1867 ou comment le Luxembourg est devenu neutre

Pendant un siècle, à partir de 1867, le grand-duché de Luxembourg est reconnu internationalement comme un État neutre. C’est le résultat de l’évolution complexe des relations entre grandes puissances européennes au 19ème siècle.

Le duché de Luxembourg apparaît au Moyen Âge et correspond à l’actuel grand-duché de Luxembourg et à la province belge du Luxembourg, sans compter des territoires actuellement français (Thionville, Montmédy) et allemands (Bitburg). Il fait partie de l’Empire. A la fin du Moyen Âge, la maison de Luxembourg compte plusieurs empereurs. Le duché est acheté par Philippe le Bon duc de Bourgogne et connaît ensuite le destin des possessions bourguignonnes : Pays-Bas espagnols puis autrichiens avant d’être incorporé à la France durant la Révolution sous la forme de département des Forêts.

Un plan gravé montre le Luxembourg dans ses frontières de 1705, avec les lignes frontalières mises en couleur.
Guillaume Sanson, Le Duché de Luxembourg divisé en François, et Espagnol dressé sur les mémoires les plus récents, 1705

En 1815, lors du congrès de Vienne, le Luxembourg est rétabli avec le titre de grand-duché confié au roi des Pays-Bas dont le royaume annexe les anciens Pays-Bas autrichiens. Le grand-duché de Luxembourg et le royaume des Pays-Bas ne forment pas un État unifié mais une union personnelle : ils partagent le même souverain mais restent distincts. En effet, le grand-duché fait partie de la Confédération germanique créée en 1815, contrairement au royaume des Pays-Bas. Cela permet au roi d’être partie prenante de cette Confédération, à l’instar du roi de Grande-Bretagne également roi de Hanovre, ou du roi de Danemark également duc de Holstein et de Saxe-Lauenbourg. Une autre raison est la présence d’une forteresse fédérale à Luxembourg. Pour contenir la menace française, la Confédération germanique entretient des garnisons à Landau, Mayence et Luxembourg. Dans cette dernière ville, la garnison est théoriquement néerlandaise pour un quart et prussienne pour les trois quarts, mais, dans les faits, elle est entièrement prussienne.

Une carte aux frontières en couleur montre la Confédération germanique.
A. H. Gottschick, Handkarte von Deutschland für Schülen, 1845

 En 1830, les Belges se révoltent contre Guillaume Ier des Pays-Bas et prennent le contrôle du Luxembourg, à l’exception de la forteresse de Luxembourg tenue par les Prussiens et qui reste fidèle aux Pays-Bas. De même, le Limbourg est sous contrôle belge, sauf Maastricht dont la garnison défend le parti de Guillaume Ier. Il faut attendre 1839 et le traité des XXIV articles pour que Guillaume Ier accepte l’indépendance belge et que la frontière soit établie entre ls deux Etats. Le Luxembourg est coupé en deux : l’Ouest, francophone, devient une province belge, et l’Est, germanophone, conserve son statut de possession personnelle de Guillaume Ier. La province belge sort de la Confédération germanique. En contrepartie, le Limbourg hollandais y entre. En effet, le Limbourg a lui aussi été scindé en deux : l’Ouest devient une province belge, et l’Est reste dans le royaume des Pays-Bas, autour de Maastricht et de la Meuse. La Belgique devient un pays dont la neutralité est garantie par les grandes puissances européennes.

Le royaume des Pays-Bas comprend alors les actuels Belgique et Luxembourg.
Jean-Baptiste de Bouge, Carte administrative du royaume des Pays-Bas, 1828

Le 19ème siècle voit la montée en puissance du royaume de Prusse. Il crée une union douanière, le Zollverein, auquel adhère le Luxembourg en 1842. Prusse et Autriche se disputent l’hégémonie de l’espace allemand, débouchant sur une guerre en 1866. Napoléon III, dont l’armée est encore déployée au Mexique, n’intervient pas mais espère des compensations au Luxembourg, comme il avait acquis la Savoie et Nice après son soutien au Piémont-Sardaigne contre l’Autriche en 1859. Le Prusse bat l’Autriche à Sadowa en 1866, et la Confédération germanique laisse la place à la Confédération de l’Allemagne du Nord, faisant disparaître le cadre légal justifiant la présence d’une garnison prussienne à Luxembourg. Napoléon III tente alors de convaincre Bismarck de le laisser annexer le Luxembourg, qu’il propose en même temps d’acheter au roi des Pays-Bas, qui lui-même tente sans succès de faire entrer le Luxembourg dans la Confédération de l’Allemagne du Nord. L’opinion publique française est favorable à l’annexion alors que l’opinion publique allemande y est hostile. La guerre semble menacer entre la France et la Prusse.

Un plan en noir et blanc de Luxembourg montre la ville après le démantèlement de ses fortifications, remplacées par des parcs.
J. P. Biermann, Plan de la Ville de Luxembourg en 1878, Nancy, 1878

 Une conférence est organisée à Londres entre les grandes puissances européennes en mai 1867 pour apaiser les tensions. Elle débouche sur le traité de Londres le 11 mai 1867. Il y est décidé que la France renoncera à annexer le Luxembourg ; la Prusse évacuera sa garnison de Luxembourg dont les fortifications seront démantelées ; le Luxembourg est déclaré neutre et sa neutralité sera garantie par les puissances européennes.

Le Luxembourg reste en union personnelle avec les Pays-Bas jusqu’au décès de son roi Guillaume III en 1890. Il ne laisse qu’une fille, Wilhelmine, pour lui succéder comme reine des Pays-Bas, mais le grand-duché de Luxembourg applique la loi salique et il revient à Adolphe, ex-duc de Nassau et cousin du roi défunt. Le Luxembourg devient un pays entièrement indépendant et conserve son union douanière avec l’Allemagne jusqu’en 1918. Cela ne lui évite pas d’être envahi deux fois pas cette même Allemagne, en 1914 et en 1940, au mépris de sa neutralité. Après la Seconde guerre mondiale, le Luxembourg a abandonné sa neutralité, fournissant des effectifs à la zone d’occupation française en Allemagne, et il est un des membres fondateurs de l’OTAN en 1949.

Une cvarte du grand-duché de Luxembourg montre ses différents districts en 4 couleurs différentes.
Huss, Karte des Grossherzogthums Luxemburg, 1886

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