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Titre : Mélanges de politique et d'histoire. 1 / Stendhal ; établissement du texte et préfaces par Henri Martineau

Auteur : Stendhal (1783-1842). Auteur du texte

Éditeur : Le divan (Paris)

Date d'édition : 1933

Contributeur : Martineau, Henri (1882-1958). Éditeur scientifique

Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb421257234

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb324250704

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 2 vol. (X-225, 320 p.) ; 15 cm

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Description : Collection : Le Livre du divan

Description : Appartient à l’ensemble documentaire : GTextes1

Description : Contient une table des matières

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k69156

Source : Bibliothèque nationale de France

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 15/10/2007

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LE LIVRE DU DIVAN

STENDHAL

MÉLANGES

DE

POLITIQUE ET D'HISTOIRE

I

ÉTABLISSEMENT DU TEXTE ET PRÉFACES PAR HENRI MARTINEAU

D

PARIS LE DIVAN

37, Rue Bonaparte, 37


MÉLANGES DE POLITIQUE ET D'HISTOIRE. I.



MÉLANGES

DE POLITIQUE ET D'HISTOIRE


CETTE ÉDITION A ÉTÉ TIRÉE A 1.825 EXEMPLAIRES 25 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS DE 1 A XXV SUR PAPIER DE RIVES TEINTÉ, ET 1.800 EXEMPLAIRES NUMÉROTÉS DE 1 A 1.800 SUR VERGÉ LAFUMA. EXEMPLAIRE 1 003


STENDHAL

MÉLANGES

DE

POLITIQUE ET D'HISTOIRE

I

D

PARIS

LE DIVAN

37, Rue Bonaparte, 37



PRÉFACE DE L'ÉDITEUR

Se trouvera-t-il encore un lecteur qui s'étonne de rencontrer dans cette galerie un Stendhal politique ?

Un des hommes qui connaissent le mieux Beyle et son œuvre m'affirmait pourtant, il n'y a pas si longtemps, que Stendhal s'était toujours soucié de la politique comme un poisson d'une pomme. C'était à propos d'une phrase des Souvenirs d'Égotisme Quand, en 1821, Beyle, à Milan, avait eu à souffrir d'un amour malheureux et de suspicions policières, il lui était arrivé de dessiner un pistolet dans la marge de son manuscrit de l'Amour. Il avait alors la tentation de se brûler la cervelle et ce lut, pense-t-il, « la curiosité politique qui l'empêcha d'en finir ».

Mon interlocuteur prétendait que Beyle ne pouvait, à celte époque, avoir été retenu de se tuer que par la curiosité publique et non point par la curiosité politique. Les 1. Souvenirs d'Égotisme. Paris, Le,Divan, p. 8.


éditeurs avaient dû mal le lire, ou sa plume avait commis un lapsus. Selon lui il avait reculé devant le seul scandale d'un suicide et les, indiscrétions des gazettes.

L'hypothèse m'a toujours paru plus ingénieuse que solide. Il suffira pour la voir s'écrouler tout à fait d'ouvrir le présent livre, en admettant même qu'on n'eût perçu aucun écho des études hardies de M. Albert Thibaudet ou des monographies de MM. Maxime Leroy 1 et Henry Dumolard2, qui nous ont rappelé l'essentiel des idées de ce Stendhal à qui rien d'humain ne fut étranger et qui toute sa vie, comme la majorité de ses semblables, se montra un animal politique.

Je n'entreprendrai pas à mon tour de brosser en ces pages à grand renfort de citations alternées et contradictoires un tableau de ce que Beyle a pensé de la chose publique et de la meilleure forme de gouvernement. Il convient simplement de bien marquer au seuil d'un livre qui se borne à réunir des fragrnenls utiles pour l'étude de ses sentiments politiques, que toutes ces pages, pour la plupart inachevées, ne représentent que quelques-unes des nombreuses étapes où il lui a plu de s'arrêter dans ce vaste 1. Siendhal politique. Paris, Le Divan, 1929.

2. Stendhal et la politique dans Autour de Stendhal. Grenoble, Arthaud, 1932.


domaine. Tous les livres de Slendhal sans exception doivent être consultés par qui veut connaître bien ce qu'il pensait, ou plus exactement ce qu'il a pensé tour à tour, sur l'art difficile de faire le bonheur des hommes ou tout au moins de les maintenir aussi loin que possible hors des chemins dangereux où leur stupidité les pousse naturellement.

Si Stendhal se montra toujours à un degré peu commun original et indépendant, il convient toutefois de ne jamais forcer le trait quand on entreprend son portrait. Cet enfant de gauche, comme l'a fort bien nommé M. Albert Thibaudet, était tout comme un autre sensible aux influences. En 1803 il écrivait à sa sœur Pauline: « On prend peu à peu les habitudes et les manières de voir des personnes avec qui l'on vit habituellement. » Et il ajoutait: « Celte maxime est générale et sans exception. » Penserions-nous prouver à ce frondeur que lui-même échappait à ses théories? Il se connaissait trop bien pour cela el il ne aul point croire surprendre ici sa psychologie en défaut, car c'est encore être sensible aux idées de son entourage que d'en prendre systématiquement le contrepied dans les sortes d'influences que peut subir un homme il faut faire une large place à l'influence par protestation. C'est


elle qui, après avoir fait dans sa jeunesse un jacobin de ce fils de royaliste, inclinera Henrt Beyle à tant admirer te grand empereur quand, revenant de Milan à Paris en 1817, il aura vu avec quelle dédaigneuse injustice les salons de la Restauration parlaient de Buonaparte. En attendant, vivant au milieu des courtisans serviles de l'Empire, il s'inquiétait des services que la monarchie avait rendus et pouvait rendre à son pays. Il était si peu inféodé au régime qu'il venait de servir qu'il ne craignit pas de traiter de chef-d'œuvre, en mai 1814, le récent livre de Benjamin Constant De l'Esprit de conquête et de l'usurpation, dans leurs rapports avec la civilisation européenne.

Cet enfant de gauche avait évolué, il était devenu un défenseur de l'ordre. Il écrivait à son ami de Mareste en 1817 « Je suis ravi de la défaite des jacobins Manuel, Lafitte et consorts. » D'autre part, il manifestait son horreur pour la terreur blanche et sa réaction sanglante. Par ailleurs, il raillait avec une nuance non dissimulée de mépris le zèle officieux de ses concitoyens empressés à manifester leurs sentiments loyalistes « Comment nommerai-je cette ardeur des citoyens de Grenoble pour détruire quatre peupliers


plantés en l'honneur de l'armée d'Italie à son passage ? Comment nommerai-je le plaisir avec lequel on m'a raconté la ruse dont on se servit pour les arracher pendant la nuit ? Ou plutôt celte circonstance ne justifie-t-elle pas les citoyens de Grenoble et ne désigne-t-elle pas quelques aristocrates seuls au mépris de la postérité ? »

Dira-t-on en lisant cette note égarée sur un feuillet non daté de la bibliothèque de Grenoble que c'était l'antibourbonien qui reparaissait ? Non point, mais le libéral qui pensait sans contrainte et jetait sur le papier en 1824, ce jugement imprévu: « Tout le monde en veut à M. de Villèle pour moi, je l'aime comme bon financier et anliRusse. »

C'esl à propos du même M. de Villèle, dont il avait lu le discours, dans les Débats du 20 janvier 1818, que Beyle écrivait encore: « La faiblesse et le gribouillage dans les affaires nous déplaisent si fort que nous en venons à admirer la force et le gouvernement de fer même employé contre nos libertés. »

Que valent tous ces textes ? Évidemment on en pourrait trouver d'autres qui reflètent un sentiment bien différent. Les coups de boutoir d'Henri Beyle contre la royauté sont bien connus, tandis que les notes que je viens de citer le sont moins. Plusieurs


d'entre elles sont même demeurées inédites jusqu'à ce jour. L'ensemble éclaire une physionomie singulièrement mobile, qui ne détestait rien tant que la contrainte. Pour si versatile qu'il se soit toujours montré, pour si ennemi des idées reçues qu'il se soit donné, Stendhal, prenons-y garde, n'a oscillé dans son âge mûr qu'entre des bornes étroites. Au fond ce libéral était un défenseur de l'ordre, et cet impitoyable railleur de la vanité française s'inquiéta tojours de l'honneur national.

S'il souhaita constamment la grandeur de la France, il ne cessa jamais cependant de la juger en toute liberté. En étudie-t-il l'histoire et s'intéresse-t-il, par exemple, aux litres de la fin du règne de Louis XIV, il y saura glisser un savoureux éloge du soldat Français. Se souvenant avec une fierté à peine dissimulée que lui même a porté l'épaulelle, il écrit en sa faveur ce témoignage spontané « Nous qui l'avons vu de près nous savons qu'il est plein d'esprit et de délicatesse. » Mais si nous poursuivons l'exposé de ces lulles où furent engagés, du côté français, un Catinat, un Vendôme ou un Villeroy, nous ne saurions être surpris du plaisir qu'il se donne à refaire pour son compte le jeu des stratèges, ni de surprendre que ses sympathies abandonnent aisément nos généraux s'il les


croit un seul instant inférieurs, pour se ranger. délibérément aux côtés de Marlborough ou du Prince Eugène. es sympathies vont toujours du côté de l'intelligence. Tout au plus déplore-t-il que son pays n'ait pas toujours su choisir l'homme qui eût mérité son élévation par son caractère et son esprit. Il n'a jamais douté toutefois du génie de la France.

Son anticléricalisme n'est point d'une autre essence. Plus il doutait de la mission divine de l'Église et plus il admirait sa politique el la force de son administration intérieure. L'histoire des Conclaves, les avènements des Papes, les intrigues des illonsignori et des Cardinaux lui avaient toujours fourni quantité de ces historiettes et de ces traits de mœurs dont il était particulièrement friand. Il avait lu un grand nombre d'ouvrages sur ces sujets qui le passionnaient, aussi élaitil devenu lui-même une sorte de spécialiste sur toutes les questions romaines. L'on n'apas trouvé jusqu'à ce jour la confirmation de ce qu'à rapporté Romain Colomb dans sa Notice, à savoir que lors du conclave de 1829 l'entourage du roi Charles X avait fait demander à Stendhal, par l'entremise d'Amédée de Pastorel, son ancien collègue au Conseil d'état, quelques pages de renseignementssur les cardinaux papables. La chose est néanmoins possible. Colomb


était fort ignorant de beaucoup de détails de la vie de son cousin, mais en général bien incapable, sinon d'enjoliver un peu, du moins d'inventer de toutes pièces un trait de celle importance.

Quoiqu'il en soit, de semblables études n'obéissent pas aux mêmes lois de création qu'un roman, par exemple, et doivent être puisées adroitement aux sources orales ou écrites. Les séjours de Slendhal en Italie, antérieurement d 1821, les deux voyages qu'il y fit ensuite avant d'y aller vivre comme consul, non moins que la société des Italiens qui passaient par Paris au moment de son intimité avec Mme Pasta et qu'il rencontrait chez elle, ou chez le baron Gérard, autre pôle d'altraction pour les Transalpins en France, toute sa vie conspirait d mettre Stendhal en état de recueillir directement les échos du monde romain dont il faisait avec avidité son butin. Il se renseignait encore dans les périodiques et les ouvrages spéciaux. On sait ce qu'il doit aux livres du Belge de Potter. La presse française et la presse italienne ne pouvaient pas lui apporter grand'chose des bruits scandaleux sur la politique des papes qu'il aimait d l'égal des idées générales. Mais les magazines anglais jouissaient de plus de liberté et l'on ignore point combien l'esprit protestant et l'anglicanisme en


particulier se sont toujours montrés frondeurs envers tout ce qui louche à la Papauté. L'Edinburgh Review, le Blackwood Magazine formaient donc pour Beyle un important arsenal où il s'approvisionnait de faits et d'arguments, en même temps qu'il lui était possible de publier dans les feuilles semblables où lui-même collaborait, de ces articles corrosifs que la censure n'aurait jamais laissé passer dans les journaux français. Son Courrier Anglais est aussi riche encore d'études ecclésiastiques que ses Mélanges de Politique et d'Histoire. Et il n'est pas douteux que si les autorités romaines avaient su que M. Henri Beyle, consul de France à Civita- Vecchia, en était l'auteur, sa place n'eût pas été tenable longtemps. Il est à remarquer toutefois que tout ce genre d'écrits est antérieur au jour où l'avènement de Louis-Philippe fit de M. de Stendhal, dilettante par goût et journaliste par besoin, un fonctionnaire. Alors il cessa non point d'écrire, il ne l'aurait point pu davanlage que de respirer, mais de publier, et de s'occuper directement de politique active. Il fallut son long congé de 1836 à 1839 pour qu'il enfreignit la règle qu'il s'était imposée et examina à nouveau la situalion gouvernementale en France, dans ses Mémoires d'un Touriste, et les mœurs politiques de sa chère Italie, dans


la Chartreuse de Parme. Du moins s'épargna-t-il les allusions trop directes aux Etats romains dans lesquels il vivait. C'est qu'il pensait que la réserue sur ces sujets n'était pas seulement prudence, mais délicatesse d'âme, comme il l'avait noté, un jour, en marge des manuscrits italiens d'où il devait tirer ses Chroniques italiennes « Je ne pourrais peut-être sans mentir dire du bien du gouvernement de Rome et si j'en disais du mal j'aurais l'air méchant. La Révolution de Juillet me trouvant avec 25 ans de service à Moscou, Vienne, Berlin, m'avait donné une petite situation dans les environs de Rome1. »

Ce trait précise admirablement la physionomie de cet homme que ses contemporains ne surent pas voir el dont longtemps après sa mort la mobilité inquiéla. Peu à peu le temps dissipe les brumes; les fragments tombés de sa plume s'ordonnent et se confrontent. Et sans moins admirer son esprit, on peut davantage aimer son caractère. Henri MARTINEAU.

1. Chroniques italiennes, édition du Divan, préface de l'éditeur, p. XVIII.


SUR

LE GÉNÉRAL MOREAU



Henri Beyle n'eût pas été le républicain ardent, le contempteur des tyrans qu'il était dans les premières années de son séjour d Paris, s'il n'avait trouvé dans le procès du général Moreau l'occasion d'exhaler ses sentiments libertaires.

On n'était pas si loin de l'époque, car si ces pages ne sont pas datées, on voit bien néanmoins qu'elles sont contemporaines des événements qu'elles relatent, où il gravait sur son pupitre les noms de Brutus el des régicides célèbres. Il devait nécessairement être de cœur avec les ennemis du premier consul. Bien plus lard sur un exemplaire du Mémorial de Sainte-Hélène, il rappelait le 30 mai 1836, ces temps héroïques: « Je conspirassais pour Moreau avec Mante, lecteur de l'Idéologie. »

L'année suivante il rédigeait une notice sur lui-même (30 avril 1837), il y écrivait: « Sa vie se passa ainsi de 1803 à 1806, ne faisant confidence à personne de ses projets, et détestant la tyrannie de l'empereur qui volait la liberté à la France. M. Mante, ancien élève de l'Ecole polytechnique, ami de Beyle, l'engagea dans une sorte de conspiration en faveur de Moreau (1804).


Il connaissait du reste quelque peu le héros du jour. Il l'avait rencontré à Fontainebleau durant les huit jours qu'en avril 1803, il passa près du général Michaud (Lettre à son père, 1er mai 1803). Ces pages, de la main de Stendhal, se trouvent dans les manuscrits de la Bibliothèque municipale de Grenoble, pp. 48-52 du tome 14 de R. 5896.


MÉMOIRES

SUR L'ACCUSATION INTENTÉE A J. V. MOREAU

GÉNÉRAL DE DIVISION

EN PLUVIOSE XII

LORSQU'ON venait l'arrêter le 26 pluviôse an XII 1 des paysans vinrent

l'avertir et lui dire qu'il avait

encore le temps de se sauver. Il répondit « Je ne crains rien puisqu'on vient pour m'arrêter, je me rendrai en prison. »

Le grand juge 2 l'interroge sur-le-champ au Temple avec Lainé secrétaire du conseil d'Etat nommé ad hoc. Le premier mois de sa détention on s'opposa à ce qu'il vit sa femme et son fils.

Presque tous les officiers de la garnison allaient se faire écrire chez sa femme. Mme Moreau offrit de faire passer son 1. Jean-Victor Moreau fut arrêté le 25 pluviôse XII (15 février 1804). N. D. L. E.

2. Reynier. N. D. L. E.


fils qui n'a que deux ou trois ans, sans aucun vêtement, on ne voulut pas le laisser entrer.

Lorsque tous les autres accusés eurent été confrontés avec lui, on lui permit de voir sa femme.

Murat, gouverneur de Paris, publie un ordre du jour curieux où il dit que tout ce qu'on apprit depuis l'arrestation de Moreau tend à prouver sa culpabilité. Huit jours avant la mise en jugement on lui permet de voir ses défenseurs Bonnet, Perrignonet Bellart. Ces gens-là ont manqué une belle occasion d'acquérir de la gloire. Pichegru n'a jamais voulu signer aucun interrogatoire, disant que les questions qu'on lui faisait étaient insidieuses, et qu'on ne cherchait qu'à l'enferrer. Il a nié avoir eu aucune liaison avec Moreau. Je crois que Rolland était vendu à la Police. Il n'y a pas de doute à cela. Rolland a été mis à l'Abbaye pendant que les autres accusés étaient au Temple. Réal, conseiller d'Etat, Dubois, id., et Reynier grand juge disaient à Pichegru Voyez comme la conduite de Rolland est belle, il ose s'avouer votre ennemi, et vous êtes dans les fers.

Un jour qu'on reprochait à Pichegru qu'il ne voulait rien dire « Quand je serai en jugement je parlerai peut-être


trop. » Là-dessus le grand juge dit « Nous ne pourrons rien tirer de ce bougre-là. » II paraît que c'est pour cela qu'on a assassiné Pichegru. On craignait qu'il ne disculpât trop fortement Moreau. Il aurait dit « Je lui ai proposé, il n'a voulu accéder à rien. »

Lorsqu'on exposa son corps dans le palais de Justice, il avait le pied gauche couvert. Comme il y eut un professeur d'anatomie qui voulut démontrer qu'il était impossible de s'étrangler soi-même de cette manière, à Toulouse, on l'arrêta. Il est évident que Pichegru n'avait aucun motif pour se tuer. Lorsqu'on lui couvrit le pied gauche, c'était pour cacher les marques de la question qu'on lui avait donnée.

L'arrestation de Moreau jeta tout le monde dans la consternation. Le public témoigna la plus grande curiosité pour voir les débats. Le premier et le deuxième jour on laissa entrer par ordre naturel en faisant queue. Le deuxième jour le public applaudit Moreau sur ce que le Président lui disant qu'à telle époque de l'an V, il conspirait contre la république, il répondit que précisément à la même époque il gagnait deux batailles. II adressa la parole aux soldats qui le gardaient « N'est-il pas vrai, militaires, vous y étiez peut-


être ? Oui, Général, oui. » Le lendemain on changea les gardes.

Dans une transfération de Moreau, l'officier qui commandait ne voulut pas le laisser mettre dans une des cages des prisonniers. Il dit qu'il en répondait et le mit avec lui dans un fiacre.

Picot dans les débats dit qu'on l'avait mis à la question pour lui faire avouer quelque chose contre Moreau et montra en public ses pouces qu'on avait serrés avec des chiens de fusil. Il dit aussi qu'on lui avait offert quinze cents louis et sa grâce « On me les a comptés là sur la table. » Dans le procès-verbal de Patris tout y est à peu près matériellement, mais entièrement défiguré.

Picot rétracta toutes les déclarations qu'il avait pu faire devant le préfet de police et le conseiller d'état Réal lorsqu'on l'avait mis dans les chiens de fusil. Et comme le président lui demandait pourquoi il avait persisté jusqu'à ce moment dans ses déclarations « C'est de peur qu'on recommençât », dit-il.

Des dépositions de quatre gendarmes contre Moreau figurent dans l'acte d'accusation. C'étaient des choses qu'ils disaient avoir entendu dire étant de garde au Temple. Ces gendarmes furent appelés comme témoins. Les trois premiers bal-


butièrent comme n'étant pas sûrs de ce qu'ils disaient. Lorsque le quatrième arriva, Moreau lui dit « Un tel, vous qui êtes accoutumé à dire la vérité, pourquoi avez-vous fait des dépositions aussi fausses ? » Le gendarme se mit à dire en pleurant « C'est mon colonel qui m'a dit de le faire.» Et les trois autres se joignant à lui, ils rétractèrent leur déposition. L'assemblée, quoiqu'elle fut composée de billets de faveur se mit à huer. Le président. voulut la faire taire en disant « Vos cris ne m'intimideront pas. » Les huées redoublèrent et il fut obligé de se taire. II avait pris la précaution au commencement de cette séance de faire lire la loi sur la police des tribunaux. On arrêta ce jour-là beaucoup de monde. Il y avait un très grand nombre de mouchards dans la salle. Le président du tribunal, Hémart, ne voulut pas que les avocats entrassent dans le parquet, comme ils ont coutume de le faire, parce que. disait-il, ils ont coutume d'épiloguer sur ce qu'ils entendent et il ne faut pas qu'on épilogue ici. Moreau écrivit à Bonaparte après un mois de détention. Un mois après que la lettre eut été écrite on la vendit deux francs dans les rues avec des soulignements. Bonaparte envoya cette lettre pour figurer parmi les pièces du procès. Dans les


débats on allégua cette lettre à Moreau pour preuve d'un fait. II commença par détruire le fait et il ajouta « Au reste, on m'allègue cette lettre, je ne sais pas pourquoi elle figure dans le procès, elle ne devrait pas y figurer. C'est une lettre confidentielle au piemier Consul. S'il l'a remise c'est qu'il a cru qu'elle était à ma décharge. S'il l'eut crue à ma charge il est trop magnanime pour l'avoir remise. » Le public là-dessus se mit à applaudir à toute outrance malgré toutes les menaces du président.

Tout le monde était agité la veille du jugement. Les esprits étaient dans l'agitation la plus violente, depuis le plus grand monde jusqu'aux artisans. On disait publiquement que Bonaparte n'avait d'autre envie que de faire périr Moreau. Les troupes furent consignées pendant les débats, on doubla leur paie, on fit des distributions d'eau-de-vie. Cela ne calma pas du tout l'esprit du soldat.

Les soldats de garde aux Tuileries et à Saint-Cloud disaient tout haut que c'était une atrocité, que Bonaparte, n'avait d'autre projet que de faire périr Moreau et qu'on ne le laisserait pas périr ainsi. Des gens vont jusqu'à dire que si on eût pu trouver cinq cents hommes dans la garnison qui eussent été dans le


sens du gouvernement on aurait fait périr Moreau.

La veille du jugement les juges étant aux opinions, soldats et officiers parlaient ensemble et disaient que c'était une abominable coquinerie et qu'on ne laisserait pas périr Moreau comme ça.

De manière que s'il eût été condamné à mort il est certain qu'il n'eût pas péri Il y avait révolte. J'ai été fâché qu'il n'ait pas été condamné, Bonaparte était culbuté.

Les charbonniers entendant crier les séances se disaient entre eux « Tout ça est bien beau, il n'est pas coupable, on veut le faire périr. »

Je fus très fâché que Moreau ne fut pas condamné, nous étions délivrés de Bonaparte.

Il y avait des duels très fréquents dans la Garde. Bonaparte voulait en congédier au moins la moitié qui s'étaient prononcés trop fortement. Lorsque les juges étaient aux opinions Bonaparte envoya de ses aides de camp pour faire condamner Moreau à mort en promettant de faire grâce. Il n'épargna ni menaces ni promesses. On revint jusqu'à trois fois. Les juges restèrent vingt heures aux opinions. Les juges (qui étaient Hémart, Thuriot, Bourguignon, Granger, Selves, Lecourbe, Da-


meuve, La Guilleaumie, etc.) commencèrent par absoudre Moreau. Ensuite les ambassadeurs arrivèrent. Par leurs promesses et leurs menaces quelques juges parurent fléchir. Ceux qui le défendaient le mieux, voyant quelques-uns de leurs collègues fléchir, consentirent à le condamner à deux ans de détention, pour qu'on n'en vînt pas à la mort.


CONSTITUTION VOULUE

PAR LE PEUPLE EN 1788 ET 89



Sur un carnet de notes où, en prairial XI, Henri Beyle inscrivait les sujets d'ouvrages qu'il comptait composer un jour, nous relevons au chapitre des ouvrages en prose Histoire de Bonaparte.

Histoire de la Révolution française. Histoire des grands hommes qui ont vécu pendant la Révolution française. Commencer ces trois ouvrages à trentecinq ans, dans quinze ans d'ici. Ce n'est pas quinze ans plus tard, mais sept ans après en avoir formé le premier projet, qu'il jela sur le papier ces notes préparatoires pour comprendre la Révolution.

Etait-ce seulement pour son instruction, ou songeait-il toujours d sa destinée d'historien ?

Ce travail se trouve à la bibliothèque de Grenoble au tome 5 des manuscrits cotés R. 5896.



CONSTITUTION

(VOULUE PAR LE PEUPLE

EN 1788-89)

PREMIER travail préparatoire pour se former une idée juste de la Révolution, ou, en d'autres termes, pour savoir l'histoire de la Révolution. Que voulait le peuple en 1788 ? Ce qui suit est en un extrait de tous les pamphlets du temps que j'ai pu me procurer, et des cahiers donnés par le peuple à ses députés.

(5 mars 1810.)

DE LA LOI

1

Les juges ne peuvent prononcer d'arrêt et les jurés de verdict qu'en vertu du texte précis d'une loi.


2

On appelle loi en France une disposition passée à la majorité par la chambre des Communes, passée à la majorité trente jours après par la chambre des Pairs, et approuvée par le Roi.

De la Loi dans la Chambre des Communes 3

Nulle proposition ne pourra être faite dans la chambre des Communes que par un de ses membres.

4

La chambre décidera si elle doit s'en occuper.

5

Dans le cas de l'affirmative le président tirera neuf noms d'une roue qui contiendra sur de petites sphères de cuivre les noms de tous les membres de la chambre. 6

Ces neuf membres s'approcheront du


bureau. Le président remettra au plus jeune un registre de vingt pages in-folio dont la tête sera imprimée ainsi que le numéro en toutes lettres de chaque page, il sera de plus coté et paraphé par les deux membres les plus jeunes de la chambre. Cette opération se fera le premier de chaque mois pour le nombre de registres dont on prévoira le besoin.

7

La commission recevra du membre proposant son opinion par écrit.

8

Elle se retirera dans une des petites salles préparées à cet effet, fera transcrire en tête du registre la proposition sujet de l'examen dont elle est chargée. On portera de suite et sans intervalle le procès-verbal de chaque séance de la Commission, lequel sera signé de tous les membres présents, qui devront toujours être au moins au nombre de sept.

9

Après le huitième jour à compter de celui de sa formation et avant le quinzième un membre de la commisson désigné par


le sort, opération exécutée en présence du Président de la chambre, fera le rapport de la Commission sur la valeur de la proposition faite.

10

Ce rapport sera suivi si la chambre le juge à propos de la première lecture de la loi.

11

Deux autres lectures auront lieu, à dix jours francs d'intervalle entre chacune. 12

Immédiatement après la troisième, la chambre délibérera sur la loi.

13

Si elle passe à la majorité, elle sera sur le-champ transmise à la chambre des Pairs, par lettre signée du président et de deux secrétaires.

14

A l'arrivée d'une loi dans la chambre des Pairs une commission de cinq membres sera désignée par le sort en suivant le procédé indiqué en l'article 5.


15

Le Président lui remettra un registre ainsi qu'il est prescrit en l'article 6. 16

La Commission recevra ampliation de la loi transmise par les communes, procédera ainsi qu'il est dit en l'article 8. 17

Après le huitième jour de sa formation et avant le quinzième elle fera son rapport par l'organe d'un de ses membres désigné par le sort, ainsi qu'il est dit en l'article 9. 18

Si la chambre décide l'affirmative ce rapport sera suivi de la première lecture de la loi.

19

La deuxième et [la] troisième lectures auront lieu le vingtièmejouret le quarantième à compter de celui du rapport de la Commission.

20

Dans le cas où la loi aurait passé à la


majorité elle sera portée au Roi par deux membres de la chambre désignés par le sort., lesquels membres, porteurs d'une lettre d'envoi du Président, la remettront ainsi que la loi entre les mains mêmes de S. M. le Roi.

21

Il leur en sera donné reçu signé de l'héritier immédiat et à son défaut du deuxième héritier de la couronne s'ils se trouvent dans la résidence royale. A leur défaut le reçu sera signé par le ministre de la justice.

22

Après le huitième jour et avant le quinzième à dater du jour où le reçu aura été signé, le roi fera partir de sa résidence royale deux lettres conçues dans les termes suivants, et adressées à chacune des deux chambres

MM. les Pairs de France

ou MM. les Députés des Communes de France

J'ai reçu le. votre message du. (à la Chambre des Communes un message de la Chambre des Pairs du.) auquel était jointe la loi ci-dessous.


(Copie de la loi)

en vertu de l'article 22 de la Constitution de l'Empire Français j'ai revêtu de ma fonction, la loi dont copie ci-dessus, laquelle ayant l'assentiment des trois parties du Parlement de France, savoir le Roi et les deux Chambres, est déclarée Loi de l'empire. Je donne des ordres pour que la dite loi soit proclamée et affichée au nombre de cent exemplaires par département.

Je vous donne l'assurance, MM. les Pairs de France (ou Messieurs les Députés des communes) de mon estime et de mon affection.

Signé N.

23

Cette lettre contresignée par le Ministre de la Justice sera portée à chacune des deux chambres par un conseiller d'Etat. Elle sera remise au même moment aux présidents des deux chambres. L'approbation portée ci-dessus sera écrite de la main même de S. M. Les Présidents donneront reçu au conseiller d'Etat.

24

Dans le cas de non approbation dans la chambre des Pairs, le président écrira


au président des Communes la lettre suivante

M. le Président des Communes

La chambre des pairs de France pense que la loi qu'elle a reçue par votre message du et dont copie suit

(Copie de la loi)

n'est pas utile dans les circonstances présentes au bonheur de la nation francaise.

Recevez, M. le président, l'assurance de ma haute estime et de mon affection. 25

Le protocole ci-dessus sera suivi dans les lettres écrites par le président des communes au Président des pairs.

26

Dans le cas où le Roi n'approuverait pas la loi, il fera parvenir dans le délai, et avec les formes prescrites par les articles 22 et 23, à chacune des deux chambres une lettre conçue comme celle écrite en l'article 22, après le texte de la loi se trouveront ces mots écrits de la main du Roi


Agissant en vertu de l'article 22e de la Constitution du peuple Français, je déclare juger que la loi ci-dessus ne me paraît pas utile, dans les circonstances présentes, au bonheur de la nation qui m'a remis l'exercice de son pouvoir exécutif.

Je vous donne l'assurance, etc.

27

Aussitôt après la réception du message du roi relatif à une loi, ou de celui de la chambre des Pairs, une commission de trois membres désignés par le sort parmi les cent plus jeunes membres de la chambre dressera procès-verbal descriptif de toutes les pièces relatives à la loi. Si elle est rejetée, toutes ces pièces cotées et paraphées par deux des membres de cette commission seront remises à l'archiviste des communes. Si la loi a passé, les pièces seront remises a l'archiviste des communes.

28

Une expédition de la loi imprimée sur vélin et signée de la main des présidents et secrétaires des communes au bas de leur décret, des présidents et secrétaires des pairs au bas de leur décret, du Roi


au bas de son approbation sera reçue par l'archiviste de l'Etat, dans les quarantehuit heures qui suivront la réception du message approbatif du Roi.

De la chambre des pairs de France

30

Tout citoyen né sur le territoire français, âgé de plus de vingt et un ans, possesseur d'un majorat de plus de cent mille francs de rente, en biens situés dans le territoire de France, nommé pair par le Roi, ou succédant à son Père pair de France, par la mort de son père, ayant satisfait aux lois sur l'éducation pourra, s'il en forme réquisition auprès du président de la chambre des pairs, être présenté à cette chambre.

31

La présentation sera faite par le membre de la chambre le plus âgé, assisté d'un membre désigné par le sort. Ces deux membres et le récipiendaire déclareront sous serment qu'il remplit les conditions exigées par l'article 30. Ils


cteposeront les pièces prouvant cette assertion sur le bureau.

32

Une commission de neuf membres désignée par le sort et qui agira conformément aux articles. proposera une loi de la teneur suivante

La chambre des pairs de France déclare être convaincue que N. né à. le. nommé pair par décret de S. M. en date de. (ou succédant au titre de pair comme fils naturel, légitime et premier né de M. pair de France) a satisfait à (les condilions énoncées en l'article 30). 33

Cette loi sera lue aux intervalles voulus d'abord dans la chambre des pairs, ensuite dans la chambre des communes. 34

Si elle passe la chambre des pairs et une députation de la chambre des communes composée de 50 membres désignés par le sort, et de tous les membres de l'Université, membres de la chambre, se rendront au jour et à l'heure indiqués parle


président de la chambre des pairs a la cathédrale de la résidence des pairs. L'Evêque de la dite résidence officiera à l'évangile le récipiendaire, accompagné des deux pairs parrains, s'avancera sur la première marche de l'autel et prononcera le serment suivant qui sera précédé d'un discours de dix minutes au moins et de trente au plus

Je jure devant Dieu à la nation française d'observer et faire observer la constitution en vertu de laquelle je vais être élevé à la dignité de pair de France. Je jure d'observer et faire observer chacun des articles de la Constitution comme si je les lisais tous ici. Je jure de ne jamais agir dans la chambre des pairs et dans toute ma conduite politique que dans le but d'être utile au bonheur de mes concitoyens. J'appelle sur moi les vengeances du ciel et de la nation française si je me laisse jamais diriger par des motifs d'intérêt personnel. Je déclare d'avance nuls de toute nullité, et devant être regardés comme non avenus, tous actes contraires à la constitution auxquels j'aurais eu le malheur de participer.

35

Ce serment étant prêté le jeune pair sera


proclamé par le président de la chambre des pairs après qu'il aura été revêtu du costume des pairs. Il s'avancera alors au milieu du chœur où il trouvera un préposé de l'asile des vieillards auquel il remettra une somme qui ne pourra être moindre de 6.000 fr.

36

Procès-verbal de cette cérémonie sera imprimé à la suite de la déclaration des deux chambres et affiché à cent exemplaires par département aux frais du pair. 37

Plusieurs pairs pourront être reçus dans la même cérémonie.



LETTRES

SUR LA CONSTITUTION



Ces fragments d'une troisième et d'une quatrième lettres sur la Constitution dont le brouillon se trouve d la bibliothèque municipale de Grenoble dans le premier tome des manuscrits cotés R 5896 sont tout ce qui nous reste d'une correspondance, toute de théorie politique, que dut échanger d celle époque Henri Beyle avec son collègue Louis Pépin de Belle-Isle, le même d qui furent adressées, de manière sans doute plus fictive, les letlres de la Vie de Haydn. Ces deux jeunes auditeurs au Conseil d'Etat habitaient alors ensemble au 3 de la rue Neuve-du-Luxembourg (aujourd'hui rue Cambon).

Les discussions d'idées ne devaient pas être rares entre eux et il n'est pas étonnant qu'ils aient eu la pensée de les continuer par écrit durant les déplacements de l'un ou de l'autre. Or nous savons que du 26 avril au 7 mai 1814, Beyle fit un séjour dans l'Aube auprès de son ami Louis Crozet, ingénieur des Ponts et Chaussées. Précisément, le manuscrit ou brouillon de Grenoble est de la main de ce dernier. Ne nous en étonnons point: plusieurs pages du Journal de Slendhal, des études sur Shakspeare et bien d'autres notes f urent rédigées en commun;


Crozet tint souvent la plume sous la dictée de son ami. Pour les idées émises dans celle lettre, partagées ou non par Crozet, elles appartiennent bien d Stendhal déjà féru d'anglomanie, mais dont la foi jacobine avait bien baissé depuis les ans X ou XII de la République.


LETTRES ÉCRITES

DE MÉRY-SUR-SEINE SUR LA CONSTITUTION IIIe LETTRE

Méry-sur-Seine le 5 mai 1814.

à M. P[épin] de B[ellisle] à Paris

VOUS trouvez, Monsieur, ma seconde lettre plus raisonnable que la première. En bon Français de nos jours vous pensez que le bien qu'on produit ne peut jamais entrer en balance avec les peines qu'il cause à celui qui a la faiblesse de s'en occuper vous croyez que nous devons abandonner les générations futures au bonheur qui pourra tomber du ciel. « Passe encore de bâtir, mais planter » L'enthousiasme pour la félicité publique, la croyance que les vrais prin-


cipes de la législation peuvent enfin diriger les peuples vous paraissent ridicules et chimériques. Les événements dont nous avons été témoins, l'étude de l'histoire et le spectacle de la misère humaine m'ont souvent fait partager cet avis. En ce moment mon devoir est de vous combattre puisqu'il faut que nous soyons deux pour disputer, je ferai mes efforts pour ne pas entrer dans votre disposition d'esprit. D'ailleurs, comme il est bien plus doux d'aimer les hommes que de les mépriser, j'avoue que le plus souvent j'ai pour eux des sentiments tendres je réserve mon mépris pour les grandes circonstances. Je soutiendrai donc leur cause.

Les deux mots de républicain et de liberté dont je me suis servi laissent le champ libre à votre gaîté. Je m'en doutais, les précautions que j'ai prises pour que vous ne vous méprissiez pas sur le véritable sens du premier de ces mots m'ont été inutiles. J'entends par mes républicains (que vous appelez mes magots) les hommes dont le moral s'est formé sous l'influence de la Révolution et qui sous l'empire des leçons terribles et diverses qu elle a données au monde sont devenus des Royalistes constitutionnels. Le nom dont vous plaisantez fait connaître la génération de leur caractère, l'explication que je viens


d'ajouter l'état actuel et prononcé de leurs opinions.

Lorsque j'emploierai le mot de liberté, je supplie (car je sens que je deviens sérieux et important à mesure que vous employez l'aimable légèreté si maudite par les docteurs politiques) je supplie donc que vous n'entendiez pas cette liberté imaginaire qui n'est faite que pour des anges, que quelques âmes passionnées rêvèrent en 1789 et qui a été noyée dans des flots du sang le plus pur. La liberté telle que je la conçois est inséparable d'une noblesse et d'un roi. La France est le pays du monde où la réunion de ces trois choses est le plus nécessaire. Voyez tout ce que l'histoire raconte des Français, c'est l'honneur et non la vertu qui les a toujours menés aux grandes actions. Si on supposait le peuple français abandonné à luimême il ne ferait rien ou serait mû par l'honneur. Qu'on lui ôte ce puissant mobile et il sera bientôt remplacé par une infâme cupidité. En Angleterre un homme peut vendre sa voix et un instant après se sacrifier pour la patrie dans une occasion qu'il croira plus importante mais n'attendez rien d'un Français une fois qu'il aura forfait à l'honneur, il ne lui manquera qu'une tête forte pour être un scélérat. L'honneur est le reste de l'éduca-


tion républicaine que nous recevons dans les collèges et que nos chevaliers recevaient par tradition. C'est le sentiment de la vertu dépouillé de ce qu'il a de trop grand pour être le ressort du gouvernement monarchique et que nos mœurs non unanimes nous obligent d'appliquer seulement à notre dignité personnelle. L'honneur a toute la force requise pour être le principe d'un gouvernement durable. Il a des avantages extérieurs qui peuvent remplacer la vertu, celle-ci a le droit de mépriser la voix publique, il est quelquefois de sa nature d'agir obscurément, l'homme vertueux peut se consoler du dédain des hommes en se repliant sur sa conscience le mépris est insupportable à l'honneur, il doit pouvoir à chaque instant et devant tous rendre compte de ses actions et de ses sentiments. Quel doit être son pouvoir sur les Français! Il n'a rien d'incompatible avec la liberté. Ainsi il serait dans l'esprit d'un gouvernement libre fondé sur l'honneur qu'un ministre ajoutât au serment qu'il prête en entrant en charge « Qu'il consent à être réputé lâche s'il attente aux lois de l'état ».

Mais il serait contraire à l'existence de ce même gouvernement et de son principe que des hommes souillés de bassesses


et de lâchetés reçussent la récompense due à l'honneur. Ce le serait surtout au moment où ce gouvernement naîtrait et où il s'agirait d établir solennellement sa marche.

La noblesse, est le sanctuaire de l'honneur pour le conserver, il faudrait donc une noblesse en France lors même qu'elle ne serait pas un des ingrédients inévitables de la liberté des modernes et qu'une chambre des pairs ne serait pas aussi nécessaire à la conservation de tous les droits et à l'équilibre du pouvoir qu'une chambre des communes.

Vous sortez du ton ironique avec lequel vous m'avez attaqué et faites acte de bon citoyen (tout bon citoyen doit être grave et même un peu furieux) lorsque vous me demandez si j'ose espérer de voir jamais la liberté sortir de la corruption profonde et de la basse dépravation sous lesquelles nous croupissons.

De peur que ces mots affreux ne détruisent tout à coup nos espérances de bien public, fixons-en le sens.

Il me semble sans remonter au déluge et sans prodiguer les mots scientifiques que cette dépravation dont on nous mortifie sans cesse est tout simplement une manière de chercher le bonheur différente de celle qui a été à l'usage de peuples


moins avancés que nous dans la civilisation. Les hommes ont toujours eu le plaisir d'être heureux et quelques soient les détours que les circonstances leur ont fait prendre pour remplir ce désir, ils ont plus ou moins employé les facultés de leur âme et de leur esprit. A mesure que cette tendance toujours croissante de notre être nous a procuré de nouveaux plaisirs nous nous y sommes doucement attachés et malgré les combats que nous livrait quelquefois le souvenir de notre ancienne rudesse, (car, pauvres enfants que nous sommes, nous regrettons tout et même la douleur), nous nous sommes accoutumés à regarder le repos, la jouissance paisible de notre industrie et d'un travail qui est souvent lui-même un plaisir, la culture des beaux-arts si intimement liée aux plus doux sentiments du cœur, de jolies habitations, d'aimables entretiens comme aussi dignes de notre amour que la place publique, le bivouac et les impressions haineuses et désagréables causées par les orateurs et les chefs de parti. Il existe donc réellement une dépravation et c'est celle des vertus publiques, notre amour des produits de la civilisation en borne l'exercice à la conservation de ces produits. Si nous pouvions être gouvernés par un être céleste supérieur


à nos passions et réunissant toutes les vertus que le cœur humain peut concevoir, la puissance absolue remise entre les mains de cet être serait la plus favorable à la félicité des peuples les vertus publiques leur seraient inutiles, ils les oublieraient. Cet être serait lui seul le gardien de nos âmes et l'instrument de notre jouissance. Mais l'abus ne pouvant sitôt se corriger, c'est à nous à nous tenir en garde contre les abus d'un pouvoir qui nous éloignerait de notre sphère et à sacrifier une partie de notre bonheur pour assurer l'autre.

Aussi tous les peuples, quelque civilisés qu'ils soient conservent encor l'empreinte des vertus publiques. Ils savent qu'il est impossible de réparer le bonheur individuel sans l'exercice de ces vertus portées à un certain point. Cette direction de l'esprit européen me paraît fixée d'une manière irrésistible. Un gouvernement aurait beau s'y montrer contraire et comme nos politiques s'irriter de nos dérèglements, il n'arrêterait pas les efforts de la ligue faite entre les cœurs et l'entendement pour la conquête du bonheur. L'invention d'une machine bien simple, mais propre à nous donner deux plaisirs au lieu d'un attirera plus de reconnaissance à son auteur que n'en pour-


rait prétendre le prince qui nous rendrait le forum et les rostres.

Je m'étonne que l'homme qui a si bien connu l'esprit des gouvernements n'ait pas assez réfléchi sur la marche des siècles pour se dispenser de nous lancer ce trait de satire. Pourquoi s'étonner que les anciens pauvres eussent les vertus qui devaient les rendre heureux ? Nos finances, notre commerce sont des éléments de notre bonheur, une bonne administration des finances est une de nos vertus.

Nos vertus ne sont plus des vertus publiques notre bonheur se compose de plaisir que nous procurent l'industrie et l'intérieur de nos sociétés et de nos familles. Il n'y a que la république ou le despotisme guerrier qui peuvent exiger de nous des sacrifices qui s'étendent au delà de ce qui est nécessaire à notre genre de bonheur.

La monarchie nous convient donc pardessus tout, mais il faut que le pouvoir de cette monarchie soit limité de manière à ce que nous ne sortions pas de notre sphère d'activité elle doit laisser la liberlé du bonheur de ce temps. Mais cette liberté doit être pleine et entière pour chaque individu qui ne nuit pas à la so-


ciété elle n'a nullement le droit de céder une portion de la liberté d'un de ses membres pour conférer le pouvoir d'opprimer à un autre.

La France peut attendre une constitution semblable à celle à laquelle peuvent aspirer la plupart des nations civilisées de l'Europe. L'Angleterre fournit le modèle. Quoiqu'on dise de la différence de l'application, il ne serait 1 peut-être pas difficile de prouver que la forme peut être la même pour tous, qu'elles ne doivent différer que par la durée et par la rigueur de l'exécution, ce qui dépendra de la quantité de vertus publiques qu'ils auront conservée. La constitution espagnole.

1. Le manuscrit porte .aurait, ce qui montre bien que Orozet écrivait sous la dictée de Beyle. N. D. L, E.


Du roi patriote. Objections sur les héritiers. Les réflexions sur les Sénateurs, les parlements, Boulogne, le peuple, etc.

page 3. le dire sur ce ton Nous avons entendu dire en France que le gouvernement était institué pour le bien du peuple, mais nous ne le savons pas je le répète donc pour servir ce que pourra.


PENSÉES

SUR LA CONSTITUTION



Ces pensées font écho aux lettres sur la Constitution dont on vient de lire les fragments conservés et qu'à celle même époque, Beyle écrivait à Louis Pépin de Bellisle. Elles en constituent les matériaux préparatoires. Elles datent en effet également de mai 1814. et ont été tracées, leur iilre l'indique, d Méry-sur-Seine, durant le séjour que Beyle y fit alors près de Crozet. Elles se trouvent dans les manuscrits de Grenoble, tome 27 de R. 5896, pp. 107-112. M. Louis Royer les a publiées en appendice de sa belle édition de Napoléon, (Champion, 1929).



PENSÉES

SUR LA CONSTITUTION Pensées pour Méry-sur-Seine. Ville.

Mai 1814.

E supplie que toutes les fois que je me servirai du mot de liberté, on n'entende pas cette liberté chimérique qui n'est faite que pour des anges, que quelques âmes passionnées rêvèrent en 1789 et qui a été noyée dans des flots du sang le plus pur. Ma liberté à moi est inséparable d'une noblesse et d'un roi. La France est le pays du monde où l'union de ces trois choses est la plus nécessaire. Voyez toutes les grandes choses que l'histoire raconte des Français c'est l'honneur et non pas la vertu qui les dicta. Le Fran- çais ne fera jamais rien de grand sans l'honneur ou le despotisme. C'est un excellent instrument, mais alors donnezlui pour chef un Mahomet. Si vous le


laissez le maître de ses actions, il ne sera rien, ou il sera mû par l'honneur. La noblesse est le sanctuaire de l'honneur. Si vous l'ôtiez au peuple français vous ne trouveriez bientôt plus pour tout mobile qu'une cupidité infâme. En Angleterre, un homme peut vendre sa voix et un instant après se sacrifier pour sa patrie dans une occasion qu'il croit plus importante. Ici, au contraire, n'attendez plus rien du Français qui aura forfait à l'honneur. Il ne lui manquera plus qu'une tête forte pour être un scélérat. Il faudrait donc une noblesse en France quand même la noblesse ne serait pas nécessaire au mode de liberté inventé par les modernes. Mais une chambre des Pairs est au moins aussi essentielle à ce gouvernement qu'une chambre des Communes.

DEUXIÈME PENSÉE

Les débris avec lesquels le roi témoigne le désir de construire le temple de la constitution française, ont un caractère qui les rend très propres à recevoir les formes heureuses auxquelles les Anglais doivent le bonheur. Ils sont homogènes. Toute la France se trouve divisée en départe-


ments, et il n'y a plus de raison pour qu'un département se croie plus ou moins de droit que le département voisin à la protection du roi. Il en était bien autrement avant la Révolution. Les Languedociens n'auraient point voulu être gouvernés comme les Bretons. Chacune de ces provinces se croyait bien mieux gouvernée que l'autre. De beaucoup plus de peine pour l'administration et beaucoup moins de garantie de toute nature pour la liberté publique. Aujourd'hui, si on commet une injustice dans le département de la Marne, le département de Seine-et-Oise peut redouter le même genre d'oppression si le gouvernement demande un sacrifice nécessaire au département de Seine-et-Oise, le département de la Marne sent qu'il n'y a pas de raison pour qu'il ne donne pas le même secours à la Patrie.

TROISIÈME PENSÉE

Nos Pairs aujourd'hui ne sont encore que d'anciens nobles ou de bons généraux ils deviendront aristocrates et, dans vingt ans d'ici, seront enfin de véritables sénateurs aussi éloignés de laisser la monarchie se changer en despotisme que de permettre


que le peuple anéantisse sous de vains prétextes la juste autorité du roi.

La Suède, telle qu'elle était avant la Révolution de 1772, nous offre un exemple du dernier de ces malheurs. L'exemple du premier n'est pas si éloigné de nous. QUATRIÈME PENSÉE

La constitution du dernier empereur -telle qu'elle se trouve imprimée chez Didot est fort bonne. Il n'y manquait qu'une chose des hommes de cœur au Sénat et au Corps législatif. Non seulement la France eût été moins malheureuse, mais il serait encore sur le trône.

Nos nobles, sous les premiers rois de la famille qui nous gouverne, étaient des aristocrates effrénés.

Nous allons avoir notre première charte. Quand viendra la liberté? La grande charte des Anglais fut signée par Jean sans Terre en 1215. La liberté n'a établi son séjour en Angleterre qu'en 1688. Il a fallu près de cinq siècles pour que rois et sujets s'habituassent à être heureux.


[DERNIÈRE] PENSÉE

II faudrait que chaque ministre, en entrant en charge, prêtât serment à la constitution et que le serment finît par une phrase de ce genre « Je consens à être regardé pour un lâche par tous les Français si j'attente à la constitution. »



LA RESTAURATION EN PIÉMONT



C'est le 17 janvier 1815 que Beyle écrivit ces ré flexions sur la Restauration en Piémont dont on conserve le manuscrit à la bibliothèque de Grenoble au tome 7 de R. 5896, pp. 94-95.

Beyle se distrayait autant qu'il le pouvait des malheurs du temps il traversait une phase politique.

Ces pages ont été publiées par M. Louis Royer en appendice de son Napoléon, aux éditions Champion.



LA RESTAURATION EN PIÉMONT

DANS un pays où la chute de Napoléon a rendu un roi de 55 ans, apparemment sans passions violentes et que les gentilshommes n'ont pas manqué de dire formé à l'école du malheur, voici ce qui est arrivé par rapport aux arts Le roi n'étant point retenu par la crainte du ridicule dont les discussions imprimées d'une chambre des communes peuvent couvrir ses ordres, les habitants de Saluces, en apprenant la mort de Bodoni, leur compatriote, se cotisent pour faire dire une grand'messe en son honneur. Le ministre se hâte d'écrire qu'en général de telles cotisations sont défendues et que, dans le cas particulier, ces honneurs sont excessifs pour la mémoire d'un simple artiste. Les impôts établis par Napoléon n'ont pas été diminués d'un centime. Les ministres du roi ont eu assez d'esprit pour sentir que la culture du bon sens était dans la monarchie absolue une conspira-


tion perpétuelle. Cependant, la liberté de la presse dans un état voisin et le passage des Anglais inquiétaient. On n'a donc pas osé supprimer l'université, mais on a réduit à 1.500 francs d'appointements des professeurs qui en avaient 4.000 sous Napoléon et qui n'ont pu acquérir la science qu'ils enseignent que par dix ans d'études. On a fait l'étourderie de nommer les professeurs à dater du 8 octobre 1814 puis on s'est aperçu que les cours ne commençaient que le 1er novembre. Pour épargner des appointements de 125 francs par mois, on a biffé l'ordonnance et on en a fait une nouvelle datée du 1er novembre. Ensuite on a fait payer à de pauvres diables de savants, enrichis par des appointements de 125 francs par mois, leurs brevets en parchemin signés par le roi, 180 francs. Cette forme d'université a été ouverte par un discours mais le ministre a envoyé dire à l'orateur qu'il eût à ne pas nommer Alfieri or, les deux seuls artistes que le pays ait produits depuis un siècle sont Alfieri et Bodoni.

Ajouterai-je qu'un juge, homme d'esprit, m'a assuré qu'au 10 février 1815 le nombre d'assassinats commis depuis le retour du père du peuple égalait la somme des assassinats commis pendant les 14 ans qu'a duré le despotisme du tyran?


Il y a huit jours qu'un officier a tiré un coup de pistolet au portier d'un homme riche fort en crédit. Comme l'officier était noble, il passe pour fou on l'a renvoyé passer quelques mois chez son père. Avant-hier, un de ces jeunes gens qui portent des épaulettes a insulté un bourgeois qui lui a donné vingt soufflets et a fini par lui prendre son épée et le fustiger avec cet instrument de l'honneur. Le jeune homme a fait mettre son adversaire en prison où il est pour longtemps. Remarquez que le père du peuple est un brave homme nullement remarquable en mal. Il a rapporté de l'école du malheur, si imposante sous la plume éloquente de M. de Chateaubriand, l'habitude de siffler des marches et le désir que tous ses sujets qui ne sont pas militaires portent toujours l'habit noir et l'épée.



PROJET

DE LOI ÉLECTORALE



Ce projet de loi électorale n'est pas daté. Il ne peut avoir été écrit que vers 1814 ou 1815, quand Beyle avait la tête toute tournée de politique et que Crozet était ingénieur dans l'Aube.

M. Louis Royer l'a publié en appendice de son édition de Napoléon (1929). Le manuscrit se trouve d la bibliothèque de Grenoble R. 5896, tome 2, p. 125.



PROJET

DE LOI ÉLECTORALE 1 Mâcon

1

Tous les citoyens ayant patente pour une même profession se réuniront le. et choisiront pour chaque profession cinq électeurs.

Tous les citoyens qui n'auront pas voté par leur profession se réuniront le. et choisiront quatre électeurs par cent votants.

2

Ces électeurs réunis nommeront Un député pour chaque profession pris parmi ceux qui l'exercent.

20 Un député par mille citoyens.

1. A. M. Seyssins à Troyes. Champagne.


30 Six députés pour le clergé pris parmi lès curés ordinaires.

3

Pour la première fois, ils choisiront dans la liste des cinq cents plus imposés de la ville cent personnes, comme candidats à la Pairie.

4

Le souverain nommera cinquante pairs héréditaires parmi ces cent candidats. 5

La chambre des Pairs ainsi formée, la chambre des Députés et le commissaire nommé par le souverain pour le représenter formeront les lois. La loi pourra être proposée par chacune des trois parties de la législature.

Les chambres s'assembleront de plein droit le 1er décembre de chaque année. Le souverain peut dissoudre le Parlement. Les élections ont lieu dans le mois, et le 80e jour après la cassation, le nouveau Parlement commence ses séances de plein


droit. Les impôts ne peuvent être votés pour plus de 366 jours.

6

Des lois prescriront la mise en activité de la liberté de la presse,

de la liberté individuelle,

des jurés,

de l'inviolabilité des membres du Parlement,

de la liberté des cultes,

de la responsabilité des ministres. Les prisons organisées comme à Philadelphie

La gendarmerie et la répression de la mendicité

L'abolition de la confiscation des biens. 7

Tous les règlements quelconques en vigueur à M* cesseront de plein droit trois cents jours après l'ouverture du premier Parlement qui les refera par des lois et réglera toute l'administration de la ville. 8

L'évêque sera pair de droit. Le souve-


rain ne pourra nommer que deux pairs chaque année.

On parle sans cesse (en France) des moyens de faire fleurir les villes voici la recette.


PROJET D'UN COLLÈGE DES PAIRS



Ce projet paraît avoir beaucoup préoccupé Stendhal qui en a laissé dans ses brouillons plusieurs ébauches, notamment dans les manuscrils de la bibliothèque de Grenoble cotés R. 5896, tome 2, et R. 292. Ces ébauches sont datées du 24 mai 1814 el du 4 mai 1817.

M. Louis Royer en a publié le premier une copie en ordre en appendice à son édition de Napoléon, chez Champion, 1929.



COLLÈGE DES PAIRS

I. COLLÈGE DES PAIRS

E collège établi à Paris avec les CE règlements de l'Ecole polytechnique en 1800.

On y entrera par examen. Nul ne sera admis aux examens si son père ne lui fait 1.500 francs de rente.

Ces élèves nommeront leurs sous-officiers tous les mois pairs. Tous les mois impairs ce sera l'administration de l'école.

L'administration de l'école sera formée de Pairs.

Le Gouvernement aura le pouvoir exécutif. Un conseil de sept Pairs sera la chambre haute. Un conseil formé de professeurs et d'élèves élus par leurs camarades fera la chambre des Communes. Chaque département présente dix candidats pris parmi les cinquante plus riches. Parmi ces huit cent soixante candidats le roi nomme cent cinquante pairs.

Plus, il nomme soixante pairs (les gens de mérite désignés plus haut pour


le conseil d'état, plus de conseil d'état). Tout pair, docteur au Collège des Pairs, prend séance à vingt et un ans, sinon à trente.

Tout fils aîné de Pair docteur, assistera aux séances et pourra porter le titre immédiatement inférieur à celui de son père, ce qui est défendu à tout autre.

Nul fils de Pair ne prend séance s'il ne prouve cinquante mille francs de rente. Tout Pair militaire ne prend séance qu'autant qu'il est Lieutenant général. Tout docteur au collège des Pairs sera éligible à la chambre des Députés, quelle que soit sa fortune. Il sera éligible dès 1 âge de vingt-cinq ans.

PROFESSEURS

On enseignera

Tracy, Say, Montesquieu, Delolme, Helvétius.

Volney leçons d'hisloire.

Hume, Robertson, Gibbon, Machiavel, Mably, Thouret, Voltaire Essai sur les mœurs, Macaulay, le Dr. Henri.

Legendre et Clairvaut. La langue anglaise. La constitution de France.


II. PROJET D'UN COLLÈGE DES PAIRS ORDONNANCE DU ROI

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre à tous ceux qui les présentes verront, salut.

Les malheurs de nos dissensions civiles ayant ôté à une partie des membres de notre noblesse les moyens de donner une éducation libérale à leurs enfants, nous avons pensé que l'usage le plus utile que nous puissions faire des fonds annuels mis à notre disposition par la nation, était de réparer autant qu'il est en nous, les malheurs de l'éducation.

En conséquence nous avons ordonné et ordonnons ce qui suit

TITRE I

Dispositions Générales

ARTICLE PREMIER

Le Collège royal fondé par le roi François 1er, notre prédécesseur de glorieuse mémoire, prendra le titre de Collège royal des Pairs de France.


ARTICLE II

Ce collège est transporté dans les bâtiments de l'École militaire où seront disposés des logements pour le président et les professeurs, des salles d étude et des dortoirs pouvant loger d'une manière saine 400 élèves.

ARTICLE III

La somme nécessaire à l'entretien du collège des Pairs formera le premier article du budget présenté chaque année à nos fidèles Communes pour les dépenses de l'année suivante.

TITRE II

Du Présidenl et des Professeurs ARTICLE IV

Le collège sera dirigé par un président choisi par nous parmi les Pairs du royaume. La place de président sera possédée sans appointements. Ce président jouira des grandes entrées, pourra se retirer par


devers nous pour nous rendre compte de l'état du collège toutes les fois qu'il le jugera utile. Il aura le rang et les prérogatives des ministres. Au bout de dix ans d'exercice il sera de droit ministre d'Etat. Le président du collège des Pairs ne pourra être destitué qu'en vertu d'une accusation portée par la chambre des Communes devant la chambre des Pairs et du jugement de cette dernière chambre. Le président sera de droit à la tête de toutes les députations des élèves. Il ne pourra être remplacé dans ses fonctions que par un autre pair désigné par le roi. Pour tout ce qui est économie intérieure, le président sera sous les ordres du chancelier de France. Pour le personnel, le président prendra directement les ordres du roi.

Chaque année, dans la dernière semaine du mois d'août, le président, accompagné des membres du conseil de perfectionnement, fera au roi, en présence du chancelier, un rapport sur l'état du collège des Pairs et sur les améliorations possibles.

Le président nommera tous les agents de l'administration intérieure du collège qui sera dirigé par un intendant.


ARTICLE V

Il y aura trente professeurs au collège des Pairs. Après la première nomination, chaque place sera donnée au concours et à la suite d'examens. Ces examens seront jugés par le président, quatre professeurs et deux membres de l'Institut désignés par nous. Ces places seront à vie. Le président nous proposera la nomination du candidat qui, par ses mœurs et son instruction, aura été jugé le plus digne d'accepter la place vacante.

ARTICLE VI

Les professeurs du collège des Pairs auront un traitement fixe de 5.000 francs par an. De plus, à la fin de chaque année d'études, il sera distribué parmi les trente professeurs une somme de 150.000 francs. Un professeur ne pourra être révoqué que sur la demande du président, provoquée par une pétition signée d'au moins quinze professeurs.

ARTICLE VII

Il v aura un conseil de perfectionnement de l'école semblable à celui qui existait


à l'Ecole polytechnique en 1802. Tout le régime intérieur sera institué par un règlement d'après ce qui existait à l'École polytechnique en 1802.

ARTICLE VIII

Si les besoins de l'instruction l'exigent, le président nommera des répétiteurs révocables par lui, qui jouiront de 3.000 francs, habiteront et mangeront avec les élèves. ARTICLE IX

Les trente professeurs royaux enseigneront

1. L'Arithmétique et l'Algèbre de Clairaut, 2 vol. in-8°

La Géométrie de Legendre

Le calcul des probabilités

Tous les calculs d'intérêts simples et composés.

2. L'Idéologie de Tracy.

3. L'histoire d'Angleterre en général et plus particulièrement l'histoire d'Angleterre depuis l'an 1600 jusqu'à la mort du roi d'Angleterre dernier décédé. Ils emploieront principalement les ouvrages de Hume, Henry, Dalrimple, Burnet, Bolingbrocke.


4. L'Examen de la Constitution anglaise par Delolme.

Les Commenlaires de Blackstone. Les ouvrages de Jérémie Bentham. 5. Les ouvrages de Montesquieu. L'économie politique d'après Adam Smith, Malthus, Say, etc.

g, L'histoire de France en général et particulièrement l'histoire de notre patrie depuis 1715 jusqu'à l'an 1814. Les codes civils, criminels, de commerce et de cassation.

7. Ils donneront aux élèves une description étendue des constitutions des États-Unis d'Amérique, de la Hollande et en général de tous les gouvernements existants.

TITRE III

Des Elèves

ARTICLE X

Les élèves seront reçus d'après des examens qui auront lieu chaque année dans douze villes du royaume, pendant les mois de septembre et d'octobre, temps des vacances du collège des Pairs. Les examens seront jugés par un jury composé


de trois membres désignés parmi tous les Français, les professeurs exceptés. ARTICLE XI

Seront admis chaque année les élèves qui auront satisfait le plus complètement aux conditions suivantes

CONDITIONS DE RIGUEUR. Pour être admis au collège des Pairs il faut avoir plus de 14 ans et moins de 19 être fils ou petit-fils d'un Pair du royaume ou justifier par-devant le généalogiste de France qu'on descend par les mâles d'un gentilhomme considéré comme tel en l'an 1600 (si l'on peut, mettre 1500). CONDITIONS MORALES. 1° II faut traduire de la langue latine, d'une manière satisfaisante, quelques passages de Tite-Live. 2° Savoir l'arithmétique et l'algèbre jusqu'aux équations du deuxième degré inclusivement, les deux premiers livres de la Géornélrie de Legendre, la Statique de Monge.

3° Connaître la vie des grands hommes de Plutarque l'histoire d'Angleterre de l'an (l'avènement de Charles 1er) jusqu'à l'an 1713.

Avoir une connaissance suffisante de l'ouvrage de Delolme.


Savoir l'histoire de France, particulièrement celle des événements arrivés depuis 1780 jusqu'à l'an 1814.

4° Connaître l'ouvrage de Say sur l'économie politique.

Le candidat sera tenu de transcrire de mémoire devant l'examinateur au moins dix articles de la constitution d'une écriture lisible et bien formée.

60 Il présentera une tête dessinée par lui d'après Raphaël.

7° Il expliquera quelques pages du livre anglais intitulé Lettres d'un père d son fils sur l'histoire d'Angleterre, attribué au lord Littleton.

La liste et les numéros des élèves admis seront imprimés chaque année au Journal Officiel dans les huit jours qui suivent la décision du jury d'examen.

ARTICLE XII

Les élèves seront nourris, habillés, instruits aux frais de l'État. Le cours d'études des élèves du collège des Pairs sera divisé en quatre années. Les élèves pourront obtenir le titre de docteur du collège des Pairs d'après un examen qui devra prouver que l'élève a une connaissance raisonnée et approfondie de la constitution de notre


patrie, de la constitution d'Angleterre, du droit politique, du droit des citoyens en France, de l'économie politique des époques désignées ci-dessus, de l'histoire de France et d Angleterre, de ce qui forme les vertus du citoyen français, des parties des mathématiques nommées ci-dessus, des langues latine, française et anglaise. Les élèves devront prouver qu'ils sont en état de parler en public d'une manière nette et intelligible. Les listes des docteurs promus seront insérées chaque année avec leur numéro d'ordre dans le Journal Officiel et dans l'Almanach royal. ARTICLE XIII

L'élève qui n'aura pas été jugé digne du titre de docteur pourra passer encore une année à l'école, après laquelle, s'il n'était pas admis, il sortira et laissera la place à un sujet plus digne.


TITRE [IV]

De la police du Collège

ARTICLE [XIV]

Les élèves auront un costume civil bleu, boutonné sur la poitrine, collet et parements de velours bleu, chapeau à trois cornes avec cocarde blanche, épée droite. L'élève héritier immédiat d'un pair, aura, sur le collet de son habit, un brandebourg brodé en or.

ARTICLE [XV]

A l'entrée de chaque élève au collège, ses parents remettront il l'économe du collège un trousseau dont la composition sera indiquée par le président., de manière à ne pas excéder une valeur de vingt quintaux de blé froment (600 francs en 1814). ARTICLE [XVI]

Chaque année les parents des élèves feront verser à la caisse du collège une somme égale à la valeur de 15 quintaux


de blé froment (450 francs en 1814) pour argent de poche des élèves.

ARTICLE [XVII]

Les élèves travailleront au moins dix heures par jour pendant dix mois de l'année. Les vacances auront lieu en septembre et octobre. Le dimanche, le travail sera diminué ainsi que le jeudi. Ces deux jours les élèves feront une promenade de deux lieues au moins qui aura lieu quelque temps qu'il fasse etdont on ne sera exempté que sur l'avis du médecin. Chaque jour, pendant une heure, les élèves auront des leçons de maniement des armes, d'escrime, de tir au pistolet, de nage et de musique. La distribution de ces leçons sera indiquée par un règlement. Chaque jour les élèves iront à la promenade.

ARTICLE [XVIII]

Les élèves subiront au moins deux examens par an, savoir le premier, le 15 mars, et le deuxième, à la fin de l'année d'étude. Ils seront tenus de rapporter après deux mois de vacances un travail écrit de leur main et composant au moins cent pages sur le sujet indiqué à chacun


par les professeurs. Ces cahiers seront soumis au jugement d'un jury et des prix décernés aux meilleurs.

ARTICLE [XIX]

Les élèves seront exercés à parler en public, à discuter, à prononcer des discours improvisés et écrits. Ces exercices auront lieu au moins deux fois par mois dans les trois premières années du cours d'étude et six fois par mois la dernière année. Tous les élèves devront parler à leur tour et pendant le même nombre de minutes. Nul ne sera exempté que par l'ordonnance du médecin du collège. ARTICLE [XX]

Chaque classe aura une croix en argent de la même forme que la croix de SaintLouis elle sera suspendue à un ruban ponceau. Il y aura deux croix pour chacune des parties d'instruction désignées ci-dessus en l'article [XII]. Ces croix seront portées par les plus dignes ou déposées' chez le président quand aucun des élèves ne les aura méritées. Tous les samedis les élèves étant rassemblés par ordre de


science, on composera pour obtenir ces croix.

ARTICLE [XXI]

Le premier et le troisième dimanche de chaque mois, le roi n'étant pas à plus detrente lieues de Paris, une députation des élèves du collège des Pairs sera admise à son dîner. Il y aura un député pour cent élèves.

ARTICLE [XXII]

Ces députés seront nommés par les élèves au scrutin secret, 48 heures avant celle de la réception par le roi. De plus, un élève, tiré au sort parmi ceux qui auront eu la croix au moins deux fois par an, depuis leur entrée au collège, fera partie de a députation.

ARTICLE [XXIII]

Chaque année, le jour de Saint-Louis, les élèves et les professeurs prêteront serment de fidélité au roi et à la constitution. Ce serment sera prêté individuellement par les élèves nouvellement admis, qui, ce jour-là, porteront un ruban blanc autour


du bras gauche. Ce serment sera prêté d'une manière solennelle, après une messe dite sous une tente élevée par les élèves au milieu du Champ-de-Mars. Pendant le serment, 101 coups de canon seront tirés par une députation des élèves de l'École polytechnique. Le serment sera prêté au moment précis du lever du soleil. Les élèves auront congé ce jour-là et des places aux spectacles. Une députation de cent membres nommés au Champ-deMars, après le serment, aura l'honneur de saluer le roi.

ARTICLE [XXIV]

Une fois par semaine, pendant la session de la chambre des Communes, tous les élèves ayant les croix assisteront aux débats des deux chambres. Dix élèves désignés par le sort parmi les autres seront adjoints aux premiers.

ARTICLE [XXV]

Le premier duel sera puni de deux jours d'arrêts le second de six mois de prison dans une solitude plus ou moins complète le troisième de deux ans, dont deux jours par semaine dans l'obscurité, et,


après l'anniversaire du jour auquel le duel aura eu lieu, l'élève sera, trente jours de suite, nourri au pain et à l'eau. ARTICLE [XXVI]

A la fin de chaque année, le roi daigne accorder dix sous-préfectures et dix souslieutenances aux élèves qui auront le mieux satisfait aux examens.

ARTICLE [XXVII]

Les princes de la famille royale qui ne seront pas docteurs du collège des Pairs, éprouveront un retard de deux ans dans toutes les grâces que les anciens usages de la monarchie les mettent en droit d'espérer. ARTICLE [XXVIII]

Le Dauphin, dès l'âge de douze ans, aura pour menins, des élèves pris au collège des Pairs et après examen public. Le Dauphin, âgé de 18 ans, aura douze menins choisis par examen parmi les docteurs du collège des Pairs âgés de seize ans au moins et de vingt ans au plus.


ARTICLE [XXIX]

Une députation de dix élèves choisis au scrutin secret par leurs camarades assistera à toutes les fêtes solennelles données dans la résidence du roi. ARTICLE [XXX]

Une députation de cent élèves choisis de même assistera à l'ouverture annuelle de la chambre des Communes.

ARTICLE [XXXI]

Chaque jour de l'année il sera accordé demi-heure à chaque élève pour lire les journaux le collège recevra tous les journaux sans aucune exception.

ARTICLE [XXXII]

Tous les jours pendant le dîner, un élève lira à haute voix les articles officiels du Journal Officiel.


ARTICLE [XXXIII]

Chaque année, les élèves réunis le premier dimanche après l'ouverture du collège en assemblée générale sous la présidence du plus ancien d'âge, nommeront au scrutin secret trois administrateurs. Cette nomination terminée, un quatrième administrateur sera tiré au sort parmi tous les élèves présents.

ARTICLE [XXXIV]

Ces quatre administrateurs devront signer tous les actes d'administration intérieure du président s'ils croient devoir refuser leur signature, ils énonceront leurs motifs sur le registre même et à la page où leur signature eût dû se trouver.

ARTICLE [XXXV]

A la même assemblée seront élus de même trois juges au scrutin secret et un quatrième désigné par le sort. Ces quatre juges devront, pendant le cours de l'année, signer tous les ordres de police intérieure du président s'ils refusent de signer, ils seront tenus d'énoncer leurs motifs.


ARTICLE [XXXVI]

A la même assemblée seront élus1 six conservateurs des lois du collège trois autres conservateurs seront désignés par le sort. Ces neuf conservateurs, à la majorité de cinq contre quatre, dénonceront les abus au président, et si, après quinze jours ils n'ont pas de réponse satisfaisante, ils pourront écrire au roi mais cette lettre devra être signée par sept conservateurs sur les neuf.

ARTICLE [XXXVII]

Sur la demande signée de plus de cent élèves, l'assemblée générale des élèves sera convoquée dans les huit jours qui suivent la présentation de la demande au président. Elle sera convoquée pour un dimanche éloigné au moins de quinze jours de celui de la date de la demande, et au plus de vingt-cinq jours.

ARTICLE [XXXVIII]

L'assemblée générale extraordinaire réu1. TI n'y a pas de trouble à craindre ce serait une tempête dans un verre d'eau.


me sous la présidence de l'ancien d'âge, prendra pour secrétaires les quatre plus jeunes élèves et pour scrutateurs les quatre plus âgés après le président.

Elle nommera au scrutin secret le président et les secrétaires les quatre scrutateurs seront tirés au sort parmi tous les élèves, le président et les quatre secrétaires comptés.

ARTICLE [XXXIX]

L'assemblée extraordinaire devra terminer toutes ses opérations en six heures de séance, après quoi elle sera dissoute de droit.

ARTICLE [XL]

Un seul registre coté et paraphé par le président et les quatre élèves les plus âgés recevra chaque année tous les actes des assemblées quelconques du collège des Pairs.

NOTA. Le roi proposera une modification à la constitution par laquelle il sera ordonné que tout successeur d un pair qui, au moment de succéder à son titre, n'aura pas celui de docteur au collège des Pairs,


souffrira un retard de 24 mois dans sa réception. (Je suppose qu'on ne pourra être pair qu'après dix-huit ans.)

S'il a plus de trente ans, il devra, outre le titre de docteur, avoir exercé deux ans les fonctions de sous-préfet ou passé trente-six mois comme officier dans la garnison d'un régiment. Le manque de cette seconde condition causera un retard d'autres deux années dans la réception du pair qui n'y aurait pas satisfait. Louis, etc. avons nommé et nommons par les présentes le comte de pair de France, président du collège des Pairs. 2° Il nous présentera dans un délai de deux mois la liste des professeurs à nommer.

30 Pour cette fois seulement ils ne seront nommés que pour deux ans.

40 Le collège des Pairs ouvrira au plus tard dans quatre mois.


SUR NAPOLÉON



Ces pages sur Napoléon ont été écrites de 1815 à 1817. Ce sont des notes destinées à entrer dans cette vie du grand Empereur que Beyle commença environ ces années. On les trouve dans les manuscrits de Grenoble R. 292 et au tome 7 de R. 5896. M. Louis Royer les a publiées en appendice à son édition de Napoléon.



SUR NAPOLÉON

I. PORTRAIT DE NAPOLÉON

FAIT PAR DOMINIQUE EN 1815,

APPROUVÉ EN MARS 1817

PERSONNE ne s'avise de dire à un coureur qui a fait trente lieues dans un jour brûlant et qui a manqué le but, faute d'avoir pu marcher le dernier mille Vous allez comme une tortue » Voilà ce que tout le monde crie à Napoléon. La fatigue morale n'est-elle donc rien ? Mais c'est que le vulgaire ne voit pas ce qui est moral.

Calcul fait des décrets signés par Napoléon chaque jour de sa vie, du 19 brumaire au 11 avril 1814, cela va à 31 ou 32, non compris les acceptations pour les hôpitaux. Il signait en marge 20 ou 30 rapports. Les décrets avaient dix ou douze articles les rapports cinq ou six pages. Tel décret avait quatre-vingts articles et lui était présenté quatre fois avant qu'il le signât. Un homme qui ne faisait qu'enregistrer les décrets à la Secrétairerie d'État était ren-


du de fatigue au bout de la journée et cela treize ans de suite.

Il ne travaillait légèrement qu'à l'armée. Quelquefois, malgré le café et le galop, il était rendu alors, par caractère, il s'ordonnait d'aller.

S'il avait pu douter de soi, hésiter, demander des-conseils sur l'Espagne par exemple, à Moscou pour s'en aller à temps, il n'eût plus pu avoir cette volonté immuable qui ne peut venir que d'une extrême confiance en soi. Il aurait pu douter de ce qu'il exécutait. Quand les hommes voudront-ils s'abaisser à comprendre qu'une bouteille ne peut pas être pleine en même temps de vin de Champagne et de Suresnes ? Il faut choisir.

Il. PORTRAITS

Presque tous ceux que j'ai vus de lui sont des caricatures. Beaucoup de peintres lui ont donné les yeux inspirés d'un poète. Ces yeux-là ne vont pas avec l'étonnante capacité d'attention qui est le caractère de son génie. Il me semble que ces yeux expriment un homme qui vient de perdre ses idées ou un homme qui vient d'avoir la Vue d'une image sublime. Sa figure était belle, quelquefois sublime, mais


c'était parce qu'elle était tranquille. Ses yeux seuls avaient des mouvements rapides et beaucoup de vivacité. II souriait souvent, ne riait jamais. Je l'ai vu une seule fois transporté de plaisir; ce fut après avoir entendu Crescentini chanter l'air Ombra adorala aspetta. Les moins mauvais portraits sont de Robert Lefèvre et de Chaudet les plus mauvais de David et de Canova.

III. MORCEAUX TRADUITS DE WARDEN A INSÉRER DANS L'HISTOIRE

PERSONNE DE NAPOLÉON

Son front est recouvert par des cheveux obscurs et clairsemés il en est de même du sommet de sa tête qui est fort grosse et qui, par en haut, a une forme absolument plate. Les cheveux qu'il a par derrière sont touffus je ne pus pas distinguer le moindre cheveu blanc. Ses yeux, qui sont gris, sont dans un mouvement continuel et se portent rapidement sur tous les objets qui l'entourent; il a les dents blanches et régulières son cou est court, mais ses épaules sont de la plus belle proportion le reste de sa personne, quoique chargé d'un embonpoint hol-


landais, est d'une forme très agréable. Sa figure est singulière, grosse, pleine et pâle, mais non pas pâleur de malade. Dans le courant de la conversation, les muscles éprouvent peu ou pas de mouvement à l'exception de ceux qui sont dans le voisinage immédiat de la bouche, ils semblent tous fixés dans leur position la ligne du front est remarquable en ce que l'on n'y aperçoit pas une seule ride. Le front d'un Français est en général tourmenté par suite de l'exercice habituel des muscles de la face, ce que nous appelons grimace mais quelque intérêt que Napoléon mette dans sa conversation, il ne donne jamais aucun mouvement à ses muscles. Quand il cherche à donner de la force à ce qu'il dit; il emploie quelquefois un mouvement de la main, mais rien de plus. Il sourit quelquefois, mais je crois qu'il rit rarement.

L'intérêt singulier qui s'attache aux premières actions de ce grand homme fera passer, j'espère, sur la sécheresse de quelques détails militaires. Je les ai abrégés le plus possible si je les eusse réduits davantage, les actions de guerre n'auraient plus conservé leur physionomie


et il me semble que cette physionomie reflète celle du grand général dont nous suivons les premiers pas. Je me garderai bien d'entrer dans autant de détails lors des guerres de l'Empire.

Je me rappelle avoir lu avec intérêt dans mon enfance les voyages de Cook. Quand je trouvais des détails nautiques trop longs, je sautais une demi-page ou une page c'est un conseil que je donnerais à ceux des lecteurs qui trouveraient trop longs les détails d'Arcole ou de Rivoli.

Dominique ne peut espérer que l'intérêt résultant de la narration. Son cœur lui dit ce qu'il y a à prendre dans un mauvais livre comme Bourrienne ou Rovigo. Il hait le ton dogmatique. Ce ton, d'ailleurs, serait déplacé dans un temps de partis et de méfiance.



M. DE TALLEYRAND



C'est à Marseille les 24 et 25 mai 1838, que Beyle, ayant lu dans les Débats du 21 mai l'annonce de la mort de Talleyrand, écrivil cette courte notice, bientôt abandonnée. On en trouve le manuscrit à la bibliothèque de Grenoble sous la cote R. 303. M. Louis Royer a publié ces pages dans le Figaro du 2 janvier 1926, puis en appendice de son édition de Napoléon chez Champion.



M. DE TALLEYRAND

M. DE TALLEYRAND 1 était un homme d'infiniment d'esprit qui man-

quait toujours d'argent. En ce sens, c'était un vrai grand seigneur; il n'avait aucun ordre dans ses affaires, aucune prudence.

Homme très fin, sans illusions et sans passion aucune, autre que celle de tenir une grande maison et de vivre en homme de haute extraction, il eut de grands avantages sur les hommes passionnés et peu élégants qui avaient fait la Révolution. Remarquez que M. de Talleyrand n'eut affaire sérieusement à ces gens-là que quand ils se furent vendus à l'Empereur. M. de Talleyrand n'eût peutêtre pas su prendre un pareil ton de supériorité envers les Danton, les Sieyès, les Carnot. Mais comment était rempli le Conseil d'État en 1802, 4, 6 ? D'hommes qui avaient changé leurs convictions et qui, plus tard, se laissaient faire comtes. 1. Par impatience des grandes phrases des Débats. Made, jeudi, une page. Vendredi matin le reste.


C'est avec ces gens-là que M. de Talleyrand eut à traiter de 1800 jusqu'à l'époque de sa disgrâce. Il les voyait venir d'une lieue. Un instant, il avait fait la cour à Barras, mais Barras était grand seigneur et avait des airs de bonne compagnie, ce qui consolait M. de Talleyrand. D'ailleurs, Barras, fort incapable, avait besoin de l'esprit de M. de Talleyrand et le comprenait. Je me souviens qu'un général en faveur au palais des Tuileries eut occasion d'aller chez M. de Talleyrand. Il le trouva qui se faisait coiffer à la fois par deux valets de chambre chacun s'occupait d'un des côtés de cette bonne tête. Le général fut même un peu couvert de poudre, mais il ne le trouva point mauvais, tant était grand en France 1 empire des grandes manières. En deux heures, tout l'intérieur des Tuileries fut rempli du récit de la toilette du Prince. Sa considération s'en augmenta. D'ailleurs, à quoi bon le dissimuler ? Il y avait du parvenu dans Napoléon. Il écoutait M. de Talleyrand d'une tout autre façon que les Crétet, les Defermon, les Regnault de Saint-Jean-d'Angély, les aigles de son Conseil d'Étàt, alors le corps influent. Napoléon voulant se faire roi et ne pas être ridicule, savait que M. de Talleyrand lui dirait des choses pour éviter ce grand écueil que lui, Napoléon, ne


pouvait deviner et qu'il pouvait encore bien moins demander aux petites gens qui dirigeaient tous les ministères.

M. de Talleyrand fortifiait son empire plutôt par des paroles que par des actions et plutôt par des façons de grand seigneur que par des mots.

Un jour d'été, Napoléon, alors au comble de sa puissance, travaillait sous l'ombre des grands arbres du parc réservé de SaintCloud. Tous les ministres étaient arrivés de Paris à Saint-Cloud et ils venaient successivement apporter leur portefeuille sur la petite table de jeu que Napoléon avait fait placer dans la partie la plus sombre de l'allée. Il demanda plusieurs fois M. de Talleyrand, chargé d'une affaire particulière. Enfin tous les ministres expédiés, M. de Talleyrand n'arrivait point. On avait apporté de fort belles cerises à l'Empereur qui les mangeait en colère. Enfin, M. de Talleyrand paraît en boitant à l'extrémité de l'allée. Napoléon regardait avec des yeux furieux. Le Prince fait trois saluts

Vous m'avez fait attendre, Monsieur. M. de Talleyrand salue, puis, s'approchant tout à fait de la table de jeu, prend une cerise

Sire, Votre Majesté a les plus belles cerises de son Empire.


Ce qui diminue le prix de cette hardiesse, c'est que si l'Empereur se fût fâché, M. de Talleyrand, lui, ne se serait pas fâché. Il n'était point autrement sensible aux insultes.

Toutes les grandes phrases que l'on bâtit à Paris sur le grand caractère, sur les projets, sur la croyance politique de M. de Talleyrand portent à faux et sont faites par des gens qui ne l'ont point pratiqué. M. de Talleyrand ayant habituellement besoin d'argent, tirait parti de toutes les circonstances pour être employé, et avait de l'argent.

Exilé au milieu de ces bêtes féroces, de ces petites gens qu'à son grand étonnement il voyait remplir les Tuileries, il n'avait qu'un but, se faire une position passable au milieu de ces êtres dangereux. Et sans la faiblesse du duc de Rovigo qui se laissait éblouir par les grandes façons du Prince, il eût été arrêté en 1814, avant la prise de Paris, et son élégance eût fini par être dominée par leur énergie. Mais, à cette époque, Napoléon ne voulait déjà plus des hommes énergiques.

Le suprême bonheur de M. de Talleyrand, après celui de réunir un million et de le dépenser, était celui de mystifier les petites gens. Ainsi, dans les premiers mois du Consulat, il persuadait à Napo-


Iéon que le peuple de Paris ne reconnaît pour roi que le souverain qu'il voit chasser. M. de Talleyrand, partant de cette idée qu'il avait su cultiver, parvint à donner à Napoléon une chasse au sanglier dans le bois de Vincennes. Ces sangliers étaient des cochons qu'on avait laissés deux jours sans leur donner à manger pour les rendre féroces. Loin de prendre la fuite et de se mettre en défense contre les chevaux, quand ces pauvres bêtes entendirent du bruit, elles crurent qu'on leur apportait enfin à manger et se jetèrent au-devant des épieux. Outre les sangliers, on avait rempli le bois de lapins domestiques qui, mourant de faim, s'approchaient en sautant et se livraient aux coups de fusil. Si jamais Napoléon a été ridicule, ce fut ce jour-là. M. de Talleyrand était au comble de la joie. Elle était augmentée par la nécessité où il était de parler sans cesse à Napoléon afin qu'il ne s'avisât point de prendre le mauvais côté de la chose.

D'autres raconteront comme quoi Napoléon, arrivant au pouvoir le 19 brumaire, trouva ridicule que la France reçût chaque mois de l'Espagne une avance d'un million. Il voulait écrire sur-le-champ au roi d'Espagne pour renoncer à ce tribut. Mais la lettre d'un homme tel que le


général Bonaparte constatera la chose pour la postérité.

Vous avez raison parlez à l'ambassadeur d'Espagne.

Les méchants ont prétendu que la générosité ne fut annoncée qu'à demi, et le million par mois, qu'on paya toujours, fut partagé entre qui de droit.

M. de Talleyrand n'a donc eu aucun plan, aucune grande aspiration. Mais comme il portait dans la politique l'extrême finesse avec laquelle il gagnait sa vie, il s'aperçut facilement que 1 alliance anglaise était la seule convenable pour la France.

L'adresse de M. de Talleyrand ne l'a réellement conduit à de grandes choses qu'à Vienne, lorsque, avant Waterloo, il empêcha les rois de l'Europe de prendre peur et les força à marcher vite et à ne pas laisser d l'homme le temps de' s'établir. Plus tard, il s'est vengé avec esprit de Charles X.

Il n'était pas l'auteur de ses bons mots. On mettait sur son compte ceux que Paris produit toujours et il ne les adoptait qu'après deux ou trois jours, quand leur succès était assuré. Il n'y a qu'un Français de plus, mot fait pour le comte d'Artois, et dont ce prince fut sur le point de se fâcher, n'est pas du Prince, mais


d'un homme d'esprit auquel le Prince l'avait commandé.

A son manque d'argent près qui pouvait le conduire à tout, M. de Talleyrand était obligeant il avait une rare coquetterie, même avec les subalternes. Se fûtil trouvé seul dans un passage avec un domestique, il cherchait à le flatter et à l'étonner.

Le mauvais côté moral de cette longue vie de Scapin, c'est que maintenant, dès qu'un employé vole cent louis, au lieu de voir les galères en perspective, il dit « Bon, j'imite M. de Talleyrand1. » UN ANCIEN OFFICIER.

1. Par indignation des grandes phrases. Made, the first page the 24 au soir mourant de fatigue et l'esprit plein de Dolorès Serai Le reste de 10 à 11. Dicté de midi à 1 h. ½ le 25 mai 1838.

*Stendhal venait de voir, à Marseille, où il se trouvait, les danses espagnoles de Dolorès Seral. N. D. L. E.



PROPOSITIONS

DE LOI SUR LE DUEL



Ces deux propositions de loi sur le duel se trouvent la première dans les manuscrils de la bibliothèque de Grenoble cotés R. 5896, tome 5, page 176 la seconde dans la Correspondance de Stendhal. La première n'est pas datée. Elle semble bien n'avoir été qu'une ébauche préparatoire de la suivante qui porte la date du 1er seplembre 1816. Si l'indication du lieu est de fantaisie, puisque Beyle se trouvait alors d Milan, du moins peul-on admettre provisoirement que ces deux fantaisies sont de celle époque.



PROPOSITIONS

DE LOI SUR LE DUEL I

M.

PERMETTEZ à un vieux malheureux qui vient de perdre un neveu, son unique appui, par la main d'un duelliste, de vous demander l'insertion de ces lignes.

Proposition de loi

ART. I. Le duel sera jugé comme le meurtre.

ART. II. Le premier duel sera puni de dix jours de prison au secret.

ART. III. Le second duel sera puni de six mois de prison au secret le troi-


sième d'un an le quatrième de deux ans le cinquième de quatre ans le sixième de huit ans le septième de vingt ans. Le duelliste convaincu d'un huitième duel sera fusillé.

ART. IV. Les peines seront doubles pour les duels pour causes politiques. Le cinquième duel politique sera puni de mort.

ART. V. Un duelliste convaincu de s'être battu pour un autre et par un motif pécuniaire subira sa détention aux galères. ART. VI. Les témoins d'un duel suivi de mort seront punis d'une détention au secret qui ne pourra être moindre de dix jours.

FIN

Nota. Il faudrait établir une prison punissant par l'ennui, d'après le système de Bentham. Un homme d'esprit se résout à la prison, une âme exaltée brave la chance de la mort. Ces gens-là auront peur de douze mois de prison passés dans une obscurité complète. On pourrait accorder aux duellistes la lumière une heure par jour, et pour unique livre Plutarque qui montre qu on peut être brave sans duel.


II

Des environs de Nantes, le 1er septembre 1816 Monsieur 1,

Je désirerais que vous voulussiez bien proposer aux Chambres la loi suivante. Vous excuserez ce que ma lettre peut avoir d'inconvenant, quand j'aurai fait l'aveu que celui qui se donne l'honneur de vous écrire vient de perdre son unique appui, un neveu de dix-huit ans, jeune homme des mœurs les plus pures, par la main d'un duelliste, très habile escrimeur, et dont c'est le cinquième duel au moins. François DURAND.

LOI

ARTICLE PREMIER. Les Cours royales informeront du duel, comme des autres délits.

1. La lettre suivante paraît avoir été adressée à M. Dupin aîné. Cette horreur de Beyle pour le duel est chose d'autant plus remarquable qu'il en avait eu deux ou trois, et qu'il était plein de bravoure. (Note de Romain Colomb.)


ART. 2. Le duel sera jugé par le jury 1. ART. 3. Le duel sera puni par la prison. La détention sera accompagnée du secret absolu 2, sans papier, sans écritoire. La nuit, le détenu n'aura pas de lumière. Pendant le jour, il sera tenu dans une profonde obscurité. Chaque jour, il aura une heure de promenade le matin et une heure le soir. Il sera privé de toute conversation. Il sera également privé de toute liqueur fermentée et tenu au régime végétal. Il ne pourra avoir d'autre livre que Tite-Live 3.

ART. 4. Le premier duel sera puni de huit jours de prison s'il y a mort, de trois mois.

Le deuxième, de trois mois de prison s'il y a mort, de dix mois.

Le troisième, de un an de prison s'il y a mort, de deux ans.

Le quatrième, de quatre ans de prison s'il y a mort, de huit ans.

Le cinquième, de huit ans de prison s'il y a mort, de seize ans.

1. Indispensable pour l'effet moral. Il s'agit de corriger les jurés eux-mêmes, considération étrangère aux autres crimes. 2. Nécessaire, puisqu'on veut punir par l'ennui. Voir la Panoptique de MM. Jérémie Bentham et Dumont. 3. Pour montrer aux jeunes têtes qu'on peut être brave sans duel. L'ennui de la première détention préviendra le second duel.


ART. 5. Les membres des deux Chambres qui auront des duels entre eux seront également jugés par le jury. Si le duel n'a pas eu de motifs politiques, ils subiront les peines portées par l'article 4. Si le duel a eu des motifs politiques, l'agresseur sera condamné à une amende de quinze mille francs au moins et de soixante mille au plus.

ART. 6. Tout homme qui, à la suite de différends politiques, aura un duel avec un maire ou un membre d'une des deux Chambres, sera puni ainsi qu'il est statué en l'art. 4 et de plus, sera condamné à une amende de dix mille francs au moins et de quarante mille francs au plus 1. ART. 7. Tout homme qui sera convaincu de s'être battu à prix d'argent, ou par des motifs vénaux, pour une querelle à lui étrangère, sera condamné à une détention qui ne pourra être moindre de six ans, ni excéder vingt ans. S'il a tué son adversaire, il sera condamné à dix ans de fers et à la flétrissure. Si la querelle a eu des motifs politiques, il sera condamné à quinze ans de fers et à la flétrissure. Si, 1. n faut prévenir un moyen trop facile de se défaire d'un député qui gênerait par ses talents ou son caractère. Exemple, Mirabeau.


à la suite d'une querelle politique, il a tué son adversaire, il sera condamné à mort. ART. 8. Tout homme qui sera convaincu d'avoir soudoyé quelqu'un, pour se battre à sa place, sera condamné à deux ans de fers et à la flétrissure. Les travaux forcés seront de vingt ans si le duel a lieu contre un membre d'une des deux Chambres.

ART. 9. Si un duel est suivi de mort, chacun des témoins sera puni d'un mois de détention. Si le témoin a des duels à se reprocher, la détention sera augmentée de dix jours au moins, et dé six mois au plus pour chaque duel.

ART. 10. Si un maître d'armes, duquel il sera prouvé qu'il a donné des leçons d'escrime ou de pistolet, pour de l'argent, se bat avec un citoyen qui ne sera pas dans le même cas, et le tue, la détention du maître sera doublée. Au second duel, suivi de la mort de son adversaire, il sera condamné à mort. ART. 11. S'il est constant que les duellistes ont changé de département pour se battre, ou, à Paris, se sont battus hors de l'enceinte du bois de Boulogne,


outre les peines ordinaires, chacun d'eux paiera une amende de deux mille francs au moins et de quarante mille francs au plus.

ART. 12. En temps de paix, la présente loi est applicable aux militaires. Seulement, le premier duel entre militaires ne sera suivi d'aucune peine. Le second sera puni de huit jours de prison s'il y a mort, de trois mois et ainsi de suite, comme il est statué en l'article 4. Tout officier convaincu d'avoir eu six duels ne pourra être promu au grade supérieur à celui qu'il occupe, qu'après avoir passé dix ans dans son grade actuel. Il ne pourra obtenir les ordres militaires qu'à la suite de blessures. Tout général qui aura un duel, outre les peines ordinaires, paiera une amende qui ne pourra être moindre de dix mille francs, ni excéder cent mille francs. L'amende sera double si le duel a lieu avec un maire ou avec un membre des deux Chambres.



PROPOSITIONS

DE

LOIS SUR LA PRESSE ET LES DÉCORATIONS



Beyle était toujours en Ilalie d la fin de 1816 et au début de 1817. C'est le temps où pour se distraire il s'amusa à légiférer. Il avait l'intention d'envoyer ces proposilions de lois aux journaux. L'a-t-il fait ? Ce n'est pas certain. Du moins après avoir rédigé ces propositions, en a-t-il dicté quelques exemplaires à un copiste. On trouve actuellement brouillons et copies à la bibliothèque municipale de Grenoble dans les manuscrits cotés R. 5896, tomes 1 et 5, el dossier supplémentaire.



PROPOSITIONS

DE LOIS SUR LA PRESSE ET LES DÉCORATIONS

I

Monsieur,

L'EXIGUITÉ de ma lettre me fait espérer l'insertion. Projet de loi

Liberté complète est accordée aux

ouvrages périodiques en langues étrangères pourvu qu'ils ne paraissent que tous les huit jours.

2e partie (qu'on peut supprimer)

Idée si raisonnable qu'elle effraiera les hypocrites de toute espèce. Une ville de province de trente mille âmes ne contient pas dix individus sachant l'anglais. Etes-vous assez libre, Monsieur, pour imprimer ces huit lignes ?

J'ai l'honneur d'être.1.

1. Des copies de ces propositions de lois sur la presse se trouvent encore dans les manuscrits de Grenoble.

a) L'une est adressée:


II

Monsieur,

Un juge ne pourra recevoir de décoration du gouvernement qu'après dix ans de loyaux services. La iste de tous les A Monsieur

Monsieur le Rédacteur des Annales Politiques

Rue.

à Paris.

Monsieur,

L'exiguïté de ma lettre m'en fait espérer l'Insertion. [etc]. Etes-vous assez indépendant Monsieur, pour imprimer ces cinq lignes, cela augmenterait l'estime avec laquelle j'ai l'honneur de vous saluer.

G. L. H.

Rouen, 17 janvier 1817.

b) Une deuxième est adressée:

A Monsieur,

Monsieur le rédacteur du Constitutionnel

Chez Mongie l'aîné

Rue Voltaire, près l'Odéon

à Paris.

[même texte que ci-dessus].

J'ai l'honneur de vous saluer avec beaucoup d'estime. Gal LAHOS.

c) Une dernière est aiM conçue:

Monsieur,

Monsieur le comte Le Voyer d'Argenson

membre de la Chambre des Députés

place du Palais-Bourbon

à Paris.

Perpignan, le 17 janvier 1817.

Monsieur,

Ma haute et très haute estime pour votre sagesse me porte


juges décorés pendant l'année sera communiquée aux Chambres par un ministre qui pour chaque nom exposera les causes de la faveur. Les décorations sont une manne noire bien puissante au milieu d'un peuple vaniteux.

J'ai l'honneur, etc.

à vous demander que vous usiez de votre Influence pour donner de la publicité aux idées suivantes, si toutefois vous l'approuvez

[Texte des deux projets de lois]

Un juge ne pourra recevoir de décoration du gouvernement qu'après dix ans. [etc., voir dans le texte la seconde proposition].

Je vous prie, Monsieur, de donner ces cinq lignes à un journaliste. Cinq lignes n'ennuient pas et peuvent être utiles. Il serait utile d'insister sur cette vieille idée Projet de loi

Les délits de la Presse seront jugés par un jury. J'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.



A MESSIEURS

LES

DÉPUTÉS DE LA FRANCE



Beyle devait être à Milan le 13 novembre 1820 quand il eut l'idée de ce « vœu » exprimé à MM. les députés de la France en faneur des écrivains qui servent la nation. Ce projet inachevé dut demeurer dans ses papiers et a été publié pour la première fois par Romain Colomb dans la Correspondance.



A MESSIEURS

LES

DÉPUTÉS DE LA FRANCE

La Cadenabbia (lac de Côme), le 13 novembre 1820.

Messieurs,

L'ON a dit que les académiciens sont utiles dans le cas où l'objet de leurs travaux est de ranger et de mettre en ordre la masse des connaissances humaines, ou de veiller à ce que les découvertes utiles, après avoir brillé durant un certain temps, ne retombent pas dans l'oubli. Par exemple, on avait au moyen âge, en Italie, Part de transporter les édifices l'on ne peut douter que plusieurs tours n'aient été transportées, sans que leur solidité en souffrît, à quelques centaines de mètres.

Les académies sont utiles pour conserver les inventions de génie servent-elles,


dans leur état actuel, à encourager le génie et à multiplier les inventions de tout genre qui font la gloire et la richesse d'une nation ? Nous ne le croyons pas. Quand les académies ont agi comme corps, on les a vues persécuter le Tasse ou blâmer Corneille.

On vous demande une loi, Messieurs, qui, loin d'entraver le génie, excite les hommes singuliers, doués de cette faculté, à être utiles à leur patrie.

Le travail de chaque homme est, en général, récompensé par la société dont il fait partie, suivant le degré d'utilité de ce travail. La loi ne doit changer le taux naturel de l'appréciation et du payement d'un travail quelconque qu'après les plus mûres délibérations.

Mais, s'il est un fait généralement reconnu, c'est que l'immense majorité des hommes n'a pour les œuvres du génie qu'une estime sur parole. La masse n admire et ne comprend que ce qui ne s'élève que de peu au-dessus du niveau général. Si nos poétiques de tout genre ne proclamaient comme à l'envi le mérite de La Fontaine et de Corneille, il est permis de croire qu'il serait peu senti par la majorité des hommes qui ont du loisir et qui, à l'égard des lettres, forment le public. La vie active que procurent les richesses


a peu de considération pour la vie contemplative qui conduit un Pascal ou un Descarte aux découvertes les plus importantes. Le public étant peu reconnaissant à l'égard des hommes de génie, au moins durant le temps que ceuxci, jeunes encore, sont en état de produire, ces hommes de génie, qui sont toujours en petit nombre, pourront recevoir des moyens de subsistance sans qu'il en coûte beaucoup au Trésor. D'autre part, leurs ouvrages étant d'une véritable utilité à la nation, soit directement par le plaisir intellectuel qu'ils procurent et par les idées justes qu'ils placent dans la tête de beaucoup de leurs concitoyens qui ainsi sont plus heureux, soit indirectement par l'universalité qu'ils procurent à la langue, il nous semble qu'on ne léserait pas les citoyens en prenant sur la masse de l'impôt une somme de trois cent mille francs pour les académies. Le projet suivant 1 tend à concilier la considération publique aux hommes éminents dans les diverses parties du savoir humain. 2. 1. Ce projet est resté à l'état d'ébauche et ne saurait être reproduit. (Note de Romain Colomb.)

2. Ceci exige beaucoup de mesures de détail, dont la proposition peut sembler susceptible de ridicule mais l'objet n en est pas moins essentiel. On peut se rappeler de quelle considération ont été environnées la Jeunesse de J.-J. Rousseau et de Racine, et la vieillesse de Corneille et de la Fontaine. Au reste, c'est dans les détails de ce genre que le présent


projet de 101 est surtout susceptible d'amendements. Le but de l'auteur est seulement d'attirer l'attention des Chambres sur le peu de bien-être que présente, en général, la jeunesse des grands hommes. Le nombre des grands hommes, gloire d'une nation, est, sans contredit, proportionnel au nombre de gens qui essayent de réussir. Si l'Angleterre a trouvé des poètes tels que Burns, dans la classe des paysans, c'est que la vente de la propriété d'un bon livre suffisait en Angleterre pour faire vivre l'auteur. Lord Byron et sir Walter Scott acquièrent sous nos yeux, par leurs ouvrages, un degré de richesse auquel ne sont jamais arrivés Montesquieu et Racine. Les gens à talent, en France, sont disposés, par leur peu d'aisance, à accepter de petites places du gouvernement Us font de mauvais commis en employant leur temps à un travail d'une valeur inférieure à celui qu'ils pourraient produire. Burns faisait partie d'une société qui procurait à ses membres les livres essentiels à lire.


LA FRANCE EN 1821



Ce petit tableau politique et littéraire de la France a pu être écrit en 1821, mais très vraisemblablement point pour former une lettre. C'est pour le sauver que R. Colomb l'a placé dans la Correspondance avec le chapeau suivant:

« A ROMAIN COLOMB, A MONTBRISON » Je t'envoie, mon cher ami, un dialogue dont j'ai été, ce soir, à l'Opéra, un des interlocuteurs, et que tu auras mot à mot, tel qu'il a eu lieu. Pour nous, habitants de Paris, cette conversation n'offre rien de bien neuf mais dans ta pauvre petite ville, elle aura peut-être pour toi quelque intérêt. »



LA FRANCE EN 1821 Paris, le 29 décembre 1821, à

onze heures et demie du soir, en

rentrant, n'ayant rien à lire.

L'AMÉRICAIN ET LE FRANÇAIS

L'AMÉRICAIN (homme de vingt-six ans) 'arrive de la Havane, ma patrie j'ai J passé ma jeunesse à Philadelphie je compte séjourner six mois à Paris et y dépenser quarante mille francs. Mon ami, le général Z., m'a amené ce soir au balcon de l'Opéra mais, étranger comme moi, il ne sait rien de la France. Daignez m'instruire songez qu'il y a quarantequatre jours j'étais en Amérique. J'ai lu tous les bons livres d'Europe et surtout les écrivains français célèbres dites-moi quels sont les hommes remarquables dont je pourrai voir la figure à Paris je suis très curieux de voir la face d'un homme célèbre.


MOI

II y a d'abord le duc de Dalmatie et le général Gérard ce sont de grands hommes de guerre.

L'AMÉRICAIN

Je les connais par le Moniteur et les rapports de Wellington.

MOI

Dans les sciences, il y a MM. Laplace, Humboldt, Fourier, Flourens, Cuvier. L'AMÉRICAIN

Hélas je ne comprends rien à leurs œuvres sublimes je sais justement autant de chimie qu'il en faut pour faire du sucre et du rhum, et comme j'en fais pour trois cent mille francs par an, mon affaire n'est pas d'en savoir davantage, mais d'apprendre à ressembler le plus de jouissances possibles avec ma fortune actuelle parlezmoi de la littérature.


MOI

Vous m'embarrassez connaissez-vous le Russe à Paris, de Voltaire ?

L'AMÉRICAIN

Ce conte délicieux ? je le sais par cœur. MOI

Il pourrait me dispenser de répondre. Si Voltaire nous trouvait pauvres et en décadence dans un temps où l'on pouvait dîner chez le baron d'Holbach avec Voltaire d'abord, Montesquieu, Rousseau, Buffon, Helvétius, Duclos, Marmontel, Diderot, d'Alembert où l'on voyait débuter Beaumarchais, le second des comiques français, et l'abbé Delille, le chef d'une de nos écoles de poésie si Voltaire nous trouvait pauvres alors, que dirait-il aujourd'hui ?

L'AMÉRICAIN

Il dirait que l'attention d'une des plus spirituelles nations du monde est tournée


vers la politique que, peut-être, si MM. de Marcellus, Benjamin Constant, de Chauvelin, le général Foy, ne consacraient pas à peu près exclusivement leurs talents à la politique, ils occuperaient sur le Parnasse français des places aussi élevées que beaucoup d'écrivains des siècles derniers. Et l'abbé de Pradt, dont les ouvrages font la fortune de nos libraires d'Amérique, croyez-vous qu'il ne vaut pas bien un Marmontel ou un Duclos ? Mais, trêve aux discussions, il me faut des noms propres.

MOI

Prenez la liste des membres de l'Académie française.

L'AMÉRICAIN

Une de mes habitudes, un peu sauvages, d'Amérique, est de ne jamais en croire un autre, quand je puis me croire moi-même. Quelle confiance voulez-vous que j'aie en une liste d'Académie, où je ne vois les noms ni de de Pradt, ni de Benjamin Constant, ni de Béranger, que nous connaissons si bien en Amérique, et où je vois, au contraire, tant de noms que je lis pour la


première fois ? Mais, mettez de côté toute modestie dites-moi avec simplicité et bonhomie Si vous vous sauviez dans la chaloupe du bord de votre vaisseau, qui fait naufrage, que vous eussiez la perspective de vivre quelques années, comme un nouveau Robinson, sur une terre déserte, et si, pour dernière supposition, vous n'aviez sur votre vaisseau que des livres imprimés depuis vingt ans, quels ouvrages prendriez-vous en sautant dans votre chaloupe ?

MOI

D'abord Pigault-Lebrun.

L'AMÉRICAIN

Bravo 1 voilà ce qui s'appelle répondre nous connaissons beaucoup ses ouvrages à la Havane, quoique, ayant le tort de faire rire, ils soient fort peu estimés de vos pédants de Paris. Ensuite ?

MOI

Après le plus gai de nos romanciers, je prendrais le plus grand de nos philosophes,


ou, pour mieux dire, le seul philosophe que nous ayons l'Idéologie et le Commentaire sur l'Esprit des Lots, du comte de Tracy.

L'AMÉRICAIN

Bravo encore C'est sur ce commentaire que j'ai appris la politique au collège de Guillaume et. à Philadelphie. M. Jefferson avait fait traduire ce livre pour nous, dès 1808. Après ?

MOI

Je prendrais les comédies de M. Etienne. L'AMÉRICAIN

Est-ce l'auteur de la Minerve?

MOI

Lui-même.

L'AMÉRICAIN

Que d'esprit On l'a chassé de l'Académie française, et il s'est trouvé des gens qui ont bien voulu prendre sa place ?


MOI

Oui, et ces gens, à Paris, ne sont pas plus déshonorés que d'autres.

L'AMÉRICAIN

Voilà ce qu'on n'aurait jamais vu du temps de Voltaire vous avez perdu la délicatesse morale. Du temps de Voltaire, on n'eût pardonné à un tel misérable qu'autant qu'il eût volé un million. Qu'on dise après cela que les gens de lettres manquent de courage J'ai lu les Deux Gendres, de M. Etienne, dans la traversée cela m'a paru une satire plutôt qu'une comédie.

MOI

N'oubliez pas que le grand Molière a mis à la mode, dans ce pays-ci, la comédie satirique la comédie simplement gaie, comme Falstaff, n'y est guère connue. L'AMÉRICAIN

Après?


MOI

Après est bientôt dit je commence à être embarrassé. Ah je prendrais le trop petit nombre d'ouvrages que nous devons à M. Daunou.

L'AMÉRICAIN

J'ai écrit ce nom. Après ?

MOI

Voulez-vous les comédies de MM. Picard et Duval?

L'AMÉRICAIN

Est-ce amusant ?

MOI

Plutôt à voir jouer qu'à lire. Ce qui est amusant, ce sont les premiers volumes de l'Ermite de la Chaussée d'Antin, de M. de Jouy.


L'AMÉRICAIN

Nous les avons en Amérique cela a autant de succès parmi nous que le Tableau de Paris de Mercier. Sachez, mon cher ami, que Paris est la capitale du monde. Dès que nos femmes voient ce nom sur le titre d'un livre, elles le demandent au libraire. Et les poètes ? Après M. Béranger, qui avez-vous? MOI

Je suis bien en peine de vous répondre, à vous qui lisez Byron, Moore, Crabbe, Walter Scott mais, en y réfléchissant, je trouve M. Baour-Lormian.

L'AMÉRICAIN

Qu'a-t-il fait ?

MOI

Une traduction de la Jérusalem délivrée. L'AMÉRICAIN

Cela vaut-il les Géorgiques de Delille ?


MOI

Pas tout à fait. Le sujet était aussi attachant que les mauvais préceptes d'agriculture des Géorgiques sont ennuyeux mais le succès a été en raison inverse du charme des sujets. M. Baour-Lormian fait fort bien le vers alexandrin, mais il est un peu. Nous avons M. de Lamartine. L'AMÉRICAIN

Ce jeune homme qui a été si prôné par les journaux ultra ? Nous l'avons fait venir en Amérique c'est fort joli c'est lord Byron peigné à la française. Après ?

MOI

Nous avons MM. Chenedollé, Edmond Géraut, Alfred de Vigny.

L'AMÉRICAIN

Les titres de leurs ouvrages.


MOI

Je les ignore je les crois fort bons, mais je vous avoue que je ne les ai jamais lus. Nous avons des poètes tragiques.

L'AMÉRICAIN

Ah mon cher ami, je n'aime pas les épopées en dialogues, et les dialogues où l'on fait une réponse en cinquante vers a une demande qui en avait quarante, voyons les noms.

MOI

M. Lemercier.

L'AMÉRICAIN

L'auteur de Pinto et de la Panhypocrisiade ?

MOI

Précisément l'auteur aussi d'Agamemnon, de Jugurtha, de Clovis, d'Isule et Orovèse, etc., etc.


L'AMÉRICAIN

Je verrai ces pièces, car je suis fort content de certains morceaux de la Panhypocrisiade. Quel effet ne ferait pas ce poème abrégé et traduit en anglais Avez-vous d autres tragiques ?

MOI

Une douzaine au moins M. Casimir Delavigne, l'auteur du Paria.

L'AMÉRICAIN

Ah de cette tragédie que j'ai vue hier en arrivant ?

MOI

Elle-même.

L'AMÉRICAIN

C'est un homme d'un grand talent mais son œuvre ne m'a donné aucun des


plaisirs du drame c'est de l'épopée en dialogue et quelquefois en énigme. Et quels sont ses rivaux ?

MOI

Mais, ses rivaux, personne. Les autres tragiques sont MM. Ancelot, Lebrun, Viennet, Liadières, Delrieu.

L'AMÉRICAIN

J'ai écrit tous ces noms me conseillezvous d'acheter leurs œuvres ?

MOI

Ecoutez, il ne faut tromper personne, même quand il s'agit de la gloire nationale voyez-les jouer avant de les acheter. L'AMÉRICAIN

A propos d'autres qu'il faut voir, je voudrais bien entendre parler le célèbre Chateaubriand.


MOI

Impossible Comme l'on craignait que la Chambre des pairs n'acquît trop d'influence sur l'opinion, les séances de ces messieurs sont secrètes. -Vous voyez, mon cher ami, l'état de notre littérature, et cela quand nos voisins les Anglais ont huit ou dix poètes vivants, quand l'Italie a Monti, Foscolo, Manzoni, Pellico! L'AMÉRICAIN

Oui, mais ces pays n'ont pas eu cinquante généraux célèbres et dix victoires par an. Vous voyez bien en noir, mon cher Européen un peuple n'est jamais grand que dans un genre à la fois. Du temps de l'Empereur, qui se doutait du talent de M. de Chauvelin pour la tribune ? Tel homme qui se fait mettre en prison pour un pamphlet politique aujourd'hui, du temps du baron d'Holbach eût peutêtre eu autant de talent que Duclos ou d'Alembert. Mais je cours me procurer un billet pour entrer demain à la Chambre des députés on dit que Benjamin Constant doit parler je brûle de le voir. Adieu.


PROTESTATION D'UN BOUQUINISTE



Le 31 octobre 1822 le préfet de Police, Delavau, avait pris un arrêté ordonnant à tout marchand étalagiste admis sur la voie publique de faire disparaître de son étalage tout livre, gravure ou objet d'art quelconque qui serail jugé par l'autorité contraire aux lois et dangereux pour les mœurs. En voici le texte

Paris, 31 octobre 1822.

Nous, Préfet de police,

Considérant que les marchands-étalagistes établis sur la voie publique tiennent souvent en exposition des ouvrages, livres ou objets d'art quelconques, plus ou moins dangereux ou contraires aux lois Considérant que les étalages ne peuvent s'établir que d'après une autorisation expresse délivrée par nous, et que les marchands qui se servent de cette autorisation comme d'un moyen de corrompre les mœurs ou l'opinion publique, abusent du bienfait de l'autorité qui resterait res-


ponsable du mal qu'ils favorisent, si elle ne se hâtait d'y mettre un terme Ordonnons ce qui suit

ARTICLE PREMIER. Tout marchandétalagiste établi sur la voie publique sera tenu de faire disparaître de son étalage tout livre, gravure ou objet d'art quelconque, qui serait jugé par l'autorité contraire aux lois et dangereux pour les mœurs.

ART. 2. (Pénalités).

Signé DELAVAU.

Par le Préfel,

Le Secrétaire Général

Signé L. DE FOUGÈRES.

Le Courrier Français du 1er novembre reproduisait l'arrêté avec un commentaire assez peu flatteur. Et dès le lendemain ce même quotidien, dans son numéro du 2 novembre 1822, publiait la lettre d'un soidisant bouquiniste que nous reproduisons dans ces pages.

Cette leltre a élé exhumée par M. Daniel Muller qui l'a publiée dans le Divan de janvier 1920 avec un commenlaire où il


montre combien les propos ironiques du « bouquiniste » sont de la manière de Stendhal. Celui-ci au reste, suivanl les dires de Romain Colomb dans sa notice, collabora de loin en loin au Courrier Français.



PROTESTATION

D'UN BOUQUINISTE

A MONSIEUR LE RÉDACTEUR

DU COURRIER FRANÇAIS

Monsieur,

JE suis libraire ou bouquiniste, comme vous voudrez voilà bientôt vingt ans que j'exerce mon petit négoce sur le pont de. et, quoique voisin de la Préfecture de police, je n'ai jusqu'à ce jour eu aucun démêlé avec elle mais d'après sa dernière ordonnance j'ai tout lieu de craindre que cette bonne intelligence ne soit troublée. Exposé depuis le matin jusqu'au soir au soleil, au vent ou à la pluie, achetant et vendant loyalement des livres, j'avais cru jusqu'ici que mon industrie était un droit. M. le Préfet Delavau m'apprend que c'est un bienfait de l'autorité, cela m'étonne et me déconcerte un peu, moi qui ai lu et vendu maintes


fois un petit livre dont vous avez peutêtre entendu parler, intitulé Charte constitutionnelle. N'importe, je pourrais à toute force me laisser persuader que mon droit est un bienfait, si on m'en laissait jouir sous ce titre mais les dispositions de la nouvelle ordonnance m'apprennent combien il faut se défier de la bienfaisance de la police. On me défend, ainsi qu'à mes confrères, d'étaler des ouvrages plus ou moins dangereux ou contraires aux lois. Des ouvrages contraires aux lois, c'est-à-dire déclarés tels par les tribunaux, MM. les officiers de paix n'en ont jamais trouvé dans ma boutique, qu'ils me font l'honneur de visiter souvent. Pour nous autres bouquinistes, les ouvrages dangereux sont ceux qui ne se vendent pas c'est la Législation primitive de M. de Bonald, l'Esprit de l Histoire, de M. Féraud, les Historiens latins de M. Laurentie c'est une tragédie de M. Melly-Janin ou de M. Ancelot et si M. le Préfet a voulu parler de ces livres, tous les bouquinistes lui votent des remerciements mais un libraire du quai des Augustins, homme habile en politique et qui lit la Quotidienne, m'assure que l'épithète dangereux désigne les œuvres de Voltaire, d'Helvétius, de Dupuis, de Volney, les poésies de Lebrun et de Chénier, et bien d'autres livres dont


nous trouvons toujours à nous défaire. Or, s'il en est ainsi le métier de libraire en plein vent va devenir le plus mauvais des métiers, puisque ceux qui l'exercent ne pourront plus offrir au public que ce qu'il s'obstine à ne point acheter. Veuillez, Monsieur le Rédacteur, me tirer moi et mes confrères, de la fatale anxiété où nous a jetés l'ordonnance de S. E. M. le Préfet de Police.

Agréez, etc.

UN BOUQUINISTE.



LES

GRANDS SEIGNEURS



Ce fragment a été inséré dans la Correspondance par Romain Colomb, à la date du 15 juin 18.24 et comme une lettre adressée de Paris, à Sutton Sharpe, à Londres.



LES

GRANDS SEIGNEURS

LORSQU'ON détourne la vue des résul- tats sérieux de la Révolution, un des spectacles qui frappent d'abord l'imagination, c'est l'état actuel de la société en France. J'ai passé ma première jeunesse avec des grands seigneurs qui étaient aimables ce sont aujourd'hui de vieux ultra méchants. J'ai cru d'abord que leur humeur chagrine était un triste effet de l'âge, je me suis rapproché de leurs enfants, qui doivent hériter de grands biens, de beaux titres, enfin de la plupart des avantages que les hommes, réunis en société, puissent conférer à quelques-uns d'entre eux je les ai trouvés jouissant d'un plus grand fond de tristesse encore que leurs parents. Je ne suis point de ces philosophes qui, lorsqu'il fait une grande pluie le soir d'un jour étouffant du mois de juin.


s'affligent de la pluie, parce qu'elle fait du mal aux biensde la terre, et, par exemple, à la floraison des vignes. La pluie, ce soirlà, me semble charmante, parce qu'elle détend les nerfs, rafraîchit l'air, et, enfin, me donne du bonheur. Je quitterai peutêtre le monde demain je ne boirai pas de ce vin dont la fleur embaume les collines de la Côte-d'Or. Tous les philosophes du XVIIIe siècle m'ont prouvé que le grand seigneur est une chose fort immorale, fort nuisible, etc. A quoi je réponds que j'aime de passion un grand seigneur bien élevé et gai, tels que ceux que je trouvai dans ma famille lorsque j'apprenais à lire. La société, veuve de ces êtres gais, charmants, aimables, ne prenant rien au tragique, me semble presque l'année dépouillée de son printemps. Mais, me dit la sagesse, c'étaient des êtres immoraux et, sans le savoir, produisant du malheur. Ma belle sagesse, lui réponds-je, je ne suis pas roi, je ne suis pas chef du peuple, législateur, etc. je suis un petit citoyen fort obscur, fort peu fait pour influer sur les autres je cherche le plaisir tous les jours, le bonheur quand je puis j'aime la société et je suis affligé de l'état de marasme et d'irritation où elle se trouve.

N'est-il pas bien triste pour moi, qui n'ai qu'une journée à passer au salon, de


le trouver justement occupé par les maçons qui le reblanchissent, par les peintres qui me font fuir avec l'insupportable odeur de leur vernis, enfin, par les menuisiers, les plus bruyants de tous, qui remettent des chevilles au parquet à grands coups de marteau. Tous ces messieurs me jurent que sans leurs travaux, le salon tomberait. Hélas messieurs, que ne m'a-t-il été donné d'habiter le salon la veille du jour où vous y êtes entrés



TABLEAU POLITIQUE DE LA FRANCE



Ces pages publiées dans la Correspondance à la date du 2 décembre 1827, sous forme de lettre à Stillon-Sharpe, avec un préambule plus ou moins à l'ingéniosité de R. Colomb, doivent très vraisemblablement être datées du 2 décembre 1824. Il ne faut en effet voir en elles qu'une première ébauche de ces réflexions politiques dont la traduction parul dans le London Magazine du 1er février 1825, sous le titre de « Lettre de Paris ». On trouvera cette lettre in extenso dans notre édition du Courrier Anglais.



TABLEAU POLITIQUE DE LA FRANCE

VOICI, mon cher ami, le résumé de notre situation politique. Excusez l'âpreté que vous pourrez remarquer de temps en temps dans mon langage je n'ai pas trouvé d'autres expressions pour être toujours clair et rigoureusement exact. La plupart des personnes qui entreprennent de tracer un tableau moral ou politique de la France se hâtent de présenter des conclusions générales bien tranchées. J'ai cru plus instructif et surtout plus intéressant pour le lecteur, de donner le plus de faits possible seulement, comme souvent les faits narrés avec les détails nécessaires pour leur laisser leur physionomie, eussent occupé trop de place, je me suis contenté de rappeler le fait, en indiquant le document où on pourra le rencontrer1. Voici donc les traits princi1. On pourrait supposer, d'après ces lignes, que Beyle s'était occupé d'un travail plus considérable sur le même


paux de la position actuelle de la France, circonstances qui auront certainement la plus grande influence sur la France d'abord, et. par elle, sur l'Europe car, dans la guerre générale que tous les peuples ont déclarée à tous les rois, pour en obtenir des constitutions, le parti que prendra la France, la conversation et la littérature de Paris seront toujours décisifs en Europe. Un roi incapable de lier ensemble deux idées, vieux et libertin, usé par une jeunesse très orageuse, non exempte de lâchetés et même de friponneries, adorant les principes ultra, ayant le mépris le plus sincère pour tout ce qui n'est pas noblesse de cour, mais que la peur force à courtiser bassement le peuple, ne pensant pas, parce que les organes sont usés, les trois quarts de la journée, et alors assez bonhomme, n'ayant surtout rien de l'hypocrisie de son frère. Tant qu'il aura peur, CharlesX conservera les apparences de la justice et une sorte de fidélité à la Charte. Par faiblesse, il ne fera rien sans consulter son fils.

Un dauphin sans éducation, d'une incroyable ignorance, mais fort honnête sujet il n'a pas été retrouvé dans ses papiers. (Note de Romain Colomb.)

Mais dans ses articles envoyées aux revues anglaises, Beyle est souvent revenu sur ces tableaux de politique intérieure. N. D. L. B.


homme, même honnête homme jusqu'à l'héroïsme, si l'on considère que, jusqu'à trente-six ans, il a vécu dans sa petite cour composée des hommes les plus bêtes de l'Europe, et dont l'unique occupation était de calomnier le peuple français et la Révolution. Ce prince est parfaitement raisonnable son estime pour MM. Portal et Roy est un fait notoire. Son administration, si jamais il règne, sera dans la couleur qu'on appelle à Paris, centre droit. Il tiendra de bonne foi à ses serments, s'il en fait jamais. Sous ce rapport, sa piété sincère sera utile à la France. Il a de l'éloignement pour les scandales malheureusement, il tremble devant son père. La même raison solide caractérise la conduite et la conversation de sa femme, toute fière d'avoir pour mari un guerrier illustre 1. Malheureusement, la dauphine a une tête étroite elle voit peu de choses à la fois les circonstances les plus frappantes dans les faits, elle ne les voit pas d'elle-même elle a besoin qu'on les lui fasse apercevoir, et encore son esprit ne peut les saisir qu'une à une. Mais quand, enfin, elle a conçu une idée, elle y tient pour toujours. Elle déplore quelquefois que la haute noblesse ait si peu d'esprit et de courage, 1. Allusion à la guerre d'Espagne. N. D. L. E.


et qu'il faille toujours et pour tout recourir au tiers élal. Elle rappelle le trait de M. le vicomte d'Escars, lieutenant général depuis longtemps, et qui, à Bordeaux, en 1816, refusa, parlant à la princesse elle-même, d'aller prendre le commandement d'un fort, où il aurait pu être exposé à voir l'ennemi. Mme la Dauphine déplore pareillement la bêtise incroyable de M. le duc M[athieu de Montmorency]. Les excès du parti ultra que le dauphin a vus en Espagne ont fait sur lui l'effet que l'ilote ivre produisait sur le jeune Spartiate.

Le duc d'Orléans, homme fin, rusé, assez avare, possède un grand fonds de raison son administration, comme régent pendant la minorité du duc de Bordeaux, serait centre gauche. Il a de l'éloignement pour le parti ultra du faubourg SaintGermain, qui, encore aujourd'hui, l'appelle jacobin. Son esprit a toute la tournure d'un pair anglais whig très modéré. II aime la noblesse et a de l'éloignement pour le tiers état. Il a du goût pour le système de la bascule entre les deux partis, entre les blancs et les bleus.

Tout ce qui a le temps de penser en France, tout ce qui a quatre mille francs de rente en province et six mille francs à Paris, est centre gauche. On veut l'exécu-


tion de la Charte sans secousse, une marchp lente et prudente vers le bien que surtout le gouvernement se mêle le moins possible du commerce, de l'industrie, de l'agriculture qu'il se borne à faire administrer la justice et à faire arrêter les voleurs par ses gendarmes. L'immense majorité des gens dont je parle en ce moment espère beaucoup en Louis XIX 1 et regarde le gouvernement de Charles X comme un mal nécessaire. On s'attend à voir Charles X se déclarer contre la Charte, du moment qu'il n'aura plus peur. II souffre que le clergé commette tous les excès.

Les gens dont je parle, tout en avouant que M. de Villèle n'a d'autre objet que de conserver sa place 2, lui sont attachés comme le moindre mal auquel on puisse s'attendre sous un tel prince. On désire que M. de Villèle tienne, parce qu'on a une peur affreuse du successeur que la cabale jésuitique peut lui donner.

Tout ce qui est paysan, petit négociant, jouit des fruits de la Révolution. Pour ces gens-là la partie est gagnée depuis 1795. Quand les libéraux de la classe que je viens de peindre veulent alarmer les paysans, ceux-ci les croient fous « Il y a bien 1. Le duc d'Angoulême. N. D. L. E.

2. M. de Villèle était président du Conseil et ministre des Finances. (Note de R. Colomb.)


ces coquins de prêtres », disent les paysans quand on a su leur inspirer de la confiance ou que, le dimanche après dîner, ils sont gris, « mais un jour ou l'autre nous leur donnerons le tour (nous les tuerons) ».


A MESSIEURS LES ÉTUDIANTS



De quel message Beyle entendait-il charger messieurs les étudiants en droit et en médecine, « apôtres de la civilisation », ? Nous ne le saurons jamais, puisque seul le petit fragment reproduit ici a été sauvé de ce qu'il leur mandait, si toutefois luimême en a écrit davantage.

Ces lignes inachevées ont été publiées pour la première fois par R. Colomb dans son édition de la Correspondance.



A MESSIEURS

LES ÉTUDIANTS EN DROIT ET EN MÉDECINE A PARIS

Paris, le 15 janvier 1825.

JE me dénonce à la brillante jeunesse qui fréquente les cabinets de lecture de la rue de l'Odéon, le café Molière, où l'on va admirer des yeux si beaux et si brillants le tranquille Luxembourg, où, sans être indiscret, on peut suivre une conversation qui a lieu à vingt pas de vous. J'ai fréquenté tous ces lieux-là pour étudier l'esprit des quatre ou cinq mille jeunes gens que, tous les ans, la province envoie à Paris. C'est avec un diplôme d'avocat ou de médecin qu'ils quittent Paris au bout de quelques années. Si ces jeunes gens n'étaient que des médecins ou des avocats, je ne m'occuperais guère d'eux ils sont, dans le


fait, les apôtres de la civilisation. C'est pour cela que j'ai consacré deux mois à les étudier, et que ma tête à cheveux blancs a paru si souvent au milieu du parterre de l'Odéon, si peuplé le dimanche.


NOUVELLES POLITIQUES



Celle petite note d'information politique, très vraisemblablement écrite par Beyle sous la dictée des événements et des échos qu'il en recueillait, a dû être trouvée dans ses papiers. R. Colomb l'a publiée le premier sous forme de lettre, à la date du 1er novembre 1825, dans la Correspondance en la faisant précéder de ce court préambule: « A ROMAIN COLOMB, A PARIS.

Paris, le 1er Novembre 1825.

Puisque tu as encore le courage de t'occuper de politique, mon cher ami, place dans tes éphémérides, dans tes souvenirs, etc., etc., les faits et les conjectures dont je vais te gratifier. »



NOUVELLES POLITIQUES

MONSEIGNEUR LE DAUPHIN a beaucoup plaisanté M. de Clermont-Tonnerre, ministre de la guerre et ancien aide de camp du roi Joseph Bonaparte, sur les honneurs qu'on a rendus à ce ministre et d'après ses propres ordres, dans le voyage en France qu'il vient de terminer. Cette conversation fait la nouvelle des Tuileries. Décidément le Dauphin, si jamais il devient Louis XIX sera un souverain simple, honnête, sévère seulement pour les braconniers qui gâtent ses chasses. Ce sera un roi tout à fait dans le genre allemand il supprimera toutes les folles dépenses.

M. de Villèle, de plus en plus irrité contre M. Franchet, directeur général de la police, qui lui est imposé par les jésuites, et qui, loin de lui obéir comme les ministres, commence la guerre contre la toute puissante congrégation. M. de Montlosier,


homme d'esprit, maniaque de noblesse et, du reste, à demi fou, a commencé l'attaque contre les jésuites dans le Drapeau blanc. On se souvient qu'en 1823, M. le vicomte Sosthènes de La Rochefoucauld acheta, pour un million à peu près, trois journaux la Gazette de France, le Drapeau blanc et le Journal de Paris. Ce marché fut connu du public, qui, peu à peu, a abandonné ces journaux. Aujourd'hui, le Drapeau blanc, en attaquant les prêtres comme ignorants et fanatiques, a soin de dire qu'il n'est payé par personne. Mais quel spéculateur aurait racheté de M. de Villèle, pour la somme de trois cent mille francs, un malheureux journal qui n'a pas deux mille abonnés ? On peut donc espérer que la guerre est commencée entre M. de Villèle et la Congrégation des Jésuites. Si cela se confirme, si la paix ne se fait pas, les jésuites exciteront les trois cent soixante-dix indemnisés de la Chambre des députés et ils rejetteront le budget que M. de Villèle leur présentera en février ou en mars 1826. Car ce ministre, fort adroit et qui a peur, retardera le plus possible l'ouverture des Chambres, qui, pour lui, commencera cette année l'époque du danger. Nécessairement, M. de Villèle sera obligé de dissoudre la Chambre avant ou, tout au moins, après la prochaine session.


Alors, sois-en certain, la France changera d'allure, continuera à s'éloigner de la Russie et à se rapprocher de 1 Angleterre. Sur quelle classe de la nation M. de Villèle cherchera-t-il à s'appuyer Sur celle des manufacturiers, négociants, banquiers, sur les Delessert, Ternaux, etc. Ces banquiers riches auxquels la faveur de M. de Villèle ferait gagner des millions dans les futurs emprunts, chercheront bientôt, dit-on, à faire monter le fatal trois pour cent, aujourd'hui à soixantedouze francs. S'il ne monte pas d'ici à l'ouverture des Chambres, les trois cent soixante-dix indemnisés seront furieux et, comme ils sont stupides, ils seront faciles à ameuter.

M. de Villèle chercherait, en cas de dissolution de la Chambre, à faire élire beaucoup de banquiers et négociants. S'il ne se jette pas dans les industriels, les jésuites auront assez de pouvoir pour faire élire des jésuites à robe courte. M. Ferdinand" de Berthier a avoué à la dernière session qu'il y avait cent huit jésuites (à robe courte) dans la Chambre élective, qui compte quatre cent vingt membres. Si les ministériels l'emportent, une loi de douanes sage ouvrira nos ports, et nous reconnaîtrons bientôt les républiques de l'Amérique du Sud.



LES JUGES DU BON TON



Ces pages datées de Paris, le 24 décembre 1825, ont été publiées dans la Correspondance par les soins de Romain Colomb, sous torme d'une lettre à Sutton Sharpe, d Londres.



LES JUGES DU BON TON

EXCUSEZ, mon cher ami, la petite discussion philosophique qui va suivre c'est un besoin pour moi de la produire d'une manière quelconque et vous serez la victime immolée à cette intempérance de plume.

Les gens qui ont des millions, et dont les aïeux sont allés à la Croisade, sont devenus les juges naturels de ce qui est devenu le bon ton, c'est-à-dire de ce qui est agréable entre indifférents. Leur empire a été agrandi sans mesure, par Louis XIV et Louis XV. Dans des dernières années de Louis XV, cet empire fut immense. Aujourd'hui la violence avec laquelle le gouvernement des deux Chambies s'introduit dans la politique tend à détruire l'influence morale des gens descendant des croisés et ceux possédant des millions. Cependant, quelle que soit mon estime pour l'empire de la bobine et des machines


à vapeur, à mon avis, le bon ton restera à la classe où chaque individu, dès l'âge de dix-huit ans, n'a d'autre affaire que de s'amuser.

Cette classe abuse de son pouvoir, ditesvous, et qui n'en abuse pas ? Le petit prince comme le philosophe, le duc de Modène comme d'Alembert. Si Frédéric II eût été seul au monde et n'eût pas craint le mépris, il eût fait couper des têtes comme le Grand Turc actuel, qui, certainement, n'est pas un méchant homme, car on dit qu'il a eu l'honneur d'avoir une Française pour mère.

Les gens de bon ton, abusant de leur pouvoir, se sont dit « Déclarons de mauvais goût, non pas seulement ce qui est emphatique, affecté, bas, révoltant, etc., mais encore tout ce qui énoncera des vérités désagréables pour notre vanité. Ce qui sera de mauvais goût, c'est ce qui attaque une classe prise parmi nous. Citer comme exemple de vanité puérile un vieux duc sera déjà fort mal mais, si l'on va jusqu'à ne pas nommer ce vieux duc, si le reproche paraît pouvoir tomber sur toute la classe, alors l'auteur aura un ton exécrable. »

Les sots, qui, comme ailleurs, sont en majorité parmi les gens à millions et à croisade, se sont dit « Nous avons inventé


la bonne manière de monter à cheval, de boutonner son habit, de plomber ses pantalons, et il a été déclaré que tout ce qui s'éloigne de ces habitudes-là est de mauvais goût. Allons plus loin, les peuples étrangers qui auront le malheur de monter à cheval ou de boutonner leur habit d'une manière différente de la nôtre seront aussi de mauvais ton du moins, nous les plaindrons de n'être pas nés à Paris. Si pourtant ils viennent à Paris, comme pour rendre hommage, s'ils ont de l'esprit naturel, s'ils nous amusent, nous pourrons finir par leur pardonner nous voulûmes bien traiter ainsi, dans le bon temps, David Hume, Horace Walpole, le roi de Suède. Mais malheur à l'écrivain quiviendraitnous parler des manières de prendre du tabac ou de monter à cheval, non d'usage à Paris Pour cet homme, rien ne pourrait le sauver du mépris. Quoi si son livre allait prendre, nous ne serions plus les modèles uniques des belles manières et du bon goût ? Le bourgeois enrichi ne nous imiterait plus avec vénération ? Son fils, millionnaire, ne nous demanderait plus à genoux notre petite fille bossue et ruinée ? »

Un homme de bon sens, à qui je témoignai hier le désir de donner une nouvelle édition de Rome, Naples et Florence en 1817, m'a fait cette réponse brutale


« Si vous avez une telle rage de voyager et d'imprimer, imitez M. de Freycinet ou M. le baron de Humboldt allez à Madagascar, à Tombuctoo, décrivez des mœurs de sauvages. S'il n'y a quelque rapport entre eux et nous, peut-être serons-nous assez bons pour vous pardonner. Jadis, les pantalons que portent sous le bras les courtisans du roi de Tonquin ont pu nous faire rire. Soyez plaisant, décrivez les gambades des sauvages autour de leur fétiche, je pourrai souscrire à votre livre sous le nom de mon valet de chambre. Mais aller décrire les mœurs de l'Italie, d'un pays où l'on va en quatre jours et qui produit des Canova et des Rossini, fi l'horreur Allez, monsieur, vous êtes de mauvais goût »

Je n'avais pas d'autre intention, cependant, que de donner à qui lit tranquillement, auprès du feu, quelque idée de cette Italie qui n'est, à vrai dire, qu'une occasion de sensations.


CANDIDATURE

A UNE PRÉFECTURE



Les pages que l'on va lire sous ce titre proviennent des manuscrits de la Bibliothèque de Grenoble oà elles occupent les folios 179 et 180 du tome d de R. 5896. Romain Colomb y a ajouté sur un petit papillon cet avertissement

1830. Ce projet de proclamation, ainsi que les divers raisonnements et notes qui l'accompagnent, établissent nettement qu'après la révolution de Juillet 1830, Beyle songea sérieusement à obtenir une Préfecture je m'en étais douté, mais je n'en avais pas la conviction.

2 septembre 1844.

Il n'est donc plus douteux que, dans les jours qui ont suivi la révolution de Juillet, Stendhal s'est attendu à être nommé Préfel. Sa tournure d'esprit, sa causticité, sa réputation d'amoralisme, son renom de dilettante, tout a dû contribuer d l'échec de ce cher projet.

M. Maurice Parturier, parlant d'une phrase jusqu'alors peu remarquée de la correspondance, a pu déchiffrer une note du


Rouge et Noir demeurée sibylline jusqu'à lui, ei a ainsi donné un sens nouveau aux quelques pages que l'on va lire et particulièrement au dialogue qui les clôt.

En effet, le 17 janvier 1831, (lettre datée dans la Correspondance du 17 décembre 1830) Henri Beyle écrivait à son ami Mareste Mais M. Guizot ne veut pas des gens d'esprit, comme je l'ai noté au deuxième volume du Rouge, le jour même que vous me l'avez notifié en dînant chez vous avec de fort bon vin. C'était, il me semble, le 11 août. Mon audience est du 3.

Voyons maintenant la note qui se trouve à la fin du chapitre XIII, au tome second du Rouge Esprit per. pré. gui. II A. 30. Grâce à la sagacité de M. Parturier, nous la déchiffrons ainsi Esprit perdant préfecture Guizot. 11 août 1830. (Cf. le Bulletin du Bibliophile du 20 mai 1932.) M. Paul Arbelei, sous le titre de Stendhal candidat à une Préfecture, avait publié tout l'essentiel des pages de Beyle dans un article fort documenté du Temps, Il juillet 1908. Je lui ai emprunté beaucoup pour ma propre annotation historique de ces curieux documents.


CANDIDATURE

A UNE PRÉFECTURE

PROCLAMATION

E prince illustre qui est à la tête de L notre jeune liberté vient de le dire

à la Chambre de vos députés

« Tous les droits doivent être solidement garantis, toutes les institutions nécessaires à leur plein et libre exercice doivent recevoir les développements dont elles ont besoin. »

Appelé par M. le Lieutenant général du Royaume à l'administration du département d. 2, je viens au milieu de vous pour hâter les heureux développements de vos institutions, pour diriger vos efforts. Le respect de tous les droits, le soin de 1. Louis-Philippe fut lieutenant général du Royaume du 31 juillet au 8 août, date à laquelle il devint roi des Français. Beyle dut probablement rédiger ce projet de proclamation le 3 août, date de sa visite officielle à Guizot. Voir plus haut mon préambule. N. D. L. E.

2. Colomb a ajouté en surcharge du Finistère. N. D. L. E.


ious les intérêts la bonne foi dans le gouvernement, ce sont mes moyens. Je vous demande votre concours libre et fervent. Je compte mériter votre estime et remplir mes devoirs avec exactitude.

Concitoyens, voulez-vous réellement cette liberté après laquelle nous marchons depuis quarante années ? Saisissez-la, elle est à votre portée. Nous la possédons à jamais si nous savons la défendre. Formons notre garde nationale. Que le plus petit village ait dix hommes ou cinq hommes résolus à défendre leurs droits et personne ne songera à les attaquer.

Dévoué à la loi fondamentale, au Prince, à la garde nationale, je seconderai de toutes mes forces le grand mouvement qui s'opère en France. Jamais nous n'aurons excité à meilleur droit, l'envie et l'admiration de l'étranger1.

Que vos jeunes concitoyens des campagnes apprennent deux choses le maniement des armes et à lire.

Soyons sincères dans nos efforts et avant un mois l'existence du citoyen sera environnée de toutes les garanties désirables le commerce et l'agriculture jouiront de tous les avantages d'une fécondité profonde.

1. En marge de cet alinéa, Beyle a écrit « Il faut amadouer le parti républicain. » N. D. L. E.


Je recevrai toujours avec reconnaissance les avis que vous voudrez bien me donner. Le Préfet du Finistère

BEYLE 1.

Quimper, le 11 août 1830.

1. A la suite de sa signature, Beyle en trace plusieurs autres Beyle ou H. Beyle, et il écrit au-dessous: « le plus court. » N. D. L. E.


DIRE A M. G[UIZOT]1

Avez-vous le temps, Monsieur, de ré-

pondre à quelques questions ? Monsieur, je crois qu'on mène le peuple comme les chevaux en lui parlant beaucoup. Dois-je parler ? Le parti noble ne sait pas parler, et d'ailleurs n'a pas d'occasion.

Je paraîtrai plutôt en habit de garde

nationale qu'en uniforme brodé. La broderie n'est plus guère de saison.

Dois-je aller à la messe ?

Dire à M. G[uizot] Je fais abstraction

de tout amour-propre. Je prie le ministre de m'avertir de mes erreurs par un mot bien clair et bien intelligible. Si je ne me corrige pas à l'instant c'est que je n'aurai pas compris.

Dois-je encourager les paysans à se

fabriquer des piques ?

Que faut-il faire 1° à l'égard des maires

de campagne ?

2° des conseillers de préfecture ?

Il me semble que je dois m'entourer de

l'élection dernière, consulter les membres 1. Guizot avait été nommé le 1er août commissaire proviboire au département do l'intérieur, et confirmé dans ce ministère le 11 août. N. D. L. E.


du bureau définitif (si l'élection a été libérale1).

Dois-je consulter les hommes de l'extrême gauche ou du centre gauche ? A peine le ministre vu, si on le voit, aller au ministère écrire M. Beyle est venu prendre des ordres à trois heures. II est prêt à partir par la Malle-poste. Il va voir les députés du département de. en leur demandant renseignements sur les hommes auxquels il peut se fier. M. Beyle loge rue de Richelieu 71, vis-à-vis la Bibliothèque.

Me faire présenter par M. Palluys à son sous-chef de Bureau.

1. Beyle en surcharge de cette parenthèse en souligne le caractère personnel en écrivant For me. N. D. L. B.


Acheter

Toupet

Dentier

Parapluie

Rendre deux vol. au docteur E. Edw[ards]

Acheter deux cravates noires

Commander trois paires de bottes Acheter un habit de garde nationale 55 fr.

Ecrire. et si la Préfecture est grande à M. l'avocat Blanchet

Voir

Le National

Le Temps

M. Dubois du Globe

Mme de Mirbel

Mme Ancelot

M. de Pastoret

Mme de Meninsi

M. Réal

M. Français de Nantes (s'il est ici) Apollinaire

M. Monnier

M. Bignon et carte à tous les ministres Attaquer Mme de Dolomieu s'il y a mèche

To ask to the libéral députés of the


dep[artmen]t (Ne pas voir les ultras et les tièdes)

10 Quels sont les quatre hommes de la ville les plus ultras ?

2° Les quatre plus libéraux ?

30 Les quatre plus riches ?

4° Les quatre qui ont le plus d'esprit ? 5° Les quatre femmes les plus jolies ? 6° Les plus méchants des prêtres ? Etablir un registre pour mes lettres aux ministres et gens de P[ari]s

Politique

Ne pas dire que je dois comme il. Je dois à. un peu embarrassant.


DIALOGUE

D. Votre Excellence est trop honnête homme pour vouloir établir un gouvernement de faveur. Il s'agit donc d'employer les plus dignes, où trouverezvous trente hommes de mérite pour les trente grandes préfectures ?

M. Gruizot]. Vous demandez une place à Girod de l'Ain1.

D. Je suis pauvre. C'est une place pour vivre. Cela se voit et ne me dégrade pas.

Une préfecture de six mille âmes me dégrade.

M. G[uizot]. Que ferez-vous si l'on vous nomme à Tulle ou à Mende ?

Je partirai demain et enverrai ma démission le 1er janvier 1831.

[3 août 1830.]

1. Girod de l'Ain, député d'Indre-et-Loire, vice-président de la Chambre, venait d'être nommé préfet de police le 1er août. Il avait été auditeur au Conseil d'Etat la même année qu'Henri Beyle en 1810. Celul-ci sans doute se faisait recommander par lui. N. D. L. E.


DES ARMOIRIES POUR LA FRANCE



Beyle n'a pas réussi à devenir préfet. Du moins a-t-il été nommé consul de France à Triesle. Il va partir le 6 novembre 1830, quand quelques jours auparavant il a l'idée de suggérer aux journaux quelles armoiries conviendraient à la France sous la Monarchie de Juillet. Romain Colomb, sous forme d'une lettre au rédacteur en chef du Globe, a publié dans la Correspondance celte originale proposition, qui, peut-être, ne fut jamais envoyée.



DES ARMOIRIES POUR LA FRANCE

A M. LE RÉDACTEUR EN CHEF

Paris, le 29 octobre 1830.

Monsieur,

DES hommes graves cherchent des armes, ou plutôt des armoiries

pour la France. Toutes les bêtes

sont prises. L'Espagne a le lion l'aigle rappelle des souvenirs dangereux le coq de nos basses-cours est bien commun et ne pourra prêter aux métaphores de la diplomatie. A vrai dire, il faut qu'une telle chose soit antique. Or, comment bâtir une vieille maison ?

Je propose pour armoiries à la France le chiffre 29. Cela est original, vrai et la grande journée du 29 juillet a déjà ce vernis d'héroïsme antique qui repousse la plaisanterie.

OLAGNIER,

de Voiron (Isère).



TABLE

DU TOME 1

POLITIQUE

SUR LE GÉNÉRAL MOREAU (1804). 1 CONSTITUTION VOULUE PAR LE PEUPLE (1810) 13 LETTRES SUR LA CONSTITUTION (1814). 31 PENSÉES SUR LA CONSTITUTION (1814). 45 LA RESTAURATION EN PIÉMONT (1815). 55 PROJET DE LOI É LECTORALE (1814-1815). 63 PROJET D'UN COLLÈGE DES PAIRS (18141817). 71 SUR NAPOLÉON (1815-1817). 97 M. DE TALLEYRAND (1838). 107 PROPOSITIONS DE LOI SUR LE DUEL (1816) 119 PROPOSITIONS DE LOIS SUR LA PRESSE ET LES DÉCORATIONS (1317). 131 A MESSIEURS LES DÉPUTÉS (1820). 139 LA FRANCE EN 1821. 147 PROTESTATIONS D'UN BOUQUINISTE (1822).. 165 LES GRANDS SEIGNEURS (1824). 175 TABLEAU POLITIQUE DE LA FRANCE (1824). 183 A MESSIEURS LES ÉTUDIANTS (1825). 193 NOUVELLES POLITIQUES (1825). 199 LES JUGES DU BON TON (1825) 207 CANDIDATURE A UNE PRÉFECTURE (1830). 215 DES ARMOIRIES POUR LA FRANCE (1830). 227