Chapitre XV
"Cependant Jeanne, qui avait l’habitude de dire
des prières avant de s’endormir, tenait encore ses yeux ouverts
lorsqu’il lui sembla voir la meurtrière qui éclairait
l’intérieur de la tourelle, interceptée tout à
coup par un corps opaque. Elle ne put retenir un cri, et aussitôt
elle vit ce corps se glisser le long du mur extérieur, et des
pas furtifs firent crier faiblement le sable du jardin. Cet étage
n’était pas élevé de plus de dix à douze
pieds au-dessus du sol, et il était possible de monter jusqu’à
la lucarne par le treillage de la vigne qui tapissait la muraille. (...)
Jeanne, toute brave qu’elle était, n’osa pas d’abord aller regarder
par la meurtrière. Lorsque après plusieurs signes de croix
et de pieux exorcismes, elle s’y décida, elle ne vit plus rien.
La lune était pure, et l’ombre des arbres fruitiers se dessinait
immobile et nette sur le sable brillant de l’allée."
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Chapitre IV (Folio, p. 93)
"Enfin, un soir qu’une obscurité plus chaude
tombait du ciel sans lune, quelque chose commença. Elle craignit
de se tromper, cela était si léger, presque insensible,
un petit bruit, nouveau parmi les bruits qu’elle connaissait. Il tardait
à se reproduire, elle retenait son haleine. Puis, il se fit entendre
plus fort, toujours confus. Elle aurait dit le bruit lointain, à
peine deviné d’un pas, ce tremblement de l’air annonçant
une approche, hors de la vue et des oreilles. Ce qu’elle attendait,
venait de l’invisible, sortait lentement de tout ce qui frissonnait
à son entour. Pièce à pièce, cela se dégageait
de son rêve, comme une réalisation des vagues souhaits
de sa jeunesse. (...) C’était un bruit de pas, certainement,
des pas de vision effleurant le sol. Ils cessaient, ils reprenaient,
ici et là, sans qu’il lui fût possible de préciser
l’endroit. (...) Elle avait beau fouiller les ténèbres,
son ouïe seule l’avertissait du prodige attendu, son odorat aussi,
ce parfum accru des fleurs, comme si une haleine s’y fût mêlée.
Et, pendant plusieurs nuits, le cercle des pas se resserra sous le balcon,
elle les écouta s’avancer jusqu’au mur, à ses pieds. Là,
ils s’arrêtaient, et un long silence se faisait alors, et l’enveloppement
s’achevait, cette étreinte lente et grandissante de l’ignoré,
où elle se sentait défaillir."
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