25 septembre 1597, Henri IV reprend Amiens

En 2029 ouvrira à Amiens le nouveau site de conservation de la BnF, à deux pas de l’ancienne citadelle construite sous Henri IV. Or le roi de France a bien failli perdre la ville et a dû batailler pour la reprendre : découvrez cet épisode marquant de l'histoire amiénoise, à travers des documents méconnus disponibles sur Gallica.

A la fin du XVIe siècle, Amiens est l’une des places fortes qui protègent le nord du royaume, face à la puissante dynastie Habsbourg, possessionnée en Belgique actuelle. Durant les guerres de Religions qui déchirent le pays depuis trois décennies, Amiens est demeurée longtemps affiliée au parti ultra catholique de la Ligue, avant de se rallier finalement au nouveau roi Henri IV en 1594.

Ville episcopale d'Amiens

 

Profil de la ville épiscopale d'Amiens capitale de la Picardie, XVIIs.

Cependant les Habsbourg, appuyés par d’anciens chefs de la Ligue, menacent les frontières et s’emparent même de la ville de Doullens en juillet 1595, à 30 km d’Amiens. Henri IV propose à la cité le renfort de 300 soldats suisses, mais les bourgeois refusent, ne souhaitant pas être militairement redevable au nouveau roi qu’ils reconnaissent depuis peu.

Soldat espagnol en 1572

 

Soldat espagnol en 1572, estampe, coll. Gaignières.

Mal leur en pris : le 11 mars 1597, la ville est investie par l’ennemi lors de la célèbre « surprise d’Amiens ». Quelques soldats espagnols déguisés en paysans s’étant présentés aux portes de la cité avec un chariot de victuailles font tomber des fruits devant les gardes. Profitant de leur inattention, ils les attaquent, tandis que le chariot, arrêté sous la herse, l’empêche de se refermer. Des troupes dissimulées dans les taillis se ruent alors dans la ville, qui est prise en deux heures.

la surprise d'Amiens

 

« La surprise d’Amiens », illustration tirée d’Henri IV, par Hermann Vogel, Paris, Boivin, 1907, p. 47.

D’abord consterné par la prise d’Amiens, Henri IV se range à l’avis de son ministre Sully et décide de la reprendre coûte que coûte. Il confie l’organisation du siège au maréchal de Biron qui coupe aussitôt les axes de circulation pour isoler la cité et organise un vaste camp. Les travaux de circonvallation et contrevallation sont confiés à l’ingénieur militaire Jean Errard de Bar-le-Duc.

arquebuse

 

Illustration d’une pièce d’artillerie extraite du Premier livre des instruments mathematiques mechaniques de J. Errard, Nancy, Jan-Janson, 1584.

Les espagnols, menés par leur commandant Hernán Tello de Portocarrero, ne s’attendaient pas à une riposte si rapide. Ils tentent plusieurs sorties entre mai et juillet, sans parvenir à desserrer l’étau du siège. Le 4 septembre, les troupes d’Henri IV lancent un assaut qui échoue mais durant lequel Hernán Tello de Portocarrero trouve la mort, frappé d’un coup d’arquebuse.

Amiens assiégée par Henri IV

 

Portrait de la ville d'Amiens assiégée par le roy de France et Navarre, estampe d’A. Huberti, 1597.

Le nouveau commandant Girolamo Carafa se retranche dans la ville en attendant l’armée de secours de 25000 hommes de l’archiduc Albert d'Autriche. Cette armée de secours arrive le 20 septembre et tente d’assiéger à leur tour les français. Cependant l’artillerie d’Henri IV défait les troupes de l’archiduc qui préfère se retirer. Voyant leurs derniers espoirs s’envoler, les espagnols se rendent le 25 septembre 1597, après six mois de siège. Henri IV rentre dans la ville reconquise : la menace Habsbourg a été repoussée, pour un temps du moins. 

Henri IV assiégeant Amiens

 

Abreissung des Navarrischen Legers vor Amiens : détail d’une estampe du siège d’Amiens vu par un auteur flamand, 1597.

Pour protéger la cité picarde, le roi ordonne l’édification de la citadelle, dont la conception est confiée à Jean Errard. Amiens est néanmoins punie pour sa prise honteuse et son refus d’accueillir la garnison que le roi avait proposée. L'échevinage est réduit, passant de 27 à 4 membres, encadré par quatre conseillers choisis par le roi, et le maire est remplacé par un premier échevin également nommé par le roi : la ville perd ainsi son autorité sur sa milice.

Henri IV à cheval

 

Henry IIII par la grace de Dieu roy de France et de Navarre, gravure de Thomas de Leu, 1596.

Par la reprise d’Amiens, Henri IV renforce son prestige, incarnant le roi combattant et défenseur du pays. Il rassoit par la même un peu plus son autorité sur son royaume, dont la pacification et la reconstruction sont encore loin d’être achevées.