sont maintenant et resteront, je l'espère, mon élément, mon éternelle demeure. » Et « Dieu nous garde, dit-il aussi, que la vérité soit réduite à une démonstration mathématique. Celui qui ne connaît pas la vérité à première vue n'est pas digne de la connaître du tout ».
L'esprit de Blake était ouvert à l'éternité comme le champ est ouvert au semeur. En 1802, il écrit de Felpham à Mr. Butts « Je n'éprouve ni honte, ni crainte, ni aversion à vous dire ce qui doit être dit, à savoir que je suis jour et nuit sous la direction de messagers venus du ciel., J'ai écrit ce poème, ditil au sujet de Jérusalem, directement sous la dictée, douze ou quelquefois vingt ou trente vers d'un seul jet, sans réflexion et même contre mon gré. » « Je puis en faire l'éloge, dit-il dans une autre lettre, puisque je n'ose prétendre être autre chose que le secrétaire les acteurs sont dans l'éternité. » Dans cette phrase Blake revendique et affirme de la manière la plus précise son pouvoir d'inspiration directe. Et il y a bien une différence de degré, mais aucune différence de qualité entre les sentiments qu'il exprime et ce qui doit être senti par tout artiste réellement créateur, par toute personne profondément et simplement religieuse. Il n'est pas de poète qui ne se rende compte à quel point ses facultés les plus hautes échappent à son propre contrôle. La création de la beauté est le but de l'art, mais l'artiste devrait rarement s'avouer à lui-même que tel est son but. Un poème n'est pas écrit par l'homme qui dit « Je veux m'asseoir et écrire un poème » mais plutôt par l'homme qui, dirigé par une impulsion plutôt qu'il ne la dirige, entend un air qu'il ne reconnaît pas, voit une perspective dont il ne se souvient pas en quelque coin retiré de son cerveau, et met en œuvre la seule énergie dont il dispose en les rapportant fidèlement par l'intermédiaire de son art particulier. Il en a été ainsi pour chaque création d'une œuvre belle. Quelque obscur désir s'éveillait dans l'âme, non compris de l'esprit à qui il était destiné. Il visait à tout autre chose dans le monde qu'à la pure beauté, mais produisait finalement de la beauté.