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L’aventure sous la veilleuse

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16 janvier 2018

Envie de conseils de lecture ? Dans la rubrique l'EPUB de chevet, un Gallicanaute vous recommande un ouvrage téléchargeable gratuitement dans Gallica au format EPUB. Aujourd'hui, Caroline Muller, dont nous avions déjà dressé le portrait, revient sur le blog pour vous faire goûter sa madeleine de Proust. Avant-goût d'un grand classique de la littérature jeunesse, Sans Famille d'Hector Malot.

Sans Famille est l’un des premiers livres dont je me souvienne. La bibliothèque familiale, de bric et de broc, s’était constituée au gré du hasard, par des dons de mes grands-parents ou d’autres membres du cercle familial. On y trouvait la bibliothèque verte et rose, Ainsi-soit-elle de Benoîte Groult, mais aussi des romans de Danielle Steel dont je ne comprenais pas toutes les scènes. On me laissait piocher à ma guise dans le grand meuble vitré – et c’est ainsi que je lus mon premier Hector Malot, avec sa couverture verte, vers sept ou huit ans. Je n’aimais pas dormir : mes séances de lecture me conduisaient sous la veilleuse de la salle de bains, ou encore sous les rideaux de la fenêtre, l’été, quand passaient encore les rais du soleil sur le parquet. Sans Famille a accompagné cette période-là, qui veut que les enfants soient envoyés au lit tôt, même s’ils préfèrent vivre d’autres aventures, tout comme Rémi, le héros de Malot.

 

Sans Famille est l’histoire d’un enfant trouvé et adopté par une paysanne qui en prend soin jusqu’au retour de son mari, maçon en ville, qui exige qu’elle l’abandonne. Père Barberin loue alors Rémi à Signor Vitalis, musicien itinérant, qui l’intègre dans sa troupe composée d’un singe (Joli-Cœur) et de deux chiens, Zerbino et Capi. L’histoire avait tout pour plaire à l’enfant que j’étais : Rémi part sur la route et vit différentes aventures, entouré de ses amis et de Vitalis qui devient bientôt un père de substitution.

C’est un livre que je relis souvent et je suis toujours étonnée d’y trouver de nouvelles richesses. Quand j’ai commencé mes études d’histoire, j’y ai découvert tout un monde rural avec Rémi qui se déplace de bourg en bourg au gré des représentations ; toute une géographie des fleuves aussi (mais je ne révèlerai pas pourquoi pour éviter les spoilers !). Un peu plus tard, découvrant la fonction cathartique des contes, j’ai regardé Sans Famille d’un œil nouveau. C’est un livre qui permet aux enfants d’explorer leurs angoisses : l’abandon, le départ, et même la mort. Dans mes yeux d’adulte, certains passages m’ont d’ailleurs semblé particulièrement durs pour une lecture enfantine : Malot décrit aussi le froid, la faim, la pauvreté, la mise au ban, la prison.

Sans famille m’a encore accompagnée cet été pendant les vacances. Le propos d’histoire sociale m’est alors apparu – il faut dire que je lisais l’intégrale de la Comtesse de Ségur en parallèle. Rémi est obligé de travailler pour gagner sa vie après la perte de la troupe de Vitalis : on le suit alors dans une cité minière suite à la faillite de son tuteur jardinier dont la récolte est détruite par une averse de grêle. C’est l’occasion pour Malot de décrire la condition de ces enfants au travail et les dangers auxquels ils sont confrontés, jusqu’au coup de grisou.
 
Je suis très attachée à ces livres que l’on emporte avec soi tout au long de sa vie et qui continuent de nous surprendre même lorsqu’ils sont devenus de vieux compagnons. Ils nous aident à nous replonger dans l’enfant que nous étions et ravivent l’expérience de la lecture volée sous la veilleuse, tout en nous permettant de grandir encore.
 

Caroline Muller

Commentaires

Soumis par Fabienne Garnerin le 13/02/2018

Une réalité de "Sans Famille" qui passe souvent inaperçue, d'autant plus que certaines éditions de poche, prétendument "intégrales", ont enlevé la phrase de la fin du chapitre VIII : Chavanon se situe au pied du Mont Audouze, soit au beau milieu du Plateau de Millevaches, terre désolée s'il en est (voir les descriptions de Gaston Vuillier dans "En Limousin"). Malot est le seul écrivain célèbre qui ait décrit les conditions de vie des maçons de cette contrée. Comme Barberin et ses compagnons, ils partaient à pied vers les grandes villes pour y gagner leur pain et celui de leur famille. Des travailleurs pauvres qu'il a pu rencontrer dans la rue (un article qu'il a écrit pour L'opinion Nationale en janvier 1862 en témoigne), vivant comme des immigrants dans leur propre pays... A croiser avec les Mémoires de Martin Nadaud, maçon devenu député de la Creuse.

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