Mais venons à la fable, ou plutôt à l'histoire
De celui qui tâcha d'unir tous ses enfants.
Un Vieillard prêt d'aller où la mort l'appeloit
« Mes chers enfants, dit-il (à ses fils il parloit), Voyez si vous romprez ces dards liés ensemble
Je vous expliquerai le nœud qui les assemble. » L'aîné les ayant pris, et fait tous ses efforts,
Les rendit, en disant « Je le donne aux plus forts. » Un second lui succède, et se met en posture,
Mais en vain. Un cadet tente aussi l'aventure.
Tous perdirent leur temps le faisceau résista
De ces dards joints ensemble un seul ne s'éclata. a Foibles gens 1 dit le père, il faut que je vous montre Ce que ma force peut en semblable rencontre. » On crut qu'il se moquoit on sourit, mais à tort Il sépare les dards, et les rompt sans effort.
« Vous voyez reprit-il, l'effet de la concorde
Soyez joints, mes enfants, que l'amour vous accorde. » Tant que dura son mal il n'eut autre discours.
Enfin se sentant prêt de terminer ses jours,
« Mes chers enfants, dit-il, je vais où sont nos pères; Adieu promettez-moi de vivre comme frères;
Que j'obtienne de vous cette grâce en mourant. » Chacun de ses trois fils l'en assure en pleurant;
Il prend à tous les mains il meurt et les trois frères Trouvent un bien fort grand, mais fort mêlé d'affaires. Un créancier saisit, un voisin fait procès: