Filma, 13e année, n° 83, 1-15 mars 1921.
Cette nuit de Noël, à Beaumont-sur-Oise, une enfant grelottante s'est blottie contre la porte de la cathédrale, sous la statue de Sainte-Agnès. La neige déferlait en bourrasques. Au plus fort de la tourmente, la statue de la sainte parut s'animer et, penchée sur l'enfant, lui promettre d'exaucer son rêve de bonheur et de protéger ce rêve contre les atteintes de la réalité. Au petit jour, la fillette est recueillie par le ménage Hubert. La lignée des Hubert, brodeurs de père en fils, habitait une maison près de la cathédrale. L'enfant trouvée est adoptée, sous le nom d'Angélique, par Hubert et sa femme. L'évêque de Beaumont était alors Monseigneur de Hautecoeur. Capitaine à vingt et un ans, il avait mené jusqu'à la quarantaine une existence agitée. Puis il s'était marié. Sa femme mourut en lui donnant un fils. Il pensa d'abord à se tuer, mais, d'âme croyante, il entra dans les Ordres. Vingt ans plus tard, il était évêque de Beaumont. Pendant vingt ans, il refusa de revoir l'enfant qui avait coûté la vie à sa mère. L'âge, la prière, apaisèrent son chagrin, et voici que Monseigneur a enfin rappelé son fils auprès de lui. Angélique avait maintenant seize ans. C'était une jeune fille de caractère tendre, exalté, mystique. Elle rêvait d'épouser un prince qui viendrait un soir la prendre par la main pour l'emmener dans un palais. Un jour, en lavant le linge dans la rivière, elle aperçoit un peintre-verrier occupé à restaurer un vitrail de la cathédrale. Les jeunes gens lient connaissance. Expansive, enjouée, Angélique dit tout de soi. Du jeune peintre, elle n'apprend que le nom "Félicien". Il est beau, il est doux, il lui déclare qu'il l'aime : Angélique "cristallise" autour de ce nom, tous les élans de son rêve. Félicien est son roi, son maître... Peut-il ne pas l'épouser ?
Mais Félicien n'est autre que le fils de Monseigneur. Celui-ci, de caractère
autoritaire et craignant voir en son fils un passionné, un fou, dévoré
par le désir, s'oppose à la mésalliance. En vain, Angélique
court-elle s'agenouiller devant lui dans la chapelle Hautecoeur. Le prélat
demeure inflexible et lui prononce ce seul mot : "Jamais". Bientôt
une langueur épuise Angélique. A quoi bon lutter, vivre encore,
puisque Félicien ne l'aime pas assez pour braver le refus paternel ?
Angélique va mourir, elle demande un prêtre. Félicien, fou
de douleur, trouve dans son désespoir des paroles qui fléchissent
son père. Celui-ci se reproche à présent sa dureté,
c'est lui qui ira donner l'extrême-onction à Angélique...
Mais ne peut-il faire davantage ? Les Hautecoeur ont gardé de père
en fils depuis des siècles, dit la légende, le pouvoir de guérir
miraculeusement les malades... Le pouvoir est-il demeuré vivace ?...
Le prélat, au chevet de la mourante, murmure l'antique devise des Hautecoeur :
"Si Dieu veut, je veux ...". Et le miracle s'accomplit... Et
l'enfant renaît à la vie... Après cette guérison
miraculeuse, le mariage est fixé aux premiers jours du printemps... Mais
la santé d'Angélique n'est plus celle de naguère... Enfin,
un matin, les cloches de la cathédrale sonnent à toute volée...
Monseigneur unit lui-même Angélique et Félicien, le cortège
défile sous la nef, sort de l'église et voici que les époux
passent sous l'image de Sainte-Agnès... Ils tendent l'un vers l'autre
leurs lèvres... Le rêve d'Angélique est exaucé...
La vie ne peut désormais lui donner de félicité plus profonde...
L'enfant ne peut supporter tant de joie... Et avant que Félicien s'en
fût aperçu, Angélique, au sommet du bonheur, avait disparu
dans le souffle d'un baiser...