Notre audace extermina les hommes

Acte I

 

Comme le rappelle Ménalippe, les Amazones sont un peuple de femmes guerrières, qui se gouvernaient seules, et s’unissaient aux hommes de manière passagère pour assurer une descendance dont elle ne gardait que les filles.

MÉNALIPPE
Jadis, pour parvenir à la gloire où nous sommes,
De nos champs notre audace extermina les hommes ;
Chacune à son tyran osa le dérober ;
Un instant sous nos coups les vit tous succomber.
Si le ciel m’eût fait naître en ce jour de carnage,
Que ce hardi projet eût flatté mon courage !
Quel plaisir de remettre un peuple en liberté,
D’établir de nos lois la sage austérité,
Et délivrant nos cœurs d’un joug que je déteste,
D’immoler les objets d’un charme trop funeste !
En tous lieux leur orgueil a su nous abaisser :
Montrons que sans leur force on peut les surpasser :
Unifions leurs vertus à notre utile adresse,
Et craignons des captifs la fureur vengeresse :
La dîme de leur sang est due aux Immortels ;
Payons sans différer ce tribut aux autels :
Le reste loin de nous doit subir l’esclavage :
Mais on veut le trépas d’un chef dont le courage
Répand ici l’effroi dans un peuple indompté.

 

Madame du Boccage, Les Amazones, 1749
>Texte intégral : Lyon, Frères Périsse, 1770