Le haricot commun
Le haricot commun n’a pas fini de surprendre, tour à tour volubile, nain, fayot, grimpant, coloré, mangetout, idiomatique et même magique.
De la famille des Fabaceae, le haricot commun (Phaseolus vulgaris) est cultivé en Europe depuis la fin du XVIe siècle. On en consommera tout d’abord les graines puis, à partir du XVIIIe siècle, la gousse, une pratique qui se serait développée au sein des familles nobles italiennes.
De la découverte à l’introduction de P. vulgaris en Europe
Lorsque les navigateurs européens débarquent aux Amériques, ils découvrent un légume encore inconnu en Europe, une sorte de fèves grimpantes à graines, cultivé dans le Nouveau Monde par les indigènes depuis 6 à 8 000 ans.
Deux foyers de diffusion principaux sont identifiés : les pôles mésoaméricain et andin.

Ce légume ressemble étrangement à des légumineuses déjà connues des Grecs et des Latins, tels les pois, fèves, lentilles, doliques. Une confusion entre ces espèces s’instaure avant que les botanistes et horticulteurs ne se penchent sérieusement sur la question.
Ramenées dans les cales espagnoles, les plantes arrivent en Espagne puis sont livrées au pape. Mais une question se pose :
« Le haricot est-il arrivé en France dans la corbeille de mariage de Catherine de Médicis ? »
La réponse se trouve dans l’écrit du docteur Gidon publié en 1936.
Si Olivier de Serres, Jean-Baptiste de La Quintinie, Louis Ligier l’appellent encore faziol, fève ou pois de haricot, le terme Haricot apparaît pour la 1ère fois en 1640 dans le lexique de Oudin.
Le premier ouvrage horticole qui le signale est Le Jardinier français de Bonnefons (1651) consacré aux petites fèves de haricot. En 1775, Le Traité des jardins proposera une description complète de notre légume.
Description
Phaseolus vulgaris est une plante herbacée annuelle, buissonnante ou grimpante (on parle alors de haricot à rames). Cette papilionacée avec ses fleurs blanches ou lilas possède des gousses aux couleur, forme et taille qui divergent en fonction des variétés. Ses 4 à 8 graines ont des teintes multiples, unies ou panachées.

Domestication et évolution variétale
A l’époque précolombienne, le brassage génétique est relativement limité mais à partir du XVIe, le haricot part à la conquête de l’Europe ; les semences circulent. Dès le 1750, la sélection s’intensifie, les variétés cultivées sont nombreuses, grâce aux grainetiers, Clause Vilmorin et bien d’autres, qui jouent alors un rôle décisif.

Au XIXe siècle, le haricot est cultivé en région parisienne en plein champ (Arpajon, Étampes…), ce qui n’empêche pas le maraîchage sous châssis.

En 1925, dans Les plantes potagères par Vilmorin-Andrieux, 95 variétés de haricot commun sont recensées dont de nombreuses régionales tel le fameux haricot flageolet Chevrier, cultivé à Brétigny, à la couleur verte fruit d’un heureux hasard.

Les créations d’Auguste Bonnemain à Etampes comme Merveille de France , Roi des verts, Triomphe des châssis, y figurent également.

Le haricot vert, très consommé aujourd’hui en France, se classe en deux grandes catégories : le haricot filet à consommer très jeune si on le souhaite tendre et le mangetout dépourvu de fil. Parmi les plus anciennes, citons les haricots de Soissons, de Bagnolet, à rames Crochu de Montmagny, le petit riz de Montmorency.
La production des haricots à écosser bénéficie aujourd’hui de l’engouement pour les légumineuses. Le Coco de Paimpol, les haricots Tarbais, le Lingot du Nord font la fierté de leur région d’origine.

La culture
Facile à cultiver, le haricot préfère les terres meubles, profondes et neutres. Il se multiplie par semis, du printemps à l’été, suivant les régions. Sensible au froid, il lui faut éviter les gelées nocturnes. Il apprécie un bon ensoleillement.
Pour une bonne levée, il est nécessaire de ne pas trop enterrer les graines car « le haricot doit voir partir son maître ». Une fois les semis effectués et recouverts, il faudra les arroser régulièrement mais sans excès. Le haricot n’aime pas l’humidité. Selon les variétés, la récolte se fera entre 60 jours et 120 jours après les semis.

Comme toutes les légumineuses, le haricot nécessite peu de fertilisation azotée, grâce à la présence de nodosités dans les racines qui permettent l'assimilation de l'azote de l'air. Une fumure adaptée peut être nécessaire, car…
« Le haricot, quoi qu'on dise, est une légumineuse épuisante.»
Les ennemis du haricot
Les cultures de haricots n’échappent pas aux attaques de ravageurs et aux maladies.
Escargots, limaces détruisent les plantules, rongent les cotylédons et bourgeons. Le tétranyque tisserand, minuscule acarien, attaque le feuillage. La larve de la bruche se développe dans les grains. Les maladies cryptogamiques, l'anthracnose ou la graisse du haricot, affectent sérieusement les cultures. La combinaison de différentes méthodes permet cependant de lutter contre ces ennemis par l'emploi de variétés résistantes, la rotation culturale, l’utilisation d’auxiliaires de cultures et éventuellement de fongicides.
La consommation
Le haricot constitue un aliment de base pour certaines populations de pays en développement, notamment en Amérique latine, où il est associé au maïs qui sert de tuteur, à la courge qui protège les sols, tous deux profitant de l'azote fixé par le premier (on parle alors des « Trois sœurs »), et en Afrique orientale.
Source de protéines, de glucides, de fibres alimentaires, il est nourrissant, énergétique et peu onéreux. Au XVIIIe siècle, en France, un arrêt interdit même son exportation pour assurer la subsistance des habitants.
Il se conserve longtemps sous forme de grains secs. L’inconvénient de sa consommation est la flatulence due à un sucre inassimilable par le gros intestin.
Le haricot et le patrimoine culturel
Le mot actuel dériverait d’ayacotl, nom du haricot dans la langue nahualt parlée au Mexique. Il se serait alors confondu avec le mot haricot qui existait pour désigner un ragoût de mouton. Haricot se rattache aussi au vieux français haligoter signifiant mettre en pièces.
Le haricot est à l’honneur dans plusieurs expressions. Fayoter, ou faire du zèle, viendrait de la conduite de certains marins pour être mieux servis en fayots durant les périodes de restriction de vivres. Le mot fayot dérivé du latin faba signifie fève, elle-même souvent confondue avec notre haricot. La fin des haricots ferait référence aux longs voyages du XVIIIe siècle, les haricots secs n'étant consommés qu'en dernier par les marins.
Dans le conte anglais publié en 1809, Jack et le Haricot magique, des graines de haricot, des œufs d’or et un ogre sont mis en scène.

Les haricots sont fêtés à l’occasion de foires aux haricots dont les plus connues en France sont celles d'Arpajon et de Pont-l'Abbé-d'Arnoult.

Il reste maintenant quelques semaines pour choisir ses semis et préparer la terre avant la récolte de cet été mais surtout la dégustation du « produit du Soissonnais ou de la gloire du Tarbais » !
Pour aller plus loin
Histoires de légumes : des origines à l'orée du XXIe siècle / M. Pitrat et C. Foury, coord. [Versailles] : Éditions Quae, 2015, 410 p.
- Histoire du jardin potager / Florent Quellier. Malakoff : Armand Colin, 2023, 188 p. (Mnémosya)