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Titre : L'Aurore : littéraire, artistique, sociale / dir. Ernest Vaughan ; réd. Georges Clemenceau

Éditeur : L'Aurore (Paris)

Date d'édition : 1898-11-28

Contributeur : Vaughan, Ernest (1841-1929). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32706846t

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32706846t/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 24412

Description : 28 novembre 1898

Description : 1898/11/28 (Numéro 406).

Description : Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail

Description : Collection numérique : La Grande Collecte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k701773d

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 06/02/2011

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uireciaur

ERNEST VAUGHAN

t ^.BOlSTlTEiyEElSr XS

Six Trois Un an moi» moi»

Paris 20 » 10 » 5 »

Départements et àlo^eub» 24 . 12 » e . ATHAJ-ÎO SN (UN ION POSTALB) . 35 » 18 » TO ?

POUR LA RÉDACTION : . S'adresser h M. A. BERTHIER

Secrétaire de ta Rédaction.

? Ae&sîsri TiiLittïupHigus i AURORE-PARIS

L'AURORE

Littéraire, Artistique, Sociale

Directeur

ERNEST VAUGHAN^

LES ANNONCES SONT REÇUES : f

142 - Bue Montmartre - lu

AUX BUREAUX DU JOURNAL L

Les manuscrits non insérés ne sont pas renduI

ADRESSER LETTRES ET MANDATS S à M. A. BOOÏT, Administrateur

Téléphone : 102-83

LE REVEIL DE L'OPINION

Aires Freycinet

' Au mois de juillet dernier» tin soldat du détachement du 145e de. ligna cantonné à Montmédy rentra au quartier en état d'i- vresse. Le eolonel le fit passer en conseil, avec le désir avoué de l'envoyer à Biribi. Le conseil, composé de cinq officiers, ne voulut pas perdre un malheureux enfant pour une peccadille. Par 3 voix contre % le soldat fut acquitté.

Le 25 juillet 1898, le colonel du 145° ^'exprimait ainsi par la voie du rapport : Le colonel ne veut s'expliquer la décision prise par le conseil de discipline du détachement do Montmédy dans l'affaire du soldat V...

Le vote de trois membres du conseil semblerait indiquer de leur part un esprit d'opposition que ie chef de corps ne salirent tolérer et - sans vouloir en rien peser sur la conscience do ses su- bordonnés (sic) - ie colonel est absolument dé- cidé à faire, au besoin, par set manière d'être à, leur égard, supporter à qui de droit les consé- quences d'une conduite qui semblerait vouloir se mettre en opposition avec les décisions certaine- ment impartiales et raisonnées du commandant du détachement.

Les officiers intéressés voudront bien se le tenir pour dit une t'ois pour toutes.

Cet ordre du jour était une infamie. Avec l'ordre du jour du colonel Parisot, du 94e, qui assimile sou régiment aux bri- gades centrales de police, et qui fait de l'avancement le prix des plus lâches déla- tions, il n'y a pas d'exemple d'un pareil ?outrage à 1 honneur militaire.

Parce que les officiers du 145® n'avaient pas voulu « condamner par ordre », parce qu'ils avaient écouté leur conscience, M, Parent, colonel, les insultait et les me- naçait. On ne connaît rien de plus hon- teux, de plus révoltant.

Quand nous avons signalé le fait, le ministre de la guerre, qui s'appelait alors Cavaignac, annonça qu'une enquête était ouverte. Il tomba. Sous M. Zurlinden, pas de nouvelles. Sous M. Chanoine, pas de nouvelles. Il faudra bien que M. de Frey- cinet nous en donne.

Quelles mesures seront prises pour châtier ce colonel qui violente la justice, qui outrage ses officiers, qui défie la cons- cience publique?

Le 145» régiment de ligne nTa vraiment pas de chance. Le 1er mai 1891, ce fut un «e ses bataillons qui mitrailla la paisible population de Fourmies.

Il n'est pas de plume, écrivit M Drumont, ca- pable de rendre exactement l'aspect de cette scène effroyable... Les terribles balles Lebel produisi- rent un effet 'véritablement foudroyant Les fem- ses épouvantées étaient atteintes dans leur fuite éperdue, heurtaient désespérément à des portes closes, essayaient un suprême effort, et venaient

jusqe dans les estaminets à*i la rue des E lie ta mber comme des masses au milieu des consom- mateurs... Et les terribles balles continuaient leur oeuvre, frappaient ceux, qui étaient penchés jour relever les victimes,

... l^a police et les gendarmes furent particu- lièrement odieux. Ils tirèrent encore par plaisir quand la place était déjà jonchée do morts et de plesses. Certains malheureux furent visés tout spécialement. A côté des soldats qui tirèrent en l'air, il y en eut qui se firent une joie de tirer beaucoup ; uu soldat tira jusqu'à neuf balles...

.., On tira jusque sur des enfants à la mamelle... Une fillette âgée de huit mois ne pouvait avoir rien de bien effrayant pour la glorieuse armee fran- çaise ; en fait de revendication sociale, elle ne ré- clamait guère d'autre droit que celai de prendre le ;été de temps eu temps ; elle n'en eut pas moins sa pauvre menotte traversée par un éclat de balle !...

Vrai 1 commandant Chapus, je ne vous conseille pas de faire inscrire cet exploit sur la drapeau du régiment, et je comprends que vous ayez baissé la iêie quand, au retour, vos camarades vous ont re- garde bien en face...

Qui ne devine les grosses plaisanteries des offi- ciers prussiens trouvant devant eux le 145* de li- gne sur un champ de bataille et disant A leurs soldats : « N'ayez pas peur ; voilà le 145* de ligne les chefs sont si peu maîtres d'eux-mêmes qu ils tirent sur des femmes et des enfants do huit mois sans prendre même le temps de faire les somma- Sons...! »

... Après la fusillade, ce fut horrible. Les hom- mes, les femmes, les enfants montraient le poing aux pauvres soldats du 145», qui étaient cependant irresponsables du sang versé, puisqu'ils n avaient tait qu'obéir. On les insultait de toutes parts, on leur crachait â la figure, on leur criait : i Si vous aviez eu devant vous des Prussiens, vous n'auriez pas osé tirer ! » Quand ils passèrent ou Cateau, la foule ameutée hurlait : « A l'eau ! à l'eau T * Ils courbaien la tête.». Que vouliez-vous qu'ils fis- sent? Tuer îes mères dont on avait tué lys enfants ? Et après?

De cette horrible tuerie, on a toujours imputé la responsabilité à M. Constans, qui était ministre de l'intérieur.

Mais il y avait un homme qui était pré- sident du conseil et ministre de la guerre, qui seul donnait des ordres à l'armée, qui seul avait pu prescrire aux troupes d'em- porter des fusils de guerre - (on em- ployait alors encore le fusil Gras dans le service intérieur) - et des munitions de guerre. Cet homme fut le vrai coupable, te vrai massacreur. Cet homme est M. de Freycinet.

Il ne suffit pas, après avoir commis une série d'actions abominables ou louches, de disparaître quelques années de la scène politique pour y remonter ensuite avec une virginité toute neuve. Mais non. L'his- toire demeure. Quand on a derrière soi des cadavres, on les traîne jusqu'à la fin.

C'est sous le ministère de Freycinet qu'eut lieu l'immond affaire Bouis, qui forme un des chapitresde l'Armée contre ta Nation nécessairement visés pour l'honneur de la caserne. Pour sauver un ?capitaine infâme, qui volait le régiment et qui souillait les soldats, M. de Freyci- net brisa la carrière du médecin-major Boyer, coupable d'avoir dénoncé le crimi- nel. M, Loyer subit un mois de prison de forteresse et fut mis en non-activité, parce qu'il ne voulait pas se taire; et M. de Freycinet fit donner par l'Agence Havas l'explication suivante ;

Le motif de ces mesures est la publicité que le docteur Boyer a donnée à des démêlés qui devaient conserver un caractère intime.

Dans une telle affaire, le mot était char- mant ; M, de Freycinet a toujours passé

pour un pince-sans-rire émérite, ïl aura bientôt l'occasion d'exercer de nouveau i son esprit sur cette étrange matière.

Quelles périphrases ingénieuses ne trou- vera-t-il pas, par exemple, pour glorifier la caserne en expliquant au jury les aven- tures de la jument Sorrente, au 1er régi- ment de cuirassiers ? L'enquête est toute fraîche.

Sous le ministère de M. de Freycinet aussi se déroula l'affaire Turpin. Des rapprochements s'imposent avec les der- niers scandales. Il y avait alors un traître, nommé Triponé, capitaine dans la ré- serve, chevalier de la Légion d'honneur (naturellement), qui travaillait de son métier à la rue Saint-Dominique. Après sa condamnation... mitigée, Triponé bé- néficia d'une prompte mesure de clémence. De hauts personnages militaires s'inté- ressaient à son ménage. Il y eut, dans ce procès, comme toujours,un dossier secret; on devait l'ouvrir ; on ne l'ouvrit pas ; il contenait les lettres du général Ladvocat au traître. A »a première nouvelle de l'ar- restation de Triponé, le directeur de l'ar- tillerie avait télégraphié à Mme Triponé ; « Prenez mon avoué. » Racontée par M. de Freycinet à la Cour d'assises, cette histoire trop oubliée, d'ailleurs mal con- nue, ne manquera pas d'intérêt.

Et cet officier d'ordonnance, qui alla quérir M. Charles de Lesseps et l'amena au ministère de ïa Guerre, pour que M. de Freycinet Lui graissât la détente, com- ment diable s'appelait-il?... Voilà que ma mémoire défaille. C'est drôle. Je pourrais nommer l'officier d'ordonnance qui porta du ministère de la Marine à l'Elysée, par une délicieuse galanterie de M. Lockroy (premier ministère), îes dossiers de Mada- gascar accablants pour Faure-Belluot ; et j'oublie le nom de l'autre !... Il me revien- dra... Ou M. de Freycinet nous le dira.

L'histoire du Télégraphe, encore, m'in- trigue outre mesure. Cette feuille obscure, on peut dire inexistante, émargea pour 194,049 fr. 40 aux guichets du Panama. Sa publicité ne valait sûrement pas 49 fr. 40. A la considération de quel hom- me important la Compagnie détroussée ajoutait-elle 194,000 francs?

M. de Freycinet doit le savoir, car il connaît bien l'histoire contemporaine. Et, dans le prochain procès, il n'y en aura pas I que pour M. Lockroy.

Le bruit court que les ministres son- gent à se dérober, et qu'ils suggèrent aux magistrats chargés par eux-mêmes de me poursuivre, un prétexte à reculade. Ils ont tort. En Cour d'assises, ils pourraient essayer de se défendre. Car les accusés, ' c'est eux.

Urbain Gohier.

N. B. - Un grand nombre do correspondante me demandent des renseignements, des envois de livres, et ne me donnent pas d'adresse. Ils m'excu- seront de no paa leur répondre.

Salle <lu Pré-aux-Clercs 85, rue du Bac

mm PUBLIQUE

Le Lundi 28 novembre, à huit heures et demie du soir sous la présidence du citoyen DUCLAUX, Membre de l'Institut

Citoyens,

Etudiants,

Un attentat monstrueux sa prépara contre la justice.

L'admirable PICQUART va payer de sa liberté la révision, qui est son oeuvre, ©t que rien désor- mais ne peut plus empêcher.

Venez joindre votre protestation à la nOtre et défendre

LA REPUBLIQUE et LA LIBERTÉ

Les citoyens .

G. Barbey, licencié en droit; E. Crimaux Das- jardins, internes des hôpitaux; L. Besnard; E.-B. Leroy, docteur on médecine; L. Bondois; G. Rist, avocat à la Gour d'appel; O. Robard, élève à l'Ecole des beaux-arts, Ê. Picquenart, étudiant en lettres; L. Legrand ; E, Monod, étudiant en sciences; L. Tanon, étudiant en médecine; R. Proust, E. Rist, M. Bize, M. Garnier, M. Hepp, internes des hopitaux.

Ont adhéré à la réunion les citoyens ;

Anatole France, de l'Académie française; Emile Picot, membre do l'Institut; Giry, membre del'Institut; Havet, professeur au College de France. membre de l'Institut ; docteur Emile Roux, membre de l'Académie de médecine; Ch Friedet, G. Bônnier, membres de l'Institut; Buisson, professeur à la Faculté des lettres ; docteur Paul Reclus, membre de 1 Académie de médecine ; docteur Brissaud. pro* fesseur agrégé à la Faculté de médecine; Maurice Bouchor; Ch. Richet, professeur à la Faculté de médecine ; docteur Routier, chirurgien de l'hôpital Nocher ; Seignobos, professeur à la Faculté des lettres; Paul Desjardins; Gley, Langlois. Pierre Délit et, agrégés de la Faculté de médecine; La borde, membre de l'Académie de médecine; Ch. Andler, maitre de conférences à l'Ecole normale supérieure: Raoul Allier, agrégé de l'Université; Arthur Fontaine, professeur au Collège libre des sciences sociales ; André Chevillon, homme do lettres; Tarbouriech, professeur au Collège libre des sciences sociales, etc., etc.

Prix d'entrée : 80 centimes.

LE RÉVEIL

C'est bien le réveil de la France. Tous les cerveaux s'exaltent et tous les coeurs se révol- tent. De toutes parts une armée se lève, la grande armée française de la justice et de la liberté.

Parcourez les listes de protestation que nous ne pouvons suffire à publier. Maî- tres de la pensée et de la parole, professeurs, médecins, avocats, écrivains, artistes, indus- triels, négociants, ouvriers des villes et ou- vriers des chamns y confondent leurs noms dans un même élan, dans un même enthou- siasme patriotique. Ah! les beaux cadres-! Ah t le beau front de bataille !

Lisez l'annonce de la réunion publique qui se tiendra ce soir, rue du Bac, salle du Pré- aux-Clercs, sous la présidence du citoyen Du- claux, continuateur de l'oeuvre de Pasteur, membre de l'Institut.

Le quartier Latin, toute la jeunesse répu- blicaine voudra être là.

Ses auprès, habitués à se tenir à l'écart, dans le silence de leur cabinet ou de leur la- boratoire, ont compris qu'il fallait en sortir. Et; plus jeunes que jamais, les voilà dans la rue, dans les réunions publiques, pour don- ner l'exemple, pour accomplir ce qu'ils croient être leur devoir do Français.

La jeunesse «les Ecoles sera fière de suivre les citoyens Havet, Emile Roux, Friedel, Bonnier, Paul Reclus, Richet, Seignobos, Del- bet, Laborde, Andler, Buisson, etc.

Ceux-là sont des citoyens, comme Picquart est un monsieur.

Autour d'eus, ce soir, des milliers de jeu- nes hommes s'enrôleront pour défendre la République et la Liberté, criant, avec le poète Fernand Gregh, au noble prisonnier du Cherche-Midi :

foui n'etes pu, vous, de eti porteurs de glaires

Huât 1« lourd bru dus l'ombra assassina les Lois!

Le Droit, dont malgré toat Its éclipses sont breves tu TOHI vaincra fa força sue seconde fois,

It l'épée tn vos mains ttt I* tnur d« reves

B. Guinaudeau.

«VIPICQUART !

Vraiment,ils avaient cru que ça se passe- rait ainsi. Ils avaient fini par croire qu'ils étaient pour toujours au-dessus des lois, et que personne n'oserait jamais leur de- mander des comptes. Eh bien ! il arrive que c'est une erreur. Le plus sage, pour tout le monde, est d'en prendre son parti.

Des citoyens se sont avisés qu'une culotte rouge au derrière ne pouvait tenir lieu ni de légalité ni de raison. Ils l'ont dit et, pour l'avoir dit, ils ont été très congrûment hués. Les grands ca- pitaines que nous avions vus revenir de Sedan fort marris, déclarèrent qu'ils se verraient dans l'obligation de recom- mencer cet exploit si nous ne leur accor- dions pas une confiance illimitée ! Hélas, l'usage qu'ils avaient fait de la confiance unanime du pays, en 1870» nous inspi- rait des doutes sur l'efficacité do mérites dont iis gardaient trop jalousement le secret.

Nous nous sommes obstinés à percer le mystère. Et qu'avons-nous vu, à la stu- péfaction du plus grand nombre, à la terreur de tous? Des mensonges, des faux, dès trahison, une inscrupuleuse bê- tise d'une profondeur inconnue, et, pla- nant sur tout cela, le principe d'autorité infaillible que le moine Didon a reçu du ciel même et qu'il éprouve une hâte in- croyable de transmettre à l'irraisonnante puissance du sabre.

Alors, au moins, la question fut claire- ment posée, et le péril apparut. Les ci- toyens qui s'étaient endormis sur l'oreil- ler commode de la vertu des pouvoirs pu- blics pour assurer la justice, et garantir ! l'honneur, la vie, la sécurité de chacun, se réveillèrent au cri des sentinelles vigilantes. On s'aperçut que les plus belles institutions du monde ne sont rien quand le respect du droit n'est pas au fond des coeurs, quand la cons- cience de justice ne se double pas d'une volonté de dire, d'un courage de faire. On découvrit que îes lois les plus jus- tes, les réformes les mieux conçues, n'ont que la valeur d'un chiffon de papier s'il ne se rencontre pas d'hommes pour les faire vivantes. Il fut prouvé par le plus éclatant exemple que les pouvoirs de jus- tice, que les pouvoirs *de gouvernement, que les pouvoirs de législation - savante organisation de garanties - perdent leur beauté théorique, et voient s'évanouir jusqu'à leur raison d'être, dès que la sur- veillance des citoyens cesse de s'exercer sur eux.

L'homme est l'homme partout. Juge, soldat, ministre, député, son intérêt lui est cher, il aime à se faire une force du faisceau des faiblesses groupées pour la défense des intérêts communs. Chaque corporation constitutive d'un élément d'E- tat, se . croit l'Etat lui-même, ot prétend qu'on ne peut l'atteindre d'une critique sans blesser la patrie elle-même.

Pour le juge, pour le ministre, pour le parlementaire, la publicité de leur action et la répercussion directe ou indirecte sur eux des mouvements de la foule électorale vers une justice meilleure, as- surent une forme de contrôle qui peut prévenir et même prévient parfois l'excès du mal î

Pour le soldat, par malheur, les possi- bilités de critique font trop souvent dé- faut. On va répétant que l'intérêt de la patrie, la sécurité du territoire comman- dent le silence, la confiance aveugle du civil, après l'obéissance passive dans le rang. Et beaucoup Le croient,s'imaginant, dans leur candide niaiserie, qu'il suffit, pour être patriote,de crier ; Vive l'armée!

Le mal de cet état d'esprit, on l'a- perçoit maintenant. Pour la foule, c'est d'abdiquer son devoir de vigilance, son pouvoir de critique qui par toutes les manifestations de l'opinion publique de- meure le grand ressort de l'Etat. Pour le soldat, c'est de se croire au-dessus du contrôle, au-dessus des lois, dans l'intérêt de la patrie, comme si la patrie se pouvait concevoir sans la garantie des lois.

Nos chefs militaires nous mènent-ils à l'effondrement de Sedan? Leur confiance en eux-mêmes n'en est pas ébranlée et ils ré- i clament bjen haut de nous le même aveu- glement sur leur ineptie, pour recom- mencer impunément l'oeuvre criminelle, qui hier nous livrait à l'Angleterre sans obus pour nos canons.

Nos anciennes classes dirigeantes, no- blesse ou haute bourgeoisie, qui, sous l'autorité de l'Eglise romaine, n'ont ja- . mais rien su diriger, chassées du gouver-

nement civil, sont réfugiées dans l'armée. Et comme, aux jours de leur puissance contrôlée, elles n'ont abouti qu'à nous jeter dans les convulsions révolution- naires, une fois débarrassées de contrôle, elles n'ont qu'un rêve : substituer au règne de la raison délibérante la souve- raineté de la force brutale avec, pour sa- tisfaction d'idéalisme, la soumission de l'intelligence au dogme de l'infaillibi- lité romaine. Pour se défendre, pour défendre Rome, où la force brutale trouve la pierre angulaire de 3a puissance, tout est permis, tous les crimes sont bons. Un jour la jésuitique réserve de conscience, le lendemain le mensonge, plus tard le faux. Avec les grandes paroles de charité chrétienne aux lèvres, on s'est vautré dans le massacre, on se trouve pris tout à coup la main dans le crime.

Et parce qu'il y a une logique inexora- ble des choses, l'histoire montre que tou- jours le mal venu d'une classe en folie de domination aboutit â quelque forfait éclatant, où se résument, aux yeux de la foule étonnée, tous les forfaits inconnus du passé. La mort de Virginie, trahie par la justice elle-même, amène la dé- chéance des décemvirs, comme le tragi- que destin de Lucrèce cause la perte des Tarquin. Ainsi l'abominable supplice de Dreyfus est la condamnation des Billot, des Boisdeffre et de toute la troupe des artisans de crimes trop cachés, de dé- faites trop connues.

Ici, quel recours d'abord ? Kien à at- tendre du peuple, oublieux de son idéal, désenchanté de ses espérances. Rien à at- tendre de ses représentants occupés à se disputer les bénéfices du pouvoir. Rien à attendre que de la conscience humaine révoltée. Rien de possible que l'insurrec- tion de l'individu. Par son gant jeté à la face de toutes les puissances qui sont, Zola, superbement rebelle» a fait l'acte sauveur.

Et Picquart, que dirai-je de celui-là? Des amis m'invitent à ne pas dire qu'il est condamnéd'avance.Si.Jeledirai.Jeledirai, parce que c'est vrai, parce que des hom- mes aveuglés, qui ont toutes les qualités que l'on voudra hormis celles de juges, vont Vexécuter demain» croyant le juger, vengeant sur lui ce qu'ils croient le dés- honneur de la corporation guerrière et qui n'est que la honte de quelques-uns. Je dirai qu'il sera condamné, parce qu'il l'est déjà,parce que Zurlinden le veut» parce qu'il l'a proclamé, parce <iue le ré- quisitoire du capitaine Tavernier est un tel monument d'aberration qu'il ne peut s'expliquer que par l'irréparable dé- chéance mentale de toute une caste affo- lée. Voilà pourquoi je crie que Picquart est condamné d'avance, et que c'est une infamie.

Je l'ai vu hier, cet homme que le bour- reau attend, non le juge, Calme, se- rein, sûr de lui, prêt au combat mor- tel. Que la France avec moi n'a-t-elle pu le voir, et tressaillir d'orgueil à la pensée que c'est un de ses enfants ï Pau- vres juges, laissez-moi vous plaindre. Que pouvez-vous contre ces porteurs d'idéal en qui la justice et la vérité vivent et qui se se sentent vainqueurs au delà de la mort ?

Les chrétiens dans le cirque, les juifs sur leur bûcher, on a pu les tuer, non les vaincre. Derrière la double grille qui m'empêchait d'étreindre cette noble main d'où me serait venu le réconfort, je l'ad- mirais dans sa tranquille paix. Il nous di- sait, à Mirbeau et à moi, les grottes d'Ele- phanta, les temples de Bénarès, qu'il vi- sita au retour du Tonkin, et sa pensée

planait au-dessus des tortures du jour.

I avait fait le sacrifice de tout. Ni Zur- linden ni Freycinet ne peuvent l'attein- dre. Il est trop haut. Saluons. Saluons la victoire qui vient, comme nous aurions salué la défaite d'un jour.

Car, décidément, c'est la victoire pour demain. La Fiance pensante a parlé, et déjà la lâcheté devient brave. Déjà le Par- lement s'émeut, c'est tout dire. Il y a donc enfin des choses qu'on ne peut pas faire. Il y a donc des crimes qui ne se- ront pas tolérés.

Ah I je sais que nos maîtres ont entassé mensonges sur mensonges, ca- nailleries sur canailleries, pour nous conduire jusqu'à la condamnation qui doit mettre en conflit les juges du conseil de guerre, les juges de passion, avec les ju- ges de la Cour suprême, les juges de jus- tice et de vérité. On nous annonce qu'on fera demander parle commissaire du gou- vernement un ajournement qui sera re- fusé. Qu'inventera-t-on encore ? Il n'im- porte. Le crime est connu, dénoncé : il ne peut plus s'accomplir. La France a parlé, vous dis-je, c'est la justice qui vient. Malheur aux criminels ! A bas les lâ- ches ! Vive Picquart !

G. Clemenceau*

L'Interpellation d'aujourd'hui

La Chambre des députés, entraînée enfin

Î)ar le mouvement d'indignation qui soulève es consciences, va interpeller le ministère.

Il n'est pas tout à fait absurde d'espérer que le débat s'élèvera à quelque hauteur; que des orateurs influents se sentiront obli- gés d'y prendre part ; que le ministère affir- mera une fois de plus, et spécialement à ce propos, la subordination du pouvoir mili- taire au pouvoir civil ; enfin, qu'un ordre du jour sera voté n'approuvant pas que la scandaleux Zurlinden continue de sonner de la botte et de branler du plumet.

Assurément, une discussion écourtée, l'abs- tention prudente des politiques de marque, une réponse dilatoire de M. de Freycinet,

l'adoption d'un vague ordre du jour de con- fiance sont aussi choses à prévoir.

Quel que soit l'événement, nous garderons cette joie d'avoir rencontré, parmi les ar- dents partisans do la vérité ot de la justice, des députés qui naguère - c'est-à-dire pen- dant la période électorale - réglaient leur langage et leur affichage sur l'opinion des électeurs trompés. Rien n'indique mieux la marche du vent que l'orientation des gi- rouettes. Pas de présage plus certain du triomphe d'une cause que; l'arrivée vers elle des adeptes de la cause contraire.

Dans ce même Palais-Bourbon où M. Ca- vaignac, porte-parole de l'Etat-Major, enleva un vote d'unanimité contre l'innocence et le droit, il y a aujourd'hui des représentants de la foule désabusés, qui voient,.qui savent, qui croient - un peu tard sans doute. Mais ne vaut-il pas mieux se résoudre tardivement à regarder que s'obstiner toujours à tenir les yeux fermes ?

Combien seront-ils devant le scrutin ? Nous l'apprendrons tantôt. S'ils sont minorité cette fois, souvenons-nous que leur nombre fut zéro et que le sentiment de la justice est contagieux.

Albert Goullé.

PAGE D'HISTOIRE

M, Henri Rochefort explique ainsi le mou- vement actuel en faveur du colonel Pic- quart ;

Notre pays, que la lâcheté ministérielle a déjà si cruellement abaissé devant l'Angleterre, est à cette heure tombé dans les mains de mercantis dont les uns vendent leur conscience et dont les autres l'achètent. Les sénateurs les plus ankylosés re- trouvent des jambes pour entrer dans cette sara- bando. Magistrats, élus du suffrage universel et du suffrage restreint, tous passent maintenant à la caisse.

- Allonslà combien l'ajournement du procès Picquart? Un joli million, est-ce assez?

- OhJ non! Il noua faudrait au moins douze cent miUe francs.

- Douze cent mille francs? Soit! Adjugé pour douze cent mille francs! Et pour la mise en liberté provisoire de ce * seul honnête homme de l'ar- mée 7 » Y a-t-il marchand à cinq cent mille francs?

- Conclu! Vous noua verserez ce soir un demi- million, et demain, vers quatre heures du soir, une délégation du Sénat viendra lui ouvrir les portes du Cherche-Midi.

Et voilât

Hj» T nL Jbi

En deuxième page : Nos Echos et la Liste de Protestation

LES 3 QUESTIONS

Judet, porte-plume de l'Etat-Major, dans un article intitulé VA ccusé formule ainsi les questions que devra résoudre le conseil da guerre qui jugera Picquart. Du petit bleu, du dossier des pigeon3 voyageurs et du dos- sier Boulot, il n'est plus fait mention. Et voici les trois questions posées :

1* Sa gestion, sa monomanie obstinée ont-elles été profitables ou funestes à la défense nationale?

2" En s'acharnant, corps et âme, en accaparant toutes les ressources de l'Etat pour réhabiliter quand même Dreyfus, a-t-il oui ou non sacrifié son devoir capital à une famille, la moins digne de ce zèle enragé î

3» En ruinant le service dont il était le chef, en osant troubler délibérément, froidement, l'armée et le pays, s'inspirait-il des subtilités aveugles do sa conviction ou d'un plan concerté, était il un hallu- ciné ou un agent, un fanatique et un utopiste, ou le confident et le complice d'une machination conspirant au chambardement général?

Les deux premières quèstions ne soulèvent aucun doute : tout le monde s'accorde pour une réponse identique.

La troisième ost d'abord pl»3 délicate, plus obs- cure : le conseil de guerre est précisément réuni pour en dégager les mystères. Son verdict sera un soulagement national*

tl n'y a pas à discuter avec Judet. Mais on doit enregistrer ses aveux.

Le confident de Cavaignac et de Bois- deffre - en ce charabia qui n'appartient qu'à Lui - le reconnaît : Picquart est poursuivi pour avoir voulu réhabiliter Dreyfus et pour avoir dénoncé les faux de l'Etat-Major.

Habemus confitentem reum, eût dit Judet à ses élèves de Chateauroux, s'il ne lui était pas arrivé malheur.

Th.

Les Cinq Poires

Noua savions déjà par le silence de Judet que l'affichage du fameux placard illustré des cinq binettes ministérielles : Dreyfus est un traître, -avait obtenu en province, un maigre succès.

L'Intransigeant s'est chargé de nous ren- seigner plus exactement :

Cinquante-neuf maires, y lisait-oa hier, se sont faits les complices des dreyfusards et se sont opposés à l'affichage dans leur commune, Ce sont les maires de Saint-Girons (Ariège) : d'Arc-et-S<s- nans (Doubs) ; de Nyons, de Dieu-le-1 it, de Saint- Itambort d'Aibon, do Donzùre (Drôme) ; de Fran- cheville (Eure>, de Montréjeau (Haute-Garonne), de Talenee, do Langon, fie Mérignac (Gironde}, de , Cazouls HîérauU), du Grand-Pressigny (Indre-et- Loire). d'Ouzouer-le-Marché, de B'ois (Loir-et- Cher), deGourtenay (Loiret).deChâteaudun (Indre- et Lotre)(mc), de Marmande de CUaijras^LoMt-Ga- , ronne), de Mont-do-Marsan (Landes), ae Sainte Menehould, de Darmans (Marne), do Loujerné. de i Laval, d'Emée (Mayenne), de Quiberon (Morbi- han), d'Etain, de Damvilliers, de Spincourt, de Verdun (Meuse), de LinseUes, d'Hauplines, de Fasches (Nord), d'Andrusk, d'Etaples (Pas-de-Ca- lais), de Saint-Palais (Basses-Pyrénées), d'Arge- ïés-sur-Mer (Pyrénées-Orientales); de Villeur- banne (Rhône), de Veaout (Haute-Saone), de j Grand'Lucé (Sarthe), de Gucugnoh (Saône-et-Loire), ' d'Annecy, de Saint-Gervais-1 es-Bains (Ilaute-Sa- j voie). d'Yvetot, d'Elbeuf (Seine-Inférieure), de Vi- | rofiay, de Garohes, de Palaiaeau (Seine-et-Oise), ; de la Bastide (Tarn), de Moissac .(Tarn-ot-Ga- i ronne). de Collas (Var), de Nieul (Haute-Vienne). d'Epinal (Vosges), de Saint-Hilaire-dës-Loges, de Luçon (Vendée), d'Anay-le-Franc (Yonne), de Ba- lesta (Corse).

La Ligue des poires a donc trouvé, sur son chemin, cinquante-neuf maires décidés à lui dire officiellement son fait. C'est autant de soufflets que les cinq bobines ministérielles ont reçus. Là-dessua, le journal du vieux mar- quis triomphe, en espérant Limiter ainsi L'échec.

Cinquante-neuf maires sur quatre mille [eniofô un renseignement ; Les affiches au-

raient été placardées dans quatre mille COm* munes), qu'est-ce donc que cela ?

Co serait peu, évidemment,"Tsi cela était: exact. Maie, vraiment, M. Rochefort nous la baille belle. Que va dire le maire de Chauny, M. Brunette, dont nous avons conté l'his- toire ? Et celui de Noyon ? Et celui de Saint- Martin-de-Ré ? Ils ne figurent pa3 sur la lista des « flétris ». Cependant... La protestation la plus drôle nous parviendra sûrement de la mairie de Lonjumeau. Là, l'histoire fut vrai- ment gaie. Nous- y reviendrons un de cet jours.

Enfin, ce que l'Intransigeant oublie de dire à ses lecteurs, c'est que les maires n'ont pas toujours eu la faculté de protester, car la Ligue des Poires avait fort bien compris son rôle et elle faisait placarder ses affiches pendant la nuit.

Dans les villes où il en a é té ainsi, le suc- cès, il faut en convenir, fut momentané. Lea cinq binettes ministérielles sourirent radieu- sement jusqu'à l'aurore aux populations en- dormies. Mais quel réveil t De Nîmes, da Foix, de Niort, de Montauban, de Fiers, d'Antibes, du Mas-d'Azil, de Bordeaux, de Nice, de Jallieu, de Bourgam, du Mans et de Fourmies même, Je fief des cléricaux, les échos en sont venus jusqu'à nous. Par- tout la population s'empressa de lacérer les placards, de les couvrir de boue, de cracher sur l'effigie des ministres.

Voilà le succès dont se vante l'ancien lan- ternier.

On voit par là combien il est redevenu ta- lon rouge. A ne plus fréquenter que les sa- lons du vieux faubourg, il méprise tout ce que fait « la valetaille ».

Pour lui donner un soufflet, la tenue of« ficielle est de rigueur. Autrement cela »r compte pas.

Il était républicain... sous l'Empire.

G. Lhermitte*

Y a-t-il des Ordres ?

Nous avons reçu une carte postale, ainsi li- bellée :

35 novembre.

Monsieur,

Je vous serais très reconnaissant de vouloir bien m'inscrire en votre journal au nombre de ceux qui protestent contre les mesures iniques dont le colonel Picquart est victime.

Veuillez agréer, etc.

Los mots protestent et inique* ont été grattés, effacés au doigt mouillé.

La signature, îes titres et l'adresse du si- gnataire ont été de même ignoblement bar- bouillés.

Nous avons pu, cependant., déchiffrer une partie du texte que aes doigts zélés s'étaient efforcés d'abolir.

Le nom du signataire est illisible ; mais, au-dessous, on lit encore très bien : prof es- seur à l'Ecole normale,

C'est pour cela, sans doute, que les fidèles employés de la poste ont joué du pouce el de l'index. Ils ne voulaient pas qu'il fût dit qu'un « professeur à l'Ecole normale » pro- testât contre les o, mesures iniques dont le colonel Picquart est victime ».

Est-ce que, par hasard, M. Mougeot aurait donné de3 ordres en ce sens à son person- nel!

Notre carte postale porte le timbre de IV venue d'Orléans.

B. G.

SUSPICION LÉGITIME

Par F. de Pressensé

Devant la justice civile, quand un juge es! ou peut être, à un degré quelconque, soit par ses alliances de famille, soit par son intérêt manifeste, soit par l'expression anticipée de son opinion, taxé de partialité ou de parti pris, il peut être frappé de suspicion légi- time et écarté de son siège par la récusation de l'inculpé.

A bien plus forte raison, n'admet-on ja- mais, dans la justice civile, un témoin qui a déposé et pris parti dans une affaire à siè-

âer comme juge et à prononcer sur le sort

'un autre témoin qui a déposé en sens con- traire.

Ce sont là des faits élémentaires. On rougit d'avoir à les rappeler. Jusqu'où faut-il donc en être descendus pour qu'il puisse paraître opportun, nécessaire, que dis-je ? courageux, de s'en référer â ces premiers principes que . nos pères avaient gravés d'un burin si ferme sur les tables de la Loi, et auxquels ils s'ima- ginaient que nul n'oserait jamais porter at- teinte?

Eh bien ! nos pères se trompaient. Il y a une justice - ou du moins quelque chose que ion décore-du nom de justice - et c'est la justice militaire, celle des Besson d'Ormes- cheville, des Pellieux, des RaVary, des Luxer, des Tavernier, des Dosse - une justice, dis- je, où l'on peut être tout ensemble juge et partie, juge et témoin, juge et accusateur.

M. le général Zurlinden, qu'est-il, en effet, quand il prononce l'ordonnance de renvoi du colonel Picquart devant un conseil de guerre ? Il remplit les fonctions de chambre des mises en accusation. Ainsi, par une monstrueuse confusion de pouvoirs, celui qui a été l'au- teur de l'accusation, le procureur général qui

a mis en branle l'action, répressive,est appelé

à décider, après l'instruction close, sur la suite à donner à l'affaire, La Loi a voulu qu'il y eût à ce moment un degré nouveau de juri- niction, une étape à franchir, un nouvel exa- men à subir. La loi militaire, simpliste, a fait du chef du parquet militaire l'instance d'appel contre lui-même et a confié à l'homme qui a intenté l'accusation - et qui d'ailleurs- ignore le droit et, étranger a,ux considéra- tions juridiques, est accessible plus que toul autre aux suggestions mauvaises de l'esprit de rancune et de vengeance - elle lui confie à lui-même le soin de se contrôler, de s'arrê- ter et de garantir le droit de l'accusé !

Ce n'est pas tout, ce même homme qui a intenté l'action, qui a prononcé sur le renvoi devant le conseil de guerre, c'est lui qu^ après avoir choisi l'officier instructeur et le rapporteur, choisit encore les juges. Je sais bien qu'il y a un certain ordre du tableau dont on parle volontiers ; mais -je sais aussi, et nul n'ignore que cet ordre dépend de la présence ou de L absence de certains officiers et que celle-ci À son tour dépend absolument du bon plaisir du grand chef. C'est donc i