Affiche de Paul Maurou pour le Rêve à l'Opéra-Comique, 1891Le Rêve d'Alfred Bruneau

(Dossier établi par Jean-Sébastien Macke)

Le Rêve est créé à l'Opéra-Comique le 18 juin 1891. Il est le fruit d'une collaboration directe entre Alfred Bruneau et Louis Gallet, directeur de l'hôpital Lariboisière et librettiste déjà célèbre de Bizet. Emile Zola ne prend pas part à l'écriture du livret. Trop absorbé par sa rencontre avec Jeanne Rozerot et l'écriture de la Bête Humaine, il s'intéresse néanmoins de près à l'évolution des travaux.
Au soir de la première, le public reste d'abord stupéfait. Puis, l'enthousiasme se déchaîne. Le public, certes, est dérouté par ces personnages venus du monde contemporain, par leurs costumes de ville et par le réalisme de l'action et de la mise en scène. On est bien loin des opéras à caractère historique ou mythologique. Les audaces musicales de Bruneau déconcertent également l'auditoire. La sobriété des accords parfaits qui ouvrent l'opéra ou le passage bitonal (pratiquement atonal) du monologue de l'évêque Jean d'Hautecoeur font de Bruneau un compositeur réellement novateur. Claude Debussy reconnaîtra, en 1901, le caractère moderne et indépendant du jeune compositeur :

Il a, entre tous les musiciens, un beau mépris des formules ; il marche à travers les harmonies sans jamais se soucier de leur vertu grammaticalement sonore ; il perçoit des associations mélodiques que d'aucuns qualifient de "monstrueuses" quand elle ne sont qu'inhabituelles.1

C'est, sans doute, cette modernité qui conduisit Gustav Mahler à manifester son admiration pour Bruneau et à conduire le Rêve à Hambourg. Cet opéra fut également repris avec succès à Londres, Bruxelles, Anvers ainsi que dans nombre d'opéras français (Lyon, Bordeaux, Nantes, ...) toujours sous la minutieuse attention de son compositeur. Même Verdi a l'occasion de dire à Bruneau son admiration pour le nouveau chef de file du théâtre lyrique français :

Bruneau surtout l'attirait. Il s'informait de ses travaux, de ses projets d'avenir.
- "Ah ! Si je pouvais être à Paris quand on donnera votre prochain ouvrage, je voudrais tant l'entendre ! Travaillez, c'est si intéressant le travail !"
Ce grand laborieux entourait Bruneau de tendres regards dans lesquels on pouvait lire le regret de ne pouvoir bientôt plus produire. C'était le passé en présence de l'avenir. Rien de plus touchant que cette réception faite par Verdi à un compositeur qui, certes, ne suit pas le sillon italien.
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Toutes ces marques d'attention des plus grands noms de la musique ne soulignent qu'avec plus d'injustice l'oubli dans lequel est tombé Alfred Bruneau depuis soixante ans.

Bruneau donna une transcription pour piano et chant du Rêve, partition dédiée "à Madame Emile Zola" (Editions Choudens Fils, Editeurs, Paris, sd).

Alfred Bruneau publia sous le titre A l'ombre d'un grand coeur (Fasquelle 1931) un volume d'hommage et de souvenirs sur sa collaboration avec Emile Zola.

Le Rêve d'Alfred Bruneau a été repris pour la dernière fois en 1947 à l'Opéra Comique (voir le compte-rendu dans l'article de Gaston Dufy dans Images musicales, n° 56 du 28 février 1947).