Le philosophe des Lumières

Jean Le Rond d’Alembert

L'un des textes fondateurs qui inaugure le mouvement des Lumières en France est le Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle (1647-1707). Son appel à la tolérance, à la lutte contre les superstitions et les préjugés, va inspirer tout le mouvement de pensée du XVIIIe siècle et le Dictionnaire historique et critique va devenir l'arme privilégiée du camp des "philosophes". L'Encyclopédie de Diderot (1713-1784) et d'Alembert (1717-1783) radicalisera le militantisme philosophique et le combat contre l'obscurantisme, contre le dogmatisme, le fanatisme et le despotisme. Les idées de Pierre Bayle trouveront aussi un écho puissant chez Montesquieu (1689-1755), qui introduit en philosophie politique des notions décisives, Voltaire (1694-1778), héros de la lutte contre l'obscurantisme et les préjugés, et surtout chez Condorcet (1743-1794) le théoricien de l'idée de progrès chère aux Lumières. D'un point de vue plus strictement philosophique, un courant se développe, inspiré par l’Anglais Locke et incarné par Etienne Bonnot de Condillac (1715-1780), représentant éminent de l'empirisme français, et qui trouve un prolongement matérialiste avec Helvétius (1715-1771), d'Holbach (1723-1789), La Mettrie (1709-1751) et Diderot.
 
De tous ces courants se détache la figure originale de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) qui occupe une position transitoire dans le mouvement des Lumières. D'un coté, il représente au plus haut degré l'esprit des Lumières et de l'autre, il en préfigure déjà la contestation romantique.
 
Historique et enjeux du mot « philosophe »
Le premier demi-siècle voit ce mot passer d'une connotation nettement péjorative (Dictionnaire de l’Académie, 1694 : «[...] un homme qui, par libertinage d'esprit, se met au-dessus des devoirs et des obligations ordinaires de la vie civile chrétienne [...] un homme qui ne se refuse rien, qui ne se contraint sur rien, et qui mène une vie de Philosophe », et voir Marivaux, L’Ile de la raison, I, 8 et III, 4)... à une connotation très admirative et à un statut de modèle.
 
1730 : Probable rédaction d'un texte, « Le Philosophe », par Dumarsais.
1743 : « Le Philosophe » est réuni à d’autres textes dans les Nouvelles Libertés de penser, avec d'autres. Ces textes présentés anonymement sont de Fontenelle, de Fréret, de Mirabaud (érudit à ne pas confondre avec Mirabeau).
1765 : L'article « Philosophe », de l'Encyclopédie, longtemps attribué, à tort, à Diderot, est une adaptation édulcorée du texte de Dumarsais.
1773 : Voltaire intègre une nouvelle refonte de ce texte à ses propres Lois de Minos, en supprimant tout ce qui incline à l'athéisme.
 
A le restituer selon Dumarsais, avant les atténuations dont il fut l'objet, ce modèle campe, comme «philosophe », un être :
- non misanthrope : il ne sacrifie jamais les hommes aux principes ;
- non libertin : il ne recherche pas la licence pour elle-même;
- non stoïcien : il n'est pas détaché des biens de ce monde;
- raisonnable et observateur à la fois : il puise à ces deux sources de la connaissance;
- prudent : il sait suspendre son jugement le temps qu'il faut;
- honnête homme : il veut plaire et cultive les vertus de sociabilité;
- désireux de se rendre utile à ses semblables;
- farouchement opposé à l'imposture cléricale;
- professant un athéisme conscient et délibéré.
 
EN SAVOIR PLUS
> Bayle, Dictionnaire historique et critique, 1697
> Voltaire, François-Marie Arouet dit (1694-1778)
> Rousseau, Jean-Jacques (1712-1778)
> Diderot, Denis (1713-1784)
> D’Alembert, Jean le Rond (1717-1783)
> Diderot et d'Alembert, L'Encyclopédie, 1751