Collection anthropologique du Prince Roland Bonaparte : photographie de Maurice Bucquet. Jardin d'acclimatation, 1892. Société de géographie Images de l'Autre : du Jardin d'acclimatation à l'Exposition coloniale

De 1877 à 1891, "Nubiens, Achantis, Hottentots, Somalis, Dahoméens" sont exhibés au Jardin d'acclimatation de Paris, créé en 1850, pour présenter les espèces animales et végétales issues des différentes parties du monde. La venue des peuples d'Afrique représente un épisode de l'histoire des "exhibitions de sauvages" qui se succèdent en Europe, à la fin du XIXe siècle, pour le plaisir d'un public nombreux qui vient satisfaire sa curiosité au contact de peuples si étranges par leurs langues, par leurs modes de vie qui fascinent et effraient tout à la fois. Ainsi en 1877, les "Zoulous" sont exhibés aux Folies-Bergères, ils y remportent un franc succès qui annonce déjà celui de la revue "Au Dahomey" au Casino de Paris en 1892.

Le Jardin d'acclimatation est aussi utilisé par les membres des sociétés savantes, en particulier la Société d'anthropologie, comme laboratoire d'observation des races humaines. Les Nubiens, sont étudiés par Le Bon, Letourneau, Deniker. Paul Topinard, E-T Hamy étudient pour leur part les "Boschimans" qui retiennent depuis Cuvier l'attention des savants, mais sont confondus encore à l'époque avec les "Hottentots", leurs voisins. Centrées sur l'étude anthropométrique - sont réalisées différentes mesures du corps, des membres, du crâne et des photographies de face, de profil - les observations portent aussi sur les caractères psychologiques, culturels et linguistiques. Il s'agit à la fois de vérifier, valider, guider les observations faites par les voyageurs sur le terrain, de définir sur une base physiologique la psychologie du sauvage et de se prononcer sur les questions de perfectibilité, de déterminisme. En marge de ces observations faites sur le vivant, un vaste débat s'installe au sein des sociétés savantes, donnant lieu à de nombreux articles et ouvrages sur l'inégalité des races.

Le déclin des activités du Jardin d'acclimatation marque la fin d'une période à laquelle succèdent les premières expositions internationales, où sont montrées dans une perspective de glorification de l'Empire, les populations et les richesses des colonies. A l'exposition universelle de 1889, les photographies de Moreau, celles de la collection Roland Bonaparte donnent à voir, à côté de la présentation des "types ethniques", une mise en scène plus élaborée marquée par les influences de l'orientalisme et pour l'Afrique noire une volonté de mettre en contexte, avec les premières reconstitutions de village. Les expositions "d'indigènes" vont ensuite continuer à se multiplier en ponctuant les étapes de la colonisation. Durant les mois qui suivent la conquête de Tombouctou (1894), les Touaregs sont à Paris ; les Malgaches y apparaissent un an après l'occupation de l'île ; le succès des célèbres amazones du royaume d'Abomey fait suite à la défaite de Behanzin devant l'armée française au Dahomey.
L'Exposition coloniale de 1931, marquera en France le terme et l'apogée des exhibitions.