L'utilité de l'emploi des copeaux de hêtre tient si peu, selon moi, à leur nature propre, que je ne doute pas que l'on pourrait les remplacer par les matières les plus diverses, voire même par des fragments de verre ou de porcelaine, à la seule condition toutefois que les substances dont on se servirait seraient propres à retenir adhérentes à leur surface le mycoderma aceti, ce qui ne serait peut-être pas le cas du verre ou de la porcelaine. Je ne cite ces corps que pour mieux rendre ma pensée et le peu de confiance que j'attache aux idées généralement admises par les chimistes et les fabricants.
Il ne faudrait pas croire néanmoins que l'on dùt s'arranger de façon que la plante prît le plus de développement possible.
J'ai eu à ma disposition des copeaux, rassemblés depuis plusieurs années dans un grenier, que l'on avait du mettre hors d'usage parce que le travail était devenu impossible par leur emploi. Le fabricant ne savait à quoi attribuer la mauvaise qualité de ces copeaux. Or, en les faisant détremper dans l'eau pendant quelques heures, je vis qu'ils étaient tous recouverts sur leurs deux faces d'une couche grasse au toucher (1) que je reconnus être le mycoderma aceti.
Dans une autre fabrique on avait dù vider des tonneaux, parce que le travail d'acétification s'était arrêté, et l'on avait trouvé, surtout à la partie inférieure, des masses gélatineuses qui n'étaient autre chose que de la mère de vinaigre.
Les faits que je viens de passer en revue n'étaient guère propres à éclairer la véritable cause des phénomènes. D'une part, on n'apercevait pas le mycoderme à la surface des copeaux lorsque le travail de la fabrique était régulier; d'autre part, il y avait quelques rares circonstances dans lesquelles on avait pu reconnaître que la mère du vinaigre, accidentellement fort développée, avait mis obstacle à l'acétification. Mieux renseignés tout à l'heure sur la véritable théorie de l'opération,' nous pourrons conclure que la plante ne doit pas prendre un développement exagéré. Il est certain que si elle se multiplie au point de boucher le passage de l'air dans les interstices des copeaux, la fermentation s'arrêtera forcément. Sans aller jusque-là, une trop grande abondance de mycoderme à la surface des copeaux peut rendre le travail d'acétification si actif que la perte d'alcool devient considérable, ou que la trop grande chaleur développée tue la plante. Dans les conditions normales, la perte en alcool est déjà fort sensible, souvent de 30 à 40 pour 100; c'est même là l'écueil à éviter dans ce mode de fabrication.
1. Dans les Annales scientifiques de l'École Normale supérieure, Pasteur a ajouté « glissante ». (Note de l'Édition.)