Cap sur le Nord : La carte marine de Joris Carolus (1614)
Explorez sur Gallica un très rare exemple de carte marine manuscrite produite en Hollande-du-Nord au début du XVIIe siècle. Ce portulan représentant le littoral septentrional de l’Europe est exposé en 2025 au musée de la BnF, site Richelieu, dans le cadre de rotations d’œuvres sur le thème « Europes en partage ».
Cette carte marine sur parchemin est l'œuvre du cartographe et marin néerlandais Joris Carolus (1566-1636). Elle est conservée à la Bibliothèque nationale de France depuis 1942, à la suite du dépôt par le Service hydrographique et océanique de la Marine d’un ensemble de 45 pièces de grande valeur au département des Cartes et plans de la BnF.
Ce qui saisit -et trompe- immédiatement l'œil dans la carte, est cet encadrement baroque et enluminé, mettant en scène dans un format carré une carte représentant le nord de la Scandinavie et son littoral septentrional. De par ces atours luxueux, ce document cartographique fait indéniablement partie de la catégorie des cartes marines somptuaires, destinées à être contemplées autant qu’à informer et dressées a posteriori des voyages d’exploration. Elle n’avait pas pour but de servir à la navigation et d’être embarquée à bord d’un navire.
Son auteur est pourtant bien un marin : Joris Carolus, originaire de la ville portuaire d’Enkhuizen, située dans le nord des Pays-Bas (Provinces-Unies des Pays-Bas, au début du XVIIe siècle ), dans la province de Hollande-Septentrionale (alors Comté de Hollande), sur les bords du Golfe de la Zuiderzee.
Détail de Provinces-Unies des Pays-Bas [...], XVIIe siècle, par Nicolas Sanson (1600-1667), BnF Cartes et plans, GE C-11346
La ville d’Enkhuizen, comme celle d’Edam sur le même rivage, est le creuset d’une école de cartographie de Hollande-du-nord émergeant à partir des années 1580, en étroite relation avec les éditeurs amstellodamois (Amsterdam est située 60 kilomètres plus au sud) et avec les compagnies de commerce maritimes basées sur les bords de la Zuiderzee (aujourd’hui Lac d'Ijssel). Ces compagnies envoient alors régulièrement des expéditions de pêche et d’explorations dans les mers arctiques. La plupart des cartographes, originaires ou installés dans ces villes, se présentent alors comme des marins, des stierman (des pilotes) et des caert-schrijvers (littéralement écrivains de carte), produisant à la fois des recueils de cartes imprimées et autres formes cartographiques utiles à la navigation (profils de côtes, instructions nautiques) et des cartes manuscrites somptueuses en une feuille, souvent de vélin.
La carte de Carolus en est un fameux exemple et la BnF propose de l’admirer au musée de la BnF jusqu’à janvier 2026 mais aussi de la parcourir dans ses moindres détails via la présentation guidée ci-dessous :
Après la publication de cette carte en 1614, Carolus repart en mer et produit en 1626 une deuxième carte sur vélin des mers arctiques (celle-ci conservée aux Archives nationales de la Haye) représentant en plus du Svalbard, la côte ouest du Groenland, les côtes du Labrador et l’Islande.
Outre ces deux cartes marines de 1614 et 1626, c’est également grâce une carte imprimée de l’Islande, dressée en 1626 que Joris Carolus -devenu professeur à la fin de sa vie- passe à la postérité.
Tabula Islandiae, 1630, par Joris Carolus, BnF Cartes et plans, GE DD-2987 (2866)
Pour aller plus loin
- Les portulans. Cartes marines du XIIIe au XVIIe siècle, Monique de La Roncière, Michel Mollat du Jourdan, Paris, Nathan, 1984
- The history of cartography - Volume 3, Cartography in the European Renaissance, sous la direction de David Woodward, Chapitre 45 - Maritime Cartography in the Low Coutries during the Renaissance, Chicago 2007
- Le parcours thématique sur les cartes marines dans Gallica

