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Sciences pour tous, épisode 5 : livres pour la jeunesse (1658-1850) 1/2

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Autour de l’exposition "Sciences pour tous, 1850-1900", présentée à la BnF jusqu’au 27 août 2017, retournez aux origines de la vulgarisation scientifique à destination de la jeunesse.

Comenius (1592-1670), Joh. Amos Commenius Orbis sensualium pictus... Die sichtbare Welt..., M. Endteri, 1658

Le grand ancêtre des livres pour la jeunesse est celui du pédagogue tchèque Jean Coménius, l’Orbis sensualium pictus qui paraît en 1658. C’est à la fois un alphabet oralisé, un imagier multilingue, un traité de morale et d’histoire naturelle. Il constitue l’un des jalons majeurs de l’histoire de l’illustration, parce que l’image y est utilisée comme connaissance première. Dans le dialogue d’ouverture, le maître déclare à son élève : « Je te montrerai tout et je te nommerai tout ». Deux siècles plus tard, dans les Pourquoi de Mlle Suzanne en 1881, l’adulte montrera à l’enfant non plus l’œuvre de Dieu mais un exemple du progrès technique, une mongolfière, dans un geste équivalent.

Jusqu’aux XVIIe-XVIIIe siècles, les enfants ont accès à un répertoire composite de textes, souvent commun aux adultes et aux enfants (mythes, contes, fables), et à des textes adaptés de la littérature générale. Au XVIIIe siècle, le statut de l’enfant évolue : il n’est plus considéré comme un « adulte en miniature », mais enfin perçu comme un public à part, avec ses goût et besoins propres. C’est le moment où s’organise un véritable marché du livre pour la jeunesse, avec l’idée de créer des livres qui lui sont spécifiquement dédiés.

L’intérêt pour les sciences débute au XVIIIe siècle. En 1732 paraît Le Spectacle de la nature en 9 volumes de l’abbé Noël Antoine Pluche, constamment réimprimé. Dialogue entre un précepteur et son élève, c’est un livre de lecture suivie de la jeunesse cultivée, respectueuse de la religion. A cette époque, la science reste cantonnée à la sphère mondaine (aristocrates et bourgeois cultivés, ainsi que leurs enfants).

Le célèbre Magasin des enfants de Mme Leprince de Beaumont accorde quelques pages à l’astronomie, prétexte à une leçon de morale : pour une jeune fille de bonne famille, n’est-il pas plus utile de vaincre sa vanité que de savoir ce qu’est une éclipse ?

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Nouveau musée du naturaliste, par A. C. Bouyer

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, c’est l’esprit encyclopédique des Lumières qui domine et qui est adapté à l’enfance. Le mouvement est double : appropriation par les enfants d’ouvrages destinés à l’origine aux adultes, et publication de livres spéciaux pour répondre à cette demande. Du côté des adaptations, de nombreux « Buffon des enfants » apparaissent (Buffon de la jeunesse, Buffon illustré à l’usage de la jeunesse), qui figurent parfois parmi les plus grands succès éditoriaux du XIXe siècle. Le prototype français de l’esprit encyclopédique des Lumières est le Portefeuille des enfants, publié de 1783 à 1795 sous la direction artistique de Cochin. Avant les années 1880, l’enseignement des sciences est inexistant ou médiocre à l’école primaire, la vulgarisation fait office de substitut et pallie les manques de l’enseignement.

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Moeurs remarquables de certains animaux, par C. G., A. Mame, 1852

Jusqu’au début du XIXe siècle, la littérature pour la jeunesse s’adresse à un public relativement restreint issu des milieux favorisés. L’aiguillon essentiel de la progression du lectorat, ce sont les lois scolaires qui débutent en 1833 avec l’organisation de l’école primaire et se poursuivent jusqu’aux lois Ferry de 1881-1882, rendant l’école gratuite, laïque et obligatoire pour les enfants de 6 à 13 ans. Dans le même temps, le perfectionnement des techniques de fabrication va offrir la possibilité de produire beaucoup et à moindre coût.

Cet élargissement de la demande profite d’abord aux éditeurs scolaires, qui profitent d’importantes commandes publiques à partir des années 1830. Puis, parallèlement au créneau des manuels scolaires, le secteur des livres de prix et des livres d’étrennes prospère, et donne progressivement un nouveau visage au livre pour la jeunesse, notamment  grâce à l’illustration.

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En vacances, par René Sosta, Librairie d'éducation nationale, 19..

Depuis le XVIIIe siècle, il était d'usage courant dans les collèges de remettre en fin d'année des livres de prix aux élèves brillants. À partir de 1820, la pratique gagne les écoles élémentaires, ouvrant un nouveau marché à l'édition enfantine. Certains livres portent encore la trace de ces pratiques, comme des ex-praemio en tête d’ouvrages.

Cette distribution subventionnée par le ministère de l’Instruction publique ou les municipalités constitue pour les auteurs et les maisons d’édition une garantie de réussite financière. Une poignée d’éditeurs provinciaux, comme la maison Mame à Tours, se partagent d’abord le marché des livres de prix, proposant une littérature édifiante, religieuse et morale.

Bon nombre de ces prix étaient choisis parmi les livres traitant de science. La maison Mégard (à Rouen) propose ainsi des livres de science dans sa « Bibliothèque morale de la jeunesse », comme Les conquêtes de l’industrie, ou Les beautés de l’univers. Dans la seconde moitié du siècle, le marché scolaire des livres de prix deviendra un terrain d’affrontements idéologiques entre la France chrétienne et la France laïque.

Pour prolonger votre lecture, retrouvez tous les billets autour de l'exposition "Sciences pour tous, 1850-1900" !

Informations pratiques
Exposition "Sciences pour tous, 1850-1900"
du 25 avril 2017 au 27 août 2017
site François-Mitterrand / Allée Julien Cain
Entrée libre

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