Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 1 sur 4

Nombre de pages: 1

Notice complète:

Titre : L'Aurore : littéraire, artistique, sociale / dir. Ernest Vaughan ; réd. Georges Clemenceau

Éditeur : L'Aurore (Paris)

Date d'édition : 1898-03-14

Contributeur : Vaughan, Ernest (1841-1929). Directeur de publication

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32706846t

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32706846t/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 24412

Description : 14 mars 1898

Description : 1898/03/14 (Numéro 147).

Description : Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail

Description : Collection numérique : La Grande Collecte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k701513q

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 06/02/2011

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 99%.


Directeur

ERNEST VAUGHAW

ABONNEMENTS

Six Trois Un an mois moi*

Paris . . . . 20 » 10 » s »

DÉPARTEMENTS ET ALGÉRIE» 24 . 12 » 6 » ÉTRANGER (TIMON POSTALK}. B6 » 18 » 40 »

POUR LA RÉDACTION *. S'adresser à M. A. BERTHIER

Secrétaire de la Rédaction

ADRESSE TÉLÉORAPKMJUB : AURORE-PARIS

L'AURORE

Littéraire, Artistique, Sociale

Directeur

ERNEST VAUGHAN

LES ANNONCES SONT REÇUES :

142 - Rue Montmartre - 149

AUX BUREAUX DU JOURNAL

Let manuscrite non intérêt ne sont pat rendu*

ADRESSER LETTRES ET MANDATS ï à M. A. BOUIT, Administrateur

Téléphone : 1O2-60

L'Espagne et les Elals-Unis-Préparalifs de Guerre

Militaires professionnels

On entend encore le bruit de bottes et d'éperons qui sonnaient naguère en vain-

queurs sur le parquet de la cour d'assises, es barreaux de France viennent de sa- hier, genou terre, la justice armée, et le bâtonnier de Nancy a célébré « les délica- tesses, les scrupules et la conscience » des magistrats militaires, ce qui valut à son client le maximum de la peine. En même temps on recevait à 1 Académie française le cuirassier mystique qui re-

procha aux fédérés de mourir avec inso- ence. L'heure est opportune, à la veille du jour qui ramène l'anniversaire de la révolution du 18 Mars, de feuilleter les rouges éphémérides de la Semaine de Mai, Les hommes ne sont plus les mêmes, mais l'institution n'a pas changé» L'armée est devenue nationale, mais l«s cadres et l'esprit de classe qui les anime sont de- meurés ce qu'ils étaient. Ona pu entendre à la cour d'assises, pendant la déposition de Jaurès, un oficier dire à mi-voix : « Ah 1 si nous le tenons jamais, celui-là, comme nous îe fusillerons î a Et eette ex- clamation a jailli comme îe cri du coeur d'un convaincu qui ne s'attarderait pas aux bagatelles de la procédure.

On sait comment débuta en 1871 la jus- tice du sabre. Le 3 avril, trois gardes na- tionaux qui avaient traversé la Seine fu- rent arrêtés chez un restaurateur de Cha- tou, où ils venaient de déjeuner, et enle- vésà l'escorte qui les conduisait à Versailles par le général de Galliffet. Celui-ci obligea l'officier qui commandait le détachement et qui voûtait garder ses prisonniers à les lui livrer, les fit coller contre un mur et j tommanda le feu. Réminiscence du Mexi- que, où il écrivait sept ans avant : « Je suis grand justicier... Tous ceux qui ne sont pas tues sont pendus. » Et c'est ce marquis de grand chemin qui, pendant les journées de Mai, trie les vieillards, les femmes et les blessés, en fait fusiller qua- tre-vingt-deux à rArc de Triomphe et cent onze dans les fossés de la Muette, avec des considérants motivés : il prend toutes les têtes blanches, parce qu elles ont vu juin 1848 et sont plus coupables que les autres.

Tandis qu'il opérait à Chatou, le géné- ral Vinoy faisait, au Petit-Bicêtre, fusiller le général Duval et deux de ses officiers, II avait demandé des chefs, ils étaient sor- tis des rangs, et cela avait été tout le procès. « Ils sont morts comme de bons bougres», dit Le Mo. Les hostilités étaient à peine commencées, du matin même, et déjà l'on avait recours, à la justice sans phrases du peloton d'exécution. Il fallut la réplique du décret des otages - je n'ap- prouve pas, je constate - pour arrêter, jusqu'à l'entrée des troupes dans Paris, les exécutions sommaires.

Ce ne sont là çpie les hors-d'oeuvre du massacre, la «réjouissance» delà mons- trueuse boucherie. Entrons dans la Se- maine sanglante.

M. Thiers avait solennellement déclaré que la répression n'aurait lieu a qu'avec les lois, par les lois, suivant les lois ». Trente-cinq mille hommes, des femmes, des enfante, des blessés dans les hôpitaux, furent tués sans jugement, les trois quarts dans les rues ceux-làsans même un simu- lacre de forme, quelques-uns,comme Charonne, assassinés par derrière, après qu'ils avaient livré leurs armes, sur la promesse qu'ils seraient épargnés, les au- tres expédiés-« classés » était le mot technique - dans une parodie de cour martiale, au Luxembourg et au Châtelet, où l'on exécutait par fournées, par des ju- ges pour qui le titre de socialiste était le crime suprême - interrogatoire de Tony Moilin -- et qui décrétaient la mort le ci- gare aux lèvres. Celui-là n'avait pas com- battu, il avait été chirurgien dans un ba- taillon de la Commune. Sa compagne de- manda qu'en le fusillant on ne visai pas à la tête et qu'on lui rendit le cadavre. On lit dans \ Enquête sur le 18 Mars : « Le ! général en chef n'a pas cru devoir déférer à cette demande. On s'est souvenu de l'affaire Baudin (encore un criminel), il a été enterré dans la fosse commune, et des ordres ont été donnés pour qu'il ne fût pas retrouvé, » Le cadavre avait été affreuse- ment défiguré. À la Roquette, un chef de ataillon dévisageait les arrivants : « A irrite!... A gauche!... » Ceux de gauche étaient passés par les armes. On on fusilla treize cents en une nuit. Pour aller plus vite, on s'y servait même de mitrail- leuses.

Et, pour employer le mot d'un historien, Il y avait dans toutes les quartiers des « abattoirs » : à l'Ecole militaire, au parc Monceau, au Collège de France» à la pri- son du Cherche-Midi, à l'Ecole polytech- nique, à Lariboisière, à la gare du Nord,

place Vendôme, dans les mairies et dans es casernes, où l'on fusillait sans relâche ; tous ceux qu'on arrêtait au hasard, au petit bonheur, et qui n'avaient pas de pa- piers, connurent cette justice sommaire. On ût au séminaire de Saint-Sulpice,trans- formé en ambulance - ce qui ne s'était jamais vu dans aucun pays civilisé- on y assassina le directeur, le docteur Faneau, sur le seuil delà porte,deux ambulanciers, et,à coups de fusil, de revolver ou de baïon- nette, des blessés dans leur lit.

Peut-être ces procédés expéditifs, qui ne font point languir les victimes, valent- îls mieux en définitive que la façon dont Millière, inviolable comme député, et qui n'avait point combattu dans les rangs de la Commune, fut, selon le met de M. Gar- cin, « extrait du sein de la société ». Con- damné du haut d'une fenêtre du restau- rant Foyot, entre la poire et le fromage,

Sar le général qui devait laisser traîner les ossiers de la guerre sur le divan de la Kaulla, il fat conduit sur les marches du

Panthéon et exécuté à genoux, en expia- tion de ses crimes, car ces fusilleurs avaient de profonds sentiments de mo- ralité.

Plus tard, quand la rage de tuerie est calmée, on peut juger des notions de jus- tice que manifestent les magistrats mili- taires par ce propos tenu au défenseur d'Amouroux par le président du conseil de guerre, avant l'audience : « Votre client est déjà condamné deux fois à la déporta- tion. Nous ne pouvons plus que le con- damner à mort », et par ce passage d'une pièce du dossier du même Amouroux, si- gnée Espivent de La Villesboisnet : « Il doit être poursuivi pour embauchage, crime puni de la peine de mort par l'arti- cle 108 du Gode de justice militaire, et je suis persuadé que celte peine lui serd appliquée, »

Plus près de nous, M. Hamon a, dans sa Psychologie du Militaire profession- nel, accumulé les documents qui montrent de quelle façon, pendant les périodes se- reines de la paix, ïes tribunaux militaires comprennent la justice distributive. La place nous fait défaut pour les reproduire. Nous n'en citerons qu'un exemple, parce que les événements de cette semaine lui donnent une singulière actualité. Deux officiers, le médecin Boyer et le lieutenant Rocas, ayant, en 1891, convaincu de vol et de pédérastie un capitaine de l'armée d'Afrique, le lieutenant fut, par ordre du général du Bessol, envoyé a Laghouat, en punition, et le capitaine mis en de- meure de faire valoir ses droits à la re- traite, ce qui fut fait. Le docteur Boyer fut mis à la réforme pour faute contrô la discipline- admirable pendant à l'affaire Picquart-Esterhazy 1 C'est encore le géné- ral du Bessol, celui-là même qui avait été choisi cette semaine comme président du jury d'honneur, qui aurait dit à un méde- cin-major du 2e zouaves : « Le capitaine a commis des indélicatesses et des actes répréhensibles qu'on aurait été heureux d'étouffer» et que M. Boyer a eu tort de vouloir mettre au jour. »

Pas plus que ne le fit M. Hamon, il ne s'agit de faire lever une semence de haine de cet exposé. Ce ne sont point les hom- mes, résultats des traditions et du milieu, mais les institutions que nous combat- tons. Et les tribunaux militaires sont le Carthago qu'il faut détruire.

Léon Millot.

La Chanson de/'Aurore

LE SERRURIER

Ma forge tousse son gros rhume, Le marteau sous mon bras nerveux Bat le fer, fait sonner l'enclume Dans mon antre noir et fumeux; Vraiment on lui croirait des ailes Quand il joue avec îe métal,

C'est un tonnerre d'étincelles Qui jaillit sous son choc brutal I

Battre son fer rouge cerise,

Limer, buriner ferme et dru Et boire un coup de Tin du cru; Du serrurier, c'est la devise l

II

Ohé ! là-haut, ma coterie,

Beau mal blanchi, voici l'enfer,

Arase ta maçonnerie Et fais place au mangeur de fer; En nos mains la solive passe Couvrant le vide sans broncher. Formant un réseau dans l'espace... Compagnon* voilà ton plancher!

(Refrain.)

ni

On prend le fer, on le tortille; lî sera fleur, feuille ou rinceau, Véranda, balcon, riche grille,

Portail ou flamboyant arceau;

Nous jetons l'arche sur les gorges Où les trains vont fendre les airs; Grace aux écluses de nos forges Les vaisseaux franchissent deux mera 1 (Refrain.)

IV

Nos pièces de quincaillerie,

Bibelots de cuivre ou d'acier,

Sont toute une bijouterie Qui fait maudire le métier;

Nous inventons des fermetures Pour embarrasser les filous,

Et nous ouvrons bien des serrures, Tant pis pour les maris jaloux 1

(Refrain.)

V

Francs d'allures, les mains calleuses, Dans nos forges, sans s'attifer,

Entrez gaiement,belles frileuses; Entrez, l'amour vient s'y chauffer; Viens aussi, jeunesse française, Apprendre comme il faut forger Les piques de Quatre-Vingt-Treize Quand la patrie est en danger.

(Refrain.) HENRY CUREL.

ESPRIT ^ANIMAUX

L'étroite association du Sabre et du Gou- pillon n'empêche pas îe Goupillon de juger le Sabre à sa valeur. Au contraire. C'est parce qu'ils connaissent bien les militaires que les prêtres les font servir à leurs desseins.

Dans sa Rechercha de la Vérité, liv. V, chap. vu, le P. Malebranche s'exprime ainsi :

La plupart des gens de guerre et de la noblesse ont incapables de s'appliquer à quoi que ce soit, sis raisonnent de tontes choses à la cavalière, lomme l'on dit ordinairement; et si l'on prétend cleur dire ce qu'ils ne veulent pas entendre, au iieu de penser à ce qu'il faut répondre, leurs esprits animaux se conduisent insensiblement dans les muscles qui font lever les bras.

f Ils répondent presque sans réflexion par quelque coup ou par quelque geste menaçant à causé que. les esprits étant agités par les paroles qu'ils en- tendent, ils se portent vers les endroits les plus ouverts par l'habitude de l'exercice.

Le sentiment qu'ils ont de la force de leur corps les confirme dans ces manières insolentes, et la vue de l'air respectueux de ceux qui les écou- tent leur imprime une sotte confiance pour dire fièrement et brutalement des sottises.

Ils croient même avoir dit do belles fit bonnes choses parce que la crainte et la prudence des au- tres leur a été favorable.

On jurerait que le grand philosophe de l'Oratoire a connu nos Boisdeffre et nos Pel- lieux.

Du moins, les « gens de guerre » de son temps fondaient leur insolence sur quelques exploits. Nos empanachés sont de simples ronds-de-cuir, Mais « l'air respectueux » de la valetaille judiciaire suffît à « leur impri- mer une sotte confiance pour dire fièrement el brutalement des sottises ».

UN BON JUGE

Le tribunal de Château-Thierry vient | de rendre un jugement qui mériterait de fixer la jurisprudence. Une fille-mère i était poursuivie pour le vol d'un pain chez i le boulanger. Elle a comparu devant les juges qui, après interrogatoire, l'ont pure- ment et simplement acquittée. Voilà le fait brutal. Examinons les conditions delà sentence.

Le tribunal a constaté d'abord que la prévenue « a à .sa. charge un enfant de deux ans, pour lequel personne ne lui vient en aide, et que depuis un certain temps elle est sans travail, malgré ses re- cherches pour s'en procurera. En outre, il est reconnu que a la fille M,,, est bien notée flans sa commune et passe pour la- borieuse et bonne mère ».

Eîle est bonne fille aussi, car elle a ac- cepté la charge de sa mère en même temps , que de son enfant. Le bureau de bienfai- sance accordait à ces trois misérables une allocation de six livres de pain et de quatre livres de viande par semaine. Cela n'est point à dédaigner, j en conviens. Mais il faut bien reconnaître que, toutes autres ressources venant à manquer, on ne peut nourrir trois personnes avec une demi- livre de viande et moins d'une livre de pain .par jour. Maintenant, je laisse parier le juge :

Attendu qu'au moment où la prévenue a pris un pain chez le boulanger P.,, elle n'avait pas d'ar- gent et que les denrées qu'elle avait reçues étaient Épuisées depuis trente-six heures ;

Que ni elle ni sa mère n'avaient mangé peu- dant ce laps de temps, laissant pour l'enfant les quelques gouttes de lait qui étaient-dans la mai- son ;

Qu'il est regrettable que, dans une société bien Organisée, un des membres de cette société, sur- Ho ut une mère de famille, puisse manquer de pain autrement qu.; par sa faute j

Attendu que la misère et ta faim sont suscep- tibles d'enlever d t'ont être- humain une partie de ,son libre arbitre et d'amoindrir, en lui, .dans une certaine mesure, la notion du bien et du e mal ;

Qu'un acte ordinairement répréhensible perd beaucoup de son caractère frauduleuse, lorsque celui qui le commet n'agit que poussé par l'impé* rieux besoin de se procurer un aliment de pre- i.litière-nécessité, sans lequel la nature se refuse à mettre en oeuvre notre constitution physique ;

Que l'intention frauduleuse est encore bien plus «.atténuée lorsque, aux tortures aiguës de la faim, vient se joindre, comme dans l'espèce, le désir si .naturel chez une mère do les éviter au jeune en- fant dont elle a la charge ;

Qu'il en résulte que tous les caractères de l'ap- préhension frauduleuse, librement et volontaire- ment perpétrée, ne se retrouvent pas dans le fait accompli parla fille M.../qui s'offre â désintéresser le boulanger P... sur- îe premier travail qu'elle pourra se procurer;

Qu'en conséquence il y a lieu do là renvoyer dos clins des poursuites sans dépens :

Par ces motifs, renvoie la fille M... des fins des .poursuites sans dépens.

Connaissez-vous rien de plus poignant .que ce drame raconté en style judiciaire? ' Quel cauchemar, ces deux femmes qui restent, trente-six heures durant, privées de nourriture.» laissant pour le petit être I affamé quelques gouttes de lait f Comment cela est-il possible DANS ÏLNE SOCIÉTÉ BIEN «ORGANISÉE, ainsi que le demande le juge? En attendant que la prochaine Chambre nous fasse une société meilleure, ona peine & comprendre que dans la commune de Charly, où tout le monde doitse connaître, la charité privée ne soit point venue en aide au bureau de bienfaisance. B est vrai que la mendicité est interdite, et que pour avoir demandé le pain, au lieu de le voler, la fille M... tombait également sous l'appli- cation de la loi dont notre République de fr a ter n i té s'honore.

En lisant cette navrante histoire, toutes les âmes sensibles ne manqueront pas de s'apitoyer. Hélas î c'est bien de pleurer. Il serait mieux d'agir. Le tribunal a fait ce qu'il a pu. Il a rendu un verdict d'acquit- tement qui fait honneur à son humanité. Il a même posé un beau jalon d'avenir en

proclamant l'atténuation de la responsabi- ité sous l'empire de la misère physique et morale. C'est très bien. Mais après? Que fera-t-on pour cette femme sans appui, pûur cette vieille et pour cet enfant dans la rue ? Et puis, avec ceux-là, il y en a d'autres, n'est-ce pas ?

Après tout îe boulanger, au profit de qui , le juge refuse, par bonté d'âme, d'appli- quer les lois protectrices de la propriété, i n'est point chargé de subvenir aux man- i quants d'une société mal organisée. Au heu de lui dire juridiquement : « Laisse- ; toi voler, mon ami, car nous sommes pi toya- ! bles », il serait d'une charité mieux enten- due d'employer quelque partie du super- ' flu de ceux qui ont trop au soulagement de ceux qui n'ont pas assez. Mais je n'in- » siste pas, Rothschild, qui me guigne, se- 1 rait capable de me dire que je suis vendu , aux pauvres.

G. Clemenceau.

aÉchos et Nouvelles

CALENDRIER. - Lundi 14 mars.

Lever du soleil : 6 h. 18; coucher r G h. 2

Temps d'hier ; Beau.

Thermomètre da l'Aurore: Maximum, S" 5au- dessus ; minimum, 0*1 au-dessus.

Baromètre do l'ingénieur Secretan : A midi, 758" ; à minuit, 762m.

Ephéméride, - La Roumanie est érigée en royaume. Le prince Charles de Hoheozollern est investi de la couronne royale (1881).

LA POLITIQUE

Dans le dernier numéro do la Revue poli- tique et parlementaire, un député, M. Bou- denoot, préconise une réforme qui lui parait urgente, II s'agit d'introduire dans le règle- ment de la Chambre une clause interdisant de présenter au cours des discussions budgé- taire s des amendements comportant des augmentations de dépense ou des réductions de recette. Le Journal des Débats trouve la proposition géniale et demande aux électeurs « d'exiger des candidats aux élections pro- chaines l'engagement formel de reviser en ce sens lo règlement de la Chambre ».

L'idée part d'un bon naturel. Mais ce qui est singulièrement naïf, c'est de songer à s'adresser aux électeurs pour mettre à cet égard les députés à. la raison. Notre confrère s'imagine-t-il par hasard que ce sont les élec- teurs pécheurs à la ligne qui vont défendre à M. Berteaux de faire des trous dans le budget à leur intention ? Pense-t-il que les électeurs cyclistes vont accuser M. Berry d'avoir com- promis l'équilibre du budget en faisant dimi- nuer leur taxe?

Les électeurs ont sans doute une admira- tion profonde pour les élucubrations finan- cières de M. Cochery. Mais elle ne va pas jusqu'à leur faire refuser les parts de galette budgétaire que leurs représentants distri- buent avec tant de zèle, ù, la veille des élec- tions. - AD. M,

ET L'AFFAIRE DELCASSÉ

Plusieurs de nos confrères se demandent où en est l'enquête promise par AL Méline au sujet du viol de la correspondance adressée à M. Delcassé par un haut fonctionnaire du port de Toulon. Qu'ils nous permettent de satisfaire leur curiosité.

On fait, à Toulon, les plu3 grands efforts pour aboutir à un enterrement de première classe. On aurait même ét& jusqu'à offrir une « belle compensation » au correspondant de l'ancien ministre des colonies, s'il consentait à laisser dire et à laisser croire que la lettre subtilisée n'avait pas été expédiée mais con- servée par mégarde dans un buvard!

Par bonheur, notre haut fonctionnaire est un homme intègre qui n'a rien voulu enten- dre, et qui - oh! candeur! - persiste à récla- mer justice.

Rue Royale, où l'auteur du rapt est parfai- tement connu du ministre, qui l'apprécie beaucoup, on se montré quelque peu inquiet, sans cependant avoir perdu toute contiance dans les vertus de l'enquete administrative qui se poursuit et se poursuivra», jusqu'après le départ de la Chambre.

LE NOUVEAU FRANC

On a frappé samedi, à la Monnaie, les pre- miers exemplaires de la nouvelle pièce de 1 franc.

Cette pièce diffère de celle de 50 centimes parla disposition de la devise républicaine sur son revers.

Sur la pièce de DO centimes, les mots a Li- berté, Egalité, Fraternité » occupent en exer- gue la partie inférieure de la pièce ; sur la nouvelle monnaie de i franc, comme sur celle en cours, la devise enceint tout le champ.

Il sera frappé, cette année, 50 millions de pièces de 1 franc.

LA GUERRE AUX MARQUISES

La commission d'hygiène, â la demande du docteur Colin, va partir en guerre contre les marquises...

Il ne s'agit point des nobles dames du faubourg Saint-Germain, mais des auvents dominant les étalages des magasins de Pa- ris, et dont la mode s'est fort ement dévelop- pée depuis quelques années; 0 parait qu'elles présentent do sérieux inconvénients au point de vue de l'hygiène publique,

C'est possible, mais, avant de taquiner les marquises, il nous semble que nos hygié- nistes parisiens ont d'autres chats à fouet- tor.

ON FERME!

Le musée du Luxembourg va fermer ses portes demain jusqu'au ler avril pour pro- céder au remaniement des salles.

Comme tous les ans à pareille époque, il est question, encore une fois, d'agrandir le musée. La mesure serait urgente. Les pein- tures et sculptures s'entassent en effet les unes sur les autres. De nombreuses sculptu- res restent encore exposées aux intempéries, dans la cour de la rue de Vaugirard; chaque année, le nombre s'en accroît, prenant sous la pluie des tons lamentables. La peinture à l'eau, passe encore, mais la sculpture détrem- pée...

CE BON ONCLE

Do M. Francisque Sarcey, l'homme « qui

pense comme tout le monde », cette phrase ans son dominical feuilleton :

J'arrive enfin au Dôh Juan, de Manara, de M, Edmond Huraucourt, drame en quatre actes et cinq tableaux. La pièce étant signée du nom d'un poète, je n'ai pas besoin de vous dire qu'elle est en vers.

O bon oncle ! les poètes écrivent parfois dans la langue de M. Jourdain même des pièces. Voyez plutôt Àngelo, Lucrèce Borgia, Marie Tudor ; voyez il ne faut jurer de rien et le Chandelier ; voyez Gringoire, de Ban- ville, et la Glu, de Richepin, et d'autres.

LECTURES LIBRES

Un de nos lecteurs nous écrit pour nous demander s'il existe un cercle ou une biblio- thèque où l'on puisse lire des journaux tels que le Libre, l'Essor, Matines, les Temps nouveaux, le Libertaire, etc. Et, si oui, quelles sont les conditions d'admission ?

Un tel cabinet de lecture n'existe malheu- reusement pas - à notre connaissance du moins. C'est là une lacune qu'il faudrait com-

bler. Il n'y faudrait en somme pas grand ar- gent. et l'oeuvre serait des plus utiles.

Quel philanthrope fera les premiers fonds f

BONS ET BEA UX LIVRES

C'est le 24, le 25 et le 36 de ce mois que sera vendue, à l'hôtel Drouot, salle n* 7, la deuxiè- me partie de la bibliothèque de notre direc- teur et ami Ernest Vaughan. Le catalogue est en distribution chez Théophile Belin, li- braire, 29, quai Voltaire. Indépendamment des "superbes éditions de Liseux, Conquet, Jouaust, Gay, Scheuring, Didot, etc., nous signalons aux bibliophiles les oeuvres d'Emile Zola, de Guy do Maupassant et des Goncourt en premières éditions, la plupart sur papier de Hollande et sur papier de Chine.

D'autres catalogues sont en préparation pour le mois d'octobre prochain.

MOYEN RADICAL

Ils vont bien en Amérique :

Pour éviter les tares héréditaires, le MU suivant va être présenté aux Chambres de l'Etat do Michîgan :

Tous les malades qui se trouvent actuelle- ment ou qui entreront à l'avenir dans les hôpitaux comme épileptiques ou faibles d'es-

prit devront être soumis, avant leur sortie, à a castration ! La même opération sera impo- sée aux criminels condamnés au moins trois fois pour délits graves.

Les coupables de viol seront soumis à la même opération.

Il aurait mieux valu, - pour ces derniers surtout, s'y prendre avant f Mieux vaut pré- venir que guérir.

BALIVERNES

Une bonne dame de province a marié sa fille, l'année dernière, à un vieux rentier pari- sien. L'autre jour elle vient la voir :

?- Eh bien 1 mon enfant, aimes-tu toujours ton mari?

- Oui, maman...

- Beaucoup?..,

Oui, maman...

- Etonnamment?...

-? Quoi J maman, s'écrie la jeune femme en rougissant, vous savez donc que j'en ai un !...

Scaramouche.

NON-LIEU

Se souvient-on du tapage mené parles Ver- voort, les Gaston Pollonnais et autres obs- curs plumitifs dévoués à l'état-major, au su- jet de la fameuse tentative de corruption da colonel Sandherr par MM. Mathieu et Léon Dreyfus, les frères du « traître » ?

Leurs journaux étaient remplis des rensei- gnements les plus détaillés, ils indiquaient le jour et l'heure où la proposition d'argent avait été faite, le montant de la somme pro- mise, tant et si bien que le parquet s'émut de ces dénonciations et chargea. M. Bertulus ; d'ouvrir une enquête.

M. Bertulus convoqua, à son cabinet, les témoins désignés par la presse esterhazienne. Il entendit ensuite M. Mathieu Dreyfus et,

Ërar répondre à son invitation. M. Léo» reyfus revint tout exprès do Mulhouse. Àu bout de trois mois d'enquête, d'interro- gatoires, et de confrontations, le juge d'ins- truction vient de transmettra le dossier de cette affaire au procureur de la République. Or, le Petit Parisien annonce que le rappel* de M. Bertulus conclut à un non-lieu...

Cela veut dire que, pendant les trois mois , derniers, le magistrat instructeur n7a pu re- lever aucune charge contre les gens accusés par les amis d'Esterhazy.

Une fois de plus, ceux-ci sont donc pris eu flagrant délit de mauvaise fui.

Ph. D.

L'Espagne et les Etats-Unis

Préparatifs de guerre. - Bruits d'arbitrage L'affolement à Madrid

En dépit des dépêches officieuses qui s'in- i génient a rassurer l'opinion, nous croyons savoir que îe gouvernement espagnol est absolument affolé depuis le vote de cinquante millions de dollars par le Congrès améri- cain.

Dans toutes les chancelleries européennes, les diplomates espagnols font des pieds et des mains pour obtenir des appuis en prévision ; d'un conflit imminent La dépêche suivante, ; qui nous arrive de Rome, est à cet égard dès plus édifiantes :

Home, 18 mars.

Bans les sphéres diplomatiques, on ne dissimule

fias une certaine inquiétude au sujet des affaires i i span o - a méricaines. On estime que le sonl moyen d'enrayer le mouvement belliqueux se dessinant fortement eu Amérique serait de soumettre laques- ?'< tion à un arbitrage.

Le Corriere di Napoli publie une nouvelle, que nous reproduisons sous réserve, suivant laquelle le cierge espagnol et le clergé américain cherchent à s'entendre pour tenter de persuader au pape d'accepter l'arbitrage, au cas ou un conflit éclate- rait entre l'Espagne et les Etats-Unie.

Aux Etats-Unis

Pendant ce temps les Etats-Unis continuent leurs préparatifs de guerre.

Le général Merritt, de l'état-major de l'ar- mée américaine, vient de présenter son rap- port sur sa récente tournée d'inspection sur toute la côte de l'Atlantique ; il déclare que la défense des côtes est largement assurée et que les préparatifs de mobilisation de la milice or- ganisée sont avancés.

Le département de la guerre a reçu des ad- ministrations des lignes de chemins de fer du Sud des rapports montrant qu'elles seraient à même de transporter en peu de jours 70,000 hommes avec des munitions sur différente pointa de-la oôte.

Le quartier général, pour la concentration des troupes, est à Atlanta (Géorgie), où le dé- pôt central de vivres et de munitions s'orga- nise.

Lo navire de guerre Orègon, qui se trouve actuellement à San-Francisco,. a reçu l'ordre d'aller faire une croisière sur le- littoral du ' Pacifique.

D'autre part, les vaisseaux de guerre Ee- lena et Banckroft, actuellement à Lisbonne, ont reçu l'ordre d'aller à Key-West,

Le ministre de la guerre mettra demain en adjudication la plue forte commande qui ait jamais été faite en munitions et eu grandi ca- nons pour la défense des côtes.

Rapports contradictoires

New-York, 13 mars. Une dépêche de Washington au New York Herald donne, relativement au rapport offi- ciel sur l'explosion du Maine, une note ana- logue à celle publiée aujourd'hui par Vlm» parcial de Madrid,

Les rapports espagnols et les rapports amé» cains seraient en contradiction.

A Cuba

La Havane, 13 mars. Les rebelles ont fait sauter au moyen de la dynamite un petit tunnel dans la province de Santa-clara. Il n' y a eu aucune victime.

Grâce à qui?

A propos du Jugement de Château-Thierry, dont parle, d'autre part, notre éminent col- laborateur Clemenceau, le Temps écrit :

On a beau dire: les idées cheminent dans les esprits. Voilà un jugement qai n'eût pas été possi- ble il y a seulement vingt ans. A le su pposer fendu alors, en ces termes, il eût fait scandale. Aujour- d'hui, le scandale eût résulté de la condamnation, que tout le monde - sauf le boulanger volé - eut trouvée inutilement féroce.

Cette réflexion est fort juste. Mais le Temps devrait bien ajouter que c'est grâce à la pro- pagande des journaux et des orateurs socia- listes que ce progrès s'est accompli.

Le Temps approuve aujourd'hui les idées qui ont cheminé depuis vingt ans ; mais il n'a cessé d'en combattre lea champions.

Dans quatre lustres, il sera le premier & applaudir aux principes que nou3 défendons aujourd'hui. Cela console.

Un Travailleur

Lorsque le» Allemands, compagnons d'ar- mes de son grand-père, lui eurent restitué le sabre qu'il leur avait livré à Metz, M. do Mun vint le tremper dans le sang des Pari- siens.

Devantles cadavres de ses victimes, il écri- vit ces lignes, qui l'ont fait admettre à l'Aca- démie :

Leur intention très arrêtée est de renoncer abso- lument au travail ^ et c'est ainsi, je crois, qu'on, peut expliquer le cynisme avec lequel ils bo sont fait tuer. Lorsqu'on les a fusillés, ils sont tous morts avec une-sorte d'insolence qui, ne pouvant être attribuée an sens moral, ne peut être attribuée

3u'à la résolution d'en finir avec la vie plutôt que

e vivre en travaillant.

M. le comte de Mun croit à la nécessité du travail... pour lo peuple.

Il aurait bien profiter de sa réception pour expliquer dans son discours par quelle espèce de travail ses ancêtres, ses pareils et lui-même ont acquis les scandaleuses fortunes qui leur permettent de vivre dans le luxe el dans l'oisive té.

gantes et fantaisies

LE PREMIER MOIS

-- Alors, vous voulez bien être ma petite amie î

- OUI, monsieur.

- Ne m'appelez pas monsieur. Appelez- .moi Oscar.

- Oui, monsieur Oscar.

- Non, pas monsieur Oscar ; Oscar tout _ court.

- Oui... Oscar.

- A la bonne heure ! Eh bien, mon enfant, «c'est entendu. Vous continuerez à travailler, naturellement. Je ne voudrais pas d'une mai- tresse qui ne ferait rien. Et puis, il faut qu'une femme s'occupe. Mais je vous aiderai. J'aime à faire les choses largement. Je voua donnerai cent cinquante francs par mois. Cela vous va-t-il ?

Pauline eut un éblouissement. Elle n'aurait pas osé espérer une pareille somme. Cent cinquante francs par mois £ Cent cinquante beaux francs, ajoutés à ce qu'elle gagnait, en travaillant dix heures par jour dans les fleura et plumes, chez Mme Riblot, rue du Caire ; mais c'était la fortune, le bien-être, après tant de mauvais jours, do privations, de mi- gère. Si ça lui allait ? Ah ! pour sûr !

- Eh bien, fillette, puisque ça vous va, voilà qui est dit. Je viendrai voua voir toua les soirs... Ah ! dame, oui, je suis comme ça. Quand j'aime une femme, je tiens à le lui prouver tous les jours. Je viendrai donc voua voir tous les soirs. Et, le dimanche, quand il fera beau, nous sortirons ensemble et je vous mènerai faire une partie de campagne. Et, à la fin do chaque mois, cent cinquante .francs.

Cent cinquante francs 1

-- Sur ce, embrassez-moi... ou, pour mieux dire, embrasse-moi... car, maintenant, nous ^pouvons bien nous tutoyer ?

- Oh ! certainement.

- Eh bien, embrasse-moi... et à demain.

Elle lui tendît son petit museau sur lequel

|l imprima un gros baiser retentissant. Puis, ils se séparèrent, l'air enchanté l'un et l'au- tre du marché conclu,

n

Etait-elle réellement aussi enchantée que cela, la petite Pauline ? Certes, si elle n'avait consulté que son goût, si elle avait pu se dé- cider en toute liberté, ce n'est probablement pas au sieur Oscar Baliveau qu'elle ae fût donnée. Relativement à elle, il n'était pas jeune, elle n'avait que dix-neuf ans et il en avait bien trente-six ; et il n'était, pas beau, avec ses petits yeux bleu pâle, son nez en i pomme de terre, sa bouche mal meublée, son teint couperosé, ses tempes grisonnantes et son gros ventre. Certes, Pauline, toute mi- gnonne, toute mince,gentille, quoique un peu. anémique, une figure de papier maché, avait été courtisée par des soupirante mieux tour- nés et plus jeunes, dont plus d'un lui aurait agréé davantage... Peut-être même, car la vertu des filles à Paris est fragile, plus en- core que partout ailleurs, parce qu'en hutte à " plus d'assauts, quelqu'un déjà lui avait-il plu et le lui avait-elle prouvé. Mais alors, si gavait été doux, ça n'avait pas été sérieux.