Il n'a sans mes bienfaits passé nulles journées;
Tout n'est que pour lui seul mon lait et mes enfants Le font à la maison revenir les mains pleines
Même j'ai rétabli sa santé, que les ans
Avoient altérée; et mes peines
Ont pour but son plaisir ainsi que son besoin.
Enfin me voilà vieille; il me laisse en un coin
Sans herbe s'il vouloit encor me laisser paître S Mais je suis attachée et, si j'eusse eu pour maître Un serpent, eut-il su jamais pousser si loin
L'ingratitude? Adieu j'ai dit ce que je pense. » L'Homme, tout étonné d'une telle sentence,
Dit au Serpent « Faut-il croire ce qu'elle dit? C'est une radoteuse; elle a perdu l'esprit.
Croyons ce Bœuf. Croyons, » dit la rampante bête. Ainsi dit ainsi fait. Le Bœuf vient à pas lents. Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête, >
Il dit « que du labeur des ans
Pour nous seuls il portoit les soins les plus pesants, Parcourant sans cesser ce long cercle de peines Qui, revenant sur soi, ramenoit dans nos plaines Ce que Cérès nous donne, et vend aux animaux; Que cette suite de travaux
Pour récompense avoit, de tous tant que nous sommes, f Force coups, peu de gré puis, quand il étoit vieux, On croyoit l'honorer chaque fois que les hommes Acketoient de son sang l'indulgence des Dieux. » Ainsi parla le Bœuf. L'Homme dit « Faisons taire