L'aristoloche

« La chambre est ouverte au ciel bleu turquin ; Pas de place : des coffrets et des huches ! Dehors le mur est plein d’aristoloches Où vibrent les gencives des lutins. (…) » Arthur Rimbaud, Jeune ménage, 1872.

Demeure des lutins, pour Arthur Rimbaud, l’aristoloche ou Aristolochia est un genre de plantes à fleurs, appartenant à la grande famille des Aristolochiacées (Aristolochiaceae). Elle compte près de quatre cents espèces, principalement des herbacées vivaces à la racine tubéreuse, parfois grimpantes, ou des arbustes.

Un plant d'aristoloche est peint à la gouache sur vélin. En bas de l'image, une racine est placée à l'horizontale. Sur le plant, les feuilles lancéolées et les fleurs violettes en forme de trompette alternent à gauche et à droite et leur taille diminue plus on remonte la tige.vert foncé
Claude Aubriet, Aristolochia longa, Muséum national d'Histoire naturelle, Collection des vélins, portefeuille 14, folio 46, XVIIIe siècle

Leurs feuillages sont constitués de feuilles cordiformes persistantes. Pendant la floraison — qui s’étend de mai à septembre — les aristoloches se parent de fleurs sans pétales de taille réduite dont le calice incurvé en forme de S sert de réceptacle. Leurs teintes vont du blanc jaunâtre au pourpre en passant par des teintes brunes.

Un plant touffu d'aristoloche porte de nombreuses feuilles en forme de coeur et des fleurs violettes. Une racine est placée horizontalement derrière la tige. Sur le côté gauche, une capsule est représentée entière et, en dessous, coupée en deux pour laisser voir les compartiments contenant les graines, elles-mêmes représentées en dessous de l'ensemble. A droite, deux fleurs, vues de face et de profil, et une feuille.
Anonyme, Aristolochia clematis serpens, Muséum national d'histoire naturelle, Collection des vélins, portefeuille 14, folio 44

L’originalité de ces fleurs, qui leur vaut le nom de Dutchman’s pipe en anglais, va de pair avec l’odeur nauséabonde qui s’en dégage. Cette fragrance est toutefois fort appréciée des insectes qui viennent y trouver un logis. En effet, pour se reproduire, l’aristoloche à plus d’un tour dans sa sacoche, car à l’aide des poils raides qui tapissent le tube floral, elle enferme ses hôtes jusqu’à sa fécondation. À l’heure où le fruit fait son apparition, le prisonnier est libéré et s’en retourne vers d’autres geôles où il pourra une nouvelle fois remplir son rôle de pollinisateur.

Un détail d'un plant d'aristoloche est représenté: la tige forme une diagonale. Une fleur blanc et bordeaux aux motifs marbrés forme une petute bourse surmontée d'une grrande partie en forme de coeur
Pancrace Bessa, Aristolochia labiosa, Muséum national d'histoire naturelle, Collection des vélins, portefeuille 14, folio 50, 1831

Originaire des régions méditerranéennes, les aristoloches, et notamment l’Aristolochia labiosa, apprécient les régions tropicales, mais certaines variétés ont été cultivées dans des régions plus tempérées, notamment en France, où elles ont su s’adapter. Cette propagation s’explique par son usage récurrent à des fins médicales.

Le plant d'aristoloche voit ses fleurs jaunes disposées de façon rayonnante autour de la base des feuilles en forme de coeur
Henri Baillon, Iconographie de la flore française, Paris, 1885-1895

La variété Aristolochia clematis est connue et employée, depuis l’Antiquité, pour ces propriétés médicinales. En grec ancien, « aristos » et « lokhos » signifient respectivement « le meilleur » et « accouchement ». Le rhizome de la plante contient de l’acide aristolochique, aux propriétés emménagogue, abortive, antivenimeuse et diurétique. Cette substance était utilisée comme tonique, régulant le cycle menstruel et la grossesse. 

Ce manuscrit arabe présente trois séries superposées de trois cases horizontales. La première et la troisième série contiennent des inscriptions arabes calligraphiées en rouge et en noir. Les deuxième et quatrième séries montrent des plantes, exceptée celle en bas à gauche représentant un mammifère les pattes écartées.
Traité de la thériaque, 1998

L’Aristolochia clematis fait également partie des ingrédients du fameux remède de la Thériaque, élaboré au Ier siècle par Andromaque — le médecin de l’empereur Néron. Cet antidote universel, particulièrement populaire et largement diffusé dans toute l’Europe, devait guérir des empoisonnements (en latin thêriakos veut dire « qui concerne les bêtes sauvages »), mais également des maux d’estomac, des ulcères ou encore de la peste

Ce manuscrit montre quatre plantes. En haut, deux plants d'aristoloche, à gauche aux feuilles en forme de coeur, et à droite aux feuilles pointues. Toutes les deux portent des fleurs jaunes. En bas à gauche, une armoise montre ses fleur comme de petits pompons jaunes. En bas à droite, un plant d'armoise aux fleurs blanches et à coeur jaune.
Platearius, Livre des simples médecines, ou Herobriste, en français, par ordre alphabétique, 1501-1600

 Forte de cette popularité auprès des apothicaires et des médecins, l’Aristolochia clematis est considérée au Moyen-Âge comme une des « simples médecines » ou des « simples », essentielle à la constitution des nombreux remèdes et est incontournable dans les jardins

A droite, le haut d'un plant d'aristoloche avec ses feuilles en forme de coeur et ses fleurs jaunes. A gauche, une représentation de ses racines surmonte une capsule contenant ses graines
Pierre Bulliard, Herbier de la France, ou collection complette des plantes indigènes de ce royaume, Paris, 1780-1783

De nos jours, l’usage de cette plante est tombé en désuétude et l’aristoloche connaît une certaine disgrâce, car elle a la réputation d’être empoisonnée. Il est vrai que l’acide aristolochique peut provoquer des troubles digestifs, rénaux et causer des problèmes respiratoires et nerveux… mais seulement en cas de consommation excessive.