en altèrent l'originalité. Par degrés, les facultés de production spontanée de poésie et de chant s'affaiblissent dans les masses ce moment est celui où les génies individuels commencent à se révéler. L'art tend alors à se modifier, à prendre des formes plus régulières, mais non d'une manière complétement indépendante. De certaines idées, qui ne sont souvent que des préjugés, s'imposent à l'artiste et limitent l'essor de son imagination. Leurdespotime est même parfois si absolu, qu'il devient un obstacle invincible à l'introduction de l'art dans des voies meilleures. On en voit un exemple remarquable chez les Grecs, où la fausse doctrine de la stabilité de certains principes erronés retint la musique hors de son domaine véritable. Il fallut des siècles pour affranchir le monde de ces erreurs partagées par les plus hautes intelligences, au nombre desquelles on remarque Platon, Aristote et Plutarque. Toutefois le temps fait toujours son œuvre; des faits inconnus se révèlent; de faibles lueurs se font apercevoir dans le lointain; insensiblement la lumière devient plus sensible elle acquiert plus d'éclat et fait découvrir quelque principe inconnu dont les conséquences sont la transformation de l'art, ou même la création d'un art nouveau.
C'est ainsi que le principe de l'harmonie des sons simultanés, méconnu de l'antiquité, comme je l'ai prouvé ailleurs (1), en dépit de tout ce qui a été écrit dans ces derniers temps pour établir le contraire c'est ainsi, dis-je, que ce principe s'est introduit dans la musique en Europe pendant les siècles de barbarie, s'y est développé, épuré, pendant le moyen âge, et a donné naissance à l'art véritable art pur, idéal, complet, existant par lui-même, et indépendant de toute relation extérieure. Dès qu'il eut été découvert et compris, ce principe devint la base de la musique; car il ne peut en être l'accessoire. Ses conséquences ne furent pas aperçues par ceux qui, les premiers, en firent l'application ils n'en firent qu'une chose barbare dont notre oreille serait blessée, mais qui eut alors ses partisans, à cause de sa nouveauté. De longues périodes de temps s'écoulèrent avant que l'application du principe s'améliorât; mais, par (I) Voyez mon Mémoire sur t harmonie simultanée des sans chez les Grecs et les Romains. Bruxelles, Muquardt; Paris, Aubry, 1859, l vol. in-4°.