L'aristoloche
« La chambre est ouverte au ciel bleu turquin ; Pas de place : des coffrets et des huches ! Dehors le mur est plein d’aristoloches Où vibrent les gencives des lutins. (…) » Arthur Rimbaud, Jeune ménage, 1872.
Demeure des lutins, pour Arthur Rimbaud, l’aristoloche ou Aristolochia est un genre de plantes à fleurs, appartenant à la grande famille des Aristolochiacées (Aristolochiaceae). Elle compte près de quatre cents espèces, principalement des herbacées vivaces à la racine tubéreuse, parfois grimpantes, ou des arbustes.

Leurs feuillages sont constitués de feuilles cordiformes persistantes. Pendant la floraison — qui s’étend de mai à septembre — les aristoloches se parent de fleurs sans pétales de taille réduite dont le calice incurvé en forme de S sert de réceptacle. Leurs teintes vont du blanc jaunâtre au pourpre en passant par des teintes brunes.

L’originalité de ces fleurs, qui leur vaut le nom de Dutchman’s pipe en anglais, va de pair avec l’odeur nauséabonde qui s’en dégage. Cette fragrance est toutefois fort appréciée des insectes qui viennent y trouver un logis. En effet, pour se reproduire, l’aristoloche à plus d’un tour dans sa sacoche, car à l’aide des poils raides qui tapissent le tube floral, elle enferme ses hôtes jusqu’à sa fécondation. À l’heure où le fruit fait son apparition, le prisonnier est libéré et s’en retourne vers d’autres geôles où il pourra une nouvelle fois remplir son rôle de pollinisateur.

Originaire des régions méditerranéennes, les aristoloches, et notamment l’Aristolochia labiosa, apprécient les régions tropicales, mais certaines variétés ont été cultivées dans des régions plus tempérées, notamment en France, où elles ont su s’adapter. Cette propagation s’explique par son usage récurrent à des fins médicales.

La variété Aristolochia clematis est connue et employée, depuis l’Antiquité, pour ces propriétés médicinales. En grec ancien, « aristos » et « lokhos » signifient respectivement « le meilleur » et « accouchement ». Le rhizome de la plante contient de l’acide aristolochique, aux propriétés emménagogue, abortive, antivenimeuse et diurétique. Cette substance était utilisée comme tonique, régulant le cycle menstruel et la grossesse.

L’Aristolochia clematis fait également partie des ingrédients du fameux remède de la Thériaque, élaboré au Ier siècle par Andromaque — le médecin de l’empereur Néron. Cet antidote universel, particulièrement populaire et largement diffusé dans toute l’Europe, devait guérir des empoisonnements (en latin thêriakos veut dire « qui concerne les bêtes sauvages »), mais également des maux d’estomac, des ulcères ou encore de la peste.

Forte de cette popularité auprès des apothicaires et des médecins, l’Aristolochia clematis est considérée au Moyen-Âge comme une des « simples médecines » ou des « simples », essentielle à la constitution des nombreux remèdes et est incontournable dans les jardins

De nos jours, l’usage de cette plante est tombé en désuétude et l’aristoloche connaît une certaine disgrâce, car elle a la réputation d’être empoisonnée. Il est vrai que l’acide aristolochique peut provoquer des troubles digestifs, rénaux et causer des problèmes respiratoires et nerveux… mais seulement en cas de consommation excessive.