Un chroniqueur de son tempsGhislaine Chagrot

Jean Baptiste Colbert, chevalier marquis de Torcy

Les Hommes Illustres

Charles Perrault  écrit les Hommes Illustres : de brèves bibliographies sur les cent personnages les plus importants de son temps, en deux volumes, le premier en 1696 et le second en 1700. Contrairement à l’habitude de ce genre d’ouvrages qui célèbrent des hommes qui se sont distingués dans une activité du même type, littéraire ou militaire, ceux que Perrault a choisis se sont imposés dans des activités socioculturelles différentes : ecclésiastiques, hommes de guerre, homme d’Etat, magistrats, écrivains, peintres, musiciens, sculpteurs etc... Il s’en est défendu en répondant que tous ces hommes assuraient au siècle de Louis XIV son rayonnement.  
Autre principe, quelque soit le mérite de la personnalité dont il est question, la notice qui lui est consacrée ne dépasse pas deux pages (in-folio). L’écrivain observe aussi d’autres règles : pas d’étrangers dans cette galerie de portraits, ces grands hommes doivent  êtres défunts, des précisions nécessaires pour situer la vie et l’œuvre de chacun, mais aussi des petites histoires, des détails piquants susceptibles de satisfaire ceux qui aiment les potins. Perrault déborde volontiers le cadre de la notice nécrologique et glisse une foule de renseignements qui concernent les vivants. Il transforme cette galerie de portraits en une sorte de Bottin mondain destiné à satisfaire le goût du lecteur pour l’indiscrétion. L’information est précise et parfois impitoyable.
 
Collaborateur de Colbert, Perrault a bien connu ces grands hommes, artistes qui ont travaillé à agrandir et embellir Versailles, maréchaux qui ont gagné les batailles, etc. Cependant, si c’est un témoignage précieux et divertissant sur la vie du siècle qui s’achève, il ne faut pas y chercher une pondération et une objectivité dont Perrault semble tout à fait incapable. Tout est prétexte à allusions et comparaisons, parfois désinvoltes et malveillantes ou comme par hasard tournées à son avantage. L’académicien, en tant qu’auteur, a placé son portrait en tête de cette galerie où ne doivent figurer pourtant que ceux d’hommes illustres déjà défunts. L’œuvre excite la verve des railleurs. Des épigrammes circulent, dont voici un exemple :
« Qu’on taxe, j’y consens, / Perrault de vanité / De s’être mis au rang des / hommes de mérité / Qu’on a produits en tout art ce / siècle tant vanté, / Mais je ne puis souffrir / Qu’on blâme sa conduite / De se mettre avant le trépas / Où sûrement, après, on ne / le mettrait pas. »
 

Mémoires de ma vie, par Charles Perrault

Mémoires de ma vie

Les Mémoires de ma vie sont une mine de renseignements sur le XVIIe siècle. C’est un témoignage de première main sur la politique du grand roi par un haut fonctionnaire qui a eu d’importantes responsabilités.Cependant ces mémoires s’arrêtent brusquement au moment exact où éclate la fameuse Querelle des Anciens et des Modernes. Autre particularité, les données biographiques sont réparties de manière déconcertante.
En effet, sur les 118 pages, Perrault en consacre 6 à son frère Nicolas, le théologien, et autant à son frère Pierre, le receveur général des finances, 10 à l’Académie française, 38 à l’achèvement du Louvre et à sa colonnade, 22 à la construction de l’Observatoire, de l’Arc de triomphe du faubourg Saint-Antoine et à l’élaboration de divers projets pour Versailles, et environ 5 à son enfance et à ses années de formation. Comme on le constate, cette autobiographie concerne essentiellement  l’activité de Perrault dans le Bâtiment et à l’Académie française. Enfin, il n’est jamais question des contes. Alors que pour toutes les œuvres qu’il a écrites en collaboration, Perrault s’est toujours arrangé pour rappeler la part qu’il avait prise dans leur élaboration, jamais il n’a revendiqué explicitement la paternité des contes.