Le cycas
Si le mot Lucy nous évoque un fossile d’hominidé très ancien, celui d’un Australopithecus afarensis qui aurait vécu il y a plus de trois millions d’années, le mot cycas évoque aux botanistes une plante bien plus ancienne que notre distante parente.
Les cycas datent du Cénozoïque, et leur famille était présente déjà au Mésozoïque. Et nous, lointains cousins de Lucy, par notre avidité de ressources naturelles, avons provoqué l’inscription de presque tous les cycas sur la liste rouge de l’UICN.

À première vue, on peut confondre cycas et palmiers, d’autant que le nom de cycas est peu présent dans nos imaginaires. Ils occupent pourtant une place importante dans les jardins français. Jussieu et Linné les ont décrits. En 1828, un guide des étrangers du Muséum d’histoire naturelle nous apprend que la troisième partie de la dernière serre du Jardin du Roy, nommée serre Saint-Pierre, abritait le cycas de l’Inde et du Japon.
Cette plante arborescente s’est enracinée dans les régions tropicales et subtropicales, s’adaptant au climat des zones semi-arides, mais aussi des forêts tropicales humides. Edme Alfred Hayes répertorie les cycas dans son recueil d’essences forestières de la Nouvelle Calédonie. Au 19e siècle l’explorateur Oswald Heer décrit un fossile de Cycas Steenstrupi, trouvé dans le fjord d’Umenaks au Groenland, qui ressemble au Cycas Revoluta du Japon. Une trace de son ancienneté et de sa distribution géographique d’alors.
Les traits qui définissent cette ancienneté sont ses feuilles sporangifères de grandes dimensions, le fort diamètre de ses troncs, ses gros ovules, ainsi que ses spermatozoïdes ou anthérozoïdes visibles à l’œil nu.

Le tronc cylindrique du cycas est entouré par des pétioles. Il peut être enterré ou non ; dans ce dernier cas, on peut avoir l’impression que la couronne foliaire émerge directement du sol. De son tronc surgissent deux types des feuilles : à feuillages et écailleuses. Elles sont généralement pennées, c’est-à-dire que le rachis, prolongement du pétiole, dispose les feuilles symétriquement l’une face à l’autre, surmontant le tronc en spirale. Les feuilles écailleuses qui sont persistantes, les autres tombent.
Le cycas est une plante dioïque, les pieds mâles portant des cônes de pollen ou strobiles, et les femelles des grappes de mégasporophylles.
Les feuilles et les tiges abritent des substances chimiques neurotoxiques très dangereuses pour les animaux et les êtres humains. La neutralisation de ces substances pour rendre les cycas propres à l’alimentation humaine a été une pratique répandue. Les aborigènes d’Australie fabriquaient un pain à partir de l’amidon qu’ils extrayaient de la tige. En Afrique avant d’utiliser cet amidon, on enterrait la moelle amylacée du tronc pendant deux mois. Anders Sparrman décrit pendant son voyage au cap de Bonne-Espérance la façon dont les Khoïkhoï en font des petits pains ou gâteaux que les explorateurs nomment « pain des Hottentots ». Les Indiens Séminoles de Floride et les insulaires du Pacifique sud trempaient l’amidon dans l’eau à plusieurs reprises pour en extraire les toxines et en faire toujours un appétissant pain. Au Mexique, on mange les graines des cycas.

Les cycas ont eu d’autres usages qu’alimentaires. C’étaient des plantes médicinales en Chine et au Cambodge.
Il y a 4000 années les Étrusques d’Italie utilisaient les cycas fossilisés comme monuments funéraires qu’ils plaçaient sur leurs tombes. Aujourd’hui, sans abandonner cette tradition, on en fait des couronnes funéraires et des arrangements pour la fête des Rameaux, puisque une fois coupées les feuilles restent fraîches et vertes longtemps. Une plante toxique et nourrissante et symbole de la vie et la mort.
