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Titre : La Lanterne : journal politique quotidien

Éditeur : [s.n.] (Paris)

Date d'édition : 1899-03-23

Contributeur : Flachon, Victor. Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb328051026/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 23 mars 1899

Description : 1899/03/23 (N8005,A22).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k7501825h

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-54

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 18/09/2012

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Tribune Libre

UN ECHEC

J'ai déjà eu l'occasion de parler aux lecteurs d'une pétition adressée par certains artistes au Conseil municipal de Paris pour lui demander une place dans l'enceinte de l'Exposition de 1900.

Il s'agissait d'un petit groupe d'hommes de talent qui depuis des années se sont appliqués à faire revivre l'art dans son application aux objetsusuels.

Ils proposaient d'édifier une maisontype gracieuse et utile, commode et hygiénique que l'art viendrait ennoblir sans modifier ses aménagements ni augmenter son prix (1).

L'architecte en dressait les plans suivant la compréhension moderne de la vie et les exigences du travail. Le peintre dessinait les papiers peints, les tapis. Le sculpteur construisait les meubles, le maître potier faisait les ustensiles et la vaisselle. Rien de plus - intéressant que ce souci devrais artistes de joindre le peuple, de l'arracher au mauvais goût, aux dorures bêtes, aux flonflons des chromos, des velours rouges, des vilaines formes.

Pourquoi se sont-ils adressés à la ville de Paris? Sans doute parce qu'ils la savent généreuse et favorable aux initiatives vaillantes, mais surtout pour une raison que je vais dire et qui

donne une idée de la façon dont les pouvoirs officiels comprennent leur rôle et l'évolution du temps présent.

Quand l'Exposition de 1900 fut proposée, elle trouva, tout le monde s'en souvient, une certaine résistance dans le public. On envisageait avec une certaine inquiétude l'échéance du siècle.

Notre pays était-il en mesure de se mesurer avec ses rivaux? Nous les savions vigoureusement outillés, forts et audacieux, en pleine expansion d'idées et de puissance. Mais dans nos déterminations nous gardions la certitude qu'un domaine nous restait incontesté.

Là nous avions conservé notre point d'appui dans une tradition superbe et en même temps que nous avions pris essor vers des conceptions nouvelles.

Nous avions le passé et le présent.

C'était assez pour pouvoir défier les autres et faire une annonce triomphale au seuil de l'ère prochaine. Ce ne fut pas la seule raison de notre décicision. Mais ce fut une de ses raisons prépondérantes.

Nous nous sommes donc mis en train. Les hommes chargés de nous conduire à la grande bataille auraient dû voir de haut le terrain et, ayant le choix des positions, faire occuper tout de suite par nos troupes les plus valeureuses et les mieux armées les points les plus favorables. Surtout, ils devaient bien prendre conscience de l'idée directrice de la manœuvre. Nous sommes un pays de démocratie. Les autres aussi. Mais nous sommes celui de tous qui a su composer sa formule de gouvernement des mots parlant le plus clairement à la foule : ses intérêts

{t ses aspirations. Cela nous engage.

;:".a pensée démocratique, on la retrouve partout, dans l'industrie et le commerce, plus que dans la politique, mais c'est dans l'art qu'elle doit trouver sa manifestation la plus éloquente st la plus haute. -

Y a-t-il un mouvement plus curieux et plus séduisant que cette poussée de 'a masse vers la lumière de la pensée traduite par les lignes et la couleur.

Tout l'intéresse. Elle veut connaître la beauté et elle veut goûter à la joie de s'en pénétrer. Elle voit presque chaque jour quelques-uns issus d'elle, aussi peuple, aussi frustes, apporter à l'art le renouveau de force et de jeunesse d'une race vierge. Elle a par eux

- la preuve qu'elle n'est point rebelle à l'idéal, qu'elle peut se grandir et se hausser vers l'Olympe.

Il est juste que l'art l'accueille. Il n'a plus le droit de l'ignorer, il n'y a plus de sève pour lui qu'en elle. Et s'il veut cesser d'emprunter aux siècles très anciens leurs formes préférées, s'il veut se définir par la vie et non par la ruine, il n'a de ressources que dons sonadaptationauxsociétésnaissantes.

Les hommes de l'exposition de 1900 n'ont pas compris le problème qu'on leur offrait à résoudre. Ils ont pensé aux architectures foraines et gueulardes ou aux temples à colonnades, imitations mal venues des inimitables chefs-d'œuvre des anciens. Ils ont pré- paré des palais à l'art surabondant des tableaux et des statues. Mais ils ont fermé les portes aux ébénistes et aux potiers, aux faiseurs de tapisseries, aux brodeurs et aux ciseleurs, aux artisans précieux qui veulent qu'on les distingue des industriels et des marchands.

Ce n'est pas vaine prétention de leur part, ni dédain des choses fabri- quées. Ils trouveraient même très lé-

gitime qu'on mît M. Bouguereau en contact avec les ingénieux faiseurs de religieuses images. Mais puisqu'il est un compartiment immense réservé à l'art, il prétendent à y tenir leur place et protestent contre le mépris qui prétend les séparer des artistes.

Leur procès est perdu. L'Exposition

(1) Il s'agit d'une proposition dont nous avons

parlé déjà à plusieurs reprises, proposition faite par MM. Charpentier, Dampt, Plumet et plusieurs iuMtPS ar'.ir les

leur restera fermée. Rien n'a pu fléchir la rigueur des constructeurs de pylônes triomphaux et de monuments corinthiens. Hors d'ici les étains, les porcelaines, les meubles qui portent une signature et un caractère.

Ceux qui prononcent le dignus inirare appartiennent au collège des pontifes, chargés de faire reculer l'âme des foules en route vers les horizons aperçus. Ils ont construit des temples aux formes antiques et ne les ouvrent qu'aux vieilles formules. L'instinct qui conduit au succès ne les a pas avertis que c'est là une erreur grave, que l'intérêt de l'œuvre même leur conseille d'ouvrir toutes grandes les avenues du siècle prochain. Il était facile, en somme, de procurer à l'art appliqué à la vie, sa part d'existence.

Il était pour nous un élément de succès. Peu d'unités de combat étaient aussi bien préparées que lui pour disputer les prix à nos concurrents.

Nous ne sommes pas si forts que nous devions négliger un élément aussi important. Vous allez voir venir les Allemands dans les arts décoratifs avec des trouvailles et des audaces que nous pensions jusqu'ici réservées à notre tempérament national.

On a souvent prédit que l'Exposition serait une réparation offerte par le monde entier à notre orgueil.

Nous le souhaitons de tout cœur étant de ceux qui ont fait tous leurs efforts pour assurer le succès. Mais nous aurions voulu que tous les hommes capables d'apporter leur contingent de talent et d'originalité fussent appelés à l'aide.

C'est toute une phalange qui est écartée.

PIERRE BAUDIN.

DEMAIN JEUDI

(Numéro daté du 24 mars)

La Lanterne

COMMENCERA LA PUBLICATION

DE

La Mèche d'Or

- GRAND ROMAN PARISIEN

PAR

PIERRE SALES

Il est à peine besoin de faire l'éloge du jeune et brillant romancier dont de nombreux ouvrages ont établi la popularité.

On n'a pas oublié le retentissant succès des romans qui ont pour titre : La Femme endormie, publiée ici même,

Le Diamant noir, — Incendiaire, - Orphelines! — Sacrifiée ! — Le Sergent Renand, et tant d'autres œuvres accueillies avec la-même faveur.

La Mèche d'Or

est un poignant récit où sont exposées avec un art infini les tendres scènes d'un amour contrarié par les plus terribles événements.

Nous sommes donc certains que nos lecteurs nous sauront gré de leur offrir l'un des meilleurs romans de

PIERRE SALES,

LA MÈCHE D'OR

Une Pétition

»

Le président Magnaud poursuit, avec une persévérence que rien ne rebute, l'œuvre d'humanité et de

- justice à laquelle il s'est voué.

Magistrat, il acquittait, l'année dernière, une pauvre fille, inculpée de vol, et il fondait sa sentence sur l'interprétation large de l'article 64 du Code pénal qui déclare n'y avoir ni crime ni délit, lorsque le prévenu « a été contraint par une force à laquelle il n'a pu résister.

Citoyen, il a adressé aux représentants du pays une pétition, qu'il nous a fait l'honneur de nous prier de déposer en son nom, pour demander à la Chambre de transformer en loi la jurisprudence libérale du tribunal de Château-Thierry.

On lira plus loin les arguments que le président Magnaud invoque à l'appui de la réforme dont il prend l'initiative. Nous ne doutons pas que les juristes ne puisent dans le riche arsenal de leurs théories des raisons démonstratives pour établir qu'il est nécessaire et moral de condamner à la prison le ppre ou la mère coupable d'avoir dérobé le morceau de pain que réclamaient leurs petits affamés.

Les braves gens qui ne se piquent pas de -subtilité seront de l'avis de M. Magnaud.

Ils estimeront avec lui « qu'il est temps de faire profiter les malheureux d'une interprétation de l'article 64 qui, jusqu'à présent, n'a été faite largement qu'au bénéfice de personnes infiniment moins intéressantes M.

Le groupe socialiste s'est approprié la pensée genéreuse qui a inspiré cette pétition. Il a déposé, dans la séance d'hier, sous forme de projet de loi, les propositions de

M. Magnaud. Le renvoi à la commission compétente en a été ordonné.

La Chambre, nous en avons-la confiance, tiendra à honneur de s'associer par son vote à l'entreprise du magistrat qui comprend d'une manière si noble et si élevée les devoirs de sa charge.

A. MILLERAND.

Querelles littéraires

Oh 1 combien littéraires 1 ■

Il était une fois — cela débute comme un conte. pour finir peut-être comme une farce.

Il était une fois une Société de litté-

rateurs qui, bornant jusqu'à présent son rôle à la stricte défense des intérêts corporatifs de ses membres, avait réussi à s'acquérir — en dépit de quelques brocards faciles — une notoriété du meilleur aloi.

Un comité, sinon d'illustrations, du moins de travailleurs bien au courant des desiderata de leurs confrères, un comité, renouvelable par tiers chaque année, administrait le Syndicat à la satisfaction de tous.

Les élections pour le renouvellement du tiers sortant se cuisinaient d'ailleurs

en famille. On convoquait tout le monde à de cordiales réunions préparatoires et, les mérites des uns et des autres dûment pesés et courtoisement discutés, on faisait choix des candidats agréés par

la majorité qui, le jour du vote, passaient comme une lettre à la poste -

une poste sans cabinet noir, bien entendu.

C'était l'âge d'or.

Mais vint l'Affaire et ses ravages s'exercèrent jusqu'au sein de la paisible Société.

Pour faire pièce aux partisans a un des anciens présidents d'icelle, fortement engagé dans la lutte, un clan résolut d'éliminer sans débat les candidats qui ne se déclareraient point antirevisionnistes résolus.

Et la réunion préparatoire commune se scinda en deux parlotes ennemies où ne furent convoqués que les électeurs

acquis à l'une ou l'autre cause.

En sorte que le prochain scrutin promet d'être plutôt agité.

N'oublions pas que cette Société est exclusivement littéraire.

Zuzc un peu, si elle ne l'était pas 1

l — - Galimafré.

— ■■ l'l1'1]! Mi'n

ÉCHOS

Observations météorologiques Tempcrnture la plus basse à S heures matin. 406 au-dessus deo

Lu plus élevée du jour

2 heures soir. 205 au-dessus de a

Temps probable pour aujourd'hui: Neigeux.

Aujourd'hui, à deux heures, courses à

Colombes (mixtes).

NOS FAVORIS

Prix Camouflet: Ecurie Stern ou Filanzane.

Prix Jactance : Vistola ou Devin.

Prix de Châlons : Lorient ou Saturne.

Prix d'Essai : Newcastle ou Révérence.

Prix Torrance : Forfar ou Gamaches.

PETIT CARNET

HIER. — A la Cour de cassation, admissibilité en la forme de la requête en récusation des conseillers Petit, Lepelietier et Crépon.

AUJOURD'HUI. — A l'Odéon, première représentation des Truands.

LES CONGRÉGATIONS RELIGIEUSES

La direction des cultes procède en ce moment à un travail de recensement des congrégations religieuses en France. La partie concernant les congjégations autorisées est achevée.

La direction générale de l'enregistrement opère en môme temps le relevé de toutes les congrégations pour assurer la perception du droit d'accroissement et fixer approximativement la valeur de leurs biens.

Du travail de la direction de l'enregistrement, il résulte qu'il y a actuellement en France 1,468 congrégations, tant autorisées que non autorisées.

Ces 1,468 congrégations se partagent en 774 autorisées, et 694 non autorisées.

Les 774 congrégations autorisées comprennent 718 congrégations de femmes et 26 d'hommes.

Les 694 congrégations non autorisées comprennent 556 congrégations de femmes et 138 d'hommes.

Au total, il y a donc, sans dictinguer entre « autorisées » et « non autorisées » : 164 congrégations d'hommes. et 1,304 congrégations de femmes, soit environ huit fois plus de congrégations de femmes que de congrégations d'hommes.

Quant au compte de tout ce que détiennent ces diverses congrégations, il s'élève, comme on sait, au chiffre formidable de dix milliards !

"N'N

LA CONSOMMATION DU TABAC

Fume-t-on plus, fume-t-on moins qu'autrefois ?

Les statistiques officielles vont se charger de nous répondre.

En 1894, le produit total réalisé par la régie a été de 377 millions (chiffres ronds); la dépense faite par la régie ayant été de 74 millions, le bénéfice net a été ramené à 307 millions. En 1895, le bénéfice net ressort à 311 millions. En 1896, nous relevons le chiffre de 323 millions. Enfin, en 1897 (dernière année connue), le bénéfice net de l'Etat s'est élevé à 325 millions de francs.

Ainsi donc, on fume, en France, de plus en plus.

<- L'EX-PRINCESSE DE. CHIMAY Pour abriter ses amours désormais légitimes, l'ex-princesse de Caraman-Chimay fait construire près d'Alexandrie une superbe villa.

La nouvelle Mme Rigo et son inséparable

tzigane ont dit adieu à la vieille Europe qui leur fut, il est vrai, assez cruelle. Ils emplissent aujourd'hui l'Egypte de leurs amours et de leur luxe.

L'Egypte n'est-elle pas le pays des grandes courtisanes 1

MOT DE LA FIN

Les bonnes petites amies.

— Tu sais que cette pauvre Ida est très, très mal.

— Oh ! moi, d'abord, je ne l'ai jamais trouvée bien !

Passe-Partout.

NOTRE CAMPAGNE

L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE

ET L'ENQUÊTE RIBOT

Après Francis Framée, du Radical, nous avons signalé ici, dès le 6 décembre, la nécessité pour la commission de l'enseignement secondaire de la Chambre de procéder à une enquête sur les causes de la stagnation de cette branche de notre éducation publique.

La commission a écouté notre conseil ; elle a ouvert l'enquête ; mais dans quelles conditions ? C'est ce qu'il importe de dégager.

- Une chose frappe d'abord l'observateur le moins attentif, l'homme le moins compétent : Durant de longues séances, la commission a entendu des professeurs en Sorbonne, des écrivains pédagogiques de haut renom, les uns et les autres très estimés dans le monde universitaire, mais qui ne pouvaient guère renseigner les enquêteurs que sur la valeur intellectuelle de nos collégiens quand ils arrivent comme élèves dans les Facultés.

- Mais l'avis ferme, éclairé, résultant de l'expérience, sur les programmes et les méthodes des lycées et des collèges, sur le régime intérieur, sur l'internat, sur le rôle des proviseurs, des censeurs, des professeurs et des répétiteurs, sur les prix de pension, sur les rapports avec les familles, sur les causes locales qui doivent influer sur le régime de chaque établissement, — cet avis, qui pouvait le donner?

Les académiciens, les littérateurs, les

professeurs en Sorbonne !

Le simple bon sens n'indique-t-il pas qu'il fallait viser moins haut, mais plus juste?

C'est au personnel même des établissements secondaires qu'on devait s'adresser. Lui seul était capable de formuler autre chose que des théories, les unes élevées et fécondes, les autres vagues et captieuses; il pouvait, si on l'interrogeait sur toutes choses, exprimer une opinion précise, formuler de nettes conclusions.

Oh ! il est venu devant la commission.

Mais, très respectueux de l'impeecabilité de la forme, M. Ribot ne l'a appelé, ne l'a reçu qu'au rang et à l'heure assigné par cette puissante et grotesque autorité : le Protocole. Le docte et haut académicien d'abord ; le modeste professeur d'un lycée de Paris ou de Versailles ensuite.

Pour celui-ci et pour ses collègues de toute la France, pour les administrateurs de nos 360 lycées et collèges, trois ou quatre auditions ont suffi, tandis que pendant vingt séances on avait écouté les autres.

Depuis même, la commission a plus volontiers et plus longuement écouté Je personnel de l'enseignement libre ou toutes les personnalités en dehors qui croient avoir quelque chose à dire.

Cette attitude est bien singulière et suggestive. 11 faut avouer qu'elle semble donner raison à ceux qui assurent, qu'au Sénat, le vote du projet de Combes donnera plus de satisfaction à notre enseignement secondaire public que l'étude laborieuse et trop circonscrite de la commission de la Chambre.

Cette impression se renforce encore lorsqu'on analyse les deux questionnaires dressés par la commission, l'un à l'usage des professionnels, l'autre à l'adresse des

Conseils généraux.

L'un et l'autre contiennent des questions du plus haut intérêt pédagogique et social : mais pourquoi donc en a-t-on éliminé — volontairement sans doute — des questions, graves pourtant, que -nous avions posées Francis Framée et moi ?

J'avais écrit, le 6 décembre, dans l'énumération des questions qui me paraissaient devoir être posées à l'enquête:

(1 Quelle est, pour chaque ville où existe' un établissement secondaire de l'Etat, la situation de cet établissement et des maisons rivales ?

» A quelles causes générales ou locales faut-il attribuer le succès où l'échec de chacun de nos collèges ou lycées ? »

Ces questions seraient-elles oiseuses?

N'en voit-on pas, au contraire, toute la portée utile?

Et celle-ci :

« Quels motifs, quelles influences poussent les enfants de nos fonctionnaires vers les établissements congréganistes? »

Pourquoi la commission ne la pose-t-elle pas? Serions-nous indiscrets? Ou notre question serait-elle dépourvue d'intérêt?

Nous n'apercevons pas enfin que la commission relève quelques autres de nos points d'interrogation, et, pourtant, ils ne nous paraissent pas mériter cet oubli. Qu'on en juge. Nous avons écrit : -

« Quelle est exactement l'importance numérique de la population scolaire de chacun des lycées et collèges d'une part, de chacun des établissements libres, d'autre part?

» Combien d'établissements libres sont vraiment aux mains des laïques ?

» Quelle est la population scolaire des petits séminaires et quel est, en regard, le nombre des élèves qui poursuivent, dans les grands séminaires, des études pour la prêtrise 1

» Quel profit la Nation a-t-elle retiré de la liberté de l'enseignement pour la réforme de son éducation ? »

Sans doute il est très bien de porter son examen sur tout ce qui touche l'organisation pédagogique des collèges et des lycées, sur leur régime intérieur, sur leur administration. Il est non moins utile de s'enquérir auprès des conseils généraux pour savoir d'eux de quelle manière ils pourraient exercer une action plus utile en faveur de nos établissements publics d'enseignement secondaire et pour les amener à exprimer leur avis sur les réformes nécessaires.

Mnis Dourauoi semble-t-on systématiaue-

, t - S ment écarter de l'enquête toutes les questions étrangères à l'enseignement de nos collèges, à leur administration, à leur vie intime ?

Les causes extérieures, les unes purement politiques, où se manifeste l'ardente ténacité de l'opposition cléricale contre la République, les autres sociales, ces causes extérieures ne sont-elles pas les facteurs les plus importants de la décroissance de nos établissements universitaires?

Et si, à la suggestion de son très habile président, la Commission en néglige l'examen, croit-elle que les députés républicains et la presse indépendante observeront la même attitude ?

C'est surtout contre la loi Falloux, contre la propagande cléricale que les coups ont été portés, c'est dans ce sens qu'il faut enquêter et agir. Si la Commission l'oublie, si l'habileté de son président détourne ses regards de ce but essentiel, l'opinion publique ne le perd pas de vue, elle saura le montrer.

A. Lavy.

Me Droit au Sourire

Une rue de Paris va porter le nom de M. Pécau, l'organisateur de l'Ecole normale de Fontenay-aux-Roses.

On sait que M. de Voguë, au cours d'un roman paru dans la Revue des Deux-Mondes, avait assez inopportunément rappelé sa mémoire respectable en l'associant à des tableaux de mœurs plutôt légers. Làdessus, l'académicien reçut son paquet de différents côtés; on le secoua un peu vivement, si bien qu'il s'en plaignit dans une longue épître adressée au Temps.

Ce morceau serait à passer sous silence, et on se résignerait sans peine à ne le retrouver que plus tard dans les œuvres posthumes de M. de Vogue, s'il ne s'y donnait des airs insupportables de la part d'un écrivain de son genre d'esprit.

Qu'il parle de « sa modeste personne » avec des airs de pudeur effarouchée, cela est simplement comique; mais il réclame le droit au sourire, qui est aussi un droit de l'homme, dit-il, et le plus indispensable aux Français. Il évoque Montaigne. La Fontaine, Les Provinciales et Tartufe. Certes, il aurait raison s'il était sincère, s'il représentait bien la pensée des gens auxquels il donne le la. Mais son appel au libéralisme est purement décoratif. L'esprit de la race intellectuelle et du monde auquel il appartient ne lui permet pas une telle attitude ; car cette race et ce monde donnent toujours les marques de l'intolérance la plus épaisse.

Un simple exemple :

L'on passé, on joua au Gymnase l'Aînée, de M.

Jules Lemaitre. Il s'y trouve la caricature, amusante d'ailleurs, d'un pasteur protestant embarrassé de ses six filles, et l'on applaudit en souriant la nombreuse famille du bon et prolifique pasteur Pétermann. Les représentations, elles-mêmes, furent nombreuses. C'était parfait.

Le droit au sourire est un droit de l'homme 1

Mais voilà que cette année, et tout récemment, dans la Dame de Chez Maxim, M. Feydeau veut à son tour mettre sur la scène un pasteur, mais catholique. C'était aussi une figure à tracer, que le curé de campagne, dénué de famille, un peu' parasite, toujours fourré au château, où sa candeur de célibataire se donne en spectacle à ses riches ouailles. M. Feydeau a la main légère et le portrait était plutôt peint en rose que poussé au noir. Cependant, des gentilshommes vinrent et sifflèrent brutalement. Une dame bien pensante arriva à -faire couper des répliques au rôle. Et le droit au sourire ?

Ah ! bien oui ! Pour eux, pas pour lés autres !

La vérité est que, sous la plume de M. de Voguë, l'appel à la liberté de la satire sonne faux ; les siens ne le supportent pas. Et il fait rire lorsqu'il appelle à son aic'e Molière, Pascal, La Fontaine, Montaigne.

Pourquoi pas aussi Rabelais et Voltaire ?

Je crois que si ces grands esprits revenaient, ils arrangeraient bien M. de Voguë, son monde, ses tendances, sa littérature et sa tartuferie 1

Paul Marrot.

LES RESPONSABLES

Après l'explosion de la poudrière de Lagoubran, nous avons eu la catastrophe de Bourges. Le public s'émeut, on questionne les ministres et ceux-ci se taisent.

Je crois bien que nous ne connaîtrons jamais d'une façon officielle les causes de l'explosion de Lagoubran. L'enquête est boiteuse, et l'on peut prédire qu'elle ne produira que des résultats négatifs. La marine a trop d'intérêt à cacher la vérité pour que nous sachions jamais à quoi nous en tenir.

Plutôt de compromettre tel ou tel gros bonnet, on se tournera, s'il le faut, du côté de la version puérile d'un attentat et l'on mettra tout sur le dos de malfaiteurs inconnus.

Après la dame voilée, nous aurons les hommes masqués.

Comment peut-on supposer un seul instant qu'une enquête menée par des personnages officiels consente à avouer que les faits sont imputables à des négligences, des imprudences ou des fautes lourdes commises par l'administration de la marine?

Dans l'affaire de Bourges, M. de Freycinet a bien voulu nous dire que l'explosion ne pouvait être attribuée à la malveillance.

C'est gentil de sa part. Mais pourquoi n'en a-t-il pas dit davantage?

Il y a un an, raconte un de nos confrères, la mise sous presse des obus était, à Bourges, payée 52 francs le mille aux ouvriers, qui pouvaient alors gagner des journées raisonnables en travaillant avec méthode.

Aujourd'hui, cette mise sous presse est réduite au prix de 28 francs et quelques centimes. On devine ce qui se passe. Les ouvriers sont obligés de travailler comme des esclaves pour arriver à toucher 37 centimes par heure. Les dangers d'explosion augmentent en raison même de ce surmenage et de cette précipitation.

On ne manie pas des explosifs comme de la pierre. En surmenant les ouvriers, on les empêche de prendre toutes les précautions désirables. Et c'est pour un salaire de 37 centimes par heure que ces citoyens exposent quotidiennement leur existence!

Il est arrivé à Bourges ce qui devait forcément arriver. Une explosion lamentable a été le produit des conditions de travail imposées aux ouvriers.

En somme, c'est l'Etat qui est le seul criminel. S'il avait payé ses ouvriers de façon à leur permettre de travailler avec méthode et précision, il aurait évité ce malheur.

On peut être certain que, dans la catastrophe de Lagoubran, la part de responsabilité de l'Etat n'est pas moindre.

Maurice Allard.

Lire à la deuxième page

A LA COUR DE CASSATION: Demande en récusation de trois conseillers.

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Une Loi -- humaine

La Pétition de M. Magnaud. — Proposition

Millerand. — La fascination et la misère. — Les- nécessités inéluctables. — Réforme de la loi pénale.

On se souvient du jugement rendu, l'andernier, par le tribunal de Château-Thierry, qui acquittait une jeune femme, Louise Mé- nard, qui, mourant de faim, avait voté un pain chez un boulanger pour son enfant..

que sa misère l'avait mise dans l'impossi- bilité de nourrir. -

La cour d'Amiens, sur appel interjeté par le procureur général, ayant réformé ce ju.

gement, M. Magnaud, président du tribunal civil de Château-Thierry, a adressé à la Chambre une pétition tendant à modifier l'article 64 du Code pénal, de façon à permettre l'acquittement, dans des cas analogues a celui qui avait été soumis au tribunal de Château-Thierry.

En résumé, M. Magnaud demande, guidé par les sentiments de haute justice et d'équité sociale qu'on lui connaît, que la jurisprudence considère, à l'avenir, la faim comme un cas de force majeure faisant disparaître la culpabilité. -

La proposition Millerand

La pétition de M. Magnaud vient d'avoir ? « la Chambre la suite qu'elle comporte, grâce a l'initiative du groupe socialiste qui, par 1 organe du citoyen Millerand, l'a traduite en une proposition de loi dont lecture a été donnée hier au début de la séance.

Nous avons l'honneur, a dit l'orateur, de déposer sur le bureau de la Chambre un projet de loi tendant à modifier l'article 64 du Code pénal et l'article 136 de la loi du 5 avril

18b t.

Cette modification nous a été pal,

une pétition qu'un magistrat. M.>,Ia £ rnaud.

président du tribunal de Château-Thierry, usant de son droit de citoyen, a prié l'un de nous, celui qui est à cette tribune, de déposer sur le bureau.

Nous ne pouvons mieux faire que d'emprunter le texte de notre proposition et de son exposé des motifs à la pétition qui vous est soumise. Voici en quels termes elle est conçue :

La pétition de M. Magnaud

Messieurs les membres de la Chambre des députés,

Messieurs les députés,

L'interprétation très étroite dans certains cas et fort large dans d'autres que la jurisprudence a faite de l'article 64 du Code pénal, principalement dans sa seconde partie, mérite, je crois, d'attirer votre attention.

La contrainte physique est à peu près éliminée comme élément d'absolution; seula la contrainte morale subsiste dans une cer- taine mesure, alors que la première devrait être prise au moins en aussi sérieuse con- sidération dans l'appréciation de la responsabilité pénale.

En dehors des cas de démence indiscutables, l'article 64 ne paraît jusqu'ici avoir été utilisé en matière de délit qu'en faveur des prévenus de haute marque pour lesquels, il semble qu'on ait créé ce genre de folie appelé la « kleptomanie ».

Dans bien des cas, en efM, il a été décidé que la fascination produite sur certaines personnes par des objets de grand luxe devait être considérée, soit comme une monomanie, soit comme une force irrésistible faisant disparaître entièrement la responsabilité de l'acte accompli.

Cette situation créée par une interprétation trop limitée de la loi appelle certaino ment une importante modification. -

Vous estimerez, j'en suis sûr, avec moi que, si la fascination produite momentanément par la vue et le désir d'un objet de luxe peut faire disparaître la culpabilité, cette fascination est autremeut puissante et autrement intéressante, lorsqu'elle amène un être humain, qui meurt de faim, soit à tendre la main, soit à s'emparer d'un objet de première nécessité, sans lequel son organisme cesserait, à brève échéance, da fonctionner.

Les tortures de la faim

Il est temps, penserez-vous, de faire profiter les malheureux d'une interprétation da l'article 64 qui, jusqu'à présent, n'a été faite largement qu'au bénéfice des personnes infiniment moins intéressantes.

La jurisprudence s'est toujours refusée à considérer les tortures de la faim endurées par un être humain ou par ceux dont la loi naturelle et la loi civile lui donnent la charge, comme une force suffisamment irrésistible, une force majeure, faisant disparaître la culpabilité; tout au plus, en pareille occurence, admet-on des circonstances atténuantes. Une seule exception à cette rigueur s'est produite l'an dernier; il échet d'en faire la regle et de la consacrer défini- tivement dans la loi.

Et comme il serait injuste de laisser supporter par un tiers, le préjudice, quelque minime qu'il puisse être en pareil cas, causé par l'acte accompli dans ces lamentables circonstances, vous déciderez que la réparation en sera supportée soit par la commune d'origine de l'auteur de cet acte, soit par celle de son domicile.

Ce faisant, messieurs, vous permettrez 5 l'humanité de pénétrer par une plus large porte dans nos lois pénales et vous donnerez un commencement de satisfaction aux idées d'amélioration sociale qui germent maintenant dans tous les cœurs épris de vraie justice.

J'ai l'honneur, en conséquence, de vous soumettre la proposition suivante :

L'article 64 du Code pénal est ainsi modifié :

« Il n'y a ni crime ni délit lorsque le pré» venu était en état de démence au temps » de l'action ou lorsqu'il a été contraint par » une force à laquelle il n'a pu résister, on » encore par les inéluctables nécessités dIt

» sa propre existence ou de celle des êtres a dont il a légalement et naturellement la « charge. »

L'article 136 de la loi du 5 avril 1884 est ainsi modifié :

« Sont obligatoires pour les communes » les dépenses suivantes : Les indemnités » dues à des tiers pour réparation du pré» judice résultant pour eux d'actes accom- » plis par les indigents originaires de la » commune, poursuivis devant les tribu- » naux en raison de ces actes mais acquit, » tés nar annlicntion de l'article 64 du code