Cours d’art et d'anatomie, avec Stendhal : nus, squelettes et écorchés
À la fin de son ouvrage Histoire de la peinture en Italie, Stendhal propose à ses lecteurs « un cours de 50 heures » pour étudier l'art : étude du nu artistique, de l'anatomie humaine et de l'expression du visage sont au programme. Suivons quelques axes de sa méthode éducative, en nous aidant des ressources présentes dans Gallica.

Histoire de la peinture en Italie, qui paraît avec les seules initiales « M. B. A. A » (par M. Beyle, ancien auditeur), se veut un manuel d’histoire de l’art, en particulier sur la peinture italienne. Stendhal y traite de Michel-Ange, de Léonard de Vinci et surtout du « beau idéal antique » et du « beau idéal moderne ». À la fin de cet ouvrage, Stendhal propose à ses lecteurs un véritable programme de travail visant une gestion optimale du temps. Le parcours est progressif et les heures sont scrupuleusement décomptées. Pas question de se contenter d'un simple apprentissage théorique ou purement livresque. La méthode est avant tout pratique :
Trois in 4° font 50 heures de lecture. Or je prétends, pour peu que ce lecteur ait la faculté de penser par lui-même, qu’il peut, en 50 heures, devenir presque artiste.
Après avoir passé 10h à l'école de natation pour « prendre une idée du coloris », le lecteur devra s'atteler à l'étude du nu artistique :
[L'élève] ira au Palais des arts ou à la Sorbonne où, moyennant une légère rétribution, il sera admis à l’école du nu. Il ira quatre fois dessiner, une demi-heure chaque fois.
Stendhal s’inscrit dans une vision classique des différentes étapes de formation de l’artiste. Le nu artistique (ou « académie ») fait partie des fondamentaux que le peintre et le sculpteur se doivent de maitriser. L'exercice est à la fois d'imitation et d'interprétation : selon l'Encyclopédie méthodique, le corps étant « doué de vie et de sentiment » et le modèle nu qui pose n’étant « ni une statue ni un cadavre », l’artiste aura soin dans sa pratique de refléter « l’être sensible et spirituel qui l’habite ». Dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, l’article Anatomie (III. Anatomie des beaux-arts) va dans le même sens : il s’agit de rechercher avant tout « l’expression » : « Le rendu fidèle et vivant d’une expression n’est pas lié à la copie minutieuse des détails. […] Il serait déraisonnable d’astreindre rigoureusement l’art à une sorte de calque. »
Le dessin de nu est devenu dès lors à la fois une étape liminaire dans la formation artistique et un véritable sommet en art, un exercice où seuls les plus habiles se distinguent, tant les aspects techniques s’additionnent : réalisme de la physionomie, respect des proportions, dynamisme du mouvement et des torsions du corps, etc.
Michel-Ange, qui a fait du nu masculin un motif récurrent de son œuvre, est l'un des grands maitres en la matière :
Le dessin de nu est devenu dès lors à la fois une étape liminaire dans la formation artistique et un véritable sommet en art, un exercice où seuls les plus habiles se distinguent, tant les aspects techniques s’additionnent : réalisme de la physionomie, respect des proportions, dynamisme du mouvement et des torsions du corps, etc.
Michel-Ange, qui a fait du nu masculin un motif récurrent de son œuvre, est l'un des grands maitres en la matière :
Jeune homme nu sortant de l'eau : estampe, d'après Michel-Ange, par Marc-Antoine Raimondi, 1509
Ignudo (Nu de la chapelle Sixtine), estampe d'après une figure de Michel Ange, par Alberti, Cherubino
Allant de pair avec l'étude du nu, Stendhal décrète nécessaire la connaissance des principaux muscles du corps humain :
La maîtrise des proportions du corps humain suppose en effet une connaissance scientifique précise de la structure musculo-squelettique et nerveuse du corps humain :Copier le modèle sans savoir l’anatomie, c’est transcrire un langage qu’on n’entend pas.
[L'élève] apprendra par cœur le nom des principaux muscles, le deltoïde, les pectoraux, les gémeaux, le tendon d’Achille, etc. Il comprendra que si le deltoïde est contracté, il faut que le biceps soit étendu.
On trouve dans Gallica bon nombre de manuels sur l'étude du corps humain destinés aux artistes. Avis aux amateurs ! :