Les parcs, jardins et bois de Paris

Les Rendez-vous aux jardins ont lieu cette année du 6 au 8 juin. Avec le retour des beaux jours et de la chaleur, les parcs, squares et bois de Paris sont de nouveau à l’honneur et sources d’une rare fraîcheur. 

La plupart d’entre eux remontent au Second Empire et sont nés de la volonté de Napoléon III. Entre 1850 et 1870, la capitale française s’enrichit de plus de 1 800 hectares d’espaces verts. Passionné de botanique, Louis-Napoléon en vient même à recommander l’étude de cette dernière par les femmes, comme en témoigne un extrait de sa correspondance :

Citation : Il faut ensuite apprendre aux élèves à chiffrer, à écrire, et les principes de leur langue, afin qu'elles sachent l'orthographe. Il faut leur apprendre un peu de géographie et d'histoire, mais bien se garder de leur montrer ni le latin ni aucune langue étrangère. On peut enseigner aux plus âgées un peu de botanique, et leur faire un léger cours de physique ou d'histoire naturelle, et encore tout cela peut-il avoir des inconvénients. Il faut se borner, en physique, à ce qui est nécessaire pour prévenir une crasse ignorance et une stupide superstition, et s'en tenir aux faits, sans raisonnements qui tiennent directement ou indirectement aux causes premières.
Correspondance de Napoléon Ier publiée par ordre de l'Empereur Napoléon III, Paris, Imprimerie impériale, 1858-1869, tome 15, p. 281

Exilé en Angleterre, il en admire particulièrement les jardins et les parcs londoniens.

Citation : Ces rues spacieuses, ces maisons architecturales, ces jardins ouverts à tous, ces monuments artistiques, en augmentant le bien-être, perfectionnent le goût. Et si l'on songe qu'à côté de ces vastes travaux vous développez également l'assistance publique, vous multipliez les édifices religieux, les bâtiments destinés à l'éducation, on doit vous savoir un gré infini de faire tant de choses utiles, sans compromettre en rien l'état prospère des finances de la ville. Ma constante préoccupation, vous le savez, est de rechercher les moyens de remédier au ralentissement momentané du travail et d'amener l'aisance dans les classes laborieuses.
La politique impériale exposée par les discours et proclamations de l'empereur Napoléon III, depuis le 10 décembre 1848 jusqu'en février 1868, Paris, 1868

Dans ses discours de « politique générale », il apparaît comme le premier souverain qui ne considère pas seulement la création de jardins pour son propre plaisir, mais aussi à destination d’une population qui a besoin d’être formée au plaisir des sensations visuelles pour surmonter sa condition laborieuse. Se faisant ainsi l’inventeur d’une forme d’urbanisme sociale, Napoléon III initie l’aménagement de vingt-quatre squares, huit parcs ou jardins et de deux bois dans Paris pendant son règne. 

Plusieurs hommes le soutiennent et l’accompagnent par leurs savoir-faire dans cette entreprise d’embellissement : le célèbre préfet Haussmann, mais aussi l’ingénieur Adolphe Alphand, directeur du Service des Promenades et Plantations de la ville de Paris, de même que l’horticulteur Barillet-Deschamp, et de l’architecte Davioud.

Le jardin des Tuileries, dessiné par Le Nôtre, est aménagé à l’anglaise sous le Second Empire mais demeure réservé à l’usage de l’empereur et de sa famille. Ce n’est qu’avec la destruction du palais à l’époque de la Commune que cet espace est rendu accessible au grand public.

dessin en couleur des jardins des Tuileries au XVIIIe siècle avec quelques personnages flânant
Jardin des Tuileries : la terrasse du bord de l'eau, dessin, 17..

Créé au début du XVIIe siècle, le jardin du Luxembourg fut rapidement ouvert à tous, avant de connaître sous le Second Empire un destin peu avenant, et d’être amputé de douze hectares. Parmi les espaces sacrifiés compte la célèbre pépinière des Chartreux, connue pour ses fruits rares et exotiques…

Page de titre de l'ouvrage : Catalogue des plus excellens Fruits, les plus rares & les plus estimés, qui se cultivent dans les Pepinieres des Reverends Peres Chartreux de Paris. Avec leurs descriptions, & le tems le plus ordinaire de leur maturité. A Paris, Chez Jean-Baptiste Delespine, Imprimeur-Libraire ordinaire du Roy, ruë Saint-Jacques, à Saint Paul. M.DCCXXXVI. Avec Permission. 1736.
Catalogue des plus excellens Fruits, les plus rares & les plus estimés. Paris, Jean-Baptiste Delespine,1736.

L’estampe suivante témoigne de sa popularité :

estampes du XIXe siècle représentant un homme marchant seul dans une allée bordée d'arbres du jardin du Luxembourg et un couple discutant à quelques mètre de lui
Frontispice du 10ème arrondissement [division de 1796 à 1860] : [estampe] / [Potémont]. Jardin du Luxembourg, la Pépinière, 1865 ; Palais abbatial de St Germain des Prés, cour et jardin, 1844

Cette amputation fut à l’origine d’une pétition réunissant plus de 10 000 signataires. Le jardin fut par la suite décoré de statues et la fontaine Médicis enrichie de statues antiques réalisées par Ottin. En 1866, une nouvelle fontaine lui est adossée : la fontaine du regard, suffisamment célèbre pour figurer à l’époque dans un guide touristique à destination des étrangers :

Citation : FONTAINE DU REGARD.  Rue du Vaugirard, au coin de celle du Regard. Au milieu d'une masse carrée d'environ douze pieds, s'élève un bassin demi-ovale, de chaque côté des pilastres, ornés chacun de deux dauphins entrelassés dans un trident. Entre ces deux pilastres se trouve un bas-relief représentant Jupiter sous la forme d'un cygne, et Léda à demi couchée sur les bords de l'Eurotas, au milieu des joncs et des roseaux ; au pieds de la nymphe, l'Amour tenant une de ses flèches. Ce monument est recouvert d'un fronton, et dans son tympan, un aigle tenant dans son bec une couronne ; il tient dans ses serres les foudres de Jupiter.
Le guide des étrangers aux monumens publics de Paris , contenant la description des objets les plus curieux et les plus remarquables... Aubry, éditeur

Les jardins des Champs-Elysées constituent une autre curiosité notable de la capitale, saluée entre autres à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900 de la manière suivante :

Citation : Les jardins des Champs-Elysées sont de pures merveilles. Les jardiniers français se sont piqués d’honneur, et ont étudié avec opiniâtreté et avec soin les terrains, les éclairages, les températures, afin d’opérer des choix judicieux. Artistes humbles et passionnés, ils ont voulu faire revivre les traditions du grand siècle. Un Le Nôtre ou un La Quintinie ne renieraient point les tracés de leurs parterres.  Doucement vallonnés, coupés d’allées soigneusement sablées et de petits sentiers, où des arbres majestueux, des bambous verts, des seringas, des lilas blancs, d’autres élégants et légers arbustes exotiques aux feuillages fins et frais, des trembles argentés, des hêtres de Californie, des paulownias, versent leur ombre douce, ils constituent un lieu de repos délicieux. Çà et là, ont été ménagés des bassins d’où s’élancent en gerbes jaillissantes, de minces jets d’eau aux multiples combinaisons. Il y a surtout un petit coin, du côté de l’avenue d’Antin, qui rappelle par son heureuse décoration, ses proportions harmonieuses, les plus jolis bosquets du parc de Versailles. Quelques beaux arbres de l’ancien « Jardin de Paris » étaient même en si bon état qu’il a fallu les ébrancher pour que la façade latérale du Grand Palais ne disparut pas entièrement derrière un épais rideau de feuillage. Au sein de la verdure, sur la droite, s’élèvent les dômes des deux superbes Palais des Beaux-Arts.
L'Exposition pour tous. Visites pratiques à travers les palais. Vue d'ensemble, Paris, 1900.

Créé au XVIIe siècle par Le Nôtre, ce parcours arboré devint bien national en 1792. Les Chevaux de Marly, œuvre de Guillaume Coustou commandée par Louis XIV, furent alors installés place de la Concorde, sur des piédestaux dessinés par David. 

Suite à l’invasion de la France en 1814, les Champs-Elysées se transforment en un vaste campement pour soldats et les lieux sont dévastés, avant d’être restaurés sous forme de jardins à l’anglaise par l’architecte Alphand en 1858.

Pour relier Paris et le Bois de Boulogne récemment inauguré, Napoléon III souhaitait une voie majestueuse, d’abord appelée avenue de l’Impératrice, puis avenue Foch. La décoration de cette voie impériale fut confiée à Alphand qui garnit les jardins de près de 4 000 essences différentes.

collage de trois illustrations dont une représentant l'arrivé du Roi Edouard VII à la station de la porte Dauphine accueilli par le Président de la République Française. sur le quai de la gare les deux hommes sont entourés par des officiels et des miliaires
Paris, gare de l'Avenue du Bois de Boulogne ou gare de l'Avenue Foch, Coll. Bibliothèque historique de la Ville de Paris

C’est sur cette même avenue qu’un monument fut élevé à la mémoire d’Alphand en 1899 par Dalou et Formigé. 

En 1860, à l’occasion de l’ouverture du boulevard Malesherbes, la ville de Paris se porta acquéreuse et expropria les vingt hectares d’un ancien parc plus ou moins à l’abandon. La moitié fut transformée en jardin par Haussmann et son équipe, donnant ainsi naissance au Parc Monceau. Inauguré le 13 août 1861 par Napoléon III, le parc devint rapidement populaire et de nombreux hôtels particuliers furent construits aux alentours, marquant l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie en plein essor. 

photographie en noir et blanc avec le monument à la mémoire de Gounod au milieu du parc Monceau à l'automne
Agence Rol, Parc Monceau, monument Gounod, photographie de presse, 1925

De nombreuses pièces artificielles furent créées pour répondre au goût de l’époque : rochers, cascades, petit pont, faux un ruisseau, sentiers…

Dans le but de délasser la population du sud de Paris, en écho aux Buttes-Chaumont au nord, la création du parc Montsouris fut décidée par décret impérial en 1865. Le chantier ayant été considérablement retardé par la guerre, le parc, dans le style d’un jardin à l’anglaise, ne fut achevé qu’en 1878. Un vaste bassin a été situé au niveau de l’une de ses extrémités. 

En plus des nombreuses sculptures postérieures au Second Empire, le parc abrite une stèle de 5 mètres de haut, la mire de l’observatoire. 

Ancienne et sinistre demeure du gibet de Montfaucon, les pentes des Buttes Chaumont furent ensuite exploitées pour leurs gisements de calcaire, avant de devenir une vaste décharge parsemée d’ateliers d’équarisseurs.  

Paris, gibet de Montfaucon, Coll. Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, estampes

Désireux d’offrir aux habitants des nouvelles communes annexées par la capitale de Belleville et de la Villette, Napoléon III, toujours accompagné pour les aspects techniques par Alphand, choisirent ce terrain peu propice aux plantations en raison de son sol argileux pour l’aménagement d’un parc au nord de la ville. 

Trois années de travaux furent nécessaires, de 1864 à 1867, pour mettre en spectacle le nouveau paysage d’un vaste jardin, renouveler les sols et créer un vaste lac surmonté d’un promontoire. Une grotte et une cascade artificielles furent aussi installées, grâce à de l’eau pompée du canal Saint-Martin tout proche.

Photographie en noir et blanc avec le pont suspendu des Buttes Chaumont au dessus du lac gelé l'hiver
Agence Rol, Buttes Chaumont, le pont suspendu, photographie de presse, 1925

Terrain de chasse favori des rois de France, le bois de Vincennes a été le témoin des verdicts rendu par Saint-Louis dans sa légendaire œuvre de justice. En 1857, Napoléon III confia de nouveau à Alphand le réaménagement de ce vaste espace occupé à l’époque par des champs de tir et de manœuvres du fort militaire situé en son sein.

Alphand fit creuser trois lacs et créa deux îles artificielles. Le parc zoologique et le parc floral, tous deux plus récemment conçus, attirent toujours de nombreux visiteurs. 

photographie en noir et blanc d'un sous bois
 Agence Meurisse, Bois de Vincennes : sous-bois : photographie de presse, 1928.

Ancienne forêt dotée d’une abbaye au Moyen-âge, le bois de Boulogne constitua longtemps un lieu de retraite et de détente prisé des Parisiens, avant que de magnifiques demeures et châteaux s’y construisent au cours du XVIIIème siècle. 

Presque totalement détruit sous la Révolution, le bois fut ensuite réaménagé et Napoléon III le céda en 1852 à la ville de Paris. De nouvelles allées y furent déployées, de même que des lacs creusés et parsemés d’îles. Pas moins de 400 000 arbres vinrent agrémenter cet ensemble, pour le plus grand bonheur des promeneurs. 

Emilia Telsatme, Le bois de Boulogne, Paris, impr. de Morris, 1855.
 

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