Enseignement de la phonétique expérimentale

La méthode phonotechnique, ou phonotactile, qu'Adolphe Zünd-Burguet présente en 1902 dans un ouvrage intitulé Guérison des défauts de prononciation, est fondée sur l'utilisation d'instruments qui montreront aux patients comment placer notamment la langue et les lèvres pour pouvoir prononcer correctement les phonèmes. Une partie de ces instruments se trouvent rassemblés dans cette mallette, présentée comme un nécessaire de phonétique expérimentale. Elle contient des instruments de captation des mouvements du système phonatoire ainsi que de nombreux guide-langue qui, introduits dans la bouche, corrigent la position de la langue et permettent de montrer au patient comment la placer pour émettre le son voulu. 

Le « pistolet vocal » est peut-être l’instrument de la méthode phonotechnique le plus sophistiqué. Le phonéticien ou phoniatre tient l’appareil par la gâchette, et place les 3 branches respectivement aux commissures des lèvres et à l'extrêmité de la langue de l’élève. Chaque position que peut prendre le pistolet vocal correspond au positionnement correct de la langue et des lèvres lors de la prononciation d’une voyelle distincte. Par exemple, en tirant la gâchette et en poussant la tige centrale, on place la bouche du patient en position de prononcer un "o" ; tirer la tige centrale en sens inverse permet de revenir à la configuration initiale, plaçant la bouche en position de prononcer un "a".

Pour en savoir plus sur le fonctionnement du « pistolet vocal », se référer aux annales de la revue de laryngologie de 1908, pp 912-913.

Les élèves de l’Institut de phonétique travaillent également avec des instruments modifiés pour les besoins des travaux pratiques. En témoigne ce phonographe à cylindre Bettini n°4, dont le mandrin n’est plus destiné à recevoir des cylindres mais des feuilles de papier recouvertes de noir de fumée : l’appareil transcrit directement sous forme de graphique l’onde sonore originale. Le système d’enregistrement a pour ce faire été remplacé par un chariot porte-inscripteur de Lioret et une capsule inscriptrice, ce qui apparente cet objet à un kymographe.

En 1908, Henri-Jules Lioret, horloger et constructeur de phonographes, met au point le lioretgraphe transcripteur n°8. Il combine un système d’enregistrement et lecture d’un cylindre en cire et un système de transcription graphique du signal couché sur ce cylindre. Il faut d’abord enregistrer le son ou la voix à étudier sur le phonographe à cylindre ; le cylindre enregistré est ensuite relu au moyen d’un système qui amplifie toutes les variations du sillon enregistré et les transcrit sur une feuille de papier recouverte de noir de fumée. Créé pour la recherche fondamentale, le lioretgraphe transcripteur n°8 est également utilisé à l'Institut de phonétique dans le cadre des travaux pratiques proposés aux étudiants et comme outil de travail pour les patients : ceux-ci s’enregistrent et comparent ensuite leurs tracés à ceux de la bonne prononciation, et s'entrainenent jusqu'à ce que la transcription graphique de leur enregistrement soit semblable à la transcription de l'original. Cette méthode permettait de s'assurer visuellement de la qualité de la prononciation plutôt que de se fier à l'oreille, parfois trompeuse.

Pour plus d’informations sur le lioretgraphe transcripteur, se référer à : Phonorama.

Cet appareil photographique sur plaque de verre des années 1890 est un des instruments de la méthode visuelle à destination des sourds-muets. Il s'agit d'apprendre à lire sur les lèvres en étudiant des clichés photographiques d'un locuteur en train de prononcer un phonème donné. Les photographies sont donc prises de face et en gros plan centré sur la bouche du locuteur.

Avec la photographie, le cinématographe est un autre média utilisé dans le cadre de la méthode visuelle, et pour des usages similaires. L’Institut de phonétique met en œuvre la méthode visuelle avec ses élèves sourds-muets et cette caméra de 1913 l’y aide. Grâce aux films enregistrés par cette caméra Gaumont de 1913, les étudiants peuvent suivre le mouvement des lèvres et se filmer à leur tour pour identifier leurs erreurs et se perfectionner.

Cette caméra serait un don de Léon Gaumont à l'Institut de phonétique, pratique à rappocher du soutien accordé par Emile Pathé aux Archives de la parole et dont témoignent nombre d'appareils présentés ici : Instruments des Archives de la Parole.

 

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Les recherches fondamentales de l’Institut de phonétique et des autres laboratoires donnent aux praticiens les bases de nouvelles méthodes de traitement des pathologies liées à la parole : correction des défauts de prononciation (bégaiement, chuintement...), rééducation du système phonatoire (auprès des « gueules cassées » de la Grande Guerre ou d'enfants atteints d’un bec de lièvre), apprentissage de la parole pour les sourds et malentendants. L’Institut de phonétique propose même des cours aux étudiants étrangers désireux de gommer leur accent. Trois "méthodes" sont utilisées : la méthode phonotechnique (ou phonotactile) d'Adolphe Zünd-Burguet, la méthode graphique héritée de Rousselot, la méthode visuelle inspirée par les travaux de Graham Bell.