SOtJVEMRS
DE LA GUERRE D'AFRIQUE.
mSCRRECTÏON DES ZIBANS.
ZAATCHA.
E. CH. BOURSEUL,
t) t~ .~JtC)EKOFFtC!EnDELAMtÉEDAn<!Qt)E.
METZ,
tHPHtMMtE MtUTAtRK DE YERCONNAtS
PARIS,
DCMAtNB, UBBAtBE, BCE ET PASSAGE DAtJPBtNE, 56. 48S~
jDB (&~B~M 0'ÙT)R~WB.
H y a peu de temps encore, une bourgade de l'Algérie, ignorée et cachée comme un nid d'oiseaux de proie au milieu d'une forêt sauvage, devenait tout-àcoup célèbre.
ZAATCHA écrit par toutes les plumes et prononcé par toutes les bouches, était l'objet de l'attention gênérale. On n'en parle déjà plus aujourd'hui. De nos jours les émotions de la veille font rapidement place à celles du lendemain) et pareilles au pas empreint sur le sable, elles s'effacent" vite au sonfue de la tempête au milieu de laquelle nous vivons.
SOUWEMtM
ZAATCHA.
Non non jamais, France chérie, Ta gloire ne peut se ternir;
Tes soldats, 6 noble patrie 1
Savent trop bien la soutenir! En vain une horde barbare
Voudrait abaisser ta grandeur; La nuit n'obscurcit pas le phare, 1 Elle en fait briller la splendeur. E. Ça. BocMML.
(<.fM Français en ~/r!t<e.)
H faudrait des temps moins troublés que les nôtres, pour espérer de faire écouter avec t'intérét digne d'un pareil sujet, le récit de la lutle héroïque qui, après avoir duré Si jours, se termina par une des catastrophes les plus terribles dont l'Afrique ait été le théâtre depuis la conquête de nos armes. Mais le moyen d'élevcr la voix assez haut pour dominer les clameurs de la politique et les bruits menaçants qu'il y a dans l'air, même en racontant les choses les plus dramatiques et en citant les faits les pins illustres?– Aussi, au lieu de redire dans leurs défaits et dans leur ensemble les opérations, les combats et les péripéties du siège de Zaatcha, vais-je me borner a en retracer simplement quelques épisodes.
En 1843, nos colonnes avaient franchi la région appelée dans le langage poétique des Arabes: La Porte du Désert (Bab el Sahara) et après avoir aperçu les vastes solitudes, sur la nudité desquelles tranchent à rhorizon quelques montagnes rougeàtres torréfiées par les feux du soleil, elles étaient venues arborer le drapeau de la France sur les murs de Biskara.
Plus tard, M. le chef de bataillon de Saint-Germain fut appelé au commandement du cercle dont cette place est le chef-lieu et snt, en alliant la fermeté à la droiture et à la justice, imposer du respect aux Arabes et leur inspirer une crainte salutaire. Au printemps de 18~9~ il fit un voyage à Constantine, et en son absence le commandement passa aux mains de M. Lagrenée, capitaine du génie, ayant sous ses ordres M. Dubosquet, lieutenant d'infanterie, chargé des affaires arabes. Ce fut alors que Bou Zian, ancien cheik tfAbd-etKader, se mit à exploiter le mécontentement que Pim-
pût sur les palmiers avait fait naître à exciter le fa~ natisme religieux des tribus et à leur prêcher la guerre sainte. Il disait que « le Prophète lui était apparu, le front resplendissant d'une auréole lumineuse; qu'il l'avait nommé son Chérif, qu'il lui avait annoncé que la ruine de l'empire des Roumis était proche, et que l'oasis de Zaatcha avait été désignée par le doigt d'Allah, pour servir de tombeau à l'armée des infid6!es. y
Les crédules Arabes ajoutaient d'autant plus facile ment foi aux paroles deBou-Zian, qu'elles nattaient leur haine contre notre domination et notre race. Et puis cet inspiré avait fait ses preuves sous Abd-el-Kader, et il avait, en d'autres circonstances, imposé sa volonté comme loi souveraine aux tribus des oasis environnantes. A son retour, le commandant de Saint-Germain trouva mille germes de révolte et de discorde dans le cercle que naguère i! avait laissé si calme et si soumis. t) s'en aperçut, tout d'abord, à fattitude nouvelle que l'on prenait vis-à-vis de lui. L'Arabe qui, quelques semaines auparavant, venait lui baiser les pieds, passait maintenant devant lui, fier, le regard menaçant et levant haut la tête.
Cependant M. Séroka, sous-lieutenant au 2.' régiment de la légion étrangère, attaché aux affaires arabes, se trouvait en tournée avec El Arbi, renégat piémontais qui, établi depuis longtemps dans le pays, y exerçait une certaine influence, et était entièrement dévoué à notre cause.
M. Sérota, escorté de quelques spahis, se dirigeait Nom que donnent les Arabes à taus les chrétiens.
vers Zaatcha qu'il voulait visiter, pour juger par luiméme de l'état des esprits et des choses, lorsqu'on Je fit prévenir que Bou-Zian ne se présenterait pas à lui avec le cheik de l'oasis, son ami intime, quoiqu'il eût l'habitude d'accompagner toujours ce dernier en de semblables circonstances. Cet avis se confirma bientôt et le cheik vint seul, en effet, au-devant de M. Séroka.« Où est Bou-Zian, demanda FofEcier français au chef » arabe? Chez lui, répondit celui-ci. Que fait-il ? a » Je l'ignore. Et t'en continua de marcher vers l'oasis. <: Mène-toi, dit en français El Arbi à M. Se2) roka, il y a ici des pièges dans lesquels on tombe vivant, et d'où l'on ne sort que quand le cœur a cessé de battre. Prends garde de t'y laisser conduire. Le Koran est la conscience des Arabes, et il dit à tout serviteur du Prophète Tu tendras des ~n&McA~ à l'infidèle, <M resserreras les liens avec lesquels <M auras attaché ses membres, et <M le mettras à Morf. » En arrivant a Zaatcha, on rencontra Bou-Zian sur une petite place. ~Prépares-toi à me suivre, lui dit M. SéX' roka, le commandant de Biskara veut t'entretenir et il faut que je te conduise vers lui. Et sur un signe de l'officier, deux spahis de l'escorte mettant pied à terre, s'emparèrent de Bou-Zian et voulurent le placer sur un mulet.
Bou-Zian se voyant le plus faible en ce moment, feignit, avec l'astuce-propre aux hommes de son pays, d'obéir sans résistance; mais, en même temps, il cassa comme par mégarde le fil de son chapelet, dont les grains s'éparpillèrent sur le-sol. Il demanda la permission de les ramasser et se baissa pour les prendre, joignant ainsi l'action à la prière de l'accomplir. On le
laiss.a faire. Pendant cette occupation il lança à la dé robée des regards significatifs à des Arabes qui passaient d'aventure, et qui le comprenant, allèrent fermer la porte par laquelle M. Séroka et son escorte étaient entrés, puis coururent aux armes. L'ofEcier et les spahis n'eurent, pour échapper au massacre dont ils étaient menacés, que le temps tout juste d'opérer précipitamment leur retraite, d'ouvrir la porte, et de gagner la plaine de toute la vitesse des jambes de cerfs de leurs coursiers arabes.
Instruit de ces faits, le colonel Carbuccia, du 2.* régiment de la légion étrangère, voulut en tirer vengeance mais malgré ta vigueur de son attaque, un échec sanglant lui révéla l'impossibilité d'enlever Zaatcha avec les faibles ressources dont il pouvait disposer. Bientôt l'insurrection des Zibans se propagea comme un incendie que rien n'arrête. Les tribus de l'Auress se soulevèrent, et placérent à la tête de leurs cavaliers un marabout renommé, Si Abd el-Affid, qui vint audacicusement s'établir et planter son drapeau en signe de défi, sur le versant des montagnes arides situées à une faible distance de Biskara. La jactance de ce fanatique se fut accrue si l'on n'eût pas accepté son défi, et il eût été imprudent de ne pas châtier son audace. Le i7 septembre i849, le commandant de Saint-Germain marcha contre lui avec la garnison de Biskara, et fut tué par une balle reçue au milieu du front, en chargeant vaillamment à la tête de la cavalerie. La victoire nous resta cependant, mais la mort de ce brave officier supérieur, jeune encore et plein d'avenir, nous la fit payer bien cher. Deux des nôtres seulement périrent dans ce brillant combat, où moins de MO français battirent plus
de 4000 arabes Un chasseur d'Afrique et le commandant de Saint-Germain. Un simple soldat et le chef de l'expédition La mort sait mieux que perdonne pratiquer le dogme de l'égalité.
Au moment ou avait lien cette affaire, le général Herbillon, commandant la province de Constantine, réunissait les éléments d'une expédition considérable, à la tête de laquelle il se proposait de marcher en personne, pour comprimer et éteindre dans Zaatcha le foyef d'insurrection qui menaçait d'envahir toute la province. Les dHférents corps de l'armée d'Affiqoe partaient une fois encore pour le rendez-vous de guerre L'artitterie, cette foudre de la terre, que l'homme a témérairement imitée de la foudre du ciel, et qui, partout où elle tonne et frappe, porte, elle aussi, la terreur et la mort. Le génie qui improvise des ponts sur les rivières et des routes dans les montagnes qui, averses sacs à terre étéve, comme par enchantement, des retranchements et des fbrtHtcations en rase campagne, et qui, avec la sape, renverse et réduit en quelques jours, en quelques heures, à l'état de ruines, les cités Hérissantes et les remparts formidables qui avaient coûte tant d'années, tant de travail et tant d'or à construire. L'infanterie, cette reine des batailles, comme l'appelait l'empereur Napoléon, qui marche, un refrain militaire à la bouche, alerte et joyeuse sous le poids de ses armes, de ses cartouches, de ses vivres et du pesant havre-sac auquel s'ajoutent, comme accessoires obligés, la couverture du campement, la tente-abn, des bidons, des marmites, des gamelles, des haches, souvent mem& le bois à brûler destiné à faire bouillir la soupe du matin et du soir et le café de la grande halte. Tout ce bagage
du fantassin est surmonté de bâtons blancs fixés verticalement sur son sac, et qui servent à planter sa tente, lorsque le soir, un peu de repos sur la dure lui est permis, après !s longue marche du jour sous le brûlant soleil d'Afrique. Les chasseurs de Vincennes, ces hussards à pied de l'armée, agiles A la course et adroits au tir A longue distance, avec leurs carabines armées du sabre-baionnett?, qui perce l'ennemi et le pourfend du même coup. Les zouaves troupe infatigable a ta marche, impétueuse à l'attaque intrépide au combat, terrible dans la métée, et dont !a sente vue jette répouvante dans le cœur des Arabes. Les zéphirs bataillons d'infanterie Jégére d'Afrique, où se déverse le trop plein des passions vives et fougueuses-, qui readent le soldat impatient du frein de la discipline, impropre au calme de la garnison, mais excellent au milieu des périls qu'il faut braver avec audace. La légion étrangère, moderne Babel où l'on parle toutes les Les zouaves dont le noyau fat formé des débris du régiment de la Charte, qui, à l'époque de la Révotution de Juillet 1830, fut entièrement composé de volontaires parisiens, ont toujours conservé la gaieté franche et les nMears traditionnelles de leur origine. Ils plaisantent avec les périls, ih rient de leurs fatigues et de leur misère. c La brèche est ma foi superbe, disait la veille de la prise de Constantine, le brave capitaine Régnault commandant alors une compagnie de zouaves. et tué depuis aux journées de Juin 1848, étant général de brigade. c La brèche est vraiment magninqae, il fera bon y monter. A entendre le père Régnantt, répondit nn de ses zouaves, ne dirait-on pas que cette brèche est aussi commode qne le gratid trimard de ~*M<M, et qn'tt ne s'agit plus que de se, promener là-dessus, les deux mains dans les poches?* Le lendemaio, les zouaves conduits à l'assaut par Lamoriciere, leur vaillant colonel arrosaient cette brèche de leur sang, et entraient les premiers dans ia place de'~onstantine.
langues bafaiitons d~ct les grenadiers a la haute stature, au bras chevronné, au front grisonnant, rappellent les têtes de colonnes des vieilles phalanges d'autrefois. Les chasseurs d'Afrique, ces brillants escadrons d'élite, sous l'étendard desquels vient se ranger tout cavat'er vaillant qui aime à voler dans la plaine sur un coursier rapide, à charger tête baissée les masses ennemies, sans nul souci du nombre des combattants qui les composent, ripostant aux coups de fusil par des coups de sabre, chassant tout ce qui fuit, comme la tempête chasse devant elle le sable du désert, immolant tout ce qui résiste, ou a le malheur de se laisser atteindre. Les spahis et les tirailleurs indigènes, troupes africaines formées à l'école des soldats de la France, mais qui ont conservé le costume oriental et pittoresqm&ftes soldats do Prophète. Les goums, contingents fournis par les chefs des tribus soumises, et qui servent d'éclaireurs aux colonnes. Ces arabes forment une espèce de cavalerie irrégulière, à la marche capricieuse et désordonnée, se groupant et s'éparptitant comme un troupeau de chevaux sauvages. Cavaliers primitifs, leurs jambes pendent nues et bronzées le long des flancs de leurs montures un capuchon blanc en forme de coiffe de femme, autour duquel s'enroule, comme un serpent, une corde de poil de chameau, tait TessorHf te teint sombre d& leur visage bistré, sur lequel tranchent une barbiche pointue, des dents blanches et des yeux farouches. Un yatagan est passé dans leur ceinture, un fusil d'une longueur démesurée arme leur bras; un burnous blanc est jeté sur leurs épautes, et ils se drapent dans ses plis, aussi fiers que devait Fetre sous son pallium un guerrier de Rome antique.
Puis venaient les ouvriers d'administration, qui préparent la subsistance de t'armée. Les soldats du train des éqaipages qui, exposés au feu de l'ennemi, sans répondre d ses coups, relèvent les blessés du champ de bataille, les placent sur les cacolets 1 et les portent aux ambntanses. -Les infirmiers militaires qui, remplissant une mission fraternelle et pieuse, adoucissent les souffrances du soldat atteint par le fer ou le plomb de i'ennemi, aident panser ses Messures, et, s'il meurt, lui promettent, avant qu'il n'expire, de porter un jour ses derniers vœux en France, à sa famille. A la suite des colonnes marchait une longue file de mulets, portant munitions, provisions et bagages. Le mulet est dans la guerre d'Afrique un précieux anL at; sa force lui permet de porter les charges les p!us lourdes, sa frugauté de se contenter de quelques poignées d'orge pour toute nourriture, et son pied sûr de marcher sans trébucher dans les sentiers les plus accidentés et dans les passages les plus dangereux et les plus difficiles. Lrs soldats de rarmée d'Afrique ont donné au mulet le nom de ministre, parce que, dhent-Hs, il est chargé des affaires de i'état
Dans un pays à demi-sauvage, où l'homme civilisé EtpëcM de siéges nMpenJns anx flancs f!e3 mulets, et sur tesquels on place les soldats malades on blessés.
<Ttppe donc sus fministre, diMit no soldat da traia des équipages & -.n de ses camarades, eondnctenr comme toi d'une petite caravane servant d'escorte à M. Thiers, dans une excursion qoe cet homme d'état faisait en Algérie. Tappe donc sas l'ministre, te dis-je, it a ta peau dare, ta ne l'écorcheras pat, et puis quand même) n'y anrait pas grand dommage, val*–M. Thiers demanda, non sans quelque inquiétude, ce qae ti~n'Saient cet étrange! paroles, et rit beaucoup de t'etptiottion qai lui en fut donnée.
semble ne pouvoir compter pour vivre que sur les ressources qu'il emporte avec lui, on serait étonné de voir avec quelle adresse et quelle industrieuse activité les vieilles troupes d'Afrique trouvent moyen de suppléer à l'absence totale des aubergistes, des restaurateurs ou marchands quelconques de comestibles. A peine installés au bivouac, chasseurs, zouaves et zépbirs s'occupent de leur repas avec un empressement qui fait le plus grand honneur à leur sollicitude pour les besoins de leur appétit, et avec un soin qui prouve leur expérience consommée en fait de denrées et de préparations culinaires. Où d'autres mourraient de faim, peut-être, ils Oairent et découvrent une foule de produits indigènes, tels que des asperges et des artichauts sauvages, du cresson, des tortues, des escargots, des poules, des œufs, du lait, que sais-je, enfin? Lorsque l'ingratitude du sol, ou l'absence du plus petit douar, les prive de ces ressources naturelles, et s'il arrive, pour surcrott de tribulations, que la viande de boucherie fasse défaut, alors, ma foi, adieu le /rtc~< appétissant, et en avant la <«r/M~c et le riz à la peau de bouc –Us appellent tnrtutine, le biscuit émietté qu'ils mettent dans le potage, en Fricot.
<J*ai faim et je n'ai plus de bt~cait, disait un soir, au bivouac, un zouave assis, comme qtit'qnet-nn: de ses camarades, sur son sac, ton fusil entre têt jambes, à cote de la tente da maréchal Bng**nd. < Ta n'as p!<u de bucait ? tui dit an caporal qui, lui aoM), n'en avait guère, cela n'est pas étonnant, le maréchal n'en a pas non ptm, tai, de biscuit, entre plutôt dans M tente, tu verras, il est obligé de manger dn pain Mane. Le maréchai, a travers le léger mnr de toile qui le séparait des totdats, entendit cette conversation dont il a'amata beaucoap, et envoya fnr-te-dtamp aux zouaves qaelques paitu pour remplacer le bia–cuit qai leur ttitait défant.
guise de vermicelle; et riz a la peau de bouc, le riz pur de tout mélange avec le lait ou la graisse, et cuit si<uplement avec l'eau renfermée dans les peaux qui pendent anx flancs des mulels, quand on traverse un pays où l'on ne trouve ni puits, ni rivières.
Quoiqu'il en soit, toutes ces troupes de l'armée d'Afrique, bronzées par le soleil et par la poudre, aguerries aux périls, rompues aux fatigues, habituées aux privations, soutiennent vaillamment, en toutes rencontres, le vieil et impérissable honneur du drapeau de la France. Qu'importent, après tout, à de tels soldats les privations, les dangers et les fatigues? ne sont-ils pas les fils des soldats de la Grande-Armée ? a
Pendant que s'opérait la réunion des troupes qui devaient marcher sur Zaatcha, Bou-Zian appelant à lui tous les mécontents et tous les croyants fidèles, concentrait dans cette oasis ses moyens de résistance.
L'oasis de Zaatcha avait parmi les Arabes une sorte de réputation d'inviolabilité qui leur inspirait tonte conSance. Ses guerriers avaient repoussé plusieurs fois les attaques des beys de Constantine, et Abd-et-Kader, tui-méme, marchant à la tête de ses réguliers, n'avait pu s'en rendre maître par la force des armes. Aussi les tribus de l'est et du sud de l'Algérie, répondant à l'appel de leurs marabouts, s'empressérent-elles d'envoyer de nombreux contingents dans cette espèce de lieu sacré qu'elles regardaient comme prédestiné an triomphe de la guerre sainte, et qu'elles vénéraient presque à l'égal de la terre ou repose le tombeau du Prophète. Cependant le fanatisme des nombreux défenseurs de Zaatcha, décidés tous à vaincre ou à mourir, n'était pas le sent obstacle A surmonter. Nos soldats habitnésa com-
battre les Arabes sur les montagnes ou dans la plaine, devaient aller les chercher et les atteindre, cette fois, au milieu d'un labyrinthe inextricable, présentant des difGcuttés inouïes qu'il paraissait presqu'impossible de vaincre.
Au milieu des sables brûlants et arides, surgit, comme par un effet miraculeux une haute forêt de palmiers batançant dans les airs leurs branches majestueuses, qui, se découpant sur le limpide azur du ciel, ressemblent de loin à d'immenses panaches verts. Au-dessous des palmiers, et protégés par leur ombrage, croissent des figuiers, des grenadiers et quantité d'antres arbres à fruit, au pied desquels s'entrelacent des plantes rampantes qui, m&tées à des palmiers nains, recouvrent le sol entier d'une épaisse couche de végétation au milieu de laquelle on ne peut se frayer un passage. Des sources abondantes entretiennent de nombreux canaux d'irrigation pratiqués avec une habileté particulière aux arabes des oasis, et qui se croisant en tous sens, vont arroser le pied de leurs palmiers. Enfin au centre de cette forêt du désert qui occupe une étendue de plusieurs lieues carrées, est bâti Zaatcha, dont les maisons impénétrables et les jardins aux murs crénetés, présentent comme autant de petites citadelles dont il faut faire le siège séparément, en s'exposant de tous côtés aux feux croisés et meurtriers d'un ennemi invisible. Mais avant de pouvoir engager ces combats partiels et successifs, it faut d'abord enlever le corps de la place elle-même, qui, comme une forteresse du moyen-Age, est entourée d'un large fossé rempli d'eaa, et protégée par des tours reliées entr'elles par des maisons et des murailles, formant une enceinte continue, et percées
d'innombrables créneaux derrière lesquels les Arabes embusqués et à l'abri chargent leurs atmes, visent à loisir, choisissent l'ennemi qu'ils veulent atteindre, et, le plus souvent, le frappent, sans qu'il soit possible de répondre a leurs coups.
Tels étaient en substance les moyens de défense de Zaatcha, trop ignorés, il faut le dire, lorsque, le 7 octobre 1849, la colonne expéditionnaire, forte de 4000 hommes de toutes armes, environ, arriva devant cette oasis.
Ce jour là même, une attaque de vive force fut ordonnée. Elle fut dirigée sur la Zaouia, nom qui désigne un groupe de maisons situé au nord de Zaatcha, et au centre duquel s'étéva une mosquée.
L'artillerie donne le premier signal, et ses détonations terribles auxquelles succèdent un long et lointain dechirement de l'air, font retentir les échos des montagnes étonnés de répéter le bruit de ce nouveau tonnerre. Les obus volent, éclatent, renversent et portent partout où ils frappent la destruction et la mort.
Les sapeurs du génie, le 5.' bataillon de chasseurs à pied, le 3.* bataillon d'infanterie tégere d'Afrique, et le 2.* régiment de la légion étrangère, ayant à leur tête le colonel Carbuccia, s'avancent au pas de charge, et enlèvent en un clin d'œit les premiers obstacles; mais arrivés à portée de la place, ils sont reçus par une décharge générale A laquelle succède un roulement non interrompu de mousqueterie. Les colonnes d'attaque tonrbillonnent sous la grêle de balles qui pleut sur elles de toutes parts, et jonchent en un instant le sol de leurs morts et de leurs blessés.
Nos soldats exaltés par l'ardeur du courage se main-
tiennent quelque temps sous le feu qui les décime; plusieurs succombent, pas un seul ne recule. Mais à la fin ne sachant à qui adresser leur vengeance, ne voyant devant eux que des murs au dessus desquels s~élève en nuages épais la fumée de la poudre, et pas un seul ennemi à combattre, ils obéissent au signal de retraite, emportant avec eux leurs camarades atteints par le plomb meurtrier, et que le sort a choisis pour les premières victimes de la lutte acharnée et terrible qui commence.
L'insuccès de cette attaque, et les observations positives, cette fois, qui en sont la suite, rendent manifeste Fimpossibitité de songer à renouveler pareille tentative. Un siège en règle est reconnu nécessaire mais, là encore, surgissent de nouvelles difficultés. Les forces disponibles sont insuffisantes pour investir la place, et cependant J'ennemi reçoit A chaque iusiant des secours et des renforts que l'on ne peut empécher d'y pénétrer. De nouvelles troupes et un supplément de matériel sont demandés à Constantine, et, en les attendant, le génie et l'artillerie, secondés par de nombreux travailleurs des autres armes, s'occupent nuit et jour de la construction des ouvrages et des batteries destinéa à foudroyer t<*s murs contre lesquels les baltes et les baïonnettes sont reconnues impuissantes.
Les renforts arrivent la tranchée est ouverte, on arme les batteries, on comble les fossés, et les soldats du génie, admirables de dévouement, de sangfroid et de courage, conduisent la sape avec une patience héroïque sous le feu plongeant de l'ennemi.
M. le colonel de Barrât rallia le camp françau avec iSOO hommes ~e toutes armes.
2
Ici commence une série de combats meurtriers qui causent dans nos rangs les pertes les plus cruelles, et pendant lesquels la vigueur soutenue de l'attaque ne peut être comparée qu'A l'acharnement opiniâlre de la défense. Les Arabes retranchés dans Zaatcha se composent en grande partie de Biskris qui, presque tous, ont été longtemps porte-faix ou domestiques à A)ger, et qui désignent aux coups des plus habiles tireurs les chefs français qu'il faut frapper. Les chasseurs du désert habitués à viser l'autruche à la tête, pour ne pas endommager son précieux plumage, visent et atteignent tout officier qui a le malheur de se montrer un seul instant à découvert. C'est ainsi que succombent le colonel Petit, commandant en chef du génie, en se faisant donner des renseignements sur la ptace M. Besse, capitaine d'artillerie, en rectifiant le tir d'une pièce, et tant d'autres braves officiers, au moment même où ils offrent ta moindre prise aux coups des assiégés. Ces derniers affichent un tel mépris de la mort, que les trous faits par nos boulets leur servent immédiatement de créneaux par lesquels ils font passer leurs longs canons de fusil et nous ajustent froidement, sans le moindre souci du boutet qui va sutvre le boulet qui vient de frapper. Un fils de Bou-Zian qui a longtemps habité Alger, et un Arabe qui a servi comme sergent aux zouaves, sont à la tête des tirailleurs les plus adroits et les plus intrépides, et dirigent tous leurs coups. Le drapeau de Bou-Zian flotte sur les murs de la place, et, de temps en temps, on le distingue luimême à son burnous bleu de ciel, qui tranche sur les burnous blancs des autres Arabes.
Tous les soirs, au coucher du soleil, le feu des Arabes est pendant que!qa~-taet<m{s suspendu. Bou-Zian monte
à la mosquée, et, la face tournée vers l'orient, il fait publiquement la prière, puis i) harangue les siens. H leur dit que <t le jour de l'extermination s'avance, que tous les Français vont périr, et que leurs mains serviront de fourchettes aux Arabes »
Aussitôt après la prière, et comme s'ils venaient d'y puiser un surcroît de fanatique courage, les assiégés recommencent le combat avec une rage et une fureur nouvelles. Une arme d'une main, une torche enuammée de l'autre, ils se précipitent sur nos ouvrages avancés, i en poussant des cris sauvages auxquels se métent de loin les cris lamentables des enfants, les imprécations furieuses des femmes excitant les hommes au combat, le bêlement des troupeaux et les hurlements des chiens. Mais ces clameurs barbares que les assiégés poussent dans te double but de surexciter leur propre courage et d'effrayer nos soldats, ne produisent nullement l'effet qu'ib en attendent. La musique des zouaves y répond, par de joyeuses fanfares, et l'infanterie par un feu nourri qui fusille les Arabes bout portant, et parsème de lenrs cadavres le sol qui s'étend au pied de nos retranchements.
Pendant ces attaqués nocturnes, quelques arabes qui croient voir s'entrouvrir pour eux le paradis de Mahomet, s'its reçoivent la mort en combattant pour la sainte cause, se livrent à des tentatives qui exigent une audace incroyable et une intrépidité inouïe. Les uns vouï.<t Arabes coupaient les mains de nos malheureux soldats tombés morts oa vivants en leor pouvoir: les femmes !é$ faisaient bouillir dans t'eau, les décharnaient ensuite, et en donnaient les os pour Mrfir dejouets aux enfants, en leur disant: Ce sont des mains de Ronmia.
lant enlever jusque sous nos baïonnettes les cadavres de leurs morts, pour leur donner la sépulture, tombent à coté d'eux pour ne plus se relever. D autres, se ruant en foule dans la tranchée, comme un torrent qui a rompu sa digue, essaient d'arracher les armes des mains de nos soldats, et meurent percés de leurs coups. Un nègre d'une force herculéenne et d'une taille colossale, s'agite au milieu du désordre de la mé~ée, renverse tout ce qui suppose à son passage, se jette sur un sergent de zouaves décoré, lui arrache sa croix d'honneur et essuie en se retirant plusieurs coups de fusil tirés précipitamment à quelques pas-de distance, et dont pas un seul ne l'atteint, ou du moins ne le fait tomber. Arrivé sur une éminence, il s'arréle, se retourne, et agite en signe de triomphe le ruban et la croix dont il vient de s'emparer. On voit, à la lueur de sa torche, ses dents blanches briller comme dans un ricanement diabolique sur sa face d'ébéne, puis il se confond dans la foule et disparaît comme elle dans l'obscurité.
Quelquefois de singuliers colloques s'établissent entre les assiégés et les assiégeants. Des officiers, des sousofficiers et même de simples soldais que les Biskris, maintenant combattants de Zaatcha,ont autrefois connus à Alger, sont interpeHés par leurs noms: Un tel, disent les Arabes, tu n'es que sergent-major, viens avec nous, tu seras général. Puis à un autre: Qu'es-tu venu faire ici ~OMryMOt ne retournes-tu pas dans la patrie, pour y cultiver le champ de ton ~re P Et à un autre enfin te voilà en /<!C<!OM eh bien ~M vas mourir, reçois cette balle que /<? t'en<~OM, etc. Ces paroles, prononcées le plus souvent en arabe, le sont quelquefois en français avec un accent
qui dénote que ceux qui les disent sont des transfuges.
Cependant la lenteur obligée des opérations du siège étonne les Arabes peu habitués, lorsque nous parvenons à les joindre, a nous tenir aussi longtemps en échec. Ils croient entrevoir enfin la réalisation des espérances de victoire tant de fois données et tant de fois déçues. On remarque de l'agitation dans les tribus jusque là les plus soumises. Des piétons et des cavaliers arabes s'échelonnent de distance en distance dans toutes les directions, et transmettent aux points les plus reculés du théâtre de la guerre des nouvelles favorables aux défenseurs de Zaatcha. Ces nouvelles sont cause que partout où nous avons laissé de faibles garnisons, elles sont menacées on attaquée*. Des crimes isolés se commettent sur les routes les plus fréquentées et naguère encore les plus sûres. L'impunité semble assurée & ceux qui osent s'en rendre coupables. La crainte du châtiment ne les retient plus. De nouveaux contingents envoyés par les tribus environnantes affluent dans Zaatcha, où ils se portent avec enthousiasme, jaloux de prendre part au triomphe promis.
La nécessité d'arrêter cet étan et de frapper un grand coup dont l'effet moral puisse étouBer dans leur germe les insurrections qui menacent d'éclater sur tous les points à la ibis, devient chaque jour, à chaque instant, plus évidente. Deux brèches sont ouvertes au corps de la place, eues sont jugées praticables, le général se décide à livrer l'assaut.
Le 20 octobre, dés le point du jour, deux colonnes d'attaque, l'une aux ordres du colonel Dumontet, du M." de tigne. l'autre commandée par le colonel Car-
buccia, du 2.' régiment de la légion étrangère, sont lancées sur les deux brèches de la place. A leur sortie de la tranchée, ces deux colonnes sont atteintes par des décharges meurtrières, venant de toutes les directions et tirées, comme toujours, par des ennemis invisibles. La colonne du colonel Carbuccia, dirigée sur la brèche de gauche, s'empare d'une tour dont les boulets et la vétusté ont ébranlé la base. Cette tour s'écroule avec fracas, engloutit plusieurs soldats sous ses ruines, et découvre les autres qui, à l'instant même, sont foudroyés par des feux terribles auxquels il leur est impossible de riposter. Cette colonne fait des efforts surhumains mais inutiles pour pénétrer dans la place; ne pouvant y parvenir, elle est obligée d'opérer sa retraite. Le i." balaillon du 45.* de ligne, dirigé sur la brèche de droite, veut tenter le passage du fossé rempli d'eau, qui le sépare de la muraille écroulée, sur une lourde charette qu'il lance dans ce fossé; mais la charette, en se renversant, devient un obstacle au lieu d'être un moyen. Le génie veut jeter sur le fossé un pont volant qu'il se propose d'établir avec des planches posées sur des tonneaux vides: -Les hommes qui portent ces tonneaux et ces planches sont tués sur place. Les grenadiers formant tête de colonne s'élancent alors dans le fossé, le traversent ayant de l'eau jusqu'aux épaules, et franchissant péniblement la rive escarpée et glissante, arrivent au pied du mur dont la base encore debout tes arrête et les force à subir, dans cette position critique, des feux à bout portant tirés de tous les points qui les environnent. Les autres compagnies du bataillon s'avançant à leur tour sur les pas des grenadiers, sont fusittées en voulaot gravir des pentes de plus en plus glissantes
et impraticables. Entin, arrivé après des efforts inouïs sur la rive opposée à celle d'où il est parti le 45.* se trouve engagé comme dans des impasses crénelés, d'où il lui est matériellement impossible de pénétrer dans la place. Officiers et soldats tombent sous les balles de l'ennemi, partant de droite et de gauche, de bas et de haut, et jusque des décombres sur lesquels ils ont posé leurs pieds. Toutefois, le brave bataillon se maintient pendant deux mortelles heures dans cette position désespérée, et n'obéissant qu'a grande peine au signal de retraite, après avoir vu tomber son commandant quatre capitaines, deux autres officiers et un grand nombre de sous-officiers et de soldats tués ou btessés, il rentre avec calme dans la tranchée, sous la protection du i. bataillon de zouaves, témoin et admirateur d'ane valeur aussi héroïque.
Voici comme épisode de l'assaut du 20 octobre, un trait qui mérite d'être cité Le grenadier Lefèbvre du 45.e de ligne, en voûtant ramasser une pioche auprès d'un mnr, est atteint d'une décharge de tromblon au bras droit et à la cuisse gauche, et tombe à coté de M. le chef de bataillon Guyot, officier dn plus grand mérite, et Btt du brave général de t'empire, de ce nom. M. le commandant Guyot était le filleal de l'empereur Napuléon; deux de ses frères étaient morts avant lui en Afrique. ït fat atteint d'une balle dans la bouche et mourut après quarante-huit heures de souffrances horribles supportées avec une patience et une reti–gnation tub)!me3, tant ponvoir articnter nn tent mot, et ne parlant qu'avec les yeux à aM ofEcier! et à ses M))datM consternés de ttMteMe auprès dn lit de douleur, sur lequel it était etendn sous sa tente. Madame ta comtesse Guyot vit encore, elle était venne se fixer à A)ger pour se rapprocher de ses fils. Hélas, elle n'est plus maintenant rapprochée que de leur tombeau!
quelques-uns de ses camarades étendus raides morts au pied de ce mur qu'ils essayaient quelques instants auparavant de démolir. Son sang coule avec abondance, ses douleurs sont atroces; maiss'it donne signe de vie, de nouveaux coups vont l'atteindre et ce sera fait de lui. !) garde l'immobilité de la mort sous les bouches menaçantes des canons de fusil des Arabes, braqués à travers les créneaux, à quelques pas de lui, et, couché parmi les cadavres, il attend une occasion favorable. Bientôt, entendant le signal de la retraite, il entrouve les yeux et se bazarde à implorer le secours de ses camarades de sa voix la plus faible; mais, o désespoir, ils ne l'entendent pas et s'éloignent Son premier mouvement est alors d'essayer de se trainer jusqu'à eux; mais il reuéchit que s'il bouge il est mort, et il continue de rester immobile. Au bout de quelques heures passées dans les plus cruelles angoisses, il n'entend plus les Arabes, et croyant qu'ils se sont éloignés, il essaie de se gtisser jusqu'au bord du fossé. Mais aussitôt une nouvelle décharge l'atteint en plein dans la caisse droite. Au même instant il se précipite du haut de la contrescarpe dans le fossé, au bord duquel il se blottit, ayant de l'eau jusqu'au dessus de la ceinture, de manière à ce que les fusils des Arabes passant par les créneaux et qui ne peuvent ainsi tirer verticalement, ne t'atteignent pas dans cette position. Quelques heures s'écoutent encore une fièvre brùtante agite convulsivement le corps du pauvre soldat qui, pour étancher la soif qui le dévore, boit l'eau rougie de son propre sang. De sa main gauche, la seule dont il ait le libre usage, il défait comme il peut sa cartouchière, se dépouille de sa capote, puis se remettant à la grâce de Dieu, il se dirige
ou plutôt il se traine vers l'autre rive. Les Arabes ne l'aperçoivent pas cette fois, mais arrivé prés de la tête de sape, il est entendu par les soldats français qui s'y trouvent, et qui le prenant pour un ennemi, se disposent à faire feu sur lui. Sauvez-moi s'écrie-t-il alors, je suis un de TON C<Hn<M*<K~M;/e m'appelle Le/e&~rc, grenadier au 43.e ligne; et aussitôt un trou est pratiqué dans le mur qui sépare la tète de sape du fossé, et dix mains amies lui sont tendues à la fois; mais Lefébvre ne peut s'aider à cause de ses blessures. Un zouave, n'écoutant alors que son dévouement et son courage, et bravant le feu des Arabes auquel i) va s'exposer en se montrant à découvert, saute d'un bond dans le fossé, souléve le grenadier et l'avance, par le trou pratiqué, à ses camarades qui l'attirent à eux et lui prodiguent à t envi tous les secours qu'ils peuvent et dont il a si grand besoin dans son affreuse position. –Le grenadier Lefébvre, aujourd'hui estropié mais guéri de ses blessures, a conservé l'hospitalité du drapeau. It espère maintenant en la modeste pension que la patrie donne au soldat, en échange du sang qu'il a versé pour elle, et des blessures qui l'empêchent de gagner le pain de sa vie.–En attendant, invalide de l'armée active, il partage le pain de ses camarades, sans pouvoir revendiquer désormais sa part de leurs périls et de leurs services
Ancun calcul, aucune prudence humaine, n'avaient pu apprécier ni prévoir le résnttat de l'assaut dn 20. Si le succès eût été possible, it eût, certes, été obtenu Depuis qoe ces lignes ont ëtë écrite*, le grenadier Lelèbvre a reçu une pension et la croix.
avec des troupes d'une aussi grande valeur et d'un aussi brillant courage. Dans les sièges ordinaires, quand une armée, qui environne une place de guerre, est parvenue à s'en approcher et à y faire une brèche praticable, il n'y a plus qu'à passer bravement par cette brèche, au pas de charge, !a baïonnette en avant, et le drame finit dans une dernière et sanglante péripétie. L'assaut du 20 octobre ne put avoir un semblable dénouement. La brèche prise, nos officiers et nos soldats, au lieu de trouver des rues et des places à envahir, furent arrêtés par mille obstacles infranchissables. ?)s ne virent devant eux que muraittes et maisons crénelées qui leur barraient partout le passage, et dont le siège partiel et successif était aussi long, aussi difficile et aussi indispensable que celui du corps de la place elle-méme. Enfin, et pour réjumer en quelques mots cette situation étrange, il ne suffisait pas de brèches faites à la muraille d'enceinte pour pouvoir entrer dans la place, mais c'était la place entière qu'il fallait démolir à coups de canon, afin qu'il fût possible à J'assiégeant d'y mettre le pied et de s'y maintenir. En s'obstinant à vouloir y pénétrer sans faire jouer l'artilierie, et simplement à l'aide de la pioche et de la baïonnette, notre dernier soldat eût inutilement succombé à la tâche, fusillé, comme je l'ai dit plus haut, par un ennemi invisible auquel il était impossible de riposter. Quoiqu'il en soit, l'insuccès de l'assaut du 20, en produisant un effet diamétralement opposé à celui qu'eût nécessairement amené le triomphe, augmenta la confiance et l'audace des assiégés. Les attaques de jour et de nuit devinrent plus fréquentes et plus fur.euses que jamais nos communications furent interceptées par les
gens des oasis environnantes et par des nuées de cavaliers arabes accourus de toutes parts au secours de Zaatcha. Nos patrouilles de cavalerie elles-mêmes et les escortes de nos convois, furent à chaque instant attaquées par des masses ennemies qui croyaient à notre défaite prochaine et se fiaient d'ailleurs sur la supériorité de leur nombre.
De fortes reconnaissances de cavalerie furent alors ordonnées, et quelquefois conduites par le général Herbillon en personne elles eurent un plein succès. Appuyés par de l'infanterie et par des obusiers de montagne, les chasseurs et les spahis abordèrent l'ennemi en plaine, et en firent un carnage terrible. Assaillis avec impétuosité, les cavaliers arabes, qui aiment à jouter de loin avec leurs longs fusils, mais qui redoutent par dessus tout t'arme blanche, tournèrent presque toujours le des aux charges brillantes de notre cavalerie, et trouvèrent sous le sabre, la mort honteuse du soldat qui f'tit sans combattre. Telles étaient, ta plupart du temps, l'ardeur de la poursuite et la panique des fuyards, que le sabre qui pointait ceux-ci par derrière, ne s'arrêtait dans leur corps qu'a la monture.
Toutefois, i! y eut parmi les Arabes des guerriers qui, honteux de la fuite des leurs, osèrent nous faire face et accepter le combat. Dans une de ces rencontres, un cavalier, dont lebras vigoureux est armé du yatagan et dont Fœit ardent brille de tout le feu du courage, fait subitement volte-face, et semble déSer à son tour les chasseurs qui le poursuivent. Un lieutenant court sur lui tête baissée, sabre en avant, et le pointe en pleine poitrine. Mais l'officier français, comme s'il se fût heurté contre un roc inébranlable, perd les étriers,
se renverse sur la croupe de son cheval, et la pointe de son sabre semble avoir rencontré un bouclier invisible contre lequel la vigueur du coup est venue se briser. Au même instant survient un brigadier de chasseurs qui, voyant son lieutenant aux prises avec un Arabe, casse la tète de ce dernier d'un coup de pistolet. On entr'oavre alors le burnous de l'Arabe, et l'on voit sur sa poitrine une triple peau de sanglier desséchée au soleil, et qui lui sert de cuirasse.
Un autre Arabe percé par le sabre du colonel Mirbeck, du 5.e chasseurs d'Afrique, saisit A pleines mains, malgré le coup mortel qui l'a frappé, l'arme qui lui traverse le corps, et imprime au colonel une secousse si violente, que cet officier supérieur en est désarçonné. Un coup de pistolet achève-TArabe et lui fait mordre la poussière.
Dans une de ces charges, le maréchat-des togis Lelong, du i. spahis, est emporté par son cheval au milieu de l'ennemi.- On retrouve quelques jours après les débris de son corps épars et horriblement mutilés. Ses pieds et ses mains percés, portaient la trace des tortures qu'on lui avait fait subir avant de lui donner la mort*.
Une autre fois, des cavaliers nomades revenant du Tell, et que nous traitions en aiïiés, n'eurent pas plu-. Les tortures infligées par les Arabes de Zaatcha à noa malheurtM soldats tombés vivants en leur poavoir, étaient si horribles que la plume *e refuse à les dëctire. Les pritonnien étaient livrés aux femmes anbes qai, véritables furies, te* déchiraient en !ambeaux. Un jonr, elles attachèrent un jeune *ons-omder[de chasseurs d'Afrique à nn arbre, et après lui avoir fait endarer an long martyre, elles le firent dévorer par des chi''tu.
tôt appris par le télégraphe vivant qu'avaient établi les Arabes, la nouvelle exagérée de nos désastres, qu'ils tournèrent leurs armes contre nous, attaquèrent nos patrouilles et pillèrent nos convois. Le salut de l'armée exigeait qu'une punition éclatante fut innigée à ces nomades, afin que l'exemple enrayât ceux qui seraient tentés de les imiter. Ils furent atteints et sabrés sans merci et tous leurs troupeaux tombèrent en notre pouvoir. On vit pendant la déroute de tout jeunes enfants se cramponner à la queue des moutons, afin de ne pas rester en arriére et de pouvoir se sauver plus vite. Nos soldats recueillirent plusieurs de ces petits Arabes, et les traitèrent avec beaucoup de bonté et de douceur.
H était curieux et intéressant de voir ces petits malheureux que la guerre avait rendus orphelins, arriver au camp français avec les soldats qui les tenaient par la main. Terrifiés d'abord, comme s'ils se fussent vus sous la griffe du lion, au moment où l'on s'emparait d'eux, leurs visages s'épanouissaient bientôt de joie et de conGance en voyant les soins que leur prodiguait t'humanité de nos soldats, qui, un peu plus tard, les rendirent à leurs tribus. Cependant de nouveaux bataillons et un supplément de matériel d'artillerie étaient dirigés sur Zaatcha. Le colonel Canrobert y arrive à la tête de mille de ses zouaves. Il est bientôt suivi du 8.* bataillon de chasseurs à pied, d'un bataillon du 8.* de ligne, et d'un bataillon du 5le. Ces renforts portent feffectif des troupes devant Zaalcha à 7000 et quelques cents hommes de toutes armes. Leur arrivée est le signal de l'invasion d'un néan redoutable; ils ont amené avec eux le choléra qui, venant en aide
aux balles de l'ennemi, se déclare dans tous les corps de l'armée et exerce dans nos rangs ses affreux ravages. L'urgence d'en finir avec Zaatcha s'accroit encore de cette circonstance terrible. Les travaux de sape et de tranchée sont poussés avec un redoublement d'ardeur et d'activité. On construit de nouvelles batteries, on les arme et leur feu dirigé avec une précision remarquable foudroie successivement les tours, les murs, les maisons crénelées, et en détoge les tirailleurs arabes qui nous ont fait tant de mal.
En voyant tomber sous nos boulets les murs et les créneaux derrière lesquels ils se croyaient invincibles, les Arabes étfctrisés par le double courage du fanatisme et du désespoir, attaquent nos retranchements avec une fureur qui ne connait plus de bornes Au lieu d'attendre une mort qui désormais leur apparait inévitable, ils courent au-devant d'elle, enflammés du désir de la donner en la recevant. Ils franchissent nos parapets, pénétrent jusqu'à nos batteries, et se font tuer sur nos pièces, en les enlaçant dans leurs bras et en essayant vainement de s'en rendre mattres. Ils cherchent à entamer nos lignes, et, ne pouvant y parvenir, ils se retirent criblés par nos feux qui jonchent partout la terre de leurs morts et de Jeurs blessés.–Maiheur, o malheur! au soldat qu'ils entraînent dans leur fuite, comme le flot qui bat le rocher entraiue en reculant la pierre qui s'en détache Ils lui feront subir mille martyres, pour se venger sur un seul de tous les Français à la fois.
Les choses en sont arrivées à ce point, lorsque le bruit se répand qu'une sédition vient d'éclater parmi les Arabes renfermés dans Zaatcha, et qui ont juré de s'pn~vetir snns ses mines, nlutôt eue de se rendre aux
infidèles. Ils craignent, dit-on, que Bou-Zian, en voyant tout espoir de salut à jamais évanoui, ne songe à se soumettre pour assurer le sien et celui de sa famille. <: Ne le perdons pas de vue, s'écrient i)s c'est lui qui, en nous promettant la victoire, nous a conduits à cette extrémité; it taut qu'il périsse avec nous. }) En apprenant ces injustes méfiances, Bou-Zian se rend sur la place publique. Là, entouré de ses plus braves guerriers, et calme comme le musulman courbant la tête sous t'arrét du destin il adresse à la foule une allocution qui dissipe toutes les craintes d'abandon qu'elle avait conçues, puis élevant la main droite, comme pour prêter serment à la mort, il termine sa harangue par ces paroles qu'il prononce avec une lenteur solennelle < Quand l'heure de mourir sera venue, nous mourrons tous ensemble. »
L'on se préoccupe assez peu de cette sédition dans le camp français; mais bientôt une autre nouvelle se propage sur toute la ligne et cause dans les rangs de nos soldats, malgré leurs souffrances, leurs privations et leur misère, une hitarité générate. Les Arabes ont, dit-on, enduit la peau d'un jeune et vigoureux chameau d'une épaisse et triple couche de poix-résine et de goudron; ils se proposent d'enflammer l'animal depuis les pieds jusqu'à la tête, et de le lancer ensuite, comme nnbrûtot vivant, au milieu de la tranchée. Le désordre et la confusion ne pourront manquer de résulter de cette apparition terrifiante, et les Arabes en proSteront pour essayer une fois encore de fondre sur nos lignes et de les entamer. Ces détails sont donnés comme certains par des Arabes prisonniers qui ont vu, disent-ils, tous les préparatifs de ce projet étrange.
« Où donc est le chameau, s'écrient les soldats? Vat-il bientôt venir? En voilà un a qui l'on aura beau crier qui vive avant qu'il ne réponde Et qui ne s'arrêtera guère quand on lui dira halte-là On dit que la chair du chameau est excellente, nous allons en avoir de toute rôtie. Mais le chameau ne vint pas! Zaatcha succomba avant son apparition, et le nouveau cheval de Troie qui, par une imitation renversée, au lieu d'être introduit dans la place assiégée pour consommer sa ruine, devait au contraire en sortir pour assurer son salut, ne put être moné à bonne fin. Cependant, une nouvelle brèche est faite au corps de la place; elle est large et béante et s'ajoute aux deux brèches par lesquelles on a tenté l'assaut du 20 octobre. Celles-ci ont ettes-mèmes été agrandies par la mine et le boulet. Le fossé est comblé vis-à-vis de ces trois brèches et en rend l'accès praticable.
Le 26 novembre, a sept heures et demie du matin, trois colonnes d'attaque sont formées dans la tranchée. Elles n'attendent qu'un signal pours'eJancer au combat. Une quatrième colonne est chargée d'observer la partie de la place qui n'est pas commandée par nos ouvrages et de couper toute communication avec le dehors. L'artillerie ouvre un feu très-vif sur les brèches, puis à ses détonations, succède tout à coup un imposant silence. L'heure suprême est arrivée; le drame terrible de l'assaut va commencer.
Le signal est donné, les fanfares retentissent, le tambour bat, là charge sonne, et les trois cotonnes, précédées de leurs chefs, s'élancent avec intrépidité. Elles sont fusillées des terrasses, des jardins, des murs, des maisons, des raines et de tous les points où les Arabes
ont pu s'embusquer, pour tuer le plus de Français possible avant de mourir. Des pertes cruelles déciment nos rangs; mais rien n'arrête l'impétuosité de aos soldats, et au bout de quelques instants le drapeau français flotte en signe de victoire sur le point le plus élevé de la ville arabe. Le zouave qui l'arbore sert de but à mille baltes dont pas une seule ne l'atteint. Les rues, les places, les maisons, les terrasses sont partout envahies. Des feux de peloton couchent sur le sol tous les groupes d'Arabes que l'on rencontre. Tout ce qui reste debout dans ces groupes, tombe immédiatement sous la baïonnette. Ce qui n'est pas atteint par le feu, périt par le fer. Pas un seul des défenseurs de Zaatcha ne cherche son salut dans la fuite, pas un seul n'implore la pitié du vainqueur, tous succombent les armes 4 ia main, en vendant chèrement leur vie, et leurs bras ne cessent de combattre que lorsque la mort les a rendus immobiles'. Ceux qui sont embusqués dans les maisons crénelées font sur nous un feu meurtrier,qui nes'éteint~pas même lorsque ces maisons sautent par la mine ou s'écroulent par le boulet'. Ensevelis sous leurs ruines, les Arabes tirent encore, et leurs longs canons de fusil, passant à La population de Zaatcha proprement dite avait disparu de la ville avant le jour de l'assaut, et les 800 cadavres qui te soir gisaient sut la terre, sans compter les cadavres ensevelis tous les raines, étaient cem des Arabes accourus dans Zaatcha pour le triomphe de la guerre sainte.
La mine, en faisant sauter une maison, lança dans les airs une petite fille de sept ans d'une béante remarquable. Elle retomba évanouie sur le sol. On la croyait morte mais un zouave s'apercevant qu'elle respirait encore, prit soin d'ëHë, la rappela à la vie, et t'enveloppa dans son capnchon. Un commandant adopta cette petite infortunée qui n'avait plus ni parents ni asite.
travers les décombres, semblent adresser aux vainqueurs une dernière vengeance et un dernier défi. Bientôt la maison de Bou-Zian devient le but vers lequel tendent tous les Arabes échappés à nos balles et à nos baïonnettes. Trois à quatre cents guerriers s'y renferment, non pour échapper à la mort, leurs mains la touchent déjà, et leurs yeux la voient inévitable, mais pour trouver une dernière consolation à mourir auprès de leur chef et à lui faire un rempart de leurs corps. Un bataillon de zouaves assiège cette maison; –unegréte de balles met en quelques instants 50 hommes de ce bataillon hors de combat mais les zouaves ne reculent pas, ils ne reculent jamais, -et c'est pour cela qu'après chaque action l'on compte toujours un aussi grand nombre de leurs cadavres. On fait avancer une pièce d'artillerie; -les canonniers tombent sous le feu des assiégés, et la pièce ne peut être mise en batterie. On apporte des sacs à poudre, on y met le feu; -la maison résiste. On recommence; elle s'écroule avec fracas et découvre Bou-Zian et ses défenseurs.–Nos soldats s'élancent, les Arabes font sur eux une décharge,–ta dernière! -Puis, abordés à la baïonnette, ils tombent les armes à la main, frappés par devant comme s'honoraient de t'être les guerriers de l'antiquité. On envoie demander au générât si Bou-Zian doit être passé par les armes. L'ordre fatal arrive; Bou-Zian regarde la mort en face, et tombe en égrenant son chapelet. Son fils est reconnu et éprouve le même sort, on le fusille dans un jardin avec une cinquantaine d'autres Arabes'.
Le 6tt de Boo-Z~n était beau jeune et brave. H mourut avec
Le carnage avait duré deux heures. La moisson de la guerre était faite. La mort n'avait plus de victimes à frapper! A neuf heures et demie du matin, la tête de Bou-Zian, celle de son fils et celle de Si-Moussa, marabout de l'Auress, placées au bout de trois piques portées par des chaous, attestaient que notre victoire était complète, et que l'insurrection des Zibans n'avait plus de chefs. Cependant, des Arabes embusqués dans des réduits obscurs et sons des ruines où il était impossible de les découvrir et de les atteindre, continuèrent a à tirer sur nous jusqu'à trois heures de l'après-midi. Le Musulman vaincu se cache et a toujours une balle en réserve pour le Roumi victorieux.
Après avoir employé la journée du 27 A enterrer les morts, a raser Zaatcha et a détruire les palmiers qui en faisaient la richesse, la colonne expéditionnaire prit le 28 la route de Biskara où elle arriva le 29 et séjourna le 50; puis les dirers corps qui la composaient furent dirigés sur leurs garnisons ou camps respectifs. tt était temps que cette leçon terrible fat donnée; car depuis notre conquête jamais insurrection n'avait montré plus d'enthousiasme fanatique dans le présent, plus de confiance absolue dans l'avenir. Si la saison qui s'avançait, le ehoté)~ qui nous décimait, si le nombre toujours croissanr des ennemis qui, accourant de toutes parts, menaçaient de rendre nos communications imposle ealme qui distingue le véritable courage. Un instant avant qu'on le fnsitUt, ne soldat l'ayant pon~ an peu rudement avec la croMe de son fusil, t'œ!) d~jenne Arabe t'eaB*n)n)t: -je tait le fils de Bon-Zian, dit-il, on toe le fils de Boa-Zi*n, on ne le frappe pas. BoarretM arabes. Ils sont respectés par les indigènes, comme le sont )e< nn~!trat< les p!nt honorables dans les pays ctT<U<ti.
sibles si les obstacles de toute nature enfin, que nous avions à surmonter, nous eussent contraints & ajourner notre vengeance et à lever le siège de Zaatcha, c'en était fait les Arabes voyaient une défaite dans notre retraite le jour du triomphe promis apparaissait à leurs yeux comme écrit dans te ciel par la main du destin et !a révolte, se propageant de proche en proche, pouvait envahir et embraser toute l'Algérie. Mais Zaatcha vaincu et rayé de ta carte du monde, les Ar*bes les plus fanatiques disaient, en contemplant ses ruines formant un espace vide au miheu de l'oasis < La fumée de la bataille est dissipée L'odeur de la poudre métée é l'odeur du sang de nos frères, ne s'exhale plus en ces lieux déserts et désormais maudits Oh quand la poudre parle, c'est toujours la poudre des Français qui parle le plus haut et qui impose silence A la notre, et nos guerriers les plus forts et les plus vaillants, lorsqu'ils engagent la lutte avec de tels hommes, doivent se résigner à mourir »
Partout, les habitants des villes de l'Algérie se portèrent au-devant des vainqueurs de Zaatcha. Douze cents braves manquaient dans leurs rangs L'armée d'Afrique avait acheté la victoire au prix de leur sang généreux!
Qu'il était beau de voir ces bataillons brillant par le fer comme les phajacges du Macédonien, s'avancer en colonnes profondes surmontées d'une forêt de baïonnettes étincetantes au soteit, et dont les éclats se reflétaient sur de mâles visages bronzés par le climat, sur des uniformes en lambeaux usés par le bivouac et déchirés par la bataille
Et le soir du retour, des mains amies que l'on pres-
sait, du vin qoe l'on sablait, de joyeux refrains que Fon chantait, puis un dit dans lequel on dormait, faisaient oublier toutes les fatigues et tontes les misères. Quelques heures de joie, de bien-être et de plaisir, effaçaient de la mémoire du soldat quatre mois de privations, de périls et de souffrances.
E.-CH. BOUMEOL.