(Dossier établi par F. Lauraine)
Contrairement à Flaubert qui proclamait
volontiers que "[lui] vivant jamais on ne [l']illustrera", Zola, peut-être
parce qu'il fut critique d'art, s'intéressa à la mise en images
de ses romans. "Je tiens beaucoup à ce que vous preniez pour
petit dessin, dans le second chapitre, le volume de La Légende dorée
qui m’a servi". Zola s’adressait ainsi, le 16 mars 1888, au premier
illustrateur du Rêve : Georges Jeanniot (Correspondance,
tome VI, p.263, 1887-1890, Paris, éditions du CNRS). On voit d’après
ces brèves indications combien Zola apportait un soin attentif à
la traduction de son texte par l’image.
16 éditions du Rêve illustrées, et en langue
française, de 1888 à nos jours, peuvent être recensées.
Ce recensement inclut la pré-édition sous forme du feuilleton
illustré que publie la revue bimensuelle intitulée : Revue
illustrée, du 1er avril 1888, (n°
56), au 15 octobre de la même année, (n° 69). Le feuilleton
publié du dimanche 2 décembre 1888 (n° 97) au 20 janvier 1889
dans La Vie Populaire, supplément littéraire du Petit
Parisien, paraissant le dimanche et le jeudi, a été écarté
puisqu’il ne comporte qu’une seule illustration. Celle-ci qui occupe toute la
une du numéro 97, est signée en bas à droite L.F.. Elle
sera prise en compte au nombre des illustrations.
Suivent les 11 séries à 50 centimes illustrées par
Carlos Schwabe et Lucien Métivet, parues aux éditions Marpon-Flammarion,
puis 14 éditions qui se suivent de 1892 à 1970.
Il arrive que deux éditions soient à des moments différents,
et sous des présentations différentes, illustrées par le
ou les mêmes dessinateurs, c’est le cas des 11 séries à
50 centimes et du volume de 1892-1893, ornés des 66 gravures d’après
les oeuvres de Schwabe et Métivet. C’est aussi le cas de deux volumes,
l’un de 1936, l’autre de 1953, illustrés par André Pécoud
ou d’un fascicule publié en 1910, ne reprenant que 7 des 43 gravures
exécutées selon les esquisses de René Lelong. Toutes
ces éditions ont été comptées mais, bien entendu,
jamais les illustrations déjà dénombrées. Par ailleurs,
deux éditions contemporaines ont été mises à l’écart
puisqu’elles ne contiennent que des illustrations documentaires, il s’agit du
Rêve au tome 5 des oeuvres complètes de Zola imprimées
à Lausanne par les "Imprimeries Françaises réunies"
pour le compte de l’éditeur Tchou, dans la collection du Livre Précieux,
et du volume du Rêve édité par l’éditeur d’art
Jean de Bonnot, à Paris, en 1993.
13 illustrateurs de Jeanniot à Tim (mort en 2002)
ont pu être identifiés, auxquels il faut ajouter cinq autres dessinateurs,
dont quatre sont anonymes et le cinquième uniquement signalé par
les initiales L.F., comme il a été dit, une édition du
Rêve a failli naître en 1890-91, illustrée par Coindre,
un fin dessin créé comme projet de frontispice, réalisé
juste avant la mort de l’artiste, en témoigne. Jamais gravé, il
est cependant conservé au musée Carnavalet dans la Collection
Céard.
les quatre auteurs anonymes mentionnés ont orné chacun une couverture,
soit celle des deux volumes à "bon marché" de 1925 et
1935, édités par Flammarion, soit celle de volumes parus en 1962
et 1974, dans la collection dite "Collection du Livre de Poche".
Enfin un total de 448 illustrations originales, à l’exclusion des caricatures,
peut être avancé, auquel s’ajoutent l’affiche publicitaire, exécutée
par Jeanniot, qui figure en frontispice dans l’édition Tchou (conservée
au musée Carnavalet dans la collection Céard), 6 dessins inutilisés
de Carlos Schwabe, la première de La Vie Populaire déjà
citée, les quatre couvertures illustrées par des auteurs anonymes,
et le dessin de Coindre.
Quatre points sont à souligner : le premier porte sur la diversité des supports originaux : carton, papier, bois et métal et la variété des techniques picturales : aquarelles, gouaches, sanguines, encres, mines de plomb, dessins à la plume et au fusain. Le second point marque plusieurs différences résultant du passage de l’original à la reproduction par la gravure : celle-ci modifie, parfois très fortement, l’oeuvre initiale. Par ailleurs si Florian, Ruffe, Boileau, Gentry, Haider, cosignent leurs gravures avec Georges Jeanniot, ce n’est pas le cas de Ducourtioux qui modifie parfois les peintures originales de Carlos Schwabe : citons, par exemple, la suppression de la figure noire et bleue allégorique, sans doute l’ange de la mort, au chevet d’Angélique évanouie, et du cortège des femmes accompagnant Sainte Agnès.
Le troisième point concerne une influence de la mode sur le dessin : les visages d’Angélique, par exemple, varient très fortement et l’on pourrait étudier le lien de ces illustrations avec les goûts et les tendances sociologiques et culturelles en vogue l’année de l’édition.
Enfin le quatrième point met l’accent sur un consensus : la diversité
des illustrations, selon les auteurs et les époques, n’exclut pas, en
effet, une certaine cohérence entre elles, créant comme un fonds
commun de "scènes de genres" incontournables : "l’enfant
abandonnée dans la neige", "l’intérieur des Hubert et
le métier à broder", "la chambre d’Angélique",
"la lessive", "la procession et la cathédrale", "la
confrontation avec Monseigneur de Hautecoeur", "le désespoir",
puis "l’amour et la mort".
Notons que le volume le moins illustré est celui de Tim, qui insiste beaucoup sur le côté mystique du roman, puisque 6 dessins sur 10 y sont consacrés.
Signalons enfin le tableau d'Alfred de Richemont "Le Rêve" (1890), Musée d'Orsay Paris.