Ce qu'il lui fallait, elle savait qu'elle ne le trouverait plus jamais, nulle part, que toute sa vie, elle en aurait au cœur le vide, la soif inassouvie. Mais ne découvrirait-elle donc rien qui rappelât le cher disparu, qui lui donnât la douce illusion de sa présence ? Hélas, oui, la chimère, puisque la réalité était impossible. Sa tombe Ah si elle avait eu, comme les autres mères, la joie décevante de posséder ce petit coin de terre sacré et cher entre tous, de le soigner, s'imaginant faire encore quelque chose pour l'aimé! 1 Mais cela, aussi; lui était refusé. Alors, il y avait les tombes des fils des autres; elle les recherchait, celles, surtout, des petits garçons entre six et huit ans.
Dans le vieux cimetière du village il y avait elle s'en souvenait brusquement bien des noms d'enfants gravés sur les pierres. Elle y alla, hâtant le pas, soudain pressée comme si elle était attendue, joyeuse comme à l'approche d'un grand bonheur. Il lui semblait que son cher petit, son garçonnet si fin et si doux, trottinait auprès d'elle, qu'il glissait sa main frémissante et chaude dans la sienne, comme chaque fois qu'elle allait faire une bonne action, chaque fois que son coeur, travaillé par la souffrance, était meilleur, plus pur.
Elle ouvrit la porte et s'avançait entre les tertres inégaux, lorsqu'elle poussa un cri elle voyait, enfin, ce qui l'attirait, ce pourquoi elle était venue. D'un élan passionné de tendresse, elle se pencha sur l'enfant évanoui, tâta son pouls, qui battait faiblement, réchauffa ses mains glacées dans les siennes, frotta ses tempes. Un peu de couleur revint sur les joues terreuses de Raymond. Il ouvrit les yeux et, croyant reconnaître la dame de son rêve, toute blanche dans ses vêtements noirs, il dit « Maman », et s'évanouit de nouveau.