La fête nationale du 14 juillet : aux sources d’une double commémoration
En ce jour de fête nationale de la République française, Gallica revient sur les deux 14 juillet à l’origine de cette commémoration : la prise de la Bastille, avec l’insurrection populaire du 14 juillet 1789, ainsi que la première fête de la fédération du 14 juillet 1790, symbole d’unité nationale.
Paris, 6 juillet 1880
"Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Article unique. – La République adopte la date du 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle."
Une double commémoration ?
En réponse à M. Fresneau, Henri Martin, désigné comme rapporteur de la séance, rappelle les circonstances de la prise de la Bastille qui, d’après lui, a rendu toute sa force à l’Assemblée nationale, et ajoute que tous les grands progrès ont été ainsi achetés par des larmes et du sang. Pour convaincre son auditoire et unir tous les républicains, il mobilise le souvenir de la fête de la fédération, célébrée un an plus tard et qui symbolise l’union de la nation :
"Mais n’oubliez pas que, derrière ce 14 juillet, où la victoire de l’ère nouvelle sur l’ancien régime fut achetée par une lutte armée, n’oubliez pas qu’après la journée du 14 juillet 1789 il y a eu la journée du 14 juillet 1790. (Très-bien ! à gauche.) Cette journée-là, vous ne lui reprocherez pas d’avoir versé une goutte de sang, d’avoir jeté la division à un degré quelconque dans le pays, Elle a été la consécration de l’unité de la France. Oui, elle a consacré ce que l’ancienne royauté avait préparé. L’ancienne royauté avait fait pour ainsi dire le corps de la France, et nous ne l’avons pas oublié ; la Révolution, ce jour-là, le 14 juillet 1790, a fait, je ne veux pas dire l’âme de la France, - personne que Dieu n’a fait l’âme de la France, - mais la Révolution a donné à la France conscience d’elle-même (Très-bien ! sur les mêmes bancs) ; elle a révélé à elle-même l’âme de la France. Rappelez-vous donc que ce jour-là, le plus beau et le plus pur de notre histoire, que d’un bout à l’autre du pays, les Pyrénées aux Alpes et au Rhin, tous les Français se donnèrent la main. Rappelez-vous que, de toutes les parties du territoire national, arrivèrent à Paris des députations des gardes nationales et de l’armée qui venaient sanctionner l’œuvre de 89. Rappelez-vous ce qu’elles trouvaient dans ce Paris : tout un peuple, sans distinction d’âge ni de sexe, de rang ni de fortune, s’était associé de cœur, avait participé de ses mains aux prodigieux préparatifs de la fête de la Fédération ; Paris avait travaillé à ériger autour du Champ-de-Mars cet amphithéâtre vraiment sacré qui a été rasé par le second empire. Nous ne pouvons plus aujourd’hui convier Paris et les départements sur ces talus du Champ-de-Mars où tant de milliers d’hommes se pressaient pour assister aux solennités nationales.
[…] Messieurs, vous consacrerez ce souvenir, et vous ferez de cette espérance une réalité. Vous répondrez, soyez-en assurés, au sentiment public, en faisant définitivement du 14 juillet, de cette date sans égale qu’a désignée l’histoire, la fête nationale de la France. (Applaudissements à gauche.)" (discours autour du projet de loi le 29 juin 1880, intervention d'Henri Martin)