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Comment géoréférencer une carte disponible dans Gallica ?

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11 juin 2021

Gallica, la bibliothèque numérique de la BnF et de ses partenaires, regorge de cartes de toutes les époques. Ces versions numériques de documents physiques dévoilent tout leur potentiel lorsqu’elles sont géoréférencées. Elles permettent alors une analyse plus riche et dynamique de l’évolution des territoires.

Géoréférencement d'un plan d'Alésia - XIXe siècle (Plan des environs d'Alise Sainte-Reine-en-Auxois (Bourgogne), pour servir à l'intelligence des opérations du siège d'Alésia) 

Dans le jargon de la géographie numérique, le géoréférencement consiste à attribuer à tout point d’une carte les coordonnées GPS de son équivalent sur le terrain. Ainsi, si la carte avait la taille du territoire qu’elle représente, elle s’y superposerait très exactement au détail près. Cette carte immense, Jorge Luis Borgès et Umberto Eco l’ont envisagée, respectivement dans les recueils Histoire universelle de l’infamie et Comment voyager avec un saumon. Peu pratique évidemment à stocker autant qu’à consulter, elle serait de plus parfaitement inutile. Autant utiliser le territoire lui-même comme sa propre carte. Plus réaliste, le mathématicien Jean François du XVIIe siècle proposait, à la page 349 de La Science de la géographie, de choisir « quelque grande campagne [ …] pour là y faire la distribution des pays du monde que l’on voudroit représenter ». En clair, aménager un bout de territoire en une gigantesque carte-jardin qu’on pourrait arpenter. L’idée fait encore aujourd'hui les beaux jours d’un célèbre parc d’attraction. 

Jean François, La Science de la géographie, Rennes, J. Hardy, 1652, p. 349.

A une échelle plus modeste, le géoréférencement s’effectue à l’aide d’un logiciel qui permet de caler une carte ancienne sur un fond cartographique actuel de référence, comme en produisent le Geoportail ou OpenStreetMap. L’opération consiste à pointer des couples de points communs aux deux images en s'appuyant sur des éléments remarquables. On choisira de préférence des repères ponctuels fiables, dont la position pourra être fixée sans ambiguïté : une statue, un croisement de rue, un bassin dans un jardin, un calvaire en rase campagne, une maison isolée, etc. Si le cartographe a bien fait son travail, quelques couples de points suffisent à aligner la carte tout entière. C’est généralement valable avec les documents récents établis grâce aux techniques cartographiques bénéficiant de siècles d’expérience. Ça l’est moins avec les plus anciens qui nécessitent bien plus de points pour affiner le calage. Car même réalisés avec le plus grand soin, leur précision parfois capricieuse entraîne au mieux des approximations même infimes dans leurs proportions, leurs distances ou leur tracé, au pire des erreurs qui les rendent impossibles à géoréférencer. Gardons aussi en tête que toutes les cartes n’ont pas pour ambition d’être une représentation fidèle de la réalité et que certaines se contentent d’en être des évocations.

Tiré d’un atlas des ports de 1777, ce plan de la Rochelle n’est pas le plus détaillé ni le plus précis que l’on possède de la ville à cette époque. On s’en rend compte au cours de son géoréférencement : pour compenser les écarts importants avec la morphologie réelle du territoire, il faut multiplier les points, ici des intersections et des bâtiments-repères comme les églises. Résultat, une fois calée, la carte apparaît déformée, étirée et contrainte, comme on peut le voir en déplaçant le curseur dans le module interactif ci-dessous :

Il arrive que le territoire ait tellement changé au cours des siècles que l’on manque de repères pour parvenir à un calage satisfaisant. À La Rochelle, toute une portion de remparts à l'est de la ville, au sud de la Porte Royale, a disparu. On cherche donc des documents tiers pour nous aider à "remplir les trous", ici une photo aérienne de l'IGN prise en 1937. Elle présente des points communs à la fois avec la carte de 1777 et avec l'état actuel de la ville et nous permet de localiser précisément un bastion de l'enceinte aujourd'hui rasé. On bénéficie ainsi d'une couche supplémentaire d'informations qui nous aide à caler plus précisément encore la carte ancienne. 

Une fois le géoréférencement achevé, la carte ancienne peut être utilisée dans un logiciel de géomatique ou visionnée via un module interactif comme celui ci-dessous, où le plan de la Rochelle de 1777 se comporte comme un calque dont on peut modifier la transparence à l’aide du curseur en bas de l’écran. Il laisse alors apparaître le plan actuel de la ville ou, si vous l'activez dans le menu en haut à droite de l'écran, la photo aérienne de 1937 dont il a été question plus haut. L’évolution du territoire devient ainsi plus facile à observer, la carte raconte une histoire, bien plus efficacement que de manière traditionnelle, lorsqu’on observe alternativement deux plans juxtaposés. En l'occurence, ici, celle d'une ville d'importance stratégique, ancien bastion protestant et port de première importance pour le commerce triangulaire.

Déplacez le plan en maintenant le clic gauche de la souris et zoomez avec les boutons +/-.
Changez les fonds de plan à l'aide du menu en haut à droite.
Si vous êtes à La Rochelle, le bouton sous le signe - localisera votre position.

Pour voir en plein écran, cliquez ici.

Dans de prochains articles, grâce à d'autres cartes géoréférencées, nous explorerons la banlieue ouest de Paris, la ville de Saint-Tropez et le massif du Mont-Blanc.

Pour aller plus loin

- Les Sélections "La France en cartes" et "Cartes de la Nouvelle-Aquitaine".
- Les Sélections "Charente-Maritime" et "La Rochelle".
- Les autres billets de cette série sur le géoférencement : "Les environs de Versailles en 1899" (2/4), "Balade cartographique dans Saint-Tropez au XVIIIe siècle" (3/4) et "Suivre l'évolution des glaciers du Mont-Blanc" (4/4).
- Le billet de blog "La digue de Richelieu".
- Le portrait de Gallicanaute "Laurent Gontier : la mémoire et les cartes".

Et ailleurs

- Sur les cartes superposables au territoire, l’article "Borges, Carrol et la carte au 1/1" par Gilles Palsky, professeur de géographie à l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne, publié sur Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Cartographie, Imagerie, SIG, 1999.
- Créé par Jean Marc Viglino, ingénieur à l’IGN, l’outil de géoréférencement 
Map Georeferencer est gratuit, facile d’utilisation et adapté aux cartes de Gallica. Un tutoriel rapide pour vous initier à son utilisation est également disponible.

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