Le mont Aventin à RomeGermaine de Staël

Rome - Le mont Aventin

Le mont Aventin offre plus qu'aucun autre les traces des premiers temps de l'histoire romaine. Précisément en face du palais construit par Tibère on voit les débris du temple de la liberté, bâti par le père des Gracques. Au pied du mont Aventin était le temple dédié à la fortune virile par Servius Tullius, pour remercier les dieux de ce qu'étant né esclave, il était devenu roi. Hors des murs de Rome on trouve aussi les débris d'un temple qui fut consacré à la fortune des femmes, lorsque Véturie arrêta Coriolan. Vis-à-vis du mont Aventin est le mont Janicule, sur lequel Porsenna plaça son armée. C'est en face de ce mont qu'Horatius Coclès fit couper derrière lui le pont qui conduisait à Rome. Les fondements de ce pont subsistent encore ; il y a sur les bords du fleuve un arc de triomphe bâti en briques, aussi simple que l'action qu'il rappelle était grande. Cet arc fut élevé, dit-on, en l’honneur d'Horatius Coclès. Au milieu du Tibre on aperçoit une île formée des gerbes.
C'est sur le mont Aventin que furent placés les temples de la Pudeur Patricienne et de la Pudeur Plébéienne. Au pied de ce mont on voit le temple de Vesta, qui subsiste encore presque en entier, quoique les inondations du Tibre l'aient souvent menacé(a). Non loin de là sont les débris d'une prison pour dettes, où se passa, dit-on, le beau trait de piété filiale généralement connu. C'est aussi dans ce même lieu que Clélie et ses compagnes, prisonnières de Porsenna, traversèrent le Tibre pour venir rejoindre les Romains. Ce mont Aventin repose l'âme de tous les souvenirs pénibles que rappellent les autres collines, et son aspect est beau comme les souvenirs qu'il retrace. On avait donné le nom de belle rive (pulchrum littus) au bord du fleuve qui est au pied de cette colline.
C'est là que se promenaient les orateurs de Rome en sortant du Forum ; c'est là que César et Pompée se rencontraient comme de simples citoyens, et qu'ils cherchaient à captiver Cicéron, dont l'indépendante éloquence leur importait plus alors que la puissance même de leurs armées.
 
Germaine de Staël, Corinne ou l’Italie, 1807
> Texte intégral sur Gallica : Paris, Nicolle, 1807