Titre : Le XIXe siècle : journal quotidien politique et littéraire / directeur-rédacteur en chef : Gustave Chadeuil
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1876-07-30
Contributeur : Chadeuil, Gustave (1821-1896). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 30 juillet 1876 30 juillet 1876
Description : 1876/07/30 (A6,N1694). 1876/07/30 (A6,N1694).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-199
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/04/2013
llxfiRN ,Amafte ic II- 1694
Prix lia Numéro à Pafli : M centimes. - Béparte.eat. : 90 CeatIJB"
Dimanche 30 Jeffkl 231?0,
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
RÉDACTION
^adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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i. lettres non affranchies seront r
BONNEMETS
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Trois mois., 13 fr.
Six mois25
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Trois mois..13 fr.
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Trois mOiS.m.' 16 ?.
Six mois.bo." 12
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AMomeM, chez MM. LAGRANGB, GBRF et Pt
S, .1aee de la Boum, *
MIU. les Souscripteurs dont
rabonnement expire le 31 Juil-
let sont priés de le renouveler
Immédiatement, s'Us ne veulent
point éprouver de retard dans
la réception du journal.
BULLETIN
Paris, le 29 juillet 1876.
La Chambre des députés,dans sa séance
d'hier, a continué la discussion du budget
des dépenses du ministère de l'inltruction
publique.
Aucune nouvelle aujourd'hui du théâtre
de la guerre, mais il nous est arrivé par
contre deux documents importants au point
de vue diplomatique. L'un est la note
adressée à la Turquie par la Roumanie.
Nous publions plus loin le texte intégral de
cette note. Pas n'est besoin de revenir ici
sur les questions soulevées par la Rouma-
nie, nous les avons déjà indiquées ; mais il
est indispensable d'appeler l'attention de
nos lecteurs sur la véritable mise en de-
meure que fait à la Porte le cabinet de
Bucharest :
« Vous VOYfZ par cette nomenclature,
monsieur l'agent, que nos demandes sont
aussi modérées que justes et équitables ;
néanmoins, malgré toutes les promesses
données à différentes reprises par différents
ministres de la Turquie, aucune de ces
questions n'a obtenu la solution équitable
que nous étions en droit d'attendre. Vous
conviendrez que cet état de choses, se pro-
longeant à l'infini, changerait, je le répète,
complètement la nature des relations exis-
tant entre la Roumanie et la Turquie, et
que, malgré notre ferme volonté d'entre
tenir avec le gouvernement de Constan-
tinople la plus parfaite harmonie, nous
serions forcés de prendre une attitude
autre que celle que nous avons observée
jusqu'à ce jour, car peut être elle nous
fera avoir ce que la conduite la plus cor-
diale ne nous a vas donné.
Le gouvernement roumain, on le voit,
n'hésite pas à employer la menace et les
quelques lignes que nous soulignons, dont
la teneur, sinon les termes exacts, nous
avait été signalée par nos correspondants,
expliquent sumsamment que nous ayons,
dès l'abord, attribué une gravité considé-
rable à la note roumaine,et que nous ayons
cru devoir entourer de réserves la publica-
tion d'un article d'un de nos amis, qui se
trouvé cependant en position d'être parfai-
tement renseigné sur ce qui se passe
à Bucharelt. Et ce qui augmente encore la
gravité de cette note,c'est que nous croyons
pouvoir affirmer qu'avant d'être expédiée
aux agents roumains à l'étranger et remise
au gouvernement turc, elle a reçu la pleine
approbation da cabinet de St-Pétersbourg
et du cabinet de Berlin.
Nous avons sous les yeux, nous l'avons
dit, un second document important : c'est
l'exposé du gouvernement serbe adressé
aux puissances européennes que publie la
Presse de Vienne. Nous ne redirons pas,
après le cabinet de Belgrade, les souffran-
ces des raïahs et les causes qui ont poussé
la Serbie à prendre les armes ; nous ne
voulons retenir que la conclusion de cet
exposé, car elle constitue un avertissement
et une menace pour l'Europe :
« Si les atrocités qui se commettent en
ce moment continuaient plus longtemps,
les chrétiens du Balkan adresseraient leur
cri de détresse à l'humanité tout entière.
La Russie, notre parente au point de vue
du sang, de la race et de la religion, qui,
jusqu'à prêtent, a assisté d'une façon
stoique à ce spectacle frénétique donné
par les égorgeurs turcs, secouerait alors sa
léthargie et se verrait forcée de venir à
notre aide. C'est alors que s'accomplira
justement ce que la diplomatie a voulu em-
pêcher : l'invasion de la Turquie par la
Russie et la conflagration générale. >
Or, qui pourrait supposer que la Serbie
se serve ainsi du nom de la Russie sans
l'assentiment de cette puissance? La Rus-
sie, d'ailleurs, n'a-t-elle pas laissé décla-
rer par ses journaux, soumis à une cen-
sure si sévère, que, quelle que soit l'issue
de la guerre engagée avec la Turquie, elle
garantissait aux Serbes leur territoire ac-
tuel et leur indépendance. Sera-t-il besoin
pour cela que la Russie envahisse la Tur-
quie et marche sur Constantinople ? C'est
à l'Angleterre qu'il appartient de répondre
à natte Question.
Aussi attend on avec une vive impa-
tience la discussion qui doit s'ouvrir lundi
à la Chambre des communes sur la ques-
tion d'Orient. L'Angleterre, cela va sans
dire, se pose en champion du traité de
1856. Un de ses hommes d'Etat les plus
autorisés ne disait-il pas cyniquement,
il n'y a pas bien longtemps, que les traités
existant* lient l'Angleterre, autant tout
au moins qu'elle continue à trouver un
avantagé à les conserver 1 L'Angleterre
trouve présentement un grand avantagé à
maintenir le traité de Paris, et il est évi-
dent que M. Disràëli insistera sur le devoir
qui incombe à la Grande-Bretagne de le
défendre.
La Rallie, au contraire, a le plus grand
intérêt à abolir définitivement ce traité, et
il y a là, entre les deux puissances, une
source d'antagonisme, une cause de lutte,
gans parler de toutes les autres,qui doit fa-
talement les amener à vider prochainement
leur querelle sur un champ de bataille.
L'Angleterre le comprend si bien qu'elle
a rassemblé une flotte formidable dans la
baie de Besika. Le dratae de Salonique a
servi de prétexte à l'envoi de cette flotte,
sans la présence di laquelle la révolution
du 30 mai à Constantinople eût peut-être
été impossible. Le sultan Mourad sera mort
ou détrôné avant huit jour,. Qui nous
dit que cet événement ne servira pas de
prétexte à un nouveau pas en avant? L'An-
gleterre alors sera bien tranquille; elle
aura mis la main sur le gage qu'elle ambi-
tionne, et une fois maîtresse de Constanti-
nople,il faudra bien compter avec elle pour
l'en déloger.
♦
BOURSE DE PARIS
fflêtmr* is 17 Juillet, ie 28 juillet g.
s o/o
Comptant 6985. 70 10 25
Fin cour. 69 87 1 2 70 25 37 1,2
* 1/a 0
Comptant 99 95 ICO 50 55
S O/O
Comptant 10685 10705 20
Fin cour. 106 85 107 05 20
PETITE BOURSE DU SOIR
Smpraat i C/0. 107 fr. 10, 25.
5 G/G tare 11 fr. 55.
Extérieure 14 fr. 5/8.
Efiypi ien - - - 200 fr., 19737, 200.
Banque Ottomane. 350 fr., 350 62.
:
Le Budget de l'Instruction publique
Toute la France a déjà lu, avec la
sympathie qu'il mérite, l'excellent dis-
cours par lequel M. Waddington a ou-
vert la discussion sur le budget de l'in-
struction publique.
Voilà donc enfin un ministre qui
prend souci des intérêts de l'éducation,
qui aborde les réformes nécessaires
avec une largeur de vue3 et une netteté
d'exécution merveilleuses, et qui, pour
comble de bonheur, est soutenu dans
cette campagne, non pas seulement par
l'opinion publique, mais aussi par une
Chambre républicaine.
M. Waddington, en débutant, a com-
mencé par rappeler avec éloges le sou-
venir de ses prédécesseurs qui avaient
été animés de la même ferveur que lui-
même et qui n'avaient pas trouvé le
même appui dans les pouvoirs publics.
C'est ainsi qu'il a cité avec éloges et le
nom de M. Duruy et celui de M. Jules
Simon.
Nous imiterons son impartialité et
son esprit de justice en associant à
l'honneur des réformes qu'il médite, et
qui vont s'accomplir grâce aux votes
de l'Assemblée, la commission du bud-
get, et avant tous, M. Gambetta son
président, M. Bardoux, vice-président
et rapporteur, tout ensemble.
Le rapport de M. Bardoux entre en
matière par un exorde bien éloquent.
Ce n'est pas un exorde ex abrupto, ce
n'est pas un exorde insinuant, ce n'est
pas un exorde qui ait son nom dans les
traités de rhétorique. Rien de plus
simple, mais rien qui soit plus capable
de porter la conviction dans les âmes.
« Messieurs, écrit le rapporteur, le
budget ordinaire de l'instruction pu-
blique en France s'élèvera, pour 1877,
à la somme de 49,123,082 fr.
> Si l'on compare ce chiffre à celui
du budget de 1876, c'est une augmen-
tation d'une somme de 10,949,877 fr.
» Si l'on se reporte au budget de
1870, la comparaison prend un plus
grand intérêt.
» Le montant des crédits alloués au
budget ordinaire de 1870, sous l'empire,
était de 24,283,381 fr.
» Les dépenses ordinaires du budget
de l'instruction publique ont donc été
doublées depuis 1870. »
Mais ce n'est pas tout : à cette som-
me déjà si considérable, le rapporteur
fait remarquer qu'il faudrait ajouter les
sacrifices immenses consentis avec un
élan admirable par les conseils munici-
paux, depuis les plus grandes villes
jusqu'aux plus humbles hameaux, et
par les conseils généraux des départe-
ments.
C'est ainsi que la France républicaine,
après l'épuisement de la guerre et no-
tre rançon payée aux Prussiens, a plus
fait pour la cause sacrée de l'éducation
publique que l'empire au moment de
ses plus éclatantes prospérités.
C'est déjà quelque chose d'avoir beau-
coup d'argent ; encore le faut-il utile-
ment emDloyer.
Voyons quel usage M. Waddington
compte faire des crédits qu'il demande.
Il n'y a que les cléricaux au monde
qui contesteront l'indispensable néces-
sité du premier.
M. Waddington veut, avant de sol-
liciter de la Chambre une loi qui im-
pose au père de famille l'obligation de
donner à ses enfants l'instruction pri-
maire, qu'il ne puisse pas se l etrancher
derrière une impossibilité matérielle,
qui ferait en peu de temps de la loi
une lettre morte. Il entend donc que
chaque commune, si petite soit-elle,
ait son école, avant que l'on songe à
contraindre les enfants à fréquenter
l'école. C'est mettre la charrue derrière
les boéufs ; le mérite n'est pas grand,
mais il est si rare en France qu'il faut
en savoir gré au ministre et l'en féli-
citer.
Depuis quelques années on dépensait
deux millions par an pour cet objet. M.
Waddington en demande cinq d'un
coup, et il ajoute : « Quand j'aurai en
main la statistique complète des commu-
nes à qui manquent des maisoos d'é-
coles, je n'hésiterai pas à vous deman-
der un nouveau crédit. >
Et la majorité a répondu par des ac-
clamations.
Le ministre passe de la maison d'é.
cole au personnel. Il reconnaît la diffi-
culté avec laquelle ce personnel ne re-
crute depuis quelques années. Nos lec-
teurs se rappellent avec quelle insis-
tance nous avons, à diverses reprises,
appuyé sur ce point. Les mesures qu'il
annonce sont encore insuffisantes :
mais on ne peut tout faire à la fois.
Un détail que nous retenons, c'est
la promesse faite par lui d'augmenter
le nombre des écoles normales de filles :
Il n'y en a que quinze pour toute la
France.
Il faudra bien un jour aussi, si l'on
veut lutter contre les envahissements
de l'esprit clérical, organiser pour les
filles de la bourgeoisie une instruction
secondaire qui soit sérieuse, et créer
une école normale supérieure.
M. Waddington touche un mot des
caisses scolaires, à qui le budget ouvre
cette année un crédit spécial. Mais, ou-
tre que j'ai déjà traité la question, j'ai
l'intention d'y revenir la semaine pro-
chaine, à propos d'une fête qui sera
donnée demain dans trois ou quatre éco-
les parisiennes, d'en expliquer le méca-
nisme et d'en montrer l'importance.
Après l'enseignement primaire, l'en-
seignement secondaire. Au budget de
1877 figure un crédit de 250,000 fr. des-
tiné à venir en aide aux colléges com-
munaux.
On demandait que dans tous les col-
lèges communaux l'enseignement qui
est connu sous le nom bizarre d'ensei-
gnement secondaire spécial remplaçât
partout les études grecques et latines.
Nous avons reconnu dans la façon
dont le ministre a répondu son grand
sens pratique.
« A cet égard, a-t-il, dit, il y a des
distinctions à faire. Dans certaines ré-
gions industrielles et populeuses, vous
aurez tout à la fois des colléges et des
lycées. Je comprends très-bien que Ton
encourage particulièrement, dans les col-
lèges, le développement de l'enseigne-
ment secondaire spécial et qu'on laisse
aux lycées l'enseignement du grec et du
latin. Mais, dans d'autres régions, dans
le midi notamment, où l'on tient à sa-
voir un peu de latin et de grec et où il
n'y a pas beaucoup de lycées, on ver-
rait avec. regret l'enseignement classi-
que abandonné par les collèges com-
munaux. Cela serait regardé comme un
capitis deminutio, ou comme une dé-
rogation à ce qui s'est toujours fait. »
Le ministre a raison : c'est une ques-
tion d'appréciation et de mesure. Je crois
pourtant qu'en général mieux vaudra
concentrer dans les lycées la grande
culture classique et livrer les colléges à
cette sorte d'enseignement qui n'est
que le haut enseignement primaire.
La portée la plus délicate du discours
ministériel, c'est évidemment celle qui
a trait à l'enseignement supérieur.
C'est sur ce terrain qu'en ces derniers
temps le clergé a transporté la lutte ;
c'est là qu'il nous faut combattre et
vaincre,
M. Waddington commence par re-
connaître que notre outillage scientifi.
que est tout à fait insufIhant.
11 promet que l'on rebâtira la faculté
des sciences sur les terrains du Luxem-
bourgque l'on agrandira la Sorbonne
et le Collège de France,que l'on amélio-
rera l'aménagement de l'Ecole des beaux-
arts.
Voilà pour Paris.
En province, après avoir constaté
que dans certaines villes les ressourr
ces sont presque nulles, le ministre de-
mande et la commission accorde un
crédit de 500,000 fr. pour constructions
nouvelles et appropriations indispensa-
bles ; 250,000 pour frais de manipula-
tion et d'expériences.
Du matériel des facultés, passant au
personnel, il annonce qu'outre les pro-
fesseurs ordinaires, il a l'intention de
créer une organisation nouvelle de maî-
tres de conférences, agrégés ou doc-
teurs, qui ne seront pas des privat
docent, mais qui nous rendront quel-
ques-uns des services que l'Allemagne
tire de cette institution.,
M. Waddington ne dit pas si c'est
par nécessité subie ou par une préfé-
rence personnelle qu'il a mieux aimé
des maîtres de conférences que des
privat docent. M. Bardoux, le rappor-
teur, est plus explicite sur ce point. Il
regrette que nos lois ne permettent pas,
au moins pour l'heure, l'institution de
privat docent en France. Nous en som-
mes fâchés comme lui; mais c'est une
question grave et qui mérite un exa-
men à part.
M. le ministre expose ensuite son
système de bourses près les facultés :
nous en avons déjà expliqué le méca
nisme et signalé les avantages à nos
lecteurs. Nous sommes très-partisans
de cette réforme.
Enfin le discours se termine en an-
nonçant une nouvelle sur laquelle nous
avons dit aussi ce que nous pensions :
la création de trois grandes universi-
tés : Lyon, Bordeaux et Nancy.
« Je tenais, a dit le ministre en con-
cluant, à vous expliquer en peu de
mots l'ensemble des mesures qui mo-
tivent la très-grande augmentation que
nous avons inscrite au budget. — Il ne
s"it pas de Uioins de dix millions.
» Je tenais aussi à vous répéter que
le gouvernement est décidé à entrer
résolûment dans la voie de l'améliora-
tion progressive et rapide de tout ce
qui peut toucher à l'instruction, à tous
les degrés, dans notre pays 1
» Il est convaincu que c'est là un des
meilleurs moyens, sinon le meilleur,
d'apprendre à ce pays la sagesse et
de lui donner le désir de la stabilité
et de l'apaisement.
» Il est convaincu que plus vous dé-
velopperez l'instruction en France, plus
vous la mettrez à la disposition de tou-
tes les jeunes intelligences, plus vous
éloignerez le danger des commotions
et des révolutions futures. »
Nous n'avons jamais dit autre chose.
FRANCISQUE SARCEY.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Versailles, 28 juillet 1876.
Notre hypothèse s'était arrêtée, hier,
au moment où le chapitre 39,874 du bud-
get de l'agriculture et du commerce « res-
tait en l'air, » — ce qui n'est pas une si-
tuation normale pour un chapitre. Un bud-
get dans cet état nous fdit l'effet d'en in-
dividu dont le râtelier se serait détraqué et
dont la mâchoire ne pourrait plus ni s'ou-
vrir ni se fermer complètement. Cette si-
tuation délicate peut bien durer quelque
temps sans entraîner la mort de l'individu,
mais elle ne saurait s'éterniser lans de
graves inconvénients. Il est nécessaire de
trouver un moyen quelconque, — fût-il un
coup de poing, — de remettre tout en
place.
C'est donc le coup de poing final vers
lequel nous avons dirigé nos recherches
aujourd'hui. Eh bien, 4 faut l'avouer,
nous n'avons rencontré, à ce sujet, qu'in-
certitude et hésitation chez tous les méca-
niciens du parlementarisme que nous avons
consultés. parlementarisme que nou 3 &vola .8
Précisons le cas pour en déduire toutes
les conséquences possibles, à défaut de la
règle fixe qui n'existe pas.
Le chapitre 39,874 est adopté par la
Chambre sur le pied de vingt millions,
porté par le Sénat à vingt-deux millions,
maintenu par la Chambre à vingt millions.
Quel chiffre est promulgué ?
Vingt? Vingt-deux ? Oa rien?
Vingt-deux, c'est impossible, le gouver.
nement ne pouvant pas promulguer un cré-
dit supérieur de deux million au crédit
voté par la Chambre.
Le débat s'établit donc entre vingt et
rien.
Certains penchent pour la solution
« vingt », dominés par cette pensée logique
qu'en agissant autrement on arrivé fatale
ment à ce résultat, fort désagréable pour
tout ministre, de supprimer un crédit en-
tier de vingt millions en le réluisant sim
plement de deux millions. D'après cet ada-
ge : « Qui peut le plus jpeut le moins, » ils
supposent que le vote de « vingt-deux »
implique le vote de «vingt. »
Mais la logique et la jol ne vont pas tou-
jours de pair, et d'autres font remarquer
qu'en ne considérant pas ces deux affirma-
tions contraires comme une simple néga-
tion, on opère à l'encontre de la constitu-
tion, qui spécifie formellement que le vote
d'une loi ou d'un crédit n'est valable que
lorsqu'il est double, C'est à dire émis tout à
la fois et par la Chambre et par le Sénat.
Rien que par ce simple exposé, il est
facile de vpir contre quelles difficultés va
venir butter le fonctionnement de notre
nouvelle constitution. Les Anglais d'ail-
leurs se sont aperçus longtemps avant
nous des inconvénients qu'offre le système
des Chambres doubles en matière budgé-
taire. La Chambre des Communes et la
Chambre des Lords eurent jadis maille à
partir sur ce point ; mais il fut vite con-
staté que l'égalité de prérogatives était im-
possible en pareil cas, et la Chambre des
Lords a fini par se dépouiller pour ainsi
dire de son droit, en sauyant toutefois les
apparences : elle vote le budget en bloc;
quand, par hasard, elle a l'intention d'o-
pérer un changement, elle risque un amen-
dement. Renvoyé à la Chambre des Com-
munes, s'il est repoussé, tout est dit.
Nos législateurs du Sénat sont encore
trop dans la fougue qui accompagne toute
entrée en fonctions pour qu'on leur de-
mande, au bout de six mois, la sagesse que
les Lords mirent environ deux cents ans à
acquérir. Aussi prévoyons-nous moins d'ab
négation de ce côté-ci de la Manche que de
l'autre.
Pour sortir de cette situation, nous ne
voyons pas de solution légale. Nous ne
voyons qu'une solution logique : considérer
comme seul valable le moins fort des deux
crédits votés par l'une et l'autre Cham-
bres ou, ca qui revient au même, le faire
adopter à l'aide du système détourné des
crédits supplémentaires. Et dans ce cas,
il importe de rectifier une opinion qui
va se propageant la de~nl~Î
v On dit ; En matière budgétaire, le dernier
mot restera toujours a la Chambre. C'eut
une erreur, croyons nous, une erreur qui
est née naturellement des circonstances
présentes, du remous actuel des idées, com-
me Vénus naquit de l'écume des flots. La
vérité, la voici : En matière budgétaire,
le dernier mot restera toujours à l'Assem-
blée qui votera le minimum.
Nous allions oublier de parler de la
séance ! Elle a été si calme, 9i décente,
que nous ne saurions qu'en dire du bien*
— et ne pas médire manque de charme. Le
budget de l'instruction publique a vu vingt-
cinq de ses chapitre. votés. C'est un hon-
nête budget.
Par ci, par là, des amendements qui ré-
clament une augmentation quelconque en
faveur d'un intéressant service quelconque;
mais, en présence de la douleur de M. le
ministre, qui a fait bien, et qui regrette de
ne pouvoir faire mieux, les auteurs des
amendements les retirent, — ce qui est
sage, parce que, lorsqu'ils ne les retirent
pas, la Chambre les enterre.
Signalons cependant un amendement qui
a eu un véritable succès : la création, à
Paris, d'une chaire d'aliénation mentale
et de maladies des centres nerveux.Etil y
a urgence, a ajouté M. Ctémenceau, qui
présentait l'amendement. On a ri, sans
méchanceté, de bon cœur; et comme, plai-
santerie à part, la réclamation était juste,
il est probable que l'amendement sera
adopté demain.
A la fin de la séance, M. le ministre des
finances a déposé un projet de loi relatif à
l'exploitation du monopole des allumettes
chimique,. La solution ministérielle de
cette question serait une de celles que nous
avons envisagées, il y a trois mois : réduire
de seize à huit millions la re tevance an-
nuelle payée par la Société au Trésor, de
façon à combattre la fraude par le bas
prix de vente des allumettes communes.
Touchant l'équilibre budgétaire, ce projet
a été renvoyé à la commission de finances.
PAUL LAFARGUE.
LA BONNE FOI DE LA TURQUIE
Voici qui passe les bornes. L'ambassade
ottomane communique à l'Agence Havas
la dépêche officielle suivante. Elle a trait
au combat dont notre collaborateur Liébert
nous racontait de visu les péripéties dans
une lettre que nous avons publiée hier. On
jugera quel degré de confiance on peut dé-
sormais avoir dans les communications
turques :
Le Commissaire impérial en Bosnie, à l'Am-
bassadeur ottoman à Paris.
Serajewo, 28 juillet.
La nouvelle mise en circulation par un té-
légramme offloiel de Belgrade, en date du
17 juillet, relativement à des atrocités com-
mises par les Tar08 en Bosnie, est entière-
ment fausse. Le général Alympitoh,sur la foi
de qui cette nouvelle a été répandue, est le
môme qui a éprouvé une défaite complète, il
y a quelques jours, devant Blena, où il a
abandonné quatre canons. Il cherche à atté-
nuer son insuccô* en déversant le blâme sur
nos populations, qui se bornent à se défendre
sans inquiéter en aucune façon les sujets pai-
sibles.
——————
LA SITUATION EN SERBIE
Un de nos amis de Belgrade, que sa posi-
tion met en mesure d'être renseigne très
exactement, nous envoie un résumé des faits
militaires depuis l'onvertnra de la campagne
jusqu'au 22 juillet et qui confirme tout ce
que nous a écrit notre collaborateur M. E.
Liébart, depuis son arrivée &R Serbie. Nous
extrayons, pour les mettre sous les yeux de
nos lecteurs, les principaux passages de sa
lettre.
Belgrade, le 10(22 juillet 1876
Je profite d'un moment de liberté pour
vous envoyer quelques détails au sujet des
événemenis qui se passent dans notre
pays; vous pourrez ainsi, au milieu de
contradictions de la presse étrangère, vous
faire une idée juste de la situation présente
en Serbie.
Le prince Milan a quitté sa capitale le
29 juin pour se rendre à l'armée; le toir
du même jour, il se trouvait à Deligrad,
forteresse qui défend l'entrée de la Serbie
du côté d Alexinatz ; le lendemain, après
avoir adressé à ses troupes la proclama-
tion dont la teneur vous est connue, il le
rendait au quartier général d'Alexinatz.
Le 1M juillet, l'armée de la Morava, forte
de 45,000 hommes, sous le commandement
du général Tchernattff, franchissait la
frontière à Suppovitza et ne tardait pas à
déloger les Turcs de cette position. 'De
Suppovitza, l'armée se dirigea sur Mra-
mora (à droite de Nisch), où un combat
d'artillerie des plus vifs s'engagea avec
l'ennemi. Après avoir contraint celui ci à
battre en retraite, Tchernaïlf ordonna
l'assaut de Babina-Glava. Malgré leur
énergique résistance, les Turcs, pris en
flanc, se virent obligés d'abandonner la
hauteur de Babina-Glava, laissant entre
nos mains deux batteries de campagne,
des fusils, des munitions et une quantité
considérable de bétail.
Le lendemain, nos avant-gardes pous-
saient une reconnaissance juiqu'à Ak-Pa-
lanka et s'emparaient de cette ville, qui fut
presque aussitôt abandonnée, sur un ordre
du général en chef. A la gauche de Nisch,
nos troupes avaient ouvert la campagne
par la prise de Topolnitza, forte position
qui domine Niach. Si vous possédez une
carte tant soit peu détaillée de la Turquie
d'Europe, vous y trouverez auément
tous les noms que je viens de citer. Un
temps d'arrêt dans nos mouvements suivit
ces premiers engagements,et c'est hier seu-
lement que les hostilités ont repris dans
cette direction.
Au nord ouest, une série de rencontres
a eu lieu entre les Serbes, sous les ordrea
du colonel Lechanin, et les Taret, com
mandés par Osman-Pacha. L'ennemi a fait
plusieurs tentatives infructueuses pour
s'établir sur le territoire serbe et s'emparer
de Zaitchar; jusqu'à présent, l'incendie
d'un village serbe voisin de Vetiki Iavor
est le seul résultat que ces incursions suent
amené. Au nord de Zaitchar, près de Né-
gotin, nos troupes campent sur le terri-
toire ottoman, non loin de Widdin. Osman-
Pacha s'acharne à vouloir prendre Zait-
char ; et cette partie de la frontière est
chaque jour le théâtre de luttes sanglantes;
S'il faut en croire les récits de nos bles-
ses, les Turcs sont découragés ; dans un de
ces engagements où la garde nationale de
Belgrade eut affaire à un corps de la garde
impériale fraîchement arrivé de Constan-
tinople, les Turcs auraient pris la fuite
après avoir perdu deux de leurs ouvrages
fortifiés, laissant entre nos mains leurs ar-
m«s et leurs munitions; et notez bien que
toutes les troupes turques sont armées du
fusil à aiguille tandis que la moitié de nos
hommes se servent encore du fasilà piston.
Le tir de l'ennemi est rapide, mais manque
de précision; nous avons beaucoup de
blessés, mais peu de blessures graves.
Ainsi il y a quinze jours il est arrivé à
Belgrade un convoi de 134 blessés : une
centaine se trouvent déjà en état de reprend
dre la campagne.
L'armée de la D ina se trouve toujours
devant Bjelina ; les opérations du général
Alympitch ont eu pour résultat d'isoler la
garnison de cette place, de sorte que la
reddition en est imminente. Cette ville
prise, je ne crois pas que nos armées puis.
sent rencontrer de résistance sérieuse jus-
qu'à Séraiévo (Bosna Serai).
Une partie de l'armée du sud-ouest,
sous les ordres de l'archimandrite Dout-
chitch, a essayé de prendre d'assaut la ville
de Nova-Varosch ; elle s'est emparée de
plusieurs ouvrages fortifiél, mais elle a été
contrainte de les abandonner par suite
de l'insuccès du général Zach. Hier, un té-
légramme officiel nous annonçait que les
troupes de Doutchitch s'étaient de nouveau
emparées des positions précédemment
abandonnées et que la prise de Nova-Va-
rosch paraissait imminente.
De son côté, le général Zach, après avoir
franchi la frontière sud ouest, est venu se
heurter à une armée turque fortement re..
tranchée devant Sieniiza ; on se battit avec
acharnement toute une journée et finale-
ment les deux armées gardèrent les pOli.
tions qu'elles occupaient au début de l'ac-
tion. Un lieutenant du général Zach a
poussé ses reconnaissances jusqu'aux por-
tes da Novi-Bazar et l'on mande qu'il s'est
emparé des positions qui dominent la
ville.
Voilà où en sont pour le moment les opé-
rations militaires : des succès contreba*
lancés par de faibles échecs. Nous ayo
de plus, l'avantage d'opérer en territoire
ennemi : nos troupes occupent une dizaine
de points en Turquie, tandis què nulle
part le territoire serbe n'est entamé.
Je vous engage à vous méfier beaucoup
dots nouvelles à sensation que certains
journaux désireux de paraître mieux infor-
més qua l&i autres émettent à plaisir. Ne
croyez pas aux désastres des Serbes à Kon-
drelemman ; cet endroit n'existe en Serbie
nulle part, si ce n'est dans l'imagination
de certains reporters. :
Il nous arrive de tous côtés une foule de
volontaires étrangers ; hier encore je rece*
vais la visite de M. Armand de la Jonc.
quière, dont le nom ne vous est peut-être
pas inconnu. D'après cet empressemeht que
mettent les étrangers à servir sous le dra-
peau serbe, j'ai tout lieu de croire que no-
tre cause excite de vives sympathies en
Europe,et c'est là pour nous un sérioux mo-
tif d'encouragement.
————— —————
LA GUERRE
LETTRE DE SERBIE
(Sur la Save, 23 juillet, 8 h., matin.)
Je craignais que, pendant mon séjour au
camp de la Drina, quelque chose d'impor-
tant ne se fût passé dans le reste de la Ser-
bie. Je vois qu'il n'en est rien et que la si-
tuation des corps d'armée de Zach, de
Tchernaïeff et de Lechanin a dû r ester à
peu près la même. L'impression générale,
c'est qu'elle s'est plutôt améliorée, et que,
durant ces quelques jours, une action im-
portante a dû être combinée entre les chefa
des différents corps. Ce soir, à Belgrade.
j'essayerai de savoir quelque chose de pré-
cis, si faire se peut.
La première personne que j'ai rencontrée
hier, dans l'après-midi, en arrivant à Sha-
batz, ç'a été le ministre de la guerre, M.
Nicolich. Il était venu visiter les trois hô-
pitaux de Shabatz pour apporter des en-
couragements aux blessés de la dernière
affairé, et il à dû repartir ce matin pour
Baiovinci, où il est chargé, m'a-t-il dit,
d'aller féliciter Alympitch et le corps d'ar-
mée de la Drina. L-e combat du 20, dont je
vous ai envoyé le récit de risu le soir
même, a excité dans toute la Serbie un
grand mouvement de joie. Cette bataille de
Popovi (c'est ainsi qu'on l'appelle, du nom
da hameau où s'est porté le principal ef-
fort des Turcs) est considérée comme Je
plus important succès que l'armée serbe.
ait remporté jusqu'ici.
A Belgrade, je n'avais pas pu trouver
encore l'occasion d'être présenté à M-Ni-
colich. C'est un homme de quarante à qua-
rante cinq ans, grand, maigre, figure avé-
nante, tournure militaire d'un capitaine
de cavalerie. Il affecte, d'ailleurs, la môme
simplicité de costume et d'allures que le
générai Alympitch. 11 pone ia petite veste
brune et le pantalon bleu des soldats de
l'armée régulière, avec le bonnet de police
à trois étroits galons de laine rouge. Pour
tous insignes de son grade, trois petites
étoiles d'or au eollet.
Il nous a reçus, mon compagnon et moi,
avec beaucoup de cordialité, et j'ajouterai:
d'intérêt.
Nous lui apportions, en effet, les premiers
détails qu'il ait eus sur l'affaire de Popovi,
dont il ne connaissait que les résultats par
les dépêches assez laconiques d'Alympitch.
Ce que je lui ai dit et ce qu'il a paru en-
tendre avec un vif plaisir, c est ce que je
vous ai écrit déjà dans mes deux ou trois
précédentes lettres. Il ne doit passer au
camp de la Drina que la journée d'au-
jourd'hui dimanche. Il nous a donné ren-
dez-vous, pour demain lundi, à Belgrade.
Nous verrons alors avec lui s'il vaut mieux
que nous nous rendions d'abord sur la Mo-
rava ou sur le Timock.
J'ai peu d'autres nouvelles à vous man-
der ce matin, comme bien vous pensez. Le
Golombieri vapeur de la compagnie du
Danube, loué par le gouvernement serbe,
est à Shabatz, où il doit cette après-midi
embarquer pour Belgrade une partie du
blessés. Sur la Diana, qui nous ramène,
se trouvent deux officiers blessés dans le
combat de Pvi, dont l'un est M. Mis-
kowitch; le commandant des volontaires,
atteint à la jambe plus gravement qu'on ne
l'avait cru.
Hier, en faisant route de Badovinci à
Shabatz, nous avons croisé six pièces d'ar-
tillerie de différents calibres, conduites à
la Drina par des attelages de bœufs. Je ne
serais pas étonné qu'Alympitch, qui est
déjà maitre de toute la campagne au nord
et à l'ut de bjelina, n'entreprit de a'em-
Prix lia Numéro à Pafli : M centimes. - Béparte.eat. : 90 CeatIJB"
Dimanche 30 Jeffkl 231?0,
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JOURNAL RÉPUBLICAIN CONSERVATEUR
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^adresser au Secrétaire de la Rédaction
de 2 heures à minuit
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i. lettres non affranchies seront r
BONNEMETS
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Trois mois., 13 fr.
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Trois œo3, —/ fS iï
Six mois ,»..*/ J2 1
Un an 'O.'H'H'i':6% 1
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Trois mois..13 fr.
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Un an 'o.h 50
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Trois mOiS.m.' 16 ?.
Six mois.bo." 12
Un an.t4..4it,4<)!
AMomeM, chez MM. LAGRANGB, GBRF et Pt
S, .1aee de la Boum, *
MIU. les Souscripteurs dont
rabonnement expire le 31 Juil-
let sont priés de le renouveler
Immédiatement, s'Us ne veulent
point éprouver de retard dans
la réception du journal.
BULLETIN
Paris, le 29 juillet 1876.
La Chambre des députés,dans sa séance
d'hier, a continué la discussion du budget
des dépenses du ministère de l'inltruction
publique.
Aucune nouvelle aujourd'hui du théâtre
de la guerre, mais il nous est arrivé par
contre deux documents importants au point
de vue diplomatique. L'un est la note
adressée à la Turquie par la Roumanie.
Nous publions plus loin le texte intégral de
cette note. Pas n'est besoin de revenir ici
sur les questions soulevées par la Rouma-
nie, nous les avons déjà indiquées ; mais il
est indispensable d'appeler l'attention de
nos lecteurs sur la véritable mise en de-
meure que fait à la Porte le cabinet de
Bucharest :
« Vous VOYfZ par cette nomenclature,
monsieur l'agent, que nos demandes sont
aussi modérées que justes et équitables ;
néanmoins, malgré toutes les promesses
données à différentes reprises par différents
ministres de la Turquie, aucune de ces
questions n'a obtenu la solution équitable
que nous étions en droit d'attendre. Vous
conviendrez que cet état de choses, se pro-
longeant à l'infini, changerait, je le répète,
complètement la nature des relations exis-
tant entre la Roumanie et la Turquie, et
que, malgré notre ferme volonté d'entre
tenir avec le gouvernement de Constan-
tinople la plus parfaite harmonie, nous
serions forcés de prendre une attitude
autre que celle que nous avons observée
jusqu'à ce jour, car peut être elle nous
fera avoir ce que la conduite la plus cor-
diale ne nous a vas donné.
Le gouvernement roumain, on le voit,
n'hésite pas à employer la menace et les
quelques lignes que nous soulignons, dont
la teneur, sinon les termes exacts, nous
avait été signalée par nos correspondants,
expliquent sumsamment que nous ayons,
dès l'abord, attribué une gravité considé-
rable à la note roumaine,et que nous ayons
cru devoir entourer de réserves la publica-
tion d'un article d'un de nos amis, qui se
trouvé cependant en position d'être parfai-
tement renseigné sur ce qui se passe
à Bucharelt. Et ce qui augmente encore la
gravité de cette note,c'est que nous croyons
pouvoir affirmer qu'avant d'être expédiée
aux agents roumains à l'étranger et remise
au gouvernement turc, elle a reçu la pleine
approbation da cabinet de St-Pétersbourg
et du cabinet de Berlin.
Nous avons sous les yeux, nous l'avons
dit, un second document important : c'est
l'exposé du gouvernement serbe adressé
aux puissances européennes que publie la
Presse de Vienne. Nous ne redirons pas,
après le cabinet de Belgrade, les souffran-
ces des raïahs et les causes qui ont poussé
la Serbie à prendre les armes ; nous ne
voulons retenir que la conclusion de cet
exposé, car elle constitue un avertissement
et une menace pour l'Europe :
« Si les atrocités qui se commettent en
ce moment continuaient plus longtemps,
les chrétiens du Balkan adresseraient leur
cri de détresse à l'humanité tout entière.
La Russie, notre parente au point de vue
du sang, de la race et de la religion, qui,
jusqu'à prêtent, a assisté d'une façon
stoique à ce spectacle frénétique donné
par les égorgeurs turcs, secouerait alors sa
léthargie et se verrait forcée de venir à
notre aide. C'est alors que s'accomplira
justement ce que la diplomatie a voulu em-
pêcher : l'invasion de la Turquie par la
Russie et la conflagration générale. >
Or, qui pourrait supposer que la Serbie
se serve ainsi du nom de la Russie sans
l'assentiment de cette puissance? La Rus-
sie, d'ailleurs, n'a-t-elle pas laissé décla-
rer par ses journaux, soumis à une cen-
sure si sévère, que, quelle que soit l'issue
de la guerre engagée avec la Turquie, elle
garantissait aux Serbes leur territoire ac-
tuel et leur indépendance. Sera-t-il besoin
pour cela que la Russie envahisse la Tur-
quie et marche sur Constantinople ? C'est
à l'Angleterre qu'il appartient de répondre
à natte Question.
Aussi attend on avec une vive impa-
tience la discussion qui doit s'ouvrir lundi
à la Chambre des communes sur la ques-
tion d'Orient. L'Angleterre, cela va sans
dire, se pose en champion du traité de
1856. Un de ses hommes d'Etat les plus
autorisés ne disait-il pas cyniquement,
il n'y a pas bien longtemps, que les traités
existant* lient l'Angleterre, autant tout
au moins qu'elle continue à trouver un
avantagé à les conserver 1 L'Angleterre
trouve présentement un grand avantagé à
maintenir le traité de Paris, et il est évi-
dent que M. Disràëli insistera sur le devoir
qui incombe à la Grande-Bretagne de le
défendre.
La Rallie, au contraire, a le plus grand
intérêt à abolir définitivement ce traité, et
il y a là, entre les deux puissances, une
source d'antagonisme, une cause de lutte,
gans parler de toutes les autres,qui doit fa-
talement les amener à vider prochainement
leur querelle sur un champ de bataille.
L'Angleterre le comprend si bien qu'elle
a rassemblé une flotte formidable dans la
baie de Besika. Le dratae de Salonique a
servi de prétexte à l'envoi de cette flotte,
sans la présence di laquelle la révolution
du 30 mai à Constantinople eût peut-être
été impossible. Le sultan Mourad sera mort
ou détrôné avant huit jour,. Qui nous
dit que cet événement ne servira pas de
prétexte à un nouveau pas en avant? L'An-
gleterre alors sera bien tranquille; elle
aura mis la main sur le gage qu'elle ambi-
tionne, et une fois maîtresse de Constanti-
nople,il faudra bien compter avec elle pour
l'en déloger.
♦
BOURSE DE PARIS
fflêtmr* is 17 Juillet, ie 28 juillet g.
s o/o
Comptant 6985. 70 10 25
Fin cour. 69 87 1 2 70 25 37 1,2
* 1/a 0
Comptant 99 95 ICO 50 55
S O/O
Comptant 10685 10705 20
Fin cour. 106 85 107 05 20
PETITE BOURSE DU SOIR
Smpraat i C/0. 107 fr. 10, 25.
5 G/G tare 11 fr. 55.
Extérieure 14 fr. 5/8.
Efiypi ien - - - 200 fr., 19737, 200.
Banque Ottomane. 350 fr., 350 62.
:
Le Budget de l'Instruction publique
Toute la France a déjà lu, avec la
sympathie qu'il mérite, l'excellent dis-
cours par lequel M. Waddington a ou-
vert la discussion sur le budget de l'in-
struction publique.
Voilà donc enfin un ministre qui
prend souci des intérêts de l'éducation,
qui aborde les réformes nécessaires
avec une largeur de vue3 et une netteté
d'exécution merveilleuses, et qui, pour
comble de bonheur, est soutenu dans
cette campagne, non pas seulement par
l'opinion publique, mais aussi par une
Chambre républicaine.
M. Waddington, en débutant, a com-
mencé par rappeler avec éloges le sou-
venir de ses prédécesseurs qui avaient
été animés de la même ferveur que lui-
même et qui n'avaient pas trouvé le
même appui dans les pouvoirs publics.
C'est ainsi qu'il a cité avec éloges et le
nom de M. Duruy et celui de M. Jules
Simon.
Nous imiterons son impartialité et
son esprit de justice en associant à
l'honneur des réformes qu'il médite, et
qui vont s'accomplir grâce aux votes
de l'Assemblée, la commission du bud-
get, et avant tous, M. Gambetta son
président, M. Bardoux, vice-président
et rapporteur, tout ensemble.
Le rapport de M. Bardoux entre en
matière par un exorde bien éloquent.
Ce n'est pas un exorde ex abrupto, ce
n'est pas un exorde insinuant, ce n'est
pas un exorde qui ait son nom dans les
traités de rhétorique. Rien de plus
simple, mais rien qui soit plus capable
de porter la conviction dans les âmes.
« Messieurs, écrit le rapporteur, le
budget ordinaire de l'instruction pu-
blique en France s'élèvera, pour 1877,
à la somme de 49,123,082 fr.
> Si l'on compare ce chiffre à celui
du budget de 1876, c'est une augmen-
tation d'une somme de 10,949,877 fr.
» Si l'on se reporte au budget de
1870, la comparaison prend un plus
grand intérêt.
» Le montant des crédits alloués au
budget ordinaire de 1870, sous l'empire,
était de 24,283,381 fr.
» Les dépenses ordinaires du budget
de l'instruction publique ont donc été
doublées depuis 1870. »
Mais ce n'est pas tout : à cette som-
me déjà si considérable, le rapporteur
fait remarquer qu'il faudrait ajouter les
sacrifices immenses consentis avec un
élan admirable par les conseils munici-
paux, depuis les plus grandes villes
jusqu'aux plus humbles hameaux, et
par les conseils généraux des départe-
ments.
C'est ainsi que la France républicaine,
après l'épuisement de la guerre et no-
tre rançon payée aux Prussiens, a plus
fait pour la cause sacrée de l'éducation
publique que l'empire au moment de
ses plus éclatantes prospérités.
C'est déjà quelque chose d'avoir beau-
coup d'argent ; encore le faut-il utile-
ment emDloyer.
Voyons quel usage M. Waddington
compte faire des crédits qu'il demande.
Il n'y a que les cléricaux au monde
qui contesteront l'indispensable néces-
sité du premier.
M. Waddington veut, avant de sol-
liciter de la Chambre une loi qui im-
pose au père de famille l'obligation de
donner à ses enfants l'instruction pri-
maire, qu'il ne puisse pas se l etrancher
derrière une impossibilité matérielle,
qui ferait en peu de temps de la loi
une lettre morte. Il entend donc que
chaque commune, si petite soit-elle,
ait son école, avant que l'on songe à
contraindre les enfants à fréquenter
l'école. C'est mettre la charrue derrière
les boéufs ; le mérite n'est pas grand,
mais il est si rare en France qu'il faut
en savoir gré au ministre et l'en féli-
citer.
Depuis quelques années on dépensait
deux millions par an pour cet objet. M.
Waddington en demande cinq d'un
coup, et il ajoute : « Quand j'aurai en
main la statistique complète des commu-
nes à qui manquent des maisoos d'é-
coles, je n'hésiterai pas à vous deman-
der un nouveau crédit. >
Et la majorité a répondu par des ac-
clamations.
Le ministre passe de la maison d'é.
cole au personnel. Il reconnaît la diffi-
culté avec laquelle ce personnel ne re-
crute depuis quelques années. Nos lec-
teurs se rappellent avec quelle insis-
tance nous avons, à diverses reprises,
appuyé sur ce point. Les mesures qu'il
annonce sont encore insuffisantes :
mais on ne peut tout faire à la fois.
Un détail que nous retenons, c'est
la promesse faite par lui d'augmenter
le nombre des écoles normales de filles :
Il n'y en a que quinze pour toute la
France.
Il faudra bien un jour aussi, si l'on
veut lutter contre les envahissements
de l'esprit clérical, organiser pour les
filles de la bourgeoisie une instruction
secondaire qui soit sérieuse, et créer
une école normale supérieure.
M. Waddington touche un mot des
caisses scolaires, à qui le budget ouvre
cette année un crédit spécial. Mais, ou-
tre que j'ai déjà traité la question, j'ai
l'intention d'y revenir la semaine pro-
chaine, à propos d'une fête qui sera
donnée demain dans trois ou quatre éco-
les parisiennes, d'en expliquer le méca-
nisme et d'en montrer l'importance.
Après l'enseignement primaire, l'en-
seignement secondaire. Au budget de
1877 figure un crédit de 250,000 fr. des-
tiné à venir en aide aux colléges com-
munaux.
On demandait que dans tous les col-
lèges communaux l'enseignement qui
est connu sous le nom bizarre d'ensei-
gnement secondaire spécial remplaçât
partout les études grecques et latines.
Nous avons reconnu dans la façon
dont le ministre a répondu son grand
sens pratique.
« A cet égard, a-t-il, dit, il y a des
distinctions à faire. Dans certaines ré-
gions industrielles et populeuses, vous
aurez tout à la fois des colléges et des
lycées. Je comprends très-bien que Ton
encourage particulièrement, dans les col-
lèges, le développement de l'enseigne-
ment secondaire spécial et qu'on laisse
aux lycées l'enseignement du grec et du
latin. Mais, dans d'autres régions, dans
le midi notamment, où l'on tient à sa-
voir un peu de latin et de grec et où il
n'y a pas beaucoup de lycées, on ver-
rait avec. regret l'enseignement classi-
que abandonné par les collèges com-
munaux. Cela serait regardé comme un
capitis deminutio, ou comme une dé-
rogation à ce qui s'est toujours fait. »
Le ministre a raison : c'est une ques-
tion d'appréciation et de mesure. Je crois
pourtant qu'en général mieux vaudra
concentrer dans les lycées la grande
culture classique et livrer les colléges à
cette sorte d'enseignement qui n'est
que le haut enseignement primaire.
La portée la plus délicate du discours
ministériel, c'est évidemment celle qui
a trait à l'enseignement supérieur.
C'est sur ce terrain qu'en ces derniers
temps le clergé a transporté la lutte ;
c'est là qu'il nous faut combattre et
vaincre,
M. Waddington commence par re-
connaître que notre outillage scientifi.
que est tout à fait insufIhant.
11 promet que l'on rebâtira la faculté
des sciences sur les terrains du Luxem-
bourgque l'on agrandira la Sorbonne
et le Collège de France,que l'on amélio-
rera l'aménagement de l'Ecole des beaux-
arts.
Voilà pour Paris.
En province, après avoir constaté
que dans certaines villes les ressourr
ces sont presque nulles, le ministre de-
mande et la commission accorde un
crédit de 500,000 fr. pour constructions
nouvelles et appropriations indispensa-
bles ; 250,000 pour frais de manipula-
tion et d'expériences.
Du matériel des facultés, passant au
personnel, il annonce qu'outre les pro-
fesseurs ordinaires, il a l'intention de
créer une organisation nouvelle de maî-
tres de conférences, agrégés ou doc-
teurs, qui ne seront pas des privat
docent, mais qui nous rendront quel-
ques-uns des services que l'Allemagne
tire de cette institution.,
M. Waddington ne dit pas si c'est
par nécessité subie ou par une préfé-
rence personnelle qu'il a mieux aimé
des maîtres de conférences que des
privat docent. M. Bardoux, le rappor-
teur, est plus explicite sur ce point. Il
regrette que nos lois ne permettent pas,
au moins pour l'heure, l'institution de
privat docent en France. Nous en som-
mes fâchés comme lui; mais c'est une
question grave et qui mérite un exa-
men à part.
M. le ministre expose ensuite son
système de bourses près les facultés :
nous en avons déjà expliqué le méca
nisme et signalé les avantages à nos
lecteurs. Nous sommes très-partisans
de cette réforme.
Enfin le discours se termine en an-
nonçant une nouvelle sur laquelle nous
avons dit aussi ce que nous pensions :
la création de trois grandes universi-
tés : Lyon, Bordeaux et Nancy.
« Je tenais, a dit le ministre en con-
cluant, à vous expliquer en peu de
mots l'ensemble des mesures qui mo-
tivent la très-grande augmentation que
nous avons inscrite au budget. — Il ne
s"it pas de Uioins de dix millions.
» Je tenais aussi à vous répéter que
le gouvernement est décidé à entrer
résolûment dans la voie de l'améliora-
tion progressive et rapide de tout ce
qui peut toucher à l'instruction, à tous
les degrés, dans notre pays 1
» Il est convaincu que c'est là un des
meilleurs moyens, sinon le meilleur,
d'apprendre à ce pays la sagesse et
de lui donner le désir de la stabilité
et de l'apaisement.
» Il est convaincu que plus vous dé-
velopperez l'instruction en France, plus
vous la mettrez à la disposition de tou-
tes les jeunes intelligences, plus vous
éloignerez le danger des commotions
et des révolutions futures. »
Nous n'avons jamais dit autre chose.
FRANCISQUE SARCEY.
LE PARLEMENT
COURRIER DE LA CHAMBRE
Versailles, 28 juillet 1876.
Notre hypothèse s'était arrêtée, hier,
au moment où le chapitre 39,874 du bud-
get de l'agriculture et du commerce « res-
tait en l'air, » — ce qui n'est pas une si-
tuation normale pour un chapitre. Un bud-
get dans cet état nous fdit l'effet d'en in-
dividu dont le râtelier se serait détraqué et
dont la mâchoire ne pourrait plus ni s'ou-
vrir ni se fermer complètement. Cette si-
tuation délicate peut bien durer quelque
temps sans entraîner la mort de l'individu,
mais elle ne saurait s'éterniser lans de
graves inconvénients. Il est nécessaire de
trouver un moyen quelconque, — fût-il un
coup de poing, — de remettre tout en
place.
C'est donc le coup de poing final vers
lequel nous avons dirigé nos recherches
aujourd'hui. Eh bien, 4 faut l'avouer,
nous n'avons rencontré, à ce sujet, qu'in-
certitude et hésitation chez tous les méca-
niciens du parlementarisme que nous avons
consultés. parlementarisme que nou 3 &vola .8
Précisons le cas pour en déduire toutes
les conséquences possibles, à défaut de la
règle fixe qui n'existe pas.
Le chapitre 39,874 est adopté par la
Chambre sur le pied de vingt millions,
porté par le Sénat à vingt-deux millions,
maintenu par la Chambre à vingt millions.
Quel chiffre est promulgué ?
Vingt? Vingt-deux ? Oa rien?
Vingt-deux, c'est impossible, le gouver.
nement ne pouvant pas promulguer un cré-
dit supérieur de deux million au crédit
voté par la Chambre.
Le débat s'établit donc entre vingt et
rien.
Certains penchent pour la solution
« vingt », dominés par cette pensée logique
qu'en agissant autrement on arrivé fatale
ment à ce résultat, fort désagréable pour
tout ministre, de supprimer un crédit en-
tier de vingt millions en le réluisant sim
plement de deux millions. D'après cet ada-
ge : « Qui peut le plus jpeut le moins, » ils
supposent que le vote de « vingt-deux »
implique le vote de «vingt. »
Mais la logique et la jol ne vont pas tou-
jours de pair, et d'autres font remarquer
qu'en ne considérant pas ces deux affirma-
tions contraires comme une simple néga-
tion, on opère à l'encontre de la constitu-
tion, qui spécifie formellement que le vote
d'une loi ou d'un crédit n'est valable que
lorsqu'il est double, C'est à dire émis tout à
la fois et par la Chambre et par le Sénat.
Rien que par ce simple exposé, il est
facile de vpir contre quelles difficultés va
venir butter le fonctionnement de notre
nouvelle constitution. Les Anglais d'ail-
leurs se sont aperçus longtemps avant
nous des inconvénients qu'offre le système
des Chambres doubles en matière budgé-
taire. La Chambre des Communes et la
Chambre des Lords eurent jadis maille à
partir sur ce point ; mais il fut vite con-
staté que l'égalité de prérogatives était im-
possible en pareil cas, et la Chambre des
Lords a fini par se dépouiller pour ainsi
dire de son droit, en sauyant toutefois les
apparences : elle vote le budget en bloc;
quand, par hasard, elle a l'intention d'o-
pérer un changement, elle risque un amen-
dement. Renvoyé à la Chambre des Com-
munes, s'il est repoussé, tout est dit.
Nos législateurs du Sénat sont encore
trop dans la fougue qui accompagne toute
entrée en fonctions pour qu'on leur de-
mande, au bout de six mois, la sagesse que
les Lords mirent environ deux cents ans à
acquérir. Aussi prévoyons-nous moins d'ab
négation de ce côté-ci de la Manche que de
l'autre.
Pour sortir de cette situation, nous ne
voyons pas de solution légale. Nous ne
voyons qu'une solution logique : considérer
comme seul valable le moins fort des deux
crédits votés par l'une et l'autre Cham-
bres ou, ca qui revient au même, le faire
adopter à l'aide du système détourné des
crédits supplémentaires. Et dans ce cas,
il importe de rectifier une opinion qui
va se propageant la de~nl~Î
v On dit ; En matière budgétaire, le dernier
mot restera toujours a la Chambre. C'eut
une erreur, croyons nous, une erreur qui
est née naturellement des circonstances
présentes, du remous actuel des idées, com-
me Vénus naquit de l'écume des flots. La
vérité, la voici : En matière budgétaire,
le dernier mot restera toujours à l'Assem-
blée qui votera le minimum.
Nous allions oublier de parler de la
séance ! Elle a été si calme, 9i décente,
que nous ne saurions qu'en dire du bien*
— et ne pas médire manque de charme. Le
budget de l'instruction publique a vu vingt-
cinq de ses chapitre. votés. C'est un hon-
nête budget.
Par ci, par là, des amendements qui ré-
clament une augmentation quelconque en
faveur d'un intéressant service quelconque;
mais, en présence de la douleur de M. le
ministre, qui a fait bien, et qui regrette de
ne pouvoir faire mieux, les auteurs des
amendements les retirent, — ce qui est
sage, parce que, lorsqu'ils ne les retirent
pas, la Chambre les enterre.
Signalons cependant un amendement qui
a eu un véritable succès : la création, à
Paris, d'une chaire d'aliénation mentale
et de maladies des centres nerveux.Etil y
a urgence, a ajouté M. Ctémenceau, qui
présentait l'amendement. On a ri, sans
méchanceté, de bon cœur; et comme, plai-
santerie à part, la réclamation était juste,
il est probable que l'amendement sera
adopté demain.
A la fin de la séance, M. le ministre des
finances a déposé un projet de loi relatif à
l'exploitation du monopole des allumettes
chimique,. La solution ministérielle de
cette question serait une de celles que nous
avons envisagées, il y a trois mois : réduire
de seize à huit millions la re tevance an-
nuelle payée par la Société au Trésor, de
façon à combattre la fraude par le bas
prix de vente des allumettes communes.
Touchant l'équilibre budgétaire, ce projet
a été renvoyé à la commission de finances.
PAUL LAFARGUE.
LA BONNE FOI DE LA TURQUIE
Voici qui passe les bornes. L'ambassade
ottomane communique à l'Agence Havas
la dépêche officielle suivante. Elle a trait
au combat dont notre collaborateur Liébert
nous racontait de visu les péripéties dans
une lettre que nous avons publiée hier. On
jugera quel degré de confiance on peut dé-
sormais avoir dans les communications
turques :
Le Commissaire impérial en Bosnie, à l'Am-
bassadeur ottoman à Paris.
Serajewo, 28 juillet.
La nouvelle mise en circulation par un té-
légramme offloiel de Belgrade, en date du
17 juillet, relativement à des atrocités com-
mises par les Tar08 en Bosnie, est entière-
ment fausse. Le général Alympitoh,sur la foi
de qui cette nouvelle a été répandue, est le
môme qui a éprouvé une défaite complète, il
y a quelques jours, devant Blena, où il a
abandonné quatre canons. Il cherche à atté-
nuer son insuccô* en déversant le blâme sur
nos populations, qui se bornent à se défendre
sans inquiéter en aucune façon les sujets pai-
sibles.
——————
LA SITUATION EN SERBIE
Un de nos amis de Belgrade, que sa posi-
tion met en mesure d'être renseigne très
exactement, nous envoie un résumé des faits
militaires depuis l'onvertnra de la campagne
jusqu'au 22 juillet et qui confirme tout ce
que nous a écrit notre collaborateur M. E.
Liébart, depuis son arrivée &R Serbie. Nous
extrayons, pour les mettre sous les yeux de
nos lecteurs, les principaux passages de sa
lettre.
Belgrade, le 10(22 juillet 1876
Je profite d'un moment de liberté pour
vous envoyer quelques détails au sujet des
événemenis qui se passent dans notre
pays; vous pourrez ainsi, au milieu de
contradictions de la presse étrangère, vous
faire une idée juste de la situation présente
en Serbie.
Le prince Milan a quitté sa capitale le
29 juin pour se rendre à l'armée; le toir
du même jour, il se trouvait à Deligrad,
forteresse qui défend l'entrée de la Serbie
du côté d Alexinatz ; le lendemain, après
avoir adressé à ses troupes la proclama-
tion dont la teneur vous est connue, il le
rendait au quartier général d'Alexinatz.
Le 1M juillet, l'armée de la Morava, forte
de 45,000 hommes, sous le commandement
du général Tchernattff, franchissait la
frontière à Suppovitza et ne tardait pas à
déloger les Turcs de cette position. 'De
Suppovitza, l'armée se dirigea sur Mra-
mora (à droite de Nisch), où un combat
d'artillerie des plus vifs s'engagea avec
l'ennemi. Après avoir contraint celui ci à
battre en retraite, Tchernaïlf ordonna
l'assaut de Babina-Glava. Malgré leur
énergique résistance, les Turcs, pris en
flanc, se virent obligés d'abandonner la
hauteur de Babina-Glava, laissant entre
nos mains deux batteries de campagne,
des fusils, des munitions et une quantité
considérable de bétail.
Le lendemain, nos avant-gardes pous-
saient une reconnaissance juiqu'à Ak-Pa-
lanka et s'emparaient de cette ville, qui fut
presque aussitôt abandonnée, sur un ordre
du général en chef. A la gauche de Nisch,
nos troupes avaient ouvert la campagne
par la prise de Topolnitza, forte position
qui domine Niach. Si vous possédez une
carte tant soit peu détaillée de la Turquie
d'Europe, vous y trouverez auément
tous les noms que je viens de citer. Un
temps d'arrêt dans nos mouvements suivit
ces premiers engagements,et c'est hier seu-
lement que les hostilités ont repris dans
cette direction.
Au nord ouest, une série de rencontres
a eu lieu entre les Serbes, sous les ordrea
du colonel Lechanin, et les Taret, com
mandés par Osman-Pacha. L'ennemi a fait
plusieurs tentatives infructueuses pour
s'établir sur le territoire serbe et s'emparer
de Zaitchar; jusqu'à présent, l'incendie
d'un village serbe voisin de Vetiki Iavor
est le seul résultat que ces incursions suent
amené. Au nord de Zaitchar, près de Né-
gotin, nos troupes campent sur le terri-
toire ottoman, non loin de Widdin. Osman-
Pacha s'acharne à vouloir prendre Zait-
char ; et cette partie de la frontière est
chaque jour le théâtre de luttes sanglantes;
S'il faut en croire les récits de nos bles-
ses, les Turcs sont découragés ; dans un de
ces engagements où la garde nationale de
Belgrade eut affaire à un corps de la garde
impériale fraîchement arrivé de Constan-
tinople, les Turcs auraient pris la fuite
après avoir perdu deux de leurs ouvrages
fortifiés, laissant entre nos mains leurs ar-
m«s et leurs munitions; et notez bien que
toutes les troupes turques sont armées du
fusil à aiguille tandis que la moitié de nos
hommes se servent encore du fasilà piston.
Le tir de l'ennemi est rapide, mais manque
de précision; nous avons beaucoup de
blessés, mais peu de blessures graves.
Ainsi il y a quinze jours il est arrivé à
Belgrade un convoi de 134 blessés : une
centaine se trouvent déjà en état de reprend
dre la campagne.
L'armée de la D ina se trouve toujours
devant Bjelina ; les opérations du général
Alympitch ont eu pour résultat d'isoler la
garnison de cette place, de sorte que la
reddition en est imminente. Cette ville
prise, je ne crois pas que nos armées puis.
sent rencontrer de résistance sérieuse jus-
qu'à Séraiévo (Bosna Serai).
Une partie de l'armée du sud-ouest,
sous les ordres de l'archimandrite Dout-
chitch, a essayé de prendre d'assaut la ville
de Nova-Varosch ; elle s'est emparée de
plusieurs ouvrages fortifiél, mais elle a été
contrainte de les abandonner par suite
de l'insuccès du général Zach. Hier, un té-
légramme officiel nous annonçait que les
troupes de Doutchitch s'étaient de nouveau
emparées des positions précédemment
abandonnées et que la prise de Nova-Va-
rosch paraissait imminente.
De son côté, le général Zach, après avoir
franchi la frontière sud ouest, est venu se
heurter à une armée turque fortement re..
tranchée devant Sieniiza ; on se battit avec
acharnement toute une journée et finale-
ment les deux armées gardèrent les pOli.
tions qu'elles occupaient au début de l'ac-
tion. Un lieutenant du général Zach a
poussé ses reconnaissances jusqu'aux por-
tes da Novi-Bazar et l'on mande qu'il s'est
emparé des positions qui dominent la
ville.
Voilà où en sont pour le moment les opé-
rations militaires : des succès contreba*
lancés par de faibles échecs. Nous ayo
de plus, l'avantage d'opérer en territoire
ennemi : nos troupes occupent une dizaine
de points en Turquie, tandis què nulle
part le territoire serbe n'est entamé.
Je vous engage à vous méfier beaucoup
dots nouvelles à sensation que certains
journaux désireux de paraître mieux infor-
més qua l&i autres émettent à plaisir. Ne
croyez pas aux désastres des Serbes à Kon-
drelemman ; cet endroit n'existe en Serbie
nulle part, si ce n'est dans l'imagination
de certains reporters. :
Il nous arrive de tous côtés une foule de
volontaires étrangers ; hier encore je rece*
vais la visite de M. Armand de la Jonc.
quière, dont le nom ne vous est peut-être
pas inconnu. D'après cet empressemeht que
mettent les étrangers à servir sous le dra-
peau serbe, j'ai tout lieu de croire que no-
tre cause excite de vives sympathies en
Europe,et c'est là pour nous un sérioux mo-
tif d'encouragement.
————— —————
LA GUERRE
LETTRE DE SERBIE
(Sur la Save, 23 juillet, 8 h., matin.)
Je craignais que, pendant mon séjour au
camp de la Drina, quelque chose d'impor-
tant ne se fût passé dans le reste de la Ser-
bie. Je vois qu'il n'en est rien et que la si-
tuation des corps d'armée de Zach, de
Tchernaïeff et de Lechanin a dû r ester à
peu près la même. L'impression générale,
c'est qu'elle s'est plutôt améliorée, et que,
durant ces quelques jours, une action im-
portante a dû être combinée entre les chefa
des différents corps. Ce soir, à Belgrade.
j'essayerai de savoir quelque chose de pré-
cis, si faire se peut.
La première personne que j'ai rencontrée
hier, dans l'après-midi, en arrivant à Sha-
batz, ç'a été le ministre de la guerre, M.
Nicolich. Il était venu visiter les trois hô-
pitaux de Shabatz pour apporter des en-
couragements aux blessés de la dernière
affairé, et il à dû repartir ce matin pour
Baiovinci, où il est chargé, m'a-t-il dit,
d'aller féliciter Alympitch et le corps d'ar-
mée de la Drina. L-e combat du 20, dont je
vous ai envoyé le récit de risu le soir
même, a excité dans toute la Serbie un
grand mouvement de joie. Cette bataille de
Popovi (c'est ainsi qu'on l'appelle, du nom
da hameau où s'est porté le principal ef-
fort des Turcs) est considérée comme Je
plus important succès que l'armée serbe.
ait remporté jusqu'ici.
A Belgrade, je n'avais pas pu trouver
encore l'occasion d'être présenté à M-Ni-
colich. C'est un homme de quarante à qua-
rante cinq ans, grand, maigre, figure avé-
nante, tournure militaire d'un capitaine
de cavalerie. Il affecte, d'ailleurs, la môme
simplicité de costume et d'allures que le
générai Alympitch. 11 pone ia petite veste
brune et le pantalon bleu des soldats de
l'armée régulière, avec le bonnet de police
à trois étroits galons de laine rouge. Pour
tous insignes de son grade, trois petites
étoiles d'or au eollet.
Il nous a reçus, mon compagnon et moi,
avec beaucoup de cordialité, et j'ajouterai:
d'intérêt.
Nous lui apportions, en effet, les premiers
détails qu'il ait eus sur l'affaire de Popovi,
dont il ne connaissait que les résultats par
les dépêches assez laconiques d'Alympitch.
Ce que je lui ai dit et ce qu'il a paru en-
tendre avec un vif plaisir, c est ce que je
vous ai écrit déjà dans mes deux ou trois
précédentes lettres. Il ne doit passer au
camp de la Drina que la journée d'au-
jourd'hui dimanche. Il nous a donné ren-
dez-vous, pour demain lundi, à Belgrade.
Nous verrons alors avec lui s'il vaut mieux
que nous nous rendions d'abord sur la Mo-
rava ou sur le Timock.
J'ai peu d'autres nouvelles à vous man-
der ce matin, comme bien vous pensez. Le
Golombieri vapeur de la compagnie du
Danube, loué par le gouvernement serbe,
est à Shabatz, où il doit cette après-midi
embarquer pour Belgrade une partie du
blessés. Sur la Diana, qui nous ramène,
se trouvent deux officiers blessés dans le
combat de Pvi, dont l'un est M. Mis-
kowitch; le commandant des volontaires,
atteint à la jambe plus gravement qu'on ne
l'avait cru.
Hier, en faisant route de Badovinci à
Shabatz, nous avons croisé six pièces d'ar-
tillerie de différents calibres, conduites à
la Drina par des attelages de bœufs. Je ne
serais pas étonné qu'Alympitch, qui est
déjà maitre de toute la campagne au nord
et à l'ut de bjelina, n'entreprit de a'em-
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