À propos de l'œuvreRoger Musnik

Louis-Sébastien Mercier

Témoin des bouleversements opérés par le Révolution française sur la capitale, Louis-Sébastien Mercier, fidèle à son rôle d’observateur, décide de les consigner : « je ne marche plus dans Paris que sur ce qui me rappelle ce qui n'est plus. » Plutôt que de reprendre une fois de plus son Tableau de Paris et de le modifier, il décide de composer un nouvel ouvrage : Le Nouveau Paris. Mais « comment peindre tant de faits et d'événements ? Je dirai ce que j’ai vu. »
 
Sans renoncer à la poétique de l’éparpillement et du mélange du Tableau de Paris, car Mercier refuse le récit chronologique, ce livre est plus historique et factuel. Les 271 chapitres, répartis en six volumes, décrivent les grandes journées révolutionnaires, la prolifération des clubs, la Terreur, mais aussi la prison où Mercier est resté plusieurs mois.
Mais on passe du coq à l’âne : « Fabre d'Eglantine », « Mode », « Dénonciation », « Filles », « Tape-durs », « Sanguinocrate » (chapitres 101 à 106) ; « Massacres de Septembre », « Assignats » et autres « Sans-culottes », en passant par toute une gamme de notions diverses, telles « Contre-révolutionner », « Dédéifier », « binocles et besicles », « Condorcet » ou « Cartes des restaurateurs ». Mercier décrit même les « bals d’hiver » quand « on danse aux Carmes où l'on égorgeait [...] on danse dans trois églises ruinées de ma section, et sur le pavé de toutes les tombes que l'on n’a point encore enlevées : le nom des morts est sous les pieds des danseurs qui ne l'aperçoivent pas. »
 
Mercier veut faire ressentir les évènements à ses lecteurs plus qu’analyser l’ensemble. C’est un témoin, qui sait la réalité confuse : « J’y étais et je n’ai jamais su où j’étais. » Sa méthode est donc de composer son ouvrage par la description de ce qu’il a vu, et par des récits empruntés à d’autres témoins, journalistes, écrivains, connaissances. Et ces témoins ont la parole, de quelques bords qu’ils soient. Néanmoins, Mercier n’est pas neutre car profondément hostile aux Jacobins, et montre un peuple dupé : « les braves guerriers, les fonctionnaires laborieux, les probes, les bons citoyens, ont été trompés, abusés par des démagogues, qui n'ont pris le langage de la liberté que pour la rendre odieuse et exécrable. »
 
Le Nouveau Paris est publié en 1798, puis réédité en 1800. Si la critique avait été réservée sur le Tableau de Paris, elle est totalement absente pour Le Nouveau Paris qui n’aura aucun succès. Sauf chez les historiens du XIXe siècle de la Révolution française (Michelet, Taine, Jaurès, Louis Blanc…) qui vont tous s’appuyer sur ce travail novateur. Dans la réédition de 1862 on précise que ce livre « n'a pas été réimprimé depuis ses deux éditions originales [et] n'est guère connu aujourd'hui que de quelques littérateurs et des historiens de la Révolution, qui paraissent en faire grand cas, sans le citer beaucoup. » Ce déni a continué jusqu’à nos jours, mais récemment on s’est rendu compte de son importance. Le Nouveau Paris est maintenant devenu un classique, indispensable tant pour ceux qui veulent connaître cette période, que pour les amoureux des journaux littéraires.