CHAPITRE III.
L'AN du Seigneur 1097, dès que le mois de mars eut ramené le printemps, le comte de Normandie et Etienne comte de Blois, qui avaient attendu avec Robert le temps fàvorable pour s'embarquer, se rendirent de nouveau sur le bord de la mer. Dès que la flotte fut prête, et le jour des nones d'avril arrivé, auquel tomba cette année la sainte fête de Pâques, ces deux comtes montèrent sur les vaisseaux avec tous leurs hommes au port de Brindes. Combien lesjugemens de Dieu sont inconnus et incompréhensibles! entre tous les vaisseaux, nous en vîmes un qui, sans qu'aucun péril extraordinaire le menaçât, fut, par un évévement subit, rejeté hors de la pleine mer et brisé près du rivage. Quatre cents individus environ de l'un et l'autre sexe périrent noyés mais on eut promptément à faire retentir à leur occasion des louanges agréables au Seigneur: ceux en effet qui furent spectateurs de ce naufrage, ayant recueilli'autant qu'ils le purent les cadavres de ces hommes déjà privés de vie, trouvèrent, sur les omoplates de certains d'entre eux des marques représentant une croix imprimée dans les chairs. Ainsi donc le Seigneur voulut que ces gens, morts à l'avance pour son service, conservassent sur leur corps, comme un témoignage dé lc.~ur foi, le signe victorieux qu'ils avaient pendant leur vie porté sur leurs habits, et que ce miracle fit connaître clairement a tous ceux qui le virent que ces gens avaient à bon droit joui, au moment de leur