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L'électrothérapie au service des armées

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Pendant la Grande Guerre, l’Etat-major est confronté à un phénomène sans précédent. De nombreux soldats commotionnés sont atteints de psychonévroses de guerre et doivent être relégués à l’arrière du front.  Or, il n’est pas envisageable de laisser échapper cette chair à canon, d’autant plus que cela aurait un effet contagieux sur les troupes. L’électricité médicale semble tout indiquée pour soigner cette pathologie, comme en témoignent de nombreux documents dans Gallica.

Le docteur Rivière et l'une des salles d'électrothérapie de son institut (BIU Santé, Paris)

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Les médecins militaires reçoivent l’ordre de traiter ces névrosés atteints de syndromes d’origine psychosomatique : paralysies des membres, tremblements incessants, sciatique,  camptocormie, prostration. Tout soldat refusant les soins est considéré comme un simulateur et encourt des sanctions. Le but implicite est de dégoûter de leur état d’hystérie ceux que l’on assimile à des lâches, des déserteurs.   

Pour remettre sur pied les pithiatiques, le corps médical va avoir recours à une méthode reconnue en physiothérapie : l’électrothérapie. A la différence que,  pour remettre sur pied de tels cas cliniques, les doses habituelles s’avèrent inefficaces.

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Salle d'électrothérapie du Grand-Palais (BIU Santé, Paris)

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C’est là qu’intervient le neurologue Clovis Vincent avec ses méthodes musclées : il n’hésite pas à utiliser l’électricité à doses massives. Pour se justifier, il accompagne sa profession de foi de lettres de remerciements. Son zèle patriotique fait des étincelles et les autorités militaires engagent  de nombreux centres neurologiques à adopter le « torpillage ». Lorsque les soldats refusent le traitement, on leur oppose la circulaire ministérielle du 5 avril 1915.

De fait, les malheureux poilus préfèrent retourner au front plutôt que de subir davantage les courants galvaniques à haute dose.  Le zouave Baptiste Deschamps en se colletant avec Clovis Vincent  semble l’exception qui persiste dans son refus. Mais le procès qui en découle attire l’attention de l’opinion publique. En dernier ressort, la justice désapprouve les procédés de « Saint-Vincent des poles » – comme l’appellent ses détracteurs.  

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Hôpital de Moisselle, salle d'électrothérapie (Le Monde illustré, 1er juin 1918)

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Dans son Précis d’électricité médicale, le médecin électricien Charles Chardin dénonce la barbarie d’un tel traitement pratiquée par des « fous-furieux » : il donne au Professeur Leduc, un précurseur du torpilleur Vincent,  le surnom explicite de rôtisseur !

La pratique du torpillage avec ses zones d’ombre pose un réel problème d’ordre éthique au corps médical contemporain.

Pour aller plus loin, retrouvez la présentation d'ouvrages patrimoniaux à la bibliothèque du Haut-de-jardin et la bibliographie consacrées aux névroses de guerre.

 

Françoise Deherly, Département Sciences et techniques

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