même des forçats actuels. Anxieux de nous enrichir hâtivement, nous rendons intolérable notre propre existence et celle des autres par contrecoup. Nous oublions ce qui importe le plus aux hommes le savoir-vivre, pris au sens littéral de l'expression.
Si nous avions mieux appris à vivre, vous veillerions en toutes choses à ménager autrui notre ambition aurait des bornes et nous nous contenterions d'un modeste nécessaire, au lieu de poursuivre inlassablement un superflu auquel nous nous sommes accoutumés, au point de ne plus pouvoir nous en passer.
Qui nous enseignera la modération ? Est-ce l'Orient qui somnole, ou l'Occident resté raisonnable et non gagné par la fièvre du siècle ? Ne nous suffit-il pas de rentrer en nous-mêmes pour puiser dans la profondeur de notre âme l'inspiration d'une vie digne d'être vécue ? Il »
Paul Valéry ne veut voir dans ces rapports de l'Orient et de l'Occident rien de mystérieux ni de redoutable. Le seul problème est celui de l'assimilation de l'Orient par nous, qui devra non commencer, mais continuer « .Il faut penser à ce qu'il adviendra de l'Europe une fois l'Asie organisée et équipée industriellement.
Au point de vue de la culture, je ne crois pas que nous ayons beaucoup à craindre actuellement de l'influence orientale. Elle ne nous est pas inconnue. Nous lui devons tous les commencements de nos arts et de nos connaissances. Nous pourrions bien accueillir ce qui nous viendrait de l'Orient, si quelque chose de neuf pouvait en venir, dont je doute. Ce doute est précisément notre garantie et notre arme européenne.
.D'ailleurs, la question, en ces matières, n'est que de digérer. Mais ce fut là précisément la grande affaire et la spécialité même de l'esprit européen à travers les âges. Notre rôle est de maintenir cette puissance de choix, de compréhension universelle et de transformation en susbtance nôtre, qui nous a faits ce que nous sommes. Les Grecs et les Romains nous ont montré comment l'on opère avec les monstres de l'Asie, comme on les traite par l'analyse, quels sucs l'on en retire. Le bassin de la Méditerranée me semble un vase clos où les'essences du vaste Orient sont venues de tout temps se condenser. »