneur en Illyrie, en 1813 ? Pourquoi le fit-il venir près de lui a Dresde, pendant la campagne de Saxe et lui donna-t-il une mission de confiance? Pourquoi le reprit-il pendant les Cent-Jours?

L'immoralité de Fouché! Ah! 1 certes, c'était

chose peu morale de voir Fouché payer 25.000 francs par mois le secrétaire intime de l'empereur, subventionner Joséphine2, l'impératrice elle-même, et CtVMonlholon et Gourgaud.

2. Etat sommaire des robes et modes fournies par L.-H. Le


avoir l'mil sur toutes les turpitudes de la famille toute cette honte ne faisait-elle pas l'essence de l'Empire? N'était-ce pas pour le parti des pourris, le parti du 18 que Napoléon avait saisi le pouvoir, appuyé par Barras, Talleyrand, Fouché, Lucien et Joseph, ses frères, tous ceux qui voulaient s'enrichir contre les patriotes qui voulaient faire respecter la

L'immoralité de cette époque, c'est l'Empire.

Fouché fit son métier il a publié ses confessions; il s'est dénoncé lui-même. Pardonnons-lui même ses petites vanités, en faveur de ses révélations.

« Il entrait dans les vues de l'empereur de faire

« croire que, dans son camp même, il savait lotit, voyait tout et faisait tout. » Charlatanisme. Encore à l'impératrice Joséphine, dans les premiers mois de

Pour somme due sur divers mémoires Francs

antérieurement.48.000

Pour arriéré

Mois de janvier.

février. soldés 12.347

mars. f1.20G

la reine

34.590

Mai. Juin 16.843

,Juillet. l'lus pour un héron noir. 10.000

Août. Septembre 0.665,50 Octobre Total.

A déduire, reçu le 4 octobre. 2.000

175.837,60


une des misères de ce règne, où il n'y a guère autre chose que des misères.

Il voulait surtout qu'on eût la bonhomie de

croire que sous son règne on ,jouissait l, l'intérieur d'un régime doux et d'une libéralité touchante. Ce fut d'après ce motif que, pendant la même campagne, il all'ecta de me tancer, par la voie du Moniteur t et dans ses bulletins, pour avoir refusé Collin d'IIarleville l'autorisation d'imprimer une de ses pièces. « Où en serions-nous, s'écria-t-il hypo« critemont, s'il fallait avoir la permission d'un « censeur en France pour imprimer la pensée? »

« Moi qui le connaissais, je ne vis dans cette bou-

tade qu'un avis indirect de me hâtcr de régulariser la censure et de nommer des censeurs. » Hypocrisie

Le même sentiment dicta le mot plus connu à

M. de Fontanes.

M. Mole, disciple du porte Céladon, avait donné

des Essais de naownle et de politique. « dit Fouché, l'apologie la plus inconvenante du despotisme tel qu'on l'exerce au Maroc; Fontanes lit le plus grand éloge de cet écrit dans le Journal des DéGats,; je m'en plaignis. L'empereur blâma publiA M. de Talleyrand

Paris, G mars I80G.

M. Tallcyrand, mon intention est que les articles politiques

du Moniteur soient faits par les Hckdions extérieures. Et quand j'aurai vu pendant un mois comment ils sont faits, je défendrai aux autres journaux de parler politique autrement qu'en copiant les articles du Moniteur.

Napoléon.

(Correspondance de Napoléon Fe.)


qucment Fontanes, qui s'excusa sur le désir d'encourager un si beau talent dans un si beau nom! Ce fut à ce sujet que l'empereur lui dit Pour Diczc, monsieur de Fontancs, laissez-nous aac nzoizzs la république des lettres 1

Autre boutade du mômegenre, le 26 janvier 1806,

après la paix de Presbourg. « Il débuta aux Tuileries par une explosion de mécontentement qui rejaillit sur quelques fonctionnaires et notamment sur le vénérable Barbé-Marbois, au sujet d'un embarras dans les paiements de la Banque, au commencement des hostilités. Cet embarras, il l'avait occasionné lui-même par l'enlèvement, dans les caves de la Banque, de cinquante millions. Mis sur le dos des mulets du roi Philippe, ces millions contribuèrent puissamment ctux succès prodigieux dc celle campagne improvisée. Mais nous sommes encore trop près des événements pour qu'on puisse, sans inconvénient, déchirer tous les voiles. »

Voilà ce que dit Fouché du héros. Le Gouverne-

ment de Louis-Philippe, inauguré par des hommes de l'espèce de Fouché, Talleyrand, Mole, etc., n'aurait eu garde de lever de pareils voiles On n'a rien appris pendant le règne de dix-huit ans. 1. « Napoléon devint populaire après sa chute; c'est le pri-

vilège d'une grande renommée trahie par une grande infortune. Napoléon, empereur et roi, avait été le moins populaire des tyrans. Il a laissé d'immortels souvenirs à la mémoire; il n'en a pas laissé à l'ame. Son couronnement ne fut que l'acte culminant d'une conspiration triomphante; le peuple n'assistait à ce dénouement d'un crime heureux qu'en qualité de spectateur,

« Toute l'action fut jouée entre deux populaces celle des


Il a fallu que le dégoût du deuxième Empire commençât à dessiller les yeux.

Après Austerlitz, apaisement de l'opinion. Paris

ébloui; le faubourg Saint-Germain réconcilié.

Plus de chouannerie.

Guerre à mort dans les Débats, sous prétexte de

bonne littérature, de la faction réactionnaire contre la Révolution. Les Débats ôtés à la surveillance de Fouché.

Publications de toute sorte contre la Révolution.

Histoire dc la guerre de Yendée.

Louis Bonaparte, roi de Hollande « Cela ne put

le dédommager de ses ennuis domestiques. »

« L'avoucrai-je ? Lorsque, dans un conseil nom-

« breux, Napoléon posa la question de savoir si petits qui est facile à éblouir, et celle des grands qui est facile à acheter. (Les colonels et Foy, par CliarlesNouiKn.) Dans la Guerre et la Paix, Proudhon dit

« Les hommes qui ont vécu sous la Restauration, et il en

reste encore, peuvent dire si, malgré la réaction de 1815, les petitesses de la politique légitimiste, les je'suiliales, etc., la France, qui avait subi deux invasions et perdu de si grandes batailles, se croyait humiliée, si elle avait l'attitude de la défaite. Loin de là, un prodigieux élan avait saisi le pays.

« On chantait, on était enivré de souvenirs, hlein des

enthousiasmes de l'espérance.

« C'est qu'en définitive, après i 815, la France, étant le

seul Etat constitutionnel du continent, se sentait toujours reine, par lesinstitutions et les idées, sinon plus par la guerre et la force. Elle ouvrait la marche des nations vers l'avenir, si elle ne les dominait plus. Elle travaillait, pensait, parlait et légiférait pour toutes, ce qui valait mieux que de leur montrer ses baïonnettes. Elle était plus respectée, moins crainte. C'est pour cela que 1814 et 1815 sont des dates aussi glorieuses pour nous que celles de Marengo etd'Austerlitz; c'est notre entrée en jouissance de la Révolution. »


« l'établissement des titres héréditaires était côn« traire aux principes de l'égalité que nous prof'es« sions presque tous, nous répondîmes négativeu'menl! Il s'agissuit, disait-on, de réconcilier la « France ancienne avec la nouvelle, et de faire dis« parai'trc les restes cle la f éodalité en rattachant « les idées de noblesse aux services rendus ü l'Elai. » Création de grands fiefs. «J'eus un assez bon billet

dans cette loterie je pris rang, sous le titre de duc rl'Otrante, parmi les principaux feudataires de l'Empire. »

Dissolution du Corps germanique; Confédération

germanique sous le protectorat de Napoléon; isolement de la Prusse. « La corruption, il demi opé« rée, avorta par une inconséquence du cabinet « prussien. »

La guerre avec la Prusse préparée comme un

coup de théâtre. Mémoire, à cette occasion, écrit par Montgaillard, alors aux grands gages. 11 ne faut pas confondre cet écrivain avec l'abbé de Montgaillard, son frère.

La monarchie ̃prussienne dépendait de l'astuce

« rlc quelques intrigants et du mouvement dc « quelque subsides, avec lesquels nous jouions à la « hausse et ie la baisse à volonté. Iéna, l'histoire dévoilera un jour tes causes secrètes! »

Enivrement de la France après la campagne de

Prusse. Elle s'enorgueillit d'être appelée la grande nation; Bonaparte « se croit le fils du Destin 1, appelé pour briser tous les sceptres ».

1. Cf. Taine, ses citations de M. de Pradt, de Miot de

Melilo, etc. (Ilégimc moderne, t. I, p. 56 et suiv.)


Système continental.

Fouché donne à Bonaparte des conseils de modé-

ration, et l'engage dv faire la paix. Ainsi avait-il fait déjà après Marengo.

Habileté de Napoléon reconnue par Fouché, à

partir d'l:ylau. Force de conception, de caractère, dit-il; il ni preuve de toutes les qualités.

Mystification du cabinet anglais, qui: donne dans

le panneau de Fouché. Lord Howick dépêche un émissaire porteur d'instructions secrètes, et d'une lettre pour Fouché renfermée dans les nœuds d'une canne. Cet émissaire, du nom de Vitel, s'étant ouvert à un agent de la préfecture, l'crlet, ne put échapper à la mort.

L'histoire du comte Dacln, agent des Bourbons.

Trahi par les siens, et mis iL mort.

Victoire de Friedland. Que n'est-il légi-

time? dit la vieille aristocratie du faubourg SaintGermain..

Duumvirat de Tilsilt.

Redoublement d'adulations. Changement dans

le Ministère. Disgrâce de Talleyrand.

a C'csl l'égoïsme, non pas incrte, mais actif et envahies-

sant, proportionné il l'activité et il l'étendue de ses facultés, développé par l'éducation et, les circonstances, exagère par le succès et la toute-puissance, jusqu'à devenir un monstre, jusqu'à dresser, au milieu de la société humaine, un mot colossal, qui incessamment allonge en cercle ses prises rapaces et tenaces, que toute résistance blesse, que toute indépendance gène, et qui, dans le domaine illimité qu'il s'adjuge, ne peut souffrir aucune vie, moins qu'elle ne soit un appendice ou un instrument de la sienne. Déjà, dans l'adolescent et même dans l'enfant, cette personnalité absorbante était en germe. »


Suivant Fouché, la disgrâce de Talleyrand vint

d'un dissentiment sur la guerre d'Espagne. D'après Thicrs, Talleyrand aurait été un des promoteurs de cette entreprise.

La corruption, si bien pratiquée par Napoléon

contre ses ennemis, est pratiquée contre lui. Dès 1807, il soupçonne le Ministère des Affaires étrangères 1.

18 septembre 1807. Suppression du Tribunat. rouché déconseille l'expédition d'Espagne.

Napoléon convoite les trésors du Nouveau Monde et reprend la politique de Louis XIV2.

Différends avec le Pape. fouché les juge impo-

liliçues, et favorisant la petite Eglise.

Intrigue espagnole. « Tous les ressorts de cette

vaste machination étaient montés ils s'étendaient du château de Marrac Madrid, Lisbonne, a Cadix, à Buenos-Ayres et au Mexique. Napoléon avait à sa suite son établissement particulier de fourberies politiques son duc de Rovigo, Savary son archevêque de Malines, abbé de Pradt; son prince Pignatelli, et tant d'autres instruments plus ou moins actifs de ses fraudes diplomatiques. Talleyrand, ex-ministre, le suivait aussi, mais plutôt comme patient que comme acteur. »

Quelle politique quel règne! Il y eut un moment

1. Cf. 1812. Histoire racontée par Thiers.

2. Il osait et il pouvait tout entreprendre. -En août 1807,

Lacépède, président du Sénat, lui disait

On ne peut louer dignement Votre Majesté sa gloire

est trop haute; il faudrait être placé à la distance de la postérité pour découvrir son immense élévation.

Certes, un vaudevilliste n'eût pas trouvé mieux!


où, Napoléon paraissant ii tout le monde le plus fort, bien connu d'ailleurs pour son ambition et son peu de scrupule, tous les traîtres arrivèrent il Paris. La corruption lui livra Y Allemagne, puis Y Ait triche, puis la Prusse, puis {'Espagne. Mais il viendra un jour où l'on cessera de croire à la durée de sa puissance; alors il sera trahi il son tour et vendu Talleyrand, Fouché, de Pradt,, jusqu'à ses maréchaux, se tourneront contre lui.

Il est toujours utile de rapporter les paroles de

Napoléon pour le juger. Fat, fanfaron, imprévoyant, et toujours faux prophète, il répond ù Fouché qui lui présente ses observations sur l'Espagne:

« Que dites-vous ? Tout ce qui est raisonnable

« en Espagne méprise le Gouvernement. Le prince « de la Paix, véritable maire du palais, est en lior« renr à la nation; c'est un âreclin qui m'ouvrira « lui-même les portes de l'Espagne. Quant à ce « ramas de canailles dont vous me parlez, qu' est « encore sous l'influence des moines et des prêtres, « une volée de coups de canon le dispersera. Vous « avez vu cette Prusse militaire, cet héritage du grand Frédéric, tomber devant mes armées « comme une vieille masure; eh bien, vous « verrez l'Espagne entrer dans ma main sans « s'en douter, et s'en applaudir ensuite; j'y ai un « parti immense. J'ai résolu de continuer dans ma « propre dynastie le système de famille de Louis 3JIV « et d'unir l'Espagne aux destinées de la France. « Je veux saisir l'occasion unique que me présente « la fortune de régénérer l'Espagne, de l'enlever à « l'Angleterre et de l'unir intimement à mon sys-


« tème. Songez que le soleil ne se couche jamais « dans l'immense héritage de Charles-Quint, et que « j'aurai l'Empire des Deux Mondes!.

Quelle jactance! Quelle blagologio et quelle

ignorance des choses M. Thiers s'étonne, comme d'un fait incompréhensible, de cette aberration du et de la conscience de son héros dans l'affaire d'Espagne il recherche curieusement l'instant où cette convoitise fatale entra. dans son âme, et il croit avoir fait merveille de l'indiquer ci peu près. C'est pour lui tout le mystère.

Mais Napoléon est sans consciente comme sans

génie. Il venait de corrompre la Confédération 1. « Là-dessus Napoléon par]!), ou plutôt il poétisa, il

ossinnisa pendant longtemps. comme un homme plein d'un senlimentquiroppressd.it. dans le style auimé, pittoresque, plein de verve, d'images et d'originalité, qui lui était familier. sur l'immensité des trônes du !\lexique et du Pérou, sur la grandeur des souverains qui les posséderaient. et sur les résultats que ces établissements auraient pour l'univers. Je l'avais souvent entendu; mais, dans aucune circonstance, je ne l'avais entendu développer de telles ricbesses d'imagination et de langage.

« Subitement la faculté maîtresse s'est dégagée et dé-

ployée l'artiste, enfermé dans la politique, est sorti de sa gaine; il crée dans l'idéal et l'impossible. On le reconnaît pour ce qu'il est, pour un frère posthume de Dante et de Michel-Ange; effcctivj^nonl, par les contours arrêtés de sa vision, par l'intensité, la cohérence et la logique intense de son rêve, par la profondeur de sa méditation, par la grandeur surhumaine de ses conceptions, il est leur pareil et leur égal son génie a la même taille et la même structure; il est un des trois esprits souverains de la renaissance italienne. -Seulement, les deux premiers opéraient sur le papier et le marbre; c'est sur l'homme vivant, sur la chair sensible et souffrante que celui-ci a travaillé. (Cf. Taine, Le Régime moderne, t. 1, p. 49-oO.)


germanique; il avait triomphé, en partie par la corruption, de l'Autriche et de la Prusse; toute sa politique n'est que charlatanerie, machiavélisme et dramaturgie il continue avec l'Espagne, et, pour montrer à ses Ministres sa supériorité, il se mêle la comédie il se travestit en Arlequin.

Chose à notcr l'Allemagne, l'Autriche, la Prusse,

étant riches, puissantes, éclairées, sont perdures par la vénalité; en Espagne, il n'y a pas un traître; et Napoléon, réduit à ses armes, est vaincu.

Déchaînement de l'opinion. Après Baylen, dit

Fouché, il n'y eut plus moyen d'y tenir.

Colère et vanteries de Napoléon. Entrevue

d'Erfurt; elle ramène un peu l'opinion.

A l'ouverture du Corps législatif, 26 octobre 1808,

Napoléon dit Bientôt mes aigles planeront su?' les tours de Lisbonne.

Mais les embarras nie font que s'accroître, depuis

qu'il fait la guerre aux peuple.

Il.faut lire ici les réflexions de Fouché. Ce qui

l'inquiétait particulièrement, lui et ses pareils, ce n'était pas précisément l'immoralité ou le danger de l'entreprise.

C'est que Napoléon remettrait tout en question et

compromettait ainsi les fortunes ctVavenir des patriotes engraissés.

Mort du fils aîné d'Ilortense et de Napoléon

douleur profonde de Napoléon.

Combien de foi?, sur la terrasse de Saint-Cloud,

après ses déjeuneras, on l'avait vu contempler avec délices ce rejeton dont les manières et les dispositions étaient si heureuses, et, se délassant des soins


de l'Empire, se mêler à ses jeux enfantins! Pour peu qu'il montrât de l'opiniâtreté, du penchant pour le bruit du tambour, pour les armes et le simulacre de la guerre, Napoléon s'écriait avec enthousiasme « Celui-là sera digne de me succéder il « pourra me surpasser encore! » Au moment où il lui préparait de si hautes destinées, ce bel enfant, atteint du croup, lui fut enlevé. Ainsi fut brisé le roseau sur lequel voulait s'appuyer un grand homme.

« Jamais je ne vis Napoléon en proie un

chagrin plus concentré et plus profond. Jamais je n'avais vu Joséphine et sa fille dans une affliction plus déchirante. Ses courtisans eux-mêmes eurent pitié d'une si haute infortune. »

Diversions cherchées par Napoléon à son cha-

grin. Officieusement secondé par son confident Duroc, il se jette, non dans l'amour des femmes, mais dans la possession physique de leurs charmes 1. « On cilait deux dames de sa cour honorée de ses hommages furtifs, et qui venaient d'être remplacées par la belle Italienne Charlotte G. née Brind. » Fouchc en vient craindre de voir l'empereur, cn vieillissant, se traîner sur les 1. « Mon âme était trop forte, disait-il à propos de

MBC Grassini, pour donner dans le piège; sous les (leurs, je jugeai du précipice. Ma position était des plus délicates; je commandais de vieux généraux; ma tache était immense; des regards jaloux s'attachaient a tous mes mouvements; ma circonspection fut extrême. Ma fortune était dans ma sagesse; j'eus pu m'oublier une heure, et combien de mes victoires n'ont pas tenu à plus de temps! (Mémorial Samtc-Hdiènc, t. ni, p. 41.)


traces de Sardanapale. Il conçoit alors l'idée du divorce, et présente à ce sujet il l'empereur un mémoire 1

Les confidences à Joséphine, qui s'évanouit.

Mais Napoléon refuse de chasser Fou ché.

Campagne de Napoléon dans la Péninsule.

C'est à la suite de cette campagne qu'il 11 écrit La guerre d'Espagne est terminée!

Levée de boucliers du major Schill, en Prusse.

Elle a peu d'importance, selon Fouché, pas plus que ne lui en accorde ïhiers dans son histoire.

Campagne de Wagram.

Le Pape, défendu par Fouché et les philosophes,

contre la politique de Napoléon.

Expédition de Walcherez. Fouché et Bernadotte

défendent la Belgique. Ombrages de Napoléon, qui ne pardonna jamais à son Ministre d'avoir levé une armée tout seul et sazccé la Belgique, dit Fouché. Société secrète des Philatlclphns. « Elle remontait

au temps du Consulat. Elle avait pour but de rendre au peuple la liberté que Napoléon lui avait ravie. L'existence présumée de cette société avait donné lieu déjà à l'arrestation et à la détention prolongée de Mallet, Guidai, Gindre, Picquerel et Lahorie. En on soupçonna le brave Oudet, colonel du 9° régiment de ligne, d'avoir été porté il la présidence des Philadelphes. Une lâche délation l'ayant signalé comme tel, voici quelle fut la malheureuse destinée de cet officier. Nommé général de brigade la veille de la journée de Wagram, on l'attira, le 1. Cf. Thiers.


soir même qui suivit la bataille, dans un guet-apens, à quelques lieues de la, dans l'obscurité de la.nuit, où il tomba sous le feu d'une troupe qu'on supposa. ôtre des gendarmes. Le lendemain, il fut trouvé étendu, sans vie, avec vingt-deux officiers de son parti, tués atitour de son corps. Cet événement fit grand bruit à Schœnbrunn, à Vienne, et dans tous les états-majors de l'armée, sans qu'on eût aucun moyen de percer ou d'éclaircir un si horrible mystère. »

Voilà le récit de Fouché. Il n'accuse directement-

personne mais il est clair que la police de Savary a fait le coup, et qu'on a choisi le tumulte du champ de bataille pour accomplir l'assassinat. La dénonciation existait; or, si Oudet a été fait général de brigade malgré la délation, c'est que sesjours étaient comptés. On te tuait dans son triomphe l'empereur était innocent. Il n'y a pas, dans la vie de Tibère et de Néron, de plus noir mystère. Cela est tout il la fois d'un Italien, formé à l'école de César Borgia, d'un tyran, et d'un Corse. Napoléon, comme David, pleure son fils incestueux et adultère il prend. son frère Louis pour chaperon; il l'accepte de Joséphine, sa femme, auprès de sa belle-fille Hortense; il paye le premier de la couronne de Hollande, la seconde de la couronne d'impératrice; il se. roule dans toutes les espèces de crimes; mais il a toujours peur du spectre républicain il déporte sans jugement; il dit em prisonner il fusille; il envoie 30.000 hommes mourir à Saint-Domingue pour remettre les nègres aux fers et il se vante dans ses mémoires de n'avoir jamais commis de crimes


Tentative d'assassinat à Schœnbrunn, sur la- per-

sonne de l'empereur, par un jeune homme de dix-sept ans.

Le faubourg Saint-Germain dit que Napoléon est

alte'mld1 aliénation mentale.-Irritation du despote, 3 décembre 1809. Te Dewn à Notre-Dame.

Napoléon dit au Corps Législatif Lorsque je repa« raîtrai au-delà des Pyrénées, le léopard épou« vanté cherchera l'Océan pour éviter la honte, la « défaite ou la mort. C'est d'un esprit malsain.

15 décembre, divorce.

Création de six prisons d'Etat, afin, dit Napoléon,

de mettre un terme aux arrestations illégales.

Là délation organisée partout, payée et gratifiée

selon les services. C'est le règne de Tibère.

Conspiration de Fouché, racontée par lui-même,

pour démolir l'empereur. Il essaye de faire porter u Londres, par Ouvrard, des propositions de paix

Ses propositions se croisent avec celles de Napoléon ce qui fait découvrir le pot aux roses. Destitution de Fourché, arrestation d' Ouvrard1. Fouché, nommé gouverneur de Rome (3 juin 1810).

En remettant le Ministère a Savary, Fouché lé

mystifie, et ne lui enseigne rien 2.

l. « En même temps, ,je reçus la défense de communiquer

avec le prisonnier. Le lendemain, .le portefeuille de la police fut donné à Savary.YPour cette fois, c'était une véritable disgrâce.

a J'eusse fait, sans doute, une prédiction trop pressante/en

rappelant les paroles du prophète «;Dans quarante ans Ninivc sera détruite » mais' j'aurais pu prédire, sans me tromper,que dans moins de quatre ans l'Empire de Napoléon n'existerait plus. » (P. 418, fin du tome I.)

2. Cette fois,'Fouclié ne quittait pas le pouvoir sans le


Perquisition au château de Ferrières1, qu'habitait

Fouché. L'empereur réclame ses notes secrètes2. Fuite de Fouché. Il passe en Italie, reçoit l'hospitalité d'Elisa Bonaparte, femme dissolue, regretter « Pourtant, il n'est que trop vrai, elles sont incurables les plaies de l'ambition. En dépit de toute ma raison, je nie sens encore poursuivi malgré moi par les illusions du pouvoir, par le fantùme de la vauité; ,je m'y sens attaché comme Ixion l'était à sa roue. Un sentiment pénible et profond m'oppresse. Et qu'on dise que je ne me montre pas avec toutes mes faiblesses, avec toutes mes erreurs » (Cf. t. 11, p. 10.)

1. Un décret impérial nommait Fouché ambassadeur a

Rome. « Mais je ne crus pas un seul instant, dit-il, qu'il entrât dans la volonté de l'empereur que je fusse mis en exercice d'un si haut emploi. » Et il se retira dans son château de Ferrières, en faisant insérer dans les journaux de Paris qu'il partait pour son gouvernement. Il fit mettre sur tous ses équipages, en grosses lettres, l'inscription Equipages dit gouverneur général de Home. Et il avoue, à propos de Savary « A vrai dire, impatienté de ses perpétuelles interrogations et de sa lourde suffisance, je m'amusai à lui conter des sornettes. »

2. Le lendemain de la perquisition, Fouché se rendit à

Saint-Cloud. Il savait que l'empereur avait éclaté en menaces contre lui, traitant ses commissaires d'imbéciles pour s'être fait jouer..A neuf heures, il se présentait au grand-maréchal du palais « Me voilà, dis-je àDuroc; j'ai le plus grand intérêt de voir l'empereur sans retard, et de lui prouver que je suis loin de mériter ses amères défiances et ses injustes soupçons. Dites-lui, je vous prie, que j'attends dans votre cabinet qu'il daigne m'accorder quelques minutes d'audience. J'y vais, répond Duroc; je suis fort aise que vous mettiez de l'eau dans votre vin. » Napoléon était fort en colère. 11 essaya de flatter Fouché, alla jusqu'à lui témoigner une sorte de repentit de ses emportements »; puis il finit par réclamer, par exiger sa correspondance. « Sire, lui dis-je d'un ton ferme, je l'ai brûlée. Cela n'est pas vrai; je la veux! répondit-il avec contraction et colère. Elle est en cendres. Retirez-vous! (Mots rehaussés avec


d'un appétit tria exigeant, et dont les amants Hin. et Les. avaient été protégés par rouché.

Enfin Fouché cède il remet les papiers contre un

reçu motivé'. Exilé à Aix, Fouché s'organise une police particulière, et conspiré. Nombre de femmes sont du complot.

Disgrâce de Pauline Bonaparte celle de ses

un mouvement de tôle et un regard foudroyant.) Mais, Sire. Sortez, vous dis-je! »

Fouché sortit, en déposant sur une table un mémoire que

Nvholéon déchira, tout bouillant de colère. En l'apercevant, sans émoi ni trouble, Duroc le crut rentré en grâce v Vous l'avez écliappé belle, lui dit-il j j'ai détourné avant-hier l'empereur de vous faire arrêter. Vous lui avez épargné un grand acle pour le moins impolitique1. »

(Cf. t. I1, pp. 20, 27.)

1. Depuis 180î, la sceur de Napoléon régnait sur la Tos-

cane, sous le titre de grande-duchesse. « Et c'était moi, ô vicissitude incohérente et bizarre! c'était moi qui venais me rangcr sous la protection de cette même femme que je n'aimais pas; qui, furtiliant jadis la coterie Fontanes el. Mole, avait concouru à ma première disgrâce; de cetle femme dont j'aurai il dire ici plus de bien que de nltll pour être juste, car j'ai l'habitude de parler et d'écrire avec les souvenirs de l'époque, mais sans passion ni ressentiment. Il (Cf. t. Il, p. 31.)

2. C'est le prince de NeufeluUel qui donna le reçu motivé.

Et Fouché dit « Ainsi s'opéra, par l'intermédiaire de la grande-duchesse, non un rapprochement entre moi et l'emperceur, mais une espèce de transaction que j'aurais regardée comme impraticable, trois semaines auparavant. J'en étais encore moins redevable aux besoins de mon cœur, ou à une soumission sincère, qu'aux atteintes du mal de mer dont il tic m'avait pas été donné de pouvoir supporter les tourments. » (M., p. 37.)

3. Fouché avait organisé sa contre-police à Aix. « Des

fades et mensongères adresses du Moniteur s'échappaient autant.de traits de lumière qui frappaient mes regards. L'habitude invétérée de tout savoir me poursuivail. A l'aide


sœurs que Napoléon affectionna le plus, et dont il fut l'amant.

« Légère, bizarre, dissolue, sans esprit, mais non

pas sans saillies, ni sans quelques lueurs, elle aimait le faste, la dissipation et lotis les- genres d'hommages. Jamais elle n'eut pour aucun homme d'aversion, si ce ri est pour Leclerc, son premier mari, et plus encore pour le prince.Camitle Borghesc, le plus doux des hommes, à qui Napoléon la lit épouser en secondes noces. Son premier mariage fut ce qu'on appelle un mariage de garnison, Malade, et refusant de suivre Leclerc dans son expédition de Saint-Domingue, elle fut transportée en litière par ordre de Napoléon a bord du vaisseau amiral. » On voit ici le motif secret de cette expédition.

d'amis sûrs et de troisécrivains fidèles, je montrai ma correspondance secrète, fortifiée par des bulletins réguliers, qui, venus de plusieurs côtés différents, pouvaient être contrôlés l'un par l'autre. » Grâce à ces correspondances, il ne perdait pas de vue l'empereur; il le suivait dans ses actes publics comme dans ses actions privées. « Si je ne le perdais pas de vue, c'est que tout l'Empire c'était lui c'est que toute notre force, toute notre fortune résidaient dans sa fortune et dans sa force, connexion effrayante sans doute, parce qu'elle mettait à la merci d'un seul homme non seulement une nation, mais cent nations différentes. » (Cf. t. Il, pp. 38, 30, 42.)

Et il ajoute « Arrivé à son apogée, Napoléon n'y fit pas

même une halte; ce fut pendant les deux années que je passai en dehors des affaires que le principe de son déclin, d'abord inaperçu, se décela. Aussi dois-je en marquer ici les effets rapides, moins par une vaine curiosité que pour l'utilité de l'histoire. L'année 4810, signalée d'abord par le mariage de Napoléon et de Marie-Louise, puis par ma disgrâces, le fut aussi par la disgrâce de Pauline Borghèse, sœur de Napoléon, et par l'abdication de son frère Louis, roi de Hollande. »


Bonaparte voulait éloigner de Paris cette dévergondée.

« En proie aux vives ardeurs du climat des tro-

piques, et reléguée dans l'île de la Tortue par suite des revers de l'expédition, elle se plongea, pour s'étourdir, dans tous les genres de sensualités. A la mort de Leclerc (1802), elle se hâta de remettre à la voile, non comme Artcmise ni comnie la femme dc.Gcrmanicus, toute en pleurs, et tenant l'urne funéraire de son époux, mais libre, triomphant, venant se replonger dans les délices de la capitale La, dévorée longtemps par une maladie dont le siège accuse l'incontinence, Pauline eut recours à tous les trésors d'Esculape, et guérit. Chose étrange, dans sa cure merveilleuse, c'est que, loin d'en être flétrie, sa beauté n'en reçut que plus d'éclat et de fraîcheur, telle que ces (leurs singulières que l'engrais fait éclore et rend de plus en plus vivaces.

Ne voulant plus que jouir sans frein, sans rete-

nue, mais redoutant son frère et ses brusques sévérités, Pauline forma, avec une de ses femmes, le projet d'assujettir Napoléon tout l'empire de ses charmes. Elle y mit tant d'art, tant de raffinement, que son triomphe fut complet. Tel fut l'enivrement du dominateur que plus d'une fois ses familicrs l'entendirent, au sortir de ses ravissements, proclamer sa sœur la belle des belles, et la Vénus de notre âge. Ce n'était pourtanlqu'une beauté hardie. I. Lorsque Pauline devint veuve, dit Mme d'Abranlès, sa

douleur ne se montra pas excessive. « Les grandes douleurs ressemblent à la mousse de savon, dit-elle; elles s'abaissent d'autant plus vite qu'elles sont montées plus haut. »


-Voluptueux château de Neuilly! magnifique hôtel du faubourg Saint-Honoré! Si vos murs, comme ceux du palais des rois de Babylone, révélaient la vérité, que de scènes licencieuses ne retraceriezvous pas en gros caractères

« Pendant plus d'un an, l'engouement du frère

pour la sœur se soutint, quoique sans passion aucune autre passion que celle de la domination et des conquêtes ne pouvait maîtriser cette âme hautaine et belliqueuse. Quand, après Wagram et â la paix de Vienne, Napoléon revint triomphant dans Paris, précédé par le bruit sourd de son prochain divorce avec Joséphine, il courut le jour même chez sa sœur inquiète, et dans la plus vive attente de son retour. Jamais elle ne montra pour lui tant d'amour et d'adoration. Je l'entendis le jour même dire, car elle n'ignorait pas qu'il n'y avait pour moi aucun voile: « Pourquoi ne régnons-nous pas en Egypte? Nous ferions comme les Ptolémées; je divorcerais et j'épouserais mon frère. » Je la savais trop ignorante pour avoir fait d'elle-même une telle allusion, et j'y reconnus un élan de son frère.»

Après le mariage de Marie- Louise, réforme

brusque à la cour; amour, tendre et délicat de Napoléon pour Marie-Louise.

Dépit de Pauline: offense grave, et digne d'une

l'auline avait éprouvé du dépit du mariage de Napoléon

avec Marie-Louise. La cour subit une brusque réforme dans ses habitudes, dans ses mœurs. Et la sœur de l'empereur en voulut encore davantage à celle qu'elle considérait comme une rivale. Elle se croisa à Bruxelles avec elle. « Là, forcée de paraitre à la cour de la nouvelle impératrice et saisissant l'occasion de lui faire une injure grave, elle se permit, en la


prostituée, qu'elle se permet envers l'impératrice. Elle (3st exilée.

Disgrâce et abdication de Louis, roi de Hollande.

Honnête homme', et que Thiers discrédite 1. IL se retire à Gratz en Styrie, où il n'a pour vivre qu'une cliétive pension. « Sa femme, Hortcnso, « plus avide, s'appropria les 2 millions de rente « que Napoléon fit décréter en faveur de son frère « dépossédé. »

Les Beauharnais ne valent pas mieux que les

Bonaparte. Joséphine, Hortense sa fille Pauline, Elisa, jusqu'à la vieille Létitia, quelles créatures! Les partisans de la dynastie traiteront de calom-

nies, peut-btre, les révélations de .Fouché.

voyant passer dans un salon, de faire derrière elle, et avec des ricanements indécents, un signe-de ses deux doigts, que le peuple n'applique, dans ses grossières dérisions, qu'aux époux crédules et trompés. Napoléon, témoin et choqué d'une telle impertinence, que le reflet des glaces avait même décelé à Marie-Louise, ne pardonna point il sa sœur; elle reçut le ,jour même l'ordre de se retirer de la cour. » (T. 11, p. 47.) i Louis, ne pouvant empêcher son frère d'occuper ses

Elats, abdiqua en faveur de son fils. Il adressa au Corps législatif de Ilollande ce message

« Mon frère, quoique très exaspéré contre moi, ne l'est

pas contre mes enfants; certainement il ne détruira pas ce qu'il a institué pour eux; il ne leur enlèvera pas leur héritage, puisqu'il ne trouvera jamais l'occasion de se plaindre d'un enfant qui ne gouvernera pas par lui-même, La reine, appelée à la régence, fera tout ce qui pourra être agréable à' l'empereur mon frère. Elle y sera plus heureuse que moi, dont les efforts n'ont jamais réussi; et qui sait?. Peut-ôtre suis-je le seul obstacle d'une réconciliation entre la France et la Hollande; si cela était, oit! je trouverais ma consolation à passer, loin des premiers objets de ma plus vive affection, les restes d'une vie errante et souffrante. »


Mais Fouché était Ministre de la haute police,

l'homme qui srcvait tout, qui était le confident de tous il n'invente pas, il nous livre les secrets du Gouvernement, le dessous des cartes et il le fait sans véhémence, à la façon de Suétone, en homme qui n'est ni scandalisé ni surpris.

Bien plus, Fouché s'accuse lui-même; il se met

de moitié dans tout cet égoïsme qui fit Brumaire et l'Empire; il a fait une grosse fortune; il a pris sa part de la douce rosée des faveurs; il reconnaît son amour du pouvoir en termes qui montrent sa sincérité.

« Il n'est que trop vrai, s'écrie-t-il, elles sont

« incurables les plaies de l'ambition. En dépit de « toute, ma raison, je me sens encore poursuivi « malgré moi par les illusions du pouvoir, par les « fantômes de la vanité je m'y sens attaché comme « Ixion l'était à sa roue. Un sentiment profond et « pénible m'oppresse

Un bourgeois de notre temps se fût consolé avec

une fortune de 14 millions. Lui, non. Voilà ce qu'étaient ces hommes de Brumaire et de 1804. Comme les nobles de l'ancien régime, ils avaient usé du pouvoir, de leur position, de leur influence pour faire fortune; ils combattaient pour augmenter et assurer ces fortunes ils estimaient l'empereur et approuvaient sa politique en proportion des garanties et de la sécurité qu'il leur offrait tout le reste, morale publique et morale privée, despotisme et légalité, gloire ou charlatanisme, leur était de peu.

Ce n'est pas pour le plaisir de diffamer et de


médire que Fouché raconte certains faits. C'est parce qu'ils lui servent à en expliquer d'autres, et qu'ils sont nécessaires à la complète intelligence de l'histoire. Ces faits ho.nteux ne l'empochent pas de reconnaître les qualités des personnes, de s'en louer à l'occasion, d'en dire du bien même ainsi fait-il pour Elisa, Hortense, Joséphine, et surtout Napoléon. Napoléon reste dv ses j'eux un homme unique, un grand homme. Affranchi lui-même de certaines faiblesses, Fouché' ne se fait pas de sa frugalité un titre à la diffamation et au mépris non, il voit les. hommes avec leurs passions et leurs misères, comme avec leurs vcrtas et leurs talents, sans s'étonner ni se dégoûter de la vie.

Du reste, il est aisé de voir que les turpitudes

dont il se rend compte s'accordent merveilleusement avec ce que l'on sait d'officiel sur Napoléon et sa famille.

Tous les Bonaparte, Corses, avides, sortis d'un

état voisin de la misère; comme tous les Italiens, rusés, machiavéliques comme les Corses, féroces dans leurs passions, intraitables, sans frein, sans pudeur; sans principes, d'ailleurs, comme on l'était a la fin du xvin0 siècle, dédaigneux des lois de la morale, imitant en cela les mœurs des grands seigneurs, des petits abbés et des beaux esprits du « Bonaparte est un empirique, qui a épuisé la vic du

Corps national.Tâchez par votre philosophie de modérer les esprits de vos volcaniques compatriotes; le joug étranger sous lequel ils gémissent passera; alors ils redeviendront, forts et libres, s'ils sont sages, ce qui n'est pas aisé.» » (Fragment se rapportant a une lettre de Dumouriez, en date du 18 décembre 1815.)


siècle de Voltaire. La grande spoliation de 89, comme l'a très bien remarqué Fouché, vint mettre le comble à cette dépravation; on ne songea plus qu'à se gorger, par l'acquisition des biens nationaux, les fournitures, les tripotages. Robespierre aperçut le mal son caractère s'en aigrit il essaya de purger la république des intrigants et des corrompus il ne s'aperçut pas qu'il n'avait point auaire à quelques coteries, mais à la bourgeoisie, à la nation tout entière, et que le mal demandait à être traité autrement que par la terreur et la guillotine.

Or, si Fouché nous raconte ses passions d'ambi-

tion, si nous connaissons il fond l'âme d'un Talleyrand, si nous savons ce que furent la plupart des généraux à cette époque, on doit s'attendre à trouver en Napoléon quelque chose qui, en fait de despotisme, de cupidité, de mauvaises mœurs, dépasse la mesure et soit en proportion de son courage et de son intelligence. Ici pas de milieu Napoléon, les circonstances données, sera un héros de vertu comme Franklin ou Washington1, ou bien un héros i. A la nouvelle de la mort de Washington (14 décembre

Bonaparte met le plus d'éclat possible dans la publication de cette nouvelle et adresse il la garde des consuls et à l'arméc l'ordre du jour suivant (1 Washington est mort. Ce grand homme s'est battu contre lit tyrannie. Il a consolidc la liberté de sa patrie. Sa mémoire sera toujours chère au peuple français, comme à tous les hommes libres des deux mondes, et spécialement aux soldats français qui, comme lui elles soldats américains, se battent pour laliberté et l'égalité. En conséquence, le premier consul ordonne que, pendant dix jours, des crêpes noirs seront suspendus à tous les drapeaux et guidons de la République.


de vice, d'impureté, un monstre d'exagération, de démence tyrannique. La logique des passions, du milieu, du moment, le veut ainsi. La fougue de son tempérament, l'énergie de son caractère, l'exaltation de ses idées, la grandeur de son imagination, la supériorité de ses talents, tout on-lui le porte hors de la loi commune. Ce qui se passe autour de lui confirme cette observation. Pichegru, homme de talent, conquérant de la Belgique, avide de jouissances, mais ne se sentant pas fait pour le pouvoir suprême, cherche une combinaison qui lui assure honneur et for tune il écoute les propositions du prince de Condé.

C'est Fouché, c'est Talleyrand, c'est tout le monde

de Brumaire. Moreau, calme, réservé, continent, de bonnes mœurs, au demeurant esprit médiocre, n'est pas fait pour le premier rôle; dominé par sa femme, il n'a que la force de protester contre la domination de Bonaparte.-On comptait sur Joubert marié par le Directoire il M"° de Sémonville on eût pu compter de même sur Hoche, sur Desaix, sur Bernadotte. Tout homme de vertu moyenne, de talent moyen, avec lesquels assurément la Franche aurait eu la légalité, la liberté, n'eût pas couru les aventures, mais, traînant une existence pénible, n'en eût pas moins été forcé, il un moment, de prendre la dictature de l'Europe, de pousser sa conquête, sauf à être ramené ensuite a ses limites. Bonaparte existant etd'autres l'imitant, les faitsse seraient déroulés de même admettant que Joubert, vainqueur à Novi fût entre avec Sieyès au Directoire, la situation aurait été laborieuse, et à la fin Bonaparte, un peu plus tôt,


un peu plus tard, aurait saisi 'les rênes du Gouvernement.

Napoléon pouvait-il, dans ses amours, Joséphine

vieillie et mise de côté, se contenter bourgeoisement d'une concubine, ou de quelques fréquentations discrètes, à droite et il gauche? Non 1 il fallait à cette âme passionnée, qui ne connaissait aucune loi, quelque chose qui l'élevvthors de toute loi; des relations légitimes, une tolérance concubinaire, ne lui suffisaient pas. La grandeur des dieux se connaît ù ceci: qu'ils ne connaissent pas de lois. Jupiter épouse Junonsasœur; il faitlaloi,ne la reçoit pas. Napoléon de même; il aura sa belle-fille avec le consentement de la mère, sa propre femme; il aura sa sœur, il convoitera toutes les femmes de sa cour, celles même de ses plus fidèles serviteurs, sans être retenu par l'amitié et la reconnaissance il se fera des Mercure.? de ses guerriers Junot, Berthier, Duroc, peut-être Lannes, qui en seront très honorés.

rouch6 est donc véridique, croyable au plus haut

degré. Ce côté de l'Empire ne doit pas être tu il faut en tenir compte dans l'histoire c'est tout un aspect des choses, d'une haute importance, et qui nous révèle, non pas seulement les vices de la famille impériale, mais toute la corruption d'une époque'. Le prince est le représentant, l'expression 4. Napoléon aimait connaître toutes les pentites anecdotes

scandaleuses concernant les personnes de sa cour, et il se plaisait surtout à persifler les maris .sur les aventures de leurs femmes. Ayant découvert de cette manière une intrigue de la duchesse de l3assano: « Eh bien, duc, dit-il un ,jour à son mari, votre femme a donc un amant? Je le sais, Sire. Et qui vous l'a dit? Elle-même, Sire, et


de la société; au rebours de ce que dit le latin, semper ad\ exempta régis 'companilnr orbis, Bonapartc à tous les points de vue était digne, lui et les siens, de régner sur la génération de 1799 et Voilà la seuleconclusion qu'il faut tirer des Mémoires de Fouchë.

Abdication de Louis, roi de Hollande. Bona-

parte fit venir le fils (putatif) de Louis encore enfant, qu'il avait créé grand-duc de Berg, et lui adressa cette courte allocution

« Venez, mon fils; la conduite de votre père

« afflige mon cœur sa maladie peut seule l'expliquer. « Venez, je serai votre père; vous n'y perdrez rien. « Mais n'oubliez jamais, dans quelque position que « ma politique vous place, que vos premiers « devoirs sont envers moi, et que tous vo.s devoirs c'est pourquoi je n'en crois rien. » L'empereur, déconcerté de cette réponse, se battit le front avec la main, en s'écriant Oh! ces femmes! ces femmes! sont-elles-fines`? sont-elles adroites! »

C'était le duc de Rovigo qui avait donné il l'empereur les

renseignements dont iL avait voulu faire usage pour hersifler le duc de Hassano. Napoléon lui rapporta la réponse que le duc lui avait faite « Le fait n'en est pas moins vrai, répondit Savary; il est très certain que tel jour, il telle heure, la duchesse quitta sa voiture aux Champs-Elysées, s'renfonça sous les arbres, s'y promena cinq minutes et entra, par une. petite porte qu'on tenait entr'ouverte il dessein, dans une maison où l'attendait le général X. Je sais tout cela, reprit l'empereur, je le savais avant que vous me l'eussiez dit; mais vous auriez dû me dire aussi qu'elle y fut suivie, un quart d'heure après, par une autre dame qui vous touche de beaucoup plus près, eldonl la visite était pour l'aide de camp du même général. » Le fait était exact, et ce qui déconcerta le. conteur d'histoires, c'est que la dernière dame était sa femme.


« envers les peuples que je pourrai vozrs confier zie « viennent qur'aprr?s. » Voilà ce qui s'appelle exécuter un homme, un roi, un frère le tuer dans sa dignité, le frapper dans sa raison Voilà aussi un avertissement pour les peuples. Tout relève du bon plaisir de Napoléon!

Du reste, Fouché croit que la réunion de la Ilot-

lande à l'Empire eut pour cause le désir secret de Napoléon de braver l'Angleterre, et que la conduite de Louis ne fut qu'un prétexte'.

19 octobre 1810. Décret qui ordonne de brûler

publiquement les marchandises anglaises saisies; ce décret donne du poids à l'appréciation de Fouché.

D'après le même Fouché, « le système continerr-

« tal, cette conception incendiaire, qui devint chez « Napoléon une idée fixe, n'était qu'une tradition « politique dont il avait hérité du Gouvernement « directorial, à qui des publicistes de clubs et de « gazettes avaient persuadé que le seul moyen de « réduire l'Angleterre était de lui faire fermer les « ports du continent. »

« A présent, disons quelle fut la vraie cause de l'usur-

pation de la Hollande. Je puis d'autant plus en parler qu'elle n'est pas étrangère à ma disgrâce. Quand le mariage avec une archiduchesse fut résolu, Napoléon eut une velléité de pacification générale que je m'efforçai de changer en volonté ferme et raisonnable. Je savais par mes émissaires que le cabinet de Londres tenait à deux points décisifs l'indépendance de la Ilollande et de la Péninsule. Tout fut rompu sans retour; et Napoléon, voyant qu'il ne pouvait forcer l'Anâleterre à Iléchir sous sa volonté, résolut, par esprit de vengeance, d'envahir le royaume de son frère, croyant par là soustraire à jamais la Hollande au commerce anglais. » (1'. Il, pp. 52-ao.)


Il est juste d'analyser les .fautes du Gouverne-

ment impérial, mais il est intéressant d'apprendre que ces fautes, ces conceptions absurdes, ne sont pas même du crû de Napoléon ce sont des vieilleries traînées dans les ruisseaux de la démagogie, ce qui démontre que cet homme, si prompt d'exécution, était, quant à l'idée, d'une initiative nulle. Napoléon copie Charlemaghe, Louis XIV, Constantin, refait l'Eglise, l'ancien régime, l'impôt sur le sel, sur les boissons crée des maréchaux, des nobles, des fiefs, des décorations, rétablit l'esclavage à Saint-Domingue. En 93, on aurait appuyé les noirs en 99, on se prononçait contre eux; sous l'influence du moment, il suit les imaginations jacobiniques et montre la plus grande horreur des idéologues. IL accepte d'eux l'idée d'une expédition d'Egypte; il prend des mêmes son idée de blocus continental; il donne à plein collier dans la littérature ossianique; ilr ne poursuit Chateaubriand que parce que celui-ci reste fidèle à la royauté enfin, sa logique naturelle le poussant, il démolit pièce à pièce la Révolution 1. Il faut écouter Taine parler de Napoléon, de ses idées, dans la défaite. C'est dans sa fuite en Provence

« II s?épanclie et bavarde à Tinfini, sur son passé, sur son

caractère, sans retenue, sans décence, trivialement, en cynique et en détraqué; ses idées se sont débandées et se poussent les unes les autres, par attroupements, comme une populace anarchique et tuinullùaire it ne redevient leur maître qu'au terme du voyage, à Fré jus, lorsqu'il se sent en sûreté et à l'abri des voies de fait; alors seulement elles rentrent dans leurs cadres anciens, pour y manœuvrer en bon ordre, sous le commandement de la pensée souveraine qui, aprèsune courte défaillance, a retrouvé son énergie et repris son ascendant. Si les propres idées de la cervelle


Veute et commerce des licences, conséquence

immorale du système continental.

« Qui s'engraissait le plus à ce monopole inouï?

Certes, cc n'étaient ni les spéculateurs subalternes ni les commissionnaires tarifés du grand spéculateur est chef, réduits à peine à un modique droit de commission. Quant à l'empereur, son bénéfice était clairet net. Chaque jour il voyait grossir, avec une jubilation dont il ne cachait plus les accès, l'énorme trésor enfoui dans les caves du pavillon Marsan; elles en étaient encombrées. Déjà ce trésor s'élevait à près de 500 millions en espèces 1. C'était un résidu de N milliards de numéraire en France par l'ellel de la conquête. Ainsi la passion de l'or l'eût peut-être emporté un jour sur celle des combats dans le cœur de Napoléon, si l'inexorable Némésis l'y cîlt laissé vieillir2. »

raisonnante maintiennent ainsi leur domination quotidienne, "st que tout t'afflux vital contribue à les nourrir; elles ont dans son cœur et son tempérament leur racine profonde; et cette racine souterraine, qui leur fournit leur âpre sève, est un instinct primordial, plus puissant que son intelligence, plus puissant que sa volonté même, l'instinct de se faire sentir et de rapporter tout ;c soi, en d'autres termes, Vcgoïsmc. » (Là llëgime moderne, t. I, p. 61.)

1. Les généraux revenus de Sainte-Hélène ont dit 400 mil-

lions.- Cf. Thiers.

2. Si l'on veut avoir une idée de l'accuinulation des

richesses inhérentes au développement de la puissance de cet homme, qu'on ajoute aux trésors que les caveaux des Tuileries recélaient quarante millions de mobilier et quatre à cinq millions de vaisselle renfermée dans les résidences impériales cinq cents millions distribués à l'armée à litre de dotations; enfiu le domaine extraordinaire, s'élevant à plus de sept cents millions, et qui, de sa nature, n'avait point de


Réflexion juste. ̃ Napoléon ne pouvait être ni

ambitieux, ni lascif, ni avare, ni despote à moitié. S'il eût vécu sur le trône jusqu'à quatre-vingts ans, on eût vu quelquechose.de monstrueux. Mais cette hypotlièseestinadmissible Napoléon devaitpromptement tomber sous la révolte des peuples et la conspiration de ses propres sujets; tôt ou lard, la balle, le poignard, défaut de l'invasion ou de l'insurrection, auraient eu raison de lui. Si les Phïladelphes le suivaient à Wagram, d'autres conspiraient en Espagne1.

Accueilli par les Bourbons, Fouché écrit â Bona-

parte, avec la permission du roi, pour l'engager à passer aux Etats-Unis 2. De cette manière il sert tout le monde le roi et l'empereur! Et ce qui est plus joli, tout le monde lui en doit savoir gré.

Il donne des conseils a Louis XVIII. Ses ennemis,

Bourrienne, Savary, Duhois, etc., le travaillent bornes, puisqu'il se composait des biens « que l'empereur, exerçant le droit de paix et de guerre, acquérait par des conquêtes et des traités. » (T. II, pp. ii9-C0.)

i. Cf. Tliiers.

Odskbv. Ici, nous remarquons une lacune dans les Noies

de Proudhon, soit omission, soit que ces commentaires aient été égarés. MmoIIenneguy (Catherine Proudhon) dont tes avis, les conseils, nous furent toujours si utiles dans le classement de ces manuscrits, écrit, en marge de la copie que nous avons sous la main feuillets manquent. De fait, la campagne de Russie est passée sous silence. Tous les événements qui se déroulent de lapâge GO à la page 283 des Mémoires de Fouché sont laissés de ccîté. Nous les avons résumés, en Extraits, et on les trouvera à YAppendicc. Mais cette lacune est regrettable, car les jugements de rouclié sont.lrès-serrés et il eût été précieux par Proudlion.

2. Cf. cette lettre dans notre Préface..


auprès de M. de Blacas sa qualité de régicide le poursuit partout.

« En remontant sur le trône, les Bourbons trou-

vèrent cle l'aplxui daas les cœurs, non dans les intérêts. Les fauteurs de la domination impériale, les hommes qui avaient marqué dans nos crises révolutionnaires, appréhendèrent d'entrer en partage de dignités avec l'ancienne noblesse.

On propose à Fouché de conspirer contre les Bour-

bons « Je ne travaille point en serres chaudes, ditil je ne veux rien faire qui ne puisse apparaître au grand air. »

Mais l'homme propose et Dieu dispose. La cons-

piration va son train. Fouché voit les Bourbons perdu. « Placé, dit-il, entre les Bourbons qui ne m'accordaient qu'une demi-confiance, dont le système me fermait toutes les routes du pouvoir et des honneurs, envers qui, d'ailleurs, je me trouvais sans engagement, et le parti auquel j'étais redevahle de ma fortune. je me jetai vers le dernier. » Ce n'est pas marchander la vérité. Fouché dit les

choses comme elles sont.

« Ce n'est point aux Bourbons, que je me décide

i, faire la guerre, mais au dogme rle lca légitimité. » Mais en même temps il conspire contre Napoléon

par avance, en réclamant des garanties contre un retour au despotisme, et cherchant des places de sûreté

Suit le détail de la conspiration 1, où figurent

Des affiliations se formaient; des hommes inlluents con-

tractaient entre eux des engagements « Il me parut bientôt évident que l'Etat marchait vers une crise, et que les,adhé-


Thibaudeau, F. le DrR. d'Erlon, Lefebvre, Carnot, Caulaincourt, Lafayette et N.

Fourché se pose en puissance, traitait d'égal à égal

avec le roi et l'empereur, quittant l'un, prenant l'autre, comme ferait un souverain indépendant, et choisissant le plus utile.

Mais au moment même où Napoléon débarque

à Cannes, Fouché apprend le secret de la combinaison qui le ramène alors décidément il se remet il conspirer contre lui.

Au surplus, Fouché ne fait lui-même que ce que

font les patriotes de Broglie, Lafayette, d'Argenson, rlaugergues, B. Constant, etc., qui négocient alternativement avec le roi et avec l'empereur, et s'efforcent d'utiliser au profit d'eux-mêmes la crise de l'Etat en ménageant leur prononcement.

Au dernier moment, Fouché offre au roi d'arrê-

ter Bonaparte on lui demande ses moyens il réclame, pour les faire connaître,des garanties qu'on refuse; et le voilà de nouveau embarqué sur l'esquif de César. Tout cela a un grand air de sincérité, mais n'en est pas moins de la pure jonglerie et de l'immoralité.

Dans une conversation avec le duc de Berry, il

s'écrie Sauvez le roi, je me charge de satcvcr la rents de Napoléon ^'étaient coalisés pour la faire éclore. Mais aucun succès n'était possible sans ma coop6ration. Divers plans me furent proposés tous tendaient à détrôner le roi et à proclamer ensuite soit un prince d'une autre dynastie, soit une république provisoire. Un parti militaire vint me proposer de déférer la dictature à Eugène de Beauhar.nais. J'écrivis à Eugène; .croyant la partie déjà liée; je n'en reçus qu'une réponse vague. Il ('1'11, pp. 300-301.)


monarchie. Le roi veut le faire arrêter; il s'échappe et se réfugie parmi les bonaparlistes, que bientôt il désertera.

Napoléon rend àFouché le Ministère de la Police. Davoust est Ministre de la Guerre, plus attaché il sa fortune qu'à Napoléon. Mole refuse l'Intérieur, qui est donné à Carnot. Moncey refuse la gendarmerie. Fouché montre rapidement l'incorrigibilité de

Napoléon, son retour au despotisme en même temps qu'au pouvoir, d'abord par le choix des homme qu'il fait, plus ou moins librement. Obligé de compter avec l'opinion, de paraître libéral, mais inspirant peu de confiance, il ne prend pas toujours ceux qu'il préfère; il subit ce qu'il trouve.1

1. Sur les instances de Bassano, Caulaincourt,

Regnault, il appelle Fouché ci lca Police.

2. Cambacérès n'accepte qu'après beaucoup d'hé-

sitation la Justice.

3. Davoust il la Guerre, plus attaché encore à sa

fortune qu'à la personne de Napoléon.

4. Caulaincourt refuse d'abord les Affaires étran-

gères, Mole pareillement. Enfin, le premier se résigne pour ne pas abandonner son maîtrc.

5. De chute en chute, l'Intérieur tombe à Carnot,

regarde alors comme une garantie nationale.

6. La Marine rendue au cynique et brutal Decrcs.

7. La secrétairerie d'Etat à Bassano, connu pour

ne penser qu'avec les idées de Napoléon, et ne voir qu'avec ses yeux.

8. Par déférence pour l'opinion, on éconduisit

Savary; toutefois, Moncey ayant refusé la gendarmerie, on la lui donna.


9. Champagny et Montalivct, jadis au pinacle des

emplois, furent se caser modestement l'un il l'intendance des bâtiments, l'autre à celle de la liste civile.

10. Bertrand, également aimable, insinuant et

dévoué, remplace Duroc dans les fonctions de rjrandmaîlre du palais.

Quelle réduction! Quel amoindrissement! Quelle

fuite! Quel jour sur cette triste période, chantée par les poètes, des Cent-Jours La foi est partie l'empereur a abdiqué l'abdication est acquise à l'hisloire; aujourd'hui c'est un revenant. Sa tentative est avortée. Le bruit de quelques enthousiastes et les cris des soldats fanatisés ne sauraient masquer le profond insuccès. Il est perdu.

Cependant l'homme lui-même n'a pas changé.

« Napoléon replaça près de sa personne presque

iousles chambellans, écuyers, maîtresde cérémonies qui l'entouraient avant son abdication. Peu corrige de sa passion malheureuse pour les grands seigneurs d'autrefois, il lui en fallait il tout prix il se serait cru ert République, s'il n'eût pas été environné de l'ancienne noblesse. »

Ces paroles sont d'un jaloux; elles peignent

l'homme et la situation. L'esprit républicain revivait alors plus qu'on ne croit.

« Ceux qui lui avaient tendu la main pour fran-

chir la Méditerranée prétendaient qu'ils avaient songé autant à rétablir la République, ou le consulat que l'Empire! »

Le bonapartisme en était là.

« Les décrets de Lyon; n'avaient pas été volon-'


taires. Il avait renversé la Chambre des pairs, et la noblesse féodale en même temps chargeait son frère Joseph de déclarer aux puissances que son intention était de maintenir loyalement le traité de Paris. » Mais alors son retour est un nonsens. C'est le fait d'une âme corrompue par le pouvoir, qui ne peut plus digérer et dormir que sur le trône. Napoléon est condamné il le voit il le sent. Qu'est-il venu faire?

« Cette disposition, forcée de sa part, la défiance

qu'il trouva dans Vintérieur sur la franchise de ses arrière-pensées, et, je puis le dire, mon altitude répressive, arrêtèrent l'élan de cet homme prêt à embraser de nouveau l'Europe. En effet, la nuit même de son arrivée aux Tuileries, il mit en délibération s'il ne rallumerait pas tous les brandons de la guerre par l'invasion de la Belgique. Mais, un sentiment de répulsion s'étant manifesté dans ceux qui l'environnaient, il lui fallut abandonner ce projet; il fléchit sous la main de la nécessité, quoi qu'il fût armé encore une fois de son pouvoir militaire. D'ailleurs, depuis les décrets de Lyon, le pouvoir avait changé de nature. »

Objection de Napoléon contre la liberté de la

presse: « Les Bourbons et les jacobins vont s'en servir contre lui.

Sire, répond Fouché, il faut aux Français des

victoires, ou les aliments de la liberté. »

Instance du même pour que les décrets ne con-

tinssent plus d'autre qualité que celle d'Empereur des Français, et supprimer les mots remarqués avec inquiétude dans les proclamations et décretsde Lyon.


Napoléon se regimbait à l'idée d'être redevable

aux patriotes de sa réinstallation aux Tuileries. « Certains meneurs, disait-il, voulaient.s'approprier Va/faire, et travailler pour leur propre compte. Ils prétendent m'avoir frayé le chemin de Paris. Je sais à quoi m'en tenir. Ce sont les peuples, les soldats, les sous-lieutenants qui .ont tout fait; c'est à eux, à eux seuls que je dois tout. » « Je vis à quoi ces paroles avaient trait, et qu'elles mordaient sur mon parti et sur moi-même. »

Empire divisé contre lui-même, défiance mu-

tuelle confusion des langues que pouvait-il sortir de là? La force n'y était plus.

Organisation, par Réal et Savary, d'une contre-

police, contre Fouché'.

Autre chagrin Ney; Lecourbe, etc., veulent bien faire acheter leurs services et le rançonner (?); il s'en indigne.

EchaullTourée royaliste le duc d'Angoulême fait

prisonnier. Napoléon consent, non sans peine, à Vëchanffer2.

On ne désignait plus Fouclié, parmi les familiers de

l'empereur, que sous le nom de Ministre de Gand. «Je devenais de plus en plus, pour Napoléon, un sujet d'ombrage; je faillis me trouver compromis d'une manièregraveau sujet de l'Autriche. Un agent secret du prince de Metternich m'ayant été dépêché, cet homme, par suite de quelques indiscrétions, fut dénoncé, et l'empereur donna l'ordre à -Iléal de le faire arrêter. On ne manqua pas de l'effrayer pour lui tirer des aveux. Il déclara qu'il m'avait remis une lettre de la part du prince. » (T. II, p. 31 G.)

2. Il fut étonné du courage que déploya le duc d'Angou-

lême dans la Drôme, et surtout Madame à Bordeaux. Le lendemain, dans le Conseil, il fut question d'obtenir, en échange du duc, les diamants de la couronne, qui étaient un objet de


Il fait écrire àMetternich par ïïortenseel Caroline,

la reine de Naples (qui toutcs deux avaient accordé leurs faveurs à l'ancien ambassadeur). Négociation avec l'Angleterre; pour plaire à la nation anglaise, il abolit la traite des nègres. (Ce n'est plus l'homme de

Déclaration de Vienne du 13 mars. Fanfaronnades

de Napoléon.. « Cette fois, ils sentiront qu'ils n'ont pointaffaire àla France de 1S14, et que leurs succès, s'ils parvenaient a en obtenir, ne serviraient qu'à Tendre la guerre plus meurtrière et plus opiniâtre; au licu que, si la victoire me favorise, je puis redevenir aussi redoutable que jamais. N'ai-je pas PULL!» moi la Belgique, les provinces en-deçà du Rhin? Avec une proclamation et un drapeau tricolore, je les révolutionnerai en vingt-quatre heures. »

Napoléon se trompait fort: les Belges Hollandais

furent avec Wellington à Waterloo; ce sont eux qui ont élevé le monument.

C'est ici que la figure de rouché se montre tout

entière, sans déguisement.

« J'étais loin de me laisser endormir par de telles

paroles. A peine eus-je connaissance de la déclaration, iloc je n hésitai pas un moment il faire demander au roi, par un intermédiaire sûr, qu'il daignât consentir à ce que- je me dévouasse quand il Ex serait temps, à son service. Je n'y mettais d'autres conditions que de conserver ma tranquillité et ma fortune dans ma retraite de Pont-Carre. quarante millions. « Je proposai à l'empereur de donner M. de Vitrolles par-dessus le marché.» (T. II, p. 321.)


Tout fut accepté et sanctionné par lord Wellington, qui arrivait alors à Garni, du Congrès de Vienne cette espèce de convention avait dûjà été arrêtée, en ce qui me concernait, entre le prince de Mettcrnich, le prince de Tallcyrand et le généralissime des alliés. » Fouché, par sa conduite antérieure pendant les

Cent-Joirs, se jclaiU clan.s le parti bonapartiste, avait fait un faux calcul. Sa vanité ne lui permet pas d'en convenir. Desahusé maintenant, il lâche de se raccrocher, et offre ses services quand il scra temps! Traité du 25 mars, entre les puissances, contre

Napoléon. Point de paix, point de trêve avec cet homme, avait réponclu Alexandre à la reine Hortense tout, excepté lui!

Fouché en suspicion. Lutle sourde entre lui et

l'empereur. Savary et Réal le surveillent! Ici je demande pourquoi Napoléon se servait d'un pareil homme, puisqu'il le connaissait? Cette espèce de contrat tacite entre Napoléon et Fouché, pour L'un d'employer quand même un homme auquel il ne se fie pas, pour l'autre de servir un prince, un pouvoir auquel il ne se lie pas davantage, crée une situation vraiment singulière. I1 y a quelque chose qui les domine tous deux, et qui, les mettant de pair, nous oblige à dire qu'assurément une franche vertu d'homme s'indignerait d'un pareil rôle, aussi bien de celui de l'empereur que de celui de Fouché, mais qu'il n'y a pas précis6ment ici ce qu'on appelle trahison. Vous me connaissez, peut dire Fouché a Napoléon; pourquoi, me connaissant, me sachant indomptable, me faisant espionner, vous serviezvous de moi? Et vous, peut répondre Napoléon,


vous me connaissiez aussi. Vous me saviez immuable pourquoi, n'attendant de moi que despotisme, acceptiez-vous des fonctions sous mon Gouvernement ? Une paire de larrons! C'est au lecteur à tirer la conclusion. Napoléon était un despote il savait Fourché hostile, mais ne pouvait-il se passer de lui? Fouché, de son cûté; voulait, comme chose à lui due de 89 et de Brumaire, du pouvoir et la fortune; il haïssait le système de Napoléon, mais il l'eût préféré aux Bourbons, et il essayait de faire tourner les événements à son profit.

La même fournaise les enveloppant, ils essayent

de se supplanter l'un et l'autre; triste et déshonorante lutte, mais qui, je le répète, ne me paraît pas constituer une trahison. La différence des positions ne fait rien ici.

Décret de mise en jugement et séquestration des

biens de Talleyrand, Ragusc, d'Alberg, Montesquiou, Jancourt, Beurnonville, Vitrolles, Alexis de Noailles, Bourrienne, Bellard, La Rochejacquelein Sosthène de Larochefoucauld, Augereau. Celui-ci radié à la prière de sa famille.

Protestation vive de Fouché contre celte table de

proscription 1.

Fouché, toujours espionné, se trouve compromis,

mais cependant d'une manière évidente. Napoléon veut le faire fusiller. « Vous êtes les maîtres, lui dit Carnot, mais demain à pareille heure vous n'au1. C'est par humeur contre les menées royalistes et les

tendances à tout atténuer, mitiger; que Napoléon signa.ce fameux décret. Il était censé avoir été écrit à Lyon; mais, en réalité, il ne vit le jour qu'à Paris.


rez plus aucun pouvoir. Comment s'écria l'empereur. Oui, Sire, il n'est plus temps de feindre. Les hommes de la Révolution ne vous laissent régner qu'avec l'assurance que vous respecterez leurs libertés. Si vous faites périr militairement Fouché, qu'ils regardent comme une de leurs plus fortes garanties, demain, soyez-en sûr, vous n'aurez plus aucune puissance d'opinion. Si Fouché est réellement coupable, il faut en acquérir une preuve convaincante, le dénoncer à la nation, et lui faire son procès en règle. »

La surveillance n'ayant rien obtenu, et Fouché

ayant déjoué les espions, celui-ci rentre momentanément en grâce; puis on le soupçonne de nouveau avec Davoust.

Fouché se rend maître des journaux, se crée une

popularité, et devient le directeur de l'opinion.

Insurrection de la Vendée assoupie par Fouché.

Il agit par l'intermédiaire des royalistes euxmêmes

Autre sujet d'inquiétude la levée des boucliers

de Murât. L'impulsion venait de nô2ts, dit Fouché il avait bien fallu que quelqu'un attachât le grelot. Mais Murat n'avait pas su s'arrêter à temps; il s'était engagé contre l'Autriche; Fouché dit alors il est perdue!

Ainsi, c'est un vrai gâchis que cette affaire des

Cent-Jours; elle fait peu d'honneur à Napoléon; elle ne peut servir qu'à établir la petitesse de son âme et sa soif immense de pouvoir. Quelle différence avec 1800, 1801, 1802,1803, où, du moins, tout marchait à l'unisson, où la politique et le


Gouvernement n'éprouvaient pas ces tiraillements et n'avaient à se défendre que contre les complotsl Ce n'était qu'en tremblant que l'empereur met-

tait en œuvre les instruments de la Révolution, en autorisant le rétablissement des clubs populaires et la formation des confédérations civiques.

Ridicule de Napoléon qui, souverain défait, se

modèle sur Louis XVIII, comptant les temps sur les bases de la légitimité. Au lieu d'une constitution, il se contente de modifier les lois de l'Empire, établit la confiscation et fait SEUL son acte aclrlitiozznel. Ce mot additionner désenchanta les amis de la liberté. Dès lors, on ne vit plus dans Napoléon qu'un despote incurable; -« moi, dit Fouché, je le regardai comme un foc livré piects et poings liés à la merci de l'Europe »..

Napoléon, pour ne pas vouloir des républicains,

s'adresse à la canaille ameutée par Savary et Réal, et déniant sous le balcon des Tuileries. «Là, dit Fouché, il annonça lui-même à ces prétendus fédérés qu'il se porterait aux frontières si les rois osaient l'attaquer. Cette scène humiliante indigne jusqu'aux soldats. Jamais cet.homme, qui avait revêtu la pourpre avec tant d'éclat, ne l'avait si fort rabaissée. Il ne fut plus aux yeux des patriotes qu'un histrion soumis il la criée de la plus vile populace. »

Le lendemain, Fouché se rend aux Tuileries. Ses

exhortations à l'empereur. Il lui dit que son devoir est de s'explique?' franchement avec la nation et de s'assurer des dernières intentions des souverains, et que, si ceux-ci persistent, il n'a plus qu'à se retirer


aux Etats-Unis. (lA sa réponse, qu'il balbutia, où il entremêla le plan des campagnes, des terreurs, des batailles, des soulèvements de peuples, des inspirations gigantesques, des décrets de la fatalité, je vis qu'il était résolu à remettre au sort. des armes le salut de la France, et que la faction militaire l'emportait malgré mes conseils.

« L'assemblée du Champ de Mars ne fut qu'une

pompe vaine où Napoléon, déguisé en citoyen, espéra séduire la multitude par le prestige d'une cérémonie publique. Les différents partis n'enfurent pas plus satisfaits que de l'acte additionnel. Les uns auraient désiré qu'il rétablie la République; les autres, qu'en se démettant de la couronne, il eût laissé v la'nation souveraine le soin de l'offrir au plus digne: enfin, la coalition des hommes d'Etat, dont j'étais l'âme, lui reprochait de n'avoir point profité de l'événement pour proclamer Napoléon II. Il

Napoléon ne quitte Paris qu'au dernier moment.

« Il part, laissant à Réal le soin dc ses fédérés, beaucoup d'argent pour faire crier: Napoléon oilla mort! et la haute niain sur la promulgation des bulletins militaires, avec un plan de campagnearrêté pour l'offensive, dont le secret me fut communiqué par Davoust. »

Fouché alors iéprouva une tentation violente: ce

fut de rGvéler à Wellington ce plan de campagne. Il ne voulait plus de Napoléon, dont le triomphe ramenait le despotisme; il avait des engagements avec Louis XVIII, non qu'il le préférait, mais parce q'ue e la prudence exigeait qu'Use ménageât des garan-


ties. Wellington comptait sur une révélation de Fouché.

Fouché ne fit cependant rien parveni aux Anglais,

et c'est à son silence que fut due l'inconcevable sécurité du généralissime des alliés, qui fut presque surpris par Napoléon. Ce fait est aujourd'hui confirmé par Charras; Wellington dormit tranquille jusqu'au 16 juin, le jour même de la bataille de Ligny et. de celle des Quatre-Bras, l'avant-veille de Waterloo; ceci peint rouclté il négociait, intriguait tour à tour et en même temps avec Louis XVIII et Napoléon, ne reconnaissant, au fond, pas plus l'un que l'autre pour légitime souverain, et ne se réglant que par la plus grande sécurité qui lui était olferte -le véritable amphitryon est l'amphitryon où l'on dîne, mais ne trahissant, en réalité, ni l'un ni l'autre. On ne saurait pousser plus loin le mépris des princes, et de leurs titres et de leurs prétentions, de leur dignité. Il y a quelque chose de plus élevé qui régit tout cela; ct Fouche, sans s'en rendre bien compte, cherche à se mettre d'accord avec cette puissance occulte, pour lui le vrai souverain. Cependant, comme Fouché s'était engagé avec

Louis XVIII et qu'il ne voulait pas le mystifier non plus, et qu'on regardât sa parole comme fausse, il expédia une dame D. avec une lettre en chiures contenant le plan de campagne mais il eut soin en même temps qu'elle fût arrêtée à la frontière, et ne pût arriver au quartier général qu'après l'événement; sa dépêche était reçue; elle constituait trahison. Mais l'apparence ne l'émeut pas en fait, dit-il, je n'ai pas trahi Napoléon et cela


lui suflît. Il se moque des jugements des hommes 1. Alors, dirait-on, Fouclié n'a pas tenu .sc.s engage-

ments avec Louis XVIII? Il faudrait savoir de quelle nature étaient les engagements. Il dit luimême qu'il avait demandé à Louis XVIII la -permission de le servir, quand il serait temps.

Commission Fouché, Caulaincourt, Carnot,

Quinettc et le général Grenier.

Ell'orls des bonapartistes contre Fouclié; propo-

sition du député Bérenger, qui demande la responsabilité collective de la Commission déjouée. Le parti de Fouché était le hlus fort.

Boulay de la Meurthe dénonce le parti orléaniste.

Manuel, du parti de Fouché, fait écarter la pro-

position de proclamer Napoléon IL

La Commission déclara la guerre nationale et

envoya cinq plénipotentiaires pour traiter de la paix. Laluyelte, Laforût, Pontécoulant, d' Argonson et Séhastiani; B. Constant, secrétaire. Pour instructions secrètes, se rallier au parti d'Orléans. Position de Fouché, entre le parti bonapartiste,

recruté de 80.000 soldats, et celui des Bourbons.

Défiances générales soulevées contre lui, notam-

ment de Carnot, « qui de républicain était devenu « tellement zélé pour Napoléon, qu'il l'avait pleuré « à chaudes larmes, en ma présence, après avoir 1. « Si Napoléon a succombé, ciu'il s'en prenne donc à son

clestin la trahison n'eut point de part à sa défaite lui-même avait fait tout ce qu'il devait pour vaincre; mais il ne couronna pas dignement sa cliute; si l'on me demande ce que je voulais qu'il fît, je répondrai comme le vieil Horace Qu'il mourût! » (1'. 11, p. 343..)


« opiné seul, mais vainement, contre L'abdication. « On sent bien que je n'élais parvenu à muscler

cette tourbe de hauts fonctionnaires, de maréchaux, de généraux, qu'en leur garantissant, pour ainsi dire sur ma tète, la sûreté de leurs personnes et de leurs fortunes. C'est ainsi que j'eus carte blanche pour négocier. »

Fouché essaye alors de se passer des Bourbons,

tant il rencontre contre eux d'animosité; il s'en ouvre à Wellington. Refus péremptoire du général. Même refus péremptoirement exprimé Laon,

par les souverains alliés, aux plénipotentiaires de Foucllé. Or on peut très bien dire que le temps n'était pas venu, le 16 juin '1815, que la victoire n'avait point alors parlé et qu'après tout la trahison n'est pas de ces services qu'un honnête homme promette.

Fouché aurait donc dû s'en tenir au silence

mais le silence ne lui allait pas. Un homme d'Etat, dit-il,. ne doit pas rester sans ressource. Et il envoie sa dépêche, témoignage de sa bonne volonté, mais qui ne devait être remise qu'après coup. En effet, le désir de roucllé était que. Napoléon périt; il ne voudrait pas y mettre la main. Le bon désir, il l'a; le crime, il ne le commettra pas. Est-il un personnage plus singulier que celui-là?

On apprend la défaite de Waterloo alors Fou-

chG n'hésite plus.

« C'était à la condition qu'il sortirait vainqueur

de la lutte que les patriotes avaient consenti lui prêter leur appui: il était vaincu; ILS jdoèrent LE PACTE DISSOUS. »


C'est Fouché qui, de son aveu, a arraché à l'em-

pereur la deuxième abdication. Il raconte en détail son manège, ses allées et venues, ses exhortations à la Chambre, soutient, pousse Davoust, et finit par obtenir l'abdication, déjouant toutes les manœuvres bonapartistes.

Puis, faisant écarter la fois et le système d'une

régence au profit de Napoléon 11, et celui du rétablissement des Bourbons, il fait nommer un Gouvernement provisoire exercé par,une Commission dont il a la

Le parti rouché allait, dans son opposition aux

Bourbons, jusqu'à ollrir d'accepter à leur place, et à défaut de Napoléon II, non seulement le duc d'Orléans, mais même le roi de Saxe, l'ami de Napoléon, le maltraité de Vienne.

« Je ne m'occupai plus dès lors, dit Fouché, que

de donner un cours aux événements tels qu'ils pussent aboutir au dénouement qui serait le plus favorable pour la patrie et -pour /liai-même, »

Envoi de commissaires aux généraux alliés,

Andreossy, Boissy-d'Anglas, .Flaugergucs, Valence et Labesnardière.

Demande de Napoléon d'être employé comme

général. On lui répond qu'il est fou; Carnot luimême se sépare alors de lui; et, afin de ne le pas laisser surprendre par les Anglais, on le prie de s'éloibner.

Le parti des Bourbons triomphant sur toute la

ligne, rouclié s'y rallie, sans cesser pour cela d'entretenir des relations avec les autres partis. « Telle était ma position, dit-il, que ,j'avais à entre-


tenir des négociations avec tous les eut ci transiger avec toutes la opinions DANS sios intérêt, non moins que dan.s celui de l'État. »

Cela est d'un esprit pratique, mais de peu de

principes. D'ailleurs, où était le droit à cette leure'? Point de parli prépondérant, point de Gouvernement, même de fait; tout à l'arbitrage de l'Etranger. En tout cas, il fallait résister à l'invasion, disent les puritains. Oui, mais on était sous le coup d'une épouvantable défaite; mais la résistance impliquait presque l'affirmation du bonapartisme mais les généraux, démoralisés, ne voulaient plus combattre.

Une Commission de généraux, Carnot en tête,

déclare la défense impossible. Une seconde défaite pouvait entraîner l'anéantissement de la Révolution. Conseil de guerre présidé par Davoust. Réponse

à l'unanimité que la défense est impossible et, par ses conséquences politiques, dangereuse.

Je suis de l'avis de Fouché, et je pense, malgré

Charras, que le plus court alors était de revenir aux Bourbons 1. Exaltation de la reine Hortense, à 1. « J'avoue que j'attachai un grana intérêt national à ce que

la défense de Paris ne fût pas prolongée. Nous étions dans un Uat désespéré le trésor était vide, le crédit éteint, le Gouvernement aux abois; enfin, par le choc et par le heurtement de lant d'opinions contraires, Paris se trouvait placé sur un volcan. D'un autre côté, le territoire était chaque jour inondé de nouveaux débordements de troupes étrangères. Dans une seule journée, qui eût été le complément des journées de Leip/.ick et de Waterloo, tous les intérêts de la ltévolution poumien être engloutis dans des flots de sang français. Voilà ce ̃> qu'auraient voulu les frénétiques d'un parti aux abois.

« Dansune telle crise, n'était-ce pas mériter de la patrie que


cette époque, en faveur de l'Empire et de la dynastie bonapartiste 1.

Proclamation royale, datée de Cambrai. On déli-

bère sur la proposition de Carnot, si le Gouvernement ne se retire pas avec l'armée derrière la Loire. Fouché combat cette proposition, plus généreuse que politique; elle est abandonnée. En tout ceci,

Fouché a manqué un peu de clairvoyance et de résolution il devait aller d'emblée aux Bourbons; il s'est compromis gratuitement en tardant trop; à force de roueries, il a été infidèle à lui-même.

Entrevue de Wellington et Fouché.

Demande d'amnistie et de garanties.

Wellington déclare à Fouché que lui et Talley-

rand ne feront pas partie du Conseil.

Déclaration des puissances iL l'égard de Napoléon,

on veut s'assurer de sa personne.

Lettre de Fouché à Louis XVIII. Conseils de libé-

ralisme, de prudence, de reconnaissance des droits du peuple. Fouché aurait voulu que Louis XVIII marchât à la trte de la Révolution.

Fureur des patriotes contre Fouché quand ils

apprennent qu'il est conservé comme Ministre par Louis XVIII. On voit dans ce maintien le prix d'une de replacer la France, sans effusion de sang, sous l'autorité de Louis XVIII?. Je parvins, à forcé d'insinuations et de promesses, à ramener des hommes jusqu'alors intraitables. » (T. II, hp. 304-3G5.)

i. « La reine Hortense, montrant elle-mcme, pendant toute

cette crise, une grande exaltation, s'efl'orçait en vain de contenir les restes du parti bonapartiste expirant. Toutes ces manœuvres vinrent échouer devant le plus grand de tous les intérêts, l'intérêt public.» (T. II, p. 3L7.J


trahison, tandis que, au point de vue de Fouché, c'était la récompense méritée du salut de Paris.

Il est certain que Fouché ne trahit pas il fut

alors, comme toujours, le représentant de cet immense parti de patriotes, ou révolutionnaires modérés, qui n'aimèrent jamais plus l'empereur que la Terreur, qui ne demandaient pas mieux quede se réconcilier avec les Bourbons, si les Bourbons leur offraient des garanties, c'est-à-dire la conservation de leurs forlunes et de leurs emplois, et les droits nouveaux créés par la Révolution. Mais il est certain aussi que les convenances les plus élémentaires défendaient à Fouché de conserver le Ministère de la police; quelque bien qu'il dût y faire, il n'était ni assez haut par le génie, ni assez pur- par le caractère pour -qu'il pût ainsi accepter une pareille transition. Mais c'était tenter de vouloir Ctre quelque chose, et de se moqueur des convenances1.

Dès que la Commission eut statué que Paris ne serait

pas défendu et qu'on remettrait la ville aux alliés, puisqu'ils ne consentaient à suspendre les hostilités qu'à cette condiLion, Fouche fit porter à Wellington et à Blücher cette note conlidenlielle

« L'armée est mécontente parce qu'elle est malheureuse

rassurez-la, elle deviendra fidèle et dévouée. Les Chambres sont indociles et par la même raison. Hassurex tout le monde, et tout-le monde sera pour vous. Qu'on éloigne l'armée; les Chambres y consentiront en promettait d'ajouter à la Charte les garanties spécifiées par le roi. Pour se bien entendre, il est nécessaire de s'expliquer; n'entrez donc pas dans Paris avant trois jours. Dans cet intervalle, tout le monde sera d'accord. On rassure les Chambres; elles se croiront indépendantes et sanctionneront tout. Ce n'est point la force qu'il faut employer auprès d'elles, c'est la persuasion.


Première entrevue de Fouché avec le roi au

château d'Arnouville. Il continue les conseils, demande que l'on conserve la cocarde tricolore, etc. Le tout, dit-il, pour l'acquit de sa conscience.

7 juillet. Des bataillons prussiens envahissent

les Tuileries. La Commission de Gouvernement cesse ses fonctions. Carnot, exaspéré, dit a Fouché Traître, où veux-lu que j'aille ? Imbécile, où tu voudras! répondit Fouché. Ils avaient eu ensemble plus d'une altercation dans le Conseil, et'Carnot ne pardonnait pas à Fouché de l'avoir appelé vieille 8 juillet. Clôture de la Chambre des repré-

sentants.

« Quels auspices accompagnent ce nouvel évé-

nement ? Toutes les opinions qui fermentent, toutes les vengeances qui cherchent à s'assouvir, tous les intérêts qui s'agitent et se combattent, tous les esprits qui s'exaltent avec furcur, enfin toutes les haines ulcérées qui réagissent. Dans de si déplorables conjonctures, je oze refusai pas mes efforts et, mes travaux à ozozz pays. »

Cela est d'un homme unique en son genre. Le

ton n'est ni_ d'un impudent cynique, ni d'un Tartufe, ni d'un Macaire, c'est celui d'un égoïste, qui ne jure par personne, et qui trouve tout simple qu'on suive le mouvement de l'atmosphère, comme la girouette, seul moyen de se conserver et de faire du bien à son pays. Autant Fouché avait prêché la clémence et la modération au premier consul, à l'empereur, autant il se remit à la prêcher à Louis XVIII. Il conjure les proscriptions, fes catc-


gories, les vengeances; il ne réussit pas plus sous un régime que sous l'autre, et ne fait que se compromettre davantage. Lc besoin de proscrire, ditil, envaliit toutes les classes du parti royaliste, depuis les salons du faubourg Saint-Germain jusqu'aux antichambres du palais des Tuileries. Des milliers de noms, autant ignorés que connus, étaient signalés au Ministère de la Police pour êtrc enveloppés dans une mesure générale de proscription. On me demandait des têtes, comme preuve de toute affection sincère ù la cause royale. Il n'y avait plus pour moi que deux partis à prendre celui d'clre le complice des vengeances, ou de renoncer au Ministère. Je ne pouvais souscrire au premier; j'étais engagé trop avant pour renoncer au second. Je trouvai un troisième expédient. »

Singulier homme II faut qu'on le classe pour

qu'il se retire certes, ce n'est pas l'orgueil, ni la dignité qui forment le fonds, de l'âme, de Fouché. Le sentiment des convenances n'y est pas davantage, et v peine le sens moral. Ce qui fait cet homme, c'est l'esprit de conservation et tout prix. Et quel fut ce troisième expédient?

« Ce fut de faire réduire les listes à un petit

nombre de noms, pris parmi les personnages qui avaient joué un rôle plus actif dans les derniers événements. »

Ainsi, pour amoindrir la proscription, Fouclié se

fait proscripteur. C'est justement le rôle du fameux Maillard le président des massacres de l'Abbaye, se chargeant de régulariser les immolations, afin d'épargner un nombre de victimes. Que répondre à


de pareils hommes vous disant Eusse-je mieux fait de laisser tuer cent personnes, quand, par mon intervention, je pouvais en faire épargner soixantedix ? Fouché dit qu'il rencontra la meilleure volonté dans le Conseil des Ministres et dans les sentiments du roi.

Malgré toutes ces obligations, que je crois sin-

cères, je répéterai ici ce que j'ai dit plus haut, en commençant ce n'était point là la place de Fouché. Et il vaut mieux, en dernière analyse, pour une nation, supporter une proscription furieuse que de contribuer à lui donner une apparence de légalité pour J'avantage de lui dérober quelques tètes. La conduite de Fouché peut avoir ses excuses elle n'est pas à suivre, elle est d'une fausse moralité. Seulement, il est vrai de dire que c'est encore celle de la majorité; c'est ainsi, en définitive, qu'a marché jusqu'à ce jour la société.

Enfin, Fouché s'aperçoit qu'on veut se servir de

lui, comme d'un instrument pour battre en brèche la Révolution et ramener le despotisme. Cette lumière se fait dans son esprit à l'occasion des ordonnances sur les élections et de, la Chambre de 1815. Il rejette la responsabilité du mal sur le Président du Conseil d'alors (M. Talleyrand), insouciant, paresseux, égoïste, se berçant d'illusions.

Alors il rédige ses Noies aux puissance alliées et

ses Rapports au roi en plein Conseil,. La divulgation de ces documents produit une sensation profonde, qui excite au plus haut point la fureur du parti ultra royaliste et amène la chute de Fouché et, plus tard, son expulsion.


Il avoue alors que ses notes avaient pour but de

rassembler les forces dispersées de la Révolution et -de faire craindre aux puissances un soulèvement. Au fond, il conspirait déjà contre les Bourbons, comme il avait conspiré maintes fois contre le despotisme impérial.

Les dernières lignes de ses Mémoires sont les

suivantes

« Je crois résumer ma vie en déclarant que j'ai

voulu vaincre la Révolution, et que la Révolution a été vaincue dans moi. »


PARALLÈLE

ENTRE

NAPOLÉON ET WELLINGTON

Pendant un dîner à la campagne, auquel Arthur

Wellesley assistait, Pitt reçut la nouvelle de la capitulation de Mack, à Ulm, et de la marché offensive de l'empereur sur Vienne'. Quelqu'un s'écria d. Cf. HLiloirc du duc dc Wellington, par le général

A. BniALMONT, t. 1, pp. Bruxelles,

Le général Brialmont dit que plusieurs personnes, pré-

sentes à ce dîner, avaient confrmé le fait au comte de Toreno. « C'était dans l'automne de et M. Pitt donnait à la campagne un dîner auquel assistaient les lords Liverpool (Hawkesbury), Castlereagh, Bathurstet d'autres, ainsi que le duc de Wellington (alors sir Arthur Wellesley), qui arrivait des Indes. Pendant le dlner, Pitt reçut une dépêche dont la lecture le laissa tout rêveur. Au dessert, et quand les domestiques furent, partis, suivant l'usage d'Angleterre, ou comme ils disent the cloth being- removed and the servants ottt, Pitt s'écria « Très mauvaises nouvelles Bonaparte croit et doit croire l'existence de ceux-ci incompatible avec la sienne; il assure de les chasser, et c'est alors que je l'attends avec la guerre que je désire si vivement. » Nous avons ouï raconter cela à plusieurs personnes qui étaient présentes. Maintes fois, le général don Miguel de Alava a entendu rapporter la même chose par le duc de Wellington, et le duc lui-même raconta l'événement dans un dîner diplomatique que le duc de-Richelieu donna Paris en .1816, dîner auquel assistaient les ambassadeurs et ministres de toute l'Europe. » (Histoire dit Soulèvement, de la Guerre et delà Révolution d'Es- pagne, par M. le comte de Tohe.no, t. II, pp. 380, 381.)


Tout est perdu il n'y a plus de ressources

contre Napoléon!

Vous vous trompez, dit Pitt, il y a encore de

l'espoir, si je parviens à soulever en Europe une guerre nationale, guerre qui doit commencer en Espagne

Tout le monde étant étonné, Pitt ajouta

« Oui, Messieurs, l'Espagne sera le premier

peuple où s'allumera cette guerre patriotique,.qui peut seule délivrer l'Europe. Mes renseignements sur ce pays, et je les tiens pour très exacts, prouvent que, si la noblesse et le clergé ont dégénéré par l'effet du mauvais Gouvernement et sont aux pieds du favori, le peuple a conservé toute sa probité, toute sa sobriété et toute sa haine contre la Fronce, haine aussi vive que jamais, et presque égale à son amour pour ses souverains. Bonaparte croit et doit croire l'existence de ceux-ci incompatible avec ses desseins sur l'Espagne; il essayera de les chasser c'est la où je l'attends, avec la guerre que je désiré si vivement. » Voilà, prophétiser. Napoléon n'a jamais porté si

loin l'imprévoyance. Il s'est heurté au patriotisme des Espagnols, des Russes, des Allemands, des Hollandais, des Calabrais.

Un seul homme, cela ne se peut nier, résume

l'histoire de France et la création impériale de 1799 à 1815, c'est Napoléon un seul homme résume la destruction de l'Empire et l'histoirQ de la délivrance de l'Europe de 1808 à 1815, c'est Wellington,


Résumé historique de la carrière militaire de Wel-

lington, en Espagne et en Portugal, de 1808 en France et en Belgique de 18'14 et 1815 Napoléon menace déjà la dynastie espagnole, qui ne 1805. reconnaissait pas Joseph pour roi.

Proclamation, appel aux armes de Godoï, contre. i80!i-l80G Napoléon. 3 octobre. Après Iéna, il cherche à l'expliquer.

Napoléon signifie au .prince régent de Portugal 1807. sept. d'avoir à rompre toutes relations avec l'Angleterre. Relus.

Junot franchit la Bidassoa. -18oct. Convention de Fontainebleau. cet. Arrivée de Junot à Abrantès il avait quitté Salamanque nov.. le 12. v

Entrée à Lisbonne. 30 nov. Napoléon recommande à Junot de se hâter, afin de

saisir les immenses richesses accumulées dans la ville. Autres menaces mouvementées de troupes. Fin de (Napoléon a nié, dans le Mémorial de Sainte-Hélène,

qu'il eût usé de perfidie et de ruse.)

Troubles d'Aranjuez. 1808. 19 mars Napoléon écrit à Murât: « Cette affaire a sinbuliè- 2D mars rement compliqué les événements; je reste dans une grande perplexité. »

Soulèvement du peuple de Madrid pour empêcher le 1SO8. 2 mai départ des Int'ants.

Abdication du roi d'Espagne. «mai Insurrection de Carthagène, Oviedo, Galtice, Anda- 22-l mai lousie, etc.

Arrivée de Joseph à Bayonne. 7 juin Il est reconnu roi dans une assemblée de quatre- 15 juin vingt-onze grands d'Espagne.

Tous les corps français privés de leurs communica-

tions.


1808.22 juin Ferdinand, prince des Asturies, écrit il Joseph Bonaparte, pour le féliciter de son avènement au trône d'Es-

pagne.

Théocratie en Espagne.

Recensement de 1797, fait par ordre du roi

2.051 couvents d'hommes, 1.075 de femmes;

ensemble, 92.727 personnes, sans compter le clergé sécu-

lier.

1808. 12 juillet U.OOO Anglais partent de Cork. D'autres renforts suivent.

En rien de temps, on vit Duchesne essayer vaine-

ment de se rendre maître de Saragosse, de Manresa, de

Girone; Reille, échouer dans une attaque semblable

contre Rosais Monccy, repoussé de Valence; Dupont,

mettre bas les armes à Baylen l'amiral Rosiles à Cadix,

forcé de se rendre avec son escadre sans autre condi-

tion que la vie sauve; enfin le siège de Saragosse. Il y

avait de quoi ramener un moins obstiné que Napoléon.

Mais, disait-il à M. de Pradt, qui le rapporte « Si cette

entreprise devait me coilter 80.000 hommes, je nela ferais

pas; mais 1.200 suffiront, c'est un enfantillage. »

Voilà le grand calculateur qu'admire M. Thiers!

Massacre des citoyens les plus illustres et des géné-

raux par les exaltés, qui les suspectent.

A Cordoue, un moine fanatique fait égorger en, une

nuit 330 Français.

14 juillet Bataille de Ilio-Saco, perdue par les Espagnols. 20 juillet Entrée de Joseph à Madrid.

Il en sort le 30.

Arrivée de Wellesley à la Corogne. En ce moment,

30.000 Anglais disséminés dans la Péninsule, 120.000

Français.

Déception de Wellesley. Mauvais esprit des juntes

espagnoles incapacité et orgueil de leurs généraux. En

Portugal, il trouve, pour toute armée, fi.â00 soldats mal

équipés, et 10 à 12.000 paysans sans armes.

Sac d'Evora, par Loison. Les soldats, las de carnage,


font 2.000 il 3.000 prisonniers, restes de 8.000 miliciéns ou habitants armés.

Débarquement des Anglais Mondégo. i»'-s aoûi Combat de Rolica, ou de Rorissa.

Bataille do Vimeiro. Le général des Indiens bat les 21 août Français.

Convention de Cintra, négociée malgré Wellington. 30 août Elle fut heureuse pour la gloire de Junot, mais désas-

treuse pour l'Empire. Le Portugal fut évacué par les Français: c'était un événement pire que celui de Baylen'.

Depuis le commencement de la guerre, l'Angleterre

avait envoyé à l'Espagne

2.000.000 livres sterling

150 pièces de campagne;

40.000 gargousses;

200.000 mousquets;

61.000 sabres;

7H.000 piques

23.000.000 cartouches à balle

6.000.000 balles en plomb

15.000 barils de poudre;

92.000 habillements;

310.000 paires de souliers;

37.000 paires de bottes;

40.000 tentes;

250.000 jards de drap;

10.000 fournitures de campement;

1. Les Français évacuent le Portugal et rentrent en France

transportés sur des vaisseaux anglais. Wellington fait la guerre en marchant; il ne se risque qu'avec des forces supérieures et ne regarde pas il l'honorabilité d'une capitulation, pourvu que les Français parlent! Ainsi, depuis trois mois, l'empereur éprouve dans la Péninsule une suite d'échecs, qui rendent de plus en plus manifeste l'impossibilité de ses plans. Pendant que l'insurrection pullule, la contrebande foisonne Napoléon est vaincu, par les masses populaires, dans sa stratégie et sa politique. Phoudiios, La Révolution sociale, p. 130.)


jards do toiles;

îiO.000 grandes capotes

ÎJO.000 cantines

rî-i.OOO havresucs

Etc.,etc.

Tout. cela à peu près en pure perte.

Si les Espagnols avaient eu pour eux-mêmes le quart

du zèle des Anglais, les Français n'auraient pas tenu six

mois en Espagne.

octobre Ouverture du Corps législatif, Ù Paris. 11 dit que, par un bienfait de la Providence, les Anglais se sont décidés

venir enfin se mesurer avec lui sur le continent. Le

Sénat applaudit à la guerre politique juste, nécessaire.

8 novembre Arrivée de Napoléon à Vittoria.

10 nov. Prise de Burgos par Soult; dispersion d'une armée espagnole.

il nov. Deuxième victoire sur les Espagnols par Victor. nov. John Moore, à Salamanque, rejoint quelques jours plus lard par la colonne de John Hope.

23 nov. Déroule des Espagnols à Tudela, par Lannes.

29 nov. Napoléon dans la gorge de Soma-Siéra.

décembre Napoléon devant Madrid le général Morlay commandait avec 8.000 hommes et 30 il !i0.000 paysans armés.

Ceux-ci s'en vont; les liabitants se soumettent.

4 dée. Entrée de Napoléon à Madrid. il harangue les Espagnols et leur dit « Les Bourbons ne peuvent plus

régner sur l'Espagne. Les Anglais, je les chasserai;

Saragosse, Valence, Séville seront soumises, ou par

la persuasion, ou par la force de mes armes. Il n'est

aucun obstacle capable de retarder l'exécution de, mes

volontés.

L'armée française est portée au chiffre de 330.000 hom-

mes non compris la réserve.

Duiiau2iUt'c Marches etconlrc-marchesdes Anglais de la Corogne sur Valladolid, Salamanque.

2-idéc. Délaart de Sahagun, fuyant devant l'empereur, qui s'avance à marches forcées.


À Bcnavcnle. 28 duc. A Astorga, l'empereur en retard de douze heures. La d<5c. poursuite est confiée à Ncy et à Soult.

Retraite sur Vigo. En ce moment l'empereur reçoit 31 dée. un courrier porteur de nouvelles de l'Aulriche, qui

l'obligent à quitter la Péninsule.

L'Autriche faisait des armements considérables, et

se préparait à entrer en campagne au printemps.

Départ de Napoléon pour Paris. 1809. l" janv. L'armée anglaise est enfin confiée à Welleslcy. 1809. Janv. Arrivée de Wollesley à Lisbonne.

Combat de Villafranca, très bien soutenu par les 3 janv. Anglais..

Départ de Lugo. Indiscipline et désordre de l'ar- 8-9 janv. mée anglaise.

Soult attaque les Anglais devant la Corogne; il est 10 janv. forcé de reculer par le général Fayet. Pertes des Anglais,

800 hommes; pertes des Français, 1.600.

L'armée anglaise reste maîtresse du terrain et s'em-

barque tranquillement.

Mort de John Moore.

La retraite fut très belle, suivant Brialmont.

Instructions à Soult de reprendre Lisbonne et de ven- 2t janv. ger la défaite de Vimeiro.

Il doitêtre, le 0 février, à Oporto.

Traité d'alliance entre l'Angleterre et l'Espagne. avril Soult passe le llinlo; c'est tout ce qu'il put faire 15 rév. avec 25,500 hommes.

Insurrection en Galice, réprimée par Soult.

L'armée de Soult se met en marche mais est forcée 4 mars de laisser à'fuy 36 bouches à feu, 2.000 hommes et ses

bagages.

Après avoir battu successivement la Romana et Syl- 13 mars viera1, dispersé les ordenansas, l'armée française em-

porte Chaves.

1. La Romana fut battu il Montorey et Sylvicra à Villasa.


iu-20 murs Pussuge du Tage par Victor, allant au-devant de Soult..

20 mars Défaite de 35.000 Portugais à Braga 5.000 morts, toute l'artillerie prise. Pertes des Français tués,

150 blessés.

27-mars Défaite de 12.000 Espagnols à Ciudad-Real par 10.000 Français, commandés par Sébastiani. 4 à

5.000 morts.

as mars Soult s'empare d'Oporto, défendu par 40.000 hommes et 200 pièces de canon.

Pertes des Portugais, 9 à 10.000; des Français, 3 à 400.

Séjour de quarante jours ù Oporto.

Brigandages et massacres commis par les Français.

2S mars Défaite de l'armée espagnole par Yictor 12.000 tués; 25.000 Espagnols, 1.400 chevaux, 20 pièces de canon;

14.000 Français, 2.500 chevaux, 42 bouches à feu.

Evidemment, de pareilles troupes étaient comme des

troupeaux de moutons. Mais, quand vient Wellosley,

c'est autre chose.

5 rnni Concentration à Coïmbre de 13.000 Anglais, 9.000 Portugais, 3.000 Allemands.

mai Découverte d'une conspiration des Philadelphes contre le despotisme de Napoléon dans l'armée, organi-

sée par les vieux soldats républicains. Le chef, d'Argen-

son, offre de traiter avec Wellington.

« La gloire, dit Thiers, avait caché, un moment, le

vide ou l'égoïsme de cette politique. Les premiers revers

amenaient la réflexion, et la réflexion amenait le dégoû t. »

uu 7au 1? L'armée anglaise refoule tous les corps français. 12 mui Passage merveilleux du Douro, en -face de l'armée française, surprise inopinément. Les Français, 500 tués

et blessés, abandonnent 50 canons, 700 malades.

Anglais, 20 tués; 95 blessés. Wellesley mange lie

dîner de Soult.

1» mai Retraite de Soult; il abandonne ses canons et ses 19 mai Arrivée de Soult à Orense, après avoir perdu


6.000 hommes par la fatigue, la marche, son artillerie,

ses provisions, sa caisse; pluies, débordement, tempête;

pas de vivres, des conspirations, des trahisons.

Il eut le tort de se laisser surprendre à Oporto; mais

sa retraite fut belle. Napoléon, qui apprend ces faits à

Schœnbrunn, parle de le mettre en jugement. Il en vou-

lait faire autant de Junot, pour la convention de Cintra.

Wellesley s'arrête son tour, par l'effet des mêmes

causes.

Il écrit à son ministre « A votre compte, j'ai

35.000 hommes; suivant le mien, je n'en ai que 18.000. »

Il reste à Abrantès jusque fin juin.

Si, à cette époque, le Gouvernement anglais, au lieu

d'envoyer 12.000 hommes en Sicile, et à Anvers,

les eût confiés à Wellesley, les choses auraient pu tour-

ner bien mal pour les Français.

Napoléon écrit de Schœnbrunn à Soult pour lui don- 12 juin ner ordre de tomber sur les Anglais.

Jonction de l'armée anglaise avec l'armée espagnole à 20 juillet Oropeza.

Entrée de Wellesley dans Talavera. Il est empêché 22 juillet dans ses projets par le général Cuest.a.

Passage de la Guadarrama par l'armée de Joseph, de 26 juillet 50.000 hommes commandés par Victor et Sébastiani.

Bataille d'Alcala perdue par Cuesta qui veut com-

battre seul, sans attendre les Anglais 6 à 700 hommes

tués.

Bataille de Talavera, 43.000 infanterie, 7.000 cavale- 27 et 28 rie, 90 bouches àfeu; Anglo-Espagnols: environ 60.000,

dont 16.000 Anglais. Pertes, en tués et blessés Anglo-

Espagnols, 6.268 Français, 7.396.

A Talavera, Wellesley était placé entre les

hommes du roi Joseph et les 35. 000 de Soult.

Au jugement de Napoléon, bataille perdue.

Les Anglais passent le Tage à Arzobispo. Mauvais 4 août état de l'armée les Espagnols lui refusent des vivres.

On apprend la nouvelle de la bataille de Wagram. a août


Tout le monde découragé, excepté Wellington. Du reste,

par les chaleurs, personne ne peut rien faire.

i septembre Wellington Badajoz.

Les maladies accablent son armée.

Il prend la résolution de n'avoir plus rien de commun

avec les Espagnols.

Bientôt, malgré les avis de Wellesley, les généraux

espagnols sont accablés.

Octobre Wellington donne des ordres pour la construction des lignes de Torrès-Vedras.

i novembre Bataille d'Ocana 50.000 Espagnols battus par Français, commandés par Mortier, Sébastiani,

Joseph et Soult 20.000 hommes prisonniers, tués ou

hlessés.

28 nov. Bataille d'Albp de Tormès, où Del Parque est défait par Kellermann perte, 3.000 hommes.

20 nov. Le reste de l'armée se débande.

Aphorisme DE Napoléon A la guerre, la force morale

est la force physique corrtme 3 à 1.

ïlO. Janvier Wellesley abandonne Badajoz., et se reporte vers le nord du Portugal, de l'autre côté du Tage. Sa marche

est le signal de l'invasion de l'Andalousie par les Fran-

çais. L'idée première de cet envahissement était de

Napoléon; Wellesley s'occupait de se fortifier en Por-

tugal. De notre part, ce fut une mauvaise tactique.

20 janv. Wellington à Vison. Joseph franchit la Sierra-Morena avec G5.000 hommes.

âl janv. Entrée de Joseph et Soult à Séville. Incapacité delà junte; le peuple se révolte contre elle.

4 février Cadix secouru par Aibuquerque.

Arrivée de l'armée française, commencement du siège

de Cadix.

26 fOv. Pétition en Angleterre contre le général anglais. Tout le monde découragé.

Le Ministère ne sait que faire. Lui seul,,Wellington,

soutient qu'il faut continuer la guerre et ne pas aban-

donner le Portugal.


On peut dire que c'est grâce à Wellington que l'effet

moral produit par la foudre de Wagram fut paralysé et

que, par lui, la chute de l'Empire devint inévitable. Vain-

queur de Junot à Vimeiro, de Soult à Oporto, de Victor

à Talavera, il allait l'être bientôt encore de Masséna, de

Marmont, de Jourdan, puis encore de Soult. (Ajoutez

Ney, Régnier, etc.)

Prise d'Astorga par Junot. 2t avril Arrivée de Masséna à Vittoria, où il prend le comman- 6 mai dément de l'armée de Portugal.

Il écrit à Charles Stuart que « les Français consi- 7 juin dorent maintenant la nécessité de chasser les Anglais de

la Péninsule comme le premier objet auquel ils doivent

tendre qu'ils risqueront tout pour y parvenir, et qu'ils

l'essaieront sous peu ».

A cette heure, la totalité des troupes françaises en

Espagne était d'environ 270.000 hommes; l'armée an-

glaise, réduite à 30.000 hommes, dont 9.000 malades.

Prise de Ciudad-Rodrigo par Ney. 9 juillet Reddition d'Almeida à Masséna. 28 juillet Masséna se met en route pour aller joindre Wellington Septembre avec 59.000 hommes.

Il doit être rejoint.par 20.000 hommes sous Drouot et

8.000 sous Gardanne.

Bataille de Busaco. Wellington s'y trouva avec 27 sep.. 24.000 Anglais, 23.000 Portugais. Perdue par les Fran-

çais.

Enlèvement de Coïmbre par surprise là se trouvaient 1 octobre les dépôts de Masséna, et 2 à 3.000 blessés. (Colonel

Trant auteur du coup).

Wellington entre dans les lignes de Torrès-Vedras, 8 octobre avec 22.000 hommes infanterie anglaise, 3.000 de cava-

lerie.

30.000 infanterie portugaise.

Les lignes défendues, en outre, par 29.751 hommes et

247 bouches il feu.

Le fort Saint-Julien, 5.350 hommes, 94 bouches feu.


Il donne l'exemple de détruire l'ennemi par la destruc-

tion du pays même.

Ce qui est prodigieux, c'est que personne n'avait con-

naissance de ces lignes, ni en France, ni en Espagne,

ni en Angleterre, ni dans l'armée de Wellington. En

Portugal, la multitude n'y comprenait rien, ne savait rien enfin, ce fut comme une révélation.

10 octobre Armée de Masséna devant les lignes de Torrès- Vedras. Wellington fait entrer encore 6.000 Espagnols sous

la Romana, plus 7 à 8.000 Anglais venus par Cadix. En

tout, 96 à 97.000 hommes.

Là il pouvait, comme il le disait, résister aux armées

réunies de Soult et Masséna. Pendant tout ce temps,

opposition incessante à Wellington du côté du Portugal

et de ses juntes.

Masséna se résigne à hloquer Wellington, qui, de son

côté, résiste à toutes les excitations et reste immobile.

29 octobre Départ du général Foy pour Paris.

octobre Montbrun s'empare de Punhète.

Wellington le suit à distance.

nov. Retraite de Masséna à Santarem.

4 déc. L'empereur ordonne à Soult de se porter au secours de Masséna.

21 déc. Soult quitte les environs de Cadix.

1811. 5 janv. Mouvement de Soult.

janv. Reddition de Mérida.

24janv. Nouvel ordre à Soult, qui répond qu'il ne peut, et demande lui-même, pour le siège de Cadix, 25.000

hommes..

18 fév. Discussion sur le passage du Tage.

19 fév. Défaite de Mendizabal par Soult. Pertes des Espagnols, 900 tués, S. 200 prisonniers.

s mars Les Anglais essaient de faire lever le siège de Cadix; ils échouent par la lâcheté du général espagnol La Pena.

Perte des Anglais, hommes; Français, 2.400.

si murs Reddition de Badajoz par l'Espagnol don José de Imar. 9.000 hommes de garnison; Soult, 11.GU0 hommes.


Masséna sort de Sanlarem. A cette époque l'armée

française est diminuée de 27.000 hommes. 11 se dirige sur C:oïmbre.

Combat de Pombal. NEY soutient la retraite. 11 mars perd 50 hommes, brille la ville.

Redinha. Français, 212; alliés, autant. 12 mars Condeixa. Là, beau fait d'armes de Ney. 13 mars roz d'Arunce. Perte des Français, 500. 15 mars Sabugal. Ney s'est retiré remplacé par Loison. 3 avril Dans cette allaire perte des Français, 1.400 hommes;

Anglais, 800.

Passage de l'Agucda par Masséna,; deuxième évacua- 9 avril cuation du Portugal.

Perte totale de l'armée française à cette époque

30,000 hommes.

Bataille de Fuentès-d'Onoro Wellington contre 5 mai Masséna (généraux Montbrun, Ferrey, Marchand, Loison, Lepic, Reynier, Drouet d'Erlon).

Anglais, 32.0.00, contre 44.000 Français.

Pertes Anglais-Portugais, 1.786; Français, 2.G95.

Cette bataille resta indécise toutefois, indépendam-

ment de la supériorité de la perte des Français, elle fut à l'avantage de Wellington, que les Français ne parvinrent pas à déloger.

Evacuation d'tllmeida par les Français. Masséna 10-11 mai quitte le commandement.

Bataille d'Albuera gagnée par Beresford, lieutenant 16 mai de Wellington, contre SOULT (Girard, Godinot, LatourMaubourg).

32000 Anglais-Portugais-Espagnols contre 18.000

Français.

Elle avait pour but de faire lever le siège de Badajoz.

La mêlée fut horrible les Anglais perdirent 6.500 hommes; les Français, 8.000, suivant Thiers. Incertitude à ce a, sujet.

L'effet moral de cet échec de Soult sur les soldats

fut désastreux le siège fut repris.


23 sept. Rencontre à Elbodon entre Wellington et Maiijiont (Dorsennc, Monlbrun, etc.).

Attaque impuissante des Français. Évolutions inu-

tiles.

L'auteur ne donne pas de résultats en morts et

blessés.

5 j;mv. Prise de Ciudad-Rodrigo par les Anglais sur les Français.

Anglais, 1.702; Français, 1.880.

Massacre commis par les vainqueurs sur les habi-

tants.

6 avril Prise de Badajoz.

Elle coûte aux Anglais 7.000 hommes; Français, 1.300.

Marmont, qui accourait au sccours de cette place, est

forcé de s'en retourner sur l'Agncda.

i9 mai Prise des forts d'Almaraz, par 6.000 Anglais, et destruction du pont.

Anglais, 177 Français, 4â0.

Le pont était situé sur la Guadiana les Anglais., en

le détruisant, empêchaient la jonction des armées.

27 juin l'rise des forts (le Salamanque.

Anglais., 600 hommes. Les Français se rendent à dis-

crétion.

22 juillet Bataille des Arapiles.

Wellington contre Maiimont (Clausel, Bonnet, Tho-

mières, Marchant, Sarrut, Brenier, Maucune, Foy,

Fcrrey, Boyer, etc.).

Anglais, 46.h00; Français, 42.000.

Pertes Alliés, 5.224; Français, 9.000.

i2 août Entrée de Wellington à Madrid le roi Joseph bat en retraite sur Valence. Suchet est retenu dans la Cata-

loâne par les menaces de débarquement de troupes

venues de Sicile. Soult était au fond de l'Andalousie.

U août Prise du Rcl'r0- Massacre des prisonniers français pai les Espagnols, chargés de les conduire en 'Por-

tugal.

7 sept. Entrée à Valladolid.


Occupation de Burgos le siège du château resle 18 sept. sans effet.

Wellington est pressé parla concentration des armées

du Centre, du Sud et du Portugal; bat en retraite, se rallie à Ilill et prend ses quartiers d'hiver derrière l'Agneda.

Levée du siège de Cadix évacuation de l'Andalousie.

20.000 hommes et 30.000 bouches à feu, abandonnés

aux Anglais.

Wellington concentre ses forces sur le Douro. 1813. Fin ma 70.000 Anglo-Portugais, 20.000 Espagnols, 100 pièces 3 juin de canon..

Bataille de Vittoria. Wellington contre Jouiidan 21 juin (Reille, Gazan, Villatlej. 80.000 Anglo-Portugais; Français, 55.000.

Pertes: Anglais, 5.176; Français, 6.960. Tous les

bagages et le matériel pris.

Siège de Saint-Sébastien par les Anglais. Blocus de H juillet Pampelune.

Arrivée de Soult, commandant en chef de l'armée 13 juillet d'Espagne.

Premières opérations de Soult. Combat de Puerto-de- 25 juillet Moya.

Le général anglais Rowland Hill y perd 2.000 hommes

et 4 pièces de canon concentration des alliés sur Pampelune.

Combat de la Zadora. 28 juillet Wellington. SOULT (Clausel, Reille).

Anglo-Portugais-Espagnols, 16.000 hommes Fran-

çais, 20.000.

Coup de massue, dit Wellington.

Pertes Anglais, 2.600; Français, 1.800.

Pendant ce temps les Anglais reçoivent leurs renforts,

et leur nombre s'élève à 30.000. Les Français lâchent prise.

Combats heureux pour les Anglais, qui forcent Soult 1" août d'abandonner une très forte position.


Pertes Anglo-Portugais, 1.900 hommes; Fran-

çais, 2.000 tués et blessés, 3.000 pris. Total 5.000.

Foy, avec 8.000 hommes, coupé de Soult, qui reste

réduit à 35.000 hommes.

Retraite heureuse de l'armée française.

Au combat d'Rchallar, Anglais chassent d'une

position formidable 0.000 Français vaincus par le découragement, la fatigue et le manque de munitions.

Pertes totales depuis l'arrivée de Soult

Anglo-Portugais, 7.300; Français, 13.000.

Lettre du duc de Berry, reprise du siège de Saint-

Sébastien.

23 août Sucliet se refuse à secourir Soult.

si août Passage de la basse Bidassoa par Reille; ils est rerepoussé par les Espagnols (pour secourir Saint-Sébastien).

50.000 Français engagés; Espagnols, 10.000.

Pertes Espagnols, 1.(i58 hommes Français, davan-

tage.

Le même jour, Clausel, qui s'avançait d'un autre côté,

perd 2.157 hommes.

Wellington ne se presse pas d'entrer en France.

8 sept. Prise de Saint-Sébastien.

Pertesdesalliés: 5.069 hommes; Français, 1.863 tués;

le reste, I.V65, dont 570 blessés, sortis avec les honneurs de la guerre.

Sac de la ville par les alliés.

7 octobre Passage de la Bidassoa, sur trois gués, en amont de Fontarabie, à marée basse. Soult est traité ici comme au passage du Douro.

8 octobre Pertes de Reille, en cette circonstance, 8 canons et 400 hommes Anglais, 600.

Pertes totales des alliés dans les combats du 7 et

du 8, 814; Français, 1.400.

31 octobre Reddition de Pampelune la garnison réduite à 600 hommes.


Passage de la Nivelle par Wellington, 90.000 hommes, 10 nov. 95 canons.

Français, 79.000hommes.

Pertes des Anglo-l'ortugais, 2.694; Français, 4.265.

Découragement général dansl'armée française, qui ne

fait pas tout ce qu'elle pourrait.

Passage de la Nive par l'armée anglaise. 9 déc. Pertes égales 800 hommes de chaque côté.

Attaque de Reille et Soult repoussée.. 10 déc. Pertes des alliés liommes; Français, 2.000, plus

trois régiments allemands passent à l'ennemi.

Nouveau combat Anglo-Portugais, 800 Français, Il dée. 800. Ceux-ci repoussés.

Troisième collision, sans résultat pertes égales, 12 déc.. 3 à 400 hommes de chaque côté.

Bataille de Saint-Pierre. Soult contre Hill (Foy,

Maransin).

16.000 contre 16.000.

Pertes Anglo-Portugais, 2.000; Français, 3.000.

Traité de Valençay qui rend à Ferdinand son royaume, 8 déc. à condition qu'il chassera d'Espagne les Anglais.

Les Certes refusent d'y souscrire et restent fidèles à

Wellington. Il est trop tard.

A la suite de ce traité, Suchet se retire à Figuières,

où il refuse de se joindre à Soult.

Au commencement de l'année, Napoléon retire à Soult îsu 10.000 hommes d'infanterie et 3.000 cavaliers.

Passage de la Bidouze par Hill. 16 février. Passage de la Soissons, affluent de l'Adour.. 17 fév. Passage du gave d'Oléron. 24 fév. Passage du gave de Pau. 25 rév., Soult, à Ortliez; se trouve débordé.

Bataille d'Orthez. Wellington, Soult (Reille, Taupin, 27 fCv. Roguet, Paris, d'Erlon, Clause], Foy, d'Armagnac, Vil-

late; Harispe).

Français, 40 000 hommes Wellington, également.


Pertes Anglo-Espagnols-Portugais, 2.270; Fran-

çais, 4.000 hommes, 6 canons.

Plus 3.000 fuyards, conscrits, qui, un mois après,

manquaient encore il l'appel.

Mauvaise position de Soult trahi, abandonné.

12 mars Entrée de Bcresford à Bordeaux.

lii mars Soult se retire sur Toulouse.

r.i mars Prise de Vic-de-Bigorre, par les Anglais.

H) tn-rii Bataille de Toulouse.

Wellington, 43.500 hommes; Soult, 38.000 hommes.

Pertes Anglais, 4.639 hommes; Français,

Soultétait informé de la capitulation de Paris; Wel-

lington l'ignorait. Les résultats de la bataille n'ont donc

pas été poussés. Sans cela l'on eût eu la .preuve que la

bataille avait été gagnée par les alliés.

Le maréchal Sucliet doit être regardé comme la cause

principale de nos désastres. Lors de la bataille de Tou-

louse, il resta inact.if avec 13.000 hommes.

Sans la capitulation de Paris, Wellington s'y serait

porté après la bataille de Toulouse.

Les troupes anglaises avaient livré, selon Brialmont

Dix-neuf batailles rangées

Un grand nombre de combats

Pris quatre places importantes, soutenu plusieurs

sièges;

blessé ou pris 200.000 Français et laissé 40.000

des leurs sur les champs de bataille.

ISUi QuATHlî-BnAS.

Wellington contre Ney:

1" hommes 2° 16.000; 3° à 9 heures, 50.000.

Ncy et les Français 18.000 hommes.

Pertes Cf. Charras.

Wateiiloo. Wellington, Napoléon. 70.000

contre 70.000. Cf. Charras. Ney, Soult..

Jérôme, Bachclu, Foy, Guilleminot. Reille, Milhaud,

Pilé, Marcoquely, Donzclot, Delort, Quiot, Duchène,

Durutte, Jacquinot, L'Héritier, d'Erlon, Kellermann,


Domont, Subcrvie, Lohan, Wathier, Roussel, Cambronne, Lefèvre-Dosgeneltes, elc.

Masséna., Augereau, Marmont, Murât, Suchct, Da-

voust, Victor, Macdonald. Absents.

On peut dire, en toute vérité, en suivant le rê-

sumi; historique de sa carrière militaire, en Espagne et en Portugal de 1808 à 181:3, en France et en Belgique.de 1814 et 1815, que Wellington est le véritable auteur de la chute du premier Empire'. En lui s'est concentré tout l 'effort de l'Europe; de lui sont partis les premiers coups, les encouragements, les exemples, les idées; sans lui, ni l'Autriche, en 1809, ni surtout la Russie, en 1812, ne se fussent levées sans lui, la campagne de 1813 aurait été autre; ôtez Wcllington, le Portugal et l'Espagne restent soumis; 200.000. soldats sont 1. M. Albert Sorel, dans un remarquable article du Temps,

à propos des Mémoires sur l'époque impériale, dit

« Je laisse parler les chroniqueurs ils disent ce qu'ils ont

vu, ce qu'ils out éprouvé. Peu ou poirit de réflexions. Cesont des contemporains de Slendhal, et aucun d'eux ne paraît avoir grand souci de Chateaubriand. J'ai eu toujours devant les yeux, en classant ces petits faits, la grande, l'incomparable peinture murale de Tolstoï; et plus,j'ai pénétré dans la réalité de l'histoire, plus j'ai senti grandir en moi l'admiration pour le génie de l'artiste il a ressuscité les temps et les hommes, et, dans les hommes de ce temps extraordinaire, sa montrer l'homme de tous les temps, qui n'a jamais paru plus grand et plus misérable la fois, plus douloureux et plus héroïque.

« La guerre d'Espagne, dans l'élopéc de nos guerriers, c'est

la descente aux enfers, une course eliarée, fantastique, le long de fleuves de feu, entre des rochers hdrissés d'embuscades, des cavernes pleines de hourreaux et de supplices. Ce n'est pas la guerre, c'est le cauchemar de la fièvre des blessures envenimées, dans l'horreur de l'hôpital. »


rendus à l'empereur. Wellington, seul enfin, a soutenu le courage des Anglais, et fait persévérer les sacrifices du Gouvernement. Lui seul, dès 1808, a jugé la fragilité de l'empire, a affirmé sa défaite, et, seul, l'a attaqué avec confiance d'abord avec des moyens excessivement faibles, peu à peu avec des forces plus considérables, mais presque toujours inférieures.

La proportion des morts et blessés, dans les ba-

tailles gagnées par Wellington sur les Français, montre combien était terrible une guerre contre des soldats exercés et habitués il vaincre autant que braves. On peut dire que Wellington a vaincu, malgré les Portugais, malgrc les Espagnols, malgré les Anglais. L'histoire de sa vie est le plus bel exemple de ce que peut un homme de grand caractère contre le découragement universel. Otez Wellington, principe permanent et foyer inépuisable de la résistance à Napoléon, négation obstinée de cet Empire immoral, et l'on ne voit comment cette épouvantable tyrannie aurait pris fin.

Il a été fourni à Napoléon Bonaparte, consul décen-

nal, consul il vicetempereur, depuis le 18 mai 1802 jusqu'au 16 novembre 1813, pour le service de sa politique personnelle, un total de 2.473.000 conscrits, non compris les enrôlements volontaires, les douaniers, le surplus des levées à raison des déserteurs et réfractaires, les gardes nationales de Paris, Strasbourg, Metz, Lille, etc., qui firent un service actif dans la dernière campagne, et la levée en masse, organisée au commencement de 1814 dans plusieurs départements. Ajoutons 100.000 hommes,


soldats et matelots, envoyés en Egypte et h SaintDomingue, et rappelons-nous que cette jeunesse, une fois enrégimentée, était perdue pour le pays ou. ne revenait que mutilée ce sera un effectif de 2.573.000 hommes, consommés en entreprises auxquelles manquent l'inspiration du pays, la connaissance des temps et l'intelligence des choses.

Avec cette force armée de hommes, un

pouvoir sans limites et sans contrôle, avec l'entraînement de la France et l'enthousiasme des soldats, Napoléon échoue dans toutes les entreprises qui ne relèvent que de son génie. Il échoue en Egypte, à Saint-Domingue, en Portugal, en Espagne, en Russie après la retraite de Moscou, la défection générale de ses alliés, protégés et feudataires, la Prusse, l'Autriche, la Saxe, la Bavière, la Hollande, les villes hanséatiques, la Confédération du Rhin, le Danemark, la Suisse, .l'Italie, où commande son beau-frère Murat qu'emporte le torrent, prouve qu'au moment même où il se nattait d'avoir réussi dans ses projets de concentration européenne, il avait, au contraire, complètement échoué; que les peuples, autant que les rois, supportaient impatiemment et son joug, et sa protection, et sa médiation, et son alliance. Et le résultat, auprès douze ans de luttes que les chantres de la Grèce et de l'Inde eussent regardées comme fabuleuses, c'est l'expulsion de l'homme, de sa famille, de sa dynastie, la réduction de la France ses limites telles qu'elles existaient au janvier les conquêtes de la République ne sont pas même conservées par Napoléon.


Tout ce qu'il a fait de bien et d'utile, il l'a fait

sous l'inspiration de la République, de la Révolution et du pays.

Tout ce qu'il a fait de mauvais, d'exorbitant,

d'inique, de faux, il l'a fait sous son inspiration personnelle.

Ses succès, il les doit surtout l, la pensée collec-

tive qu'il servait.

Ses revers et ses défaites, il ne les doit qu'à son

A dresser deux listes parallèles, l'une de bien,

l'autre de mal, dans la vie de Napoléon.

Esquisse de la seconde

Traité de Campo-Formio, conclu malgré le Direc-

toire, et avec précipitation. Sacrifice de la Répitblique de Venise.

Expédition d'Egypte entreprise de fantaisie.

Défaite navale d'Aboukir, que ne rachètent pas les campagnes de terre.

Levée du siège de Saint-Jean d'Acre.

Abandon de l'armée d'Egypte, sans permission.

Retraite; il ne sait jamais se retirer.

Couh d'Elat de Brumaire la liberté égorgée.

Constitution despotique de l'an VIII abolition

des libertés publiques.

Persécution des républicains prisons d'Etat.

Concordat.

Rappel de l'émigration.

Création de la Légion d'honneur retour au

passé.

Expédition de Saint-Domingue. Sacrifice d'une

armées de 35.000 hommes, vieux républicains.


Vente de la Louisiane pour 60 millions.

Masséna sacrifié Gènes pendant que Bonaparte

se repose à Milan il perd la bataille de Marcngo, que regagne Desaix.

Constitution de absurde.

Rupture de la paix d'Amiens.

Camp de Boulogne défaite navale de Trafalgar

(l'Autriche, la Russie, la Prusse, battues par l'AnProjet d'un deuxième Empire d'Occident.

Invasion du Portugal Junot défait par Wel-

lington.

Invasion de l'Espagne; Masséna, Jourdan, Mar-

mont, Ncy, Soult, etc., défaits l'un après l'autre; Baylen 500.000 Français perdus retraite.

Broutille avec le Pape concile ridicule de

Paris.

Blocus continental.

Expédition de Russie perte de 600.000 hommcs

(refus de traiter); conspiration Malet'; la Bérésina: retraita.

Campagne de Saxe machiavélisme de Napoléon%,

Leipsig retraile!

Campagne de France ccapitulation de Paris.

Invasion de la France.

Retour de l'île d'Elbe. Constitution de 1815.

Abdication de Waterloo retraite.

Sainte-Hélène il ment dans ses Mihnoires et

essaye de tromper la postérité.

Nos grandes défaites les plus décisives lui sont

dues Abonkir, Saint-Domingue, Trafalgar, la retraite de Russie, Leipsig,, Waterloo.


Aucune de nos grandes et décisives victoires ne lui appartient

Valmy, Jemmapes, Fleurus, Zurich, Marengo.

Maintenant, pour expliquer cette chute profonde

après une si brusque élévation, faut-il ressasser les raisons banales d'ambition et d'orgueil, l'incendie de Moscou, le froid de 25°, les fausses manœuvres du chef, la trahison des peuples et des rois, accuser la France et l'Europe, ou bien outrager le héros ? Le principe de l'insuccès n'est point dans les

accidents de la nature et de la guerre, pas plus que dans le crime et la lâcheté des hommes; il esttout entier dans le faux des conceptions politiques. Na-,poléon luttait contre la raison des peuples appuyée sur la raison des choses; il était donc vaincu d'avance et infailliblement; vaincu, dis-je, non pas seulement après Moscou et Leipsig, mais dès Austerlitz, dès le jour où commence avec l'Angleterre cette dispute de prééminence, dans laquelle on voit Napoléon conduit, sans qu'il s'en aperçoive, par la raison d'Etat qu'il s'est faite, axune continuité de despotisme et de conquêtes évidemment absurde.

Dans la guerre comme dans la politique, comme

dans l'histoire, c'est la raison générale, raison des peuples et raison des choses, qui triomphe en définitive. Napoléon ne paraît point s'être douté que cette raison, dont l'intelligence fait seule les hommes d'Etat, fût d'une qualité autre que la sienne. Parce qu'il se trouvait, dans sa profession, plus de génie qu'à la plupart de ses contemporains, surtout de ceux que leur naissance avait fait princes, il crut


que ce génie très spécial suffirait pour lui assurer le triomphe toujours et partout.

Il n'oubliait qu'une chose, d'ailleurs hors de sa

portée et qu'il appelait lui-même son otoile, c'esU à-dire son mandat, déterminé d'avance, sans lui, sans aucune considération de sa personne, par les nécessités de l'histoire et la force des situations.

Ainsi, dès son départ pour l'Egypte, Bonaparte

ne sait plus où va le siècle, et ce qui, jusqu'à certain point l'excuse aux yeux de la postérité, ses contemporains n'en savent pas plus que lui. Pour combattre l'Angleterre, nation mercantile et industrielle, Bonaparte ne connaît que la guerre il s'en va, militairement, prendre sa rivale par derrière, chercher un passage qui ne pouvait être obtenu qu'un demi-siècle après lui, par la vapeur et les chemins de fer.

Du premier coup, l'Anglais met à néant cette

singulière stratégie, en détruisant les moyens de transport de Bonaparte, et l'enfermant comme dans une trappe. Que signifient alors les victoires des Pyramides, du Mont-Thabor, etc.? Qu'importe que Bonaparte se dédommage sur les Mamelouks, les Arabes, les Turcs, de l'irréparable revers d'Aboukir ?

Il triomphe de la barbarie, il est vaincu par la

civilisation. Tous ces faits d'armes ne peuvent exercer d'influence que sur les imaginations folles des Français et des Orientaux; quant à l'entreprise, néant.

Le, système continental n'est qu'une variante de

'expédition d'Égypte. L'idée première n'appartient


pas à l'empereur elle paraît, d'après Barôre, être venue au Comité de Salut public, dans le feu de 93 et l'ignorance où l'on était généralement alors des lois de l'économie.

Puisqu'on ne pouvait atteindre Pitt et l'Angle-

terre à travers l'océan, il n'y avait, pensait-on, qu'a lui fermer l'Europe, et ses marchandises lui restant pour compte, l'Angleterre serait ruinée. Quelle folie!

Mais, pour garder l'Europe de la visite des An-

glais, il eût fallu, sur l'immense étendue de. ses côtes, une marine dix fois plus nombreuse que pour opérer chez eux une descente. Dans l'impossibilité de se procurer une pareille flotte, il ne restait de ressource, contre le commerce de ces insulaires, que l'abstention volontaire ou forcée du continent.

Telle est la théorie du blocus continental.

C'est à peu près comme si, pour ôter au gouver-

nement du 2 décembre la recette des impôts indirects, et le pousser plus vite à la banqueroute, les citoyens supprimaient de leur consommation le vin, la bière, les eaux-de-vie, le sel, lè sucre, le tabac, etc. Si étrange que paraisse aujourd'hui l'idée, Bonaparte se charge de l'exécution. Il n'aperçoit pas un seul instant qu'en excluant de cette manière les Anglais de l'Europe, c'est l'Europe elle-même qu'il va séquestrer du reste du monde, c'est le monopole du globe qu'il assure aux Anglais; et, en fin de compte, la prépondérance de la GrandeBretagne, l'infériorité du continent et sa propre incapacité qu'il signe.


L'esprit de l'empereur est fermé, bloqué, sur

toutes choses d'où saurait-il, d'ailleurs, que la méthode.des mathématiciens ne peut s'appliquer aux choses de la raison pure, et qu'une idée, désignée par A dans son expression élémentaire, poussée à sa dernière conséquence devient Z, c'est-à-dire une contradiction?. Pendant dix ans, le blocus continental, contre-partie de la centralisation politique qu'il tenait aussi des jacobins, deux idées contradictoires, deux antinomies! voilà, au dehors et au dedans, tout le fond de la politique impériale voilà ce que devient, dans la personnalité d'un homme, le génie de la Révolution

1 Dix ans de luttes avaient déprimé toutes les intelligences le génie politique de 89 était tombé tour à tour du fanatisme de Babeuf aux platitudes des théophilanthropes. L'idée môme de la grande époque, gouvernement REPRÉSENTATIF, machine d'investigation sociale plutôt qu'institution véritable, cette idée, dis-je, trahie par l'ancienne royauté, déconsidérée par les scènes de la Constituante, de la Législative, de la Convention, niée par les coups du Directoire, était obscurcie. Il n'eût pas moins fallu, en 99, que le régime de Mirabeau et le bras de Bonaparte pour la remettre à flot dans l'opinion et lui restituer son éclat l'homme du 18 Brumaire n'avait que la moitié des talents qu'exigeait ce rôle.

Consulter les Mémoires de Foiickè, pour l'appré-

ciation du 18 Brumaire, la moralité du Consulat et de l'Empire, et le degré de culpabilité du Sénat dans les événements de 1814.

Il ressort nettement du récit de Fouché, et, en


dernière analyse, de tous les documents, que le 18 Brumaire a été fait par une conspiration de pourris, ^intrigants, de coquins, enrichis de la misère publique, d'ambitieux inassouvis, de bourgeois lâchers et réactionnaires que fatiguait le nom de République!

Les Sieyès, les Cambacérès, les Talleyrand, les

Fouché, toute la famille des Bonaparte, sont ce qu'il y a de plus infect.

Les ex-prêtres, Talley rand, Sieyès; Fouché,

Daunou, s'y signalent.

Les Bonaparte étaient jugés capables d'avoir fait

empoisonner Hoche, assassiner Joubert et tuer Desaix, pour faciliter la fortune de leur frère. Tou-.jours est-il que ces morts, surtout les deux premières, inexpliquées, sont venues à point; les condamnations de Moreau et de Pichegru, la disgrâce de Lecourhe et autres, la proscription de tant de républicains viennent à l'appui.

Joséphine, pendant l'absence de son mari, faisait

de l'espionnage; elle vivait, en partie, de ses prostitutions et des fonds secrets. Fouché lui donna un jour 1.000 louis. Après le 18 Brumaire et sous l'Empire, elle continua de recevoir 25.000 fr. par mois. Le crime, la corruption, la tyrannie du sabre

firent le coup de main la nation fut pipée; les honnêtes gens crurent à la fin de leurs maux; les dévots remercièrent la Providence. Obéissant à son misérable instinct, qui consiste a accuser toujours le pouvoir, le peuple vit un sauveur dans, le coupable qui abolissait les libertés. La nation s'abandonnait.


Mais la suite a montré quels gens c'étaient que

ces sauveurs.

Les historiens vulgaires, répétant les déclama-

lions de Napoléon, tlétrissent le Sénat conservateur, qui prononça la déchéance du maître et fit la Hesiauration.

Mais ces sénateurs étaient les associés de Bona-

parte dans le coup de main de Brumaire; s'ils avaient partagé le gâteau, ils ne lui devaient rien; eux l'avaient fait empereur; un contrat tacite les liait, contrat du crime et de l'égoïsme; et le jour où leur fortune était compromise, ils le sacrifiaient. C'était leur droit. Qu'aurait-il fait sans eux en Comment se serait-il maintenu, sans leur complicité, même après Marengo Comment, sans eux, eût-il usurpé l'Empire, la puissance absolue? Comment aurait-il osé pousser ses folles entreprises? A qui pouvait-il se lier, en dehors de ce cercle qui, à la fin, l'a jeté à bas? Ces hommes sont appelés traîtres non, c'est Napoléon qui, en compromettant toutes les existences qui s'étaient fixées a lui, manquait ses engagements. Infâmes aux yeux de la postérité, devant Napoléon ils sont irréprochahles.

Bonaparte, en effet, trailant la politique exacte-

ment comme la stratégie, gouvernant les peuples comme il commandait les armées, toute sa carrière, si glorieuse pour un barde,n'est plus, aux yeux du publiciste qu'une infraction perpétuelle aux lois élémentaires de l'histoire. Il se comparait aux conquCrants fameux: Alexandre, César, Charlemagne; et certes, il ne considérer que les coups, il pouvait


encore passer pour modeste. Mais il ignora, ou il oublia, que ces hommes fameux représentaient l'idée, la nécessité tendantielle de leur siècle; qu'en eux les peuples reconnaissaient leur propre incarnation, leur génie; qu'ainsi, Alexandre, c'était la Confédération hellénique et sa prépondérance sur l'Orient; que César, c'était le nivellement des classes romaines et l'unité. politique des nations groupées autour de la Méditerranée, unité qui impliquerait un jour la cessation de l'esclavage; que Charlemagne, enfin, c'était l'éducation par le christianisme des races du Nord, et leur substitution dans l'initiative humanitaire aux races du Midi.

Or quelle idée représentait, au xix° siècle, Napo-

léon? La Révolution française? C'était bien ce que lui disait son Sénat, et ce qu'il lui arrivait aussi par moments d'entrevoir. Mais il est évident qu'aux yeux de l'empereur la Révolution n'était plus qu'une lettre morte, un billet protesté et impayé, passé par profits et pertes, qui lui servait, au besoin, à motiver son titre, mais dont il répudiait l'origine.

La Révolution française avait eu pour but

il, D'achever l'oeuvre monarchique, suivie depuis

Hugues Capet jusqu'en 1614, avec autant d'intelligence que le comportait l'état des esprits, détournée après la dernière convocation des Etats généraux, au profit du despotisme, par Richelieu, Mâzarin et Louis XIV;

2° De développer l'esprit philosophique dont le

xvme siècle avait. donné le signal, et que Condorcet avait formulé d'un seul mot, le progrès;


3° D'introduire dans le Gouvernement des nations

l'idée économique, appelée à éliminer peu à peu celle d'autorité, et à régner seule, comme une religion nouvelle, sur les peuples.

Napoléon n'était pas à cette hauteur ni homme

d'État, ni penseur, ni économiste; soldat et rien que soldat, il y en avait trois fois plus qu'il n'en pouvait porter. Tout en lui se soulevait contre de pareilles données.

La tradition historique, il la niait, la cherchant

où elle n'était pas. Rival de César, d'Annibal et d'Alexandre dans les batailles, il copie dans la politique Charlemagne. Il se compose un empire taillé sur le même patron que celui du chef franc, s'étendant à la fois sur la Gaule, l'Espagne, l'Helvétie, la Lombardie, l'Allemagne. Il ne sait point que, depuis le traité de Westphalie, le droit public de l'Europe a pour base indestructible l'équilibre des Etats et l'indépendance des nationalités.

Quant à la philosophie, à l'économie, au Gou-

vernement représentatif, transition obligée de la démocratie industrielle, il les repousse également. Les idéologues lui sont aussi suspects que les avocats et ne jouissent d'aucune considération sous son règne; les économistes, il les assimile aux idéoiogues et les persécute à l'occasion,

On sait comment il traita les démocrates, rendus

si odieux sous le nom de jacobins.

Mirabeau n'était plus Sieyès, en révélant sa

vénalité, avait achevé de déconsidérer le système constitutionnel; J.-B. Say se tenait à l'écart; SaintSimon poursuivait, inconnu, le cours de ses obser-


valions sur l'humanité, et prophétisait à quelques arriis la fin du n'igimc militaire ci gouvernemental Fouricr, simple commis, rêvait au fond d'un magasin Chateaubriand continuait il sa manière la réaction de l'ancien régime, et jetait les fondements de la Restauration. Napoléon restait seul, n'ayant trouvé ni son Aristote ni son Homère, personnage à l'antique; doué de toutes les dualités qui font le héros, mais qui, chez lui, ne pouvaient plus servir qu'à masquer la faiblesse de l'homme d'Etat.

Le monument le plus réel de la période impé-

riale, celui auquel l'orgueil de Napoléon semble tenir surtout, est la rédaction des Codes.

Or, qui ne voit aujourd'hui, surtout depuis le

2 décembre, que celle compilation de la jurisprudence des siècles, qui devait fixer v jamais les bases du droit, n'est qu'une utopie de plus? Trois ou quatre décrets de Louis-Napoléon ont suffi pour infirmer t'ouvre législative de l'empereur, et porter il sa gloire la plus grave atteinte.

Le Code Napoléon est aussi incapable de servir

la société nouvelle que la république platonicienne encore quelques années, et l'élément économique, substituant partout le droit relatif et mobile de la .mutualité industrielle au droit absolu de la propriété, il faudra reconstruire de fond en comble ce palais de carton!

Certes, Napoléon fut un grand virtuose de ba-

tailles et de victoires; toute sa vie est une épopée, dans le goût du peuple et des'anciens. Héros incomparable, luttant contre les dieux et les hommes,


si profond dans ses calculs qu'il peut défier la fortunc t, et vaincu seulement par l'inflexible destin il y a dans cette carrière de quoi composer un poème vingt fois long comme Vl/iade, un Mdhabhdrala.

C'est ainsi, du reste, que le peuple comprend

Napoléon, et qu'il l'aime.

La raison d'Etat de la Révolution il rejeté l'em-

pereur la spontanéité populaire lui donne asile; l'élection du 1er décembre n'est elle-même qu'une protestation de cette poésie des masses contre l'inexorable histoire. Comme action politique, la vie de l'empereur ne demande pas cent pages, et si, pour plus d'évidence, on veut suivre la filiation chronologique, il n'en faudra pas vingt-cinq. Toute cette série de batailles, qui nous a valu tant de trophées, qui nous a croûté tant de trésors et tant de sang, se réduit à une trilogie militaire, dont le premier acte s'appelle Aboukir, le deuxième Trufalgar, le dernier Waterloo.

Napoléon, après les adieux de Fontainebleau, ne

pensait point qu'il fût fini. Sa raison admettait la chance des combats, les conséquences de la défaite elle ne pouvait se faire à l'idée du rétablissement des Bourbons.

De leur légitimité, de leur droit divin, naturcl-

L Celait en général la chose la plus comique de le (Bona-

parte) voir jouer à quelque jeu que ce fùt. Lui, dont la vue si rapide, le jugement si prompt, saisissaient l'instant même !'ob,jet qui s'offrait il lui,' il n'a jn mais pu apprendre la marche même d'un jeu, cluclcluc simple qu'il pût être, ctussi Irouvîiit-il plus court de tricher. -(Mémoires ele la duchesse


lement il en riait; mais par quel talisman ces princes, oubliés depuis vingt-cinq ans, dédaignés de la coalition, odieux iL la nation française, avaient-ils ressaisi leur couronne? Comment, en un jour, sans armée, sans budget, sans prestige, ces émigrés avaient-ils pu le supplanter, lui, le triomphateur de vingt ans, l'élu de cinq millions de suffrages? L'intrigue seule, même avec les Talleyrand et les Fouché, n'opérait pas de ces_miracles. C'était donc une surprise, honteuse, ridicule, dont la France tût ou tard voudrait avoir raison, et dont lui-même, le vieil empereur, serait appelé à faire justice.

On faisait grand bruit de la Charte. Mais pouvait-il

croire, après tout ce qu'il avait vu de tout ce parlementage, et sous la Constituante, la Législative, la Convention, et sous le Directoire, pouvait-il croire que par ce chiffon de papier la France, se fût donnée aux Bourbons?. Plus il y pensait, plus la Restauration devait lui paraître misérable, irrationnelle.

C'était pourtant là, dans la Charte, que se trou-

vait le mot de l'énigme. Ce qui avait déterminé la chute de l'empereur était l'idée politique et sociale de 89, abandonnée par lui, noyée dans les listes de conscription et les constitutions de l'Empire. Ce qui faisait la fortune des Bourbons était cette même idée de 89, affirmée par eux, après vingt-cinq ans de résistance, sous le nom de Charte. Rien n'était plus logique que cette expulsion et cette restauration rien de plus légitime, à cette condition, que la Légitimité.


L'ex-empereur eut le temps de s'en convaincre,

pendant les dix mois qu'il passa à l'île d'Elbe. Il put suivre de là les actes du Congrès de Vienne, reprenant les bases du traité de Westphalie; les premiers débats des Chambres de la Restauration observer l'essor de l'industrie, de la littérature et de la. philosophie française, sous un régime de paix et de liberté, pourtant bien modeste.

Quel enseignement tire de tous ces faits Napo-

léon ?

Dans le Congres de Vienne, il voit des intrigues

diplomatiques, des remaniements injustes; dans le Gouvernement des Bourbons, il saisit des ridicules, et des maladresses. En toute chose, son esprit s'arrête à la superficie, ne juge, n'apprécie que le mal. Et c'est sur ces données qu'il bâtit aussitôt le plan de son retour

Napoléon s'imagine qu'un rôle historique peut

se recommencer; il se flatte, dans un nouvel essai, de réussir mieux que la première fois. L'exemple même des Bourbons lui vient en argument de son essai; il ne se doute seulement pas que, dans cette prétendue Restauration, il n'y a de restaurés qu'une demi-douzaine d'individus; que le principe qu'ils défendaient jadis a été par eux abjuré, et que leur métamorphose, au moins apparente, a été la condition sine qnd noia de leur rentrée.

Dans cette Charte, tant dédaignée, il n'aperçoit

pas la dévolution qui, bientôt remise en marche par la pratique constitutionnelle, forcera ses mandataires à la suivre ou les expulsera de nouveau.


Un trône pour une Charte se dit Napoléon. Je

leur donnerai aussi une Charte, il laquelle je prêterai serment!

Comme en 1799, simple homme de guerre, après

avoir vu défiler tant de Gouvernements et de Ministères, il- s'était cru naïvement aussi capahle, et plus capable que tant d'autres, de tenir le timon de l'Etat, il ne douta pas davantage, en 181.5, qu'il ne fut apte, autant et même plus que les Bourbons, à faire un monarque constitutionnel. De lui aux autres, la comparaison était à son avantage; mais c'est des choses qu'il s'agissait, et Napoléon n'y pensa jamais.

Ainsi l'empereur est à la remorque du noi

A l'erreur des restaurations, à la chimère de sa propre récipiscence, il joint le désavantage de l'imitation constitutionnelle, course au clocher de la popularité et, poussant la copie jusqu'à la niaiserie, il écrit en tète de son nouveau contrat Acte additionnai aux constitutions de l'Empire. C'est-àdire que, comme Louis XV1I1 en signant la Charte se comptait dix-neuf ans de règne, Napoléon, dans son Acte additionnel, se comptait quatorze ans de conslitutionnalilc!

Après avoir triomphe à Ligny et aux Quatre-

Bras, l'empereur succomhe à Mont-Saint-Jean: l'irrévocable destin confirme son arrêt. Là, sans doute, il eût pu vaincre encore, comme on l'a répété il satiété, sans l'immobilité de Grouchy, sans la trahison de Bourmont, sans l'arrivée de Blûcher, sans les incertitudes de Ncy.

Alors c'eût été à Wellington de dire « J'aurais


vaincu, sans le retard des Prussiens, sans l'arrivée de Grouchy, sans ceci, sans cela! »

Que s'en serait-il suivi?

Une seconde invasion; une seconde campagne de

Franche, et, très probablement, une seconde abdication. Car qui ne voit ici que les accidents de la guerre, pris en détail, sont pour tout le monde; considérés d'ensemble, sont pour la logique?

Waterloo, jour néfaste dans les annules de la

France, est légitime dans la marche de la Révolution et la destinée de l'empereur.

Il y a lassitude, négligence, inactivité, des deux

parts (Cf. Charras1).

Les deux partis cherchent à se concentrer respec-

tivement, et il se couper mutuellement. La tactique est la même. Cependant chacun a des points à gurder, et il arrive que, pendant que l'on croit couper son adversaire, on est soi-même coupé.

Si, à Ligny, Bulow avait mieux exccuté l'ordre de

son chef Blùeher; si Wellington avait pu tenir sa promesse, tout était fini dans cette journée du 16. La bataille de Ligny (première manche) gagnée, si

l'on veut, par Napoléon, fut un piège qui l'induisit en erreur et le força à se diviser; il envoya Grouchy avec 30.000 hommes il la poursuite des Prussiens, se croyant assez, -fort avec 72.000, pour accabler Wellington!.

1. Histoire dc lcc campaijnc dc Waterloo, ch. vi, p. il),

2. Etat des forces de la Grandie Armée au 14 juin I8li>

Il hommes. Wauïkms, Ilist. chronoloyique duc la Hcpiibliiiue et dc l'Empire, Uruxclles, gr. in-8", pp. d'i'2 et suiv. L'état général des forces composant l'année française


Mais Grouchy ne trouva pas les Prussiens, qui,

au contraire, arrivaient en masse sur le champ de bataille de Mont-Saint-Jean'.

Wellington fut bien mal renseigné, bien tardif

à se mouvoir, les 14, 15 et 16. Mais Napoléon, il son tour, ne sut jamais deviner l'ennemi.

Le 16, au matin, il donnait des ordres pour entrer

le lendemain à Bruxelles.

Et, le 16, après midi il lui fallait combattre à Ligny

s'élevnit ù S70.000 hommes (Idem, p. 939 et suiv.), ou, en décomptant 140.000 hommes porlés comme étant dans les dépôts ou en marche pour rejoindre leurs corps 430.000 hommes.

1. La grande faute de Napoléon me paraît avoir consisté

dans l'éloignement du corps de Grouchy. Si Bliicher, concentrant ses quatre corps d'armées forts d'au moins 90.000 hommes, avait fait volte-face et s'était porté sur Grouchy (US. 000 hommes), il l'eût certainement écrasé et aurait ainsi compensé l'échec que lapoléon aurait probablement fait éprouvera Wellington resté isolé.

Si, comme il l'a prétendu, le général Gérard avait quitté

Grouchy pour se porter surMousty, il aurait couru de très grands dangers, car il aurait pu rencontrer Ilulow, qui, disposant de forces supérieures (SO.OOO hommes), auraitréussi il repousser les 14.000 hommes de Gérard, marchant, dans un pays sans communications faciles et où la retraite aurait été pleine de dangers pour les Français.

Enfin, si Grouchy échappa un désasLre complet, on

doit lui en savoir un gré infini, car il ne quitta Wavre, pour rentrer en France, que le au soir. Or, pendant cette journée, les Prussiens avaient marché sur Charleroi. Délaissant la poursuite de l'armée désorganisée il Waterloo et laissant le soin de la poursuivre aux Anglais, il leur était facile de se porter vers Namur, de rallier le corps de Thielmann et d'anéantir, avec toutes leurs forces réunies, l'armée de Grouchy. (Lettre inéclitc clc il[. Alphonse Wauters sur Napolcon 1er de P.-J. PnoumiON, in-18. Monlgrédien et Ci°, Paris, 1898.)


Ce même jour, il ne comprit rien à la tactique des Prussiens; il ne croyait pas les avoir devant lui; il ne les comptait pas comme des soldats.

Il faut faive toujours la balancc égale des deux

parts.

Certainement, si, tandis que Wellington se hâtait

si peu le 15, se trompait le 1 d tandis que Bliï'cher, etc.

Si Napoléon, profitant de toutes ces fautes, avait

fait plus de diligence, se fût mieux renseigné, etc., il aurait 616 vainqueur.

Sbniliter. Si, tandis que-Napoléon, commettant

tant de fautes le 15, le 16, le 17 et le 18, Wellington et Blûclicr n'en eussent commis aucune, ils auraient eu plus facilement raison de leur ennemi. Si personne n'avait commis de faute, la victoire

restait aux plus gros bataillons.

A fautes égales et compensées, le. résultat est le

même 1.

Vous ne pouvez battre une armée plus nombreuse;

làchezde la prendre en détail; faites en sorte qu'elle « Le résultat de la batatille de Waterloo, comme celui

de la bataille de Leipsig, sont des résultats priori. Le duel de 1815eutlieudansl<;sregles. Seulement la France régnanle allant chercher sur leur terrain l'Angleterre, destinée à lui succéder, et les peuples bas-teutnniques, prêts à entrer dans la civilisation active, et où régnait déjà la plus grande énergie physique et monde, cédait du terrain à ses adversaires. » (Capitaine R. Iîruck, l'Humanité, son développement et sa durée, t. II, p.

« Waterloo a ramené l'irruption brusque, vive, puissante,

immense, mais éphémère, du dernier grand éclat français, qui, comme tous les grands éclats, fut le résultat d'une perturbation et d'une explosion. » (Idem, t. I, p. 4i2.)


se divise, de la surprendre; à elle de se garder. On pourrait, pour justifier ce plan, dire que la

vigilance, etc., est aussi de la force.

Mais le résultat est contraire.

Napoléon I" récompense l'assassin de Wellington.

(Cf. Brialmont1, t. 111.)

Homme de peu de moralité, d'après ThicJ's lui-

même.

I. Après ld seconde tentative d'assassinat du I février 1818:

« Je lègue, dit le codicille de Napoléon., 10.000 francs au sous-officier qui un procès comme prévenu d'avoir voulu assassiner lora Wellington, ce dont il a été déclaré innocent. Cautillon avait autant de droit d'assassiner cet oligarque que celui-ci de m'envoyer périr sur le rochier de Sainte-Hélène. Wellington, qui a proposé cet attentai, cherchait à le' justifier par l'intérêt de la (irande-Rrelagno. Cautillon, si vraiment il eùt assussint Wellington, se serait couvert et aurait été justifié par lès mêmes motifs l'intérêt de la France de se défaire d'un général qui, d'ailleurs,' avait violé la capitulation de Paris, et par là s'était rendu responsable du sang des martyrs Ney, Labédoyère, et du crime d'avoir dépouillé les musées, contre le texte des traités. »

M. tirialmont fait remarquer que Wellington n'avait pas

hroposé Sainte-Ilélène à l'exil de Napoléon, et ajoute:

« Jamais peut-ôtre la majesté impériale du prisonnier

de Sainte-Ilélène ne tomba si bas que dans cette circonstance. Qu'avait donc fait le duc de Wellington à Bonaparte pour que celui-ci une mauvaise action ? Il l'avait comhattu loyalement, et, après la victoire, il s'était opposé a ce que Uliicher tirât une éclatante vengeance de la mort du duc d'Enghien. L'empereur, sans doute, ignorait ce fait, et sans doute encore se croyait autorisé à rendre Wellington responsable des maux qu'il endurait à Sainte-Hélène. Mais cette double supposition fût-elle vraie, Napoléon n'en serait pas moins coupable, lui si grand, si majestueusement fouilroyé par la fortune, d'avoir récompensé une tentative d'assassinat. L'histoire cesserait d'être du bon sens et de la morale, si dépareilles actions pouvaient être excusées! » (Histoire du duc de Wellinylon, t. III, pp. 7, 8.)


Assassin, menteur, faussaire, adultère, in0es-

tueux, bigame, charlatan au plus haut degré, jouant. le grand homme, le héros, le Charlemagne, le guerrier magnanime, etc.

Au fond, haï et méprisa de tous ceux qui le

voyaient de près.

Opposer la théorie de la liberté a celle du

fatalisme et.du scepticisme.

Le scepticisme est contradiction et bêtise.

Le fatalisme, faiblesse de caractère et abandon.

Montrer, par la vie d'un homme, quelle est la

part de la volonté dans les choses humaines, et quelle est celle de la nécessité ou des influences extérieures.

Voici un homme qui est éminemment de sa

caste, de son pays et de son temps; soumis aux moeurs et aux lois de la. nation 1, mais qui, en « Les écrivains qui lui font un grief de n'avoir pas

toujours prolité des occasions favorables pour accabler ses adversaires et prendre l'offensive, oublient que t'armée anglaise se recrutait péniblement., et qu'elle devait être ménagée avec une sorte de parcimonie que n'exigeait pas 'l'armée française, entretenue par les ressources inépuisables de la conscription. Ils ouhlient que Wellington ne pouvait pas vivre aux dépens de la contrée où il faisait la guerre, que l'obligal.ion de former des magasins et de faire suivre toutes les subsistances, occasionnait une grande perte de temps, qu'il devait concilier les intérêts du commandement avec les devoirs d'une situation complexe, que la nécessité de régler les opérations de concert avec les généraux espagnols et les autorités locales fut une source de continuels retards, et que le manque de numc- raire et de moyens de transport,' dont il eut si souvent il souffrir, équivalait à un manque de hardiesse et de mobilité, l'armée anglaise n'ayant pas, comme l'armée ennemie, la ressource du pillage et des réquisitions. Ils oublient que


même temps, a lutté seul contre le découragement universel, et vaincu un homme qui avait fini par devenir lui-même une nécessité.

En France, il aurait trouvé des émules de probité

et de bravoure Hoche, Kléber, Desaix, Moreau, Joubert, Marceau.

Mais il faut lui accorder de plus qu'à eux le

génie politique, la haute prévoyance,. le dévouement au droit et à la liberté.

C'est l'homme qui se dit: Il est à souhaiter que

cette grande puissance soit abattue, et malgré tout il l'abattra. Sa résolution lui est tout individuelle, puisée dans la raison et le droit.

En voilà un autre qui remonte le courant du

siècle, fausse la révolution, séduit la nation, dé- prave l'opinion, soumet, corrompt les puissances, brise toutes les résistances, fait taire les protestations, rebâtit le passé, etc. Il fait tout le contraire de ce que conseillaient l'époque, la philosophie du xvmc siècle, les principes de 89, les aspirations nationales, l'état de l'Europe, les destinées des peuples le contraire de ce que commandaient les propres maximes, les institutions qu'il avait contribué il Wellington était, comme général, soumis au iluc d'York homme de peu de talent et de résolution; qu'il devait, en outre, se conformer aux instructions, souvent très imparfaites, presque toujours très absolues et très embarrassantes du Ministère anglais, et que, de toutes les nécessités, il n'en est pas de plus fâcheuse .pour un général, ni de plus contraire il l'esprit d'initiative, que celle de régler les opérations militaires sur l'état de l'opinion publique, la plus mobile des choses mobiles, surtout en Angleterre. (Histoire tlu duc cle Wellington, t. 111, pp. 103,


fonder; on un mot, c'est un fantaisiste perturbateur du genre humain.

Et pourquoi? par pur orgueil personnel, pure

ambition, enivrement. Ses résolutions, il les puise uniquement dans son égoïsme,-ses idées; sa liberté, il la fait servir à son assouvissement.

Il aime la guerre pour la guerre.

Il est plus touché de la gloire d'avoir bien joué

sa partie que du déplaisir de l'avoir perdue (campagne de plus humilié d'avoir étébattu par un Wellington, qu'il traite de mazette, que désespéré de son propre désastre.

Je crois que c'est bien là le vrai égoïste, l'homme

d'une liberté révoltée contre toute justice, raison et nécessité même'.

d. Dans des notes du comte Alexandre de Balmains, agent

du Gouvernement russe à Sainte-Hélène notes manuscrites retrouvées par M. llonoré Champion et que Ni. Louis Teste nous a fait connaître le premier- on voit des portraits fort vivants Las-Cases, « qui a fait le sacrifice de sa liberté, peut-être pour le désir de laisser iL la postérité une histoire détaillée de son héros»; Bertrand, homme faible et bon, toujours triste et souvent désolé»; Montholon, qui n'est qu'un pauvre homme » Gourgaud, « brave, tapageur». M. de Balmains dit, en parlant de Napoléon « Ses dispositions mentales sont assez inégales le plus souven t il a de l'humeur; mais il est en bonne santé et menace de vivre longtemps. Cent fois par ,jour il répète « Du Capitole à la Roche Tarpéienne il n'y a qu'un pus » et quelquefois Il n'y a qu'un pas du sublime au ridicule ». Puis une éclaircie se fait en son esprit. Il montre un siège à Montholon ou à Bertrand

Prends un siège, Cinna, prends, et sur toute chose

Observe exactement la loi que je t'impose.

Napoléon déclame. Il est dans son rôle, que l'on connaît.

Le Mémorial de Sainte-Hélène a recueilli abondamment ces


De mème que l'autre est le vrai homme probe,

l'homme de la liberté qui se dévoue au droit public, alors même qu'il n'y a plus de droit public, que tout le monde l'abandonne, et que l'espérance est morte.

Bonaparte en 1799, et Wellington en 1810:

voila les deux types de la liberté humaine, les deux rois du monde, au xix" siècle.

On peul dire hardiment que Wellington a échiné,

éreinté, pendant sept ans, de '1808 (1 presque tous les maréchaux et généraux de Franche, et, à la lin, leur chef lui-même.

Quelle liste

On pourrait donner iL Wellington, de même qu'a

Washington, ces mots pour épitapho Vil, bonus pnrjnandi perifnx.

Le vil- bonus ne fait pas la guerre pour la guerre;

il ne.l'aime point, ne la cherche pas; il n'est donc pas aussi hrillant, aussi artiste. Mais il fait le nécessaire.

Ainsi l'individualité fait la perte des citoyens par

l'un, et leur salut par l'autre.

Wellington, de 1808 à 1815', est la vraie cheville

discours, ces improvisations. MnisM.de Balinains compte le Mémorial. Un .jour, l';rmiral Malcolrn Ini demanda « Que pensez-vous des Prussiens? Ce sont des couchons EL de leur armée ? H m'en a coûté si peu pour l'écraser à lénl yue ,j'ai été surpris de rnu victoire. » Un autre jour, il dit l'amiral Cocl:burn Pour nia gloire, j'aurais dû mourir à Moscou; on accuserait mes généraux des malheurs de la France. »

i. Cf. Napoléon Ier, de P.-J. pRoimiiujj, pp. 55 est suiv.

Montgrédien et Cl°, Paris, 1898.


ouvrière de la liberté européenne; c'est un héros, un prince, un roi; plus que Napoléon, qui ment, trompe, abuse.

Chronologie de V histoire de lord Wellington*

Wellington, né le 1"r mai 1769, d'une ancienne famille

noble anglaise.

Envoyé à l'école militaire d'Angers sous la direction

du célèbre ingénieur Pignerol.

Sous-lieutenant, le 7 mars 1787.

Lieutenant-colonel, 30 septembre 1793.

Rejoint l'armée du duc -d'York, dans les Pays-Bas, 1194. Juin puis d'Ostende se rend à Anvers.

Commande trois bataillons pendant la retraite en

Hollande.

Envoyé avec son régiment, le 33°, dans les Indes. *™- Avril Se distingue pendanlraea/' ans dans la guerre de l'Inde ™re et divers commandements. septembre. On a beaucoup dédaigné en Europe ces campagnes de

Wellington, à qui Napoléon donnait le nom de général des Indiens.

M'est avis que Wellington y acquit une grande con-

naissance des hommes, de la guerre et de la politique. Il n'y a pas si loin que l'on s'imagine de cette demi- barbarie à la prétendue civilisation impériale.

Prend part à l'expédition en Hanovre. Isotl-ISOG Participe.à l'expédition de Copenhague. 1S07 Affaire à Kioge. 29 août Débarque en Portugal. 1808, 1" août Affaire d'Obidos. 15 août Affaire de Rorissa. 17 août Bataille de Vimeiro, perdue par Junot. 21 août 1. D'après l'Ilistoire du duc de Wellington, par A. Biualmont,

3 vol. in-8°. Bruxelles, E. Guyot; Paris, J. Tardieu, 1856.


22 août Convention de Cintra, voulue par le général Dalrymple, malgré Wellington; à la suite de cette convention, une

enquête eut lieu en Angleterre, dont le résultat fut la

nomination de sir Arthur Vellesley, au commandement

en chef de l'armée de Portugal.

4809. 22 avril Retour à Lisbonne.

mai Passage du Douro bataille d'Oporto, perdue par Soult.

6 juillet Maréchal de l'armée portugaise.

juillet Bataille de Talavcra de la Reyna, perdue par Victor et Jourdan.

21 avril Prise d'Astorga, par Junot.

G mai Masséna arrive à Vittoria.

l" août Nommé membre de la régence en Portugal.

27 septembre Bataille de Busaco, perdue par Masséna, assisté de Junot, Ney, Régnier, Eblé, etc.

octobre Lignes de Torrès- Vedras.

16 novembre Retraite de l'armée française sur Santarem. 1811 Retraite de l'armée française sur Coïmbre et Moninurs-avril

il mars Affaire de Pombal.

12 mars Affaire de Redinha.

14 mars Affaire de Cazal-Novo.

15 mars Au passage de la Ceira, Foz d'Arunce.

A Sabugal.

:1 avril Le Portugal est complètement évacué.

3-1-5 mai Bataille de Fuentès-d'Onoro.

i 1 mai Abandon d'Alméida.

(G mai Bataille d'Albuéra.

10 -juin Levée du siège de Badajoz.

10 juin Concentration de l'armée alliée sur la Caya.

l" août llarche de l'armée vers le nord.

2"i septembre Affaire d'Ebodon.

27 septembre Combat livré à Aldea del Ponte.

28 octobre Surprend le général Gérard à Arroyo Molinos. 1812-8 jnnv. Assaut du fort Renaud, près Ciudad-Rodrigo. janvier Siège et prise de Ciudad-Rodrigo.


Siège et prise de Badajoz. G avril Prise des forts d'Almaraz, par le général Hill. ig mai Siège et prise des couvents fortifiées de Salamanque. 27 juin Bataille de Salamanque ou des Arapiles. 28 juillet Le lendemain, charge de cavalerie à la Serna.

Entrée de Wellington à Madrid. 12 août Est fait généralissime des armées espagnoles. 18 août Siège de Burgos, etretraiteversle Portugal. 22oct.i9nov. Visite Cadix. 24 décembre Invasion de l'Espagne par le Douro. 1813. fi mai Affaire près de Salamanque. 25 mai Morales de Tora, affaire de la brigade des hussards. 2 juin Jonction des deux colonnes, et marche sur Valladolid 4 juin et Burgos.

Destruction du château de Burgos. 13 juin Passage de l'Ebre. 14 juin Affaire de San-1llilon. 18 juin Bataille de Vittoria. 21 juin Retraite de l'armée française. Maya-Ronce vaux.

Siège de Saint-Sébastien. 11 juillet Bataille de Saurvoren. 28 juillet Affaire au Puerto d'Ecliallar. lmr aortt Prise de Saint-Sébastien. août Affaire sur la Bidassoa et à San-Marlial.

Capit.ulation du château de Saint-Sébastien. 8 septembre Passage de la Bidassoa; entrée en France. 7 octobre Bataille de Leipzig. Il septembre Reddition de Pampelune. 31 septembre Passage et bataille de la Nivelle. 10 novembre Passage et bataille de la Nive. 9 décembre Défaites successives du maréchal Soult. 10-m déc. Blocus de Bayonne, poursuite de Soult. 1814. 21 fev. Bataille d'Ortbez. 21 février Passage de l'Adour. 1.' mars Combat d'Aire. 2 mars Affaire de Tarbes. 20 mars Passage de la Garonne. 4 avril


«nvril Bataille de Toulouse.

IBIS. 2i jl1nv. Va au Congrès de Vienne,

il avril Quille Vienne.

juin Campagne de Waterloo.

3 juillet Capitulation de Paris.

G juillet Empêche la destruction de la colonne.

1818. nov. Evacuation de la France par les armées alliées. 1818 Mui l'révient une insurrection des Chartiste.

18.-J2. H sept. 1\lort à Walmcr-Caslle.

Soixante-douze ou soixantc-qninze combats, batailles,

assauts, passages de fleuves, clébarquements, poursuites,

retraites.

Ajoutez marches et contre-marches.

On aime iL voir en Wellington un honnête

liomme et un homme de bon sens, qui n'en fait

1. M. liriatlmont fail., avec plus de justice que Proudhon,

le parallèle entre NiipoliJon et Wellington « Au reste,

dit-il, comme les -nations clu'ils servaient, les caractères.,

de ces deux généraux étaient essentiellement différents;

les passions de ces natures exubérantes étaient incon-

nues Wellington, Raisonneur froid et méthodique, exempt

de préjugés, il parlait il la raison plus qu'à l'imagina-

tion. L'empereur, au contraire, frappait les esprits Par

de vives images et par des traits éblouissants. Ses rares

qualités commandaient l'admiration, et les défauts même

de son caractère lui faisaient des partisans. « Les hommes,

dit un moraliste, ne sont en général fortement épris

que de ceux qui onl, quelque chose à se faire pardon-

ner. » Il n'est pas nécessaire de pousser ce parallèle plus

loin pour comprendre que Wellington ait pu, aussi bien que

Napoléon, gagner l'estime et la considération de ses subor-

donnés. Une parfaite égalité d'humeur et de caractère,

jointe aune part de bienveillance et de justice, attirait peu

à peu vers lui ceux qu'avait éloignés d'abord son maintien

grave et réservé. Les soldats appréciaient les efforts qu'il ne

cessait de faire pour améliorer leur bien-être; ils étaient touchés du soin avec lequel il ménageait leur sang; ils admi-

raient son impartialité, sa droiture, la justice et le désinlé-


accroire à personne, qui traite la guerre selon ce qu'elle vaut, bien qu'il s'y connaisse autant que personne; qui sait que c'est surtout affaire d'administration, de prudence, de discipline, jusqu'au moment où c'est alla ire de coups; qui, d'après ce principe, prend ses précautions, ses avantages, ne se lnisse point éblouir par la réputation des généraux et la vaillance des soldats, mais attend son adversaire de pied ferme, persuadé qu'avec un peu de bon sens un homme sur le lerrain, un général, une armée, en vaut une autre; qui croit que la force morale est lonl, et que tout ce qu'a il faire la force matérielle est de la servir; qui, en conséquence, attend sans se troubler le moins du monde (comme avnit fait le prince Otaries) Napoléon a Waterloo, s'apprête à le recevoir avec ses Anglais, sûr que, s'il ne recule pas, il sera vainqueur, et bien décidé à rie pas reculer.

Personne ne fut jamais plus convaincu que

Wellington que toute cette gloire militaire, cet héroïsme de champ de bataille, est pure blague; personne n'estima plus Bonaparte à sa juste valeur, riissomfinl ;ivcc lesquels il rentliiil, ù chacun la jtarl d'éloge el, de hlAnin qui lui revrmail par-dessus tout ils étaient liers d'obéir il un général qui leur donnait, en échange des jilus rtules sacrilices, beaucoup de gloire et de considérat.ion. Au lémoignago de tous ceux qui ont servi en Espagne et dans l'Inde, Wellington fut Yéiilableinenl un ])ou chef. Sévère et rude dans le service, simple et gai dans les relations privées, il aimait que ses officiers se créassent des distniclions, et se nièlail souvent lui-môme il leurs parlies de plaisir. » {Histoire du duc tic Wellington, t. 111, p. 134, 135.)


sans le mépriser cependant, ne ful moins ébloui de sa fausse grandeur, moins intimidé par ses coups de foudre et ses fantaisies.

Aussi Wellington, peu artiste, point homme de

génie, point grand homme, faisant peu d'évolution, homme sans prestige, mais fort lutteur, était-il souverainement clédaibné par Napoléon ci; son entourage de maréchalerie. On l'appelait le général des Indiens; on le traitait de présomptueux, de maladroit; on disait qu'il avait du bonheur, plus de bonheur que d'habileté; qu'il était destiné à \ï épouvantables catastrophes.

En attendant, ce général heureux bat successi-

vement Junot, Masséna, Victor, Soult, Marmont, Jourdan, Ney, Monlbrun, les héros de l'Empire, chasse les Français d'Espagne et finit par écraser Napoléon lui-même Waterloo.

Aussi simple toute sa vie, fidèle au devoir et au

droit, l'aller er/o de Washington, il éclipse par sa pure lumière tout le clinquant de Napoléon.


TRAITÉS DE 1814-1815

Cinq grandes puissances' forment aujourd'hui le

Conseil suprême de la politique européenne, et se .partagent l'influence. Je les classe par ordre de rang et d'importance, en marquant, à côté du nom de chaque Etat, ce qui fait sa prépondérance actuelle

Russie, par la population et surtout l'étendue du

territoire;

(Environ 70 millions d'habitants de la Vistule

au Kamtchatka, et au ileuve Amour; tient déjà l'Amour-Dériact une partie de l'ancienne l3actriane, s'avance sur l'Asie occidentale par l'Arménie, et s'approche de l'Indus.)

Angleterre la mer, les colonies, la puissance

industrielle et commerciale, 28 millions d'habitants, '200 millions de sujets

Autriche Clé de voûte du système européen,

arc-boutée aux Alpes et aux Karpathes, contient à la fois la France, la Russie, la Turquie. Depuis que la Turquie et la Grèce, la Moldo-Valachie sont entrées dans le système européen, l'Autriche est plus 1. Extraits de l'ouvrage de Schœll, conseiller d'ambassade

du roi de Prusse, près la cour de France. Bruxelles, lltalines. Notes prises dans diverses brochures, articles, etc. Cf. Appendice.


que jamais la puissance médiatrice, rûle qui, jusqu'en 89, sembla dévolu, à la Fraucc. 40 millions d'habitants;

Fuance Elat militaire, force de centralisation,

littérature. BG millions;

Prusse ET Confédération germanique 32 m ill ions

csprit philosophique, seiï-governmcnt.

Sous Louis XIV, la France occupait le premier

rang'. La Hussic ne comptait pas; l'Angleterre 1. Dans un livre cxtraordinaire, l'Humanité, son développe-

ment el .s« durée, au milicu des idées les plus complexes, des apen;us les plus imprévus, le capitaine Hriielc dit

Alalplaquet a terminé le maximum de l'cxpunsion lapins

énergique, la plus étendue ut la plusprolongée du grand éclat de Loiiis XIV, et Waterloo a ramené l'irruption brusque, vive, puissante, immense, mais éphémère, du dernier grand éclat Jïanrais qui, comme tous les grands éclats, fut le résultat d'une perturbation ctd'unc explosion. Waterloo termina l'extension la plus étendue quiailété jamais ramenée immédiatement et vivement dans ses limites naturelles. La date de 1815 de Waterloo termine rigoureusement le dernier grand éclat. La réaction pélasijique d'Alexandre contre l'Asie, qui ne fut qu'un dernier grand éclat prématuré, eslla .seule qui dépasse en vivacité, en puissance et en étendue celui de la période française.

Les courses d'Alexandre clôturent en effet les expansions

grecques qui furent les plus vives, les moins étendues et les jnlus puissantes. Aussi la réaction contre ces courses et la démolition de ces résultats l'ul-elleimmédiale. » {L'Humanité, ¡;un développement et son avenir, t. I, p. Bruxelles, A. Lacroix, lS6b.).

« La Helgiquc, comme l'Angleterre, subit la domination

et la macération de la catholicité monacale. » (M., t. Il, p. 010.)

On ne peut suivre ni comprendre toutes les théories du

capitaine liriïck. Mais il émet des opinions, il fait des prévisions, qu'on doit méditer, quant à l'avenir et il la vie des pcuptes


n'était pas ce qu'elle est devenue; la monarchie de Charles-Quint s'était disloquée le Saint-Empire était une abstraction changeante; l'Autriche seule lui faisait équilibre, contrariée et balancée ellemême par l'Allemagne du Nord, protestante, à peine réconciliée par le traite de Wcslphalic, et qui allait bientôt donner naissance à la Prusse. Islle était dans les langes.

« Le point de départ constitutif du peuple belge sur le

résultai, délinilif, résume ou quitilesnenre du t/itllicani$me sa marche doit être anglicane, et il doit. aboutir au leutonisme cela est forcé. Tout ce (|ui est contraire à cette mort lui sera fatal. Hégion féodale de séparation des Celles et des (icrmains, jonction des trois premiers peuples actifs deja période actuelle, Prusse, Angleterre, France, sympathique il tons les trois, appartenant à l'une par l'origine et par la race, à l'autre par le tempérament, et il la troisième par l'éducation et lit reconnaissance; ne portant ombrage à personne, jamais aucun coin de terre ne rut dans des conditions plus favorahles d'impartialité, de justice et de neulralilé, de conciliation et de paix vis-à-vis de tout le monde, ainsi que d'abstention dans les luttes.

« La liclgique, politiquement et lcrrilorialcnienl,esllciift'<«Z

de la paix, et, pour cette raison, déclarée providentiellement neutre, des son apparition. » (T. Il, p. U18.)

Enfin

Aucune coalition, même universelle, aucune puissance

humame ne peut rien de définitif contre l'Angle terre. Toutes les expansions contre elle ne feront que développer ses forces et constater sa supériorité.

« La France, encore aujourd'hui l'égale et la supérieure

de l'Angleterre, en beaucoup de points, est et restera, si elle le veut, la première nation du continent. L'union, franche et loyale, de ces deux nations-chefs, assure-la paix du monde. Celle-ui ne peut être troublée sérieusement que par 1° l'orgueil britannique; 2° l'ambition française; 3° l'obstination et l'immobilisme calliolico-monacaux; et par l'impatience inquiète, hardie, agressive et peu scrupuleuse de la Prusse. (!< t. II, p. 1216.)


Cette préséance, la France l'a perdue, en partie

par le développement accéléré de la Itussie et de l'Angleterre, en partie par sa faute.

A partir de Pierre le Grand, la Russie se trouve

tout à coup être l'Etat le plus vaste parle territoire, bientôt par ses populations depuis les guerres de la République et de l'Empire, il est l'égal de la Franco, sinon supérieur, par la puissance militaire et chaque jour il s'approche du niveau des autres, par l'industrie, le commerce et la civilisation. Peu importent ses exportations; il est assez vaste.

L'Angleterre, depu's cent cinquante ans, est

devenue, par son développement intérieur, commercial et industriel, la première des nations. Elle l'emporterait sur la Russie même, si le progrès de chaque Etat ne lui faisait perdre chaque jour quelque chose de sa prépotence économique. Ce nivellement allant toujours, il est clair que la suprématie doit rester à la fin a l'Etat qui possède le plus d'hommes et de telre.

L'Autriche a gagné sa place, par le fait del'abran-

dissémcnt de la puissance russe, de la formation de la monarchie prussienne, et de la grandeur de l'Angleterre qui, déplaçant le centre de gravité, ont fait d'elle l'Etat médiateur.

La France, depuis 1815, a reçu aussi des accrois-

sements, surtout dans l'ordre intellectuelet moral. La période si courte de la Restauration a donné un déploiement nouveau au génie français. La richesse intérieure s'est accrue; l'industrie s'est perfectionnée le commerce extérieur est resté faible, im-


porlation, exportation; la marine marchande pauvre t.

Par contre, la France a conservé un grand état

militaire ce qui nous rend redoutables.

Mais les traités de 1815 nous font une position

détestable.

Car, si l'équilibre des Etats, ou le slalu quo fait

loi, cet état militaire devient inutile; c'est une charge sans compensation, sans objet, sans emploi, qui, loin de nous fortifier, nous aiïaiblit, et dans la comparaison à faire de la force et de l'importance des nations, compte comme zéro.

La tendance générale étant que la force se mesure

il la production, par conséquent à la population, au territoire, à l'industrie et au commerce, la France 1. « Si j'avais eu l'honneur de faire partie, en 03, du Comité

de Salut puft'licol.d'oryrtHi'tt.T la nation, \a n'aurais pas accepté une place de tribun.

« Je n'aurais pas chanté l'empereur, comme Mérangcr,

Victor Hugo, E. Quinet; après avoir clncnté le Grand, je n'aurais pas sifflé le l'etil.

«.le n'aurais pas, contme Vaulabellc, dit que Napoléon était

le j'aurais osé penser et dirc non seulement en 181.:i, mais en 1830, en que la journée de Waterloo était l'affranchissement de la France. Le peuple ou la nation, enfin, n'est ni cliaiivinique, ni conquérante; pas même colonisatrice. Les inclinations du peuple sont simples Travail, Justice, Liberté, Instruction avec ou sans Cultc.

« Le peuple, ayant perdu son roi, se serait arrêté dans la

République cc n'est pas lui qui a fait Vendémiaire, ni fiormiual, ni Prairial. Au contraire, il luttait pour le maintien de la République.

« Le peuple concevrait que la République devait tourner à

l'amélioration de son sorl,. La popularité de Babeuf le prouve. » (P.-J. Pkouuiio.n, inédit: Critiqua des Liées.)


tend à la baisse, tandis que les autres Etats sont a la hausse.

L'Empire, dans cette situation, c'est-à-dire le

régime du commandement militaire, est donc un mensonge,une mystilicalion; il tant qu'il conquière ou qu'il abdique; qu'il se batte ou qu'il travaille, hors de là il y aurait, de la part du prince régnant, trahison, et indignité. Chose ridicule, dérisoire.

Mais l'Empire, seul contre tous, ne peut sérieu-

sement songer à la lutte, sans motif plausible d'ailleurs et sans droit comment sortir de là?

La France ne peut se résigner iL cet abaissement.

Comment se rclôvera-t-cllo,dans la condition qui lui est faite et qui, d'aillcurs, est la loi de la civilisation moderne?

La France a pour elle le principe de la Révolution,

de la Révolution transportée de l'ordre politique dans l'ordre économique. C'est la sa force, son patrimoine, sa gloire. Par là cllc ne devient pas maîtresse des nations; elle fait cesser le régime d'Etat, elle lui substitue le plein régime de la liberté individuelle, communale, départementale, de la solidarité économique et de la garantie du travail et du salaire; c'est une nation Christ, dont l'esprit remplace la Bible, et toutes les religions. 31 mars 1814. Déclaration des Alliés. lls

séparent la cause de Bonaparte de celle de la Franche déclarent qu'ils ne traiteront pas avec Bonaparte, ni avec aucun membre de sa famille

Qu'ils maintiendront l'intégrité de la France;

Qu'ils reconnaîtront et garantiront la Constitution

qu'elle se donnera.


ior avril. Dernier bulletin de Bonaparte.

4 avril. Ordre du jour de l'armée, du même.

Récrimination contre le Sénat.

11 avril. Traité de renonciation cle Bonaparte.

̃ Article premier « L'empereur Napoléon renonce, « pour lui, ses successeurs et descendants, ainsi que « pour chacun des membres de. sa famille, à tout « droit de souveraineté et de domination tant sur « Y Empire français et le Royaume d'Italie que sur « tous autres pays. »

On lui accorde le titre d'empereur, l'île d'Elbe,

quatre cents hommes, 2 millions de revenus; les duchés de Parme, Plaisance et Guastalla, à l'impératrice 2 millions et demi de revenus, à la famille Buonaparte; '1 million à Joseph (outre leurs biens), un établissement convenable Eugène Beauharnais.

23 avril Convention de Paris, entre la

France et les Alliés.

Cessation des hostilités'

1. Dès le 4 avril, sir Chartes Slowart, rendant compte

lord Liverpool de la révolution qui s'accomllissail, disait 11 est évident que la politiclue de l'empereur de Hussic a été plutôt de cofjueler avec ta nation française que de faire une déclaration publique et manifeste au sujet de Louis XVIII Il s'est conduit avec tant d'adresse depuis sou arrivée iciqu'on ne saurait calculer le degré d'influence ctu'il a obtenu sur la population parisienne. Et il regrettait l'absence de lord Castlernagli, qui laissait le champ libre aux combinaisons les plus dangereuses pour l'Angleterre; il croyait à des arrangements commerciaux favorables aux intérêts réciproques delà France elde la Russie; il exprimait surtout la crainte que Jl. de Acsselrode et le général Pozzo, malijrè son habileté consommée, no fussent pas de taille à tenir


Evacuation du territoire, tel qu'en 1792, l°r jan-

vier

Retour des troupes françaises, en garnison hors

de ces limites

Levée de blocus, de toutes les places;

Reddition des prisonniers de guerre, sans ran-

çon

Remise de l'administration aux magistrats nom-

més par le lieutenant général du royaume, Monsieur, l'rère du roi.

Italie. En Italie, Murât est accepté par la coa-

lition Eugène Bcauharnais, apprenant l'abdication de l'empereur, cherche à se faire accepter à son tour pour roi de la Lombardie; une émeute déjoue le projet (20 avril).

Convention militaire de Manloue cht 23 avril

entre le prince Eugène de Beauharnais, vice-roi d'Italie, et les généraux autrichiens.

Remise des places fortes aux troupes autri-

chiennes ou troupes alliées.

Il est clair que les Alliés, ayant seuls brisé la

puissance de Napoléon en Italie, la question étant remise à la décision des armées, les insurgés de Milan, qui jusque-là n'avaient bougé, ne pouvaient être accueillis.

De même pour le Piémont. Ce fut gracieuseté

pure des Alliés, si cet Etat fut rétabli.

28 mai 1814. Convention. militaire de Paris.

leLe à M. de Ta.lleyrand. Cf. une étude très complète de M. L. de Viel-Castel sur Lord Castlereagh et la Politique intérieicre de l'Angleterre de Tome IV, Revue des Deux Mondes, 18 mai 18S4.


Affaire de subsistances, de restitutions et indemnités. •

30 mai 1814. Paix de Paris (Talleyrand,

Metternich, Castlcrcagh, Hardenberg, Nesselrode). Le traité a pour but

« De mettre fin aux longues agitations de

« l'Europe et aux malheurs des peuples par une « paix solide, fondée sur une juste répartition des « forces entre les puissances et portant dans ses'stipulations la garantie de la durée. »

Insensiblement les puissances sont amenées, par

leurs traités, à s'occuper des choses d'intérieur c'est une idée que je dois à une discussion que je viens d'avoir avec M. Jourand.

Voici d'abord l'idée d'une paix perpétuelle qui

s'infiltre.

Puis, voici l'idée de Gouvernement libéral qui

fait l'objet d'une garantie internationale; bientôt ce sera celle d'un équilibre économique,.

Sous ce rapport, si le futur Congrès peut assurer

quelque amélioration aux Italiens, on peut dire jusqu'à certain point qu'ils en seront redevables à Napoléon III.

Napoléon III, par son ltourderie, aura fait oeuvre

utile aux Italiens il ne sera pas amoindri mais, vis-à-vis de la France, il demenre coupable.

Article premier « Les grandes puissances con-

« tractantes promettent de maintenir non seule« ment entre elles, mais encore, autant qu'il dépend « d'elles, entre tous -les Etats de l'Europe, l'har- « monie et la bonne intelligence. »

Suite, art. 2à4. Détail de rectification de limites.


Liberté de navigation du Rhin, art. 5.

Royaume des Pays-Bas accru (21 juillet 1814,

réunion de la Belgique).

Indépendance et confédération des Etats de l'Alle-

magne.

Indépendance de la Russie.

Indépendance et organisation, en Etats souverains,

de la partie de l'Italie qui n'écherra pas à l'Autriche. Ile de llalte, a l'Angleterre.

Restitution v la Franche de quelques-unes de ses

colonies.

Règlement de comptes sur divers objets; abandon

de dettes, liquidations et amnisties, etc.; nomination de commissaires.

Articles additionnels

Abolition de la traite des noirs.

La Prusse rentre dans la souveraineté de Ncu-

châtel.

Duché de Varsovie reconnu à la Russie.

Article secret

La France promet de reconnaîlre le partage que

les Alliés feront des contrées conquises ou cédées. 20 juillet 1814. Convention de Paris. Règle-

ment entre la Franche et l'Espagne.

Convention de Londres, entre lcs quatre puissances

alliées. Elle a pour but d'entretenir une force militaire, jusqu'à ce que le futur Congrès ait réglé toutes choses.

3 juin. Convention entre l'Autriche et la

Bavière. Cessions réciproques.

5 juillet. Traité de Madrid, entre l'Espagne et

la Grande-Bretagne, relatif à la traite des noirs.


13 août 1814. Convention, dc Londres cntre la

et lcs Pays-Bas. Règlement d'affaires et cessions réciproques.

13 août 1814. Convention de Londres, entre la

Grande-Bretagnc et la Suède. Compensations.

14 août. Traité de Londres, entre F Espagne et

le Danemark. Paix.

CONGRÈS DE Vienne.

l°r novembre 1814. Ouverture cht Congrès.

Elle avait été d'abord fixée au 1°'' octobre; elle fut ajournée par des questions de j'orme et d'intérieur. On y distingue d'abord les affaires européennes

et les af'aires allemandes.

Le Congrès se divise en Comités et Commissions

Première question. Reconstitution de la mo-

narchie prussienne.

De cette question allait dépendre le sort de la

Pologne et de la ,Saxe, qui avaient suivi la cause de l'empereur. L'animosité que ces débats excitèrent provoqua le retour de l'ile d'Elbe. Mais Napoléon lit sa sortie quelques mois trop tôt les puissances n'étaient pas brouillées; la coalition se reforma; aussi a-t-on dit que ces longs débats avaient sauvé l'Europe.

Quoi qu'il en soit, c'est de la qu'est sortie la Cons-

titution actuelle de la Prusse, et l'amoindrissement plus ou moins mérité de la Saxe.

6 janvier 1S15. Triple alliance, de Vienne entre

la France, l'Autriche et l'Angleterre. Garantie mutuelle de leurs possessions.

18 mai 1815. Traité de Vienne entre la Saxe

et les Allies.


Déci.sion clu sort de la Pologne.

Par la solution des deux questions, polonaise et

saxonne, celle de la reconstitution de la Prusse se trouvait résolue.

3 mai 1815. Traité de Vienne, entre l'Autriche,

la Prusse et la Russie, relatif à la ville de Krakovie, reconnue libre.

20 mai 1815. Traité cle Vienne, entre les cinq

puissances et la Sardaigne. Reconstitution de cet Etat, avec 'adjonction de la ville de Gênes.

Beaucoup d'autres petits traités particuliers, pré-

paratoires,supplémentaires, explicatifs etapplicatifs, entre la Prusse, les Pays-Bas, le Piémont, la Suisse, le Hanovre, etc., les cinq puissances.

Puis l'Espagne, le Portugal, Parme, Naples, etc.

13 mars 1815. Déclaration contre Bonaparte.

En rompant, par son entrée en France à main armée, la convention qui l'avait établi à l'île d'Elbe, Bonaparte avait détruit le seul titre légal auquel son existence se trouvait attachée, et s'était placé hors des relations civiles et sociales. Ennemi et perturbateur du repos public, il s'était livré à la vindicte publique.

25 mars. Traité d'alliance de Vienne, contre

Bonaparte.

Article premier. Les puissances alliées pro-

« mettent solennellement de réunir toutes les forces « de leurs Etats respectifs, pour maintenir intactes « les dispositions du traité du 30 mai et les stipu« lations arrêtées par le Congrès de Vienne, et pour « les garantir contre toute attaque, nommément « contre les plans de Napoléon Bonaparte. Elles


promettent d'agir en commun et dans le plus « parl'ait accord contre lui et contre tous ceux « qui se seraient déjà joints ou pourraient se joindre « plus tard à sa faction, afin de le mettre hors d'état « de troubler à l'avènir le repos de l'Europe. »

Au traité des quatre grandes puissances accé-

dèrent Hanovre, Portugal;" Sardaignc, Bavière, tous les princes souverains et villes libres d'Allemagne, les Pays-Bas, Bade, Suisse, Saxe, Wurtemberg, Danemark. Traités spéciaux pour la guerre.

8 juin 1814. Acte dc la Constitution fédérative

rle l'Allemagne. A pour but la sûreté intérieure et extérieure de l'Allemagne.

9 juin 1815. Cela n'a aucun intérêt pour moi.

Le même acte, signé le 9 juin 1815, constitue, avec la Confédération germanique, le royaume des PaysBas, la Suisse, l'Italie et le Portugal.

juin 1815. Campagne de Waterloo.

3 juillet. Convention de Saint-Cloitd. Sus-

pension d'armes; l'armée française se retire derrière la Loire.

21 septembre, 2 et 13 octobre 1815. Conférences

sur la paix.

3 novembre. Protocole. Cessions de territoire

et de places fortes. Indemnité de 755 millions.

20 novembre. Traité de Paris. Le premier but

n'est plus seulement, comme en 1814, de mettre fin aux longues agitations de l'Europe, par le rétablissement d'un juste équilibre de forces entre les puissances; les puissances alliées proposent en outre, et surtout après avoir préservé la France et l'Europe des bouleversements dont elles Ctaient


menacées par l'attentat de Bonaparte, et par le système révolutionnaire qui avait' été reproduit en France pour faire réussir cet attentat, de consolider l'ordre rétabli par leurs armes.

Elles en trouvent le moyen dans le maintien

inviolable de V autorité royale, et dans la remise en vigueur de la Charte constitutionnelle.

Deuxième but. Ramener la confiance entre la

France et ses voisins, au moyen d'un arrangement d'indemnités et de garanties d'exécution.

ART. '1 CI', 2, 3. Nouvelle frontière française.

Art. 4. Indemnité fixée à 700 millions.

ART. 5. Occupation militaire, pendant cinq ans

au plus.

Règlements de comptes divers, suite de l'occupa-

tion des autres Etats par la France et de la promiscuité des intérêts.

Je crois avoir lu quelque part dans le recueil de

Schœll, que les traités de 1815 avaient aussi pour but de maintenir, nominativement, avec l'autorité royale et la Charte constitutionnelle, la famille des Bourbons je n'ai pas retrouvé ce texte.

Au reste, lord Castlereagh déclara, après le

retour de l'Ile d'Elbe et les premiers succès de Napoléon, que son Gouvernement ne pouvait s'engager qu'à maintenir le nouvel ordre de choses européen, non à imposer à la France une forme de Gouvernement.

Traité DE LA Sainte-Alliance, 14/26 septembre

1815 entre l'empereur de Russie, l'empereur d' Autriche, et le roi de Prusse.

« Au nom de la Très Sainte et Indivisible Trinité,


« LL. MM. 'l'empereur d'Autriche, le roi de

« Prusse et l'empereur de Russie, par suite des « grands événements qui ont signalé en Europe le « cours des trois dernières années, et principale« ment des bienfaits qu'il a plu Il la divine Provi« dence de répandre sur les Etats dont les Gouver« nements ont placé leur confiance et leur espoir « en elle seule, ayant conquis la conviction intime « qu'il est nécessaire d'asseoir la marcle à adopter « par les puissances dans leurs rapports mutuels « sur les vérités sublimes que nous enseigne l'Gter« nelle religion du Dieu Sauveur

« Déclarent solennellement que le présent acte

« n'a pour objet que de manifester à la face de « l'univers leur détermination inébranlable de ne « prendre pour règle de leur conduite, soit dans « l'administration de leurs Etats respectifs, soit « dans leurs relations politiques avec tout autre Gouvernement, que les préceptes de cette religion « sainte, préceptes (le.justice, de charité et de paix, « qui, loin d'être uniquement applicables à la vie « privée, doivent, au contraire, influer directement « sur les résolutions des princes, et guider toutes « leurs démarches, comme étant le seul moyen « de consolider les institutions hnmaines et de « rèmédicr leurs imperfections.

« En conséquence, LL. MM. sont convenues des

« articles suivants

« ARTICLE premier. Conformément aux paroles

« des saintes Ecritures, qui ordonnent à tous les « hommes de se regarder comme frères, les trois « monarques contractants demeureront unis par les


« liens d'une fraternité véritable et indissoluble et, « se considérant comme compatriotes, ils se prête- « ront en toute occasion et en tout lieu assistance, « aide et secours; se regardant envers leurs sujets et « armées comme pères de famille, ils les dirigeront « dans le même esprit de fraternité dont ils sont ani« més, pour protéger la religion, la paix et la justice. « Art. 2. En conséquence, le seul principe en

« vigueur, soit entre les Gouvernements, soit entre « leurs sujets, sera celui de se rendre réciproque« mentservice.desetémoignerparunebienvcillanee « inaltérable l'affection mutuelle dont ils doivent « être animés, de ne se considérer tous que comme « membres d'une même nation chrétienne, les trois princes alliés ne s'envisageant eux-mêmes que « comme délé;ués par la Providence pour gou« verner trois branches d'une même famille, savoir « l'Autriche, la Prusse et la Russie, confessant ainsi « que la nation chrétienne, dont eux et leurs peuples « font partie, n'a réellcment d'autre souverain que « celui-à qui seul appartient en propriété la puis« sance, parce qu'en lui seul se trouvent tous les « trésors de l'amour, de la sagesse et de la science « infinie, c'est-à-dire Dieu, notre divin Sauveur « Jésus-Christ, le Verbe du Très-Haut, la parole de « vie. LL. MM. recommandent en conséquence, « avec la plus tendre sollicitude, iL leurs peuples, « comme unique moyen de jouir de cette paix qui « naît de la bonne conscience et qui seule est « durable, de se fortilier chaque jour davantage « dans les principes et l'exercice des devoirs que le « divin Sauveur a enseignés aux hommes.


« Aur. 3. Toutes les puissances qui voudront

«solennellement avouer les principes sacrés qui « ont dicte le présent acte, et reconnaîtront combien « il est important au bonheur des nations trop « longtemps agitées que ces vérités exercent désor«mais, sur les destinées humaines, toutel'inlluence « qui leur appartient, seront reçues avec autant « d'empressement que d'afl'eclion dans cette Sainte« Alliance.

« Fait Iripio et signé il Paris, l'an de grâce 1815,

le J-J./2I» septembre.

« Slynii François, Frédéric-Gdillaume,

« Alexa.ndhe 1. »

La publication de ce traité eut lieu à Pélersbourg,

le jour de Noël (G janvier 1816) par l'empereur Alexandre, (lui l'accompagna de ce manifeste:

« Nous, Alexandre I", empereur et autocrate de

« toutes les ltussies, etc., savoir faisons

« Ayant reconnu pur l'expérience, et des suites

« funestes pour le monde entier, qu'antérieurement « les relations politiques entre les différentes puisu sances de l'Europe, n'ont pas eu pour bases les « véritables principes sur lesquels la sagesse divine « a, dans la Révélation, fondé la tranquillité et le « bien-être des peuples, nous avons, conjointement « avec LL. MM. l'empereur d'Autriche Fran« cois I°" et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume, « formé entre nous une alliance à laquelle les autres « puissances sont aussi invitées à accéder. Par cette 1. Ce pacte mystique été insloiré par M"10 de Knulner

il l'empereur Alexandre.


'< alliance, nous nous engageons mutuellement à « adopter dans nos relations, soit entre nous, soit c pour nos sujets, comme le seul moyen propre « la consolider, le principe puisé dans la parole et « la doctrine de notre Sauveur Jésus-Christ, qui a « enseigné aux hommes qu'ils devaient vivre comme « frères, non dans la disposition d'inimitié et de vengeance, mais dans un esprit de paix et de « charité. Nous prions le Très-Haut d'accorder a o nos vœux sa bénédiction. Puisse cette alliance « sacrée entre toutes les puissances s'affermir pour « leur bien-être général, et qu'aucune de celles qui « sont unies avcc toutes les autres n'ait la témérité « de s'en détacher!

« En conséquence, nous joignons ici une copie

« de cette alliance, et nous ordonnons qu'elle soit « publiée dans tous nos Etats et lue dans les églises. « Saint-Pétersbourg, le jour de la naissance

« du Sauveur, le décembre »

Suivant Schœll, la plupart des Etats chrétiens,

peut-être tous, du l'exception de la Grande-Bretagne, ont successivement accédé à ce traité. Le prince régent (anglais) a dit qu'il adhérait aux principes de cet acte, mais que les formes constitutionnelles de son pays ne lui permettaient pas de signer un acte quelconque sous le contre-seing d'un ministre. Il est il remarquer d'abord que cet acte mystique

ne parle pas de la Révolution, et ne rappelle que les trois dernières années 1813, '1814 et 1815.

En second lieu, ce qui est beaucoup plus grave,

Alexandre constate que, jusque-la., les nations


dans leurs rapports n'ont pas été dirigées par des principes de justice et de morale. C'est justement la grande vérité que je constate à mon tour. Aujourd'hui comme au moyen tige 1, et malgré

les divisions qui agitent l'Etat et l'Eglise, tout s'incline devant l'autorité, tout cède Ma raison d'Etat. La justice et la morale sont suspendues; les lois n'ont plus cours; la distinction des pouvoirs est abolie; les tribunaux jugenf: discrétion; l'état de guerre devient l'étai normal la guerre elle-même est considérée comme un jugement de Dieu.

Devant l'autorité centrale, représentant de la

raison d'Etat, la liberté communale est annihilée, la liberté personnelle sacrifiée, la liberté des opinions suspecte, la liberté de r6union interdite. Devant la raison d'Etat, le domicile perd son inviolabilité, l'autorité paternelle s'abdique, le lit conjugal est f'orcé d'ouvrir ses rideaux, le travail se croise les bras, le malade n'a pas le droit d'avoir un avis sur son traitement.

Je remplirais un volume si je voulais citer tous

les faits parvenus l, ma connaissance, et qui prouvent qu'entre le Gouvernement du Pape, tant décrié, et le Gouvernement impérial, tel que l'a rel'ait le 2 Décembre, il n'y a de différence que le nom. Il suffirait de quelques citations pour établir la thèse. Le peuple, de nos jours, est loin d'être blasphé-

mateur mais il est profondément indévot. L'adoration est sortie de ses habitudes. Séparant la religion de la justice, il est convaincu que celle-ci 1. Cf. De la Justice dans la Itcnolution ci dans l'Eglise,

pp. en, el. suiv.


suffit à l'homme, que la première est de surérogation, et il a inventé un mot pour traduire cette pensée de haute indifférence, la f'oi du charbonnier. Le peuple a compris, du reste, l'alliance naturelle,

dogmatique, de l'autel et du trône, du prêtre et du noble. Aussi laisse-t-il l'église au bourgeois, se méfiant de la bigoterie autant que de la prêtraille. Le peuple aspire v un Gouvernement égalitaire,

fondé sur des lois absolues, immanentes, comme celles que la science découvre tous les jours dans l'univers. La science, la vérité positive, objective, juridique, en tout et partout, tel est son idéal. La Providence, le bon plaisir dans le Gouvernement de l'univers et de la société lui répugne.

La résignation, aussi bien que la foi, est morte

dans son cœur; il veut le droit, le travail, la liberté, n'attendant son bien-être que de ses efforts, et prêt à se faire justice du pouvoir comme de la religion. Tous ces sentiments, obscures encore et mal défi-

nis, pénètrent les âmes; elles en sont imbues, et, si j'ose ainsi dire, transnaturGes. Et plus la réaction sévit et l'ait d'efforts pour conjurer le péril, plus la révolte gagne, sans journaux, sans docteurs, sans missionnaires.

Que l'empereur, la-dessus, ait demandé iL la

religion ce principe sacré, cela n'a rien d'étonnant et ne doit pas nous arrêter une minute. Mais ce qui importe, c'est la pensée de soumettre, a l'avenir, la diplomatie à des principes de morale; en un mot, de créer un droit international, appuyé sur l'alliance des Etats.

Il est remarquable que lord Wellington, pendant


le séjour qu'il fit v Paris, après la campagne de I Waterloo, était frappé de la même idée. Le peuple '.français, disait-il, lia pas de principes1.

t. A propos de la traite des noirs, il écrivait à son frère,

sir Henry Wellesley, alors ambassadeur à Madrid Il m'a fallu quelque temps de séjour ici pour comprendre et je suis hors d'état de vous faire concevoir le degré d'exaltation frénétique, qui existe au sujet de la traite. » Par le traité de Paris, la Franche devait unir ses efforts, dans le futur Congrès, à ceux de Sa Majesté Britannique, pour faire prononcer par toutes les'puissances de la chrétienté l'abolition d'un genre de commerce que repoussent les principes de la justice naturelle eL les lumières du temps. Wellington devait obtenir la cessation immédiate de la traite. Sur ce point spécial, qui donne bien l'opinion du moment, il écrit encore à Wilberforce qui le pressait.

Il n'y a dansée pays, disait-il, que très peu de personnes

qui aient porté leur attention sur la traite des esclaves, et ces personnes sont des colons ou des spéculateurs en fait de traite, qui ont tout intérêt ù la maintenir. Je suis fâché d'être obligé de dire que la première de ces deux classes d'hommes est très puissamment représente dansla Chambre des pairs, et c'est une chose vraiment incroyable que l'influence exercée par les propriétaires de Saint-Domingue sur toutes les mesures que prend le Gouvernement. On veut assez sottement établir une liaison entre la proposition d'abolir la traite et certains souvenirs des jours révolutionnaires de et et cette proposition est généralement impopulaire. On ne croit pas que nous soyons de bonne foi a ce sujet, et que nous soyons décidés a supprimer ce trafic raison de son inhumanité. On pense que ce n'a été de notre port qu'une spéculation commerciale.

« 11 est impossible d'obtenir l'insertion dans un journal

français, quel qu'il soit, d'un article favorable l'abolition, ou simplement qui ait pour objet de faire voir qu'en la décrétant l'Angleterre a été déterminée par tirs motifs d'humanité. On ne saurait donner une idée des préjuges de toute espèce qui régnent ici sur cette question, et surtout parmi les principaux employés des administrations publiques, qui sont nos adversaires les plus prononcés. Le dé::ir de


Or, oit trouver ces principes de justice? L'empereur Alexandre les demande au christianisme, qui depuis dix-huit siècles pourrit le monde Il faut les demander à la conscience, à la Révolution.

20 novembre 1815. Traite d'alliance, entre les

grandes puissances, ou quadruple alliance entre l'Angleterrc, la Russie, la Prusse et l'Autriche.

Elles promettent réciproquement l'une a l'autre

de maintenir dans 'sa force et vigueur le traité du 25 mars 1815, signé avec le roi de Franche, et de veiller à ce que les stipulations de ce traité, ainsi que celles des conventions particulières, qui s'y rapportent, soient strictement et fidèlement exécutées dans toute leur étendue 1.

s'assurer le gain qu'on attend de ce commerce n'est sur-. passé que par celui de dénaturer nos vues et nos mesures, et de déprécier le mérite que nous avons eu en décrétant l'abolition. Le directeur de la Marine me disait gravement qu'un des buts que nous avions en vue était de nous procurer des recrnes pour notre guerre d'Amérique, et il m'a donné il entendre qu'entre un esclave destiné pour toute sa vie aux travaux agricoles et un soldat engagé pour sa vie la différence ne valait pas la peine qu'on s'en occupât.

Vous verrez par les journaux, écrivait encore le duc de

Wellington, à quel point cette affaire agite l'opinion. M. Laine, président de la Chambre defi députés, dans un discours qu'il a prononcé sur une proposit.ion du général Desfourneaux, s'est attaclié à donner au sentiment public une direction violente et à accréditer les préjugés existant contre l'Angleterre. Le roi m'a dit qu'il serait heureux de pouvoir faire quelque chose d'agréable au prince régent et iL la nation britannique, et que, sans nul doute, il tiendrait ses engagements, mais qu'il était obligé de tenir compte des opinions de son propre peuple, opinions qui, sur ce point, n'étaient nullement celles de l'Angleterre. »

1. La déclaration des puissances du 13 mars 1815, le traité

du 25 du môme mois, combiné avec les dispositions du


Article PREMiEit. « Cet article, dit Schœll, adonné

« naissance à une institution nouvelle en politique, « et qui a eu et pourra avoir encore les consé« quences les plus heureuses pour la tranquillité « du monde. Les Ministres des quatre cours rési« dant à Paris, appelés à remplir les fonctions de « gardiens des traités, ont établi des conférences régulières où sont portées et discutées toutes les « affaires qui tiennent à l'exécution des traités et « au repos de l'Europe. L'habitude de ces commu« nications fréquentes et les instructions de leurs « cours ont produit entre ces Ministres une har« monie et une uniformité de principes et de vues, « qui ne peuvent que produire les plus heureux « résultats. Plus d'une fois déjà (l'auteur écrit « en 1837), les plus graves intérêts des puissances « européennes ont été portés devant le Conseil « amphictyonique. Ainsi la question de la réversibilité de l'Etat de Parme, sur laquelle ni le « Congrès de Vienne ni le second Congrès de Paris « n'avaient pu accorder les parties intéressées, a « été terminée sous la médiation des Ministres de « France, de Grande-Bretagne, de Prusse et de « Russie. Elle a été réclamée également par « l'Espagne et le Portugal pour l'arrangement des « différends qui partagent encore ces deux Etals « et, pour citer un cas moins important, une séntraité de Paris de (30 mai), impliquaient, selon Schœll, la promesse du maintien des Bourbons.

Mais cela ne s'entend qu'autant que la dynastie et la nation

sont zenies, comme l'explique la convention supplémentaire du avril, à la demande de l'Angleterre.


« lence arbitrale de ces Ministres a prononcé entre « le roi de Sardaigne et le prince Borghèsc, sur la « propriété du domaine de Lucédio. 1)

Anr. 2. Il renouvelle et confirme particulière-

ment l'exclusion de Napoléon Bonaparte et de .sa fanzille cl-ae pouvoir suprême en France, clu'elles s'engagent à maintenir en vigueur, et, s'il était nécessaire, avec toutes leurs forces. « Si les « principes révolutionnaires (équivoque pour dire « les rébellions) venaient de nouveau déchirer la « France et menacer le repos des autres Etats, elles «concerteront entre elles et avec le roi de France « les mesures il prendre pour la sûreté de leurs « Etats et la tranquillité générale de l'Europe. L'expression de principes révolutionnaires, qui ne

dit pas du tout ce qu'elle veut dire, est une de celles qui ont donné lieu de prendre en un sens faux et contrc-révolutionnaire les traités de et fait le plus de mal aux Bourbons et plus tard il Louis-Philippe. On a cru généralement, en France,

que, par principes révolutionnaires, les puissances entendaient les principes de droit public, civil et international de 89, tandis qu'au contraire ils garantissaient la Charte, expression de ces principes. Pour comble, le parti prêtre, le parti de l'émigration et finalement la couronne ont interprété les traités dans ce sons, si bien qu'en 1830 c'était Charales X et sa faction qui violaient les traités, et l'insurrection parisienne qui les défendait.

Anr. 3, 4, 5, relatifs à l'occupation.

àut. G. « On renouvellera, il des époque

« déterminées, soit sous les auspices immédiats


des souverains, soit par leurs Ministres respec« tit's, des réunions consacrées aux grands intérêts « communs et il l'examen des mesures qui, dans ̃< chacune do ces époques, seront jugées les plus « salutaires pour le repos et la prospérité des « peuples, et pour le maintien de la paix de l'Eu« rope. »

Les monarques convinrent que la première de

ces réunions aurait lieu en 1818.

A ce propos, les Ministres des quatre puissances

écrivirent une lettre au Ministres des Affaires étrangères de France, M. de Richelieu', laquelle lettre contient les recommandations les plus formelles de respecter la Constitution, comme le moyen le plus sûr de maintenir l'ordre en France et, par suite, la paix en Europe.

Ils disent entre autres

« Les cabinets alliés considèrent la stahilité de

« l'ordre de choses heureusement rétabli dans le « pays, comme une des bases essentielles d'une « tranquillité solide et durable; c'est vers ce but « que leurs efforts ont été. constamment dirigés. « S. M. T. C. a reconnu avec eux que, dans un « Etat déchiré pendant un quart de siècle par des « convulsions révolutionnaires, ce n'est pas ci la « force seule a ramener le calme dans les esprits, « la confiance dans les âmes et l'équilibre dans les « différentes parties du corps social. »

Ainsi les puissances font appel aux principes,

comme Alexandre et Wellington; ainsi, par principes 1. Cf. l,c duc de Ilichelicu par M. Raoul de Cis-

TEii.NEs. Calmaun-Lùvy, 1898.


rrvolti/ionnaù't's on entend la négation de tout principe, l'appel à la révolte et il la force

Ce qui suit, de même que ce qui précède et ce

que j'ai supprimé démontre que, dans la pensée des Alliés, le salut du roi est attaché au respect de la Charte.

« Loin de craindre que S. M. prêtât jamais l'oreille

« à des conseils imprudents ou passionnés, tendant « à nourrir les mécontentements, il renouveler les il alarmes, a ranimer les haines et les divisions, « les cabinets alliés sont complètement rassurés « par les dispositions aussi sages que généreuse « que le roi a annoncées dans toutes les époques « de son règne, et notamment à cclle de son retour, « après le dernier attentat criminel. Ils savent que « S. M. opposera à tous les ennemis du bien public a et de la tranquillité de son royaume, sous quelque « forme qu'ils puissent se présenter, son alta« chôment aux lois constitutionnelles promulguées « sous ses propres auspices sa volonté bien pro« noncée d'être le père de tous ses sujets, sans dis« tinction de classe ni de religion, d'effacer jusqu'au « souvenir des maux qu'ils ont soutl'ert, et de ne « conserver des temps passés que le bien que la « Providence a fait partir du sein même des cala« mités publiques. Ce n'est qu'ainsi que les vœux « formés par les cabinets alliés pour la conservation « de l'autorité constitutionnelle de S. M. T. C., « pour le bonheur de son pays et pour le maintien « de la paix du monde, seront couronnés d'un « succès complet, et que la France, rétablie sur ses « anciennes bases, reprendra la place éminente à


« laquelle elle est appelée dans le système euro« péen. »

Ainsi, voici, en résultat, ce que contiennent les

traités

Appel il des principes cle morale et cle droit;

Equilibre européen;

Fondements d'une autorité amphictyonique

Respect, de la parut dcs Gouvernements français,

de la Charte conventionnelle, c'est-à-dire des. prin- cipes de la Révolution de 1789.

Les principes qu'on cherche, hors desquels point

de salut, ce sont donc les nôtres, les principes purs de la Révolution.

Que ces principes soient respectés par les chefs

d'Etat, et peu il peu sortira cet équilibre économique, sans lequel, en définitive, l'équilibre politique international est toujours instable.

C'est à dater de cette époque', en effet, que l'idée

d'un Gouvernement rationnel, régulier, s'empare décidément des esprits et entre dans l'application. Qui dit rationnalité dit naturellement science ce

qui jusqu'alors avait été parmi les peuples le produit de l'instinct allait donc devenir l'œuvre exclusive ilu savoir confirmé par l'expérience. Or la science est une, comme la vérité et la justice; de là, par conséquent, .tendance des nations modernes, dans les deux hémisphères, à se constituer sur un type 1. Cf. Contradictions politiques, pp. 27 et suiv. « J'ai observé,

dit Proudhon, chose laquelle peu de personnes avaient fait attention, que l'année 1814 formait dans l'histoire moderne le point de départ d'une ère politique que j'ai nommé l'ère des constitutions.


'uniforme, comme si, plus tard, l'humanité tout entière devait se rallier dans une seule et même constitution.

Parmi les innombrables systèmes dont l'histoire

et la philosophie suggéraient l'essai, celui qui obtint le plus de faveur, que l'on jugea le plus conforme à la raison scientifique, qui parut le mieux concilier toutes les divergences, offrir le plus de garanties aux intérêts et aux libertés en mêmes temps qu'a l'ordre, fut la monarchie constitutionnelle, représentative et parlementaire.

Sur notre demande, et sous l'empire de la né-

• cessilé, le Congrès de Vienne avait fait de la Charte une condition expresse de rentrée pour la dynastie 'légitime, et de la paix pour l'Europe. C'était l'équilibre intérieur appelé à faire pendant et à servir de gage à l'équilibre international.

Bientôt, des'deux côtés de l'Atlantique, tous les

Etats, anciens et nouveaux, suivant notre exemple, opérèrent successivement leur conversion. Si bien qu'en moins d'un demi-sièclc le constitutionnalisme, sous des formes diverses, embrassait la presque totalité du monde civilisé, et que les peuples, en conservant respectivement leur liberté et leur autonomie, pouvaient néanmoins se dire plus unis dans le temporel qu'ils ne l'avaient jamais été dans la foi.

La fraternité universelle, saluée en 93, était en

pleine réalisation.

Pourtant ce n'était là qu'un début, attendant la

sanction de l'expérience. Naturellement, le Congrès de Vienne n'avait pas entendu garantir la perfec-


tion du système, et il serait tout aussi absurde de lui reprocher les mécomptes du constitutionnalisme que de lui imputer à crime la délimination plus ou moins malencontreuse des Etats.

L'objet des traités, on ne saurait trop le redire,

était double 1° poser en loi l'équilibre international, réserve faite des remaniements territoriaux que le temps ferait juger nécessaires 2° fonder le rationalisme gouvernemental, la science politique, en donnant aux peuples les garanties que le progrès des idées réclamait, garanties dont la principale était de changer, après essai, leur propre constitution.

Jadis la stabilité de l'Etat, son immobilité, était

posée a priori, comme un dogme; maintenant cette stabilité, devenant objet de science, de recherches. d'expérimentation, n'apparaissait plus que comme le dernier terme du perfectionnement politique.

On avait cru, par les traités de Vienne et par

la Cliarte, la Révolution finie; on n'avait fait, en réalité, que de la mettre à l'ordre du jour, à perpétuité. C'était à nous d'apprendre à faire de cet état révolutionnaire notre vie, à peine d'en périr. Le développement des idées libérales fut raphide.

Le peuple français, entre tous, se passionna pour la Charte, dans laquelle il eut d'abord une foi implicite, absolue..

Comme l'antique droit divin avait été article de

foi, le droit consti.tutionnel, tel quel, exclut à son tour jusqu'à l'ombre du doute. Avec la Charte, fermement voulue, loyalement exécutée, toutes les difficultés disparaissaient. Pendant quelque temps,


la France, engouée de la Charte, se crut royaliste, réconciliée avec elle-même, revenue de vingt-cinq ans de folie et de crime.

On bénit les princes légitimes, martyrs de fu-

nestes erreurs ont maudit le despote, dont le règne de fer avait retardé de quinze ans ces garanties précieuses on détesta la Révolution, dont les excès avaient pu les faire méconnaître. La religion profita de cette résipiscence politique; elle relleurit comme aux beaux jours de l'Eglise; et la Restauration, comme on disait alors, sembla fondée à jamais.

L'illusion, liélas! fut de courte durée.

Nous devions-bientôt apprendre, ai nos dépens,

que, si le Créateur a livré le monde, œuvre de ses mains, et la Révélation elle-même, expression de son Verbe, aux disputes des hommes, il n'a pas fait de réserve en faveur des conceptions de notre pauvre intelligence.

Peu à peu l'on s'aperçut, mais sans vouloir

se l'avouer, que la Charte immortelle offrait ma- tière à interprétation; que chacun de ses articles soulevait un océan de doutes et de commentaires bref, que ce rationalisme si conciliant, si libéral, si philosophique, était une arène de divisions. Des tiraillements pénibles se faisaient partout sentir; un redoutable antagonisme se révélait au lieu d'examiner, comme on aurait dû faire, rationnellement la machine, d'en rechercher l'erreur scientifique, la contradiction, on commença de se soupçonner, de s'accuser les uns les autres. Se mesurant du regard, on criait, de la droite, ù la


conspiration et au régicide de lit gauche, Il la tyrannie et au privilège.

Ceux qui, d'accord avec la royauté, la noblesse,

l'Église, toujours émigrées, rejetaient le principe scientifique, libéral, purement humain, de la Itévolution et se retranchaient dans la conception transcendante de l'autorité et de la foi, ceux-là naturellement ne pouvaient voir dans la Charte, expression imparfait, ambiguë, du droit révolutionnaire, qu'une machine infernale; comment, dès lors, en eussent-ils fait la critique? Comment, ne faisant pas même ù la Charte l'honneur d'un examen phi- losophique, puisqu'ils en niaient les données, n'eussent-ils pas été tenus pour suspects et considérés comme des ennemis de l'ordre et des libertés publiques ?

Quant aux autres, qui allaient bientôt se trouver

en majorité immense, placés au point de vue contraire, ils n'admettaient pas davantage la discussion nier la Charte, monument de la philosophie moderne et de l'expérience des siècles, c'était le comble de l'aberration.

La Charte n'avait-elle pas pour fondement la

raison humaine, émanée de Dieu antérieurement la révélation elle-même, et dont l'Eglise rajeunie' proclamait tous les jours l'accord avec la foi?

En posant la souveraineté de la nation, cette

même Charte ne reconnaissait-elle pas la légitimité et l'autorité du roi ?

A côté de la philosophie libre, ne déclarait-elle

pas la religion du Christ religion de l'Etat?..

La Charte, enfin, considérée dans son esprit et


dans toutes ses parties, n'était-elle pas, comme le Concordat de 1802, comme l'alliance du Pape et de Charlemagne, comme l'Evangile lui-même, le renouvellement du pacte éternel entre l'homme et Dieu?.

Voilà ce que disaient, en 1820, les partisans de

la Charte, ce qu'ils disent encore aujourd'hui. Comment ces libéraux, s'élevant au-dessus du contrôle parlementaire, auraient-ils eu l'idée d'une critique constitutionnelle? Est-ce qu'aujourd'hui même, MM. Thiers, Guizot et tant d'autres, en sont arrivés lit ?

Plutôt que de supposer le moindre défaut dans

un système d'invention si récente, on préféra accuser exclusivement les passions rétrogrades, l'obstination des princes, l'intolérance de l'Eglise, les fausses maximes du droit divin, etc.

Chose singulière, les hommes n'en ont pas moins

de foi aux idoles de leur raison qu'à celle de leur instinct on jurait sur lai Charte, une hypothèse politique, comme autrefois sur l'Evangile on appelait le roi légitime, auteur de cette Charte, traître et félon! Certes, il y eut, dans ces temps d'agitation, de la faute des hommes mais qui donc, parmi les générations venues à la suite, oserait dire aujourd'hui qu'il n'y a pas ou bien davantage de la faute du système?

On sait la lutte.

La majorité dans la Chambre s'étant déplacée,

le centre de gravité du Gouvernement ayant reculé de deux degrés vers la gauche (221 contre 219), Charles X crut, en vertu de l'article 14 de la Charte,


qu'il lui était permis, v l'aide de sa prérogative, de compenser la différence; il voulut gouverner contre la majorité. Les fatales ordonnances furent rendues aussitôt Paris de se, soulever, au cri de Vive la Charte!

Puis, comme la victoire ne perd jamais ses

droits, la dynastie fut changée, l'article modifié, la religion catholique déclarée simplement religion de la majorité des Français; le cens électoral abaissé bref, la Constittition purgée des équivoques, contradictions et cxorbitances qui, au jugement de ses dévots défenseurs, en embarrassaient la marche. Rien ne fait mieux ressortir ce fétiçhisme cons-

titutionnel que l'acharnement avec lequel on poursuivait les princes et tous ceux que l'on soupçonnait de lui être hostiles. Sans doute, en 18H., on demandait avant tout la consécration des principes de 1789. illais, en ce qui touche l'organisation du Gouvernement, l'on ne s'était pas moins accordé regarder la monarchie comme étant la forme et la condition essentielle.

C'est ce qui a fait le triomphe de la légitimité.

Pourquoi donc cette haine violente, injurieuse,

contre le vieux Charles X? Etait-il sûr que le prin-.cipe monarchique fût compatible avec les données du système parlementaire? Et quand le monarque essayait de parer le coup d'une opposition à moitié factieuse, n'y avait-il pas autant de raisons de croire qu'il agissait d'après la logique de son principe, que de l'accuser d'un abominable parjure? Pourquoi ensuite, le roi et le dauphin ayant signé leurs abdications, la proscription s'étendait-elle jusqu'au


duc de Bordeaux, leur neveu, un enfant de huit ans, et à la duchesse de Berry, sa mère, favorable au parti libéral?

Ce n'était pas haine de la royauté, puisque la

dynastie de. Bourbon fut aussitôt remplacée par celle d'Orléans. Supposait-on que la branche aînée portait dans le sang, comme un virus indélébile, l'horreur de la Charte? N'oublions pas qu'en 1793, Louis XVI et Louis XVII; en.1815, après le désastre de Waterloo, Napoléon 1"r et Napoléon II avaient été victimes de cette frénésie à la fois politique et mystique.

Le système constitutionnel était considéré à l'vgal

d'une religion et toute atteinte qui lui était portée était punie comme un sacrilège.

Ainsi l'on sacrifiait une race royale on créait une compétition dynastique; on souffletait l'Eglise, épouse du Christ; on abaissait la royauté; on diminuait l'importance de la classe élevée, conservatrice. par nature, pour faire appel aux entraînements de la moyenne, le tout pour la glorification et sur la garantie d'une formule métaphysique!

Ainsi Napoléon 111 est l'incarnation d'une double

violation des traités de 1815, et cela au préjudice du peuple français, autant qu'au péril des puissances il est le chef d'une dynastie proscrite, et l'ennemi des libertés constitutionnelles.

Or, tant que le Congrès n'aura pas obtenu le réta-

blissement du régime constitutionnel en France, il n'aura rien fait la France sera en révolution et l'esprit révolutionnaire sera d'autant plus redoutable et contagieux qu'il aura été plus comprimé, et


que les intérêts populaires, outrageusement méconnus, auront le droit de confondre, dans leur haine et leur vengeance, les dynasties, les religions et les trônes.

La même cause .qui a fait cesser l'esclavage et

le servage, le progrès'de la civilisation et de l'élément économique, rapproche les peuples et fait naître les nouvelles hypothèses.

Ce n'est pas le sentiment de fraternité nationale

qui a fait abolir, le servage.

Plus on y réfléchit, plus on trouve que le prin-

cipe fusionnisle, le contraire de celui des nationalités, posé, en fait, par la manière dont le Congrès de Vienne a délimité les Etats, est supérieur, plus humain, plus moral, plus progressif, plus civilisateur, plus efficace. L'Allemagne de 1848 a eu raison de soutenir ce principe c'est un engrenage indissoluble, et, aujourd'hui même, la plus forte garantie de paix que l'Europe possède.

Que la Suède civilise ses Lapons, le Danemark ses

Esquimaux, -la France ses Arabes, l'Angleterre ses Hindous. Que l'Ecossais, l'Irlandais et l'AngloSaxon ne fassent plus qu'un, comme le Bourguignon et l'Alsacien, le Breton, le Provençal que les petites nations de l'Autriche se civilisent sous une loi commune, etc.; voilà la vraie loi.

Sans doute, il ne faut pas qu'un des deux prin-

cipes détruise l'autre la nationalité est donnée par la nature; elle doit être en ce sens respectée mais la fusion des races est le fait de la liberté humaine, plus respectable mille fois que la fatalité de nature, et c'est le libre arbitre qui, par l'organe


du Congres de Vienne, a posé la première pierre de l'union des races, en' les engrenant les unes dans les autres.

11 n'a pas su peut-être ce qu'il faisait, ce Congrès

mais il a agi sous la pression des circonstances, et ces circonstances ne l'ont pas trompé; elles étaient infaillibles.

C'est donc bien à tort qu'on ne cesse de décla-

mer contre ce's traités, comme le fait Ch. Edm. « En 1815, à la chute du premier empire, un

cc groupe d'hommes, en habits brodés, appartenant cc tous à cette classe d'hommes qu'on appelle diplomates, se réunit à Vienne autour d'une table, s'intitula Congrès européen, et procéda à une « revision de la carte politique de notre vieux « continent. La besogne marcha vivement (péni« blcmcnt), on tailla EN PLEIN peuple (peut-on « montrer moins d'intelligence?). On traça des « frontières au gré du caprice des plus forts (à qui la « faute? ne se défendait-on pas contre la force ?). « Ce fut; un assaut de trahisons réciproques, d'ar« bitraire, de violences, et en même temps d'inep« ties dont rien ne peut donner l'idée. »

Assez comme cela. Les traités de 1815 n'ont pas

pu tout prévoir; à coup sûr, ils ont fait naître plus d'une contradiction, témoin celle qui a donné lieu à la question du Slesvig-Holstein, en 1848. Quel est donc le contrat humain qui ne soit pas sujet a ces inconvénients? Mais ce sont là des difficultés il résoudre ultérieurement, à fur et mesure du progrès de la raison publique, non des reproches qu'on puisse adresser aux auteurs de ces traité.


Ces reproches sont analogues A. ceux qu'on fait

aujourd'hui a l'Autriche, sur son. administration intérieure. Que l'Autriche gouverne bien ou mal ses peuples, c'est une question qui appartient à la raison publique, au libre examen et à l'opinion mais qui, au moins dans l'état de choses, ne peut être tranchée par le droit international.

-De même, les questions que suscitent à chaque

instant les délimitations du Congrès de Vienne peuvent bien donner lieu à des arbitrages, peutêtre à de nouveaux congrès ils ne touchent en rien à l'esprit des traités.



APPENDICE

EXTRAITS DES Mémoires DE Fouchk*

(T. Il, p. 60-283)

Mettre toute Ia Franche en fief, et l'attacLer son domaine

par des redevances annuelles, était aussi une des idées favorites Je Napoléon,.

Quel régime magnifique de spoliations martiales, d'une

part, de dons et de prodigalités, de l'autre! Où allait-il nous conduire? A verseur tout notre sang pour mettre en dotation le monde entier. Et encore, il n'y avait guère d'espoir de rassusier la voracité des favoris et des familiers d'un conquérant insatiahle.

De pareilles supputations, sorties de ma plume, et les

réflexions qui les accompagnent, feront sourire et rechigner certains lecteurs. Eli quoi! diront-ils, ce ministre si chagrin, parce qu'il fut disgracié, donc été si étranger à l'abus des distributions lucratives contre lesqucllus il se récrie peut-être, par la seule raison que la source en est tarie? N'a-t-il pas été comble aussi d'honneurs et de richesses? Et qui vous dit le contraire Quoi parce qu'on aurait eu sa part aux avantages individuels d'un système oulr6, pernicieux, insoutenalale, fautirait-il cesser d'être vrai quand on a promis de tout dire ? Le.temps des réticences est passé. Il s'agit d'ailleurs ici d'assigner les causes de la chute du plus grand Empire qui ait désolé et orné l'univers.

On va voir comment, dans un très court tlélai, Napoléon

se précipita volontairement au-delà des bornes de la moclération et de la prudence.

1. Cf. notre Ohsehv. [Commentaires sur les Alémoires de Fouolié,

p. 93.)


Quand je sus, par mes correspondants de Paris les inquié-

tudes que la réunion des villes hanséaliques causait àlaRus;sic, à la Prusse et mcme à l'Autriche, je fus confirma dans indue qu'il y avait la non seulement le germe d'une nouvelles guerre générale, mais d'un conflit qui devait décider en dernier ressort si on aurait la monarchie universelle dans les mains de Napoléon Bonaparte, ou si nous verrions le retour de tout ce qu'avait dispersé ou détruit la Révolution.

Passons l'année 1811, pendant laquelle s'accumulèrent

tous les éléments d'une efl'royable tempête, à travers un labeur trompeur, don t je découvrais toutes les illusions et les mensonges-. De jour en jour, mes bulletins de Paris et mes correspondances privées devenaient d'un intérêt plus vif, plus soutenu.

Le premier événement qui se présente est celui de la nais-

sance d'un enfant proclamé roi de Home au sortir du sein de sa mère, comme si le fils de Bonaparte n'uvait pu naître autre chose que roi. Ce renouvellement subit du royaume de Tarquin le Superbe parut de mauvais augure à quelques personnes; il. rappclait trop la spoliation récente du SaintSiège et l'oppression exercée contre le Souverain Pontifie. Des bruits ridicules furent propagés et accrédites dans Paris au sujet de la naissance de cet enfant-roi11. Si ces hruits, sortis la fois des classes vulgaires et des classes élevées, ne constataient pas l'état hostile de l'opinion à cette époque contre la perpétuité de la dynastie nouvelle, je me serais dispensé d'en parler comme étant indignes de la gravité de l'histoire.

1. Après avoir remis an prince de Ncufclütel, envoyé par .Napo-

léon, la correspondance et les ordres échangés durant son ministère, contre un recu motivé, Fouché avait pu quitter la Toscane. 11 s'était retiré ù Aix, chef-lieu de sa trésorerie.

2, « D'ailleurs, dit touche, pressé d'arriver moi-même aux temps

de ma rentrée dans tes hauts emplois, ce qui me convient le plus c'est une transition historique abrégée qui nous mi;ne aux catas,Lrophes de et 1815. »

n ars


La malignité se montra ingénieusement crédule. On sup-

posa d'abord une grossesse simulée; comme si jamais une archiduchesse, cessant d'être féconde, eût pu faire mentir le distique latin. La conséquence de cette supposition annonce une autre table, d'après laquelle on aurait reconnu roi de ltomc un cnfaut né récemment de Napoléon et Ue la duchesse de If. Ce qu'il y a de vrai, c'est que l'accouchement de Marie-Louise fut horriblement laborieux, que l'accoucheur perdit la l<Hc,que l'on crut mort l'enfant, et qu'il no sortit de sa (lue par l'ell'et cle la détonation répétée de cent un coups de canon.

Quant au ravissement de l'empereur, il était bien naturel

Quelques llalleurs en inférèrent tout d'abord que, plus heureux que César, il n'aurait point à redouter les idées de Mars, puisque le 20 mars était pour lui et pour l'Empire un jour de félicité.

I Napoléon croyait aux horoscopes et aux présageas. Quel mécompte pour lui en mars 1814 et 181b

A la vérité, dans tous les départements on organisait, pour

rendre lit misère moins importune, des dépôts de mendicité, où une partie de la population était successivement parquée et suhslancée au moyen de soupes économiques. Mais le peuple, qui s'obstinait à rester panivore, accusait l'empereur de vendre lui-mêmc nos grains aux Anglais. Il est certain que le monopole exercé par Napoléon sur les blés produisait on partie la disette. L'esprit qui régnait dans les salons n'était pas plus favorable à l'empereur; on y redevenait hostile. Voilà comment se formait l'opinion depuis que Savary dirigeait l'esprit public.

Des préparatifs magnifiques annoncèrent la cérémonie du

baptême de l'héritier présomptif de Napoléon, et petit-fils de l'empereur d'Autriche. « Je ne parle de cette circonstance si connue que pour .rappeler une plaisanterie que l'on irnagina. On disait que le maire de nome et celui de Hambourg se trouvèrent placés l'un prés de l'autre et qu'en s'abordant ils s'étaient dit bonjour, voisin. Cette plaisanterie renfermait le plus bel éloge du gouvernement.» (Mémoires sur l'intérieur du palais impérial, par L. de Bausset

t. Il, p. 37. Bruxelles, 1S27.)


J'avais respecté la propriété des journaux'; Savary l'envahit

avec audace et en partagea les actions à ses familiers et à ses suppôts. C'est ainsi que, par la dégradation des journaux, il se priva d'un des principaux leviers de l'opinion. De même que Napoléon, il prit en haine Mme de Staël et s'acharna contre elle de concert avec Esmenard2: persécution impolitidue, en ce qu'elle fit de. la nombreuse coterie de cette femme célèbre-un foyer d'opposition contre le régime impérial et d'animosité contre l'empereur.

Si, depuis ma disgrâce, la police avait dégénéré dans ses

attributions les plus essentielles, il en était de même dans un autre Ministère qui était aussi l'asile du secret. Je veux parler des Relations extérieures où, depuis la retraite de ïalleyrand, l'esprit de conquête, de violence et d'oppression ne connaissait plus ni adoucissement, ni frein. Mais Napoléon ne pouvait pardonner à Talleyrand d'avoir toujours parlé de la guerre d'Espagne avec une liberté désaplurobatrice. Bientôt les salons et les boudoirs de Paris devinrent le théâtre d'une guerre sourde entre les adhérents de Napoléon d'une part, Talleyrand et ses amis de l'autre, guerre dont l'épigramme et le bas mot étaient l'artillerie, et dans laquelle le dominateur de l'Europe était presque toujours battu.

De leur côté, M. et Mrac de Talleyrand n'en prenaient que

plus d'intérêt aux princes de la maison d'Espagne, relégués à leur château de.Valençay par un petit railinement de vengeance de la part de Napoléon, Piqué de plus en plus contre Talleyrand, m'aperçoit un jour à son lever au milieu de courtisans, et croyant tirer avan tage, pour l'humilier, d'une aventure de galanterie qu'on prétendait s'être passée à Valençay, il lui fit une interrogation qui, pour un mari, est le plus sanglant 1. Cf. nos Notes dans Napoléon de P.-J. Proudhon, pp. 92-93.

Montgrêdien et C'°, Paris, 1898.

2. Esmenard était un poète de service officiel. Il était chargé

Par Savary, iL la police, de la direction morale des fameux déjeuners « à la fourchette n qui avaient lieu au Ministère de la Police. Fouché dit « Esmcnanl était un écrivain de talent, mais si décrié que j'avais cru devoir le tenir bride en main tout le temps que je l'avais mis en oeuvre. »


des outrages. Sans laisser paraître aucune émotion dans ses trait.s, Talleyrand lui répondit avec dignité « Pour la gloire de Votre Majesté et pour la mienne, il serait à désirer qu'il ne lut jamais question des princes de la maison d'Espagne.

Dans les affaires étrangères, on s'habituait à voir les traités

comme des trêves ou des expédients pour arriver a de nouvelles guerres. On finit même, par ne plus rougir d'y faire les plus scandaleux aveux. « Nous ne voulons plus des principes, disait Champagny-Cadore, successeurdeTalleyrand. » La connaissance que ,j'avais du caractère de BcnuidoUe

me faisait assez pressenlir qu'il finirait par se jeter dans les bras de la Russie et de l'Angleterre, soit pour garantir l'inOn connait les succés remportés par Bernadotte sur les champs

de bataille; on sait moins les immenses services qu'il a rendus it la France comme ambassadeur iL Vienne et surtout comme Ministre de la Guerre. M. Thiers lui-même n'a eu à cet égard que des renseignements incomplets. nI. Casali de Casatis a reconstitué, d'après les témoignages de Barras, de Cohier, de Moidins et de Dubois-Crancé, cette période importante de la vie publique du roi de Suède. Des son arrivée il Vienne, alors que les Autrichiens, fort excités conlre la France, se livraient il tout propos a des manifestations hostiles et insultantes, Bernadolte sut, il force d'audace, imposer silence il la foule et obtenir de l'empereur François les excuses les plus satisfaisantes. Au Ministère de la Guerre, il fit rendre il Cliampionnet, injustement révoqué, le commandement de l'armée des Alpes. C'est lui encore qui, il la veille de la grande bataille de Zurich, empêcha le Directoire de destituer Masséna. Levé charpie milin à trois heures, il travaillait seize heures par jour, s'occupant de tout par lui-même, déployant une activité fébrile et une indomptable énergie, au milicu des catastrophes qui accablaient alors les armées françaises. Lorsque l'ombrageuse jalousie des Directeurs l'obligea de résigner ses fondions, il allait enfin recueillir le fruit de ses travaux. De tous côtés nos troupes, réorganisées et dirigées par lui, louchaient à la victoire. Il quitta le pouvoir, sinon sans chagrin, au moins avec abnégation, et quand son successeur Dubois-Crancé vint apprendre au Directoire les succès de nos armes, il ne fit qu'un acte de justice en déclarant avec loyauté que tout le mérite en revenait li son prédécesseur. De son cabinet ministériel, Bernadotle avait tout fait, tout préparé on peut dire de lui, comme de Carnet, qu'il « organisa la victoire (Cf. les Débuts du 23 novembre 18'Jiî.)


dépendance de la Suède, soit pour s'assurer l'héritage d'une couronne dont Napoléon se montrait envieux.

Ainsi, au lieu de marcber en personne à la tête d'une

armée formidable pour chasser Wellington du Portugal (la situation du continent le lui permettait), il y envoya Masséna, le plus habile de ses lieutenants, sans doute, d'un rare courage, d'une ténacité remarquable, dont le talent croissait par l'excès du péril, et qui, vaincu, était toujours prêt à recommencer, comme s'il eût été vainqueur. Mais Masséna, déprédateur intrépide, était l'ennemi, secret de l'empereur, qui lui avait fait rendre gorge de 3 millions. De même que Soult, il se berça de l'idée qu'il pourrait aussi gagner à la pointe de l'épée une couronne; ils étaient d'ailleurs si séduisants les exemples de Napoléon, de Dlurat et de Bernadottc Le cour de Masséna s'ouvrit aisément à l'ambition de régner aussi il son tour. Plein d'espérance, il se met en marche à la tête de soixante mille soldats; mais, au milieu même des premières difficultés de son expédition, il reçoit l'avis certain que.l'empereur est disposé à restituer le Portugal à la maison de Bragance, si l'Angleterre consent à lui laisser l'Espagne, et qu'une négociation secrète est ouverte à cet effet. Masséna, piqué, découragé, laisse s'éteindre le feu de son génie militaire. D'ailleurs, dans une opération si décisive, nul ne pouvait suppléer Napoléon; lui seul eût pu sacrifier trente à quarante mille hommes pour emporter les lignes formidables de Torrès- Vedras, vraie ceinture d'acier qui couvrait Lisbonne. Tout a!!ait dépendre pourtant de l'issue de cette campagne de 1810, et pour Napoléon et pour l'Europe entière. Ne pas apercevoir cette corrélation intime, c'était manquer de tact et de génie.

Soult, qui n'avait pu se faire roi de Portugal, tranchait du

souverain en Andalousie, et Marmont, ralliant les débris de l'armée du Portugal, agissait à part sur le Douro et sur le Tonnes; en un mot, les lieutenants de Bonaparte gouvernaient militairement, et Joseph n'était qu'un roi fictif.

Je pose en fait que tous les revers subséquents de la pénin-

sule se rattachent aux fautes de la campagne de 1810, si faussement conçue et si légèrement entreprise. Vers la fin


de i8li, Joseph fit partir le marquis d'Almenara, mnni de Pleins pouvoirs pour signer à Paris son abdication formelle, (Ou pour faire reconnaître l'indépendance de l'Espagne. Mais Napoléon, ne songeant hlus qu'à la Russie, ajourna >es décisions sur l'Espagne après l'issue de la grande expédition lointaine où il allait s'abîmer.

La guerre de Russie n'a pas été une guerre entreprise pour

du sucre et du café, comme l'a d'abord vu le vulgaire, mais une guerre purement politique. Si les causes n'en ont pas été bien comprises, c'est que, voilées par les mystères de la diplomatie, elles ne pouvaient être aperçues que par des observateurs éclairés ou des hommes d'Etat. Les germes de la guerre de Ilussic furent renferma·s dans le traité même, de Tilsitt. Déjà même le czar avait juge qu'il était temps de pénétrer

les projets de Napoléon et, voulant une autre garantie que celle de son ambassadeur Kourahin, trop cajolé àSaint-Cloud, et partisan du système continental, il avait dépêché il. l'aris, dès le mois de janvier, avec une mission diplomatique, le comte de C/.ornilschelT. Ce jeune seigneur, colonel d'in régiment de cosaques de la Garde impériale russe, se lit -d'abord remarquer ù la cour de Yaltoléon par sa politesse et par ses manières chevaleresques. Toutes les femmes aspiraient à recevoir les hommages de l'aimable et sémillant envoyé d'Alexandre; il parut d'abord hésiter; enfin, ce fui ù la duchesse de R. que le Plris de la Néva donna la pomme. Cette intrigue fit d'autant plus de bruit que l'emltereur, et non son Ministres de la Police, soupçonna le premier que, sous le voile de la galanterie, sous des dehors aimables et légers, l'envoyé masquait une mission d'investigation politique. Confus d'avoir été prévenu et averti par son maître, Savary, pour lui complaire, charge son faiseur, Esmenard, de décocher quelques traits piquants, mais détournés, à l'émissaire du czar.

Cependant Napoléon et ses ministres ne cessaient de se

plaindre, à Saint-Pétersbourg, de l'effet produit par l'ukase du 31 décembre, qui servait les intérêts de l'Angleterre en 1. Des mystères du cabinet, le ton insolite de quelques-unes des

notes de l'indice des grands préparatifs ordonnés, dans le secret, de manœuvres, d'intrigues au dehors, auraient donné l'éveil il la Russie.


permettant l'introduction de ses denrées coloniales. Dans l'automne de 1811, cette guerre fut regardée, en Angleterre même, comme imminente, et le cabinet de Londres fut dès lors persuadé que Napoléon ne pourrait envoyer àses armées d'Espagne les renforts que réclamait son frère Joseph.

.I'en étais absorLé au point que, dès le commencement de

l'été, j'avais éprouvé le plus vif désir de me rapprocher de la capitale; j'espérais y faire changer ma position, et par là me trouver en mesure de présenter il l'empereur, s'il en était temps encore, quelques réflexions capables de le faire changer de dessein ou de le porter a modifier ses projets, car un secret pressentiment semblait m'avertir que, cette fois, il couvrait a sa perte.

Je partis de cette donnée pour fonder le succès de la

demande directe que j'adressai à l'empereur par l'intermédiaire de Duroc1; je la fis adroitement appuyer par le comte de Narbonne, dont la faveur était croissante.

Là2 (à Ferrières) il fallut user d'abord de précautions

infinies,pour recevoir de Paris, dont j'étais si rapproché, les informations secrètes dont je m'étais fait une habitude invincible. ,le sentis bientôt que, vu la gravité de conjoncture, rien ne pouvait suppléer aux conversations expansives que j'avais l'art de provoquer sans avoir jamais eu à me reprocher aucun abus de confiance; mais ici ce .n'était plus qu'à 1. Duroc était la conscience de Napoléon, qui lui exposait ses

motifs de mécontentement comme un plaideur désireux d'obtenir le suffrage de son juge. (Cf. Mémoires sur l'intérieur du Palais impérial, t. II, p. 136.)

2. Fouché était alors à Ferrières. Le château de Ferrières est il

trois quarts de lieue de la terre de Pont-Carré, bien d'émigré; Pouché l'avait acquis de l'Etat, mais on assure qu'il avait payé l'exacte valeur i1 son propriétaire. Le château de Ferrières était en ruines: il paraît que Poncho le fit démolir, et fit construire sur son emplacement des bergeries. Ferrières et Pont-Carré, réunis u d'immenses bois,formaient, en 1810, undesplus magnifiques domaines du royaume, embrassant une étendue de quatre lieues. C'est au château de Ferrières que Fouché se retira après sa disgrâce, et, plus tard, après son retour de la sénatorerie d'Aix.


lait dérobée et de loin que je pouvais me procurer quelques entretiens furtil's, avec des personnes sûres et dévouées. Quand il m'en venait, elles ne pénétraient jamais chez moi qu'à l'insn de mes gens, par une petite porte dont ,j'avais seul la clef, et protégées par les ombres de la nuit. C'était dans un coin de mon château que je les recevais, et où nous ne pouvions être entendus ni surpris.

De tous leshommes qui tenaient au gouvernement, où qui

en faisaient partie, l'estimable et digne Malouet fut le seul qui eut Je courage de venir me visiter à découvert et sans aucun mystère'.

Tout en regardant comme inutiles et impuissantes les représentations que je me proposais d'adresser à Napoléc.i dans un Mémoire sur le danger dc cette nouvelle guerre, Malouet ne chercha point à m'en dissuader. Je lui en montrai l'ébauche, qu'il approuva.

On a vu comment l'adulation s'était emparée de sa cour,

de ses grandes, de ses Ministres et de son Conseil. L'éloge était devenu si outré que l'adoration fut de commande et, dès ce moment, devint honteuse.

« Sire, disais-je à Napoléon, vous êtes en possession de la « plus belle monarchie de la terre; voudrez-vous 'sans cesse « en étendre les limites pour laisser ù un bras moins fort que « le vôtre un héritage de guerre interminable? Les leçons de « l'histoire rejettent la pensée d'une monarchie universelle. « Prenez garde que trop de confiance dans votre génie « militaire ne vous fasse franchir les bornes de la nature et « heurter tous les préceptes delà sagesse. Il est temps de vous « arrêter. Vous avez atteint, Sire, ce point de votre carrière où « tout ce que vous avez acquis devicnt plus désirable que tout « ce que de nouveaux efforts pourraient.vous faire acquérir « encore. Toute nouvelle extension de votre domination, « qui déjà passe toute mesure, est liée u un danger évident, « non seulement pour la France, déjà peut-être accablée « sous le poids de vos conquêtes, mais encore pour l'intérêts « bien entendu de votre gloire et de votre sûreté. Tout ce « que vôtre domination pourrait gagner eu étendue, elle le perdrait en solidité. Arrêtez-vous, il en est temps; jouissez « enfin d'une destinée qui est sans aucun doute la plus bril1. Fouché et Malouet avaient étudié ensemble (¡l'Oratoire.


« lante de toutescelles que, dans nos temps modernes, l'ordres « de la civilisation ait permis à une imagination hardie de « désirer et de posséder.

cc Et quel Empire voulez-vous aller subjuguer'? L'Empire

« russe qui est assis sur le p0le et adossé à des glaces éter« nelles; qui n'est attaquable qu'un quart de l'année; qui « n'offre aux assaillants que les rigueurs, les souffrances, « les privations d'un sol désert, d'une naturc morte et « engourdie? C'est l'Anlée do la fable dont on ne saurait « triompher qu'en l'étouffant dans ses bras. Quoi! Sire, vous « vous enfonceriez dans les profondeurs de cette moderne « Scylhic sans tenir compte ni de la dureté et de l'inclé« menue du climat, ni de la pauvreté du pays qu'il vous faudra traverser, ni des chemins, des lacs, des forêts qui suffisent seuls pour arrêter votre marche, ni de l'énorme « fatigue et des dangers de toute espèce qui épuiseront « votre armée, telle formidable qu'elle puisse être? Aucun fort aumonde sans doute ne pourra vous empêcher de passer le Niémen, de vous enl'oncer dans les déserts, dans les forêts « de la Lithuanie; mais vous trouverez la Dwina bien plus a difficile a surmonter que le Niémen, et vous serez encore cent lieues de Pétersbourg. Là il vous faudra choisir entre Pétersbourg et Moscou. Quelle balance, grand « Dieu! que celle qui vous fera pencher pour l'une de ces « deux capitales!

« Dans l'une ou dans l'autre se trouvera le destin de

« l'univers.

ci Quels que soientvos succès, les Russes vous disputeront

« pied à pied ces contrées difficiles où vous ne trouverez « rien de ce qui alimente la guerre. Il vous faudra tout tirer v de deux cents lieues. Tandis que vous aurez combattre, » que vous aurez à livrer trente batailles, peut-être, la moi« lié de votre armée sera employée à couvrir les communi« cations trop faibles, interrompues, menacées, coupées par des nuées de cosaques. Craignez que tout votre génie ne « soit impuissant pour conjurer la perte de votre armée, en « proie aux fatigues, iL la faim, à lu nudité, iL la durcté du « climat; craignez d'être réduit ensuite à venir combattre « entre l'Elbe et lc Rhin! Sire, je vous en conjure, au nom « de lai France, au nom de votre gloire, au nom de votre « sûreté et de la nôtre, mettez l'épée dans le fourreau; son-


ic gez à Charles XII1. Ce prince, il est vrai, ne pouvait pas « disposer, comme vous, des deux tiers de l'Europe conti« ncntale et d'une armée de six cent mille hommes; mais, « de son côté, le czar Pierre n'avait pas quatre cent mille « hommes et cinquante mille cosaques. Il avait, direz-vous, « une âme de fer, et la nature a départi le caractère le plus « doux à l'empereur Alexandre; mais ne vous y méprenez pas, « la douceur n'exclut pas la fermeté de Famé, surtout quand « il s'agit d'intérêts si puissants. D'ailleurs, n'aurez-vous pas « contrevousson Sénat,larnajoritédesgrands,lafamilleimpé« riale,un peuple fanatisé, des soldats endurcis, etles intrigues « du Cabinet de Saint-James? Déjà, si la Suède vous échappe, « c'est par la seule influence de son or. Craignez que cette te île irréconciliable n'ébranle la fidélité de vos allir;s; crai« gnez, Sire, que vos peuples ne vous taxent d'une ambition (c irréfléchie et ne se, préoccupent trop de la possibilité d'une « grande infortune. Votre puissance et votre gloire ont '« assoupi bien des passions hostiles; un revers inattendu « pourrait ébranler tous les fondements de votre Empire. » Ce mémoire terminé, je fis demander à l'empereur une

audience. On m'introduisit dans son cabinet, aux Tuileries.

A peine m'aperçoit-il, que, prenant un air aisé « Vous

cc voilà, Monsieur le duc; je sais ce qui vous amène. « Comment, Sire? Oui, je sais que vous avez un mémoire « à me présenter. Cela n'est pas possible. Je le sais; « n'importe, donnez, je le lirai; je n'ignore cependant pas « que la guerre de Russie n'est pas plus de votre goût que la « guerre d'Espagne. Sire, je ne pense pas que celle-ci soit tellement heureuse qu'on puisse se battre à la fois sans cc danger au-delà des Pyrénées et au-delà du Niémen; le « désir et le besoin de voir s'affermir à jamais la puissance « de Votre Majesté m'ont donné le courage de lui soumettre quelques observations sur la crise présente. II n'y a pas « de crise; c'est ici une guerre toute politique; vousnepou1. Cette lettre authentique est retenir. Il faut rapprocher cette

recommandation de Fouché de ce fait, rapporté par M. de Bausset « L'empereur lut plusieurs fois. pendant son séjour à Màcon, Yllistoire cle Charles XII, de Voltaire. Ce livre était constamment sur son bureau, et même sur sa table de nuit. » (M. us BAUSsET, Alémoires sur l'intérieur clu Palais impérial, t. II, p. 119.)


ri, vez pas juger de ma position ni de l'ensemble de l'Europe. Depuis mon mariage, on a cru que le lion sommeillait; on rr verra s'il sommeille. L'Espagne tombera des que j'aurai « anéanti l'influence anglaise à Saint-Pétersbourtt; il me « fa1lait huit cent mille hommes, et je les ai; je traîne toute « l'Europe avec moi, et l'Europe n'est plus qu'une vieille « p. pourrie dont je ferai tout ce qui me plaira avec huit « cent mille hommes. Ne m'avez-vous pas dit autrefois que « vous faisiez consister le génie à ne rien trouver d'imposée sible ? Eh bien, dans six ou huit mois vous verrez ce que rr peuvent les plus vastes combinaisons réunis la force qui « sait mettre en œuvre. Je me règle d'après l'opinion de « l'armée et du peuple plus que par la vôtre, llessieurs, qui « êtes trnp riches, et qui ne tremblez pour moi que parce « que vous craignez la débâcle. Soyez sans inquiétude; « regardez la. guerre de Russie comme celle du bon sens, des « vrais intérêts, du repos etde la sécurité de tous.D'aillcurs, « qu'y puis-je, si un excès de puissance m'entraîne àla dic« tal,ure du monde? N'y avez-vous pas contribué, vous et « tant d'autres qui me blâmiez aujourd'hui, .et qui voudriez « faire de moi un roi débonnaire? Ma destinée n'est pas accomplie je veux achever ce qui n'est qu'ébauché. Il nous faut un Code européen, une Cour de Cassation euroi« péenue, une même monnaie, les mêmes poids et mesures, « les mômes lois; il faut que je fasse de tous les peuples de l'Europe le même peuple, et de Paris la capilale du monde. « Voilà, Monsieur le duc, le seul dénouement qui me convienne. Aujourd'hui vous ne me serviriez pas bien, parce que vous vous imaginez que toutvaêlre remis enquestion CI mais avant un an vous me servirez avec le même zèle et la rr même ardeur qu'aux époques de Marengo et d'Auslcrlitz. Vous verrez encore mieux que tout cela c'est moi qui r, vous le dis. Adieu, Monsieur le duc, ne faites ni le dis« gracie, ni le frondeur, et mettez en moi un peu plus de « confiance'. »

i. Fouclié se retira « stupéfait, auprès avoir fait une révérence

profonde il. l'empereur ». Il était tout étourdi de ce singulier enlrelicit. Mais ce qu'il voulait savoir surtout c'était comment l'cmpcreur avait pu être informé de l'objet de sa démarche.

Savary faisait surveiller Fouché 0. Fcrrières. Il employait un


Je savais que dans un conseil du cabinet, où l'empereur

n'avait appelé que Iterlliiei', Cainbacérès et Duroc, on avait agite la question de savoir s'il était de l'intérêt du gouvernement qu'on s'assurât, par l'arrestation ou par un exil sévère, dé M. de Talleyrand et do moi; et que, tout bien considéré, l'idée de ce coup d'Etal avait élé abandonnée: connue impolilique et inutile, en ce qu'il aurait trop ébranlé l'opinion et inquiété l'avenir des hauts fonctionnaires et dignitaires; inutile, en ce qu'on ne pouvait citer aucun acte de notre part ni aucun fait il notre charge, qui put motiver une lei le mesure.

La France souffrait de plus en ltlus de la disette des grains.

Il y eut des soulèvements en divers lieux on les comprima par la force, eLdes Commissions militaires firent passer par les armes un grand nombre de malheureux que le désespoir avait égarés. Ce ne fut pas sans horreur qu'on apprit que parmi les victimes de cesoxéculions sanglantes il s'élail trouvé, dans la ville de Caen, une femme.

L'empereur Alexandre avait toujours son ambassadeur à 1 Paris, et Napoléon son ambassadeur à Saint-Pétersbourg; sieur]! émigré rentré, ancien agent chargé de l'espionnage des Bourbons, qui avait acheté, près du château de Ferrières, un petit domaine, et qui était devenumaire de la commune. L'ex-minislre était invisible, défiant, soupçonneux, sur ses gardes personne, mdme les gens du pays, n'avaient accès près de lui. Cependant B. sachant que l'un des fermiers de rouchi; était poursuivi par son homme d'affaires, put forcer la porte :« Monseigneur, lui dit il, je viens solliciter auprès de vous une grâce, tin acte de justice et d'humanité très urgent; je viens vous supplier de sauver d'une ruine totale un malheureux père de famille. » Et Fouché donne des détails, explique, insiste. Il s'en veut beaucoup d'avoir été dupe. L'homme, durant l'entretien, avait pu surprendre sur la table

de Fouché le mémoire, lire les lettres V, M, 1 et H, etc. « J'avoue, dit le duc d'Otrante, que, lorsque les détails de cette espèce demystification me furent connus, j'en fus piqué au vif. J'avais de la peine il me pardonner d'avoir été ainsi joué par un drôle, de qui, pendant longtemps, j'avais reçu de Londres les rapports secrets, et au profit de qui j'ordonnançais, chaque année, une somme de 20.000 francs. On verra, plus tard, que je ne me laissai point dominer par trop de ressentiments »


iniùs, ili! plus, Aloxiinilre enlrelennit à l'nris le oointo do au milieu dos ilissiptilinus d'uiiu cour hrillunle èl dos mysll'll'OS (llj pIllS ll'llIK1 illlt'igtll! UltlOUl'OUSO lllilllllll'l)ill)llll!Ml voilée, plus ulili! i son niiiître.

On Iponvii chez lui la prouve qu'il aviiiL n'allé une grande

intimité enlre ce .soigneur russe rj plusieurs dnines de la lira, dil-on, eu alléguant (|ii'elle avait agi de coneerl, avec son niiii'i pour lilcher de pénélrer l'idijcl secret de lii mission do Czernilseliel]'

Lescirconsliineesde liiriiiledeCziu'nilsehell', bien loi, connue

dans les salons, llpenl grand bruit, et cette iill'aire acculera la l'upUipe. Déjà rcni]iuiT.\iP, dont le dépnrt éliiit résolu, cherchant ;'i obtenir ({iiclquc popularité, visilailles divi'i'.squiirtiers de Paris, examinant les travaux publics et jouant des scènes police, M. Pasquier. Il allait fréquemment aussi à la chasse, iitTccUml de paraître plus occupé des plaisirs que de la grand'; entreprise qu'il méilitiiil.

Je le vis à Sainl-Cloud2 où j'allai lui faire ma cour, sans

1. CzeniilkclicIV avait du quitter précipitamment Paris. II nvnit

oublié de brûler su correspondance furtive, On fit une perquisition, (|iii la lit découvrit* sur le tapis de sa chambre, La procédure fit ressortir que le cnliinot russe prévoyait la rupture avec la Franco depuis l'entrevue d'Krfurt. C'est alors que ltoiminzoU' disait, en parlant de Napoléon 11 faut l'user.

2, Apres l'abdication, M. de Itausset, préfet de police, nous fait

ce portrait de l'empereur

« A celle époque de sa vie, Napoléon nvait quarante-six ans; sa

taille était de cinq pieds deux pouces et quelques lignes; sa tête était grosse; ses yeux lileu clair; ses cheveux cliiilnin foncé; les cils de ses paupières étaient plus clairs que ses sourcils, qui étaient, comme ses cheveux, châtain foncé; il avait le nez bien fait, et la forme de la bouche gracieuse et d'une extrême mobilité ses mains étaient remarquablement belles et éclatantes de blancheur; il avait le pied petit; mais, en général, ses chaussures ne faisaient point valoir cet avantage, parce que la moindre gêne lui Hait insupportable. Du reste, il était bien fait et bien proportionné. Une de ses habitudes physiques que j'ai le plus remarquée c'était celle qu'il avait d'incliner, par un mouvement subit et rapide, le haut du corps et sa tête sur son côté droit, et d'y appuyer son coude et


mir.unn iulonlion de solliciter ni d'épier une audience. I. 'as-

Jamais il n'avait, joui d'une .santé plus pur/aile; jamais je

n'avais vu lirillur sur son IVnnl, sur sus I rails, dont les contours dessinaient r;mlii|\ii', Ir.s signes d'une plus grande vigueur d'csprll, d'uni.1 plus si'ij'k ruiill(ini:i' un lui-iiiOini!, puisse définir, si

mon esprit.

Le sorl, en esl jeté le Niémen est franchi par six cent

mille hummes, par I;i plus belle urinée, la plus fnrmidclile ipi'ail, jamais pu rasseinhler aucun des coiupiéranls de la terre. Maintenant laissons Napoléon, laissons cet illustre J'ou courir il $1 porte; ce n'est pas son liisloire militaire que je raconte.

Constatons IVlal de l'opinion, au ni'iivcnl nù, Iraversan

et il à Dresde, il attirait lui les regards inquiets de vingt peuples. Voyons d'abord ce qu'on cu pen- sniL dans ces mêmes (le Paris, dont il désirait tant le suffrage on y laissait échapper des vœux pour son abaisseet même pour sa chute, tant son agression semblait inspirée par une ambition en délire. Dans les classes intermédiaires et parmi le peuple, l'esprit public ne lui était pas plus favorable. Toutefois le mécontentement n'y était point hostile. On aurait voulu garantir Napoléon de Ses propres excès, et le contenir dans de plus petites bornes.

Il y avait d'ailleurs, au fond de tout cet esprit désapproba-

teur, un s'eiilinienl qui prévalait celui d'une vive alttMite, d'une curiosité inquiète sur l'issue de l'expédition gigantesque de l'homme extraordinaire dont l'ambition dévorait les siècles.

son bras, connue s'il voulait élever sa taille, Ce mouvement machinal élait fort léger, et n'était rciimrqunblc que lorsqu'il causait eu se promenant. Lorsque la sûmiilù de son humeur n'était point altérée, le sourire le plus nimiiblc venait éclairer cette belle physionomie et lui donnait un charme inilélinissable,que je n'ai jamais vu qu'à lui seul. »


On iiilmiilliiil assez généralement qu'il rosLcruil vainqueur

cl. ninilre de lu Inri'n

Un |>rnulniminl lu guerre, on s'éliini;!inl nu-delà du Niémen,

il s'écrie |inr une inspiration IVinlc •> La l'iilnlilé i.Milraînn les Itusses, que les destins s'accomplissent! » l'Iu.s culint*, son adversaire, qui n'ose l'iilliMidri! à Wilnn, rceominmide à ses peuples de défendre lu l'atrie cl lu Librrlè.

Knllé du gui ri di! In pins sanglante bataille2 do nos temps

modernes, <iù cent mille soldais sonl, sncrillés à rumbiliim d'un seul lioninio cl niillBinent lîinu du pénible el douloureux aspect de ses bivouacs, Napoléon crnil cnlin pouvoir opérer la destruction d'un vaste cI. puissant cnipin1, coinme il a et de Lucques.

Il ignorait poul-élre que la Uussie, sans un seul allié il

1. Dans ht Ihh'oliilion, confirmant celle opinion, Proinllion ilit

« Toute l'armée française, toute lu nation, a été ccrlniiiciiiciit

d'accord avec son chef; elle a applaudi aux campagnes d'Anslorlilz, d'Ién.i, d'Eylau, de Friedlanil elle n'a point proteste contre la guerre d'Espagne et de Portugal; ni contre colle de Itussio bien moins encore contre celle de Saxe, ct.de KS11 et de en France.

« Cependant, aujourd'hui, ta plupart des critiques blâment cette

politique de Napoléon, avec II. Thiers. Ils eussent voulu un tenue il. l'<( m 6t7 i'oh de l'Iiouuue. »

2. Malaille de la Moskova ou de Uorodino, livrée le 7 septembre,

à vinfjt-cinr| lieues en avant de Moscou, dont charpie parti s'nttril)ue le succès. Les temples de Saint-Pétersbourg retentirent de chants de triomphe,de Te Deum; lalioursc de Londres fut en jubilation pendant vingt-qnatre heures; en Autriche, il fut ordonné il. tout oflicier porteur de nouvelles de l'année de réunir tous les postillons de Vienne, munis de leur petit cornet, en façon de cor de chasse, et d'entrer, avec tous les lurlulitliis d'étiquette, aux sons des fnnfures les plus aiguës et les plus bruyantes, dans la capitale. Il fut lire par les Français plus de cinqiiaulc-cinq mille coups de

callon et au moins autant par les Busses, Voici une anecdote, rapportée par M. de liausset « II se mole souvent, dil-il, des choses ridicules dans les affaires les plus sérieuses. Quelques jeunes soldats mettaient profit les circonstances pour quitter leurs rangs périlleux. Plusieurs s'étaient réunis pour sortir un des leurs, assez légèrement blessé. Ils vinrent it passer prés du maréchal Lofèvre, qui commandait la gardc et était près de nous. «Qui m'a vu ces sacrés c. de connais, qui se sont mis il

quatre pour porter Mnlbrouk ?. A vos rangs! le nI' dit-il


l'ouverture (10 la cumpnyne, vcmtiiL de signer coup sur coup trois traités d'union avec la. Suède, l'Anglolui'H! cl In régence di! ("iulix.

Aveugle en Kspniçno, Napoléon resla toi Moscou. Des

dique dont il nvnil horreur.

La conspiration Maint n'a pas

pas un fou, e'élail, un audacieux.

Mais toute la conspiration n'était pas dans la liHc do

Malet i. La pensée on élail royaliste, et l'exécution répulili-

cainc.

Ht (['abord, voyons dans quelles mains le pouvoir était

drléguc'i durant l'absence de l'ciiiporcur. Sans aucun doute

lâche cl flétri, vivii syeopliante. Parmi les Mini.slros, un

restait muette de révélations. Mais cet homme, roide oflieier

de gendarmerie, était nul en politique cl en ail a ires d'Klal.

avec f|iielf(iics épilhélcs encore pins i!ncr^riqucs. Ils obôiren-t et

ce t|ii'il y eut de plus risilile, c'est que le héros lilessi; trnnva

assez de forces pour se relever el gagner lonl seul ranilmlnnce.

Contre son onlinuirc. Nnpolôon avait « le teinL échaiill'é, les che-

veux en désordre et l'air fttligué Il,

M. de Iliiusscl ajoute

« A midi, le deiimndai Napoléon s'il voulait déjeuner. J.a bataille

n'était pas encore gagnée, il me fit un geste négatif je commis

l'imprudence de lui dire qu'il n'y avait aucune raison dans le

monde qui dfit empêcher le déjeuner quand on le pouvait alors

il me congédia d'une façon assez brusque. Plus tard il mangea un morceau de puin et but un venc de chamhertin, sans y mettre de l'eau. Il avait pris un verre do punch dix heures du malin, parce qu'il soutirait d'un grns rhume. » (L. di; IUisskï, Mémoires anecdotiques sur l'intérieur du Palais, t. Il, p. fi,1), Ci.)

i. L'éditeur des Mémoires mol en note: Ceci mérite attention.

Aujourd'hui on a dévoilé tous les secrets de cette conspiration. Malet, en 1802. avait déjà él6 compromis dans la conspiration dite du Sénat Bernadotte en était l'âme, SI™' de Staël le foyer· et lui

l'agent principal. Potiche lui-même avait été dénonce, comme fai-

sant partie du complot, par le- préfet de police Dubois.


Venait, en seconde ligne, Pasquier, préfet de police, excellent magistrat, pour statuer sur les boues et lus liinlorncs, pour régler la police des marchés, des prix, des courtisans, mais vide de sens et charge de paroles; nul quunt au tact et l'investigation voilà pour le civil. Passons au militaire le pouvoir du sabre résidait dans la personne d'IIullin, commandant de Paris, épais soldat, mais ferme, quoique tout aussi engourdi, tout aussi gauche en politique. Ajoutons que l'exercice de l'autorité étanldevenu,pourlesprineipauxfonetionnaires, une sorte de mécanisme, hors de là ils n'apercevaient lnlus rien que l'obéissance passive; ajoutons que l'impératrice Marie-Louise résidait à Saint-Clouil; qu'il-n'y avait alors, dans la garnison de Paris, aucune de ces vieilles troupes fanatisées, qui, au nom de l'empereur, auraient t mis toutafcu et sang. Or, Paris, comme on le voit, pouvait, à la suite d'un LaLile et vigoureux coup de main, rosier au premier occupant. Je pose en fait que, sur cent trente sénateurs, près de soixante, qui, d'ordinaire, marchaient sous la direction de M. de Talleyrand, de nI. de Semonville et soua la mienne, auraient seconda toute révolution, dans un but salutaire, à la seule manifestatiott de l'accord, de cette triple iH/lucnce. Or, une telle condition n'était ni improbable, ni impraticable 1.

Cette possibilité explique la création d'un Gouvernement

provisoire éventuel, composé de MM. Mathieu de Montmorency, Alexis de Noailles, lc général Moreau, le comte Frochot, préfet de la Seine, et un cinquième qu'on n'a pas nommé. Eh bien! ce cinquième c'était M. de Talleyrand, et je devais moi-même remplacer le général Moreau absent, dont le nom était lit, soit comme pierre d'attente, soit pour satisfaire ou diviser l'armée.

Quant il Malet, instrument précieux, il eût cédé de son

propre mouvement le commandement de Paris à Masséna, qui, ainsi que moi, vivait alors dans la retraite et dans la disgrâce.

Soupçonneux à l'excès de tout ce qui menace son trône,

1. Cette opinion a été confirmée. Au Sénat, Malet comptait, eu

etfet, sur des concours hcu près certains. Ce sont les mêmes qui, dix-huit mois plus tard, le 2 avril 1814, eurent le courage, sous la protection de deux cent mille baïonnettes, de déclarer Napoléon déchu du trône.


Napoléon songe bien plus il le garantir qu'à sauver les débris de son armée, dont il précipite; la retraite. ce à l'inhabile poursuite de Kutusow, il dérobe trois marches aux Russes, trompe les généraux de de et, sous Ill protection d'un désastre immense, gagne la rive opposée. A Varsovie, lui-même révèle son ambassadeur sa position et l'élal de son aine par ces paroles si connues Du sublime au ridicule, il n'y a qu'un pas. »

De quatre cent mille soldats qui ont franchi le Niémen, à

peine, cinq mois après, trente mille repassent le fleuve, parmi lesquels les cleux, tiers n'ont pas vu le Kremlin.

Furieux contre le préfet de la Seine, adepte du tribun

et qu'on a vu ilfiehir devant les conjures, il éclate contre les mai/istrats pusillanimes, qui, dit-il, « détruisent « l'empire des lois et les droits du trône. Nos pères avaient « pour cri de ralliement: Le roi est mort: vive le roi! Ce peu « de mots, ajoute Napoléon, contient les principaux avan« lages de la monarchie. »

Ney, en file racontant les désastres de la retraite, et faisant.

ressortir la fermeté de sa conduite militaire en opposition avec l'imprévoyance et la stupeur de Napoléon, ajouta qu'il avait remarqué en lui une sorte d'égarement. « Je le crus fou, me dit Ney, quand, frappé de son clésastre, au mo« ment de nous quitter, il nous dit, comme un homme qui « se croyait sans ressources Les Bourbons s'en tireraient », propos dont le sens échappait il Ney, incapable de combiner deux idées politiques.

Or il s'agissait, pour Napoléon, de faire prévaloir la qua-

trième dynastie sur la troisième, est de surmonter la crise. Voilà sur quel mobile prétendait s'appuyer l'homme qui, redevable al la Révolution d'une vaste puissance dont il venait de détruire la magie, reniait cette même Révolution et s'isolait d'elle. Il sentait pourtant toute l'instabilité d'un trône qui ne s'appuyait que sur l'spée. Ne pouvant m'atteindre, il me frappa dans mon ami, M. Malouel.

Plein de confiance, Napoléon fait parler officiellement son

Moniteur; l'en croire « L'Autriche et la France sont insé« parables aucune puissance du continent ne s'éloignera de « lui; d'ailleurs, quarante millions de Français ne craignent « rien. »

Arrive la nouvelle de la défection du corps prussien


d'York « Ce qui suffisait hier ne suffit plus aujourd'hui 1 » s'écrie Napoléon.

On convoquc le Corps législatif pour qu'il vole les impôts.

« La paix, dit Napoléon, dans son discours d'ouverture, est nécessaire au monde; niais je ne ferai jamais qu'une paix honorable et conforme à la gramleur de mon Empire »

Voulant faire face à tout, Napoléon ordonne de mettre en

disponibilité la conscription de 1814. Le voilà, comme le dissipateur, dévorant d'avance son revenu d'hommes. Il rêve encore, avec ses familiers, une armée de raille bataillons, offrant un effectif de huit cent mille hommes et de quatre cents escadrons ou cent mille chevaux; eu tout un million de soldats à défrayer. Il se berce de cette imposante chimère, et déjà ses ministres demandent un supplément de trois cents millions

1. L'exposé pompeux de la situation fut présenté par M. Monla-

liret. ministre de l'Intérieur, et le budget pur le comte Mole: « 11 suffit, dit le conseiller d'Etat, pour produire tant de mervcilles, de douze. ans de guerre et d'un seul homme. » El aussitôt onze cent cinquante millions sont mis il la disposition, sans discussion, de ce seul homme.

2. A celte époque de le mouiller de la couronne fut porte

au grand complet; il fut évalué 60 millions. Tous les palais impérieux furent réparés et meublés.

Il avait été dépensé, l'année précédente, en construction, au

Louvre. millions, et 7 millions en achats de maisons pour en opérer le déblaiement;

francs avaient servi aux fondations et aux achats de

terrain pour la construction du palais du roi de Itotuc;

;i 200.0110 francs pour le palais de Versailles:

10.800.000 francs pour constructions, restaurations, emhellisse-

mcuts, créations de nouveaux jardins à Saint-Cloud, Trianon, )tambouillet, Lncken, Strasbourg, Home, etc.

10.000.000 francs il Fontainebleau et Compiègne

franespour les premiers travaux do la nouvelle machine

de Marly.

Les diamants de la couronne, mis en pogcs par les précédents

gouvernements, furent retires et augmentés, et il fut ajouté il la collection du Muséum pour 110 millions de tableaux, de statues, d'objets d'art, d'antiquités, etc. en tout 1 10.8ij0.ll00 francs dépensés par la liste civile et par le domaine extraordinaire, sans aucune surcharge pour l'Etat. La France comptait 42.7118.377 habitants. Sa superficie était de hectares, en y comprenant les nouveaux départements réunis.


J'étais piqué do voir M. de Talloyrimd rentré, sinon en

grâce, du moins r«'ipp«il«î dans les conseils, tandis que je restais dans l'oubli et dans la défaveur. Persuadé pourtant (|iK! lût ou tard nies conseils seraient réclamés, je crus eu hâter le terme par une nouvelle démarche.

Napoléon crut parer h tout. par lu l'ornialion d'une nou-

régenee pour le cas môme de sa mort.

Coup sur coup, il gagna deux batailles, l'une à liaulzen, en

ainsi la renommée do ses armes.

Joaebim Mural, franc et brave général, mais roi sans aucune

fermeté dans les résolutions, s'était créé à Naples une sorle de popularité et de puissance militaire il cn était ébloui au point de vouloir secouer le joug de Napoléon, qui ne voya!L en lui qu'un vassal à ses ordres.

Mural, voyant qu'il aurait, il craindre le sort de sou beau-

frère Louis, si l'empereur, réparant son désastre, ressaisissait tout son pouvoir, rechercha l'alliance de l'Autriche, qui ne s'était point encore détachée de Napoléon.

La garde de Atayence, notre principale clef du Rhin, était.

confiée ¡'l'Auget'eau, avec qui je désirais m'aboucher, et qui était charge en outre de rassembler un corps d'observation sur le Mein. Je le trouvai croyant peu la paix. « Nos « beaux jours sont passes! me dit-il. Ah! que ces deux vicie toit'es qu'enllo Napoléon, qu'il fait sonner si haut dans Paris, « ressemblent peu aux victoires de nos belles campagnes » d'Italie, ou j'apprenais à Bonaparte la guerre, dont. il ne i. sait plus faire que l'abus. Que de peines maintenant, pour « avancer de quelques marches! A Lutzen, notre centre avait, « lléchi plusieurs bataillons se débandaient; en vain, nos « deux ailes se prolongeant, menaçaient d'envelopper les «forces que l'ennemi accumulait aa centre; nous étions « perdus, sans seize bataillons de la jeune garde et quatre« vingts pièces de canon. Il ne peut plus compter, vous dis-je, que sur la supériorité de son artillerie nom leur avoua « Après Raulzen, il presse le passage de « l'Iîlbe et a fait une trouée dans le nord; mais il a fallu « s'arrêter devant Wurtclien, au-delà de la Sprée; là, nous «n'avons emporté la position et le camp retranché qu'à « force de sang. J'ai des lettres du quartier général; et,


« encore,après cette horrible boucherie, point de résultat, point de canons, point Je prisonniers. Dans un pays entre« coupé, on trouvait l'ennemi retranché partout, et disputant « le terrain avec avantage nous avons même été maltraités « au combat de llcichembuuh. Et notez que, dans ce court « début de la campagne, un boulet a emporté Hessières en deçà de l'Elbe et un autre boulet a renversé Duroc lleiehcm« bach; Duroc, le seul ami qu'il eût! Le môme joui', Bruyères «< et Kirgemer tombent aussi sous des boulets perdus. Quelle « guerre! ajoutait Augereau en continnant ses réflexions « décourageantes. Quelle guerre! nous y passerons tous .'Que veut-il fttire maintenant il Dresde? 11 ne fera pas la paix; « vous le connaissez encore mieux que moi; il se fait cerner « par cinq cent mille hommes; car croyez bien que l'Au« triche ne lui sera pas plus fidèle que la Prusse. Oui, s'il « s'obslinc, s'il n'est pas tué, et il ne le sera pas, nous y passe« rons tous!

Instruit que t'cmpereur était de retour au palais Marcolini,

dans Friederichsladt, je m'empressai d'aller me présenter à son audience. Il me fil entrer dans son cabinet; je l'y trouvai soucieux. « Vous venez tard, Monsieur le duc, me dit-il. « Sire, j'ai fait toute la diligence possible pour me rendre aux ordres de Votre Majesté. Que n'éliez-vous ici avant « mon grand débat avec Metternicb vous l'auriez pénétré. « Sire, ce n'est pas ma faute. Ces gens-lù, sans tirer l'épée, voudraient me dicter des lois; et savcz-vous qui sont ceux « qui me tracassent le lllus aujourd'hui? Vos deux amis, « Kernadolte et Meiternicb l'un me fait une guerre ouverte, l'autre une guerre sourde. -Mais, Sire! Voyez Her.« lliier; il vous communiquera les résumés de ma eliancello« rie et vous mettra au fait de tout; vous viendrez ensuite « me donner vos idées sur cette maudite négociation autri« chienne qui m'échappe; il nous faut toute voire habileté pour « la retenir. Je ne veux pourtant rien qui compromette ma n puissance ni ma gloire. Ces gens-là sont si Apres! Ils voun draient, sans se battre, de l'argent et des provinces que je « n'ai acquises qu'à la pointe de l'épée. J'y ai mis bon ordre, cluant au premier point; Narbonne nous a éclairé; vous verrez ce qu'il en pense. Abouchez-vous avec Berthier le plus tôt possible, mûrissez vos idées; je vous attends sous deux jours. »


Ce fut Narbonne qui, le premier, écrivit de Vienne, vers la

fin d'avril qu'il fallait peu cornpter sur l'Autriche, ayaut arrache à M. de Metternich l'aveu que le traité d'alliance, du 14 mars 1812, cessait de paraître applicable à la conjoncture. Cotait, sans contredit, le Ministre (lui avait le mieux soml6 le gouvernement et la cour de Napoléon. Il y était parvenu sans effort, en offrant successivement des hommages inttVessés il Hortense, Pauline, et, avec plus de prédilection, à la femme de Mural, devenue depuis reine de Nuples. L'empereur jugea superficiellement un diplomate qui, sous le dehors d'un homme du monde, aimable, galant, livré aux plaisirs, cachait une des plus fortes tûtes de l'Allemagne, un esprit essentiellement européen et monarchique.

Des lors, on parla de la réunion d'un Congrès à Prague3.

Narbouiic y suivit la cour d'Autriche à peine fut-il dans le voisinage de Dresde qu'il vint y prendre de nouvelles instructions. « Eh bien lui dit l'empereur, que disent-ils de Lut7.cn '? Ah Sire, répond le courtisan spirituel, les uns disent que vous un dieu, les autres que vous êtes un démon mais tout le monde convient que vous êtes plus qu'un homme. Narbonne, observateur profond, ne s'abusait pas, du reste, sur le pouvoir surnaturel de celui dont il comparait la tète un volcan.

Tel était, a mon arrivée à Dresde, l'étaL des affaires. Je ne

dissimulai pas il lierLbier, dont le jugement était sain et les On avait appris, il Prague, le désastre de notre armée i Yiltoria

qui laissait Wellington mnitre de la péninsule. Napoléon enjoignit il Soult d'aller rallier les troupes. Alnis la femme du général s'y opposait, refusant de partir: « Madame, s'écrie Napoléon en colère je ne vous ai point maudée pour entendre vos algarades; je ne suis point votre mari; et, si je l'étais, vous vous comporteriez autreutcnt. Songez que les femmes doivent obéir; retournez a votre mari et ne le tourmentez plus! » Cette scène fit diversion aux malins propos circulant sur Mil" Uourgoin, l'une des plus belles actrices des Français. Elle avait été invitée il un déjeuner de l'empereur, avec Uerthicr et Caulaincourt elle avait pris tour à tour « en quittant le rôle de Melpomù ne, le masque d'ilébé,de Terpsicore et de Thaïs

2. Le Congrès de Prague ne fut qu'une fantasmagorie diploma

tique. Les véritables discussions se passèrent iL Dresde, où le prince de Metternich et le comte de llubna se rendirent. (Cf. NI. DE Fausse-r, Mémoires sur l'intérieur du Palais impérial, t. 11, p. liiS.)


opinions raisonnables, que je ne formais.plus aucun doute que l'Autriche n'entrât dans la coalition, si l'empereur n'abandonnait pas au moins l'Allemagne ell'lllyrie. fierlhier partagea ma manière de voir. (1 Mais, mu dit-il, vous ne sau-" « riez croire combien il me faut user de circonspection avec l'empereur je l'irriterais sans le ramener par une eontra(1 diction ouverte; je suis forcé d'employer des biais, à moins « qu'il ne m'interpelle. Par exemple, depuis que l'Autriche » semble vouloir nous faire la loi, nous discutons souvent « des pltins de campagne clans l'hypothèse de la rupture; « c'est là mon terrain.. Eh bien! le croi riez-vous? le n'ai pas « osé le presser d'abandonner la ligne de l'Elbe pour se rap« procher méthodiquement de cclle (lu Ithin, ce qui nous « mettrait il couvert avec toutes mes forces aisponibles. Qu'ai- je fait'' J'ai appuyé, sous main, le plan d'un officier « général très capable'1 plan qui consiste il tout ce tlue nous avons par-delà l'Elbe, à réunir tous les corps » détachés, et à se retirer en masse sur la Saale et de la sur « le Ithin. Une considération décisive milite en faveur de ce « plan. Admettons que l'Autriche se déclare elle ouvrira aussitôt les portes de la Bohème; elle permettra aux alliés «i de tourner toutes nos positions, en un mot, de nous couper « de la France, Hieu n'a pu faire impression sur l'empereur. « Eh bon Dieu, s'est-il écrié, dix batailles perdues pour« raient peine me réduire à la position où vous voulez me « placer tout d'abord Au surplus, j'ai tout calculé; le sort « fera le reste. Quant à votre plan de défense rétrograde, il « ne peut me convenir; d'ailleurs, je ne vous demande pas « des plans de campagne; n'en faites pas; contentez-vous « d'entrer daus ma pensée pour exécuter les ordres que je « vous donne »

,le me prémunis, et me présentai aux jardins Mareolini.

Introduit presque aussitôt, je trouvai l'empereur environné de cartes et de plans. A peine m'aperçoit-il que, se levant, il me parle en ces termes « Eh bien! Monsicur le duc, connaissez-vous notre position ? Oui, Sire. Allons-nous être entre deux feux entrc les obus de votre ami BernaIl est très vraisemblable yu'il s'agit ici du lieutenant-général

Hogniat, qui comuandait l'armée du génie u la campagne de Saxe.


dette et les bnmlics do mon grand ami Swarl/.embet'g? Selon moi, il n'y a pas là-dessus le moindre doute, il moins de satisfaire l'Autriche. Je ne le ferai pas; je ne me laisserai pas dépouiller sans comballre. Je le sais, on soulève contre moi toutes les ambitions et beaucoup de passions. Votre Itarnadotlc, par exemple, peut nous faire beaucoup de mal en doiiiinnl la clef de uulre politique d la lactique tle nos armées uns ennemis. Mais, Sire, votre cabinet n'at-il ptts essayé île if ramoner un système moins habile? Quel moyen? est à la solde anglaise1; je lui ai pourtant l'ail, écrire, el j'ai près de lui un homme sûr; niais la tôle lui tourne de se voir recherché et encensé par les légitimes. Sire, tout ceci me paraît si grave que j'ai pris aussi la plume pour tacher d'ouvrir les yeux au prince de Suède, qui peut bien venir parader eu Allemagne, mais (lui, dans aucun cas, ne doit l'aire la guerre à la France. Bah! la France, la France. c'est moi! Que Votre Majesté daigne nie dire si elle approuve nia lettre; j'y démontre au prince de Suède qt.r'il se fait l'instrument, de la Russie et de l'Angleterre pour le renversement de votre puissance et pour faire revivre la cause des liourbons. (.le remets nia lettre l'empereur, qui la lit attentivement.) C'est bien; mais par Voie la lui forez-vous parvenir? Je pense que Votre Majesté pourrait se servir de rinlermédiairo du maréchal ,\ey, longtemps l'ami et le compagnon d'armes du prince de Suède, cl qui pourrait y joindre ses instances personnelles dans le même lutt politique, cn l'autorisant it choisir pour émissaire le colonel T. Non, ret. officier a été jacobin. -Sire, on pourrail y employer le lieutenant de la gendarmerie, I, dont Votre Majesté connaît le dévouement el, l'intelligence. A la lionne heure; je lui ferai remettre des instructions et je le dépêcherai il -Ney. »

Après un silence de deux minutes, l'empereur reprenant

tout à coup la parole Ave/vous réfléchi au moyen de suivre la négociation secrète avec l'Autriche? Oui, Sire. 1. Fonclic rapporte qu'à l'enlrcviio d'Abo (septembre

l'empereur de Itussie aurait dit il Ilernailolle Si Ilonaparle ne réussit point- ilinis son attaque contre mon l'.mpire, et que, par suite (le sa le trône rie France devienne vacant, je ne vois personne de plus eit mesure que vous d'y monter.


M'avez-vous préparé ma note? Oui, Sire, la voilà. (L'empereur après l'avoir lue :) Quoi! tout vous paraît, inefficace? Vous ne voyez, dans mes moyens, que des palliatifs, des demi-mesures; vous vous rangez de l'avis de ceux qui voudraient me voir désarmé, réduit v l'autorité d'un maire de village? Croyez bien, Monsieur le duc, que vous ne trouverez pas une égide plus sttre que la mienne. Sire, j'en suis tellement persuadé que c'est précisément l'un des principaux motifs qui me fait désirer si de ne plus voir le trône de Votre Majesté exposé au hasard des batailles. Mais je ne dois pas mo le Il réaction de l'Europe, arrêtée longtemps par vos glorieux triomphes, ne saurait plus t'être aujourd'hui que par d'autres triomphes lilus difficiles à obtenir. Les mêmes Ministres, qui étaient toujours prêts à négocier avec votre cabine!, qtt'il vous était si facile autrefois de diviser cld'inliinider, se vantent aujourd'hui que lcur voix ne sera plus étouffée dans les conseils des rois par une politirlue étroite et imprévoyante; ils prétendent qu'il s'agit pour eux du salut de l'Europe. Eh bien, il s'agit pour moi du salut de l'Empire, el, certes, je lie me charpas rltt rôle dont ils ne veulent plus! Mais enfin, il faut une solution si vous ne désarmez pas l'Autriche, ou si elle ne passe pas dans votre camp, vous aurez .contre vous toute cette fois unie invariablement. Le mieux serait de la paix; clle est possible en abandonnant ]'Ailemagne pour conserver l'Ilalie, ou en cédant l'Italie pour conserver un pied en Allemagnc. De fâcheux pressentiment, Sire, me préoccupent; au nom du ciel, pour lit gloire et l'af'ermissement de ce bel Empire que je vous aidai il organiscr, évitez, je vous en supplie, la ruplure, et conjurez, il en est temps encore, une croisade générale contre votre puissance, Songez que, cette fois, au moindre revers de vos armes, tout changerait de face, et que vous perdriez le reste de vos alliés qui chancèlent; qu'en vous refusant v une défense nationale, seul abri contre les revers, vos ennemis se prévaudraient de cette force d'inertie fatale au pouvoir qui s'isole; c'est alors qu'on venait se réveiller de vieilles espérances assoupies, et que l'Angleterre aux aguets verserait à Bordeaux, dans la Vendée, en Normandie et dans le ses émissaires chargés d'y relever, au moindre événement favorable, la cause des Bourbons. Je vous adjure,


Sire, au nom de notre sûreté et de votre gloire, de ne pas en venir jouer dans un va-tout et votre couronne cL votre puissance. Que cinrl cent mille soldats, soutenus en seconde ligne pnr toute une population insurgée, vous forceraient à déserter l'Allemagne sans vous donner le temps de renouer des négociations.

A ces mots, l'empereur relevant la tète, et prenant unc

attitmle guerrière « .le puis encore, me dit-il, leur livrer dix batailles, et une seule me suffit pour les désorganiser et les écraser. Il est fâcheux, Monsieur le duc, qu'une fatale disposition de découragement domine ainsi les meilleurs esprits; la question n'est plus dans L'abandon de telles ou telles provinces; il s'agit de notre suprématie politique, et pour nous l'existence en déprend. Si Ma puissance matérielle est grande, ma puissance d'opinion l'est bien davantage c'est rlc la magie n'en br·isons pas le charme! Pourquoi tant d'alarmes? Laissons se produire les événements. Quant a l'Autriche, personne ne doit s'y tromper; elle veut profiter de ma position pour m'arracher de grands avantages; au fond, j'y suis presque décidé; mais je ne me persuaderai pas qu'elle consente Ù m'abattre tout à fait, et se livrer ainsi elle-même à la toute-puissance de la Russie. Voilà ma politique, et j'entends que vous me serviez de tous vos moyens. Je vous ai nommé gouverneur général de l'lllyrie; et c'est vous, vraisemblablement, qui en ferez la remise u l'Autriche. Partez; passez il Prague; nouez-y vos fils pour la négociation secrète; et de là dirigez-vous à et sur le Laybach, d'où vous suivrez les affaires; allez vite, car ce pauvre Junot, que vous remplacez, est décidément fou à lier; et l'IUyrie a besoin d'une main sage et ferme. Je suis tout prêt, Sire, à répondre a la confiance dont vous m'honorez; mais, si j'osais, je vous ferais observer que l'un des principaux mobiles de la négociation secrète serait, sans aucun doute, indépendamment de la rétrocession des provinces, la perspective de la régence, telle que l'a organisée Votre Majesté dans toute sa latitude. Je vous entends; eh bien! dites tout ce que voudrez là-dessus, je vous donne carte blanche. » Or, ma mission n'était, iL l'égard de l'Autriche, qu'un

leurre, et envers moi qu'un prétexte pour m'éloigner, pendant la crise, du centre des affaires.

Napoléon s'était expliqué avec Narbonue dans le même


sens qu'avec l'il. seule instruction positive qu'eût reçu Narbonne, c'était, de chercher lie pas mettre l'An.t.i*iuln* dans une position ennemie. ,le lui communiquai les (le l'empereur, relatives Il la négociation et, il n'en augura pas miew que moi.

A peine arrive dans mon gouvernement, je pus juger par

moi-même que le temps des idées hardies riait passe; qu'il ne l'allail plus songer aux opérations offensives qui devaient jeter de puissantes divisions au centre même des Etats héréditaires.

On me mandait, que les intrigues royalistes recommen-

çaient dans la Vendue et à Hordeuux, et qu'on se disait tout, bas, dans les cercles (il les salons de la capitale C'est la commencement de la fin.

J'allai conférer de l'état de clioses avec le prince vice-roi,

que je trouvai lui-même inquiet, mais toujours dévoué à l'empereur, neuf mieux valu, me dit-il, qu'il eut perdu, sans trop de dommage, les deux premières batailles dans le début de la campagne; il se serait relire ¡'¡ temps derrière le Rhin. «

Tout il coup, vers les derniers jours d'octobre, je reçois

du quartier général du vice-roi un billet ainsi conçu « Pour ne vouloir rien céder, il atout perdu. »

Murât, se déclarant, pour l'indépendance italienne, trouvait

un parti dans tes Klals romains, parmi les vnrbonari et. les crticllavi, espèces d'illuminés politiques qui se recrutaient 'parmi les grands seigneurs, les jurisconsultes et les prélats romains.

Dnns ces entrefaites, je reçus de l'empereur la mission Ile

me rendre à ÎSaples, pour lilcher de détourner (le se,

déclarer contre lui; mes instructions portaient de le ménager et beaucoup d'adresse dans celle négociation; de

le flatter munie de la perspective qu'on lui abandonnerait

les marches de Fermo et d'Ancône, dépouilles dn l'Iîtat

romain dont il ambitionnait depuis longtemps la possession.

Je fus précédé à ÏN'aples par trois lettres de l'empereur


udressées à Jouchiin, l'uni! d'elles annonçant mu piorhaim^ arrivée comme chargé de ses lis mon entrée ù lu cour iln Naplcs vers In mi-décembre.

» J'ai pris congé ilu roi de Naplcs ,ji! nn ilois dissimuler

ci naturelle do ce prince.

« 1" (l'est l'incertitude où vous l'avez laissé sur In com-

» mandement dus années d'Italie. Lu roi, dans ces deux i< à recevoir île vous celle marque de confiance. Il se seul,

» les Anglais y e.vciler que les IVapolilaius quel élal, ajoula-l-on, se trouve cet Kmpire? Sans armée, » pus comme le terme de ses maux, puisque le Uliin n'est. « [dus une barrière, et.))'' IVinpiîi'f'iii', loin de pouvoir « garanlir rilalie,a peine à s'opposer à l'envahissement de « ses frontières d'Allemagne, de Suisse « même. L'enipnreurne peut plus rien, même pour la France; (i comment garantirait-il vos Etals? Si, dans le temps de sa « toute-puissance, il cul la pensée de réunir Xaples à l'Km« pire, quel sacrilicc serait-il porté à faire pour vous?)) vous « sacrifierait aujourd'hui a une place forte.

D'un aulre côté, vos ennemis opposent au tableau de

« lu silualion de la France celui des avantages immenses « que présente au roi son accession à la coalition ce prince « consolide son trône, agrandit ses Etals; au lieu de faire à 1. C'est en apprenant que Xsiiioléun, sounl aux conseils de Ttil-

Icyninil et de CuniliacOrès, mûililiiit ilo se fuirc proclamer dictateur, que l-'oucliû lui écrivit cette lettre.


« l'empereur le sacrifice inutile de sa gloire et. de sa cou<• rnnnn, il va, répandre sur l'un ot l'autre Pûulal. lu plus ii brillant on so proclainanL le défenseur tlo l'Italie, lo garant « do son indépendance. So déoliiro-l-il pour Votre Majesté, « sous ses drapeaux. Toi est. lu langage i|iio parlent. :m roi u Peul-elre, nu l'iiil-on on cola (|iio s'almsur sur lus moyens « do servir Volro Majesté. Lit paix est nécessaire à tout lu « iiioiiiIo détcrininiT le roi ù so. niollro i'i la UHc do l'Ilnlio

» la paix.

« .lo suis iirrivô ;ï Home le IN. Ici, connue dans l.«ule

« l'Iliilie, lo mol d'indépendance a acquis une verlu niii^ique. « Sous culte liiinnièro se liingenl sans doute dos inlénHs « divers; mais lous lus pays veulent un (ioiiveiiioinenl local « réclamations de la moindre importance. l,e (îoiiverneinenl do la France, h une distance aussi considéra lile de la « capitale, ne leur présente que dos charges posantes sans « aucune compensation. C.onsoriplions, impôts, vexations, « privations, sacrifiées, voilà, se disent les Humains, ce que nous connaissons du (iouvernemeiil de la France. Ajoutons « que nous n'avons aucune espère de commerce, ni intérieur « ni extérieur; que nos produits sont sans débouchés, et, « que le peu qui nous vienl du dehors, nous le payons un "prix excessif.

ii Sire, lorsque Voire Majesté élaitau plus haut, degré de la

« gloire et de la naissance, j'avais lo ronrago de lui dire la » vérité, parce que c'était la seule chose qui lui manquait, u Aujourd'hui je )11 lui dois également, mais avec plus de Il ménagement, puisqu'elle est dans loinalheur. Son discours » au Corps législatif aurait tait une profonde impression sur » l'I'Jirope et aurai! touché Ions tes cœurs, si Voire Majesté » cul ajouté au désir qu'elle manifeste pour la paix une Il renonciation magnanime à son ancien système de monar« eliie. universelle. Tant, qu'elle ne se prononcera pas sur ce « point, tes puissances croiront ou diront que ce système « n'est qu 'ajourné, que vous prolilerez des événements pour <i revenir. La nation française elle-même restera dans les


h mêmes alarmes. Il 1111) semlde que si, dans culte eireons« liincp, vous coneenlriez Inules vos forces enlre les Alpes, » les Pyrénées el. le Itliin si vous faisiez ime déelaralion « l'riinclie de no pas dépasser ces IVonlJères naturelles, vous « auriez. Lotis les vœux cl, tous les liras de la Million pour le plus lieau el le pluspiiissaiil du inonde; ilsiil'liiviil à voire « gloire el à la prospérité de la France, .le suis convaincu ijuo « coiiiiiiilre. Ce sont eux qui ont poussé vos armées en « Kspugne, en Pologne et en Uussie, qui vous oui, fail « sont eux i] ni vous Iroiiipenl aujourd'hui et ijiii \'nus resle assez pour 1. persuadée; il serait même inulile de lui l'aire illusion; un ne « la tromperait plus.

« Jeeonjure Voire Majesté de ne pas rejeler ces conseils, ils

« point le sol amour-propre de voir mieux qu'iiii aulre; si « chacun avait la menu; franchise, vous liemlrail le même » Itussio, el, en dernier lieu, à Dresde.

« II esl al'lligeanl, pour la dignité de l'homme, que je sois

» le seul qui vous dise ce qu'il pense. Si Voire Majeslé « éprouve de nouveaux malheurs, je n'aurai pas de reproche If d'avoir cessé de lui dire la vérité. Au nom du ciel, niellez « un moment pour se reposer. »

Ma lettre clnil iipciiie partie qncXapoli'on fnippail son dernier

coup d'Etat la dissolution du Corps

Pour continuer d'en imposer l'Aulriche, el se croyant

maître tic la délaeher, à son gré, de la coalition, l'empereur,


;iu début, de co I l.o campagne tl<>ft nil.i vi», yconserva la régence à Mnrie-lioui.se.

Joseph n'était, que le contrepoids île l'areliirhaneelier

C;iinliiii'(''rès, qui l'était île l'impératrice et rie Joseph, el l'impératrice n'élail la. que pour Iîi forme.

Il est. pourtant vrai de dire (|iie loulcs les autorités se Iroii-

viiienl d'accord sur un point, l'iinpossibilil.é dis conserver le

0 vous qui m'avez, dit depuis el, après coup Pourquoi

que j'aurais di'i qu'on m'ail pressenti que, parla seule l'orée des choses, tous les inléi'iMs de la Hévolnlion, que je représentais à moi seul, auraient prévalu el, paré à la caliisli'iqdic.

lu mur de la grande-duchesse, ui'i je fus parlnilenienL celle l'ois j'eus charmes, lîlisa n'élail pas sans esprit., et les premiers un»\ivcmeuls de son cu'ur él;iienl bons; mais un défaut incurable rie jugement, el ses penchants à la lubricité In. jetaient dans des écarts et dans l'extravagance. Son tic. consistait à se modeler par imitation sur les habitudes de son frère, all'ec-

et négligeant les arts de la paix, les lettres mêmes, dont jadrs elle s'était érigée en protectrice par enjouement. Dans un s'était occupée qu'à se former une cour splendide cl, servile, organisant des balaillons de conscrits, faisant et défaisant, les généraux là où jadis les Universités de Pise et de Florence, les Académies de la Crusca, del Cinienlo el, del Disegno avait laissé dépérir les éludes, n'accordant, de protection qu'à, des histrions, des baladins el jioinl, aimée. Quant à moi, loin d'avoir à m'en plaindre, je la traverses dont, elle t'hait, menacée, et déleranl volontiers à mon expérience el à mes conseils. Des ce monieul, je devins


Je directeur «.le la politique. Elle laissa percer devant moi son dépit do eu que Napoléon était h la veille, non seulement di! son oli.slinnlinn, mais encore de sacrifier sons hésiter li.>s établissements dont ssi famille était l'ii (ios.si:ssii>n. Je devinai alors toutes ses craintes, et jo compris combien ni lu était alarmée do l'élal précaire ilo luToscam. <ju"i.'lles"iitleni.l;iiL avec iloiilourù voir à propos (juc ji; l'avais nvurli qu'il allait pour sa eouronixi, soul,conli'o lonli? l'Iiurojii! qu'il devait cédi.'i' l'AlluinagiU! t-L se liMiirciiKiiilR di'iriùro lis Hliin, eu appelanL la nation son aide qu'il serait forcé malgré lui d'en venir là, mais qu'alors il prendrait trop lard un parti commandé par la néci.'ssili: Mais bientôt Mural lui-niûine, qui élait parti de IVaples le

23 janvier, lit son enlrée il Home aveu culte pompe qu'il reclierchailavec tant d'umprussemenl; il fut rcru. avec de grands témoignages de satisfaction par les indépendants.

Pur exemple, le Itauuiouhi, en changeant de forlunc, avait

cru devoir changer de nuni il s'était l'ail appeler /•'<•> (l'heureux) au lieu de Pascal, nom aussi ridicule en Italie «pie celui de Jocrisse en France. De là ce jeu de mois des Rorenlins qui lui disaient au moment de sa déconliture Quamlu ai l-'elicc, eruvamo Pasquuti; adossa clic sei ritornalo l'asquula, sanmo fui ici.

La grande-duchesse désirait également voir la Toscane

avec .Mural, dont la fortune lui paraissait ollVirplus de chances que celle de Napoléon.

secrètement à Modène.

Il hésitait encore je lui communiquai mes nouvelles de

Paris les plus récentes. Déterminé par leur contenu, il me con- guerre, pour lequel j'indiquai quelques changements qu'il connue en ces termes


Il Soldats 1 nussi longtemps que j'ai pu croire que l'empe-

« reur Napoléon combattait, pour la paix et le bonheur de la « l'Yance, j'ai conilifillii à ses cillés; mais il il ni! Il m'est plus permis de conserver iincuiui illusion lVuipc« reiir ue vuul qui; la guerre, .le trahirais les inlérûis de « ne séparais pas sur-le-champ mes armes des siennes, pour « les joindre tt celles des puissances alliées, dont les inlon« lions magnanimes sont de rétablir la dignité des et '< l'indépendance des nations.

» .le sais qu'on cherche égarer le patriotisme des fran-

•> çais qui sont dans mon armée par de faux sentiments « d'honneur et de fidélité comme s'il y avait, do l'honneur « et de la fidélité it assujettir le monde ;t la folle ambition « Soldais! il n'y a plus que deux bannières en Europe;

« sur l'une vous lisez religion, morale, justice, modération, if lois, paix et bonheur; sur l'autre: persécutions, « violences, tyrannie, guerre et deuil dans toutes les fa» milles choisisse/ »

.Avant de partir d'Italie, je pus dire que je n'y avais

pas fait Irt guerre à mes dépens

neloui'iiitf auprès d'Eugène, racontez-lui comment, j'ai

« arrangé tutis ces gens-là; c'est de la canaille que je chas»

En se séparant de la nation, l'empereur, par son des-

potisme, avait tué l'esjirit public.

1. Potiche se lit rembourser par Murnt un arriéré (le traitement,

comme gouverneur îles Eluts romains el ensuite de l'Illyric, s'élevimt il la somme de 170.000 francs.

2. Paroles de Napoléon au comte Tacher, aide de camp d'Eugène,

A propos des succès récents obtenus dans la Jiric et it Alimtcrcnu. I, 'empereur exigerait à dessein ces avantages poursoulcnir l'espoir

ilKiigène, d'une part, et pour ralentir le stèle de Mural dans la cause des alliés.


La nuil. môme de iiion je fus admis aux confé-

rences des principaux fonctionnaires publics, qui avaient lion tous les soirs clic/. le maréchal Auge!'eau.

Ce l'ut t Valence que j'appris l'arrivée Vesoul de Mnx-

siKUii, comte d'Artois, et les turreurs cli> Napoléon aux premières lueurs du royalisme;, 'lui venaient du percer il Troyes un Ch.'iiMpnyne.

J'étais à Avignon sans aucun caractère politique, elj'ha-

bilais les mômes appartements où ful iissassinû Il) iiialliuu]-eux Là, ,ju trouvai l'esprit public nionlû contre Napoléon, au point que ,je pus l'aire aflicberqueje rucevais tous les corps, (miles les imtoritrs constituées, auxquels j'annonçai le renversement prochain du (iouvurneinenl impérial, mais que Mural, dans la haute Italie, travaillait pour la bonne cause.

J'ai entendu agiter depuis cette double question: si le

duc se lut trouvé à l'aris, mit-il fait partie du gouvernement provisoire, et, dans cette supposition, quel eût Né le résultat de (lit 31 mars?.

Je confesserai d'abord que, pénétré de la

nirla réaction de l'iùirope et de sauver la France parla France, les événements de t80!I, c'esl-à-dire la guerre et l'allaquo des Anglais sur Anvers, nVlaienlquc les premiers moyens d'exécution d'un plan de révolution, qui avait pour lml le délrôneineut du l'empereur, .le confesserai aussi que j'avais élé l'Ame de ne plan, seul capable ile now réconcilier avec l'Europe, et. de nous ramener à un tiouverneiuenl raisonnable. Il demandait le concours de deux hommes d'Utat, l'uu dirigeant le cabinet de Vienne, le cabinet de Sainl-.lames, je veux parler du prince de Melternich et du marquais de à à qui j'avais envoyé, à cet, ell'et, M. de r'agan, aucien oflicier au régiment irlandais de I)illon,


que son caractère insinuant rendait propre il uni; mission si délicate.

Avant, d'en venir de pareilles ouvertures, je n'avais

point négtiyi', dans rinl<'iricuT, du uni rapprocher du seul homme dont la coopération me fut indispensable on devine qu'il s'agit du prince Talleyrand. Noire réconcilia)ion avait eu lion dans une conférence àSurénes, chez la princesse de Vattdéinonl. Iles les premiers épanuhemenls, nos idées politiques s'étiiienl accordées, et une sorte de coïncidence s'élail établie entre nos plans pour l'avenir. Pourtant je n'avais pu échapper lit morsure épigrammalique de mort noble et nouvel allié qui, après l'entrevue, questionné par ses officiers sur ce yu'il pensait à mon égard, répondit Oui, oui, j'ai vu Fouché; c'est du papier dore sur tranche. »

Ainsi, dans J'espace de très peu de mois, de tous mes

ennemis je me fis des amis. J'avais deux Ministères dans

mes mains l'Intérieur et la Police; j'avais la gendarmerie à ma disposition et une armée d'observateurs à mes ordres

j'avais de plus pour levier dans l'opinionlaclienlèle immense des vieux républicains et des royalistes persévérants, qui trouvaient une égide dans mon -crédit. Tels étaient les élé-

meuts de mon pouvoir, quand Napoléon engagea la double guerre d'Espagne et d'Autriche, et désormais, jugé perturbaleur incorrigible, me parut dans une position tellement inex-

tricable que je formai le plan que j'ai révélé plus'haut. Suit que son instinct m'eût deviné, soit que des indiscrétions

inhérentes au caractère français eusse ni éveillé ses soupçons:

Car, pour trahi, je ne le fus pas; ma disgrâce presque subite, comme je l'ai raconté dans la suite des événements de ISUJ, reculèrent de cinq années la ruine du trône impérial.

Et c'était, protégé par de tels souvenirs, soutenu par une

puissance d'opinion qui ne m'avait abandonné' ni lors de ma défaveur, ni dans mon cxil c'était, en outre, secondé par la réputation d'homme d'Étal qui avait prophétisé la

chute de Napoléon avec la précision d'un calculateur froid et


• prévoyant, que je mi; trouvai surpris par les événemcnts du :tl mars. Si j'eusse été a Paris alors, sans aucun doute le poids de mon inlliicnre et la connaissance parfaite des secrets de Lous les partis m'auraient permis d'imprimer aces événements extraordinaires une tout autre direction. Ma préet ma décision prompte auraient prévalu sur î'iulluence plus mystérieuse et plus lente de M, de Talleyrand. Cet homme si élevé n'aurait pu cheminer qu'attache avec. moi au infime char. Je lui aurais révélé toutes les ramifications de mon plan poliliquc; et,en dépit de l'odieuse 'police de Savary, du ridicule (le Cambaeérès, de li lioulcnanec générale du mannequin ,Joseph et de la lâcheté du Sénat, nous aurions redonné la vie ce cadavre de la Révolution et ces patriciens dégradés n'auraient plus solide, comme ils font, fait trop lard, qu'à se conserver euxinémes.

l'ar notre impulsion, ils auraient prononcé, avant l'inter-

ventinn étrangère, la déchéance de Napoléon, et proclamé le Conseil de régence, tel que ,j'en avais arrèté les bases. Ce dénouement était le seul qui pût mettre ci couvert la Révolution et .ses principes.

Mais les destins en avaient autrement décidé. Napoléon

lui-même conspira contre son propre samj. Que de ruses de sa que de prétextes pour me tenir éloigné (le la capitale, oit il redoutait même la présence de son fils et de sa femme; car, on ne doit pas s'y méprendre, Tordre laissé il Cambacérvs défaire partir immédiatement par Blois l'impéralrice elle roi de Homc, à la moindre apparition des alliés, n'eut pas d'autre motif que de parer une révolution qui pouvait être opérée par l'établissement d'une régence nationale. Lorsqii'aprct s'i'lre laisse, pour niiisi dire, escamoter sa capitale par l'empereur Alexandre, il voulut avoir recouru ti la régence pour dérider expédient, il était trop tard. Lcs combinaisons de M. (le avaient prévalu, et ce fut lorsqu'un Gouvernement provisoire était déjà tout formé, que je vitts mo présenter devant la Restauration.



HISTOIRE

ni;

CAMPAGNES DE NAPOLÉON Ier

Voici une instruction donné par le directeur C.viinot à

Moreiiu, 10 avril 1790

Le Directoire2 croit devoir placer ici une réflexion essen-

tielle, et sur laquelle il appelle votre attention C'est que les attaque livrécs sur toute une liijne d'armée protluisent en tiendrai peu d'effet et sacrifient beaucoup d'hommes cn pure perte; parce que le (les forces sur tous les points de celte ligne en écarte presque toujours le succès. Il pense clonc qu'il est important de les éviter avec soin, ainsi que celles dont le but serait d'attaquer uniquement le centre de l'ennemi, 1. La plupart de ces Noies ont été rédigées par Proudhon,

lorsqu'il préparait la Guerre el la Ilaix. Nous ne les avons pas utilisées dans Napoléon l". Elles figurent dans les cahiers Y, VI et VU (NoTEs pour la Biographie de Napoléon et l'Essai de tactique et stratégie). M. L. de Bouteville, en lescollationnint. a écril en marge du manuscrit:! A part quelques notes que l'on pourrait rattacher peut-être a l'histoire tles campagnes de Napoléon le', tout ceci ne se composa qued'éludes préparatoires il la composition du livro la Guerre et la l'ai.i: »

Nous les pulilions aujourd'hui, pour deux raisons:

1° Pour répondre aune observation de M. Brialmont, dont les con-

seils nous furent très précieux; parce que des critiques militaires, aussi éminents que nI. Charles Malo, s'intéressèrent it Nupoléon I", et qu'ils pourront trouver ici quelques documents; 2'parce que Proudhon, à la fin, ébauche l'idée d'un Parallèle entre Napoléon et Louis XII.

Tout cela témoigne d'études patientes, de travaux énormes, et

échafaude les jugements sévères, passionnes, du grand démolisseur «pris de justice et de vérité.

2. Consulter Traité des Grandes Opérations Militaires, par Jomixi.


et quisont presque toujours désavantageuses aux armées qui les entreprennent. Mais les attaques faites en force contre une aile des ennemis, qu'il est souvent possible de tourner, réunissent, ri l'avantage dc ménager lcs hommes, celui de déloger son adversaire de ses positions, et fournissent ri l'agresseur le moyen dc gêner tous ses mouvements, et de lui fairc prendre les disposilians qui l'exposent à une déroule complète. »

Souligné dans Jomini, qui le cite.

Il résulte de ce texte que les militaires, l'époque où écri-

vait Carnot, ne s'étaient Pas encore bien rendu compte de leur propre métier; cela est donné comme nouveauté, tant par le directeur, que par le chaleur; du reste, on ne voit ni le pourquoi, ni le comment de la chose. Carnet invoque ensuite l'expérience Il L'histoire de la guerre actuelle prouve, dit-il. » Il faut croire que, pour les théoriciens antérieurs, rien de positif n'était encore connu. Le récit des guerres de la Révolution, notamment de la première campagne d'Italie, prouve que la plupart des défaites furent dues a l'éparpillement. Les anciens généraux ne se rendaient pas compte de la force collective: ils songeaient à opposer corps à corps; bataillon à bataillon, à envelopper, attaquer de flanc et de front, sans trop se méfier si l'ennemi, se formant en colonne serrée, et fondant en masse, ne les enfoncerait pas à l'aide de cette catapulte.

Carnet, et Napoléon après lui, paraissent avoir été les deux

premiers qui aient nettement compris la puissance de la concentration et du grand principe de la collectivité. Mais chez eux cette idée ne s'élève pas encore à la hauteur d'une philosophie, d'autant qu'à côté de ce principe il y a d'autres manœuvres qui ne paraissent pas s'y ramener directement. Par exemple, l'attaqtce en tirailleur, qui gagna ainsi force batailles. IL faut de l'attention pour comprendre que l'un est l'antithèse de l'autre (attaque en masse, attaque en détail); que, si un bataillon est opposé à un régiment, il ne peut pas l'attaquer en masse, mais il devra le disperser et le détailler.

Une attaque sur tous les points ne peut mener à rien on

se tue un nombre d'hommes égal, et rien n'est décidé. Les petits combats se compensent, et il faut recommencer.

Mais ceci fournit un des plus grands arguments contre la

guerre c'est que, la lutte des forces se neutralisant ainsi, la


guerre perd son caractère de jugement de la force, ou combat judiciaire; plus elle s'étcnd, plus elle deviendrait insignifiante, impossible.

Jomini ajoute aux réflexions de Carnot, dans une note,

cette réflexion qui prouve que lui-même est encore dans le vague des principes

« L'attaque d'une seule aile est toujours avantageuse à

« forces égales (pourquoi? et à quelle condition?) cependant, « avec une très grande supériorité, il convient mieux d'atta« qucr les deux (pourquoi'?). L'attaque sur le centre, loin « d'être une faute, rompt et disperse souvent une armée « ennemie elle offre un succès certain, mais dans le cas -« seulement où la ligne ennemie serait un peu étendue. (Pourquoi encore?)

Or, appliquant les idées que j'ai données, il est facile de

voir que l'attaque d'une aile est avantageuse à forces égales, parce que, si l'année assaillante se rassemble sur un point, pour l'écraser, avant que ce point ne soit secouru, elle pourra ensuite avoir bon marche du reste, bien entendu il condition que l'ennemi ne profite pas du mouvement de concentration pour défaire l'armée.

En cas de grande supériorité, il vaut mieux attaquer il la

fois les deux ailes; en effet, les deux ailes réunics sont, devant une force supérieure, c'omnie une seule; agir autrement, ce seraoffrir [d'adversaire inférieur le moyen de compenser son infériorité et de défaire ensuite toute l'arméc ennemie.

L'attaque sur le centre est bonne quand le centre est

dégarni c'est tout simple, le centre alors est a son tour commc une aile.

En deux mots attaquer le point faible par une force supé-

rieure.

« L'histoire de la guerre actuelle, avait dit Carnot, nous

fournit des exemples du danger d'attaquer uniquement le centre d'une armée ennemie et nous avons vu, dans la dernière campagne, combien la méthode adoptée par les Autrichiens d'agir. sur les ailes et les flancs de nos armées leur avait procuré d'avantages et de succès. Le Directoire insiste particulièrement sur l'observation rigoureuse de ces principcs. »


Le Directoire n'étaitquo l'expression de

qui demandait à attaquer en mime, toujours en massa (sousontendez sur une partie plus faible), et sentait au plus haul, degré quelle énergie donnait nu courage, quelle force au choc la coiuli'ii.saliim do lit succession rapide des ull'orls.

Armistice. On convient de se prévenir tant dl) jours

si l'iirmislieo est illiinilij; ou ne se prévient pas, s'il échoit à jour lixe. Dans le cas où des négociations sont ouvertes pendant. l'armistice, on se prévient île la l'éprise des hostilités, ee qui veut dire <|ii'on n'est pas

PREMIÈRE d'iTALIB DE ItONAPARTE1

C'est, de l'avis unanime, la plus licite, la plus ptirfaitc de

stratégie et tactique, de toutes les campagnes; sa plus pure gloire. C'est l'époque ou il a l'ail le plus avec le moins.

A l'aide îles principes nouveaux qui nous dirigent, tantsur

le droit de la guerre que sur les règles île nmbat qui s'en déiluiseiil, il faut. maintenant apprécier celle campagne, pour laquelle les historiens tels que Tliiers n'ont pas assez, d'éloges. Les opérations sont racontées par .lomini d'une manière assez concise et exacte.

Armée française, 42.400 hommes.

Sur quoi 4.000 hommes de cavateric et pièces de canon,

mal altelées. Le dénùmenl partout.

Deux divisions do réserve en tout 20.000 hommes, sur

lesquels on ne pouvait compter de sitôt.

Heaulieu, octogénaire; )!on;)parte, vingt-sept ans.

27 mars. –Arrivée de Bonaparte à Nice.

Sa première pensée est d'appliquer la maxime dos

Romains, que la guerre nourrit la guerre. Système nouveau, dit Jomini, ellout au détriment des alliés.

2. Deuxième principe. L'armée française était dissé-

i. Cf. Histoire des Guerres de la Révolution, 1196. Jomini,

t. VIU, p. 59.


minée, comme celle des Austro-Sardes. Ilonaparle se niasse vers le ilion Siui-fiiiiuoino, depuis Allure jusqu'à Alotilcnolte. Colli, en Conséquence, propose il Iteiiulieu de Se masser

aussi: mais cului– ci n'en fait rien et se sépare de son col-

Ligne étendue, coupée par des montagnes, ni faillie au

centre. Le tout, puni' appuyer Gênes, donner la main aux Anglais, cl, apparemment, envelopper las républicains.

10 avril. Combat de Vollri. Insignifiant. Les Français

s'en tirent, en se et, à l'incapacité de l'ennemi. A chaque pas (le celte campagne on va voir répéter les mûmes fiitil.es.

Il semble que les Autrichiens clmrclir.Mil un coinhat en

riijle, tel que le voudrait une vraie lutte (le puissances antagonistes, tandis que les Français ne songent purement et simplement qu'lt Ies détruire. On pourrait appeler cela un malentendu. Les Autrichiens se ballant d'une façon, et obéissant d'instinct un principe de droit militaire, tandis que les Français se ballenl d'une autre façon et n'obéissent qu'à une pensée de destruction.

Aussi, de celle manière de faire la guerre, peul-on prédire

une clin.se, 'est, quVw dernière analyse elle n'aboutira pus: les avantages obtenus de celle manière ne sont pas durables; on le voit par l'exemple de Napoléon, donU'empire, laborieussment construit, s'écroule IL la tin de la quinzième année et n'avait même joui jamais que d'une apparence de solidite()80'7).

La bataille de Monlcnolle, )0-lli avril, dure six jours.

« Elle fut livrée, dit Jomini, sur dix points différents, à

Vollri, etc., mais toujours, par une môme masse principale attaquant des parties morcelées. »

Le principe, si élémentaire, et pourtant si vieux, qu'il

suivait était encore si pcu comliris qu'un a eu de la peine t'apercevoir. Jomini le dit ici

« Celle bataille, qui fut plutôt une série de combats qu'une

̃ bataille rangée, a donne lieu it des systèmes ou des raisonnements également faux. On a prétendu que Itonaparte, embrassant un vaste champ de bataille, avec des divisions isolées, les faisait combattre par tles mouvements coïncidents et avait étendu ainsi l'échelle des combinaisons. Il est néan-


moins facile de voir, par l'exposé rapide que nous venons d'en donner, qui) c'est par un système opposé qui! Hoiiiipfirtii u triomphé Lan t .du Cois; qu'il a constammk.nt iiassiîmiiliî sus im.us frapper le grand coup. Sans doute, il les ti onsuitii étendues, mais uïîluil toujours dans une position centrale et afin de séparer de plus en plus les corps ennemis déjà vaincus. Ces engagements multipliés furent le résultat du morcellement dos alliés, de la position du leurs troupes et de la nature montagneuse du pays. Il fallait bien aller chercher ces corps où ils se trouvaient, et il eût été bien difficile de livrer une bataille générale, comme celle de Iéna ou de Wagram, il une année qui couvrait par divisions toutes les cimes de l'Apennin el n'avait pas dix mille hommes réunis sur un inômo point. «

Napoléon lui-même .n'a jamais très bien démêlé le prin-

cipe auquel il devait ses succès, d'autant que quelquefois on avait vu des batailles gagnées contre des masses par des tiraitleurs.

Depuis Napoléon, quel progrès a fait l'art? Un seul.

Pour opérer ces concentrations rapides, « l'élément était le jarret du soldat aussi, disait-il (je ne sais plus a quelle occasion) que Bonaparte gagnait les batailles avec leurs jambes ». Aujourd'hui, on active le jarret, et. l'on fait des régiments de coureurs au pas ijijmnastlquc.

C'est donc en une pensée, une pensée unique, née de l'ins-

tinct révolutionnaire, entrevue, mais encore très peu comprise par Carnot, jamais complètement définie, philosophée par Bonaparte, que consiste la fortune de cclui-ci En masse!

Pensée qui devait réussir, tant que l'ennemi, s'obslinant ù

de vieilles pratiques, ne l'imiterait pas et n'aurait pas appris, par l'art des concentrations ou pur une grande supériorité de forces, à vaincre.

Est-il possible, maintenant, de pousser plus loin l'art de la

guerre '? Non, il n'y a plus que la mécanique qui la fasse aller. La guerre ne. peut pas aller longtemps dans ce système connu de tout le monde, el où la prodigalité du sang des hommes et des trésors triomphe seule.

\m secret ainsi découvert, on voit que Bonaparte, pour


tout le reste, commet sa part de failles et subit sa part assez large d'échecs; mais on n'en parle pas.

Jamais de dispositions pour ta mirai In. Une grandi!

les défauts qu'on a signalés dans sa campagne de Itus.sic, on Jes découvre dans sa première campagne tl'llalic, en .liimini les note eu passant, sans presque y prendre garde, sans se douter lui-même qu'en faisant ainsi la part de l'homme il le dëmolil.

Résultats de la h.'ilaille de Monlenolle séparation des deux

armées alliées; .40 pièces de canon prises; 10.000 hommes perdus par l'ennemi.

12 avril. Monleiiotlc.

13 avril. Jlillesimn, Cosseria.

Échec des défendu par Provera.

Lenteurs de Itcauliuii, fautes sur fautes; il faudrait courir, il se traîne.

Hparpillernenl. de l'armée aulricliienne, le II.

:t avril. lialaillementà Paretlo et Aqui.

Il avril. Hatuillement en marche avec Wukassovich,

par Munl-Pajole sur Sassello.

3 avril. Italaillcmenl sur Monlallo pour soutenir Dego.

4 avril. Halaillcinenl à Degu.

4 avril. Hataillement à Sassollo.

Colli à Monlczeucolo son corps de bataille campé et

deux divisions sous Ce va et l'eraldo.

J4 avril. Halaille de Dego. Provera se rend. Mais

en munie temps, Wukassovich obtient un avantage considérable à Sassello. Par hasard, il s'y trouvait en forces. (Attaque avec ensemble et précision cela agit comme une machine!) i"i avril. Wukassovicb écrasé il son tour par Bonaparte,

plus fort que lui.

18 orriV. Échec de Sérurier à Saint-Michel. Passage

du Tanaro. Faute du général en chef, qui va trop vile, plus vite que les jambes des soldats, et ne se donne pas 'la peine de reconnaître les lieux.

A cette heure, les troupes découragées, fatiguées, la posi-

tion grave: conseil de guerre lenii; on décide d'attaquer Colli, qui rend à Konaparle le service de se retirer, malgré son succès de la veille.


Il Bonaparte attribue lu retraite de Colli au découragement,

et il se trompe en cola. »

22 (wnl. Mondovi belle défense de Colli. Perle

des Piémonlais, t.000 hommes; 8 canons; 11 drapeaux. El les Français'?.

27 avril. Armistice signe par le Piémont le roi pour-

rait facilement mettre sur pied hommes; réunies il celles de Iteuulicu, ces troupes auraient eu bon marché des Français, alors dans la dernière détresse. Il n'eu fut rien. La peur gagne la cour de Turin. Bonaparte fut heureux.: Jomini l'avoue.

Supposez seulement aux Autrichiens un général de trente

ans, au lieu d'un do quatre-vingts l'idée de se concentrer toujours au lieu de se diviser, et les Français sont perdus. Provera, Colli, Argcntcau, Wukassovich, dans les dillërents combats, où ils obtinrent l'avantage, prouvèrent que la bravoure était égale dans les deux années.

Tout arrive à souhait pour Bonaparte les fautes de lu cour

de Vienne, la vieillesse tardive de Heaulieu, la couardise ,le la cour Turin, le pédantisme germanique, enlhi la séparation des deux armées, et l'annulation du Piémont par l'armistice. Il n'y a, du c-ùlé des alliés, que le soldat et l'officier en sous-ordre qui fassent bien leur métier. Vraiment, sans méconnaître en rien l'activité et l'intelligence de Bonaparte, je ne puis m'empôcher de faire remarquer que cette suite de chances heureuses diminue de beaucoup sa gloire. Il n'est pas vrai qu'il ait triomphe des forces qu'il avait devant lui; elles se sont divisées d'elles-mêmes, et puis retirées!

Le la mai, la cour de Turin signe avecle Directoire un traité

encore plus ridicule qui montre, à nu, le peu de sens politiclue des deux gouvernements. Tandis que l'un Coffre, l'autre ne songe qu'à humilicr et dépouiller Jomini fait cette observation sensée, qui condamne la plupart des conquêtes, et subsidiairemenl. tout le système de guerre

« Il n'y a jamais de traité sur, ni de neutralité parfaite,

c entre des vainqueurs exigeants et' le peuple auquel ils Il imposent des conditions vexatoires. »

Exténué, selon Jomini lui-même, le roi de Piémont, plus

que l'hahilet6 de Bonaparte, fit la fortune des Français.

C'est pourtant après ce début, qui aurait dû éclairer Bona-


parte sur sa faiblesse réelle et l'immense part dc la fortune dana ses succès, qu'il rêve du conquérir déjà l'Italie et l'Autriche. écrit au Directoire:

Si vous ne vous accordez pas avec le roi de Sardaigne,

« je marcherai sur Turin. En allendant, je marche sur « Beaulieu, jo l'oblige à repasser le Pô, je le passe iniméIl dialeincnl après lui, je m'empare de toute la Lombardie et, « avant un moia, j'espère être sur les montagnes du Tyrol, » trouver, Tannée du Ilhin, et porter de conccrt la guerre « dans la liaviùn; »

N'est-ce pas. l'homme de ISOIi, 1808,1809,1812 et

Les sols disent. que la fortune le gain! Eh non-, il était

gâte d'avance, intempérant de nature,excessif d'imagination, toujours excentrique, toujours démesuré, toujours hors des bornes de la réalité et du possible, ne comptant ni avec les forces de ses soldats, ni avec les distances, ni avec lVimemi; au fond, imprévoyant, car des ltlans, des combinaisons, des spéculations stratégiques ne sont pas de la prlvoyance.

Au reste, il fallait un pareil homme, avec la fougue des

Français, pour rompre la vieille stratégie et montrer, au vrai, ce que c'est que la guerre.

7 mai. Passage du Pô. En signant l'armistice avec les

Piémonlais, Honaparle s'était réservé la faculté de passer le l'ù fi Valence. Beaulieu ne manqua pas de prendre cette annonce au pied de la leltre, ce qui le conduisit il une série de manœuvres fausses elle mit finalement dans une mauvaise position. Pauvre vieux! Le Pô fut passé à Plaisance, c'est-à-dire beaucoup plus Las, et Ileaulieu tourné el coupé. Alors de nouveau l'armée autrichienne, décousue, est

battue en détail.

mai. Convention avec le duc de Parme. Celui-ci

fait comme le roi de Piémont au lieu de se défendre, il s'offre, on le rançonne 2 millions de contribution 1.700 chevaux.

10 tnai. Passage de t'Adda, Lodi. Le passage est mal

défendu, par suite des dispositions de Beaulieu, qui ne cesse de morceler ses troupes. « Ou peut, dit Jomini, embras« ser beaucoup d'opérations et former de grands détache-


k ments, avec les innombrables armées que nous avons vues Il dans les dernières guerres; mais avec de petites armons, ce système ne peut manquer d'être funeste, et les Aulri« chiens en tirent une triste expérience. »

Le passage de l'Adda, Lmli, est, très beau, très héroïque

surtout de la part tics soldats; Bonaparte fait son métier avec précision, vigueur, temps: une demi-heure de retard, il ne passait pas. Déjà les Autrichiens s'occupaient à démolir le pont. Enlin, c'était arriver juste.

Mais, comme le montre Jouiiiii, le passage ne fut pas

sérieusement défendu.

JS mai. Entrée à Milan.

Le duc de .Motlènc, fugitif, rançonné 7.U00.000 francs;

a.liOO.OOO francs de fournitures; 20 tableaux.

Milan, dont ou avait appelé le peuple à la liberté, rau-

çonné et l'entretien d'une garnison.

Proclamation de Milan superbe blague, pleine de vantc-

ries, de promesses fallacieuses; style de 93. Beaucoup trop vantée.

A ce moment le Directoire, qui juge très bien le jeune

général et se méfie de son intempérance, non moins que de ses allures peu soumises, conçoit le projet de diviser le commandement, de l'armée d'Italie. (Lettre du Directoire, du 7 mai, reçue par Uonaparle le Historiens et militaires ont condamne à l'envi cette pensée du Directoire qui, en elle-même etstralégii|uenient parlant, n'était pas bonne; mais que la présomption et le caractère de Itoriaparte justifiaient. C'est de ceci qu'il faut tenir compte. Si le commandement eut été divisé, possible que la conquête de l'Italie n'eût pas été opérée aussi vite; mais le traité de Campo-Formio, que se permit de faire Itonaparlc dc son chef, n'aurait pas eu lieu.

« lionnpnrle, dit Jomini, ne voulut pas compromettre sa

yloire, en donnant les mains à cet arrangement; elles Directeurs revinrent sur leur décision. » Ils liront bien; mais il fallait soutenir cette sévérité.

2,; mai. La Loinbardie se soulève contre les Français,

après la proclamation du lii, ou l'on parlait de refaire l'œuvre des Jirutus, des Scipion

Jomini se scandalise de voir des nobles et des prêtres y.

tremper' d'accord avec la canaille des villes et des carn-


pannes! Comment! Le peuple, le clergé, les paysans, les gens des villes, mais c'est tout li! peuple! Vnilii ce qui prouve que Itouaparlc n'était pas un bien grand politique: disant une chose, eu faisant une ̃itil.ro Irompiinl, rusant, rançoniiant et pillant.

C'est ici que Jomiui pose une théorie contre laquelle tout

écrivain doit protester:

« Le danger était pressant, car l'incendie pouvait devenir

général. Dans une position semblable, il n'y a pas à balan«cer: une grande armée peut quelquefois mépriser ces « soulèvements, qu'il est toujours aise d'étouffer, quand on Il peut faire do forts détachements pour les combattre; mais « la perte d'une petite armée serait le résultat infaillible de « la moindre hésitation. Le droit public moderne avait ,jus« qu'alors tire une ligne de démarcation positive entre le citoyen paisible et les troupes de ligne, et partout les habi« lants qui prenaient part aux hostilités, sans faire partie do « l'armée régulière, étaient traités comme des révoltes. Si "jamais ce principe pouvait être appliqué, c'était inconles« lablemcnl à cette occasion, où la plus petite faiblesse eût Il amené un soulèvement général.

Suit le récit de la punition de Pavie, des fusillades et des

incendies de villages, etc. M. Tliicrs, dans son Histoire de la Révolution, approuve cela. Honte!

20 mai. La municipalité de Pavie fusillée. Les guerres

de Bonaparte no sont pas dos luttes de la force, mais de vrais brigandages, des assassinats.

mal. l'assage du lfincio (toujours à la suite de l'armée

de Beau lieu).

3,/utnl Bonaparte avec son quartier général à Vérone,

ville vénitienne, et neutre. Arrivé sur l'Adige, Bonaparle reconnaît l'impossibilité de pénétrer en Allemagne. En en'el, il a si bien travaillé que le Pape, captes, le Piémont, les ducs, toute l'Italie lui est hostile! Ne voila- '-il pas un grand politique, qui a besoin de se heurter aux difficultés, pour se convaincre qu'elles existent

Que faire alors? Achever d'écraser et de piller. l'Italie:

marche sur Home (Masséna en observation Manloue investi). 1. Cf. Jomini, qui réputé ici les partisans de ce projet.


S juin. Armistice avec Naples. Celle-ci fait comme

les princes et le roi de Piémont. elle s'offre. Heureux Bonaparte!

Itévolle il Arquata, étui de fiénes fusillades, incendies,

et ce qui s'ensuit, comme en Lomhardie.

juin. Augereau ù Bologne, Prise du château

d'L'rbin, le i7, par lîonapartc. Le gouverneur fait comme son maître, le duc de Modène, il se rend.

20 juin. Armistice avec le Pape. Contribution de

guerre de 20 millions; pillagc des musées; occupation de Livourne.

£7 juin. Expulsion des Anglais.

29, /«in. La citadelle de Alilau capitule. Les garnisons

se rendent les armes, canons, munitions tombent en masse au pouvoir de l'ennemi. Tout cela, parce que, dès le début, on s'est faitecharper comme un troupeau de dindons; parce que les généraux alliés ne s'entendent pas; que l3eaulieu est vieux, octogénaire, crédule, facile il' mystifier, et tellement imbu de sa routine stratégique qu'il fait toujours juste ce qu'il faut pour se faire battre.

Fin juin. Hévoltc de Lugo, traitée comme celle de Pavie

et d'Arquata..tomini, dont la conscience murmure, mais que le métier de soldat séduit, dit ici en note

« Nous le répétions ces exemples, quoique sévères,

étaient indispensables et autorises par le droit de la tjucrre. « Le principe qui a décide les gouvernements à en user ainsi « envers les habitants qui ne font pas partie de l'armée « affaiblit, il la vérité, les résistances nationales; mais il a aussi des avantages, surtout celui de diminuer les maux « de la guerre. (Oui, en livrant ma hache j'échappe l'as.« sassinat!) On fait effectivement un mal pour en éviter un « plus grand, car les exemples se bornent aux premières « révoltes lorsqu'elles continuent et deviennent générales, « alors on est forcé à suspendre une rigueur, qui dégéné« remit en barbarie, et la guerre se change en lutte natioToutcelv est gachis pur. Les premières révoltes punies ne

sont que Je signal de la lutte nationale, qu'on empoche par la terreur. Ici se pose un principe que j'ai signalé ailleurs Toute armée se devrait nourrir elle-môine c'est par lit

,justement que la nation montre sa force. Celle qui vit de


ançonnoiucnl el de pillage fait elle-même nmvrc de brigand.

Tout pays qui ne pnut ôlre conquis à celle condition suc-

combe injustement; il n'y a pas de raison suffisante d'ineorpension.

G juillet. Siège de MnnLoiie. La tranchée ouverte.

29 juillet. Wurmscr remplace Beaitlieu.

'( C'eslune grande question résoudre, si, dans le système

« de la guerre actuelle, une tnultilude de places forles n'est « pas plus nuisible qu'utile je crois qu'on peut hardiment « prononcer, l'affirmer. »

Voir, dans Jomini', le récit de la guerre sur le Hhin, qui

e faisait en même temps, par Jourdan el Moreau. Là, on

vait faire à plus forte partie, à l'archiduc Charles; on y

trouve, comme en Italie, des succès et des revers, produits les uns et les autres par les mêmes causes. Mais on s'occupe beaucoup moins de ces campagnes de Moreau et deJourdan, qui n'ont pas le brillant et le solennel de l'armée d'Italie.

Tour à tour, les armées se battent, se repoussent, selon

que les généraux réussissent à pratiquer le principe, encore confus leurs yeux, de la supériorité de forces sur un point donné, et de la concentration. C'est dans celle campagne que Moreau eut lieu de pratiquer les instructions de Carnol.

Chose curieuse, qu'on peut affirmer hardiment, et qui

prouve que l'unique idée qui constitue toute la stratégie et qui est une idée économique, n'ayant pas encore pu se dégager avec une netteté philosophique jusqu'au milieu du xix" siècle, la guerre est opposée â la conception de l'idée, même de son idée propre, et de sa pratique.

Elle ne sait pas son métier et sa pratique.

La guerre, par nature, est heiieli-k a la connaissance; elle

en a horrcur; c'est pour elle de l'idéologie.

Je passe sur le récit des opérations des deux armées de

Sambre et Meuse et de Rhin et Moselle, pendant les mois de juin, ,juillet et août; opérations qu'il est bon de relire 1. Opinion sur les plates fortes,


cependant, ne fut-ce que pour juger des vraies causes qui font les victoires, et par suite les réputations..

Au commencement, d'août, la position de lionaparte en

Italie dévouait de plus en plus mauvaise, tant par sa détestable politique que parcelle du Directoire. Le Piémont, irrité et humilié, le Pape vexé, assistant les Napolitains, les Harbels dans les Alpes détruisant les détachements, tout. prouvait que l'Italie, qu'il eût été possible sans doute de soulever contre les Autrichiens, était pleine de colère contre nous. La chance était belle pour un général, qui, au lieu de rêver l'enveloppement des Français, n'eut songé qu'à les atteindre avec une masse supérieure.

Armée active 2O.7iiO

Corps de blocus l».20U

Division, dans ce groupe. )0.t20

o2.1G9

20 juillet. Wurmser commence son mouvement. « Son

« plan d'attaque, rédigé, dit-on, par le chef « ̃SVeyrothcr, fut basé sur les principes qui caractérisent toutes les combinaisons de cet ol'licier; il voulut cnvelop•' per l'açmée française et l'engagea dans des mouvements « trop étendus. »

L'armée autrichienne, divisée en I rois corps, s'avance:

L'aile gauche, par la rive gauche de l'Adige

Le centre, entre l'Adige et le lac de (iarde

3° L'aile droite par le côté occidental du lac.

Jomini fait ressortir l'absurdité de ces dispositions, en face

d'un adversaire concenl.ré. Ce qui prouve que là fut toute la faute, c'est que Bonaparte fut d'abord surpris avant d'avoir pris aucune mesure, et Masséna battu à la Corona, par Uavidowich; Soult battu en même temps, Salo, par (juardanowich; tandis que, si l'armée autrichienne était arrivée en masse, après avoir complété la déroule de Masséna, elle aurait défait ensuite le général en chef.


Bonaparte, d'abord alarmé, songe t se retirer sur le Pô Augereau l'en empêche, et l'on prend la résolution d'attendre l'ennemi divisé, et de le battre séparément: nouvelle preuve que ce grand principe de Napoléon ne fut autre que l'inspiration du peuple de Paris, représenté alors par Augereau, enfant du faubourg.

Le reste est connu: tandis que Wurmser fait son entrée solennelle à Dlilan, Guardanowich est battu à l'ouest du lac de Garde, le prince de Reuss, à Lonato, par Bonaparte, etc. A Lonato, les Autrichiens se déploient pour envelopper les Français, qui se forment en colonne serrée et les écrasent. Multiplicité et complication de combat plus grandes encore qu'à Montenottc. Il faut en voir les détails. Voici les principaux

juillet. Combat de Salo et de la Gorona, où les Français sont battus

30 juillet. Levée du siège de

3 août. Combat de Lonato et Castiglione la, Bonaparte faillit être pris;

•4- août. Combat de Gavardo

5 août. Bataille de Casliglione;

6 août. Wurmser est rejeté dans le Tyrol.

La présence d'esprit de Bonaparte à Lonato est grandement admirée et louée il s'en tire par le mensonge et le toupet, mais il montre, en même temps, la Lonhotnic de ces Allemands, qui se laissent attraper partout.

Castigtione la bataille est gagnée de la même manière qu'à Lonato: perte, 20 canons; 2.000 tués et blessés; 1.000 prisonniers. Journée décisive, qui refoule Wurmser, et entraîne tous les malheurs dont son armée fut accablée peu après.

On ne peut dissimuler, dit ici Jomiui, que, si Bonaparte « combina bien ses dispositions d'attaque, il ne mit pas dans « leur exécution la vigueur déployée au début de la campigne. Wurmser ne fut point entauv sérieusement; et le résultat de la journée ne fut point ce que l'on était en « droit d'cn attendre, vu la situation respective des deux « armées. »


Bonaparte, est déjà au-dessous de sa propre tactique, qu'il

ne saisit qu'à moitié. Il est étonné il est entraîné par Augereau, plus qu'il n'entraîne lui-même il n'échappa que piir l'extrême absurdité de l'ennemi devant la force d'un principe. En réalité, Bonaparte et Wurmser ne sont ici de rien c'est la raison française et la raison autrichienne qui sont aux prises.

Jomini signale ici une autre faute de Bonaparte de la même

nature que celle qu'il reproche aux Autrichiens.

Le août, lendemain de Castiglione, Augereau et Masséna

battent de nouveau les Autrichiens à Peschiera Cette affaire, dit l'historien, aurait eu les résultats les plus bril« lants si toute l'armée française, inutilement disséminée le « long du Mincio, eût débouché de Peschiera pour accabler la droite (les Impériaux en butte a leurs coups. »

On voit qu'une part du mérite de Bonaparte, dans sa tac-

tique, lui vient de ce qu'il n'en a pas d'autres s'il avait eu le 'choix, il aurait fait comme les Autrichiens. Environné dc toutes parts, il ne gardait plus aussi bien son sang-froid.

Le J2 août, tous les postes de Guardanowich attaqués et

enlevés.

Le prince de Heuss, qui les commandait, ayant dissé-

n miné une brigade dans cinq ou six postes, le plus fort de ces détachements n'était que de 7 à 800 hommes.

1 or, qui commandait, dans ces petits combats? Bonaparte ? 'non. C'étaient Saint-Hilaire et Saurot, qui suivaient le mouvement de concentration et obéissaient au principe, sans s'en inquiéter autrement.

Concentration et vitesse tout est là; en 1796, c'était coin-

mandé. Bonaparte l'a fait mais avec moins de conscience que. les historiens admirateurs le racontent, et surtout moins d'initiative.

nctour offensif de Wurmser. Le cabinet de Vienne

envoie le général du génie Lancr pour faire un nouveau plan, consistant à descendre tout à la fois par la Brenta et l'Adige, pendant que Davidowich garderait le Tyrol, prêt à descendre l'Adige à son tour. On espérait ainsi forcer les


Républicains de quitter leur position entre l'Adige et le Mincio. « Ce plan, dit Jomini, était encore plus mauvais que « le premier; il n'aurait pas mieux réussi, quand même les « Français n'auraient pas arrêté son exécution des le premier « pas.

Bonaparte rêve une incursion sur Trieste 1.

Mais il est ramené à l'ennemi.

Concentration vers l'extrémité du lac de Garde, par où

doit arriver l'ennemi le long de l'Adige.

4 septembre. Combats de San-Marco et Mori.

Combat de Calliano ou Roveredo.

5 septembre. .Masséna entre dans Trenta. Dispersion de

la première moitié de l'armée autrichienne par l'armée française, celle-ci matériellement en forces supérieures. La déroule de Davidowich est achevée le 6 ou 7 de l'autre côté de la petite rivière qui se jette dans l'Adige au-dessus de Trenta.

Pendant ce temps-tu, Wurmser continue de faire tout ce

qui doit le perdre il continue t't s'éloigner de sa droite (Davidovich), qui, de son côté, ne songe pas du tout à se concentrer sur le Maréchal, mais fait une retraite sur Neumark. C'est il n'y pas croire.

Alors Bonaparte se rabat sur Wurmser.

septembre. Combat sur la Brenta. Les Croates se

défendent bien; 1.200 à UiOO hommes pris, plus cinq pièces de canon vingt lieues en deux jours.

Wurmser suppose que Bonaparte va en avant; et, tout à

coup, celui-ci lui tombe dessus à Bassano.

8 septembre. Combat de Bassano. On dirait un torrent

qui vient des montagnes. Les Autrichiens battus.

Alors Wurmser se porte sur Vicence, avec 14.000 hommes

qui lui restent. Nouvelle concentration des Français de tous les poinK de l'.horizon pour l'enfermer.

10 septembre. Wurmser se repose, pendant que, de toutes

parts, on lui court sus. Toutefois, par une omission de détruire le pont de Villa-Impenta, il s'échappe et arrive dans Mantoue;


11 1 septembre. Porte du général Charlon avec J00 hommes

qui posent, les armes.

̃ J2 septembre, Capitulation de Lcgnago.

f septembre. Combat sous Mantoue Masséna repoussé,

après avoir surpris l'ennemi.

15 septembre. Araires de Saint-Georges et de In Favorite.

Il ne s'agit que d'un combat, quoi qu'il porte deux noms, ceux des deux forts en avaut de Mantone. En suivant attentivement le récit du combaL dans toutes ses pliases, sur la carte de Jomini, on voit que la victoire est constamment déterminé par la supériorité de forces, et que toute l'habileté consiste à manier le marteau-pilon.

D'abord, Wurmser ne connaît pas la supériorité de l'en-

nemi, qui tient cachée une nombreuse réserve commandée par Masséna.

H remporte quelque avantage à l'aile droite sur Augereau,

puis attaque sur sa gauche, près de la Favorite il dégarnit son centre, qui est aussitôt enfoncé par la 32°, commandée par Rampon sous Masséna.

Ces deux journées furent coûteuses aux deux partis.

La campagne finit là le temps, en septembre et octobre,

se passe en sorties et travaux de siège.

Alors commence la propagande révolutionnaire en Italie;

c'est L'oeuvre du Directoire; Bonaparte s'y monlre déjà modéré, favorable aux nobles et aux prêtres. Sans doute, il ne fallait rien brusquer; mais il y a une manière d'attaquer les institutions vieillies par les principes nouveaux, qui est d'autant plus efficace qu'elle ménage davantage les per- sonnes et Bonaparte n'entend rien à cette propagande, mais rien. Les commissaires de la République n'y entendent guère plus que lui.

Révolution de Rcggio.

Révolution à lfodène.

Révolution à Bologne et à Ferrare.

On trompe, on leurre la République de Venise.

Maladresse de Salicetti et Gareau, commissaires du Direc-

toire, signalée par Jomini.


10 octobre.. Traité cnlro In République et la cour des

Doux-Sieiles.

Traité avec Grtnes; affaire de Cône, débarrassée des

Anglais.

Am.Nzi, cinquante-cinq ans, tris brave capitaine, officier

de mérite, dit .loinini, mais qui, pas lllus que ses prédécesseurs, n'élail Comme si ces secrets étaient si merveilleux! Comme si

quelqu'un, celle époque, en avait eu lo monopole!

Armée française,au moment où Alvin/.i prend le comman-

dement bomines en tout, dont 37.000 au plus pouvaient entrer en lignn.

Positions des différents corps de l'armée, a ce moment,

toules d'avertissement.

Le problème, pour Alvinzi, est d'opérer la jonclion avec

Wurmser, de manière à porter l'année impériale à 00.000 hommes,

Le problème, pour Ronaparlc, est d'empêcher cette jonc-

lion et. de détruire la nouvelle {innée de secours.

Qui! va-l-on faire? Honaparte attend ce que fera l'ennemi;

c'est à Alvin/.i de commencer.

Première faute. Rien de lllus aisé quede réuniren uneseulc

masse les troupes impériales séparées en deux corps divisés, et loin l'un de l'aulro, puisqu'ils étaient loin de ta portée de l'ennemi; puis de les faire marcher ensemble sur Manloue. Au lieu de cela, Alvin/.i persiste dans le système de division et donne rendez-vous à ses lieutenants, sur le Bas-Adige l'un venant de Gorizia et ISassano, l'autre de N'eumarek.

Bonaparte se concentre Monlebello.

2 novembre. \'aubois attaque le premier, victorieux

Lawis, battu à I.eiroiv-ano.

4 novembre. Battu de nouveau Calliano.

fi novembre. Bonaparte attaque Alvinzi Carmignano

action meurtrière, sans résultai. Pertes balancées si cela continue,l'armée est perdue.

Ces deux premières actions sont donc nulles. Si Bonaparte

n'en était pas sûr, il n'eût pas dû les risquer. Jomini ne le dit pas il ne dit rien.


7 novembre. L'armée française se replie sur Vérone.

H novembre. Davidowich débouche dans la furie de

Howredo; Yaubois se relranchi; à droite de l'Atliiço, à Itivoli. CI! munie jour, les Autrichiens sont à Montebello, (|u'avait

quille llonn[Hirle ils se Irouvuicnl, de fait, concentrés ou en train de se concentrer, mais ils n'en feront rien.

11 novembre. Alvin/i marche sur Villnnova, pour y

attendre sa droite, arrêtée à Uivoli.

12 novembre. Attaque de Bonaparte: combat de Caldiero.

Les Français repousses par )a.force supérieure d'Alvin/.i. Ah si celui-ci se tenait toujours ainsi ramasse', et ferme!

13, novembre. Journées perdues par les Autrichiens,

qui, dans le même temps, auraient pu opérer leur jonction avec Wurnisor. Bonaparte était perdu. Au lieu de cela, Alvinzi délibère et imagine d'aller attaquer Vérone, d'une part et, de l'autre, d'aller, à Zevio, cinq lieues de Vérone, chercher un passage

Cependant la position de Bonaparte n'en vaut guère mieux.

Battu, repoussé partout, il réunit son conscil de guerre comme h l'arrivée de Wurinser et prend le parti qu'on sait, qu'a célébré M. ïhiers.

Il se trouve qu'Alvinzi est concentre; bien plus, qu'il s'ap-

proche de Mantouc la question est donc de le faire rétrograder et, par là, de le forcer se diviser de nouveau, en menaçant ses DEnniknEs, ses communications. Un plus avisé qu'Alviiui aurait commence par se joindre a Wurmser et à Davidowich, négligeant tout le reste point du tout, il donne dans le piège, mais avant d'être battu fera encore bien du mal aux Français.

Ici se place une lettre de Bonaparte au Directoire.

Prévoyant sa défaite, il prend ses mesures, comme les

médecins qu'on appelle au lit d'un malade désespéré, pour que, s'il sort vainqueur, la louange soit toute a lui; s'il succombe, on n'ait rien à lui reprocher. M. Tliiers ne peut assez admirer la grandeur d'Ame de celle epitre, monument de blagueuse rouerie.

Bonaparte, dit Jomini, avait démêlé le caractère d'Al-

« vinzi. Les événements venaient de lui prouver que, brave, « ferme, el doué de touteslcs qualités qui constituent un bon


<( ofllcici", son antagoniste n'entendait rien il la stnilèyie. Il Jomini so inni|ue de ses lecteurs, en donnant, le nom du

stratégie au nouveau strtUwjiunc par lecluel Bonaparte va se tirer (rembarras.

« Il supposa qu'Alvinzi ne verrait dans son mouvement

sur San-Ilonifaeio que ses rnmiminicalions menacées et « la nécessité de voler à leur défense.

Du reste, a,joule-t-il, et dans la conjoncture, lionti parle

n'avait plus d'autre chance. Il

Quand il s'agit de se sauver, j'admets que la ruse soit per-

mise je dis que- Ilonaparle fil très bien mais, de grâce, ne donnons pas le nom do science à de (elles rubriques, et n'apC'est se moquer et de la science et du génie.

Jomiui réfute l'opinion de ceux qui ont prétendu que le

plan de Bonaparte avait été de combattre sur une chaussée, et qu'à cet effet il avait choisi à dessein les deux chaussées de l'orcile et Arcole. M. Thiers a fait valoiî ce thème. II n'en est rien, <lil Jomini Honaparte serait allé passer l'Adige plus basque Itonco s'il n'avait tenu ménager les heures; d'autant que, son mouvement étant offensif, les marais étaient un obstacle pour cola. Puis il ne connaissait pas le terrain. Bref, ce fut une i-mute, dit Jomini, qui faillit devenir fatale. La preuve de ce que dit Jomini se trouve dans l'événe-

ment Augereau ni Bonaparte ne purenl, forcer le passage d'Aréole; il fallut battre en retraite, repasser l'Adige, et venir se reformer à Kouco.

La bataille dure trois jours, 1;>, 10 et 17.

Nuit du i au lii novembre. Départ de Vérone, rive droite

de l'Adige, et arrivée à Itonco, six lieues au moins.

15 novembre malin. Passage de l'Adige Augereau prend

la chaussée de droite, sur Arcole; Masséna, celle de gauche, sur l'orcile, remontant l'Adige mùme.

Alvin/.i, comme l'avait, prévu Honaparte, avait expédié des

renforts sur les mêmes points: Augereau ne peut pas passer

Lannes, Verdier, lion, Verne, Vignole, blessés; Muiron,

tue; Bonaparte jeté dans un fosse. On ne peut pas passer! Retraite derrière llouco, rive droite.


Premier échec; toutefois, il y a un avantage: le théâtre de

la guerre est changé; la jonction d'Àvinzi et Davidowich, rolarddo.

Situation, du reste, plus embarrassante que le premier

jour.

Pourquoi ne pas chercher un passage plus bas?

Pourquoi ne pas descendre le pont lui-môme?

Jomini ne se prononce il ne sait pas, dit-il, ce qui a

déterminé le général en chef. Moi, je crois qu'il était dans un extrême embarras.

16 novembre. On marche de nouveau sur les chaussées,

après avoir passé sur la rive gauche. Les Autrichiens sont rejetés par Masséna dans Porciin; Augereau ne réussit pas mieux que la veillc sur Aréole.

La journée finit comme la veille les Français reviennent

derrière l'Adige; les Autrichiens se retirent derrière Arcole. Au point où en sont les choses, le succès dépend d'un

passage de l'Alpon, torrent d'Arcole, vers son confluent. Un pont futconstruit, une demi-lieue plus basque Ronco; ce qui prouve la faute de la veille.

novembre. L'armée passe l'Alpon malgré les Autri-

chiens.

Alors, la position des Français est une grande concentra-

tion ils sont à Porcile; leur centre, vers le pont de Ronco; la droite, tournant Arcole. Les Autrichiens, qui avaient enfin cédé-la victoire, se trouventpris comme dans une souricière leur perte fut de 7 à 8.000 hommes tués, blessés, prisonniers. On n'a pas indiqué celle des Français.

A la suite de cette lutte de soixante-douze heures, Alvinzi

se replie sur Vicence pour se refaire; Bonaparte force Davidowich de s'enfuir, non sans grandes pertes dans les gorges; Wurmser tente une sortie, et est repoussé. Davidowich, après son succès contre Vaubois, était resté huit jours sans rien faire; Wurmser aussi

Finalement, dit Jomini, le défaut de concert entre les

« corps partant de bases différentes, pour marcher vers un « point central, occupr par une masse ennemie supérieur « à chacun d'eux, fut la cause première des désastres qui « accablèrent les Autrichiens, en fournissant Bonaparte, « l'occasion d'employer avec succès sa manœuvre favorite. Il


Non pas sienne; mais française. Car il ne l'emploie que

force et contraint.

Entre temps, le Directoire, du se comporte coutme

les Autrichiens. Il eût fallu, dit Jomini, porter l'armée d'flftlie 70.000 hommes ct lui donner une réserve de 2!J à 30.000 hommes dans les Alpes. Les troupes à l'intérieur ne manquaient pcts mais on voulait garder la Hollande, surveiller la Vendée, et faire une descente en Irlande. Disséminationl On ne songeait qu'à conquérir, envahir, absorber, tandis qu'il eût fallu se sauver d'abord.

Fin décembre. Alvinzi reprend l'offensive.

Armée d'Italie, à ce moment, 40.000 hommes (nat.urelle-

ment, on recevait toujours quelques renforts).

7 janvier 1-il.)7. L'armée autrichienne se met en mouve-

ment.

Le plan de cette nouvelle expédition n'est toujours pas

mieux conçu: au contraire, on s'enfonce de plus en plus dans la mauvaise voie: t° d'un côté, le centre et la droite doivent descendre entre le lac de (larde et l'Adige, sur Rivoli; 2° de l'autre, l'rovera par Padoue, et Legnago, sur Maù.touc. On ne sort pas de ridée folle d'attaquer l'ennemi par devant et par derrière, comme si, pour peu qu'il se remue, qu'il reparte d'un cote ou de l'autre, sans attendre qu'on le serre, on ne devrait pas être écrasé par lui. Mais, encore une fois, il n'y a pas besoin la ni de génie, ni de combinaisons, ni 'de manœuvres; c'est du gros bon sens. Les batailles élaient gagnées d'avance, si les Français voulaient seulement courir sus a l'ennemi. Or, quand il leur arrivait de deux points, éloignés l'un de l'autre de ou 25 lieues, bien placé entre deux, il est clair que, faisant la moitié dit chemin, il avait le temps de se défaire d'une des armées avant que l'autre en sût rien. Il ne fallait plns que la pratique vulgaire, le fiât sccimdum artem du- parmacien.

Bonaparte et ses successeurs y ont mis beaucoup trop d'ap-

pareil qu'on juge tout cela de près; et, hormis le grandiose des manœuvres et les résultats, cela ne peut qu'inspirer de la pitié.

« Donc, le janvier, l'année autrichienne part de Bussana,


« remonte la se dirige par un long circuit sur lloveredo, pour venir se faire battre, insolée à Rivoli! »

Voilà toute l'histoire. Sont-ils bûtes, ces Autrichiens

10 janvier. Départ de Bonaparte de Bologne vers son

centre, qui est A'érone.

12 janvier. Jonction d'Alvinzi il Itevercdo avec Davi-

doiviclt; il s'avance sur Alla. Provcrasur le Bas-Adige.

Nouvelle bataille très compliquée de liivoli.

l'A-il-iS-lù janvier. Rivoli et 2° Sainl-Gcorgca.

Il faut lire attentivement dans Jomini, carte sous les yeux,

le récit de ces combats. On s'y convaincra, quant aux hommes, sauf la différencie des caractères, que la bravoure fut égale des deux parts, et que l'événement dépendit toujours des mêmes causes.

Il s'en fallut de peu qu'Alvinzi ne gagnât ]a bataille sur le

plateau de Rivoli cela tint à une circonstance, qu'on no fait pas ressurtir suffisamment. Sans doute la manie autrichienne d'envelopper l'ennemi était vicieuse, absurde même cependant, en exécutant cette manœuvre, il arrivait parfois que les corps enveloppants se rapprochaient de si près qu'ils ne faisaient plus qu'une masse, laquelle alors agissait avec supériorité, accablait les Français leur tour. C'est ce qui eut lieu à- Rivoli. Laissant de côté les défaits, on voit Joubmï, d'abord refoulé de son poste de la Coronca, qui est forcé de se retirer sur Rivoli si les Autrichiens eussent continué de marcher en force, ils s'emparaient du plateau, t'armée française n'y étant pas encore réunie, et la bataille était perdue pour les républicains.

D'autre part, si le corps de Guadanowich, chargé de débou-

cher sur le même plateau par la droite des Français et par le ravin d'Osteria, était arrivé seulement dix minutes plus ̃̃, tôt, ayant 20 ou 30 bataillons sur le sommet, avec de l'artillerie, an lieu de 1.000 ou 2.000 hommes, il aurail, soutenu le choc de Bonaparte, donné le temps au reste de ce corps de se déployer, et la bataille était encore perdue.

En fin, si un troisième corps d'Autrichiens, chargé de prendre

t'armée française en queue, après avoir fait un immense détour, fut arrivé cinq ou six heures plus tôt, comme on y comptait, il eût occupé une partie de l'armée française sutli-


santé pour que le centre fùt retenu dans une infériorité constante; alors encore la babille était perdue.

Quanta l'aile gauche des Autrichiens, forcée de capituler

le 10, devant Mantoue, après avoir été traquée par toute l'armée française, elle se trouva enveloppée clle-mômc et perdue suite ressource.

Ce n'était pas tout que de concevoir, en présence du

plan d'Alvinzi, un plan contraire; d'opposer la lactique de l'enveloppement, celle de la concentration. Il fallait se mouvoir avec assez de rapidité, pour empocher que Itt manœuvre d'enveloppement ne devînt manœuvre de concentration, ce qui faillit arriver à Rivoli, par la faute de Bonaparte, occupé à Bolo'gne, quand Alviuzi commença son mouvement et qui ne put réunir toutes ses forces que lorsduc la bataille était depuis longtemps engagée. Au défilé d'Osteria, la lenteur autrichienne faillit même le prévenir clix {minutes plus tutelle était victorieuse.

Partout, dans cette bataille, on voit constamment la vic-

toire se ranger du cillé des masses, soit autrichiennes, soit françaises, et restera l'armée qui conserve le lilus longtemps cette supériorité.

Surle mouvement concentrique d'Alvinzi, voici la réflexion

de Jomini

Un mouvement concentrique vaut mieux sans doute que

des opérations où les colonnes doivent agir séparément; mais, exécute devant une armée déjà rassemblée et « occupant une position plus resserrée, il est alors décousu et devient une faute. Les masses centrales déjoueront « toujours, à forces égales, toutes les opérations, conçen« triques, à moins que celles-ci ne soient exécutées par de « très grandes armées, et que les rayons ne soient occupés « par des forces capables de se maintenir longtemps par elles« mêmes, comme les trois armées qui se réunirent concenlriCI quenient à Lcipsig en 1813. »

Ceci va sans dire.

La retraite d'Alvinzi fut déplorable. Les rlsultats de ces

quatre jours de combats furent immenses: 18.000 prisonniers, toute l'artillerie prise, etc.

le La précision des mouvements, l'activité des troupes,

ii furent aussi dignes d'éloges que les dispositions du géné« rai. l'lusieurs brigades françaises surpassèrent dans cette


« occasion la rapidité tant vantée des logions de César; aucune ne leur céda en bravoure.

Le César de Rivoli fut Joubert.

Quant IL Bonaparte, je ne puis, quoique la bataille et toute

la campagne contre Alvinzi ait été admirablement menée, m'empêcher de fairc quelques réserves Ce n'est pas toul de courir, il faut partir de bonne heure, et il partit tard et faillit ne pas arriver. Le gain de la bataille tint à quelques minutes, à un peu plus de diligence des Autrichiens, au raccroc qui arrêla Lusignan, etc. J'aimerais mieux que Bonaparte eùt eu vingt-quatre heures d'avance à Rivoli. Mais telle est sa nature il n'arrive que juste, il ne se donne, jamais de marge; il y périra.

Voici quelques réflexions curieuses de Jomini sur la guerre,

et qui concordent singulièrement avec ma théorie.

Une bataille décide souvent du succès d'une campagne,

« quelquefois même du sort d'un empire, tandis qu'en « d'autres circonstances les plus beaux faits d'armes, les « victoires les plus glorieuses, n'imposent au vainqueur que u-la nécessité de combattre de nouveau. Les forces des « deux partis, leur position plus ou moins rapprochée de « leur centre de puissance, la nature de leur ligne d'opéra« lion et de leurs ressources secondaires, enfin l'esprit et la « puissance relative des peuples, influent plus ou moins sur « les résultats d'un succès. Ces vérités furent complètement « déinonlréespar les événements mémorables, dont les bords « de l'Adige étaient témoins depuis six mois. »

Eu ;'ion: Les causes générales décident du destin dcs empires

et donnent aux victoires des rcsultats plus on moins importants. licite en preuve: Mont-Saint-Jean et Zama, qui anéan-

tirent en un jour la puissance de Napoléon et d'Annibal.

Mais tout cela est vague :je donne à la même pensée une

bien autre portée, ce me semble, quand je dis que la guerre n'est pas une vraie httte des forces réelles, et que des victoires comme celles de Bonaparte, gagnées par la ruse, la sottise de l'ennemi, ne prouvent rien.

A Waterloo, Bonaparte, déjà une fois tombé, n'a plus réel-

lement pour lui que ses soldats toute sa force est dans son armée; l'armée battue, il est (ini.

Mais à Montenotte, à Castiglione, à Rivoli, à Arcole, on

ne peut pas dire que l'Autriche fut toute dans les armées;


bien mieux, je dis que dans ces baldilles la victoire fui infidèle à la force. L'ennemi se relevait donc toujours; en généralisant davantage encore, on trouvera que l'histoire des guerres de la Révolution et du l'Empire se dénoue par le même principe, et' en l'honneur de la môme vérité. Toutes les victoires ne faisaient pas quêta France ttc frît plus faible que l'Europe la lutta de la force devait donc ci la fin ramener l'ordre naturel. V empire était absurde.

Fin janvier Util. -Poursuites du reste de l'armée d'AIvinzi

par Joubert, Augcrcau, Masséua. Combats heureux de Carpeneclolo, Moiï, Lawis.

Capitulation de Manloue.

EXPÉDITION CONTItE ROME

2 février. Bonaparte rompt l'armistice conclu le

20 juin avec le Pape, qu'il accuse de l'avoir violé.

Eu même temps, il rassure le peuple et le bon clergé au

sujet de la religion.

Soit, ce n'est pas le moment de toucher à l'encensoir;

,j'admets également qu'après le combat du Sonio, gagné par Junot sur les soldats du Pape, le 4 ou 1;, Bonaparte fit bien de sauver Faenza prise de pillage. Mais.

9 février. Victor à Ancône.

10 février. Marmonl s'empare de Notre-Dame-de-Lo-

rette.

février. Un million (le bijoux; et les reliques. La

colonne de Victor à Maccrala.

18 février. Les Français sont maitres de toute la

Homagne.

19 février. Traité de Talenlino avec le Pape.

Jomini et Thiers après lui justifient Bonaparlede n'avoir pas

toutde suiterenversé cette puissance. Ilsallôguenl différentes raisons, purement militaires. Le but de l'expédition, dit l'historien, était seulement de neutraliser la mauvaise volonté du Saint-Siège.

Je dis, moi, qu'un général, animé de l'esprit de la Révolu-

tion, devait tout faire, au contraire, pour renverser le gouver-


nnmenl, et mettre, coûta que coûte, une garnisons il Home, Si, des le commencement de 1797, on avait organise le

gouvernement séculier de Home sous la protection de la République; si la puissance temporelle du Pape avait été abolie, au nom (le la Révolution, et remplacée pendant dixhuit ans, de 18IÎ3, croit-on que l'état moral de t'Eurole n'eCtt pas été profondément modifié? Protégez le culte, si vous voulex, les curés, les vicaires; mais il bas la puissance Lemporelle du Pape; bas l'Eglise! Comment créer une Italie nouvelle, tant que cette puissancc subsiste?.

Au lieu de cela, on fait un traité de démembrement et de

pillage on enlève à l'Etat romain ftologne et Ferra rc, la RoiiKigno. Ott oblige le Pape a payer de suite millions au lieu de 16, qui restaient dus sur les sommes imposées par l'armistice; on dépouille les musées de Home; tout en affichant le respect du culte, on viole l'église de Nolre-Dame-dcLn relie, on la pille, et on envoie l'idole dt l'aris, aux dérisions du Directoire.

Le mépris de Bonaparte pour la nation italienne, une incli-

nation de race vers le sacerdoce et le pontifical, l'absence de tous principes, et déjà l'esprit de réaction grandissant chez lui, furent les vrais motifs de sa conduite.

On trouve les causes premières de ces exploits dans

une constante application des principes; daius une habile dans leur direction per« manente vers les points .décisifs; et dans l'art avec lequel « Bonaparte conduisit les hommes et sut stimuler en eux « leur vateur, par l'exaltation du moral. En méditant sur « chacune des périodes de cette campagne, pourrait-on Il méconnaître l'habileté des combinaisons qui lui procurèrent la victoire à Montcnotte ta sagacité qu'il montra « dans ses négociations avec la cour de Turin le coup d'œil rapide qui sauva son armée à Lonato et à Castiglione « l'impétuosité avec laquelle il accabla Wurmscr à Uassano; « enfin l'audace et le sang-froid avec lesquels il combattit à « Rivoli?

« Cette campagne, couimeucée avec si peu de moyens,

a amena la dissolution de l'alliance entre l'Autriche et la « Sardaigne, Naples et le Pape, assura la conquête de l'Italie « septentrionale et procura a l'armée française le Mincio « pour base d'opérations.


C'est de celle époque que date le grand développement

« de la stratégie, dont Gustave-Adolphe, Turenne, Malbo« rougit et Il posèrent les premiers principes, mais cc dont Bonaparte et l'arcltiduc Charles étendirent les combi« naisons, en prouvant sa supériorité sur la tactique. Dès « lors cette science a fait de gtand; progrès: toutes les « armées européennes en ont fait successivement l'applica« Mon pour leur intérêt et pour leur gloire, particulièrement « l'armée russe, dans ses mouvements sur Smolensk et Jvalonga en 1812, et lcs armées alliées dans leur mouvement sur Dresde et Leipsig en La guerre d'invasion « naquit de ce perfectionnement dans la mobilité des « masses. Cependant, la décadence est voisine de la per« fuclion à la guerre d'invasion entre puissances limi« troplies, succédèrent bientôt ces excursions lointaines èt n gigantesques, qui ne pouvaient réussir qu'avec les soldats » d'Alexandre contre les bandes de Darius, au temps où la «politique bornée des gouvernements asiatiques n'élablis« sait aucun concert d'intérêts entre les peuples. Bonaparte « fut le premier atteint de celle fureur envahissante. »

Preuve, encore une fois, que Bonaparte ne posséda jamais

la philosophie de son propre métier.

Au reste, cette stratégie qu'admet Jomini, est niée par

d'autres (Laurillarl-Fallot et Lagrange); ce n'est qu'un développement de la tactique sur une plus vaste échelle; il est impossible d'y trouver un trait qui la caractérise réellement. S'appuyer, se couvrir, ne flanquer, se diviser pour vivre, se

concentrer pour combattre on ne sort pas de là, pas plus avec 100.000 hommes, qu'avec un bataillon.

7 février. Arrivée de l'archiduc Chartes à Ims-

pruck.

10 ?nars. 1.'armée française se met en mouvement:

renforcée du corps de Bernadette et Dolmar, 18.000 hommes. Etat de l'armée active G1.500

Plus, dans les dilférentes places 15.300

7G.800

12 mars. Mouvements inaccoutumés à Rergame, Bres-

cia, etc.

A l'instigation des Français, contre-révolution des paysans.


Les forces actives du prince Charles étaient égales en nom-

bre, mais fort inférieures en qualité: nouvelles recrues, etc. mars. Passage du Tagliamanto à Valvassone.

Bonaparte devance l'archiduc Charles, qui cède et recule,

attendant ses renforts, et finalement tombe dans une complète impuissance.

Cette campagne de quelques semaines, qui commence le

10 mars et finit le 17 avril, par la signature des préliminaires de Leobon, trente-sept jours, n'a rien de remarquable.

Les Autrichiens, tant de fois battus, ne sont pas en mesure

de prendre l'offensive; le prince Charles ne reçoit pas de renforts; les fleuves, le Tagliamenlo et l'Isonzo, semblent se dessécher pour laisser le passage libre aux républicains; sans le soulèvement du Tyrol et des provinces autrichiennes, sans l'inquiétude causée à Bonaparte sur ses derrières par le Piémont et les conspirations des Hâtions, il serait allé jusqu'il Vienne, Ici les populations hostiles arrêtèrentle-conquérant. Le plus l'eau fait d'armes de cette campagne est le passage

du Tagliamento, bataillons déployés, flanqués de colonnes; puis la marche de Joubert dans les montagnes du Tyrol.

Joubert partant pour le Tyrol, Berlhier, chargé de lui

donner ses instructions, « oublie, selon Jomini, l'objet prin« cipal, qui devait être d'assurer sa jonction avec le gros de « l'année par un mouvement concentrique ».

Preuve que la tactique n'était alors ni bien définitive, ni

bien comlirise.

Passage de l'Isonzo et prise de Gradixa.

mars. Vlusséna entre à Ponteba, poursuivant Okskay,

et lui faisant 600 prisonniers.

22 mars. Il accable Gontreuil.

Lançon repoussé par Joubert. 800 prisonniers.

Capitulation de Hayalitich 3 à 4.000 hommes 25 canons;

400 chariots de bagages.

L'archiduc n'a pu se rallier nulle part, dans ce pays de

montagne; il ne peut pas même se mouvoir.

Combat de Clausen, gagné par Joubert.

23 mars. Occupation de Trieste.

mars. Combat de Mitlenwald. Joubert-Belliard.

31 mars;. 2 avril. Autre combat de Unter-luc.

Dans cette infinité de petits combats, l'armée autrichienne

est ruinée, accablée partout; l'archiduc ne peut rien.


2 avril. Combat de Dirnslein, gagné par Masséna.

5 avril. Bonaparte à Judenbourg. Très embarrassé,

« dit Jomini, malgré tous ses succès, son heureuse étoile « vient le tirer de cette perplexité. L'empereur demande un « armistice. »

avril. Signature des préliminaires de Leoben.

La lettre que Bonaparte avait adressée au prince Charles,

la date du 30 mars, prouve qu'il sentait sa position, et ne se souciait pas de la compromettre. Il tenait, au fond, beaucoup plus à sa gloire qu'au service de la République.

La signature des préliminaires arrêta court toutes les opé-

rations de Moreau, Hoche. Le succès se déclarait partout devant eux, quand ils furent arrêtés dans leur essor par la nouvelle de la signature des préliminaires. Un en fait un reproche à Bonaparte.

avril. Pâques. Véronaises. Tous les Français égorgés.

Ils ne l'avaient pas volé. La politique du Directoire et de Bonaparte était abominable.

Le sénat de Venise envoie 2.000 Esclavons, au secours des

Véronais insurges; mais l'armistice termine tout, rend la défense inutile.

Toute la population vénitienne, nobles, prêtres, bourgeois,

paysans, était en fureur; on profita de l'insurrection du Tyrol pour éclater; l'armistice termina tout. Bonaparte se vengea, en livrtnt, par le traité de Campo-Forinio, Venise à l'Autriche.

18 mai. Traité de Milan soumission de Venise, la Répu-

blique dissoute; 6. millions; 3 vaisseaux; 2 frégates; 20 tableaux liOO canons.

20 naai. Les Français occupent Venise.

1.800.000 francs, apparlenant au duc de Modène, sont pris

par les Français

juin. Organisation prétendue de la République ligu-

rienne

Bonaparte est /'ructicloricn, comme il a été venclémiariste,

et auparavant jacobin.

C'est la plèbe qui, d'accord avec l'armée, opère ces révo-

lutinons.

L'armée se trouve, en fin de compte, hériter de la plèbe

1. Cf. l'Abrégé de Chronologie, pour les synchronismes.


et du terrorisme, celui-ci renversé au 0 thermidor; celle-là vaincue, en germinal-prairial.

Le coup d'Etat de Fructidor doit être condamne de tout

point. Intrigue honteuse, dans laquelle tous les fripons se réunissent aux traîneurs de sabre contre les honnêtes gens. liocltc, entraîné, tout comme Augcroau, à qui on avait promis une direction. Bonaparte caressé pour l'appui qu'il a donné au coup de main.

La bourgeoisie, par représailles, fera le coup d'Etat de

Brumaire: excellent régime pour les ambitieux de l'espèce de Bonaparte.

Jomini fait ressortir l'infamie du Gouvernement directo-

rial, après l'expulsion de Cartiot et de Barthélémy.

Au dehors, lièvre d'insolence et de pillage; au dedans,

despotisme pur. Les conseils ne sont plus que deys bureaux d'enregistrement. Bonaparte rétablit l'ordre, uon.la légalité il suivit Barras.

4 septembre. 18 fructidor.

17 octobre. Signature du traité de Campo-Formio, où

Bonaparte biffe, d'un trait de plume, la République de Venise.

La France est démoralisée; le pouvoir pousse le despo-

tisme jusqu'à l'impudeur.

Voici comment Jomini apprécie la conduite de Bonaparte

au 18 fructidor:

« En vain on a clierché il. nier sa coopération effective à

« cette journée, en alléguant la correspondance amicale « qu'il entretenait avec Carnot, dans le sein duquel il sem« blait épancher des chagrins domestiques. Bonaparte avait « envoyé à Paris son aide de camp Lavalette, avec la mission « spéciale de l'informer de l'état des affaires; et, certes, s'il « eùteu la moindre confiance en Carnot, aurait-il prêté les « mains à la dissolution des Conseils? N'est-il pas probable,

« au contraire, que, pressentant son élévation, il saisit avidement l'occasion d'écarter une partie des obstacles qu'il pou« vait rencontrer? Se tenant donc derrière le rideau, il fit « écraser un pouvoir par l'autre, se ménageant ainsi une « excuse pour les coups que, plus tard, il devait porter au « vainqueur. Au reste, la politique ne fut pas le seul mobile « de sa conduite il s'y joignit encore un profond ressenti« ment contre le Corps législatif, dont un membre avait for-


« mettcment imProuvé sa conduite à l'égard des Républiques « de Venise et de (Jénes. Idole de ses soldais, respecté par « ses généraux dont ses grands lttlents avaient désarmé la « jalousie, il n'eut pas de peine à leur faire adopter les senIl timents exprimes dans leurs adresses. Le choix do Ilerna- .« dette pour porter il Paris les drapeaux récemment con« quis, la permission accordée tl Augereau do s'y rendre « vers la même époque, servent encore à fortifier cette opinion. )1

Ainsi, tout couvert de lauriers, Ilonaparle se rue dans l'in-

trigue et le crime. Pas un sentiment généreux ne nait en lui, pour le salut de son peuple il n'y voit qu'une place il son ambition, un trône à conquérir, un peuple à exploiter, a dévorer.

Il méprise les initions, la canaille, le péquin, l'avncal,

l'idéologue, le moine, le prêtre; il méprise tout.

Voilà, voilit, où il faut saisir l'homme, et se moquer de

ses fausses victoires je dis fausses, car elles ne sont pas une vraie démonstration de la force; elles sont stériles.

1er décembre. Explosion dans la Va) tétine, l'instigation

des agents de Ilonaparle. Ancienne conquête des Grisons qui la laissaient se gouverner à sa guise la Vattetinc, appuyée par un parti de soldats et d'officiers grisons, revenus du service et soudoyés par Bonaparte, réclame son indépendance et son incorporation dans la République cisalpine. Jomini fait rcssorlir celle faute, tant au point de vue politique qu'au point de vue unitaire. « En réunissant la Valteline un Etal Il ci-devant autrichien, c'était porter atteinte a ta souverai« neté helvétique, amie de la France, préparer le retour de cette province à ses anciens maîtres, et accroître l'influence « par la pression de l'Autriche sur ces vallées suisses,

Courant décembre Ilonaparle fut chercher son

triomphe à Paris. Son hypocrisie à cette époque est remarquée par tout le monde.


CAMPAGNE d'éGYPTE

Celli! expédition est nettement, et a plusieurs reprises,

condamnée par Jomini. Lit honte el l'immoralité en retombent également sur Bonaparte et le Directoire.

« Excité par ïalleyrand et par une foule de savants avides

« du merveilleux, il résolut enfin de se mettre lui-même à « la tête de l'expédition d'Egypte, qu'il avait conseillée. (Cf. les « lettres des août et 13 septembre au Directoire; i. avant lui llagalon et Lazowski avaient fait la même proposition au Directoire.) Barras la désapprouvait, pensant que l'Inde, où il avait servi, ne valait pas les hasardas d'une « telle expédition. (H y avait du vrai, au moins pourla France « et pour l'époque, dans l'opinion de Ilarras.) ltowbell aurait « préféré créer de petités républiques autour de lui pour y « dominer à son gré. Merlin, La Kéveillère et François de Neufchaleau décidèrent, dit-on, cette fatale course, qui « remit en question les destinées de la France et les résul« tats de six ans de victoire. »

A l'époque de l'expédition d'Egypte, l'Angleterre était en

guerre avec les Mahrales et les Radjapoutas, comme elle l'est aujourd'hui. Wellington y faisait sa première campagne, comme général ou commandant. Ainsi, à 1.000 lieues l'un de l'autre, Wellington et Bonaparte, sans se connaître, se combattraient. 1

Les motifs, pour lesquels Jomini blâme l'expédition d'Egypte,

en les développant et les fortifiant à l'aide de la science moderne, font paraître bien niais le bavardage de Ni. Thiers. Le Directoire n'avait pas la moindre connaissance de

ce qui se passait dans ]'Inde, en vue de laquelle il entreprenait son expédition; Bonaparte non plus. Or, elle allait être victorieuse partout, grâce v sir Arthur.

2. Il ne connaissait l'Egypte et sa situation que par les

rapports de ses agents et les sollicitations de Bonaparte.

3. Entreprise gigantesque, qui demandait la paix, une

paix consolidée partout ailleurs, l'action de la politique, et surtout du temps (Cf. l'Algérie, depuis 1830). C'étaient des milliards et des années à y dépenser,


4.– Il ffillait l'assentiment de la Porte, avec laquelle on

était en paix; ce fut ce dont on s'occupa le moins. Violation du droit dus gens. Or, le refus de la l'orte, appuyé de l'Angleterre, en faisait une chimère.

Une conséquence do la conquête, si le projet était

sérieux, et le but vrai, était d'envoyer et d'entretenir une expédition par le cap de Bonne-Espérance, huit ou dix vaisseaux, alln d'établir les communications et la domination, de Suez à Pondiehéry, par Bab-cl-Mandel.

Au lieu de ces considérations, Lazowski et Magalon s'en-

tendent pour atténuer et déguiser les difficultés.

La population est passive

La seule force est 0.000 mamelucks;

La l'orlc ne dira rien; d'ailleurs impuissante, et près d'elle

désordre.

Mais le gigantesque plaît Bonaparte. Tout d'abord il

organisât:). corruption, la trahison desclicvaliersde Malle, alin de s'emparer de l'île. Ln ministre de ce marché fut l'oussiclgue, inspecteur des Echelles du Levant.

(i. Et quel moment choisissait-ou''

Quand les choses sont incertaines, un Congres de Rastadl;

quand l'Europe est indignée de l'invasion de la Suisse et de Home, que tout frémit en Italie, que l'Autriche et la Prusse se rapprochent, que l'Angleterre arme et intrigue.

7. Etait-on décidé secrètement abandonner Tippo-

Saiib et l'Inde leur malheureux sort, et il se contenter de posséder en Egypte un comptoir de commerce? La chose n'en valait pas la peine. Il ne fallait pas moins qu'une garnison de hommes, pour un bénéfice sur le transit, qui n'eût certes pas été de millions. Quant à établir une colonie de Français, il n'y visait pas.

8. Les communications entre la France et l'Egyple

n'étaient pas sûres; il fallait, par la paix, obtenir cette sécurité et c'est à quoi la conquête d'Egypte était un obstacle invincible.

9. Si on voulait do bonne foi attaquer les Anglais dans

l'Inde, mieux valait employer l'expédition dans l'Inde même.

Mais à quoi bon discuter? Ni Bonaparte ni le Direc-

toire ne se souciaient de l'Egypte. Bonaparte ne voulait pas s'user il rien faire il s'ennuyait. Les directeurs prenaient


de lui ombrage et la politique odieuse de ces démagogues parvenus trouva tout simple de sacrifier l'élite de l'armée,de dégarnir l'Italie et les frontières pour se débarrasser d'un ambitieux.

Bonaparte demande qu'on envoie Talleyrand pour négo-

cier avec la Porte; celui-ci gagne du temps, et Bonaparte, parti, fait nommer il sa place un subalterne, Descorcher.

Sur ces entrefaites, arrive l'insulte-faite il. l'ambassadeur

de la République, à Vienne. Bonaparte prévoit .alors une guerre continentale; il ne se soucie plus de l'Egypte; il eût voulu rester. Alors le Directoire lui intime l'ordre de se rendre à Toulon. Il songe à offrir sa démission, mais on l'eût acceptée; et il part.

Comme tout cela est édifiant et moral

0 mai 1798. Bonaparie arrive à Toulon.

Armée d'Egypte 37.200 hommes.

2.300 h. à Malte.

4.800 h. à Corfou.

Total 44.300 hommes.

Flotte. 13 vaisseaux; 17 frégates ou corvettes; 300 bâti-

ments de transport; montés par 10.000 matelots franç,tis, italiens, ou grecs, dont la plupart furent, après Aboutir, incorporés dans l'armée.

C'est plus de :i4.000 hommes qu'on envoie servir à une

fantaisie.

19 mai. Départ de la flotte.

10 juin. Reddition infâme de Malte par le chef de

l'ordre, Ilompasch.

2 juillet. Débarquement à Alexandrie; prise de cetlu

ville. Marche par le désert.

il juillct. Combat sur le Nil.

21 juillet. Bataille des Pyramides.

25 juillet. Occupation du Caire.

le, août. Bataille d'Aboukir perte de l'escadre à la

suite de cette bataille; siège et blocus de Malte. Ocit défend Vaubois.

Il, août. Combat entre 200 cavaliers français et les

mamelucks, les premiers battus.

23 août. Départ de Desaix pour la haute Egypte.


HISTOIRE DES CAMPAGNES DE NAPOLÉON I01' 279

30 août. La Porte ordonne le rassemblement d'une

armée pour reconquérir l'Egypte.

12 septembre. Déclaration de guerre de la Porte à la

République..

7 octobre. Bataille de Sédiman, livrée par Desaix dans

la haute Egypte. 340 tués, ISO blessés, 400 hommes malades d'ophtalmie. Desaix vient chercher du secours au Caire..

22 octobre. Rébellion du Caire.

22 octobre. On fortifie Alexandrie, le Caire, Suez, etc.

On crée un sujet d'impôt, etc.

22 octobre. Création de la légion nautique, formée de

3.000 marins échappés au désastre d'Ahoukir, et de tous les matelots étraugers du convoi, âgés de moins de trente ans. 22 octobre. Organisation des dromadaires.

30 décembre, 10 janvier. Desaix et Davoust se dirigent

avec une flottille vers la haute Egypte. Arrivée à Girgey23 janvlcr 1799. Affaire de Samanhoud défaite de

Mourad-Bey, par Desaix; répétition de la bataille des Pyramides.

EXPÉDITION DE SYRIE PAR BONAPARTE

10 février. Bonaparte quitte le Caire.

10 février. Affaire de Thebes Osman-Hassan défait par

Davoust.

13 février. Combats de Kinch et d'Abou-Manah les

Arabes défaits par Priant.

17 février. Prise du fort El-Arisch par Bonaparte.

17 février. Prise de Gazah.

17 février. Combat de Souhama, contre Mourad-Bey, le

malheureux mameluck toujours battu. Mais la flottille française est prise par les Arabes.

17 février. Combat de Bénouth, par lielliard. Les

Arabes vaincus.

7 mars. Prise.et sac de Jaffa. Massacre, pillage, après

l'assaut.


Malte. Vaubois est assiégé et bloqué-par Nelson dans la

cité Valette, après la bataille d'Abnukir.

Corfou et autres îles. Chabot, d'abord en bonne intelli-

gence avec le pacha, par suite des promesses de Bonaparte, Je voit bientôt devenir hostile, à la suite de la Porte. Ses 3.B00 ou 4.000 habitants, disséminés entre Corfou, Nicopolis, Céphaloni, etc. Ces petites garnisons sont partout battues et enlevées. Octobre, novembre

3 mars. Chabot lui-même capitule.

•14 mars. Bonaparte quitte .laiïa. Massacre des prison-

niers par centaines.

̃B mars. Combat de Khossonue.

mars. Entrée Caïfl'a.

mars. Arrivée devant Acre, commandée par Djezzar.

La flottille, envoyée pour appuyer l'armée, est capturée

par les Anglais. -,Alliance avec les Druses.

i&mars. Assaut inutile. Approche du pacha de

Dnmas, avec une armée.

7 avril. Sortie de D.jezzar; repoussé.

8 avril. Combat de Doubi Junot.

ib. avril. Bonaparte part du camp d'Acre pour aller au-

devant du pacha de Damas.

i!i avril. Bataille du Mont-Thabor.

i$ avril. Recours au siège. On reçoit par Jaffa trois

pièces de 24, et six de 8.

2mai. Combat de Henyhady, par Davoust.

3 mai. Prise d'assaut de Seringapatam, dans l'Inde, par

les Anglais mort de Tippo-Saïb. L'expédition d'Egypte assemblée.

7 mai. Les assiégés reçoivent des secours de toutes

espèces. Assaut du jour repoussé. CalTarelli, Rambaud, Bon, tués Lannes, blessé. La peste, apportée de Jaffa, sévit dans l'armée.

10 niai. Défaite de El Madhy, à Demanbours.

20 mai. Levée du siège d'Acre.

2t mai. Arrivée à ïcutoma. Bonaparte détruit tout

ce qu'il ne peut emmener. C'est ici, je crois, qu'il prnpose de donner de l'opium aux pestiférés, et qu'il en abandonne une partie.

Dévastation du pays de Naplouzain, ruine de Jaiïa.

Tout il fait il la manière barbare.


14 juin. Retour triomphal au Caire; fûtes brillantes,

vanterics aux Egyptiens,

Bonaparte dit qu'il a exterminé les Turcs et accompli tous

ses pro,jets.

« Ainsi, dit Jomini, se termina une expédition dont tous

les hommes éclairés sontencoro à deviner lo but. Quelques <•̃ écrivains exagérés ont prétendu que le plan du général « français était de marcher sur CPG, après avoir conquis la « Syrie; l'absurdité d'un tel projet, est trop palpable pour « mériter d'être discutée. Il est bien plus probable que « Bonaparte, fidèle son système d'offensive, voulait prtvc« nir les pachas, détruire leurs armements et augmenter « l'immense solitude qui sépare l'Egypte du pachalik « d'Acre. L'occupation de la Syrie, en privant d'ailleurs les « Anglais cles ressources clu'ils en tiraient pour leur escadre, les eût obligés d'aller se ravitailler à Chypre ou « Candie. Mais une cruelle expérience dut lui démontrer qu'il lu eût été plus sime, surtout plus militaire, d'awjmcnlcr la force «(les établissements clc la frontière d'y former un camp « retranché, ctt se rendant maître dos puils, et d'attendre ci la sortie du désert d'El-Arisch cette armée ennemie, dont nos « troupes braves ci reposées auraient eu bon marché. »

La manie d'offensive prouve encore que Bonaparte n'a pas

l'idée nette de son principe. Il mêle ensemble l'audace, Yojfensive, la concentration, sans se J'ion rendre compte de chaque élément.

On n'a pas besoin de faire 50 lieues pour prendre une offen-

sive on la prend où l'on veut, quand l'çnnemi est venu. 200 mètres parcourir suffisent pour cela.

Puis, tout ce dada d'excursions en Syrie, Palestine, Monl-

Tbabor, haute Egypte, tout cela est charlatanerie pure, indigne d'un esprit sérieux.

Toutes ces courses, si vantées, sont les monuments de la folie de cet homme.

Le 3 mai, dans le temps' que Bonaparte était occupé du

siège d'Acre, se livrait la bataille du Mont-Thabor; Desaix 'conquérait la haute Egypte, mais les Anglais faisaient le siège de Seringapalam, prenaient cette ville d'assaut, où périssait le fameux Tippo-Saïb, et anéantissaient l'empire de Wysorc.

Ainsi le plan de Bonaparte, d'attaquer la puissance des


Anglais dans l'Inde par l'Egypte, était démontré faux c'était dans l'Inde même qu'il fallait porter la guerre, en se servant de l'Egypte comme d'un point de passage, qu'on aurait aisément obtenu de la Porte..

« Cette campagne do l'Inde, dit Jomini, calma en Angle-

« terre les vives inquiétudes qu'avaient fait naître les Il succès de Bonaparte en Egypte. Indépendamment de la « prise d'immenses trésors et d'un accroissement de terri« toire qui en fut le résultat, elle acheva d'anéantir L'inK fluence des Français dans l'Inde, où les Anglais restèrent « sans rivaux. Ils purent, dès lors, prêter un appui plus effi- n cace ;i la Porte; et deux puissances, qui disposaient d'une « marine immense et de toute la population de l'Orient, ne Il devaient pas larder à écraser une poignée de braves, « abandonnés sur les rivages où des armées innombrables « de chrétiens n'avaient pu se maintenir, du temps des « Croisades. Chacun prévoyant dès lors l'issue d'une expédition « téméraire put sonder l'abîme que le Directoire aaait crcusé « sous scs pas, en prétendant se frayer le chemin de l'Indc à « travers l'empire des Osmanlis. »

De tous ces faits, connus, publics, la nation française ne

sait il peu près rien. Un engouement prodigieux, le plus grand dont une nation en masse ait donné l'exemple, ne lui a permis de rien voir. Bonaparte, le moins digne d'estime des généraux français, est devenu une idole. Pendant quarante ans après sa mort, les poètes et les historiens s'obstinent à en faire un demi-dieu.

Funeste idolâtrie, qui nous couvre de honte, et nous a

coûté cher.

Juillet. Tristesse de l'armée française.

On enrôle des habitants du pays; on arme des esclaves

éthiopiens; on forme un corps de Grecs.

Juillet. Insurrection à Babyreh.

Juillet. Mouvements des mamelucks, pour se joindre à

l'expédition préparée par la Porte.

f4 juillet, Débarquement de troupes à Aboukir.

17 juillet. Prise du fort d'Aboukir, par la faute de Mar-

mont.

23 juillet. Bataille d'Aboukir.

L'impéri tie de l'ennemi rendait l'issue de la lutte à peu

« près certaine mais il fallait ménager le sang des soldats,


d'autant plus précieux qu'il était 'impossible de le remplacer. »

La victoire coûte aux Français 1.100 hommes hors de

combat. L'impéritie du chef d'abord plustard, l'imprudence des Turcs, qui, ayant repoussé dans leur camp retranché un premier assaut des Français, s'avisent de sortir, décidèrent la victoire. Ce n'est plus le courage qui manqua aux Turcs ce fut le savoir-faire et le bon sens.

De pareils trophées ne devraient réellement pas compter

dans une gloire nationale.

2 août. Reddition du fort d'Aboutir.

août. Départ du Caire, de Bonaparte, pour Alexan-

drie.

23 août. Embarquement de Bonaparte.

1er octobre. Arrivée à Fré,jus.

^Jomini excuse le départ de Bonaparte par les mêmes rai-

sons que Tliiers, et de pires encore. Il faut les rapporter ici ,:< « Plusieurs écrivains, dont les déclamations trouvèrent « quelques partisans, ont qualifié le départ du général français de honteux abandon, ne l'imputant qu'à la « crainte d'ôtre oblige mettre bas les armes. IL y a plus « que de l'injustice, dans un pareil reproche il y a de la « mauvaise foi. Dans des temps ordinaires et sous un Gouvcrm nement stable, nul doute qu'un départ arbitraire NE LUI « EUT attihiî une disghace méritée. Mais, dans la situation actuelle, il en était tout autrement; l'intérêt (le la chose publique semblait étroitement lié au sien, et la crainte ne « dut entrer pour rien dans sa résolution car, si l'avenir offrait quelque danger, c'était encore dans le lointain. » C'est la théorie de la désobéissance des fonctionnaires,

quand le Gouvernement qu'ils servent est faible. Comment peut-on reprocher à Marinont, d'avoir, après la capitulation de Paris et la déclaration de déchéance du Sénat,abandonné l'empereur, qui, certes, n'était pas seulement faible, qui n'était plus le Gouvernement.

Jomini, juge compétent, bien que totalement dépourvu de philosophie, en matière de guerre, parle à tort et à travers sur la politique.

Il ne voit pas, ce que tout le monde cependant apercevait, que le flot de la Révolution se retirait peu peu, qu'après le coup d'Etat jacobinique de Fructidor, la bour-


geoisie de 89 se préparait à faire le sien; que, guidée par Sieyès devenu directeur, elle l'eut certainement fait, qu'un général ne lui aurait pas manqué pourcela; et que le gou- vernement rétabli sur des bases légales et constitutionnelles, n'en aurait que mieux fait lace aux difficultés. En .quoi donc Bonaparte était-il indispensable? Est-ce que, dès lors, de l'aveu de Jomini lui-môme, il n'était pas l'incarnaption du mauvais génie de la France? Comment, la toute^puissance sera la récompense de l'expédition d'Egypte!

Il laissait, dit-on, l'armée enbon état les Turcsbattus, les

Anglais occupés de l'expédition de Hollande 20.000 hommes présents sous les armes, déduction faite des pertes, ma.Jades, etc. Jomini ajoute qu'une lettre du Directoire l'engageait à revenir; que les opérations des flottes combinées n'avaient d'antre but que de gagner l'Egypte, et d'en ramener f armée. x

Oui, d'en ramener I'armke, non le général tout seul. Le

Directoire, en écrivant cette lettre (du 26 mai condamnait l'expédition et son auteur. Comment celui-ci en auraitil pris texte pour laisser là ses troupes, et courir de sa personne au secours de la France?

Elat de l'armée active au départ de Bonaparte,

« 8.000 hommes morts par le feu et les maladies.

rc 20.000 hommes sous les armes, soustraction faite des

malades, ouvriers.

« Pas d'argent, le nerf delà guerre.

« Beaucoup de choses nécessaires pour tenir campagne, faisaient défaut. » C'est Jomini qui dit tout cela.

(Suivant Thiers, des Si.OOO hommes qui faisaient le total

de l'expédition, 22.000 rentrèrent, à la paix d'Amiens, dans un état quelconque et tous n'étaient pas Français; c'est donc les deux tiers de l'armée qui avaient été sacrifiés une fantaisie d'héroïsme mythologique.)

Comment! On avoue qu'au 23 août 99, ,jour de la fuite de

Bonaparte, dix-huit mois ·et demi après la débarque à Alexandrie, l'armée avait perdu 8.000 hommes morts; que 9.000 environ étaient malades, invalides, etc., hors d'état de servir dans l'armée; et l'on ne voit pas que, pour peu que les Turcs fassent un nouvel effort, les-Anglais aidant, l'armée est perdue 1

Tout cela est donc immoralité suprême et Jomini montre,


comme tous les autres, que les considérations de droit comptent peu dans l'âme des soldats. Il dit encore

« L'Egypte, entièrement soumise, n'offrait plus d'aliments à

« son activité. La situation maritime de la France la mettait « « hors d'état d'y faire passer' dc puissants renforts. » Donc il jugeait la partie perdue. « En supposant à Bonaparte '« les vues gigantesques qu'on lui a prêtées, il sentait l'ini« possibilité de les mettre exécution. »

Assez comme cela. On voit ce que c'est ici que la judiciaire

d'un soldat. J'en pourrais citer bien d'autres exemples de Jomiui. Restons-en là.

,Nous savons à quoi nous en tenir sur cette campagne clasIsique d'Italie; si l'activité, la promptitude, la connaissance 'du métier s'y fait voir à un haut degré chez Bonaparte, la iroutine de l'ennemi, sa mauvaise position, les préoccupations ',d'esprit qui l'assiègent, font les trois quarts des succès de ,Bonaparte, On dirait un concert perpétuel entre les généraux /autrichiens et lui pour qu'ils se mettent juste dans la position où ils doivent être battus.

-Du reste, et dès ce temps-là, intempérance de langage, ) d'imagination et de pro,jets; exorbitance de conception; rouerie politique; immoralité militaire, fourberie, cruauté, pillage, vol, trahison, arbitraire, mépris de tous les droits et ide tous les principes humains.

>k dissolution de la République de Venise;

La réunion de la Valteline à la République cisalpine;

L'appui donné au coup d'Etat de Fructidor;

Le mépris affiché des Italicns

Le traité de Tolentino avec le Saint-Siège, où le catlioli-

cisme et la puissance temporelle du Pape maintenus témoignent des inclinations de l'homme;

La prétendue Constitution de la République ligurienne

montrent ce qu'il en est de la conscience et du génie politique de Bonaparte.

On a l'air de fonder des républiques, et on les détruit.

On détruit celle de Venise, on détruit celle de Gênes, on porte atteinte iL celle des Suisses.


Voici en substance comment Bonaparte, pris pour arbitre

par le peuple de Gènes et l'aristocratie, divisés et aux prises, régla leur différend (,juin

Il bâcle une Constitution, portant en substance

1 Que la souveraineté résidait dans la réunion des citoyens;

2. Que le pouvoir législatif serait composé de deux

Chambres, l'une de 300, l'autre de l!>0 membres (non payés); 3. Que le pouvoir exécutif serait confié à un Sénat de.

douze membres, présidé par le doge.

Jomini ne trouve moyen d'expliquer ce système baroque

pour un si petit pays qu'en disant que Bonaparte, regardant la Ligurie comme ..une annexe indispensable à la France, visait moins à améliorer son sort qu'à la forcer de solliciter un jour sa réunion.

Ce qu'il y avait à faire en Italie, après en avoir expulsé les

Autrichiens, c'était de maintenir les Etats existants, Piémont, Venise, Gênes, etc., dans leur indépendance respective, en améliorant leurs constitutions selon l'esprit du siècle; c'était d'organiser la Lombardie; de faire cesser la puissance temporelle du Pape, et puis de rester en observation à Milan, et de veiller au maintien du nouvel état de choses. Protéger, diriger de haut l'Italie voilà quelle devait être l'œuvre du Directoire et de Bonaparte.

Mais ces travaux pacifiques n'étaient pas du tout du goût

du général, et ici servit encore une des plus étranges mystifications dont la France a été la victime, et qu'entretient soigneusement l'ineptie d'historiens tels que Thiers. On a fait de ce général un législuteur, un homme d'Elai, un prince de la politique il n'en est rien. Lui-même, en 1800-1804, a voulu s'en donner les airs, coquetterie de Auverne de Sussy à l'endroit des bourgeois. En fait, il n'a jamais compris autre chose que le despotisme, il n'a pratiqué' que cela; il est étranger à tout. Son plan de gouvernement était d'aller toujours en avant; de régner par la continuité de la victoire, de faire tout pivoter sur ses immenses armées, et d'écraser, per fas et nef as, toutes les résistances.

Les .combats finis, il n'a plus rien à faire..

Il en cherche d'autres.

Sic en 1803, lors de la rupture du traité d'Amiens, qu'il

était heureux de cette rupture!

Sic après Tilsitt; sic toujours.


¡Le genre d'esprit de Bonaparte s'éclaire ici d'une manière complète.

Sans principes, sans moralité, par son tempérament, par son éducation, par la nature superficielle de son esprit, par l'instinct de désorganisation et de destruction qui fait le .'fonds de son âme, il est parfaitement il son aise sur toutes i.les matières, dégagé, leste, prêt à faire flèche de tout bois, 'et à brûler ensuite toutes les flèches à se prévaloir de toutes ces idées et à les attaquer toutes.

Son scepticisme universel. Il croit à la force et il la craint fort; c'est pour cela qu'il la combat par la ruse, le mensonge, la perfidie, le guèt-apens, la trahison.

Il se sert de tout pour son orgueil; il lui donne le monde à consommer, la terre et les hommes, les idées et les croyances. 11-1-dévore tout.

L'esprit, ce qu'on nomme esprit en France, fleur de l'in-

telligence (Cf. M. N. sur Voltaire)', art d'embellir le bon sens, la vérité, etc., aime à s'élever au-dessus de tout. Il est plus aisé à l'incrédule qu'au croyant; plus au sceptique qu'à, l'in,crédule; plus au corrompu, à l'homme qui, au scepticisme théorique, joint la corruption pratique, qu'à tout autre.

De là vient Y esprit de Napoléon.. { La force lui donne ensuite une apparence de positivisme jet de raison Napoléon croit à la force, mais pas tout à fait. ill l'élude, il la trompe,'il s'y soustrait, tout en l'adorant.

J'ai pu dire ainsi qu'il avait plus d'esprit que tout ce qui l'entourait, que tous ses contemporaines. Il était à son aise pour avoir de l'esprit.

Pour juger la valeur militaire de Napoléon, il faudrait voir

ce qu'il eût fait en 98-99, pour la défense de ses conquêtes, dans la même position que les autres généraux, c'est-à-dire la République ayant hommes de moins.

« Le désastre d'Aboukir et la déclaration de guerre de la

Porte vinrent signaler au Directoire l'impossibilité de se « maintenir en Egypte contre les forces de l'Angleterre et « de la Turquie réunies, et lui donner d'amers regrets sur la légèreté avec laquelle il avait combiné cette expédition^ Y cause première de l'incendie qui allait de nouveau embraser le monde. »

Cette considération, la plus grave de toutes, comment

n'est-elle pas venue à Bonaparte? Quoi il va en Egypte rai-


Initier la guerre générale, une guerre où la France rencontre contre elle toute l'Europe coalisée, Angleterre, Autriche, liussie, la Suisse, l'Italie, la Hollanle; la Prusse seule restant neutre.

Oui, la seconde Coalition contre la France eut son principe

premier dans l'expédition d'Egypte, qui dégarnit la France, débute par une violation du droit des gens, et livre les pays conquis à la déprédation des agents du Directoire. Année de pillage.

(Cette coulitiun fut formée en mai et juiu, aussitôt après

le départ de Bonaparte.)

Je remarque que Bonaparte est comme certains poètes et artistes dont le coup d'essai est le chef-d'œuvre, et qui ne produisent rien au delà.

La première campagne d'Italie est l'œuvre classique de Napoléon, au dire de touslesmilitaires. Lasalle, entre autres, qui y avait servi, disait que les autres n'étaient plus à comparer que Napoléon, disposant en maître de toutes les forces de la nation, avait infiniment moins de difficultés que le général Bonaparte, sans magasin, sans caisse, sans ressource.

Et, en effet, on peut voir par les faits que,'même avec cette supériorité de moyens, Napoléon n'obtient plus des résultats aussi grands.

A mesure que l'ennemi améliore sa lactique, apporte plus de diligence dans ses opérations, l'étoile pâlit.

De toutes les balailles livrées par Napoléon, la plus belle, la plus féconde en résultats immédiats, est celle de Rivoli. A Mare n go, il s'en tire par bonheur; de toutes ses victoires, dit Jomini, c'est celle dont il doit s'enorgueillir le moins. Austcrlilz soutient sa réputation; mais la bataille est moins belle que celle de Rivoli Iéna et Auerstadt ne doivent pas compter.

Mais Eylau, Essling, Wagram, la Moscmpa, Lcipsig, Waterloo, 'forment une série décroissante très marquée.

A Eylau comme à Marengo, il s'en tirepacbonheur;

A Essling, la bataille reste douteuse /<-• V I\


A Wagram, il ne prend rien, et se voit dans la nécessité

de mentir dans son bulletin pas de canons, pas de drapeaux, pas de prisonniers;'

A la Moscowa, il reste maître du champ de bataille, mais

après avoir reçu un coup terrible-

A Leipsig, il eit \mswu pat ia iuptt/ otite «Lu narnbre et

du patriotisme

A Waterloo, il est vaincu, malgré la force supérieure, par

le sang-froid et l'énergie de Wellington.

En même temps les combinaisons baissent chez lui.

Et tout ceci ne lui est pas personnel; la même chose se

produit en Espagne, sous l'action de Wellington.

Il faut voir dans l'histoire de celui-ci les progrès de nos

défaites, qui deviennent de plus en plus décisives

Baylen, Cadix, Cintra, Torrés-Vedras, les Arapîles, Vit-

toria,

La conquête du monde par les Ilomains tint à d'autres

circonstontei Eres d'autte Mém o ires Elle Ri) ncfiC d'ailleurs jamais complète, et le nivellement des institutions amena bientôt fa dûisrân.

Dans les temps mpdernes, les difficultés se doublent; les

conquêtes sont définitivement impossibles, et la guerre absurde

Plus j'étudie cette matière de la guerre, plus je vois s'expli-

quer flHsCetotcte d'autres guerriers célèbres Du Guesclin, Villars, Condé, Dumouriez, Masséna, Ney, Soult, Lecourbe, Augereau, Junot, Kléber, Lannes, Davoust, etc. Je mets Napoléon dans la série.

Je ne connais point Turenne. dont je n'ai pas lu l'his-

toire.

Tempéraments sanguins, antipathiques à l'idée, aimant à

battre animaux de combats.

Toujours un peu sournois; peu touchés de la mort des

hommes, étrangers au droit, qu'ils ne comprennent point N'ayant d'intelligence que la ruse, et un instinct de tac-

tique et de destruction..

Napoléon, devenu chef d'État, se déguise tant qu'il peut

il veut être législateur, administrateur, économiste, mora- liste, financier il donne le ton à la littérature, la note à ;1'Eglise, l'esprit à l'Université. En résultat, que produit-il? rien. Il reste ridicule,


Mon armée, mes armées!

16-voudrais faire un parallèle entre lui. et Louis XIV. A

mon avis, Napoléon ne gagnerait pas à la comparaison. Il n'est pas, quoi qu'il fasse, un monarque il est un parvenu insolent, charlatan, guindé, histrion, faux en tout.

Son caractère militaire jugé, tiré au clair, sa politique

ventilée, il reste un assez pauvre


TABLE DES MATIÈRES

Pages.

Introduction i Commentaires sur les Mémoires de Fauché i Parallèle entre Napoléon et Wellington 117 Traités de 167 Appendice Extraits des Mémoires de Fouché 205 Histoire des campagnes de Napoléon I" 243

Tours. Irnpcimerie DESLIS Frèiibs, 6, rue Gambetta.