Pissebleu est toujours immobile. Elle s'approche de lui par derrière sur la pointe des pieds, l'aveugle de ses mains en riant, et le pousse en cadence. Pissebleu obéit, mais les souples impulsions des genoux féminins ne déclanchent dans ses jambes réfractaires que des contre-coups tardifs et mécaniques. L'enfant s'obstine un instant à ce jeu, puis l'abandonne en pleurant. Pissebleu, délivré, s'enfuit sans regarder en arrière. A quelque distance, il s'arrête, s'assure qu'il est seul, et danse. Pissebleu s'assied au bord de la route. Il est sur le chemin du retour, mais Paris est à vingt lieues. Une auto stoppe devant lui. Un homme, épuisé de fatigue, en descend, prend Pissebleu à témoin de la rosserie de sa machine, cherche sans conviction le point malade, puis, prenant son parti, offre la guimbarde à Pissebleu d'un geste désintéressé.
Pissebleu le remercie avec effusion, et reconduit de quelques pas le généreux donateur, qui se défend de mériter une telle gratitude et disparaît.
Pissebleu revient vers l'auto, la pousse à petits coups circonspects. Soudain, elle démarre il a juste le temps d'y sauter, et se cramponne au volant.
Course vertigineuse. Pissebleu a grand'peine à garder le milieu de la route. Il va immanquablement écraser une poule, quand l'appareil s'arrête brusquement. Pissebleu redescend, et, par de nouvelles poussées, exhorte la machine à repartir. Cette fois, elle ne veut rien entendre.
Pissebleu avise un paysan qui laboure le champ voisin. Il le hèle. Pourparlers. Le paysan consent à lui prêter son attelage deux robustes chevaux de ferme. Et Pissebleu se laisse remorquer.
Mais, dans une descente, l'attelage prend machinalement le trot, et le véhicule se remet de lui-même en marche. Effrayés, les chevaux prennent le mors aux dents, et tantôt la voiture se précipitant leur emboutit durement l'arrière-train, tantôt, sur une brusque panne, ils se cabrent comme des statues équestres. Cet imbroglio tumultueux se dénoue dans un ravin. Pissebleu en sort indemne, ricane devant la voiture auto-