Et la loi du 5 avril 1928 créa la Sécurité sociale
En juillet 1927, le Sénat adopte un projet de loi sur les assurances sociales, qui fera date dans l’histoire de la protection sociale des Français. Promulgué le 5 avril 1928, ce texte protège tous les salariés modestes en couvrant les risques maladie, invalidité, vieillesse et décès.
Adopté en première lecture par la Chambre des députés, le projet de loi sur les assurances sociales est transmis au Sénat en avril 1924. En juillet 1925, Claude Chauveau, médecin et sénateur de la Côte-d’Or, rend son rapport au nom de la commission de l’hygiène, de l’assistance, de l’assurance et de la prévoyance sociale.
Il rappelle dans un premier temps que la solidarité est la raison d’être et de durer de toute société humaine. Puis il présente ce projet de loi comme l’« une des étapes les plus considérables parcourues jusqu’ici dans la voie du progrès social. »
D’un point de vue historique, Claude Chauveau fait remonter l’assurance sociale à 1673 avec le règlement de Colbert retenant une part de la solde des équipages de marine pour financer leurs soins dans les hôpitaux militaires. En 1709, cette mesure est étendue aux ouvriers des arsenaux et au personnel de la marine marchande.
Parmi les étapes ultérieures, il cite la pension de retraite projetée par la Convention, la loi du 29 juin 1894 instituant les caisses de secours des ouvriers mineurs, et celle du 1er avril 1898 sur les caisses de secours mutuels. Mais au début des années 1920, ces caisses – au nombre de 19 000 sur l’ensemble du territoire – ne protègent qu’une partie des travailleurs, soit quatre à cinq millions de personnes sur huit millions de Français vivant de leur travail.
Le projet de loi soumis à l’examen du Sénat entend donc réunir, dans le cadre d’une organisation unique, les efforts dispersés de toutes ces sociétés. L’assurance sociale nouvellement créée :
« fera, en quelque sorte, fonction de fédérateur de toutes ces mutualités diverses et intensifiera leur action, ce qui réduira considérablement, il faut l’espérer, le champ trop vaste où doit s’exercer l’assistance publique. »
Rapport fait au nom de la Commission de l’hygiène, de l’assistance, de l’assurance et de la prévoyance sociales, chargée d’examiner le projet de loi, adopté par la Chambre des députés, sur les assurances sociales par M. Chauveau, sénateur
Déjà, les Alsaciens et les Lorrains, rentrés dans le giron de la France après la signature du traité de Versailles en 1919, bénéficient d’un système général de protection contre les risques d’accident, d’infirmité et de vieillesse, mis en place par le chancelier Bismarck entre 1883 et 1889 dans l’Empire Allemand. Le temps est venu qu’un tel système d’assurance sociale soit mis en place dans l’Hexagone, quand bien même certains invoquent la situation des finances, peu propice à une réforme de cette envergure.
La loi recourt au système de la « mutualité » : l’État laisse la gestion des assurances sociales aux cotisants, salariés et employeurs. La puissance publique se réserve néanmoins la possibilité de contrôler cette gestion et confie aux juridictions le soin de trancher les litiges qui pourraient advenir.
Sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales tous les salariés des deux sexes dont la rémunération totale annuelle ne dépasse pas un certain montant. Les fermiers, métayers, artisans, petits patrons et travailleurs intellectuels non-salariés peuvent également, s’ils le souhaitent, être admis au système en cotisant.
Les ressources des assurances sociales sont constituées par un versement égal à 10 % du montant des salaires : la moitié à la charge de l’assuré retenue lors de sa paie, l’autre moitié à la charge de l’employeur. Un mode de financement analogue opère encore aujourd’hui pour la Sécurité sociale.
Le texte est examiné par le Sénat du 9 juin au 7 juillet 1927. Il est adopté avec des modifications tenant compte des observations des représentants des professionnels concernés par ce nouveau régime : salariés, employeurs et mutualistes. Puis le texte est transmis à la Chambre des députés qui se prononce par un vote conforme. La loi est promulguée le 5 avril 1928.
Très rapidement, ce système d’assurances sociales est complété par les lois du 5 août 1929 et du 30 avril 1930. Puis il est profondément remanié par l’ordonnance n°45-2250 du 4 octobre 1945 portant organisation de la Sécurité sociale, qui crée un régime général de protection sociale pour l’ensemble de la population.
Pour en savoir plus
Découvrez Mémoire du Sénat, le nouveau site des Archives du Sénat.
Consultez la notice biographique du sénateur Claude Chauveau sur le site du Sénat.